person:toni negri

  • « Le queer a fait son temps » (entretien avec Roswitha Scholz) - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/article-le-queer-a-fait-son-temps-entretien-avec-roswitha-scholz-11395434

    Bon yavait pas de seen dédié à cet interview, mais bon, ya pas grand chose, c’est une toute petite interview, donc ça ne dit rien vraiment du contenu (pour ça faut lire les textes).

    La théorie queer, et c’est finalement celle-ci qui s’est imposée, n’est pas pour moi une théorie féministe. Elle aboutit à ce que la question des sexes comme structure de base ne soit même plus thématisée. Le déconstructivisme cherche tout bonnement à faire échec à la désignation même de la catégorie sexuelle, dans la mesure où la théorie queer, en tant qu’elle dédramatise la problématique des sexes, va aussi à la rencontre des théories androcentriques. Tout est mélangé et, du coup, on ne va plus aller examiner de près la façon dont la catégorie du sexe structure la société.

    […]

    D’un autre côté, je n’ai pas non plus l’intention de me faire passer pour un Christ femelle qui dirait : je viens vous révéler la vérité. Il est clair qu’aujourd’hui, du côté de la gauche comme du féminisme, un point de vue prédomine complètement, qui consiste à découvrir des résistances partout, à faire passer, au fond, la moindre petite action pour de la résistance. Tout ça n’est qu’un tissu d’inepties. Il faut nier la situation dans sa totalité. C’est ce que je me permets de faire. Je n’hésite pas à proposer une critique radicale de la société et à formuler une théorie qui parte bien des principes fondamentaux.

    […]

    Au niveau de l’emploi, la chose est manifeste. Mais ce que j’ai remarqué ces derniers temps à gauche, c’est qu’il y a des congrès sur le thème « travail et crise » ou même cette fameuse « conférence sur l’idée du communisme »[5] avec Slavoj Žižek et Toni Negri, où on ne voit même plus une seule femme. Les situations problématiques que nous connaissons seraient désormais quelque chose d’objectif dont les hommes se devraient de discuter. Voilà vers quoi on se dirige. Et puis il y a aussi les congrès où de quelconques représentantes de la mouvance gender sont présentes et n’ouvrent pas la bouche. Au lieu de rester assises là à écouter ce qui se dit, cette totale déconstruction, on devrait – d’un point de vue purement pratique – faire un scandale. Il faut absolument qu’on reprenne l’habitude d’emporter des tomates avec nous.

    #Roswitha_Scholz #critique_de_la_valeur #wertkritik #dissociation-valeur #queer #genre

  • Toni Negri : « Les gilets jaunes sont à la mesure de l’écroulement de la politique » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/290119/toni-negri-les-gilets-jaunes-sont-la-mesure-de-l-ecroulement-de-la-politiq

    es gilets jaunes doivent rester un contre-pouvoir et ne surtout pas se transformer en parti politique, estime Antonio Negri. Le philosophe italien, qui vit à Paris depuis 1983, observe depuis longtemps les mouvements sociaux de par le monde. Dans Assembly, son dernier ouvrage coécrit en 2018 avec Michael Hardt (non traduit en français), il donnait un cadre philosophique aux occupations de places publiques qui ont vu le jour ces dix dernières années. Dans Empire, publié avec le même auteur en 2000, il inventait le concept de « multitude », qui prend aujourd’hui une acuité particulière avec l’actualité des gilets jaunes. Le mouvement qui a démarré en France en novembre révèle, d’après lui, une nouvelle forme de lutte qui s’appuie sur la fraternité. Entretien.

    Mediapart : Depuis une dizaine d’années, de nombreux mouvements de protestation ont émergé, en Europe et dans le monde, en dehors de tout parti ou organisation syndicale. Qu’est-ce que les gilets jaunes apportent de fondamentalement nouveau par rapport à cela ?

    Antonio Negri : Les gilets jaunes s’inscrivent dans cette mouvance que l’on observe depuis 2011 : des mouvements qui sortent des catégories droite/gauche comme Occupy Wall Street, les Indignés, ou encore le soulèvement tunisien.

    assembly
    En Italie aussi les gens se sont mobilisés, tout d’abord dans les universités avec le mouvement Onda [La Vague – ndlr], puis autour des communs avec l’opposition au TAV [la ligne ferroviaire Lyon-Turin – ndlr] ou la gestion des déchets à Naples. À chaque fois, il s’agit de luttes importantes qui ne se positionnent ni à droite ni à gauche, mais qui reposent sur une communauté locale.

    C’est quelque chose que l’on retrouve chez les gilets jaunes : il y a dans ce mouvement un sens de la communauté, la volonté de défendre ce qu’on est. Cela me fait penser à l’« économie morale de la foule » que l’historien britannique Edward Thompson avait théorisée sur la période précédant la révolution industrielle.

    Ce qu’il y a de nouveau, toutefois, avec les gilets jaunes, c’est une certaine ouverture au concept du bonheur : on est heureux d’être ensemble, on n’a pas peur parce qu’on est en germe d’une fraternité et d’une majorité.

    L’autre point important, me semble-t-il, c’est le dépassement du niveau syndical de la lutte. Le problème du coût de la vie reste central, mais le point de vue catégoriel est dépassé. Les gilets jaunes sont en recherche d’égalité autour du coût de la vie et du mode de vie. Ils ont fait émerger un discours sur la distribution de ce profit social que constituent les impôts à partir d’une revendication de départ qui était à la fois très concrète et très générale : la baisse de la taxe sur le carburant.

    S’il y avait une gauche véritable en France, elle se serait jetée sur les gilets jaunes et aurait constitué un élément insurrectionnel. Mais le passage de ce type de lutte à la transformation de la société est un processus terriblement long et parfois cruel.

    Est-on en train d’assister à l’émergence d’un nouveau corpus, alors que depuis l’écroulement du bloc communiste, les idées peinent à s’imposer pour faire face au rouleau compresseur du libéralisme ?

    De mon côté, cela fait vingt ans que je parle de « multitude » précisément pour analyser la dissolution des anciennes classes sociales. La classe ouvrière était une classe productive, liée à une temporalité et une localisation : on travaillait à l’usine et la ville marchait au rythme de l’usine. À Turin par exemple, les tramways étaient réglés sur les horaires de la journée de travail.

    Tout cela est terminé. Je ne suis pas nostalgique de cette époque, car l’usine tuait les gens. Certes, on a perdu le lien de la production, le lien de la journée de travail, le collectif. Mais aujourd’hui, on a de la coopération ; cela va plus loin que le collectif.

    La multitude, ce n’est pas une foule d’individus isolés, renfermés sur eux-mêmes et égoïstes. C’est un ensemble de singularités qui travaillent, qui peuvent être précaires, chômeurs ou retraités, mais qui sont dans la coopération.

    Il y a une dimension spatiale dans cette multitude : ce sont des singularités qui, pour exister, demandent à être en contact les unes avec les autres. Il ne s’agit pas seulement de quantité. C’est aussi la qualité des relations qui est en jeu.

    Est-ce un constat que vous faites également à propos du Mouvement Cinq Étoiles, né il y a une dizaine d’années en Italie et aujourd’hui membre du gouvernement aux côtés de la Ligue, parti d’extrême droite ?

    En effet, à l’origine des Cinq Étoiles se trouvaient des gens issus des mouvements autonomes, des luttes pour les communs, mais aussi, plus tard, de la critique des réformes constitutionnelles voulues par Matteo Renzi. C’était marqué à gauche. À la différence de la France où cela a explosé d’un coup, en Italie, tout cela s’est étalé dans le temps, les gens se sont formés petit à petit.

    Puis, avec leur habileté, le comique Beppe Grillo et Gianroberto Casaleggio [mort en 2016 – ndlr] ont commencé à faire un travail électoral sur ces mobilisations. Le pouvoir est progressivement passé du côté de ceux qui maîtrisaient les techniques politiques.

    À partir du moment où il a cherché à gouverner, sous la direction de Luigi Di Maio, le M5S s’est complètement fourvoyé. Prendre le pouvoir n’est pas révolutionnaire. Ce qui est révolutionnaire, c’est d’être en capacité de détruire le pouvoir ou, à la limite, de le réformer.

    Depuis, ce que fait le M5S au gouvernement est révoltant. Le revenu de citoyenneté universel qu’il avait promis l’an dernier pendant la campagne électorale est devenu une loi de pauvreté : le revenu n’est distribué qu’à une partie des chômeurs et il est assorti d’obligations disciplinaires. Ainsi, à la troisième offre d’emploi, le bénéficiaire est obligé de l’accepter, quelle que soit la distance à laquelle elle se trouve de son domicile.

    Les Cinq Étoiles ont été rattrapés par l’avidité, la gourmandise du pouvoir. Ils ont fait alliance avec des fascistes bien réels qui sont en même temps de profonds néolibéraux. Le fascisme est le visage politique du néolibéralisme en crise. Mais il y a une justice électorale : le M5S va perdre de nombreuses voix aux élections européennes de mai prochain.

    #Politique #Gilets_janues #Toni_Negri

    • "L’autre point important, me semble-t-il, c’est le dépassement du niveau syndical de la lutte. Le problème du coût de la vie reste central, mais le point de vue catégoriel est dépassé. Les gilets jaunes sont en recherche d’égalité autour du coût de la vie et du mode de vie. Ils ont fait émerger un discours sur la distribution de ce profit social que constituent les impôts à partir d’une revendication de départ qui était à la fois très concrète et très générale : la baisse de la taxe sur le carburant."

      [...]

      De mon côté, cela fait vingt ans que je parle de « multitude » précisément pour analyser la dissolution des anciennes classes sociales. La classe ouvrière était une classe productive, liée à une temporalité et une localisation : on travaillait à l’usine et la ville marchait au rythme de l’usine. À Turin par exemple, les tramways étaient réglés sur les horaires de la journée de travail.

      Tout cela est terminé. Je ne suis pas nostalgique de cette époque, car l’usine tuait les gens. Certes, on a perdu le lien de la production, le lien de la journée de travail, le collectif. Mais aujourd’hui, on a de la coopération ; cela va plus loin que le collectif.

      La multitude, ce n’est pas une foule d’individus isolés, renfermés sur eux-mêmes et égoïstes. C’est un ensemble de singularités qui travaillent, qui peuvent être précaires, chômeurs ou retraités, mais qui sont dans la coopération.

      Il y a une dimension spatiale dans cette multitude : ce sont des singularités qui, pour exister, demandent à être en contact les unes avec les autres. Il ne s’agit pas seulement de quantité. C’est aussi la qualité des relations qui est en jeu.

      Au fond, Macron est dans la lignée de tous les gouvernements néolibéraux en crise : ils tendent vers le fascisme. En France, les institutions sont encore suffisamment fortes pour empêcher cela, mais les méthodes et les armes de la police française sont inquiétantes. À la différence des forces de l’ordre allemandes, qui sont davantage dans la dissuasion, les policiers français sont encore sur le terrain de l’affrontement. Je l’interprète comme un élément de cette fragilisation du pouvoir.

      –- > (cf. projet de loi ’casseurs’, retour des voltigeurs, et récente perquiz chez mediapart, ndp ’note du partageur’)

      J’observe ce qu’il se passe à Commercy : c’est très intéressant d’assister à la transformation du rond-point en groupes de travail. La mutation du mouvement ne viendra pas de l’extérieur, elle viendra des acteurs eux-mêmes. Quant à savoir s’il débouchera sur un parti politique… De mon point de vue, ce serait une erreur, même si cette voie recueillait l’assentiment de la majorité.

      Ce mouvement me remplit d’espoir, car il met en place une forme de démocratie directe. Je suis convaincu depuis cinquante ans que la démocratie parlementaire est vouée à l’échec. J’écrivais déjà en 1963 un article où je critiquais l’état des partis politiques. Cela n’a fait que s’aggraver… Et cela se retrouve aujourd’hui à tous les niveaux : mairies, régions, États. Et bien sûr, Europe. L’Union européenne est devenue une caricature de l’administration démocratique.

      Prendre le pouvoir n’est pas révolutionnaire. Ce qui est révolutionnaire, c’est d’être en capacité de détruire le pouvoir ou, à la limite, de le réformer.

  • Chroniques de la couleur

    Une grosse recension de textes (et autres médias) sur les Gilets Jaunes.

