• Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • Amazon France Logistique condamné à 32 millions d’euros d’amende par la CNIL pour « surveillance des salariés »
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/01/23/amazon-france-logistique-condamne-a-32-millions-d-euros-d-amende-par-la-cnil

    Le spécialiste du commerce en ligne a été condamné le 27 décembre « pour avoir mis en place un système de surveillance de l’activité et des performances des salariés excessivement intrusif », par le biais des scanners qu’utilisent les employés des entrepôts pour traiter les colis.

    « Pour avoir mis en place un système de surveillance de l’activité et des performances des salariés excessivement intrusif », #Amazon France #Logistique a été condamné le 27 décembre à une amende de 32 millions d’euros par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) selon un communiqué de l’instance publié mardi 23 janvier.
    Pour l’instance, le recueil de données par des scanners qu’utilisent les employés des entrepôts pour traiter les colis constitue un « système de suivi de l’activité et des performances excessif », « conduisant le salarié à devoir potentiellement justifier de chaque pause ou interruption ». Ces #scanners enregistrent les temps d’inactivité supérieurs à dix minutes ou le rythme de traitement des colis. La CNIL juge aussi « excessif de conserver toutes les données recueillies par le dispositif ainsi que les indicateurs statistiques en découlant, pour tous les salariés et intérimaires, en les conservant durant trente et un jours ».
    « Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de la CNIL qui sont factuellement incorrectes et nous nous réservons le droit de faire appel », a réagi Amazon dans un communiqué, arguant que « l’utilisation de systèmes de gestion d’entrepôt est une pratique courante du secteur : ils sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et l’efficacité des opérations et pour assurer le suivi des stocks et le traitement des colis dans les délais et conformément aux attentes des clients ». Le groupe a deux mois pour formuler un recours devant le Conseil d’Etat.

    Un système de « pression continue » sur les salariés

    Le gendarme français de la vie privée a sanctionné Amazon France Logistique sur les fondements du règlement général sur la protection des données (RGPD) et infligé une amende équivalente à environ 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise française. Une sanction « quasiment sans précédent », a-t-elle souligné auprès de l’Agence France-Presse (AFP), le maximum encouru étant une amende à hauteur de 4 % du chiffre d’affaires.
    Trois indicateurs enregistrés par les scanners et transmis aux manageurs ont particulièrement attiré l’attention de l’organisme de contrôle. Le « stow machine gun » qui note lorsqu’un article est scanné « trop rapidement », en moins de 1,25 seconde, et l’« idle time » qui signale une période d’inactivité d’un scanner pendant plus de dix minutes.

    Un autre indicateur mesure le temps écoulé « entre le moment où l’employé a badgé à l’entrée du site » et celui où il a scanné son premier colis, a encore expliqué la CNIL à l’AFP.
    L’instance estime que ce système conduit les salariés à justifier toute interruption, même « de trois ou quatre minutes », de l’activité de son scanner, faisant ainsi « peser sur eux une pression continue ».
    Plusieurs milliers de salariés sont concernés par ces indicateurs, note la CNIL, qui a ouvert une procédure en 2019 à la suite d’articles de presse et de plaintes de salariés.
    La CNIL a également épinglé la filiale française du spécialiste du commerce en ligne pour n’avoir pas suffisamment informé ses employés de son système de #vidéosurveillance. Elle a déclaré auprès de l’AFP « se réserver la possibilité de faire de nouveaux contrôles ».

    Lorsque les scanners n’envoient pas les signes d’activité au rythme attendu, les contremaîtres vont voir l’impétrant. Les données conservées dans le dossier du salarié lui sont opposées lorsque celui ou celle-ci sollicite la direction.

