person:thomas bernhard

  • Nouvelle rubrique sur Oeuvres ouvertes, Carnets d’écriture.

    Numéro 1 :

    Lieu et date : Vienne, café Engländer, 29/07/2010
    Contexte : j’ai écrit plusieurs articles dans la Quinzaine littéraire sur les livres de Werner Kofler parus en France, son traducteur Bernard Banoun me communique le mail d’une amie viennoise de l’écrivain qui l’autorisera à me donner son numéro de téléphone pour que je l’appelle une fois sur place. Il s’est passé un curieux phénomène une heure avant la rencontre : sur le Graben, j’ai croisé un sosie de Thomas Bernhard. Après les deux heures passées avec Kofler, j’ai pris ces quelques notes dans le carnet dont je me servais alors. Photo de l’auteur prise lors de la rencontre.
    Carnet : acheté à la librairie Osiander à Tübingen. Environ une centaine de pages, papier épais, feuilles blanches.
    Actualité éditoriale : on signale la parution récente des Œuvres complètes dont Kofler me parle lors de notre discussion.

    Voir la suite ici http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article4111

  • « L’époque est toujours affreuse, et la vie ou l’existence est toujours une vie ou une existence affreuse, qu’il faut affronter, braver, traverser jusqu’au bout, mais l’époque actuelle est pour moi la plus repoussante, la plus impitoyable que le monde ait jamais expérimentée, et l’Autriche en constitue a tout instant la preuve la plus éclatante. Se réveiller en Autriche revient à entrer dans une atmosphère étouffante faite d’hostilité aux choses intellectuelles et d’insensibilité grossière, de stupidité et de vilenie. Être obligé de voir comment cet affairement primitif détruit la surface du pays (l’Autriche), et comment le pays est corrompu en profondeur par ce même affairement (de ceux qui y détiennent le pouvoir) - cela ne peut que provoquer l’effroi. Les gouvernements que nous avons eus au cours des dernières décennies étaient prêts à tous les crimes contre cette Autriche, et d’ailleurs ils ont commis à l’encontre de cette Autriche tous les crimes imaginables (...). Les petits-bourgeois brutaux et sans scrupule, qui au cours des décennies écoulées ont aisément gravi l’échelle de l’hypocrisie dans ce pays, jusqu’à investir le Parlement et la Chancellerie et tous les palais du pouvoir, ont eu la partie facile avec ce peuple d’humeur égale et à qui tout est égal. Le Parlement de l’Autriche d’aujourd’hui est un champ de foire clinquant, dispendieux et terriblement dangereux, établi sur le terreau politique le plus abject, tandis que le gouvernement n’est, de même, qu’une charlatanerie tout aussi ruineuse. Lorsque le grand rideau de l’Etat se lève, nous n’assistons, chaque jour qui passe en Autriche (c’est-à-dire aussi le jour de la fête nationale), qu’à un spectacle de marionnettes. Et si nous regardons de plus près nous voyons ce que nous avons toujours vu : les marionnettes sont le peuple, faible d’esprit et incorrigible, tandis que ceux qui les manipulent (ceux qui tirent les ficelles) sont les gouvernants, qui se jouent de la bêtise du peuple. »

    Thomas Bernhard, À l’occasion de la fête nationale autrichienne 1977, traduction Daniel Mirsky

  • « Der Pegel des Stumpfsinns steigt », écrit Thomas Bernhard. « L’échelle de la débilité augmente ». « Stupidité » pour « Stumpfsinn » me paraît faible, surtout dans la bouche de Bernhard qui l’emploie assez souvent, aussi l’adjectif « stumpfsinnig ».

    « L’échelle de la débilité augmente » signifie qu’elle prend une ampleur chaque jour nouvelle et qu’elle s’étend à des domaines et des niveaux où elle n’existait pas ou en tout cas ne se montrait pas. Au sommet de l’Etat par exemple. La débilité qui consiste à dire tout et son contraire chez Macron et ses laquais. La débilité extrême de plus en plus de dirigeants comme Trump s’inscrit dans un processus global – un changement de civilisation ? – où les gens veulent bien être dirigés mais de préférence par des débiles mentaux qui soi-disant leur ressembleraient, se produit ce qu’on pourrait appeler une débilisation du monde et des esprits du bas jusqu’en haut de la société, l’échelle de la débilité est en train de se confondre avec l’échelle sociale, il faut que tout le monde soit plus ou moins débile, c’est-à-dire membre des réseaux mondiaux qui sont les voies de communication et d’expression de la débilité individuelle et collective –, si tu n’es pas débile – comme chanteur, écrivain, intellectuel, politicien, journaliste, etc. – alors tu n’es tout simplement pas crédible, et donc tu n’existes pas, plus tu es débile, plus tu progresses dans l’échelle sociale (des débiles), plus tu montes vers le sommet où trône l’empereur des débiles. Il y a une offensive générale de la débilité absolue contre toute forme de raisonnement et de vérité qui pourrait être le fruit d’une réflexion longue et construite (d’où le programme de destruction de l’université et des instituts de recherche « à l’ancienne », c’est-à-dire d’avant le règne de la débilité). Le débile assène débilité après débilité, la rapidité de son expression est essentielle, d’où l’existence des chaînes dites d’information qui n’ont qu’une seule raison d’être, celle d’alimenter en permanence les cervelles disponibles en débilités nouvelles et donc excitantes, génératrices de nouvelles débilités, etc. Il faut quand même préciser que les maîtres de la débilité moderne sont en majorité au sommet de l’échelle sociale-débile, l’échelle de la débilité monte (c’est aussi comme ça qu’on peut traduire le verbe steigen utilisé par Bernhard), il semble que la débilité soit avant tout l’arme de puissants leur servant à maîtriser et écraser les faibles, d’où le fait que les puissants seront de mieux en mieux formés en matière de débilité, toujours plus rapides, toujours plus performants, et plus personne de disons normal ou non-formé (mais est-ce que cela existe encore après un siècle de mass-médias et une accélération due aux réseaux dits sociaux et aux chaînes dites d’information, j’ai des doutes) ne pourra plus concourir avec eux, ils seront les maîtres du monde pour l’éternité, une éternité de débilité toujours croissante.

