Vermeer « peint l’essence et la paix profonde de la vie contre sa violence et sa dissolution. »
Partout, ces choses et ces chairs que par un soleil hors-champ, dissimulé, il faut non pas rejoindre, mais assimiler. On regarde ce collier de perles, cette perle trop grosse qui fait un troisième œil, le chemisier jaune citron de la femme aux seins pelotés, la veste jaune citron de ces autres femmes peut-être vertueuses, peut-être pas, ce col d’hermine, ce vase bleu, ce brouillon de lettre jeté par terre, ces sourires et ces regards aussi indéfinissables que ceux des femmes de Manet, ces meubles aux angles d’une étrange géométrie de fer, ces murs de briques, ces toits tranquilles, ce ciel immense, ces coiffes, ces fenêtres, ces « rideaux à demi tirés des illusions humaines » comme dit Paul Claudel, ces silhouettes au geste suspendu, ce bout de tissu à carreaux devenu nappe, comme de la tomette froissée par un léger tremblement de terre, tous ces détails qui font aller de l’infiniment petit à l’infiniment grand, qui enveloppent et protègent d’un monde ni petit ni grand, simplement moyen, bruyant et imparfait, et le regard, devenu aussi panthéiste que raffiné, n’en sort pas plus qu’une aiguille d’une botte de foin. Qu’est-ce que c’est ?
D’abord, la transparence des choses décrite par l’un des écrivains qui fait le plus songer à #Vermeer, Vladimir Nabokov : « Il est particulièrement difficile de ne pas crever la surface des objets donnés par la nature ou fabriqués par l’homme, objets inertes par essence, mais que la vie, insouciante, use beaucoup […]. Je m’explique : un mince vernis de réalité immédiate recouvre la matière, naturelle ou fabriquée, et quiconque désire demeurer dans le présent, avec le présent, sur le présent, doit prendre garde de n’en pas briser la tension superficielle. Sinon, le faiseur de miracles inexpérimenté cesse de marcher sur les eaux pour descendre debout parmi les poissons ébahis. »
Vermeer prend garde de ne briser aucune tension superficielle. Il restitue le mince vernis de la réalité immédiate : faiseur de miracles discret, parcimonieux et expérimenté.
Exposition du #Rijksmuseum jusqu’au 4 juin (28 des 37 tableaux du peintre néerlandais). Manquent surtout « 3 œuvres qui, chacune à sa façon, résument l’art de la contre-vie de Vermeer. D’abord, l’Art de la peinture, que l’Autriche n’a pas voulu prêter. Ensuite, l’Astronome, que le musée du Louvre a envoyé à Abou Dhabi. Enfin, le Concert, volé à Boston en 1990. » (Libération, papier de Philippe Lançon)
Pour le moment, c’est complet, mais mis à jour des réservations lundi.