    Les liens cliquables sont par là :
    http://inter-zones.org/chroniques-de-la-couleur

    –—

    Sophie Wahnich : Les gilets jaunes et 1789 : Résurgences révolutionnaires, 18 Décembre 2018

    Achille Mbembe : Pourquoi il n’y aura pas de gilets jaunes en Afrique, 18 décembre 2018

    Michalis Lianos : Une politique expérientielle – Les gilets jaunes en tant que peuple, 17 décembre 2018

    Fanny Gallot : Les femmes dans le mouvement des gilets jaunes : révolte de classe, transgression de genre, 17 décembre 2018

    Stéphane Zagdanski : Réflexions sur la question jaune, 17 décembre 2018

    Yves Pagès : Bloqueurs de tous les ronds-points, rions jaune… et ne cédons rien, 17 décembre 2018

    Alessandro Stella : Gilets jaunes et Ciompi à l’assaut des beaux quartiers, 16 décembre 2018

    Juan Chingo : Gilets jaunes : Le retour du spectre de la révolution, 16 décembre 2018

    Pierre-Yves Bulteau : À Saint-Nazaire : Je ne suis pas en lutte, je suis une lutte, 15 décembre 2018

    Florence Aubenas : Gilets jaunes : La révolte des ronds-points, 15 décembre 2018

    Sarah Kilani et Thomas Moreau : Gilets jaunes : Pour la gauche, l’antifascisme ne doit pas être une option, 15 décembre 2018

    Anonyme : Danse imbécile ! Danse ! Notes sur le mouvement en cours, 14 décembre 2018

    Jean-Baptiste Vidalou : L’écologie du mensonge à terre, 14 décembre 2018

    Toni Negri : Chroniques françaises, 14 Décembre 2018

    David Graeber : Les gilets jaunes font partie d’un mouvement révolutionnaire plus large, 14 décembre 2018

    Jérôme Ferrari : On fera de vous une classe bien sage, 13 décembre 2018

    Etienne Balibar : Gilets jaunes : Le sens du face à face, 13 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Pour une nouvelle nuit du 4 août (ou plus), 13 décembre 2018

    Andreas Malm : Ce que le mouvement des gilets jaunes nous dit du combat pour la justice climatique, 13 décembre 2018

    Collectif : Communiqué de la coordination de Saint-Lazare, 12 décembre 2018

    Michèle Riot-Sarcey : Les gilets jaunes ou l’enjeu démocratique, 12 décembre 2018

    Mathieu Rigouste : Violences policières : Il y a derrière chaque blessure une industrie qui tire des profits, 12 décembre 2018

    Leslie Kaplan : Un monde soudain devenu injustifiable aux yeux de tous, 12 décembre 2018

    Pierre Dardot et Christian Laval : Avec les gilets jaunes : Contre la représentation, pour la démocratie, 12 décembre 2018

    Jacques Rancière : Quelle égalité de la parole en démocratie ? 12 décembre 2018

    Collectif : Gilets jaunes : Une enquête pionnière sur la révolte des revenus modestes, 11 décembre 2018

    Cédric Durand et Razmig Keucheyan : Avec les gilets jaunes, pour une nouvelle hégémonie, 11 décembre 2018

    Cédric Durand : Le fond de l’air est jaune, 11 décembre 2018

    Joshua Clover : Les émeutes des ronds-points, 11 décembre 2018

    Joao Gabriell : À propos du discours de Macron du 10 décembre, 11 décembre 2018

    Femmes en lutte 93 : Acte V Gilets jaunes : La place des femmes et LGBT est dans la lutte, 10 décembre 2018

    Michelle Zancarini-Fournel : Le mouvement des gilets jaunes favorise la cohésion intergénérationnelle des milieux populaires, 10 décembre 2018

    Syllepse : Gilets jaunes : Des clefs pour comprendre, 10 décembre 2018

    Annie Ernaux : Il n’y a pas de nouveau monde, ça n’existe pas, 9 décembre 2018

    Alain Bertho : Il ne s’agit pas d’un simple mouvement social, 8 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Lettre à celles et ceux qui ne sont rien, depuis le Chiapas rebelle, 8 décembre 2018

    Raoul Vaneigem : Les raisons de la colère, 8 décembre 2018

    Laurent Mucchielli : Deux ou trois choses dont je suis presque certain à propos des gilets jaunes, 8 décembre 2018

    Les Gilets Jaunes de St Nazaire et leur Maison du Peuple, 7 décembre 2018

    Appel des gilets jaunes de Commercy à la formation d’assemblées populaires, 7 décembre 2018

    Lundimatin : Ici La Réunion ! 7 décembre 2018

    Pierre Bance : L’heure de la commune des communes a sonné ! En soutien à l’appel de Commercy, 7 décembre 2018

    Alèssi Dell’Umbria : Marseille, Debout, Soulève-toi ! 7 décembre 2018

    Eric Hazan : Paris n’est pas un acteur, mais un champ de bataille, 7 décembre 2018

    Rafik Chekkat : À Mantes-la-Jolie, domination policière et humiliation de la jeunesse, 7 décembre 2018

    Etienne Penissat et Thomas Amossé : Gilets jaunes : des automobilistes aux travailleurs subalternes, 6 décembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Une situation excellente ? 6 Décembre 2018

    Alain Bertho : Gilets jaunes : Crépuscule du parlementarisme, 6 décembre 2018

    Frédéric Gros : On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, 6 décembre 2018

    Danielle Tartakowsky : Les gilets jaunes n’ont rien de commun avec Mai 68, 6 décembre 2018

    Ballast : Gilets jaunes : Carnet d’un soulèvement, 5 décembre 2018

    Frédéric Lordon : Fin de monde ?5 décembre 2018

    Eric Toussaint : Gilets jaunes : Apprendre de l’histoire et agir dans le présent - Des propositions à ceux et celles qui luttent, 5 décembre 2018

    Grozeille, Que leur nom soit Légion : À propos des gilets jaunes, 5 décembre 2018

    Samuel Hayat : Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir, 5 décembre 2018

    Sophie Wahnich : La structure des mobilisations actuelles correspond à celle des sans-culottes, 4 décembre 2018

    Stefano Palombarini : Les gilets jaunes constituent une coalition sociale assez inédite, 4 Décembre 2018

    Édouard Louis : Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père, 4 décembre 2018

    Chantal Mouffe : Gilets jaunes : Une réaction à l’explosion des inégalités entre les super riches et les classes moyennes, 3 décembre 2018

    Yves Pagès : La façade du triomphalisme macronien ravalée à l’aérosol par quelques bons-à-rien, 3 décembre 2018

    Yannis Youlountas : Cours, gilet jaune, le vieux monde est derrière toi ! 3 décembre 2018

    Les Lettres jaunes, Bulletin de lecture quotidien des Gilets Jaunes, pour aller plus loin ! 3 décembre 2018

    Alain Bihr : Les gilets jaunes : pourquoi et comment en être ? 2 décembre 2018

    Gérard Noiriel : Pour Macron, les classes populaires n’existent pas, 2 décembre 2018

    Temps critiques : Sur le mouvement des Gilets jaunes, 1 décembre 2018

    Zadibao : Climat jaune et changement de gilet, 30 novembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Sur une ligne de crête : Notes sur le mouvement des gilets jaunes, 30 novembre 2018

    Lundimatin : Le mouvement des Gilets Jaunes à la Réunion, 29 novembre 2018

    Sophie Wahnich : Postérité et civisme révolutionnaire, 28 novembre 2018

    Le comité Adama rejoint les gilets jaunes : Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique, 27 novembre 2018

    Comité Adama : Si nous voulons changer notre destin, nous devons lutter dans la rue, 26 novembre 26

    Bruno Amable : Vers un bloc antibourgeois ? 26 novembre 2018

    Benoît Coquard : Qui sont et que veulent les gilets jaunes ? 23 novembre 2018

    Félix Boggio Éwanjé-Épée : Le gilet jaune comme signifiant flottant, 22 novembre 2018

    Anshel K. et Amos L. : Les amours jaunes, 21 novembre 2018

    Les Chroniques de La Meute, 18 novembre 2018

    Aurélien Barrau : À propos de la manif du 17 novembre, 15 novembre 2018

  • Chroniques françaises , par Toni Negri
    14 Décembre 2018

    Nous proposons ici la traduction d’une contribution rédigée par Antonio Negri au lendemain du discours d’Emmanuel Macron du 10 décembre dernier. Il s’agit d’un texte d’analyse (...) qui avance (...) des pistes de lecture intéressantes, notamment pour ce qui est des clivages classe/peuple, de l’impossibilité de médiation et de l’épuisement de la gouvernance, mais aussi de la question de la socialisation du salaire et de l’enjeu de la prolifération des foyers des luttes.

    http://www.platenqmil.com/blog/2018/12/14/chroniques-francaises

    #giletsjaunes #fédéralisme #municipalisme #macron #salaire #salaire_social #classe #peuple #multitude #médiation #représentativité #néolibéralisme #Macron #giletsjaunes #gilets_jaunes #Negri

    • Commentaire d’une camarade #intermittente : "Si Toni Negri lisait la page de la #CIP IDF, il aurait su le soir même qu’il n’y a pas d’augmentation du #SMIC et que la « prime d’activité », comme son nom l’indique, est idéologiquement très marquée (les pauvres sont des fainéants, etc)."

    • « Pas de coup de pouce, mais un revenu en hausse » dans L’iMmonde est incomplet mais pas que
      https://seenthis.net/messages/743277
      Si d’autres ont vu mieux...

      Negri, il plane grave sur le SMIC (entre autre chose), comme tous ceux qui oublient que le SMIC mensuel n’est plus le salaire minimum effectif, qu’il a été remplacé pour des millions d’actives et actifs par un SMIC horaire un temps de travail annualisé.
      En revanche lorsqu’il intègre la #prime_d'activité -aussi marquée soit-elle par le travaillisme- au #salaire social, il vise juste et à un endroit tout à fait négligé par l’analyse sociale (un aveuglement pallié par la nostalgie du CNR). Il y a pas de lecture possible de l’évolution des #droits_sociaux (au dela de l’emploi) sans partir du fait que cette prime finance en même temps (si si) des emplois et employeurs et la reproduction de la forme de travail, que c’est un rapport politique, pas juste une diversion conjoncturelle ou une anomalie à résorber. Comment fonctionne cette #individualisation du salaire social ? Quel mixte d’intégration (au modèle d’emploi, précaire et mal payé et/ou à la figure du cas’sos ; le rouage ou le déchet, telle est l’alternative offerte), de coercition (aiguillon de la faim, inséreurs, proprio, #dette) et de #punition (désocialisation, culpabilité, contrôle) présente-t-elle ?
      Je ne sais pas si ça se lit sur le site de la cip, mais on y trouve de nombreux papiers sur la nécessité de ne pas en rester à la #cotisation_sociale gagée sur la durée d’emploi et les salaires pour financer un #droit_au_chômage). On peut tout savoir du #salaire_social si on s’en tient à l’imaginaire des idéologues de la gauche formol (tel Friot qui exclue du salaire social le RSA, le minimum vieillesse, les bourses et tout droit financé par l’#impôt...), on peut continuer de se poser des questions comme certains secteurs syndicaux tout en ayant de moins en moins de prise au conflit capital travail, et puis on peut aller chercher des réponses chez les #Gilets_jaunes, dans la #grève_sociale expérimentale en cours... Les réponses de l’État sont à tout le moins un élément à prendre en compte dans un programme d’#enquête. Tout comme la réforme un instant reporté du droit aux chômage où les #chômeurs en activité à temps réduit seront en première ligne : diminuer les #allocations_chômage versée de 1,3 milliard est leur projet.

  • Grenoble. Des fachos incendient la fac, et les flics délogent les étudiants mobilisés - Anti-K
    https://www.anti-k.org/2018/04/24/grenoble-des-fachos-incendient-la-fac-et-les-flics-delogent-les-etudiants-mo

    Une nouvelle fois, la troisième en près de deux semaines, l’Université de Grenoble a été victime d’une attaque de l’extrême droite. Cette fois, le groupe a incendié les jardins d’Utopie situés sur le campus. Alors que le président de l’Université, Patrick Levy, explique publiquement qu’une « minorité radicalisée » bloque la fac, les images parlent d’elles-mêmes pour identifier qui sont les vrais « casseurs ».

  • Les cheminots devant les locaux de BFMTV
    https://lemediapresse.fr/social-fr/les-cheminots-devant-les-locaux-de-bfmtv
    https://i0.wp.com/lemediapresse.fr/wp-content/uploads/2018/04/DZ28W3lXUAIjfxA-2.jpg?resize=1280%2C640&ssl=1

    Les diffuseurs de fake news ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Aussi l’exécutif devrait-il surveiller d’un peu plus près la première chaîne d’information en continue autoproclamée. Leur traitement des mobilisations sociales, entre analyses bâclées et éditos partiaux, pose question à plus d’un titre.

    C’est pour protester contre le traitement (encore une fois) très douteux de la grève des cheminots par BFMTV, que ces derniers ont décidé d’investir les locaux de la chaîne. « BFMenteurs », pouvait-on apercevoir sur la banderole affichée devant ces mêmes locaux. Il faut dire que BFM, que l’on sait régulièrement hostile aux mouvements sociaux, n’hésite pas à piocher ses terminologies dans un répertoire lexical qui laisse peu de doute quant au regard qu’entretient la rédaction sur les mouvements sociaux. En effet, elle n’hésite pas à parler de « prise d’otage », par l’intermédiaire d’un usager interrogé dans le RER. Tellement « pris en otage » que ces pauvres bougres seraient contraints de prendre les RER « d’assaut ». Réalisons bien, tout de même, que si ces termes devaient appartenir à un champ lexical, ce serait celui de la guerre, ou de l’opération commando, au choix.

    Symboliquement, c’est comme faire passer le mouvement pour violent, alors même que celui-ci a pour but de lutter contre la violence sociale dont il est présentement la victime. Un comble de malhonnêteté intellectuelle donc…

    Malheureusement, pour BFM, ces manifestations, ces grèves, n’ont pas lieu d’être. Les cheminots ne seraient rien d’autre que des « râleurs ». Ainsi sont-ils nommés par Eric Brunet, un des éditorialistes de la chaîne… D’ailleurs, si l’on croit Apolline de Malherbe, manifestement repeinte en prophète, les « Français seraient pour la suppression du statut des cheminots ». Ne soyons pas dupes, Apolline de Malherbe n’est pas un prophète, elle se réfère seulement au dernier sondage Ifop, stipulant que seulement 46% des Français seraient favorables aux mobilisations… Il est vrai que chez BFM, ils sont toujours prompts à donner aux sondages la valeur d’une enquête sociologique, voir d’un scrutin électoral. Et quand bien même, sans sondage, peut-on aujourd’hui compter le nombre de fois où fut entendu « les Français pensent que… »

    Il semblerait aussi que Jean-Luc Mélenchon aurait été exfiltré de la mobilisation sous les insultes. Lorsqu’il devient possible de discréditer deux mouvements et faire ainsi d’une pierre deux coups, pourquoi s’en priver ? D’un côté les cheminots ne seraient ainsi que des bœufs ne connaissant nulle autre méthode de protestation que la violence et, de l’autre, Mélenchon se fait rejeter par ceux qu’il prétend défendre… L’occasion de diffuser une telle « fausse information » était trop belle.