  • http://www.desordre.net/bloc/vie/reprise/2018/201812.htm

    Un extrait de Ja de Thomas Bernhard, un extrait de Barbe bleue de Georges Mélies, Shoot de Chris Burden, le Rosebud d’Orson Welles, les grands boulevards à Paris filmés depuis un bus en 1913, L’Etreinte d’Adrien Genoudet, Hard Eight de Paul Thomas Anderson, Le Temps des arbres de François-Xavier Drouet, Perdre le Nord avec Hamsih Fulton, un piano qui prend cher, L’Insoutenable Effervescence du fantôme de JLG, Premières Solitudes de Claire Simon, les vingt ans de l’Atelier du Tampon, le fameux mouvement de zoom dans l’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville tel qu’il est décrit et décortiqué par Grégoire Bouillier dans Le Dossier M., L’Esprit de la ruche de Victor Erice, Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer, Théo Girard et Les Pensées rotatives, Nina dans le Désordre, Eve Risser et Naïny Diabeté, Orsay contre le PUC, Sarah Murcia joue My Favorite Things, la visite des expositions d’Egon Schiele, Jean-Michel Basquiat et Tomas Saraceno, de la musique, Leto de Kirill Serebrennikov, dont je ne pense pas grand-chose, Shimmer Lake d’Oren Uziel dont je pense le plus grand bien, Une Affaire de famille de Hirokazu Kore-eda qui m’a fait pleurer de bonheur, une collaboration avec B., céramiste, Pupille de Jeanne Herry dont je pense le plus grand mal et un banquet végétarien, préparé par Zoé et moi, avant qu’il ne soit dévoré par personnes qui mangent de la viande.

    Un mois de décembre 2018, bien rempli. La Vie, quoi.

    • Merci pour tout ce travail :-)
      C’est bien de nous rappeller les prises de position de Thomas Bernhard au moment où Claus Peymann vient de laisser sa place de directeur du théâtre de Brecht Berliner Ensemble .

      Il nous faut ranimer le discours critique de la bourgeoisie sur la scène théâtrale et les grands théâtres en tant que tels. A Berlin il se passe le contraire. Au Kurfürstendamm deux théâtres populaires des années 1920 disparaissent au profit d’un centre commercial, le successeur de Peymann augmente le prix de l’abonnement de 100% et la mafial néolibérale chasse le directeur de la Volksbühne Frank Castorf et ses acteurs pour y installer un homme sans relation aucune à la ville et ses traditions théâtrales qui vient de se faire la malle après moins d’un an.

      Tout s’écroule alors la voie est libre pour un nouveau couple Bernhard/Peymann cette fois à Berlin au lieu de Vienne.
      Les hommes et femmes de la génération de nos parents et grand-parents s’en vont. Il est à nous de trouver de dignes successeurs.

      Claus Peymann über Thomas Bernhard (28 minutes)
      https://www.youtube.com/watch?v=xiBvkQqzTrs

      Claus Peymann kauft sich eine Hose und geht mit mir essen
      https://de.wikipedia.org/wiki/Claus_Peymann_kauft_sich_eine_Hose_und_geht_mit_mir_essen

      Claus Peymann kauft sich eine Hose und geht mit mir essen ist ein Dramolett des österreichischen Schriftstellers Thomas Bernhard und gleichzeitig Titel der 1990 beim Suhrkamp-Verlag erschienenen Buchausgabe, in der die eine Trilogie bildenden Dramolette Claus Peymann verlässt Bochum und geht als Burgtheaterdirektor nach Wien, Claus Peymann kauft sich eine Hose und geht mit mir essen und Claus Peymann und Hermann Beil auf der Sulzwiese zusammengefasst sind. Die drei Einakter waren ursprünglich nicht zur Aufführung bestimmt, aber das erste Dramolett (über den Umzug nach Wien) wurde schon 1986 zum Abschiedsfest Peymanns in Bochum in der Inszenierung von Hermann Beil uraufgeführt.

      #Allemagne #littérature #théâtre #Berlin #Vienne #Bochum

  • http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/04/29/frustration-et-terrorisme-nos-croyances-sexuelles-nous-massacrent_5292137_44

    Notre culture se coltine donc deux conceptions ultra-limitantes du plaisir charnel : 1) la sexualité est incontournable, 2) dans sa version légitime, elle exclut 99 % des possibilités érotiques. Cette sexualité authentique se fiche des massages, tolère vaguement les fellations, méprise les sextos, néglige les conversations enflammées, considère les attouchements comme de simples amuse-bouches. Elle renvoie les douches prises ensemble, les masturbations partagées, à du sexe incomplet.