    #travail #salariés #commerce #e-commerce #client #délai #contrôle #surveillance #productivité #mangement #taylorisme

  • À la Matmut, quand un nouveau logiciel rend le travail impossible - Basta !
    https://basta.media/matmut-quand-nouveau-logiciel-rend-travail-impossible

    18 décembre 2023 par Lisa Noyal

    L’arrivée d’un nouveau logiciel d’organisation des tâches à la mutuelle d’assurance la Matmut a conduit à la surveillance accrue des conseillers et à une dégradation des conditions de travail, et du service rendu aux clients.
    [...]
    Les managers surveillent tout

    En plus de ces problèmes techniques, le logiciel a conduit à une perte d’autonomie des agents. « Avant, on savait exactement ce qu’on avait à faire, on avait une bonne visibilité », poursuit Adam. Désormais, c’est une intelligence artificielle qui détermine les priorités et répartit les dossiers en envoyant des « pushs » [notifications] sur l’écran des salariés. « L’outil fait de plus en plus de choses, on a perdu en autonomie et en compétence », regrette Sylvie*, salariée depuis 25 ans. L’inspection du travail qui est intervenue en 2022 sur le site de la Matmut de Saint-Priest, dans le Rhône, a ainsi constaté « une intensification de la charge de travail engendrée par [...] la distribution automatisée de pushs ne donnant aucune lisibilité sur le travail à effectuer et ne prenant pas en compte la technicité des différents dossiers ».

    « On est obligé d’accepter toutes les tâches qui apparaissent par push, sinon les managers le savent, j’ai été convoqué au bout de plusieurs refus », raconte Adam. « Les managers ont une vue à 360 degrés, ils connaissent la durée des pauses, leur nombre, les appels reçus, ceux manqués, les tâches effectuées, etc. », décrit Sylvie. Une des nouveautés avec Smart, c’est aussi l’apparition d’un chronomètre lorsque les conseillers acceptent une tâche notifiée par le push. « S’ils sont trop longs à la traiter, ils sont rappelés à l’ordre et on les met en formation », explique Michel Lemaire de FO.

    « Les managers connaissent la durée des pauses, leur nombre, les appels reçus, ceux manqués, les tâches effectuées »

    L’ensemble des salarié·es interrogé·es affirment que ce fonctionnement ajoute une pression supplémentaire, et engendre un mal-être au travail. « C’est très lourd, la pression des chiffres est au-dessus de tout. On est purement dans le commercial et plus dans le service », confirme Xavier*, conseiller. Pour ce gestionnaire, la situation en interne est devenue « catastrophique ». « Depuis l’arrivée de Smart, il y a énormément de flicage, on passe notre temps à justifier ce qu’on fait », lâche-t-il désabusé.
    Plus d’arrêts maladie

    Après un contrôle effectué en mars 2022 sur le site de Saint-Priest, l’inspection du travail a alerté sur la présence de « nombreux facteurs de risques psychosociaux » au sein de l’établissement. En août 2022, un courrier de mise en demeure de l’inspection du travail est même transmis à Véronique Jolly, directrice des ressources humaines, lui demandant de « compléter l’évaluation des risques portant sur l’ensemble des facteurs psychosociaux incluant l’impact de l’utilisation quotidienne de nouveaux outils informatiques sur les conditions de travail ».
    [...]

  • Frederick Taylor , l’homme qui a bousillé le travail
    https://www.frustrationmagazine.fr/frederick-taylor-lhomme-qui-a-bousille-le-travail

    Alors que la technologie transforme en profondeur nos manières de travailler, que la souffrance au travail s’étend et détruit chaque jour des masses de plus en plus nombreuses, que les interrogations sur le sens des boulots que nous occupons deviennent de plus en plus obsédantes – car nous comprenons souvent qu’ils n’en ont pas (les […]

  • Temps de travail, salaires et lutte des classes

    https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/temps-de-travail-salaires-et-lutte

    (#archiveLO, 10 avril 2015)

    https://videos.lutte-ouvriere.org/download/video/20150410_CLT_Temps_travail_part1.mp4

    https://videos.lutte-ouvriere.org/download/video/20150410_CLT_Temps_travail_part2.mp4

    Sommaire :

    Avec les sociétés de classes, l’exploitation du travail humain
    ➖ De la #préhistoire de l’humanité...
    ➖ ...aux sociétés de classes
    ➖ Le développement de la société capitaliste et le #travail_aliéné
    ➖ L’#exploitation de la force de travail sous le capitalisme
    ➖ L’accumulation de #plus-value, moteur du capitalisme

    La lutte pour la #réduction_du_temps_de_travail
    ➖ Le long combat pour les huit heures
    ➖ L’histoire du dimanche, comme jour de #repos_hebdomadaire
    ➖ Les #40h et la #semaine_de_cinq_jours
    ➖ Les #35_heures, accordées dans un contexte bien différent