    Maintenant, si l’on récapitule un peu ce qui caractérise le travail « journalistique » de BFM sur le sujet, nous avons : des fake news, un micro-trottoirs bâclé et pernicieux, des pseudo-analyses venant de pseudo-experts pour délégitimer la grève. Tout semble organisé pour traîner le mouvement dans la boue, faisant passer les cheminots pour des « nantis », pour des « privilégiés ». Aucune clémence ni l’ombre d’une empathie semble être exprimé à leur égard. Les avis contraires semblent y avoir une place très restreinte voir inexistante. BFM n’a d’ailleurs aucunement fait mention des cheminots qui se sont mobilisés devant leurs locaux.

    Ils étaient pourtant bien présents hier matin pour exprimer leur profond désaccord avec la chaîne, dénonçant le traitement particulièrement péjoratif dont ils font l’objet.

  • Les Untorelli, le pdf du numéro 30 de la revue Recherches sur Bologna 77, présentation :
    http://www.editions-recherches.com/revue_detail.php?id=30

    SOMMAIRE

    BOLOGNE, MARS 1977

    Molti compagni
    -- Introduction
    -- Ils n’ont encore rien compris
    -- Vendredi 11 (contrinformation)
    -- Alice
    -- Dimanche 13 : les blindés arrivent
    -- Le collectif Jacquerie
    -- Tract distribué à l’université (signé Cossiga)
    -- Séparation du Politique. Mise en acte des repaires
    -- Poème-tract
    -- Un certain vigile ira témoigner
    -- Une assemblée
    -- Autre lettre de Franco Ferlini toujours en prison

    BOLOGNE, SEPTEMBRE 1977

    Bifo-Bruno
    -- Septembre

    L’ITALIE A TRAVERSO

    Bruno Giorgini
    -- Bologne et l’Emilie, vitrine de l’eurocommunisme : toute une histoire

    Toni Negri, Bifo, Bruno Giorgini
    -- Autonomie. Autonomies

    Gérard Soulier
    -- La loi Reale. La police au-dessus des lois
    -- AFP. « Le complot international »

    Félix Guattari
    -- Masses et minorités à la recherche d’une nouvelle stratégie

    Bifo
    -- Le réformisme en action : le « Devenir-Etat »

    Anna Orsini, Silvia Schiassi
    -- Où étions-nous, ou` en étions-nous ?

    ANNEXES. Les Intellectuels français et le mouvement

    -- Adresse à la conférence de Belgrade
    -- Nous croyons au caractère constructiviste de certaines agitations de gauche
    -- Déclaration des Intellectuels francais présents à Bologne à l’ouverture des rencontres des 27-28-29 septembre

    CHRONIQUES

    Lion Murard, Patrick Zylberman — Le deuxième âge de l’Etat policier

    Cerfi — Le droit à la recherche

    G. Deleuze — À propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général

    est désormais téléchargeable :
    https://drive.google.com/file/d/1L4lHvYkdi1ItVxeRQZuCaaBg_-fOYh_r/view

    #autonomie #Italie #livre #revue

  • [Guide de lecture] Opéraïsmes – Période
    http://revueperiode.net/guide-de-lecture-operaismes

    Parce qu’il a su relier l’exigence théorique et l’intervention pratique, l’autonomie des luttes et les perspectives stratégiques, l’#opéraïsme fait aujourd’hui l’objet d’un vif intérêt dans différents secteurs de la gauche radicale. Pourtant, le faible nombre de traductions disponibles comme la richesse de cette tradition hétérodoxe du marxisme italien contribuent à en gêner l’appropriation créative. On réduit encore trop souvent l’opéraïsme à un courant homogène, que l’évocation de quelques grands noms (Mario Tronti, Toni Negri) ou l’invocation de quelques concepts clés (composition de classe, refus du travail) suffiraient à cerner. Par contraste, c’est à la diversité interne de l’expérience opéraïste qu’entendent ici rendre justice Julien Allavena et Davide Gallo Lassere. De la scission des Quaderni rossi aux débats que suscita l’émergence de nouvelles figures de la lutte des classes dans les années 1970, en passant par l’enquête ouvrière et la lecture de Marx, c’est une ligne de conduite intellectuelle et politique en perpétuel renouvellement qu’ils donnent à voir dans ce guide de lecture, qu’en complèteront bientôt deux autres consacrés à l’autonomie et au post-opéraïsme.

    #Italie #marxisme

  • Les clés d’un nouveau modèle social
    http://www.laviedesidees.fr/Les-cles-d-un-nouveau-modele-social.html

    Tout revenu de base n’est pas bon à prendre. Ariel Kyrou et Yann Moulier Boutang, rédacteurs de la revue Multitudes, militent ici pour l’instauration d’un revenu inconditionnel et suffisant qui, en donnant un nouveau sens au #travail, participe à la construction d’une société contributive.

    Essais & débats

    / #revenu_universel, #impôt, travail

    #Essais_&_débats

    • Nombre d’économistes de gauche restent sceptiques vis-à-vis de ce revenu de base. Ainsi Jean-Marie Harribey, ancien coprésident d’Attac France, craint-il l’avènement d’une société duale, entre ceux ayant ou non un emploi. Comment expliquer pareilles divergences entre chercheurs a priori du même bord ? Qu’ils soient issus des syndicats, d’une gauche ou d’une droite défendant mordicus la valeur du travail, ses adversaires semblent croire encore aux vertus de la croissance économique et à l’horizon du plein emploi. Ses partisans constatent quant à eux l’inadéquation de ces objectifs à la réalité, voire la nécessité de boussoles moins « productivistes ». Mais quels sont dès lors les arguments économiques, sociaux et culturels des défenseurs d’un revenu universel d’existence ? Seraient-ils d’une certaine façon les « Modernes », prenant acte du chômage technologique d’aujourd’hui et de demain, que l’on pourrait opposer à des « Anciens », persuadés que les emplois éliminés par l’automatisation seraient systématiquement compensés à terme par ceux créés via l’innovation technologique – selon la théorie de la « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter ? Et si cette métaphore est juste, sur quels critères reposerait la différence entre le revenu de base tel que qu’il est défendu par Benoît Hamon ou Yannick Jadot et la version que soutiennent Nathalie Kosciusko-Morizet, Christine Boutin ou encore Alain Madelin ?

      Après, ceux qui craignent « une société duale entre ceux qui ont un emploi et les autres » devraient un peu sortir de leur grotte : c’est fait !
      Et les conditions de vie qui sont faites aux #chômeurs sont de nature à peser sur les autres en les manipulant par la peur d’une condition sur laquelle ils n’ont aucune prise. Oui, on va rappeler que ce n’est pas le salarié qui décide d’être chômeur, mais le patron qui choisit de fabriquer un chômeur pour optimiser ses profits.
      #RDB

    • Enfin un papier qui - n’en déplaise aux tenants des idéologies syndicales tradi et gauchistes recentrées (l’emploi comme sésame de la dignité et de la politique) - clarifie pour partie les enjeux.
      La #réforme_fiscale indispensable au financement d’une telle réforme est présentée ici comme pouvant être indolore (jusqu’à prévoir de réviser l’ISF ?). L’"euthanasie des rentiers " (Keynes) façon bisounours ?

      Un texte voisin (s’attarder au cas du bureaucrate socialiste Hamon est sans doute la meilleure manière de ne pas tenir compte du contenu de ce texte) :
      Hamon et le revenu universel, Toni Negri
      HTTP://WWW.EURONOMADE.INFO/?P=8792

  • Contre l’allocation universelle
    Daniel Zamora, Jean-Marie Harribey, Mateo Alaluf, Seth Ackerman


    https://www.luxediteur.com/catalogue/contre-lallocation-universelle

    Depuis la crise de 2008, l’idée d’une allocation universelle suscite un engouement renouvelé, tant en Europe qu’en Amérique. Le projet trouve des appuis à gauche comme à droite et, de l’avis de bien des spécialistes, il pourrait être le fondement des politiques sociales de l’avenir. Plus d’un penseur critique l’a prôné, Philippe Van Parijs, Toni Negri, José Bové ou André Gorz, mais que signifie vraiment cet étonnant consensus ?

    Selon les auteurs de cet essai, l’allocation universelle, sous couvert d’une bienveillante redistribution de la richesse, consacre l’abandon de l’enjeu politique central des cent cinquante dernières années : le conflit entre le capital et le travail. Chacun des textes composant ce livre œuvre au rappel de l’importance décisive de cette question, pour justifier qu’il faille impérativement être contre l’allocation universelle.

    #toread #livres #revenu_garanti #revenu_universel #protection_sociale

  • Hamon et le revenu universel, par Toni Negri - EuroNomade
    http://www.euronomade.info/?p=8792

    Le thème welfariste du plein emploi n’est donc plus central, puisque – que l’on ait du travail ou pas – dans la société qui est la nôtre, dans les réseaux de coopération qui enferment aujourd’hui les forces productives dans les rapports de production, chacun est dans tous les cas engagé dans le processus productif. C’est la mise en lumière de cette évidence qui a fait scandale. Il est assez comique d’écouter à la télévision les vieux loups des grandes banques, les catholiques pleins de charité, les syndicalistes enragés, déclarer tous que le problème est celui du respect de la dignité du travail, de son caractère personnel et sacré – comme s’ils voulaient revenir à un Locke originaire et à l’idée que c’est le travail qui crée la liberté. En s’indignant de cette manière, ils dissimulent en réalité des craintes sans doute différentes mais convergeant toutes dans une opposition au revenu universel : la peur, surtout, que le revenu universel ne permette de constituer un terrain unitaire de lutte susceptible de briser la fragmentation de classe et/ou la dissipation de la multitude que les opérations extractives du commandement capitaliste ont déterminées.

    via @thibnton

    #revenu_garanti

  • LINKY OBJET PÉDAGOGIQUE POUR UNE LEÇON POLITIQUE
    Pour un inventaire des ravages de l’électrification

    L’imposition autoritaire du mouchard électronique Linky dans 35 millions de foyers par l’Etat, en l’occurrence les parlementaires et le Ministère de l’Ecologie – et par Enedis (ex-ERDF, ex-EDF), le monopole légal de la distribution d’électricité en France - a déclenché dans tout le pays refus et protestations, individuels et collectifs, organisés et spontanés. La presse locale chronique cette pléthore de réunions, de manifestations, de pétitions, soutenue des vœux et délibérations de 300 conseils municipaux.1 Félicitations aux promoteurs de Linky : à défaut d’avancer d’un pas dans la pseudo-« transition énergétique », ils auront au moins stimulé la vie associative qui s’est saisie du sujet.
    La presse nationale, c’est-à-dire parisienne, méprise et ignore de son mieux ce mouvement fondé, selon elle, sur des craintes irrationnelles de pollution électromagnétique et d’espionnage des foyers, et sourd aux « impératifs de maîtrise énergétique » notamment en vue de l’ouverture des marchés à la concurrence, généralement hostile aux projets techno-marchands célébrés dans ses pages sciences et économie : objets connectés (machins communicants), domotique (maison machine), smart city (ville machine), big data (mégadonnées).

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que la technocratie a pris le réflexe de renvoyer à la préhistoire les réfractaires à l’emballement technologique et à l’effondrement écologique : « Vous êtes contre tout !... Les chemins de fer ! L’électricité !... Allez donc élever des chèvres en Ardèche, si vous voulez revenir aux grottes et à la bougie ! »
    Combien de fois avons-nous reçu cette injonction d’un forcené du Progrès ; scientifique, ingénieur, technicien, entrepreneur, cadre, politicien, universitaire ou journaliste. Nos élites, voyez-vous, s’imaginent l’Ardèche comme une réserve truffée de grottes, où reléguer ces obscurantistes exaspérants qui sapent la croissance et le moral des ménages.

    Ceux qui vivent contre leur temps, tel le géographe anarchiste Elisée Reclus, ont opposé au progrès des sciences et technologies le regrès social et humain. Vous pouvez vérifier le mot, c’est du bon et vieux français. Lisez Elisée, écologiste avant l’heure : Histoire d’un ruisseau, Histoire d’une montagne, L’homme et la Terre, Nouvelle Géographie Universelle. Non seulement le progrès industriel et technologique n’entraîne pas fatalement le progrès social et humain, mais il entraîne à rebours son regrès. Cette thèse sacrilège et mécanoclaste longtemps soutenue par des marginaux excentriques – et les victimes du progrès, bien sûr – a reçu depuis quelques années l’approbation officielle des autorités scientifiques, des états qu’elles avisent, et des entreprises converties au « capitalisme vert » et aux « technologies vertes ». D’où Linky.
    Voici donc où nous ont mené deux siècles de révolution industrielle et technologique, en accélération exponentielle. Au ravage du milieu (terre, air, mer), à l’extermination des espèces, au chaos des peuples, bouleversés, broyés, balayés dans une panique globale, d’un bout du monde à l’autre.