    Et sinon la semaine dernière, dans les Cévennes je lisais Alpha-mâle de Mélanie Gourarier, une anthropologue qui a étudié la Communauté de la séduction masculine (à vrai dire ça chanqeait un peu de mes habituelles lectures cévenoles, Thomas Bernhard en tête), et c’est assez passionnant il faut dire ce qui est, je n’aurais pas cru vu le sujet, bougrement instructif, même si, cela ne remonte pas bien le moral. En tout cas j’ai appris plein de choses, je crois que c’était la première fois que je lisais de l’anthropologie, ben ça envoie.

  • Dominique a changé
    De percussionniste italien
    Le nouveau joue comme un métronome

    En fait le nouveau percussionniste
    Joue comme la pendule
    Francomtoise de ma chambre !

    Je dépose Zoé au théâtre
    Elle se moque de moi et mime
    Mon interview sur France Culture

    Zoé
    Le théâtre
    C’est dans dix minutes

    A l’État-Civil
    J’ai une côté inaltérable
    Avec la préposée bulgare

    Elle me fait des photocopies à l’œil
    Me dépanne d’une enveloppe
    J’enchaîne avec la poste

    En chemin pour retrouver Clément
    Je suis hélé par Hélène
    Je lui annonce que Raffut sort en mai !

    On parle
    Choix iconographiques
    (Difficulté des)

    Je croise une anthropologue
    De ma connaissance pas vue depuis un mois
    Je me serais presque inquiété, elle sourit !

    Et, décidément
    Baptiste aussi au BDP
    On parle de Tall man

    Limite Baptiste me commanderait une chanson
    Limite je dirais oui, genre le gars
    Qui a déjà joué de la guitare à Beaubourg

    Je me fais
    Des raviolis
    Sur le pouce

    Raviolis
    Huile d’olive
    Sel

    Émile rentre
    Chose promise
    Chose due

    Nous partons pour l’aquarium
    Émile vibre d’un plaisir inhabituel
    Il est à la recherche de souvenirs d’enfance

    Il s’inquiète presque
    Du réaménagement
    De l’aquarium de l’escalier

    Précision
    De ses souvenirs
    Visuels

    Nous commençons par les crocodiles
    Comme quand j’étais petit
    Précise-t-il

    L’immobilité des trois crocos
    N’est plus source de questions
    Parfaitement comprise et crainte par lui

    Puis, pour la première fois
    Je profite du nouvel affichage
    Pour lui montrer son principe

    Pour la première fois
    Il fait de cette visite
    L’occasion des questions

    Véliféra
    Xipho
    Cochonius

    Pléco
    Ancistrus
    Corydoras

    Dénisonii
    Botia
    Cichildés

    Tétras
    Silures
    Perches

    Scalaires
    Discus
    Une très grosse crevette

    Poisson-chat
    Poisson chirurgien
    Poisson clown

    Balanto
    Mélano
    Colisa

    Rascasses volantes
    Murène
    Piranhas

    Paracheirodon
    Cyprinidés
    Rasbora

    Hemigrammus
    Lebiasinidés
    Feu de position

    Aphyocharax rubripinnis
    Prionobrama filigera
    Popomdetta furcata

    Ancistrus
    Plecostomus
    Rineloricaria parva

    Raies
    Esturgeons
    Poisson-licorne

    Je note
    Des noms de poissons
    Sur mon téléphone de poche

    Sur le chemin du retour
    On passe par la pâtisserie orientale
    Émile se fait gâter par la pâtissière

    J’ai rendez-vous
    Avec la merveilleuse
    Orthophoniste des enfants

    Elle me donne des conseils
    D’accessibilité pour dyslexiques
    Contraires aux usages typographiques !

    Pour un ou une dyslexique
    Limite Comic Sans
    Ce serait le fin du fin

    Thomas Bernhard
    Serait le cauchemar
    D’un dyslexique autrichien !

    Aérer
    Dit-elle
    À qui a écrit Une Fuite

    J’ai aussi rendez-vous
    Avec Sophie pour une soupe-ciné
    Phantom Thread de Paul Thomas Anderson

    Méfiante envers la soupe
    Méfiante envers les perles du Japon
    Méfiante envers mon choix de film

    Elle ne commente pas la soupe
    Elle dit pis que pendre des perles
    Elle est surprise (en bien) par le film

    Paul Thomas Anderson
    Virtuose du récit
    Qui prend son temps

    Paul Thomas Anderson
    Virtuose de l’invisible
    L’invisible au cinéma !

    On discute en marchant
    On marche en discutant
    On tourne un peu en rond

    Il est tard
    Je trouve le mot de Sarah
    Qui me dit le devoir de se lever tôt, trop tard

    Sarah, cet amour de jeune femme
    Tu ne peux pas être vraiment
    Ma fille ? Si ?

    #mon_oiseau_bleu

    • À Salzbourg j’ai croisé mon ancien professeur de religion,
      qui m’a dit droit dans les yeux
      que mes livres
      et tout ce que j’avais pu écrire jusqu’à présent
      étaient du rebut,
      mais qu’aujourd’hui on pouvait publier n’importe quel rebut,
      à une époque comme la nôtre,
      qui était fondamentalement ordurière,
      sous le Troisième Reich, disait-il,
      je n’aurais pu faire publier aucun de mes livres,
      et il souligna que j’étais un salopard,
      un chien hypocrite,
      puis il mordit dans son sandwich au saucisson,
      arrangea sa soutane en tirant dessus des deux mains,
      se leva et partit.
      C’est un nazi.

