person:pr claude béraud

  • Les maladies imaginaires, par Françoise Simpère
    http://fsimpere.over-blog.com/article-les-maladies-imaginaires-suite-121218704.html

    Mais alors, si tant de médicaments sont inutiles, comment améliorer la santé ?

    La réponse est apportée par le Pr Claude Béraud, professeur honoraire à l’université de Bordeaux, ancien médecin-conseil national de l’Assurance-maladie, qui préface le livre de Thierry Souccar :

    La #pauvreté est un facteur de risque majeur : elle raccourcit l’espérance de #vie et rend compte d’une grande partie des morts prématurées avant 65 ans. La lutte contre la pauvreté est la clé de l’efficacité d’une #politique de #santé publique car elle est la condition de l’amélioration de la qualité du logement, de l’hygiène, du chauffage, de l’éducation.

  • « La médicalisation de la santé et du mal-être » (III) : « Les malades sans maladie ». Par le Pr Claude Béraud
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/05/20/la-medicalisation-de-la-sante-et-du-mal-etre-iii-les-

    Seconde stratégie : L’invention d’une maladie.

    Dans le domaine des affections digestives, l’invention d’une maladie fut d’une incroyable fréquence dans les décennies 60-70, durant lesquelles on comptait par exemple chaque année en France plus de 200.000 interventions chirurgicales pour « appendicite chronique ».

    Des douleurs abdominales passagères qui duraient quelques heures, sans fièvre ni vomissements, mais qui réapparaissaient plusieurs fois par ans chez des enfants ou des adolescents, souvent à l’occasion d’un examen ou d’un contrôle scolaire, caractérisaient cette pathologie. L’intervention pour cette affection chronique était effectuée ‘à froid’, de préférence durant les vacances, afin d’éviter une interruption scolaire. Personne n’a jamais fait la preuve de la réalité de cette maladie, qui était à l’origine des trois quarts des appendicectomies. A cette époque, on comptait en France 250.000 appendicectomies par an, alors qu’en Grande Bretagne, 60.000 étaient réalisées pour une appendicite aigue. Les suites chirurgicales étaient habituellement favorables. Durant quelques mois ou années les douleurs disparaissaient, mais réapparaissaient plus tard. On parlait alors volontiers de « colite spasmodique » ou de « côlon irritable », autres maladies inventées par les spécialistes des maladies digestives.

    Rappelons-nous aussi « les crises de foie », la petite insuffisance hépatique et les cholécystites chroniques pour le traitement desquelles des dizaines de médicaments sans aucune efficacité démontrée furent commercialisées, prescrits pour une maladie fictive et longtemps remboursés par l’assurance maladie. Pour tous ces troubles digestifs, des dizaines de milliers de Français suivirent et suivent encore, durant des années, des cures thermales. Ainsi, l’invention de ces maladies du foie contribua au développement du thermalisme, dont l’efficacité psychologique était d’autant plus remarquable que les cures dans des villes agréables étaient partiellement prises en charge par l’assurance maladie.

    C’est dans la France des années 70 que fut inventée la spasmophilie. Cette maladie atteignit des centaines de milliers de jeunes femmes, fut traitée par des millions de prescriptions de sels de magnésium, suscita la rédaction de dizaines de livres et de milliers d’articles dans les magazines. Inventée par des universitaires pour expliquer une multitude de troubles considérés au début du siècle comme de nature hystérique, elle a disparu depuis une dizaine d’années.

    Aujourd’hui, c’est dans le domaine psychiatrique que sont inventées des maladies, à la fois pour mettre un nom sur des symptômes et pour faciliter la vente de nombreux médicaments.

    La tristesse était un sentiment répandu qui a disparu, car il a été remplacé par le diagnostic d’état dépressif, qui justifie durant des semaines ou des mois la prescription de médicaments antidépresseurs, dont on sait pourtant par de multiples expérimentations qu’ils n’ont aucun effet pharmacologique favorable chez ces sujets qui sont tristes parce qu’atteints par les vicissitudes de la vie. Au contraire, ces médicaments les exposent probablement à des risques de suicide, non pour des raisons pharmacologiques, mais parce qu’en remplaçant par des médicaments le soutien humain - seule thérapeutique efficace -, en complément du temps dont ils ont besoin pour surmonter les aléas de la vie, ces prescriptions aggravent la souffrance de ces patients.