    Nous qui, dans nos emplois, nos activités et nos vies, faisons sans cesse l’objet de bilans, d’audits, d’évaluations, en fonction d’objectifs fixés « en commun », selon nos dirigeants, ou simplement décidés par ces derniers (après tout, c’est leur job), il nous revient de renverser les rôles et d’examiner à notre tour le bilan de ces deux siècles de société industrielle et technologique. Qu’elle soit privée, publique (étatique) ou mixte. De dire ce qu’elle nous a apporté et enlevé, si nous souhaitons sa prolongation ou sa disparition, et suivant quelles modalités.
    Il nous faut du même coup évaluer les évaluateurs, cette technocratie à la direction des sociétés industrielles et post-industrielles, en fonction de ses promesses et de ses résultats, et dire, suivant ses propres règles qu’elle nous applique, ce qu’elle mérite : primes et promotions, ou licenciement sans indemnité.

    Nous, Grenoblois, sommes idéalement placés pour engager cet examen. Grenoble se situe en effet au cœur et à l’avant-garde de la deuxième révolution industrielle : justement celle de l’électricité. C’est en 1869 qu’Aristide Bergès, ingénieur, chimiste, entrepreneur, équipe d’une turbine et d’une conduite forcée sa papeterie de la combe de Lancey, à dix kilomètres de la ville, pour transformer en électricité l’énergie du torrent. En 30 ans, Bergès métamorphose la vallée du Grésivaudan, la ville de Grenoble et la société industrielle. Les ingénieurs-patrons des entreprises voisines suivent son exemple. Bergès devient conseiller municipal à Grenoble, conseiller général du canton, maire de Villard-Bonnot où se trouve son usine. Il lance le slogan de la « Houille blanche » lors de l’exposition universelle de 1889, à Paris, qui lui est largement consacrée. Péchiney ouvre son premier laboratoire à Froges, dans la vallée, à côté de l’usine d’électrolyse. Il en sort par exemple le procédé de fabrication industrielle de l’aluminium, l’alu des barquettes alimentaires - si cher aux ouvriers d’Ecopla à Saint-Vincent-de-Mercuze, et si nocif aux vaches des alpages, à la santé des hommes et au milieu naturel. Il est vrai que nos emplois valent plus que nos vies, ce que de François Ruffin (Fakir) à Emmanuel Macron (En marche !), tous nos progressistes sont venus confirmer aux 77 victimes d’un naufrage financier.2 Lénine nous l’avait bien dit : « Le communisme, c’est l’électricité plus les soviets ! » Et les artistes futuristes de la Belle époque, fascistes comme Marinetti, communistes comme Maïakovski avaient rivalisé d’odes à la vie moderne, urbaine et industrielle, célébrant les machines, les avions, les trains, les autos, les paquebots, les stades, les gratte-ciels, le télégraphe – l’électricité - le cinéma, les masses, la vitesse, la violence, la guerre.3 Dieu que l’avenir était radieux au temps passé ! Au mépris d’un siècle de catastrophe, les ennemis du genre humain poursuivent aujourd’hui leur fuite en avant. Ainsi le théoricien « communiste » Toni Negri et ses disciples « accélérationnistes » de la revue Multitudes rejoignent aujourd’hui les transhumanistes « libertariens » dans l’apologie des robots et la haine de la vie vive, impulsive, élusive, irréductible à toute volonté de maîtrise machinale.4

    Bergès, et son fils Maurice qui lui succède comme maire et chef d’entreprise, créent également une société d’éclairage urbain et une compagnie de tramway. On voit que nos entrepreneurs et nos édiles n’avaient pas attendu le XXIe siècle, ni les directives européennes, pour se lancer dans les « énergies alternatives » et les modes de « déplacement alternatif ». Même si, à l’époque, il s’agissait simplement de créer un marché que nul ne disait « vert » ni « éco-responsable ». Ces lignes de tramway furent d’ailleurs démontées dès que le profit parut plus juteux dans les lignes de car et les voitures particulières.

    Les ingénieurs entrepreneurs de la cuvette grenobloise savent bien qu’au-delà de la « Houille blanche », c’est de la matière grise qu’ils exploitent. Aussi profitent-ils de leurs postes d’élus et de leurs positions d’influence pour obtenir la création en 1898 d’un Institut d’électrotechnique de Grenoble, auprès de la jeune université, afin de leur fournir les compétences nécessaires à leurs recherches-développements. De même en 2012, l’Institut national polytechnique de Grenoble crée-t-il spécialement une « chaire industrielle d’excellence » sur les smart grids, financée par ERDF.5
    C’est l’essor du « Mythe grenoblois »,6 maintes fois ressassé et tout aussi mythique qu’à sa première énonciation. De la turbine de Bergès sont issues en 150 ans, de manière télescopique, des centaines de laboratoires et d’entreprises, s’associant et se dissociant en arborescences incessantes, et envahissant tout le milieu physique et social de la technopole. Électrochimie, électromécanique, électromagnétisme, électronucléaire, informatique, micro et nanotechnologies, etc. C’est aussi ce que les progressistes des années soixante, ingénieurs et universitaires, socialistes et chrétiens, ont nommé « le laboratoire grenoblois » et propagé comme « modèle grenoblois » ou « développement endogène innovant ». Soit cette idée mythique d’un progrès indivisible où l’innovation technologique et la croissance économique tracteraient le progrès social et humain, mesuré statistiquement par l’augmentation de la consommation, du pouvoir d’achat et de l’espérance de vie. Les curieux liront Sous le soleil de l’innovation7 pour une histoire critique de ce modèle grenoblois, indissociable de la révolution électricienne et de ses prolongements.

    Sans doute cette idée du progrès répondait aux aspirations de la masse des campagnards fascinés par les lumières de la ville, comme elle répond aujourd’hui à celles des masses de migrants fascinés par les lumières des métropoles. Et c’est pourquoi les trois-quarts de l’humanité s’entasseront d’ici peu dans les mégapoles - le terme noble et technocratique pour dire ce qui n’est plus ville, ni cité, ni urbanisation, mais une populoire. La mondialisation est aussi un effet de l’électrification. L’habitat concentrationnaire de masse est aussi un effet de la mondialisation.

    Nul n’est meilleur que son temps. Quoique nous n’ayons aucun goût pour les procès anachroniques et rétrospectifs, il faut avouer qu’Aristide Bergès (1833-1904), au contraire d’Elisée Reclus (1830-1905), fit de son mieux pour vivre avec son temps dont il fut le plus zélé des serviteurs. Voici son adresse aux électeurs du canton de Domène, le 1er août 1880, dix ans après la Commune et la débâcle de l’Empire face à la Prusse :

    « Je suis au milieu de vous tous un travailleur dont vous avez vu les débuts et dont vous avez pu apprécier les constants efforts pour rechercher et augmenter les richesses de vos montagnes. Or, il reste dans cet ordre d’idées de grands avantages généraux à réaliser et j’ai la confiance que je pourrai y être de quelque utilité. Au point de vue politique, moral et matériel, de grandes choses restent à faire pour que les institutions républicaines répondent à toutes les espérances conçues.
    Améliorer les écoles et le sort des instituteurs, et rendre l’instruction laïque, gratuite et obligatoire. Créer dans nos villages, des rues convenables, des fontaines et des lavoirs, des promenades et des jardins publics. Y organiser un service médical. Rectifier et terminer les chemins vicinaux. Faciliter les rapports des conseillers municipaux avec l’administration forestière.

    Protéger l’agriculture et particulièrement étudier les moyens de remettre en valeur les terres basses de l’Isère. Tels sont les points les plus pressants du programme auquel je travaillerai ardemment. La République, qui, après son existence victorieusement assurée, s’imposera à tous, doit être SCIENTIFIQUE et non IMAGINATIVE ; (…)
    Aristide Bergès, Candidat républicain. Ingénieur et industriel à Lancey, Conseiller municipal à Grenoble »8

    À vrai dire, Elisée Reclus aurait pu signer bien des points de ce programme – et nous le pourrions aussi. Nous ne sommes pas hostiles à la création de fontaines, de lavoirs et de jardins publics dans nos villes et nos villages (on ne disait pas encore « espace vert »). Nous voudrions, nous aussi, remettre en valeur les terres basses de l’Isère et le « Graisivaudan étincelant » dont le géographe Paul Vidal de la Blache célébrait en 1903 la splendeur agonisante : « Paysage unique dans l’Europe Occidentale, qui fait pendant à la Brianza milanaise ; verger magnifique qu’on ne trouve plus vers le Sud (…) Le Graisivaudan en est sinon le type le plus achevé, du moins l’expression la plus ample et, pour l’histoire des hommes, la plus importante. (…) Sous les vignes courant en feston entre les arbres fruitiers, se succèdent de petits carrés de luzerne, blé, chanvre, maïs : une merveille de petite culture. »9
    Il faudrait bien sûr raser les entrepôts, lotissements, centres commerciaux, la Zone d’innovation et de recherche scientifique et technique (Zirst), les boîtes high tech (Soitec, Memscap, etc.), les laboratoires et salles blanches où STMicroelectronics produit les « puces » et les composants de Linky et autres « objets connectés ». Bref, il faudrait rendre la terre aux paysans, ou plutôt aux ouvriers d’Ecopla, de Tyco Electronics, d’Arkema, à Brignoud10 et des autres usines de la vallée, délocalisées ou automatisées. Tant pis pour l’industrie du cancer, ils pourraient ainsi « produire local pour consommer local », ce qui ferait plaisir à Eric Piolle, le maire Vert de Grenoble, ex- promoteur du TGV (Lyon-Turin) et ingénieur chez Hewlett-Packard.
    Osons le blasphème, il faudrait revenir en arrière, avant 1869.

    De quoi rendre nos progressistes fous furieux. Le correspondant local de Fakir, Fabrice Lallemand, est ingénieur chez Soitec.11 François Brottes, le député PS local, est fameux pour sa déclaration : « Ici les élus ont été vaccinés à la high tech, cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques ».12 Il a d’ailleurs avancé si vite qu’il a bondi de la présidence de la commission des Affaires économiques, où il multipliait les pressions en faveur du compteur Linky, à la présidence de RTE (Réseau transport électricité), un poste à 398 000 €.13
    En fait, tout le souci des progressistes grenoblois (gauchistes, communistes, alternatifs, écologistes, etc.) est d’habiller d’une phraséologie « rebelle » leur soumission à l’idéologie du capitalisme le plus avancé de la Silicon Valley, afin de sauver la face. D’où les bredouillis où il est question de « se réapproprier les outils technologiques ». En clair, les « fablab », le « logiciel libre », et – si la machine à gouverner le veut bien – l’octroi plus ou moins généreux d’un « revenu de base universel » pour les hackers et les makers. L’aumône des robots à la main d’œuvre obsolète. Malgré toute la dévotion qu’ils affichent pour l’emploi, les progressistes soutiennent par-dessus tout le progrès technologique et le développement des forces productives, comme ils l’ont toujours fait. Aussi tiennent-ils pour quantité négligeable les 6000 suppressions de postes de releveurs que provoquera la mise en service du compteur Linky.

    Enfin parmi les points d’accord probables avec Aristide Bergès et Elisée Reclus, nous soutiendrions, en 2016, la restauration des services médicaux, tel l’hôpital de la Mure, en Matheysine, victime de la rationalisation financière et technocratique et celle de l’école publique, laïque et gratuite, sinon obligatoire.14
    Quand il n’écrivait pas à ses électeurs et à ses ouvriers, c’est aux clients de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan que Bergès s’adressait. C’était d’ailleurs les mêmes. Voici son merveilleux prospectus sur les bienfaits de la lumière électrique :
    « L’usage de la lumière électrique, surtout dans les campagnes, est un des effectifs facteurs de la civilisation chez l’individu, dans la famille et dans la commune. Que faut-il à un homme qui veut s’élever dans la moralité et le bonheur ? Qu’il aime mieux la famille que le cabaret. Qu’il puisse augmenter sans fatigue et sans ennui le travail qui lui incombe, et qui seul peut l’enrichir. Qu’il voit plus de gaîté dans sa maison. Qu’il échappe à l’excessive économie, retombant en privation sur les siens.
    Or, la lumière électrique contribue puissamment à ce résultat, car elle exerce son influence, en hiver surtout, sur une période de temps qui est presque la moitié de la vie. C’est autour de la lampe électrique que, le soir, commencent le repos et la vie de famille. Avec cette lampe, la lumière est suffisante et agréable. Elle est égale d’intensité pour tous, pour le riche comme pour le pauvre, et ce n’est pas une mince satisfaction que cette égalité devant la lumière, qui perpétue sans discontinuité les dons du Soleil, qui sont aussi égaux pour tous.
    Les enfants sont plus incités à l’exécution de leurs devoirs scolaires. Les petits sont mieux surveillés et regardent avec des yeux brillants ce point lumineux si propre et si constant.
    Les adultes lisent, s’instruisent et pensent à quelque occupation intérieure qui, pendant ces longues heures, pourrait être rendue lucrative. Le père apprécie qu’il peut éventuellement terminer un travail commencé et gagner le prix de la lampe si bien utilisée déjà. Les mères vaquent avec plus de facilité à leurs soins de ménage et, débarrassées des inconvénients de la mauvaise odeur du pétrole, s’élèvent dans des idées de propreté, qui sont le desideratum de leurs aspirations intérieures. La cuisine est plus soignée, son odeur meilleure.
    Le petit globe brillant projette comme un rayon de joie qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. Il n’est pas jusqu’au vieillard qui philosophe sur les progrès auxquels il ne croyait qu’avec hésitation, et qui se dit que, si la nuit il a des insomnies, il peut éclairer sa lanterne et refouler les noires idées.