  • Heidegger, théoricien et acteur de l’extermination des juifs ?
    http://theconversation.com/heidegger-theoricien-et-acteur-de-lextermination-des-juifs-86334

    Longtemps, le nazisme et l’antisémitisme de Heidegger ont été discutés ; on a vu en lui un « nazi très ordinaire » (Barbara Cassin et Alain Badiou), un antisémite « banal » (Jean‑Luc Nancy), tout en exaltant sa philosophie : le « plus grand philosophe du XXe siècle » est même considéré comme « le roi secret de la pensée » (Hannah Arendt). Son rectorat n’aurait été qu’une expérience temporaire, de dix mois, dont il aurait été déçu, comme jadis Platon à Syracuse. Après quoi, dès 1934, dans son chalet de la Forêt noire, il se serait adonné à méditer des poètes allemands et des philosophes grecs. Il déroule du moins ce récit devant la commission qui décide après la guerre de suspendre son enseignement. Ne pas s’en tenir à cette version des faits, ce serait se « blottir » dans le « politiquement correct » selon Nancy (« Heidegger, philosophe incorrect », Libération, 12 octobre 2017).

    Cependant, ces opinions généreuses sont à présent périmées et récusées par deux séries convergentes de faits nouveaux : d’une part, les nouvelles publications programmées par Heidegger et notamment les Cahiers noirs, dont quatre tomes sont parus depuis 2014 ; d’autre part, les découvertes récentes et encore inédites de Miriam Wildenauer dans les archives du Reich. Les nouvelles publications établissent de façon désormais indiscutable le caractère exterminateur de l’antisémitisme heideggérien, alors que les archives attestent de sa participation active au premier cercle de la politique d’extermination.

  • Je visite une exposition avec Pierre
    Un artiste dont le nom ne me dit rien
    Ce sont des œuvres majeures

    À l’autoradio ce matin
    On s’extasie de la reprise
    De la croissance française

    C’est un 1,8%
    Au lieu de 1,7% attendu
    Extase de la speakerine

    Ce n’est pas très beau
    Un orgasme
    Économique

    Si j’étais dictateur
    J’interdirais les téléviseurs
    Dans les cafés

    Si j’étais dictateur
    J’interdirais les téléphones
    De poche

    Si j’étais dictateur
    J’interdirais les plans de sauvegarde
    De l’emploi

    Si j’étais dictateur
    On ne pourrait pas aller
    Comme un vendredi ou comme un lundi

    Si j’étais dictateur
    Le travail salarié
    Serait facultatif

    Mais alors quelle sorte
    De dictateur
    Je serais ?

    Pendant qu’on enterre Phil
    Je suis en réunion
    Et ça barde

    De la terrasse du café à Montreuil
    Au loin je vois passer Sylvain
    Qui hier soir jouait à Nanterre

    Je retrouve ma grande Sarah
    Dans le temple de consommation
    Elle me fait rire, elle est tellement belle

    Sarah aux caisses : ? je te surveille
    Moi (ironique) : ? ah zut j’ai oublié de payer cela
    Sarah : ? mais comment tu fais ? je te surveillais

    Je dépose Zoé au théâtre
    Elle imite sa prof d’histoire-géo
    Zoé, le théâtre c’est dans dix minutes

    En rangeant les courses
    Découverte et quelle
    De Garth Knox

    Quand j’y pense
    Cette semaine
    Deux concerts exceptionnels

    Vous êtes Philippe De Jonckheere ?
    Oui, je vois que je ressemble à ma photo
    J’ai beaucoup ri avec Une fuite en Égypte

     ? J’ai beaucoup ri avec Une fuite en Égypte
     ? Surtout la scène de la morgue ?
     ? Surtout la scène de la morgue !

    Ça vous dirait d’être
    Libraire d’un soir
    Et moi, pas la moindre gêne, oui !

    Et donc si je devais
    Être le libraire d’un soir à Charybde
    Mes sept livres fétiches ?

    Les Américains, I remember, Oui,
    Mon année dans la baie de personne
    Here, les Onze, les voix sous la cendre

    Robert Frank, Joe Brainard, Thomas Bernhard
    Peter Handke
    Richard Mc Guire, Pierre Michon, Zalmen Gradowski

    Je peine
    À écrire
    Trois lignes : au lit !

    #mon_oiseau_bleu

  • Précipités dans une fosse
    Pleine de chiens-squelettes
    Les enfants et moi nous faisons dévorer

    De bon matin, je travaille aux Fantômes
    Ecrivant à propos de Larry Coryell
    Je me souviens de Three Or Four Shades Of Blues

    http://www.desordre.net/musique/mingus/mp3

    Mingus
    Café
    Travaille !

    Travaillant aux Fantômes
    Nana Vasconcelos
    Tu me feras deux heures de berimbau

    Je passe de Mingus
    A la serpillère
    D’Egberto Gismonti

    Oui, on peut difficilement
    Ecrire
    La wassingue de Gismonti !