    Du 20e siècle au 21e et d’un continent à l’autre, la même exploitation
    ➖ Du taylorisme au #fordisme, rationnaliser le travail pour augmenter la productivité
    ➖ Le toyotisme et le « lean management », flexibiliser le travail
    ➖ Le travail, encore et toujours aliéné
    ➖ Les luttes de la classe ouvrière dans le monde

    La dégradation avec la crise actuelle
    ➖ Le #chômage de masse
    ➖ Les #salaires toujours plus tirés vers le bas
    ➖ La #dérèglementation actuelle du travail, un retour en arrière
    ➖ Les attaques redoublées contre la durée du temps de travail et les salaires

    En conclusion

    #capitalisme #exploitation #Temps_de_travail #flexibilité #travail #lutte_de_classe #taylorisme #toyotisme #droit_des_travailleurs

  • La machine est ton seigneur et ton maître - Agone
    https://agone.org/livres/la-machine-est-ton-seigneur-et-ton-maitre
    Deuxième édition actualisée et augmentée, postface et traduction de l’anglais par Celia Izoard.

    Sous le titre « Les ombres chinoises de la Silicon Valley », la réactualisation de la postface que donne Celia Izoard analyse l’écueil des fantasmagories de l’« économie immatérielle » auxquelles succède le quadrillage électronique de nos vies, tandis que la pandémie de Covid-19 « accomplit l’organisation légiférée de la séparation physique des individus pour leur vendre les moyens de communication leur permettant de ”rester en contact” ». Ce projet paradoxal, qu’ambitionnaient depuis longtemps les entreprises technologiques — remplacer les relations humaines incarnées par des transactions électroniques –, étant en prime auréolé d’une vision d’un nouvel humanisme fait de sécurité, de solidarité et d’hygiène.

    Un autre #livre à paraître prochainement aux éditions Divergence :
    L’automatisation et le futur du travail - Aaron Benanav
    https://www.editionsdivergences.com/livre/lautomatisation-et-le-futur-du-travail

    Intelligence artificielle, robots, big data, machine learning : l’automatisation semble sur le point de changer la face du monde et de mettre fin au travail humain. C’est du moins ce que s’entendent à dire les techno-futuristes de la Silicon Valley et les technophobes les plus critiques. Aaron Benanav pense au contraire que nous donnons trop de poids à l’automatisation dans nos discours par rapport à son influence réelle. Selon lui, la crise de l’emploi ne s’explique pas en vertu de l’automatisation de l’économie, mais par le ralentissement de la croissance mondiale. S’il n’y a pas lieu d’attendre des #technologies qu’elles nous libèrent du #travail et de la misère, où donc placer nos espoirs ? Contre les propositions de revenu universel qui auraient vocation à entretenir une humanité devenant tendanciellement inutile, Benanav fait le rêve audacieux d’une société d’abondance, fondée sur la conquête de l’appareil productif et le partage du travail nécessaire.

  • « Amazon tire vers le bas les conditions de travail dans tout le secteur », entretien avec David Gaboriau

    Pour le sociologue David Gaborieau, Amazon est « l’arbre qui cache la forêt » de la logistique, un secteur qui accueille désormais un quart des ouvriers français, et où les conditions de travail sont particulièrement difficiles.

    Ce vendredi 26 novembre est le « Black Friday », le « vendredi noir » venu des États-Unis pour désigner un jour de promotions commerciales particulièrement alléchantes avant les fêtes de fin d’année. Une tradition restée longtemps inconnue en France, jusqu’à ce qu’Amazon et d’autres acteurs de l’e-commerce l’imposent dans les usages.

    Ce vendredi encore (et toute la semaine qui l’a précédé, car la période de promotion s’est étendue), le site d’Amazon aura connu un pic de fréquentation, et son chiffre d’affaires une hausse fulgurante. L’occasion est belle pour les opposants à tout ce que représente le géant de l’e-commerce : Attac a appelé à cibler particulièrement ce vendredi ce mastodonte qui « incarne une vision du monde en totale contradiction avec la profonde aspiration à une vie décente sur une planète vivable ».