    Enfin la liberté individuelle s’insinue à cette occasion, et, si le chef de famille fatigué veut se reposer, il n’a pas à dire à tout le monde : allons tous nous coucher, il faut, pour économiser, éteindre la lampe. L’étable mieux éclairée sera aussi mieux tenue et le bétail se trouvera mieux soigné et plus observé. Au point de vue hygiénique, l’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’empruntant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. Si, des considérations individuelles ou de famille, nous passons aux avantages communaux, ces derniers se poursuivent. Les rues, éclairées comme dans les villes, changeront, le soir et la nuit, l’aspect des villages, et la vie des relations y prendront une plus grande importance. Il suffira de mettre une lampe dans un quartier malsain pour que la correction s’en suive.
    J’ai toujours été surpris de voir les quartiers indécis de moralité ne pas réclamer des lampes. Or, rien n’est plus facile que de les imposer. On aura moins envie d’aller à la ville, qu’on retrouvera chez soi, dans son village, et ce sera tout bénéfice pour la santé et pour la bourse. Et qui sait si le cruel problème de la dépopulation des campagnes ne sera pas influencé. Car il faut entrevoir que les petites forces motrices, permettant les petits ateliers à domicile, arriveront à leur tour et feront leur œuvre de civilisation et de bien-être, l’atelier dans le village et même dans la famille étant préférable à tout autre.
    Je ne dis rien de la diminution relative des chances d’accidents et d’incendie. L’agriculteur est trop bon juge de ses intérêts et de l’économie finale de toutes choses pour ne pas arriver à se rendre compte, en résumé, que la lampe électrique est non seulement le plus économique moyen d’éclairage, mais que réunissant ses autres avantages multiples, elle arrive à revaloir ce qu’elle coûte et que, par suite, elle est comme gratuite. L’éclairage électrique, dans le groupement des villages et des usines génératrices, constitue enfin une solidarité en quelque sorte vivante, que des téléphones rendent instantanée, et qui établit un nouveau lien de services réciproques.
    L’usine, on peut le croire, est encore plus impressionnée, dans le cas de force majeure, où quelques accidents très rares provoquent une interruption de lumière, par le ricochet du désagrément imposé aux abonnés, que par toutes autres pénalités commerciales. C’est pourquoi on peut compter sur toute la sollicitude possible pour assurer la continuité du service, qui sera de plus en plus acquise au fur et à mesure du fonctionnement. Du haut de mon plateau de Lancey, d’où j’aperçois la vallée lumineuse, j’envoie un salut fraternel et amical à tous les abonnés présents et futurs de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan.
    Aristide Bergès »15

    Cher Monsieur Bergès & Cie,
    Nous, les abonnés futurs et présents de la Société d’éclairage électrique, nous avons des griefs à exprimer quant aux effets de vos progrès. Vos promesses ont mal tourné. C’est vrai, les hommes ne passent plus leurs soirées au cabaret, à boire, à jouer, à beugler, mais seuls et muets, collés devant leurs écrans. D’ailleurs, il y a de moins en moins d’estaminets, ces « parlements du peuple » où s’engueuler sur ce qu’il y a dans le journal, comme il y a de moins en moins de journaux et de marchands de journaux. Fini le café du Commerce, vos successeurs ont tout délocalisé sur Internet, dans des forums « virtuels ». Quant à la famille, elle est décomposée. Chacun son écran, sa chaîne et sa vie. C’est, paraît-il, un grand progrès sur la famille « nucléaire », même si, en réalité, on vivait tous dans le même village, voire dans la même maison ; les jeunes, les vieux, les frères, les soeurs, les cousins, des générations à porter le même nom au cimetière. Il y a bien des familles « recomposées », mais la maison n’est plus si gaie ni si fruste. C’est moins pesant et plus aseptisé, mais aussi moins chaud et plus indifférent.

    Et puis, vous avez beau dire, l’éclairage électrique ce n’est pas le soleil pour tout le monde. Ça coûte plus cher à chacun – plus cher que la chandelle ou le pétrole, ça se discute – mais infiniment plus cher pour tous, aucun doute là-dessus. La société électrique, c’est nous les sociétaires et contribuables qui en faisons les frais. Non seulement la facture d’abonnement et de consommation, mais les dettes colossales et les déficits abyssaux d’EDF et d’Areva, les 5 à 7 milliards de Linky, sans compter ce que nous payons en nature : les barrages, les centrales, les lignes haute tension, les eaux et forêts assassinées, les sols saccagés, les emprises sur le foncier, la flore et la faune exterminées, les brouillards de pollution, les rejets radioactifs, les mines de charbon et d’uranium, les déchets nucléaires, le matériel hydroélectrique et toutes les industries connexes qu’il a fallu créer pour que brille « ce petit globe, dans la cuisine, comme un rayon de joie projeté qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. »
    Tout ça pour ça.
    Les Alpes, les Andes, l’Himalaya dévastés pour y voir plus clair, le soir, dans l’étable et les mauvais quartiers ? Mais rasez-les, vingt dieux ! Et ne construisez que de beaux quartiers !... Ce n’était pas fatal, Monsieur Bergès. Votre triomphe n’induit pas que l’électrification du monde devait triompher. Un dépliant touristique trouvé dans le Vercors, nous apprend que le hameau de Tourtres « se distingue des autres par ses maisons construites en galets et en tufs, tandis que sur le reste des deux communes les maisons sont bâties de pierres plates (…) Les canaux toujours visibles, servaient à l’irrigation et apportaient l’énergie nécessaire aux machines (moulins, scieries, soieries). Tourtres fut longtemps un hameau prospère et industriel, plus important que son chef-lieu, dont l’activité s’éteignit avec l’arrivée de l’électricité. »
    On est toujours gêné de rappeler qu’il y avait une industrie au Moyen-Âge, bien avant la révolution du capitalisme industriel, motorisée par des milliers de moulins à eau et à vent, et que somme toute, l’apport de la vapeur, de l’électricité et du pétrole, n’ont permis qu’un gigantesque accroissement des forces productives et des populations, et une effroyable dégradation du milieu et des conditions de vie.16

    Et ça continue !
    Le Monde : « Dans le Tyrol, la houille blanche menace les hautes vallées : un projet hydroélectrique à 1, 2 milliards d’Euros. » (21 novembre 2013). On voit que, contrairement à ce que vous dîtes, la lampe électrique n’est pas « comme gratuite », ni même « le moyen d’éclairage le plus économique ». Quant à enrayer l’exode rural et à susciter une multitude d’ateliers dans les villages, l’électricité s’est révélée aussi efficace que le chemin de fer. Ce fut un aller simple pour la ville, ses usines, ses lumières, ses salaires, ses magasins, ses « produits blancs » (machines à laver, frigos, électroménager), ses « produits bruns » (télés, chaînes, radios, etc.) ; parce que, voyez-vous, il était plus facile, et plus nécessaire alors, d’amener les campagnards à la ville que d’amener la ville aux campagnards. Maintenant, c’est l’inverse. Nos villages déserts, fermés, sans bistrots, boutiques, ni paysans, deviennent des villages dortoirs pour les « pendulaires », ou des villages vacances pour les citadins. Grâce à Internet, au smartphone, au télétravail, aux deux voitures par foyer, et au TGV, 100 000 « rurbains », s’installent chaque année dans cette campagne qu’ils « rurbanisent ». Forcément, nos métropoles débordent. Une France à 67 millions d’habitants, c’est plus d’une moitié supplémentaire par rapport à celle de Bergès et de l’exode rural (40 millions). Ceux qui n’ont plus les moyens de vivre en ville et ceux qui ont les moyens de vivre hors des villes, fuient vers les campagnes résidentielles. Comptez sur eux pour noircir les « zones blanches », réduire les « fractures numériques », acheter les « objets connectés » et les voitures électriques « intelligentes » qui stimuleront à la fois la gabegie d’électricité, la nécessité d’en produire davantage et celle d’en maîtriser la répartition au plus juste, grâce au compteur Linky.
    Le Monde : « EDF amorce un virage vers la maison connectée. Lancement de Sowee, une filiale consacrée aux objets connectés et aux services associés. » (14 octobre 2016). Il s’agit, selon le Monde, de ne pas laisser le marché libre aux entreprises californiennes, Google, Amazon, Facebook, Apple, en matière de « domotique ».
    Philippe Monboulou, Président d’Enedis : « Les « smart grids » (réseaux électriques intelligents) représentent un nouvel espace à conquérir. L’autre enjeu, c’est le véhicule électrique et les sept millions de points de charge prévus à l’horizon 2030. Demain, les batteries des véhicules électriques pourront aussi servir de solutions de stockage pour l’électricité. » (Le Daubé, 25 novembre 2016)

    Mais l’Etat électronucléaire nous avait déjà imposé le chauffage électrique afin de nous rendre captifs et dépendants d’EDF et du corps des ingénieurs des Mines. Nous aurons donc toujours plus de logements électriques, de voitures électriques, de bus électriques, de vélos électriques, d’appareils électriques et communicants, censés contribuer aux économies d’énergie et à la réduction du chaos climatique, puisque l’hydraulique, le solaire, l’éolien font partie des « énergies renouvelables » et que « le nucléaire n’émet pas de CO2 ». Et ces myriades d’objets communicants fournissent l’or et le minerai de « l’économie de la connaissance », les mégadonnées (big data) entreposées à grands frais dans les banques informatiques qui consomment déjà 9 % de l’électricité en France, et qui rejetteront autant de CO2 que les avions en 2020 aux Etats-Unis.17 Si vous avez le sentiment que l’électrocratie se moque de vous, qu’elle vous ment, vous manipule, vous asservit, vous opprime, vous pille, vous exploite, vous détruit le monde, vous gâche la vie, vous rend malade et vous met en danger, c’est normal : c’est bien ce qu’elle fait. Et encore, n’habitez-vous pas Arlit, au Niger, d’où l’on tire l’uranium nécessaire au maintien de notre mode de vie et de notre « économie de l’immatériel ».

    Vous nous trompez donc, Aristide Bergès, lorsque vous nous vantez la propreté et l’innocuité de l’électricité : « L’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’apportant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. » C’était sans compter la pollution chimique des lampadaires à vapeur de mercure et des nouvelles ampoules de « basse consommation » ; la pollution radioactive de Tchernobyl, Three Miles Island, Fukushima et celle des centaines de centrales nucléaires en activité.
    C’était sans compter la pollution lumineuse et sonore qui nous cache le chant des étoiles, dans les villes actives nuit et jour, sans temps mort, ni entraves. Cette merveilleuse traînée électrique qui, selon votre lointain successeur, Jean Therme, directeur du Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble, signale les zones de prospérité : « Les métropoles économiques à grands potentiels de développement sont repérées de nuit par les investisseurs, grâce aux images fournies par les satellites, sinon en vue directe, depuis un avion. Plus ces villes sont lumineuses, éclairées, plus ils sont intéressés ! Lorsque le ruban technologique de l’arc alpin, entre ses barycentres constitués par Genève et Grenoble, s’illuminera d’une manière continue, lorsque les pointillés des pôles de compétences comme les biotechnologies de Lausanne, la physique et l’informatique du Cern à Genève, la mécatronique d’Annecy, l’énergie solaire de Chambéry ne formeront plus qu’une longue colonne vertébrale, nous aurons gagné. » (Le Daubé. 25/10/2004)
    Précisons que « l’énergie solaire de Chambéry » désigne l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), un centre du Commissariat à l’énergie atomique qui a ajouté « et aux Energies alternatives » (EA) à son intitulé (CEA-EA). C’est dire que la production d’énergie solaire sur laquelle les écologistes des années 70 fondaient tant d’illusions, sera tout aussi centralisée, accaparée, industrialisée et destructrice que l’hydraulique, le charbon, le nucléaire et l’éolien.18. Quant à « l’arc alpin » de Genève à Valence, il s’agit du projet technocratique de « faire émerger une métropole d’excellence de dimension européenne » sous le nom de « Sillon alpin ».19
    Finalement, les paysans et les migrants ne sont pas les seules victimes des lumières de la ville ; les investisseurs aussi viennent y flamber. Mais ils n’y laissent pas leur sommeil, ni leur santé – cette fameuse espérance de vie, amputée d’un lustre pour ceux qui travaillent la nuit, ou en 3x8. Ou qui, simplement, sont électrisés par le rythme, le tapage et la frénésie citadine. Et nous en sommes, nous qui ne nous sommes pas encore réfugiés « dans une grotte, en Ardèche ». Il se trouve, en dépit de l’opinion reçue dans certains milieux (post-anarchistes, post-féministes, post- humains, cyborgs et nos excuses aux oubliés) que la nature existe, que l’homme est un animal, et même un animal diurne, au rythme circadien. Que la liberté et le bien-être pour cet animal, comme pour les autres, consistent à vivre à son rythme, dit naturel. Que si on l’en empêche ; que ce rythme est troublé, criblé de stimuli et asservi à tous les stress ; cet animal humain, fatigué, dispersé, dépressif devient vulnérable aux attaques du milieu. C’est ainsi.