    Quand on joue au jeu
    Des je me souviens
    Incroyable ce qui remonte

    Une conversation téléphonique de cinq minutes
    Avec Irène Lindon, éditrice de Minuit
    Et ce sont deux pages qui affleurent

    Minuit, bonjour !
    Avait répondu la préposée
    Au téléphone

    Ceci dit le croisement de cinq minutes
    Avec Pacôme Thiellement au Kosmos
    Et de sont aussi deux pages d’enjeux souterrains

    De même la sombre histoire
    De la construction d’une bibliothèque
    Avec Daniel qui m’avait fait passer pour soiffard

    Samedi matin
    Café free jazz écrire
    On devrait toujours être samedi

    Longue, interminable même, discussion
    Avec Julia, dont je mesure la brillante intelligence
    Même si un calcul de pourcentage la met souvent en défaut

    Brève conversation téléphonique
    Avec B. qui nous replonge tous les deux
    Dans la vie à bord du Redoutable

    Je rejoins Mathieu et Adrien
    A L’Industrie , par égard pour Adrien
    Nous sautons rapidement l’introduction ovale

    Echange remarquable d’intelligence
    De part et d’autre à propos de l’Étreinte
    Et des cinq belles séquences filmées d’Adrien

    Le conseil de Mathieu
    Auquel j’adhère
    N’en faisons pas de trop

    Mathieu et moi
    Rions à propos du fauteuil
    À oreilles, Adrien, pas sûr

    Limite, retour
    Aux fondamentaux
    L’ovalie revient

    Mathieu et Adrien filent
    À leur dîner respectif
    Et moi au mien, une soupe froide

    Le soir
    Je remarque
    Que je suis lourd à l’encre

    Attendons
    Demain
    Matin

    La moitié de Ma Mère
    De Christophe Honoré
    Pas le meilleur des somnifères

    #mon_oiseau_bleu

  • Vers cinq heures
    Je me réveille déconfit
    Je ne rêve de rien

    À six heures,
    Je me réveille heureux
    Un rêve complexe

    Mon retour de Hongrie est retardé
    Dans un film documentaire les autistes débarquent
    Et parlent, doublés par la voix de Deleuze

    Après avoir noté mon rêve
    Je reçois un mail de mon amie J.
    Psychanalyste de la réserve sanitaire à Barcelone

    Pour la divertir
    Je lui envoie le récit
    De certains de mes rêves

    À l’arrêt de bus une femme reprend aujourd’hui
    Et trouve de l’incongru dans son sac
    S’en énerve et jette plein de choses à la poubelle

    Pincement au cœur
    Quand la voix de robot
    Annonce son arrêt de bus

    Sur le chemin du bureau
    En fait, j’ai perdu
    Toutes mes illusions dernièrement

    En fait j’ai perdu
    Toutes mes illusions
    Toutes d’un coup

    Mon identifiant
    Pour les téléchargements pas tous licites
    Jean Bave

    Terrorisme :
    « les psychiatres n’ont pas vocation
    à collaborer avec le ministère de l’intérieur »

    Le plaidoyer du Pape François
    Pour l’intégration
    Des réfugiés et des migrants

    J’avais fini par accepter la fin de l’été
    Il fait de nouveau beau, ça me donne du regret
    J’avais fini par accepter son départ, je l’ai revue …

    Ma dyslexie créative
    Attentat de Catalogne
    Devient attentat de Cologne

    L’Imam de Cologne est soupçonné
    D’avoir radicalisé des fidèles
    Pour les attentats de Catalogne

    L’Imam de Cologne
    Est passé par
    La Belgique


    Mille fictions de roman d’espionnage
    Eclosent dans ma tête dyslexique
    Avant d’éclater comme des bulles de savon

    Catalogne
    Pas
    Cologne !

    Catalunia
    Nicht
    Köln !

    Et tout d’un coup je me rends compte
    Que cela fait deux nuits depuis Belle de Jour
    Que dans mes rêves il y a décalage entre son et image

    Couteaux au beurre
    Risotto aux gambas
    Par bonheur ce n’est pas moi qui régale

    Je voudrais pouvoir faire une sieste
    Pour avoir une chance
    De faire un rêve. Open space

    Tea
    Chez Cath
    With shortbreads

    J’envie Cécile
    Elle va bientôt lire
    Thomas Bernhard

    J’avais oublié combien
    Il y avait de jours
    Dans une minute. Rechute

    Je n’ai pas envie de jouer
    Just Friends en duo avec elle
    Et j’en ai assez de I Remember April , solo

    http://desordre.net/musique/jarrett_autumn_leaves.mp3

    Et déjà le début, dans la rue
    Des feuilles mortes qui crissent sous les pas
    Je sifflote Autumn leaves en pensant à elle

    Marche du soir, feuilles mortes sous les pas
    Larmes qui coulent, seul, mais pas triste
    Pourtant, les larmes, incontrôlables

    En rentrant je mets Autumn Leaves
    Pas en trio, non, en quintet avec Miles
    Disque voisin des siens

    Je n’aime pas le blues
    J’aime le jazz
    Je ferais bien de m’en souvenir

    Dors
    Si tu peux
    Rêve !

    #mon_oiseau_bleu

  • J-107 : Je ne sais pas si la sortie, cet été, de Marcher droit, tourner en rond d’Emmanuel Venet a fait beaucoup de bruit, si elle a même été remarquée, je fais une confiance sans restriction à l’incompétence crasse de la critique pour s’être aimantée à des ouvrages très secondaires avec lesquels les grandes maisons d’édition ont voulu les aveugler dans l’espoir, sans doute, de vendre du papier et de l’encre, je leur fais cette confiance donc, pour n’avoir pas remarqué l’étrangeté de ce livre, Marcher droit, tourner en rond , sa beauté et surtout l’entrée fracassante d’un narrateur autiste (Asperger) dans la littérature vieillesse comme on dit dans la littérature jeunesse, dans laquelle l’autisme est nettement moins tabou que dans le champ de la littérature vieillesse (voir Le bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon et la Preuve par sept de Georges Bayard, corpus auquel je ne désespère pas un jour de pouvoir y ajouter la Débroussailleuse ).