    Mais Amazon est bien installé durablement en France, et pèse désormais, y compris en tant qu’employeur. En 2014, l’entreprise comptait 2 500 salariés en CDI en France, et quatre entrepôts logistiques. Aujourd’hui, ils sont 14 500 salariés permanents répartis sur tout le territoire dans huit entrepôts – le dernier a ouvert cet été à Augny, en Moselle. Il faut donc aussi scruter le géant à travers ses pratiques sociales, et c’est ce que fait David Gaborieau.

    Sociologue du travail, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail-Cnam et chercheur associé à l’université Paris-Est, il s’intéresse particulièrement au secteur de la logistique (Mediapart l’a déjà interrogé à ce sujet). Pour sa thèse consacrée aux « usines à colis », il a régulièrement travaillé en entrepôt, comme préparateur de commandes, pendant sept ans.

    Selon David Gaborieau, Amazon « est devenu l’ennemi idéal », et son comportement vis-vis de ses salariés peut en effet susciter la critique. Mais l’entreprise est aussi « l’arbre qui cache la forêt » de toute la logistique, un secteur particulièrement dur, qui accueille désormais un quart des ouvriers français.

    Mediapart : Dans les débats publics autour du travail en entrepôt et de la place de la logistique dans notre vie, Amazon occupe toute la place. Pourquoi ?

    David Gaborieau : Cela fait longtemps que je dis qu’Amazon est l’arbre qui cache la forêt de la logistique. Ce qui s’est joué particulièrement en France, c’est qu’Amazon est devenu l’ennemi idéal. Quand on cherche à critiquer les nouveaux modes de consommation ou la logistique, c’est Amazon qui est la cible prioritaire.

    Amazon a tout ce qu’il faut pour constituer cette cible : un très grand groupe, états-unien, qui ne paye pas ses impôts en Europe, qui cherche à s’approprier des parts de marché gigantesques, et qui a commencé par investir le marché du livre, un secteur hautement symbolique en France.

    L’envergure du groupe justifie pleinement l’attention qu’on lui porte. Par exemple sur la question écologique : Amazon entraîne de grands changements dans nos modes de consommation, avec des conséquences catastrophiques. On l’a vu dans le scandale révélé en juin par Les Amis de la Terre autour de la destruction des invendus par Amazon au Royaume-Uni.

    Cette focalisation vous semble-t-elle parfois exagérée ?

    Amazon ne représente pas tout le secteur de la logistique. Si on reste sur la question écologique, la surface occupée par des entrepôts en France a plus que doublé en dix ans, passant de 32 millions à 78 millions de mètres carrés. Pour lutter contre l’artificialisation des terres et la destruction des terres agricoles, il peut être utile de cibler Amazon, mais il faut aussi considérer le secteur dans son ensemble.

    Amazon sert régulièrement de bouc émissaire. On l’a aussi vu pendant la crise sanitaire, où les seuls entrepôts qui ont dû fermer quelque temps sont ceux d’Amazon. C’était à la fois intéressant, car c’était une première, mais aussi aberrant de voir que seule cette entreprise était visée, alors que le problème était beaucoup plus large.

    Ce n’est pas pour rien si Amazon est mis en avant. Mais le pas suivant est de se poser de façon plus globale la question des modèles logistiques et des chaînes d’approvisionnement.

    Mais le poids d’Amazon fait de lui un acteur à part.

    Oui. Il faut tenir compte du fait qu’en tant qu’acteur dominant de l’e-commerce, en France et ailleurs dans le monde, Amazon transforme les conditions de travail dans l’ensemble de son secteur. Son modèle accroît la pression sur les coûts et sur les temps de livraison, et donc tire vers le bas les conditions de travail et les conditions d’emploi (car la part de l’intérim y augmente).

    On note aussi un affaiblissement des syndicats. Ce sont des logiques qui existaient déjà, et qui se renforcent. Plusieurs enquêtes sociologiques récentes le montrent bien, notamment aux États-Unis. (À ce sujet, lire cet article https://journals.openedition.org/travailemploi/10219 paru dans le récent numéro de la revue Travail et emploi sur « Les mondes logistiques », coordonné par Carlotta Benvegnù et David Gaborieau).

    Et en France, les conditions de travail des salariés d’Amazon sont-elles meilleures ou pires qu’ailleurs ?