    C’est ainsi que la fée Electricité de nos manuels scolaires est devenue l’affreuse sorcière de nos contes d’enfant. Mais les sorcières étaient en fait de très bonnes et très sages femmes, affreusement calomniées par les prêtres et les puritains.20 Et même, des écologistes naturelles (!) selon Françoise d’Eaubonne, théoricienne de l’écoféminisme (Ecologisme, féminisme : révolution ou mutation, 1978. Le sexocide des sorcières, 1999). Rassurez-vous, progressistes de droite et de gauche (libéraux, étatistes, libertariens, sociétaux- libéraux, libéraux-libertaires, post-libertaires, etc.) on ne reviendra pas en arrière, au temps des fées et des sorcières, ni à la bougie. Il faut de la cire pour faire des bougies, et des abeilles pour faire de la cire. La politique de la terre brûlée pratiquée par l’industrie agrochimique et les exploitants agricoles – pesticides, herbicides, homicides - nous met à l’abri de pareilles régressions, de tout retour à la ruralité, rance et réactionnaire.
    Et ce qu’on en dit vaut pour les soi-disant « défenseurs de l’environnement », c’est-à-dire les écotechniciens qui se sont accaparés le « label Vert » avec le soutien des media, à la fois pour se procurer des « opportunités de carrière » et pour empêcher l’émergence de toute véritable défense du milieu naturel et humain. À Tulle, à Sens, à Saint-Étienne, on nous interroge du bout des lèvres : « Mais vous, à Grenoble, vous avez Eric Piolle, un maire écologiste, alors qu’est-ce qu’il dit sur le Linky ? » Pardi. Il dit ce que disent Monboulou, patron d’Enedis, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie ainsi que les élus Rouges, Roses, Verts à l’Assemblée nationale et à la Métro locale, que le Vert Eric Piolle co-dirige avec le Rose Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président en titre : Linky est nécessaire à la (pseudo) transition énergétique. Aussi, en réponse aux opposants, la Métro a-t-elle voté à l’unanimité un vœu en faveur du compteur Linky (Le Daubé, 3 avril 2016).
    C’est qu’Eric Piolle n’est pas seulement Vert, mais (ex) ingénieur chez Hewlett-Packard ; comme Michel Destot et Hubert Dubedout, les précédents maires de Grenoble, étaient ingénieurs au Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble ; comme Vincent Fristot, l’actuel président de Gaz et électricité de Grenoble (GEG) est à la fois Vert et ingénieur. Les ingénieurs Verts étant les meilleurs techniciens de la société électrique et son véritable service de maintenance et d’innovation, GEG travaille à l’installation de ses propres modèles de compteurs communicants, pour le gaz (40 000 appareils) et pour l’électricité (100 000 appareils), d’ici 2024 (Le Daubé, 8 mai 2016). Cependant, c’est dès aujourd’hui qu’Eaux de Grenoble Alpes envoie aux usagers des courriers comminatoires afin d’installer des compteurs à tête radio, Aquadis ou Flodis, fonctionnant sur 433 mégahertz : « Conformément à l’article 30 du Règlement du Service de l’eau potable : “L’usager… doit permettre aux préposés du service de l’eau, l’accès à tout moment au compteur,… pour le remplacer”. Nous vous précisons que cette intervention est gratuite mais obligatoire. » Suivis d’un premier rappel. « Ce remplacement est impératif au regard de la réglementation, le compteur pouvant induire également un risque de défaillance et/ou de fuite inopinée. »

    C’est connu. Les fuites de compteur provoquent de terribles dégâts des eaux que votre assurance ne prendra pas en charge, si votre installation n’est pas aux normes. En tant qu’ingénieur-chef d’une entreprise de fabrication et de distribution d’un fluide, Aristide Bergès aurait apprécié ce chantage subtil pour contraindre les « usagers » à la soumission envers ses exigences technologiques et commerciales., On ne détaillera pas ici comment des entreprises privées et publiques se sont approprié l’eau qui coule pour tous, afin de nous la vendre au robinet et en bouteille. C’était encore une des horreurs de la barbarie pré-industrielle que cette eau gratuite, en « libre service », puisée au puits ou à la rivière par tout un chacun. Une véritable provocation au gaspillage. Heureusement, l’hypertrophie des villes et des populations, les souillures des égouts et des usines ont imposé le traitement et la distribution industriels de l’eau, sa « mise en valeur » et la création d’un marché captif. À quelque chose malheur est bon.

    C’est parce que le contrôle et l’espionnage électroniques à distance menacent également les réseaux d’eau et de gaz que nous participons, à Grenoble, à l’Association de défense contre les compteurs communicants.21 Cet intitulé signifie :
    1) Qu’au-delà du Linky, nous nous opposons à tous les compteurs communicants, au contrôle et à l’espionnage électroniques de nos domiciles.
    2) Qu’au-delà des pollutions électromagnétiques, du gaspillage matériel et de la déshumanisation des services de distribution, nous refusons la société cybernétique qui est le nouveau stade de la société industrielle et technologique.

    Nous refusons de cogérer les diverses nuisances des compteurs communicants avec les pouvoirs publics et privés. Nous ne sommes pas là pour comptabiliser, négocier, « encadrer », « aménager » les taux de rayonnement électromagnétique qu’on nous inflige, mais pour les supprimer à la source, avec le système économique qui les engendre. Pas plus qu’ayant dénoncé le gadget de destruction massive que représentait le téléphone portable (notamment en Afrique) et l’instrument de désocialisation qu’était ici le smartphone (notamment dans la jeunesse) nous ne luttons pour déplacer les antennes de téléphonie (chez les voisins) ou diminuer leur rayonnement.22
    Nous refusons le pilotage automatique de nos maisons, de nos villes, de nos vies, de nos personnes, par des machines en réseaux dits « intelligents », « smart », « communicants », au moyen du marquage électronique de tout et de tous et des banques de traitement des mégadonnées (big data). Nous ne sommes pas des insectes sociaux, nous sommes des animaux politiques.

    Les progressistes nous disent qu’il y a du bon dans le chemin de fer, l’électricité, la société industrielle (capitaliste privée ou d’état, ou mixte) et, désormais, dans la société cybernétique. D’ailleurs les chiffres le prouvent. Nous sommes dix fois plus nombreux sur terre, qu’il y a deux siècles et nous y vivons plus vieux, dans de meilleures conditions – au moins dans les métropoles « avancées ». Ce qui justifie d’étendre au reste de la planète l’American way of life de la Silicon valley. Bref, croissez et multipliez. Mieux vaut le confort sous dépendance informatique que les hasards de la liberté.
    Les mêmes, qui n’en sont pas à une contradiction près, déclarent impossible tout « retour en arrière’ . Précisément parce que nous sommes si nombreux sur un îlot si dévasté, Il nous faudrait confier le calcul et la répartition de nos rations de survie aux calculateurs les plus rationnels. Bref, les coupables de la catastrophe nous imposent la poursuite de la fuite en avant technologique, sous prétexte de gérer les conséquences de deux siècles de révolution industrielle et technologique. Il s’agit d’instaurer un état d’urgence écologique, perpétuel, sous dictature informatique – c’est-à-dire des technocrates qui vampirisent nos données pour en nourrir leurs machines.23

    Nous disons que plus il y a d’humains dans un monde toujours appauvri et réduit, moins il y a d’humanité. La quantité s’obtient en raison inverse de la qualité. On le vit déjà à l’époque du néolithique, quand les petites bandes éparses de chasseurs-cueilleurs, une cinquantaine de nomades par territoire, cédèrent la place aux éleveurs cultivateurs sédentarisés. Les squelettes de chasseurs-cueilleurs exhumés par les préhistoriens sont ceux d’individus grands, minces, robustes, exempts de caries et de carences osseuses, au contraire des éleveurs cultivateurs affaiblis par leur nouvelle alimentation (monotone) et leur nouveau mode de vie (travail, stratification sociale, habitat populeux, épidémies). Mais la production des agriculteurs leur permit de nourrir cent fois plus de population sur un même territoire et de repousser les chasseurs-cueilleurs vers les forêts et les déserts. Ou de les exterminer. Dix paysans mal nourris étant plus forts qu’un seul chasseur-cueilleur en bonne santé. Entre limiter la croissance de leur population ou accroître la production alimentaire, ils choisirent – suivant quelles modalités ? - la deuxième option.
    Puis ils ne cessèrent d’étendre leurs champs, de défricher, de dévaster les milieux naturels, leur faune et leur flore, et d’épuiser les sols. En somme l’agriculture change la Qualité de vie des chasseurs-cueilleurs en Quantité de vies des éleveurs agriculteurs. Quel intérêt y a-t-il à avoir plus de vies, plutôt que des vies meilleures ? Un gain de puissance du groupe sur les autres, essentiellement au profit de la chefferie. En Chine, en Mésopotamie, en Egypte, les agro-empires de l’Antiquité instaurent sur une échelle colossale, ce règne de la quantité qui nous écrase plus que jamais.24
    De même si « l’humanité » adopte l’agro-industrie (engrais chimiques) et les machines, c’est, selon Engels, dans sa polémique contre Malthus, parce qu’elle permet de nourrir – mal – une plus grande population.25 Cent ouvriers mal nourris sont néanmoins plus forts que dix paysans en bonne santé. Cette force multipliée par celle des machines permit aux armées industrielles de vaincre les armées paysannes et de transformer les campagnes – de les détruire. En somme l’industrie change la Qualité de vie des campagnards en Quantité de vies des citadins. Le même principe d’efficacité permit aux « nouvelles classes moyennes » d’ITC (ingénieurs, techniciens, cadres) et d’employés du « secteur tertiaire », alliées aux drones, robots, ordinateurs, d’évincer les anciennes classes d’agriculteurs et d’ouvriers. Mille employés, même nourris de malbouffe industrielle, sont néanmoins plus forts que cent ouvriers – encore plus mal nourris, d’ailleurs.

    On sait la suite qui nous est promise par le secteur le plus progressiste du capitalisme technocratique, celui des technologies convergentes (NBIC)26 et par ses idéologues : la production consciente et planifiée de « l’homme bionique » (bio-électronique), du cyborg (cyber- organisme), du cybernanthrope comme raillait Henri Lefèvre. Le concepteur de la cybernétique, Norbert Wiener, nous l’a annoncé dès 1945 : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement. »27
    Nos lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes : ils ont modifié si radicalement notre milieu que nous devrions maintenant nous modifier pour y survivre. Et si nous ne voulons pas ? Eh bien, nous disparaîtrons comme tant de peuples et d’espèces avant nous, cédant notre « niche écologique » à la nouvelle espèce supérieure. C’est qu’il lui en faudra de la matière et de l’énergie pour accomplir son projet d’Übermensch. En somme, la technologie change la Qualité de vie des humains en Quantité de vie des inhumains. Ou l’inverse. Il faudra peut-être se débarrasser de toute l’humanité superflue pour que vive l’élite nécessaire. Les présidents Bush (père & fils) nous l’avaient bien dit quand l’évidence de l’effondrement écologique et du chaos climatique est devenue inévitable, notre mode vie, l’American way of life, n’est pas négociable – et nous sommes tous américains. Des battants. Des vainqueurs. À l’esprit positif et à la foi indéfectible dans la Science et le Progrès.

    Et c’est nous, les « ennemis du Progrès », que l’on traite d’utopistes ! L’utopie, ou plutôt la dystopie, consiste à croire que nous pouvons poursuivre à l’infini l’effroyable transformation du monde et de l’espèce humaine que les déments progressistes nous infligent de gré ou de force. Ce que nous ont permis les chemins de fer, l’électricité et l’emballement technologique des deux derniers siècles, ce sont l’accélération, l’intensification et l’accroissement de tous les processus. Production, population, consommation. L’allongement et l’accélération de l’activité quotidienne, la multiplication des moyens de communication nous ont permis de mener de plus en plus de vies séparées, successives ou simultanées à une vitesse toujours plus frénétique.
    Nos aïeux menaient dans leurs villages et leurs quartiers des vies de famille et de voisinage, lentes et lourdes, des vies rassemblées, où tout avait lieu à distance de marche : le travail, le commerce, l’habitat, le repos, les fêtes, les échanges, les amours, les querelles, etc. C’était donc aussi des vies directement vécues et collectivement vécues, mais naturellement vécues. Si l’on met de côté les ordres monastiques qui relèvent d’un autre registre, il fallut attendre les premiers phalanstères pour voir des tentatives, d’ailleurs suivies d’échecs, de reconstituer des communautés artificielles. Cette vie d’avant, toute prise dans la société la plus immédiate pouvait être affreusement étouffante et mutilante. Elle a suscité en réaction de multiples voies d’évasion, de refuges et de vagabondages.

    Nos contemporains mènent dans leurs agglomérations des vies dispersées, souvent solitaires, séparées et virtuelles. Grâce aux moyens de communication, ils éloignent leur lieu de travail de leur(s) lieu(x) de résidence et celui-ci (ceux-ci), de la zone de chalandise et/ou de loisirs. Leurs horaires ne sont pas moins éclatés et irréguliers que leurs espaces. Ils sont toujours en transit, en voiture, dans le train, le bus, l’avion, sur leurs écrans, vivant à distance et par intermittence, entre leurs familles décomposées, leurs « amis » sur les « réseaux sociaux » et sur les « forums Internet ». Ils sont donc contraints pour maintenir leurs liens et pour se retrouver, à une énorme dépense d’énergie et de matière achetée à force d’argent, c’est-à-dire de travail. Autrement dit, ils passent leur vie à gagner les moyens de se rassembler. Que ne font-ils pas un court-circuit pour vivre d’abord ensemble, avec ceux qui sont ici, au lieu de vivre ailleurs, avec ceux qui sont au loin ? À quoi bon ce détour, sinon à stupidement alimenter la machine économique ?