    Emmanuel Venet reprend le principe du monologue intérieur qui avait donné ce récit admirable de Rien , ou quelles sont toutes les pensées confuses qui traversent l’esprit d’une personne à laquelle on demande à quoi tu penses ? et qui répond la seule chose que l’on puisse répondre à une telle question : à rien. Et c’est un rien extrêmement profus et épais auquel nous sommes invités, livre qui avait la beauté de nous faire toucher du doigt l’admirable richesse de nos pensées quand on ne pense à rien. Ici le narrateur ne répond pas à une question, il assiste aux funérailles de sa grand-mère quasi centenaire, et il est révolté d’y entendre un éloge funèbre sans aucun rapport avec la véritable personnalité de la disparue qui était d’une admirable bassesse. C’est d’autant plus choquant à ses oreilles qu’atteint du syndrome d’Asperger, il entretient un rapport passionné avec la vérité et est entièrement imperméable à toutes les compromissions par lesquelles les neurotypiques de notre espèce parviennent à arrondir les angles d’une vie commune rendue tellement difficile par la mise en avant de nos intérêts divergents.

    La société, nous, ses semblables en prenons pour notre grade, à la fois pour nos compromissions dans les grandes largeurs et nos minuscules bassesses lesquelles s’amalgamant les unes aux autres finissent par créer de grands désordres :

    « on nous serine à plus grande échelle qu’il nous faut à la fois abattre les dictatures et vendre aux tyrans des armes pour équilibrer notre balance commerciale ; produire plus de voitures et diminuer les émissions de gaz d’échappement ; supprimer les fonctionnaire et améliorer le service public ; restreindre la pêche et manger plus de poisson, préserver les ressources en eau douce et saloper les aquifères au gaz de schiste »

    . comme on le constate Emmanuel Venet est très habile à se servir de l’autisme d’Asperger de son narrateur pour révéler, comme Voltaire le fait dans Micromegas , naïf auquel il faut expliquer les raisons de la guerre, l’explication n’étant pas vraiment destinée à un géant imaginaire mais bien au lecteur, à quel point nos logiques sont à la fois viciées et aveugles, et, finalement, mensongères, ce qui est ce qui heurte le plus la susceptibilité du narrateur.

    Il est par ailleurs admirable de voir qu’Emmanuel Venet évite avec bonheur l’écueil des bons sentiments et se garde bien de faire de son Micromegas autiste un saint ou, plus exactement, une manière d’omniscient ou encore de creuset de la vérité. La vérité n’existe pas, Emmanuel Venet en a pleinement conscience qui donne à voir aussi comment les rouages autistiques du narrateur produisent également des logiques avariées, fou amoureux de Sophie Sylvestre, camarade de classe au lycée et qu’il n’a pas revue depuis, mère d’un enfant atteint de mucoviscidose, il ne comprend pas comment cette ancienne camarade prend ombrage de son conseil pourtant bienveillant de recourir pour cet enfant à l’euthanasie, pour le narrateur autiste Asperger de Marcher droit, tourner en rond , toute situation, quelle qu’elle soit, peut se résoudre comme une énigme de scrabble , jeu qui le passionne et qui lui sert autant de boussole dans le monde que son autre intérêt aigu pour les catastrophes aérienne, mais seulement celles sur les lignes commerciales.

    Cet étonnant voyage au pays mal connu de l’autisme de haut niveau est par ailleurs écrit dans une langue parfaitement congruente, celle parfois ampoulée et pédante avec quelques incursions dans la plus frappante des franchises, l’autisme d’Asperger fait donc une entrée réussie dans le monde de la fiction littéraire avec une telle aisance que l’on finit par se demander si la littérature n’était pas faite pour de telles narrations, de tels narrateurs, ou encore que cette dernière s’était déjà montrée une forme fort accueillante d’autre narrateurs autistes, le narrateur du Bavard de Louis-René des Forêts ou encore les différents narrateurs de Thomas Bernhard, notamment celui du Naufragé qui voit dans son camarade Glen Gould un véritable exemple à suivre.

    #qui_ca

    • @reka Non, pas ce matin, ce week end. En fait les chroniques de Qui ça ? sont écrites au fil de l’eau, ensuite, et c’est ce qui prend le plus de temps, je les mets en forme et en ligne dans un endroit tenu secret pour le moment, selon un protocole très contraignant, et seulement quand j’en ai des petits paquets de trois ou quatre, je les copie colle dans seenthis pour les camarades.

      Dans un peu plus d’un mois maintenant, tu prendras conscience de la taille du truc et tu seras épaté, enfin je crois, j’espère. Ou pas du tout. Tu seras, et d’autres avec toi, terriblement déçu. Voir sentiment d’imposture évoqué avec @aude_v ( https://seenthis.net/messages/563253 )

    • Il y a au moins eu des critiques élogieuses dans le monde (par Chevillard) et mediapart, j’en ai vu sur quelques blogs. Ma libraire était aussi dithyrambique, mais son influence est sûrement plus limitée.
      Le gars sait écrire et le début du livre est assez drôle, mais ensuite ça vire à l’acharnement contre les femmes, ce qui rend la lecture pour le moins pénible.