    Éprouver une difficulté à partager une activité communautaire ou familiale pouvait passer autrefois pour de la timidité ; aujourd‘hui, le diagnostic est celui d’anxiété sociale, nouvelle affection inscrite au catalogue des maladies, qui conduit naturellement à la prescription d’anxiolytiques.

    Au milieu de la décennie 1980, des dizaines de milliers de cas d’une affection intitulée « Troubles de la personnalité multiple » fut inventée par les psychiatres américains pour expliquer les propos de certains patients. En 1994, en raison des doutes sur la véracité des discours des psychiatres et des patients, cette catégorie de troubles fut supprimée du manuel DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).

    • Certains professionnels des soins ont des aptitudes à la relation et comprennent dès le début de leur exercice professionnel que la qualité des résultats médicaux, mais aussi du bien-être de leurs patients, dépend de leur compétence scientifique, du respect des normes et des procédures scientifiques, mais est également et étroitement liée à leur qualité d’accueil, de compréhension et de partage, au respect des désirs des patients, « au goût des autres ». D’autres ne découvriront jamais cette dimension de leur métier.

      Pour soigner, il est indispensable de ne pas agir en fonction de nos préférences liées à notre éducation et à notre origine sociale, à notre culture médicale, mais de respecter les patients en partageant avec eux nos connaissances et en respectant leur choix.

      Encore aujourd’hui pour la majorité des professionnels, c’est seulement de la qualité scientifique de leurs diagnostics et de leurs prescriptions que dépend l’avenir des malades, leur satisfaction et le résultat final des thérapeutiques prescrites.

    • Ces patients ne souffrent pas d’une maladie, mais de mal-être. Leur corps est sain mais ne fonctionne pas aussi bien qu’ils le souhaiteraient ; leur âme, elle, est malade. Leurs symptômes sont liés aux difficultés relationnelles, aux contraintes, aux frustrations de la vie quotidienne, aux deuils répétés nés de l’échec de leurs projets, à la vieillesse, à leurs problèmes économiques, professionnels, affectifs, sociaux, mais également à des modes de vie, à des erreurs alimentaires, à une surcharge professionnelle ou au chômage.

      La médicalisation de cette souffrance par des prescriptions diagnostiques ou pharmacologiques est, pour de nombreux médecins, notamment les spécialistes qui disposent de nombreux outils techniques d’exploration des organes (cœur, rein, poumon, tube digestif, appareil locomoteur, urinaire et génital), la seule solution capable d’améliorer l’état de santé de ces patients. Elle induit une attitude passive du sujet, qui n’est pas invité par son médecin à analyser les mécanismes psychologiques et les causes existentielles des symptômes parfois douloureux et gênants lorsqu’ils se reproduisent souvent.

    • Contrairement à une idée largement répandue, les médecins sont assez nombreux en France pour avoir le temps de prendre soin des malades, de les conseiller, de les rassurer, de les aider à vivre avec leurs malaises ou avec leurs maladies ; mais ils n’ont pas la possibilité de déléguer à des collaborateurs administratifs toutes leurs activités administratives et à des personnels infirmiers la plupart des activités de surveillance des malades atteints d’affections chroniques, qui constituent plus de la moitié de leur clientèle. Faut-il ajouter qu’ils seraient davantage disponibles pour les malades et beaucoup plus efficaces s’ils acceptaient non seulement de déléguer une grande partie de leurs activités médicales, mais aussi de travailler dans des ensembles intégrant à la fois les soins ambulatoires primaires et spécialisés, les soins hospitaliers et disposant pour chaque patient d’un dossier médical informatisé ?

  • La médicalisation de la #santé et du mal-être (II). Par le Pr Claude Béraud
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/05/19/la-medicalisation-de-la-sante-et-du-mal-etre-ii-par-l

    Lorsqu’un sujet de plus de cinquante ans - en parfaite santé apparente, dont l’alimentation est équilibrée, qui ne fume pas, boit modérément de l’alcool (donc réduit de 30% le risque de mourir d’une pathologie cardiaque sans accroître les risques de mourir d’une autre cause) et exerce régulièrement une activité physique - entre dans le système de soins, le risque d’en sortir malade est probablement supérieur aux bénéfices qu’il escompte de sa démarche.