    C’est Illich, peut-être, qui dans La convivialité (1973), avait relevé ce paradoxe. L’abondance des embouteillages empêche qu’on aille plus vite en voiture, à Paris de nos jours, qu’en calèche à la Belle époque. Mais pour se payer cette voiture censée lui permettre d’aller plus vite – achat, assurance, entretien, essence, stationnement et garage - le conducteur perd une si grande partie de sa vie qu’il irait plus vite à pied ou en vélo. Plus le coût social, écologique, économique de l’industrie automobile. Faut-il enfoncer les portes ouvertes ? Le temps n’est pas de l’argent. Ma vie n’a pas de prix. Aucun emploi, aucun salaire, ne vaut que je lui sacrifie mon seul bien, offert une fois pour toutes par mes père et mère, et que personne ne peut augmenter ni me rembourser. L’électrification du monde ne nous fait pas gagner de temps. Elle nous en fait perdre par les multiples détours économiques et sociaux qu’elle rend d’abord possibles, puis obligatoires. Elle ne nous fait pas vivre mieux, ni plus heureux. Sans compter le ravage de notre milieu naturel. Et croyez bien que c’est dit à regret par des gens qui ne peuvent s’empêcher de lire la nuit.
    Il en est de même des chemins de fer et de l’ensemble de la société industrielle et technologique, dont le bilan est non moins effroyable. Ce constat de faillite que ses auteurs ne songent plus à nier, mais qu’ils cherchent à tourner à leur avantage, en nous réclamant de nouveaux crédits (d’argent, de temps, de destructions et de peine) et en faisant miroiter de nouveaux mirages d’abondance doit entraîner de notre part, sociétaires de la société, deux décisions :
    Le licenciement de la technocratie dirigeante.
    Le démantèlement de la société électrique & industrielle.

    Laissez-nous vivre et rendez-nous la terre, les abeilles et les bougies !

    Pièces et main d’œuvre
    Grenoble, décembre 2016

    --
    1 http://refus.linky.gazpar.free.fr
    2 cf. Le Postillon n°37, octobre 2016
    3 cf. Antifascisme radical ? Sur la nature industrielle du fascisme. Sebastian Cortes. Editions CNT-RP, 2015
    4 cf. Multitudes n°58, printemps 2015
    5 cf. Linky, la filière grenobloise, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    6 Pierre Frappat. 1979, Ed. Alain Moreau
    7 Pièces et main d’œuvre. 2013, Editions L’Echappée
    8 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    9 cf. Tableau de la géographie de la France (la Table ronde, 2000) ; Planification urbaine et croissance à la grenobloise sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    10 cf Métro, boulot, chimio (éd. Le Monde à l’envers) et “Réindustrialisons” : quand “Là-bas si j’y suis” défend le cancer français sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    11 cf Fakir n°69, mars-avril 2015
    12 cf. In their own words. Le parallèle entre le Grésivaudan et la Silicon Valley par ceux-là même qui l’ont commis : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=117
    13 cf. Linky : la filière grenobloise, op. cité
    14 Mais il est vrai que nous préférons Elisée Reclus, George Orwell et Victor Serge, combattants sans dieu ni maîtres de l’union libre et de la libre pensée, aux cagots anti-anarchistes qui défilent aux cris de « Dieu est grand ! », consentent au voilage des femmes et attaquent les réunions où l’on ose critiquer leur islamolâtrie (cf. communiqué de Mille Babords : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=885)
    15 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    18 cf. Frédéric Gaillard. Le Soleil en face. Rapport sur les calamités de l’industrie solaire et des prétendues énergies alternatives. Ed. L’Echappée, 2012
    19 cf. Isère Magazine, novembre 2004
    20 cf. Caliban et la sorcière, Silvia Federici. Ed. Entremonde 2014
    21 cf. http://grenoble-anti-linky.eklablog.com
    22 cf. Le téléphone portable, gadget de destruction massive. Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2008) ; Adresse à tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances, mais les supprimer, juin 1990, par L’Encyclopédie des nuisances. www.piecesetmaindoeuvre.com
    23 cf. L’Enfer vert, un projet pavé de bonnes intentions. Tomjo. L’Echappée
    24 cf. De la Popullulation, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    25 cf. Esquisse d’une critique de l’économie politique. 1843-1844
    26 Nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives
    27 cf. Norbert Wiener. Cybernétique et société.

  • Retour sur l’Autonomie ouvrière italienne : entretien avec Sergio Bianchi
    http://revueperiode.net/retour-sur-lautonomie-ouvriere-italienne-entretien-avec-sergio-bianchi

    La maison d’éditions DeriveApprodi mène depuis sa création un important travail d’archive et de mise en récit de la séquence insurrectionnelle dans l’Italie des années 1970. Sergio Bianchi, son directeur éditorial, a été un acteur de cette histoire, l’une des périodes les plus fascinantes et les plus discutées de par le monde de l’histoire de la politique communiste et ouvrière dans l’Europe de la fin du XXe siècle. Au-delà des figures les plus connues qui ont survécu à la défaite de l’autonomie ouvrière, comme Toni Negri, nous avons proposé à Sergio Bianchi de nous parler de cet épisode, de l’importance et de la difficulté d’en faire l’histoire. L’autonomie s’incarne ainsi dans des trajectoires ouvrières, des questionnements sur la lutte armée et la violence, une rupture franche avec le mouvement ouvrier (...)

    #Uncategorized

  • L’Etat, les dépenses publiques : problèmes et perspectives, Toni Negri, Critique de l’économie politique, n°3, Maspéro, 1978.
    http://www.multitudes.net/L-Etat-les-depenses-publiques

    Pourquoi choisissons-nous cette topique pour définir un terrain de discussion générale ? Parce que, sur le thème des dépenses publiques, l’analyse des conditions objectives auxquelles la restructuration capitaliste et l’#État du réformisme se trouvent acculés peut se transformer en un terrain subjectif : il est en puissance un terrain de luttes salariales avec toute la charge politique que l’on doit attribuer d’une façon luxemburgiste à la lutte sur le salaire relatif. Les dépenses publiques équivalent d’un côté à un terrain socialement productif, de l’autre au terrain du #salaire_social. En somme, elles correspondent à la façon de plus en plus significative dont le #capital_social se déploie dans sa dialectique interne. Elles amènent donc à poser le problème de l’#antagonisme ouvrier sur le rapport société/État. C’est à la fois l’indicateur d’une forme de division capitaliste du travail et d’un tissu sur lequel l’antagonisme peut trouver sa détermination subjective.

    #Toni_Negri

  • Etrange de croiser Houria Bouteldja dans cette revue néo-marxiste, mais j’aime bien ce passage qui nous invite à « aller chercher le petit Hitler qui se trouve au fond de nous-mêmes ». J’aime bien aussi celui qui explique que le racisme n’est qu’une astuce utile au capitalisme :

    Pouvoir politique et races sociales
    Houria Bouteldja, Période, le 25 mai 2016
    http://revueperiode.net/pouvoir-politique-et-races-sociales

    Au passage elle cite cette tribune que j’avais raté :

    Nuit debout peut être porteur d’une transformation sociale de grande ampleur
    Tariq Ali, écrivain ; Ludivine Bantigny, historienne ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; François Cusset, écrivain et historien ; Christine Delphy, sociologue ; Cédric Durand, économiste ; Elsa Dorlin, philosophe ; Annie Ernaux, écrivain ; Eric Fassin, sociologue ; Bernard Friot, sociologue ; David Graeber, anthropologue ; Nacira Guénif, anthropologue ; Razmig Keucheyan, sociologue ; Stathis Kouvelakis, philosophe ; Frédéric Lordon, philosophe ; Gérard Mordillat, écrivain ; Toni Negri, philosophe ; Leo Panitch, sociologue ; Paul B. Preciado, philosophe ; Wolfgang Streeck, sociologue ; Enzo Traverso, historien, Le Monde, le 3 mai 2016
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/05/03/nuit-debout-peut-etre-porteur-d-une-transformation-sociale-de-grande-ampleur

    #Houria_Bouteldja #racisme #capitalisme #NuitDebout #impérialisme #Période #Tribune

  • MONITOR vom 23.07.2015 - Monitor - ARD | Das Erste
    http://www1.wdr.de/daserste/monitor/sendungen/milliarden-deals-mit-griechenland-100.html

    Enquête et révélations de la télévision allemande :

    Parmi les biens publics que la Grèce doit vendre, il y a les 14 aéroports régionaux les plus rentables du pays qui doivent être vendus à une firme allemande, Fraport.

    Le maire de Corfou, Kostas Nikolouzos (120 000 habitants, 1 million de touristes par an, chiffre en augmentation) : « L’aéroport rapporte beaucoup d’argent, pourquoi devrait-on le céder ? Nous sommes en crise, n’est-ce pas ? Si on se prive des moyens de produire de la richesse dans ce pays pour relancer l’économie, comment fera-t-on ensuite ? ».

    Selon « l’accord » de colonisation européen, tout doit être bradé : la poste, les installations d’eau, les autoroutes, le réseau de gaz et d’électricité, les ports et les aéroports. Et donc, les 14 aéroports situés sur les îles les plus touristiques, Mykonos, Santorin, Kos, Corfou, etc.

    La firme allemande doit donner 1, 23 milliard d’euros et une taxe annuelle de 22,9 millions pour récupérer les 14 aéroports.

    Le ministre des infrastructures grec, Christos Spirtzis : « l’Etat grec doit vendre les 14 aéroports qui rapportent et les 30 autres aéroports qui ne font aucun profit doivent rester à sa charge. C’est un modèle qui ressemble à l’état des choses dans une colonie, pas dans un état membre de l’Union européenne ».

    D’après les chiffres de l’administration grecque, le nombre de vols via les 14 aéroports l’an passé a augmenté de 13,8%, le nombre de passagers a connu une augmentation de 19%. Un expert de la Lufthansa qualifie la transaction de « économiquement lucrative ».

    Mais on garde le meilleur pour la fin. S’agît-il vraiment d’une privatisation ? La société anonyme Fraport est une firme allemande mais surtout la majorité de ses parts est détenue par la ville de Francfort et la région de Hesse.

    Prof. Rudolf Hickel de l’Université de Brême : « ce qui va se produire est une changement de propriétaire - ce qui était propriété de l’Etat grec va pour ainsi dire devenir propriété de l’Etat allemand. Et à la fin, ce qui compte, c’est que les profits qui seront réalisés dans ces 14 aéroports financeront les services publics allemands ».

    Et que deviendra le petit milliard récolté pour la vente ? Il servira à rembourser la dette.

    Prof. Rudolf Hickel, Universität Bremen: „Da findet ein Eigentumswechsel von einem griechischem Staatsunternehmen in Richtung sozusagen deutschem Staatsunternehmen statt. Und am Ende geht es darum, dass die Profits, die Gewinne, die da gemacht werden in diesen 14 Flughäfen, dass die abgezweigt werden nach Deutschland in die Öffentlichen Kassen.“

    #colonisation #Grèce

    • Merci pour la tard @cie813, quel tableau ! Et c’est l’occase de quelques remarques, de continuer à se demander ce qui se passe au juste.
      Colonialisme ? Nous sommes tous grecs, certes, et ce genre d’info, après d’autres, conduisent à dire « colonisation ». Mais je doute qu’on puisse lire ce pillage là, les rentes et les relations de pouvoir qui y sont associées en terme de colonisation - même à un moment où la Grèce fournit davantage d’émigrants- lorsque ce qui est déterminant c’est une conso locale dépendante d’importations alimentaires et de produits manufacturés), le secteur touristique (une présence étrangère qui diffère de l’implantation de colons sur la durée) et la #dette. Et qu’en plus en Grèce, comme ici, l’utilisation de migrants sous des formes #néoesclavagistes vient pallier une certaine indisponibilité de la main d’oeuvre locale.
      Dans un secteur économique clé, la marine marchande, les armateurs grecs sont off shore depuis longtemps (sans main mise allemande ou européenne). Le proto capitalisme, marchand, se jouait des frontières....

      Alors si on veut causer en terme de colonisation, faut-il, avec Pasolini et d’autres, parler de colonisation par le mode de vie bourgeois de tout ce qui n’y était pas indexé (des payons aux ouvriers, des ouvriers aux chômeurs, des chômeurs aux Grecs). Dans l’accélération de l’histoire actuelle, d’autres extensions du terme apparaissent elles aussi justifiées (colonisation du temps vécu, par ex.).

      Faut ajouter un « néo » à colonial ? Ce serait quoi la colonisation cette fois ? La Grèce parc de loisirs allemand à forte valeur patrimoniale et mouroir plus ou moins doré d’actifs (ou pas) retraités européens (à l’image de la Floride, cf ce phénomène, freiné en Tunisie, toujours en cours au Maroc) ? Et quoi encore ?
      Comment en rester comme nombre de commentaires à diverses répliques de cette sorte d’interprétation décliniste et fierté nationale baffouée en pointant une primauté de la responsabilité allemande dont la France aurait par faiblesse ou ineptie fait le jeu ? C’est dans le même temps accorder trop et trop peu aux états nationaux.

      Accaparer les profits et « socialiser » les pertes, c’est un mécanisme de base de l’économie. Ici même, non seulement des firmes « étrangères » (macdo, gougeule, ...) mais aussi des fleurons du capitalisme français (Total) sont preneuses de parts de marché, de main d’oeuvre formée, soignée, mais ne paient que des loyers et des salaires (souvent bas, spécialement chez leur sous-traitants) en arrivant à une « optimisation fiscale » efficace au point de de ne rien payer du tout, à part la TVA.

      L’impérialisme, « stade suprême du capitalisme »° dont la (transitoire) domination économique britannique fournissait le modèle, c’était au début du XXeme !
      Après une Guerre du Golfe persique financée par le Japon et menée par les U.S, le concept d’#empire° a cherché à décrire une domination mondiale à la fois acentrique (diffuse) et polycentrique . Aujourd’hui, c’est la Chine qui est le plus gros investisseur en Afrique pendant que les États-Unis et la France y interviennent militairement dans d’innombrables conflits...