      En fait, les travers de la société, c’est surtout ceux des femmes de sa famille, qui sont coupables de toutes les hypocrisies et mensonges, et qui mènent les hommes à la baguette, quand elles ne causent pas leur mort à petit feu. Il y en a bien une qui se fait battre par son compagnon, mais sa parole est mise en doute, c’est sûrement là aussi un coup tordu. Sa mère, qui est une des rares à le laisser tranquille, est elle coupable de s’en désintéresser complètement pour faire carrière. Et je ne parle pas de la façon dont leur apparence physique est décrite, car évidemment en plus elles sont laides. Il n’y a qu’auprès des hommes qu’il trouve du réconfort. Je conçois que je n’ai peut-être rien compris au livre et à l’autisme, mais ses qualités n’ont pas compensé le dégoût qu’il m’a inspiré.

    • @lyco Tout ce que tu dis là est absolument vrai. Mais aussi parfaitement raccord avec ce narrateur, et je pense que c’est une des grandes forces de ce livre que d’attendre de son lecteur qu’il comprenne que ce narrateur Asperger est à la fois capable de tendre un miroir à la société et ses compromissions et d’être dans le même temps dans un manque patent d’intelligence sociale au point donc de recommander l’euthanasie de ce pauvre garçon atteint de mucoviscidose à sa mère dont il est follement épris. Il y a là un équilibre assez parfait entre la carricature et, au contraire, la fulgurance.

      Par ailleurs les personnages masculins prennent assez cher aussi, mon père est gentil mais il ne me comprend pas du tout (limite il serait trop bête pour ça, voire limité), mes deux grands parents scientifiques étaient des gens merveilleux, ma grand-mère Viollette était une femme merveilleuse d’intelligence et de douceur, mon grandpère était un pochtron lâche, mes cousines se sont mariées avec des hommes de peu de valeur.

      Et quant à sa mère, il semble parfaitement comprendre et excuser qu’elle soit partie et qu’elle soit, ce qu’il respecte, une chercheuse scientifique reconnue.

      En fait en y réfléchissant c’ets plus trouble qu’il n’y parait.

    • Bon, comme j’ai jeté le livre je ne pourrai pas aller me refaire une idée... Comment comprends-tu alors cette épigraphe (je crois que c’est comme ça qu’on dit) de Freud faisant état de sa perplexité devant ce que veulent les femmes ?

    • @lyco Je me suis un peu posé la question, mais certainement pas avec l’acuité avec laquelle tu la poses et pas dans le même éclairage.

      Emmanuel Venet, de ce que j’en sais est psychiatre, donc on peut penser que Freud est son livre de chevet. Cette référence intervient, de mémoire, au milieu du livre quand une des tantes, pas la plus brillante, explique à son neveu Asperger que Freud n’a rien compris aux femmes, que ce qu’elles veulent tient en trois mots : « manger sans grossir ». A la fois la citation et cette grosse bêtise de la part d’une des tantes ne sont sans doute pas à prendre au premier degré, ce que fait précisément, du fait de son autisme d’Asperger, le narrateur.

      Donc peut-être est-ce une manière un peu capillotractée de la part d’Emmanuel Venet de prévenir ses lecteurs que le second degré sera de toutes les lignes de ce qui suit.

      Je dois dire cependant que tes remarques me font vaciller. Et je réalise in fine que peut-être mon enthousiasme à l’entrée d’un authentique Asperger dans le champ de la fiction littéraire m’a aveuglé au point que je n’ai pas remarqué que le reste du livre était problématique. Et que tout ceci ne peut sans doute pas être expliqué à la seule lumière de l’autisme très particulier du narrateur.

      Tu me pousses à une relecture très rapide dis-donc !

    • Oui, désolé de cette question au débotté, je voulais profiter de tes souvenirs de lecture sûrement plus récents que les miens. J’avais vu cette phrase comme une confirmation de mes impressions mais je ne me suis pas vraiment intéressé à l’autisme du narrateur ni n’ai soupçonné que le décalage qu’il induit entre sa vison des choses et ce qu’elles sont effectivement puisse faire l’objet d’une lecture à part entière, le considérant assez vite comme un simple masque derrière lequel se cache l’auteur. Quand tu dis que le narrateur prend cette remarque au premier degré alors qu’elle était vraisemblablement une blague, tu as certainement raison. Mais il me semble que l’auteur ne nous donne pas à voir cette sélection partiale faite par le narrateur, car il ne nous donne aucun autre élément. Il me semble que jamais il ne nous laisse supposer que le narrateur se trompe de voie ou qu’il ne marche pas si droit.

    • Si j’ai bien compris tu n’as pas pu ire le livre jusqu’au bout, heurtée que tu étais par la vision pas très progressiste des femmes du narrateur ? Et du coup je pense qu’effectivement, à moins de connaître un peu le syndrome d’Asperger, tu peux passer à côté de ce qui vient nettement plus tard dans le récit, le dévoilement par déclarations fracassantes (typiquement Asperger) de certaines énormités qui fait alors comprendre que la position de l’auteur par rapport à son narrateur est vraiment une position d’emprunt (ce qui est flagrant dans le conseil de recours à l’euthanasie qui est épouvantable et à la fois logiquement rigoureux).

      En revanche, je viens d’en relire quelques pages, certes certaines énormités s’expliquent par le syndrome Asperger du narrateur (et je maintiens que c’est de ce fait une narration passionnante et très juste, de ce seul point de vue), en revanche je pense que tu vois plutôt juste dans le fait qu’un fond de sexisme existe bel et bien chez l’auteur et que la caricature ne s’explique pas entièrement pas l’autisme du narrateur.