      On a pointé ici et là les limites de Siriza. J’insisterais sur un point. Tout le courage politique a été centré sur le conflit avec l’eurogroup et alii tandis qu’en Grèce on a joué la prudence sans courage, la recherche du consensus le plus large et à bas prix (l’unité nationale contre l’hydre capitaliste). Jusqu’à être timoré. En ce sens le seul acte politique local susceptible d’avoir une portée décisive fut le référendum. Et là encore, c’était adressé (pour perdre, disent des critiques de Tsipiras) vers l’adversaire extérieur. Et la proportion de non fut une surprise pour les initiateurs du référendum (#défaitisme à l’intérieur, illusions quant à la possibilité que dans une gouvernance de capitalisme mûr, l’europe, on puisse concéder quelque chose de substantiel sur la dette, à l’instar de ce qui a pu arriver avant la crise de 2008 pour des pays « périphériques »).
      Depuis le début on sait (en particulier certains dirigeants de Siriza qui connaissent bien la France pour y avoir vécu) que Siriza arrive suite à des défaites successives là-bas (à l’inverse du Front populaire, quand les luttes s’engouffrent dans la brèche ou la fragilité institutionnelle), proche en cela de l’alternance française de 1981, qui capturait Mai 68 comme on se repait d’un cadavre ("changer la vie" qu’ils disaient, empruntant à Rimbaud pour que que le quelconque se fasse appeler Arthur au nom de la « guerre économique »).
      Je connais très insuffisamment la situation et les 6 premiers mois, mais quand même. L’un des exemples les plus frappant d’attentisme de Siriza me parait être une inaction complète vis-à-vis de l’église orthodoxe. Première fortune du pays, elle jouit de prébendes inouïes. Certes, la Grèce lui doit rien de moins que sa continuité historique*. C’est ainsi peut-être que la légitimité de cette institution parait si ancrée que rien n’a été fait, ne serait-ce que pour rogner ses privilèges fiscaux, à défaut d’une expropriation en bonne et due forme.

      Pourquoi et comment des banquiers, allemands ou pas, ou des villes riches comme Frankfort auraient à hésiter pour se servir à proportion de leur puissance actuelle, celle de la seule « religion » réellement mondiale, l’économie ?

      Je partage pas tout du texte (trop rapide) de Bernard Aspe
      http://seenthis.net/messages/392073
      mais il me semble juste sur l’essentiel. Car je me souviens que si la Révolution française comme celle d’Octobre 1917 ont pu faire face, défaire ou écarter de fortes coalitions d’ennemis extérieurs cela résultait de processus de politisation massive et d’actions concrètes sur place, au sein de « leur » propre société, divisées, contradictoires. Pas de votations accompagnées d’attentisme.

      ° L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, de Lénine (1916) reste fort suggestif : ... Les banques et leur nouveau rôle ; Le capital financier et l’oligarchie financière ; L’exportation des capitaux ; Le partage du monde entre les groupements capitalistes ; Le partage du monde entre les grandes puissances ; L’impérialisme, stade particulier du capitalisme...
      https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp.htm

      ° Empire, Michael Hardt, Toni Negri (2000)

      ° Sur l’église grecque orthodoxe, voir le captivant roman Ap. J.-C. de Vassilis Alexakis

      #mondialisation #économie

    • Comme l’a dit récemment C.Lapavitsas :"“D’abord, c’est la première fois dans ma carrière d’économiste que je rencontre une telle convention d’accord. Non seulement, elle est de type néo-colonialiste, personne ne dira le contraire, mais surtout, surtout hélas, cet accord comporte par certaines de ses formulations et tournures de phrase, un volet ouvertement revanchard et punitif, au-delà même de toute logique économique (même de type néocolonialiste), car c’est ainsi que l’élite de l’Allemagne pense ‘régler l’affaire grecque’”.

      Cf http://seenthis.net/messages/390971

      En effet, ce à quoi le texte de "l’accord" fait le plus penser, mais qui rend difficile d’éviter le #point_Godwin, c’est une variante soft du "protectorat" où toute l’économie d’un pays est mise sous séquestre dans un but punitif, comme la Tchécoslovaquie sous Heydrich (ou justement la Grèce pdt la guerre).

      Si on fait le rapprochement entre "l’accord" grec (et surtout à la fermeture des banques, la hausse de la décôte sur les liquidités d’urgence de la BCE qui a immédiatement précédé le sommet, etc) et l’actuelle offensive turque contre les kurdes et l’opposition de gauche, le HDP en particulier (supposé être le Syriza turc et qui avait fait un score record aux dernières élections), on assiste à une contre-offensive brutale du néo-libéralisme contre tout ce qui pouvait venir contrecarrer les politiques d’austérité, de contraction des salaires, de dérégulation du marché du travail, etc.

      Ceci dit, il y a aussi, et c’est pour ça que j’avais employé le terme, peut-être hâtivement, une composante coloniale forte dans l’essentialisation de l’indigène grec, supposé "paresseux" et "pas sérieux" - cf la couverture récente du Spiegel (qui est l’équivalent en Allemagne du Nouvel Obs, plutôt un magazine pour la bourgeoisie cultivée) :
      "Nos Grecs - tentative d’approche d’un peuple étrange"
      (qui rappelle les "Nos nègres" ou "Nos Juifs" d’antan)

      https://magazin.spiegel.de/EpubDelivery/image/title/SP/2015/29/300

      Quant à la différence de point de vue entre l’Allemagne version Schäuble d’un côté et la France ou l’Italie de l’autre, elle a été causée, outre l’intervention des Etats-Unis qui paraît avoir été déterminante, qu’à une différence économique (enfin, c’est ce qu’a mentionné l’autre jour un éditorialiste du Financial Times) : l’Allemagne sortirait tout à fait indemne de la sortie de la Grèce de l’euro alors qu’elle provoquerait immédiatement la spéculation des marchés sur la dette publique française et italienne.

    • Je suis bien d’accord, @cie813, sur l’aspect punitif (qui vaut par delà la Grèce, prolétarisés allemands et européens compris). Merci pour la synthèse que tu fournis sur certains points. Mais ce que tu dis toi même à propos de l’Allemagne passée ressortit plus de la guerre que de la colonisation, modalité qui me parait (par ignorance ?) assez étrangère à l’histoire du capitalisme allemande, plus industriel et marchand que colonial.
      L’#hostilité ne pouvait sans doute pas être suffisamment assumée par des dirigeants « bourgeois » formés dans les grandes écoles capitalistes (et la survivance trotskiste), dans la société grecque et de ce fait aussi sur le théâtre des opérations extérieures. À sous estimer la violence du conflit, on s’oblige à inventer une manière de renverser la table ou on perd.

    • Grèce : à #Hellinikon, la guerre des mondes est déclarée

      Depuis « l’accord » extorqué à la Grèce par la Troïka, les terrains de l’ancien aéroport d’Athènes sont de nouveau sous la menace d’une privatisation. Un armateur rêve d’en faire un centre commercial géant. Les initiatives solidaires qui y sont nées depuis le début de la crise sont menacées.

      http://www.humanite.fr/grece-hellinikon-la-guerre-des-mondes-est-declaree-580295

    • Beni pubblici, Grecia vende 14 aeroporti alla tedesca #Fraport per 1,23 miliardi

      Il governo greco ha approvato la cessione di 14 aeroporti regionali al gestore tedesco Fraport per 1,23 miliardi di euro. Lo si è appreso dalla Gazzetta ufficiale di Atene, con una risoluzione firmata dal vicepremier Yanis Dragasakis, dai ministri delle Finanze, Euclides Tsakalotos, Economia, Yorgos Stathakis, ed Energia, Panos Skurletis.

      http://www.ilfattoquotidiano.it/2015/08/18/beni-pubblici-grecia-vende-14-aeroporti-alla-tedesca-fraport-per-123-miliardi/1965257

  • Democracy Today Is Wild and Constituent. A Spanish Example. - EuroNomade | EuroNomade
    http://www.euronomade.info/?p=4349

    Toni Negri et Raul Sanchez Caudillo sur Podemos et les risques du vertical...

    Whoever flirts with the “autonomy of the political” will end up thinking that the development of grassroots democracy is secondary. Occasionally they will even imagine forms of power of command whose efficacy is purely charismatic: tragically, this is what sometimes happens. But it is not the case for us: we are working to exit definitively the Weberian dilemmas of the bourgeois power of command, which until now have only legitimized authoritarian solutions to social conflicts that the struggles had raised to the height of the political.

    But let us return to the central problem we are addressing: from horizontality to verticality; from the agitation and resistance of movement to government. Podemos asks that all comrades think in terms of this level. A level of central government? Maybe. The level of city government? This seems more proximate and possible. But is it not true that only if the action of all citizens is directed towards a powerful renewal of city government, only in this case, will it be possible to make a tangible, local example of an effective constituent project? We think so. Because the city and the municipality, the life of the city and its forms of encounter can shape solid figures of administration and constituent initiative. The camps in the metropolises, in the cities and even in the small towns were a form of constituent encounter, demonstrating that metropolitan ways of life are now political and productive in general terms. Making democracy and (re)production of the city interact, we have the possibility to articulate the political, that is, to connect the will to win and the capacity of decision to a broad, plural and active fabric of militant presences and the production of programs of transformation. The political is played in the middle of all of this. This is where the Foucauldian question “how we want to be governed” becomes flesh.

    #Espagne #Grèce #Podemos #Syriza #pouvoir_constituant

  • Le #devenir_révolutionnaire et les créations politiques / Gilles Deleuze / Entretien avec Toni Negri « Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2014/08/08/le-devenir-revolutionnaire-et-les-creations-politiques-gill

    Dans votre vie intellectuelle le problème du politique semble avoir été toujours présent. D’un côté, la participation aux #mouvements (prisons, homosexuels, autonomie italienne, Palestiniens), de l’autre, la #problématisation constante des #institutions se suivent et s’entremêlent dans votre œuvre, depuis le livre sur Hume jusqu’à celui sur Foucault. D’où naît cette approche continue à la question du politique et comment réussit-elle à se maintenir toujours là, au fil de votre œuvre ? Pourquoi le rapport_mouvement-institutions est-il toujours problématique ?

  • Notes from a chaotic world
    http://www.techn0polis.net/2014/01/06/notes-from-a-chaotic-world

    Pour le dire brutalement : ce n’est pas en continuant à agiter le spectre de l’ex-#Allemagne_de_l’Est, ni même le #panoptique de #Bentham ou celui de #Foucault, ce n’est pas en faisant l’économie d’une analyse de la participation consciente de l’utilisateur à l’accumulation des données, ou en ne voyant, à chaque fois, qu’un côté de la médaille – potentialités de #contrôle du réseau versus potentialités #émancipatrices, comme si elles n’étaient pas intrinsèquement liées – qu’on réussira à penser le présent. La boîte à outils a pris la poussière, les références tournent en boucle, là-dessus comme sur le reste – qu’un « call to resistance » de #hackers en 2013 face explicitement référence, pas seulement sur la forme mais aussi sur le fond, au Manifeste du parti communiste (1848, pour mémoire) plutôt que, par exemple, à la pensée de la multitude chère à #Toni_Negri et #Michael_Hardt – une des rares à avoir saisi l’émergence du #politique en #réseau(x), au début des années 2000 – est assez significatif des difficultés à l’#update de certains « #logiciels ».

    #Eleanor_Saitta :

    « Ce que la #surveillance nous dit, c’est que la forme du #monde est en train de changer. Nous avons besoin de comprendre ce que voudra dire, à l’avenir, la #vie_privée sur un réseau comme celui-là. »

    Bel article, à lire !

  • Le combat pour la « démocratie réelle » au cœur de « Occupy Wall Street » | Michael Hardt et Toni Negri (Mouvements)
    http://www.mouvements.info/Le-combat-pour-la-democratie.html

    Le mouvement Occupy Wall Street, qui s’étend dans l’ensemble des États-Unis, ne porte pas que des revendications économiques. Il s’inscrit dans un cycle plus vaste, qui, de la place Tahrir à la Puerta del Sol, pose la question du dépassement du système politique représentatif. Les manifestations organisées sous l’étendard « Occupy Wall Street » ne trouvent pas un écho auprès de nombreuses personnes uniquement parce qu’elles donnent voix à un sentiment généralisé d’injustice économique, mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’elles expriment des revendications et des aspirations politiques. En se propageant du Sud de Manhattan aux villes et communes de l’ensemble des États-Unis, les mobilisations ont mis en évidence la réalité et la profondeur de l’indignation contre l’avidité des entreprises et les inégalités économiques. (...) Source : Mouvements

    • Beaucoup de choses ont été dites sur la manière dont les médias sociaux comme Facebook et Twitter sont utilisés sur ces campements. Les dispositifs de type réseau ne créent bien sûr pas les mouvements, mais ils sont des outils adaptés, parce qu’ils correspondent en partie aux structures horizontales réticulaires et aux expérimentations démocratiques des mouvements eux-mêmes. Pour le dire autrement, Twitter n’est pas uniquement utile pour annoncer un événement mais également pour sonder les intentions d’une large assemblée sur une décision précise en temps réel.

      N’attendez donc pas de ces campements, qu’ils forment des leaders ou des représentants politiques. Aucun Martin Luther King, Jr. n’émergera des occupations de Wall Street et d’ailleurs. Pour le meilleur ou pour le pire – et nous sommes évidemment de deux qui le prennent comme un développement prometteur – ce cycle de mouvements s’exprimera à travers des structures participatives et horizontales, sans représentants. De telles expérimentations de petite-échelle dans l’organisation démocratique devront bien sûrs être bien plus développés, pour qu’ils puissent articuler des modèles efficaces d’alternative sociale. Ils sont cependant dès à présent des expressions fortes de l’aspiration à une « démocratie réelle ».