      Même si le narrateur s’en prend pas mal aussi à ses personnages masculins, il est manifeste que ce n’est pas avec la même acidité. Et sur ce point, tu as entièrement raison, et pour ma part, comme je le disais dans le commentaire précédent, j’ai été aveuglé par l’arrivée d’un narrateur autiste dans une œuvre littéraire, arrivée disons officielle, parce qu’une fois encore, je continue de penser que certains narrateurs fameux (et les auteurs, pas moins fameux qui se cachent derrière eux) présentaient déjà de très beaux mélanges d’acuité et de sévérité excessive envers leurs semblables...

    • @lyco Du coup, si tu l’as lu en entier, je ne comprends pas très bien ce qui t’a échappé de compréhension quant à la nature autistique d’Asperger du narrateur : quand il se fait rembarrer par Sophie Sylvestre dont il est amoureux depuis une trentaine d’années et qu’il n’a pas revue et qu’il lui suggère par mail de recourir à l’euthanasie de son fils atteint de mucoviscidose, on doit normalement comprendre (ou est-ce moi qui suis trop impliqué dans le bazar de l’autisme pour ne pas me rendre compte que ce ne sont pas des clefs aussi flagrantes que je veux bien le croire ?, et je dois dire que la lecture de ce passage a été l’occasion d’un éclat de rire pas très discret de ma part) que le narrateur a des logiques pour le moins autonomes.

    • Son autisme ne m’a pas échappé mais... à la fin, pour moi, il est surtout un prétexte pour sortir des énormités qui ne m’ont vite plus fait rire. Il m’a manqué quelque chose dans l’écriture qui m’aurait fait sentir qu’ici les codes sont chamboulés et qu’on peut y dire ces énormités. Là elles m’ont juste accablé. Elles n’ont pas suffi à créer la distance avec laquelle visiblement tu as réussi à lire le livre. Mais c’est peut-être que je manque un peu de subtilité et, comme tu le dis, que je ne suis pas du tout familier de cette logique particulière de l’Asperger.

  • J – 135 : Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos . En suis sorti enchanté.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’étais sous le charme à la fois des images toutes filmées avec de longues focales, et pour les plans rapprochés avec des angles de vues très surprenants, avec un fort goût pour le pan trois quart arrière qui n’est pas le plus expressif s’agissant des visages des acteurs, et pourtant, une certain nonchalance, une certaine lenteur, quelques très beaux effets de coupe au montage et ces plans qui seraient ingrats dans n’importe quel film finissent par être tout aussi évocateurs que d’autres plus face.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’ai été en de nombreuses occasions subjugué par la force de son montage, aussi bien pour les séquences entières que pour les séquences mises bout à bout, sans parler des effets de flashback et de flash forward si vifs et tellement surprenants, surtout le plan de fastforward du personnage de Jeanne, magnifiquement interprété par Judith Chemla, dont on se demande bien, au début du récit ce qu’il vient faire là, vers quelle attente est tenue cette Jeanne apparemment plus âgée. J’ai aimé particulièrement le silence de la bande-son des flashbacks qui indiquaient sans pouvoir s’y méprendre qu’ils étaient des flashbacks , j’ai aimé ces souvenirs silencieux, et, au contraire, la violence du vent dans les plans de flash forward et qui disent que le futur est un aspirateur implacable.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , où j’ai aimé l’admirable surprise de la dernière ligne qui m’a fait un peu le même effet que la dernière ligne d’Extinction de Thomas Bernhard, après six cents pages atrabilaires et pesantes comme seul Thomas Bernhard savait les écrire, c’était une manière de rayon vert, de dernier rai de lumière dans une existence que l’on aurait pensé fermée sur elle-même, non sans quelques inspirations du côté du Ruban blanc de Michael Hanecke, ce côté d’observation clinique d’un monde reclus et dans lequel la règle sert de garde-fou, et quand elle cède, ce sont des grands naufrages qui ont lieu, il y a décidément quelque chose d’autrichien dans le cinéma de Stéphane Brizet auquel je trouvais déjà des airs de Michael Hanecke dans la longueur insupportable de ses plans séquences dans la Loi du marché.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , je me suis interrogé sur la permanence du luxe des étoffes des habits de Jeanne qui ne me semblait pas raccord d’avec le reste du récit et notamment sa déchéance économique, je me suis dit que réalisateur, Stéphane Brizet aurait dû gendarmer sa ou son costumière, fut-ce au prix de l’empêcher de jouir de cet étalage de grands châles aux motifs cachemire - même si j’ai moi-même en matière d’étoffes la même prédilection - et je me suis étonné de constater à quel point un tel détail pouvait avoir une incidence aussi désastreuse presque sur un film dont le reste de bout en bout est parfaitement maîtrisé.

    Suis allé voir Une Vie de Stéphane Brizet au Kosmos , en en sortant j’avais envie de relire Une vie de Maupassant, non pas par souci de vérification ou que sais-je d’un peu comptable de la sorte vis-à-vis d’un film dont je pensais de toute manière le plus grand bien, mais de Maupassant, dans ma bibliothèque tellement désordonnée, je ne suis parvenu qu’à remettre la main sur le Horla que j’ai relu le soir et qui m’a occasionné une très belle insomnie de peur, et puis finalement, un peu de sommeil quand même mais habité de rêves très angoissants dans un univers très dix-neuvième, et je ne me félicite pas d’une telle porosité de mon inconscient.

    Exercice #56 de Henry Carroll : Prenez un portrait de groupe qui saisit l’individualité de chacun.

    #qui_ca