    Elles ne sont ni meilleures ni pires. Les conditions de travail de l’ensemble du secteur de la logistique sont très dégradées. Le taux de fréquence des accidents du travail y est deux fois plus élevé que la moyenne. On se rapproche du niveau du BTP, qui a toujours été en tête du classement.

    Ce secteur génère de la pénibilité en raison du port de charges lourdes, cela est déjà ancien. Mais à partir du début des années 2000, on a aussi noté une vague d’intensification du travail, qui accroît cette pénibilité, notamment avec l’introduction d’outils numériques, qui accélèrent le rythme de travail : commande vocale, scanners avec écran tactile…

    Amazon est arrivé à cette époque [son premier entrepôt français a ouvert en 2007 – ndlr] , et dans ses usines, il y a ces nouvelles technologies. Toutes les données de l’entrepôt sont gérées avec des outils informatiques connectés aux ouvriers, qui, eux, gèrent le flux physique. L’accroissement de la circulation des données génère une intensification du travail, chez Amazon comme partout ailleurs.

    Vous soulignez que, de plus en plus, le travail en entrepôt ressemble au travail à la chaîne des ouvriers à l’usine.

    Dans l’ensemble de l’e-commerce, on voit apparaître ces dernières années des tapis roulants sur lesquels circulent les colis. Il y a quelques années, on disait qu’un salarié d’Amazon faisait 25 ou 30 km à pied par jour. C’est de moins en moins le cas. De plus en plus, le métier est celui d’un #ouvrier en travail posté, qui ne bouge plus, devant un tapis. Exactement à la façon des anciens « OS », les ouvriers spécialisés qui travaillent à la chaîne, comme Charlie Chaplin dans Les Temps modernes.

    Dans la logistique, il y a des entrepôts plus ou moins avancés sur ce point, mais les entrepôts Amazon sont vraiment devenus des usines à colis, avec des ouvriers spécialisés soumis au taylorisme. Un taylorisme assisté par ordinateur.

    Y a-t-il des avantages à travailler chez Amazon ?

    Sous certains aspects, travailler chez Amazon offre de meilleures conditions qu’ailleurs. La propreté dans l’entrepôt, la luminosité, tout ce qui concerne l’environnement de travail sont assez contrôlés.
    En revanche, l’hyper-sollicitation, et les gestes très répétitifs, va y être plus forte, parce qu’il y a beaucoup de petits produits qui circulent dans les entrepôts de l’e-commerce, ce qui implique une multiplication de gestes très rapides pour les ouvriers.

    Ce qui diffère vraiment chez Amazon, ce n’est pas le travail en lui-même, mais plutôt ce qui tourne autour. C’est une entreprise qui utilise beaucoup de communication interne, avec un slogan marquant, « Work hard, have fun, make history » (« Travailler dur, s’amuser, entrer dans l’histoire »), des activités ludiques dans l’entrepôt, où on fête Halloween ou Noël, un encadrement intermédiaire très jeune, familier avec les salariés. Amazon mobilise aussi tout un imaginaire de la grande entreprise, avec un vocabulaire à part, anglicisé.

    Quand on interroge des intérimaires qui circulent d’un entrepôt à un autre, ils ne disent pas que c’est pire qu’ailleurs. Ils disent tout de même que c’est mal payé, parce que les salaires y sont faibles.

    Mais ceux qui ont l’habitude des métiers physiques, dans des entrepôts sales ou anciens, décrivent l’entreprise comme « la maison des fous » – c’est une expression qui est revenue plusieurs fois dans mes enquêtes. Il y a ce décalage entre le travail à effectuer, les perspectives d’emploi qui sont faibles, et le monde enchanté qui est construit tout autour.

    À l’inverse, certains peuvent être convaincus, pour un temps au moins, par ce type de communication. Il s’agit notamment de salariés qui ont été longtemps éloignés de l’emploi.

    Dans cette ambiance, les syndicats ont-ils leur place ?

    C’est une autre distinction d’Amazon : la politique antisyndicale y est forte. Le #management cherche à surmobiliser les salariés, en développant un imaginaire particulier et en suscitant une adhésion chez des salariés qui ne sont pourtant que des exécutants.

    On a l’habitude de dire que le #taylorisme déshumanise, mais on a là une entreprise qui essaye de créer une « sur-humanisation managériale » – un terme emprunté à la sociologue Danièle Linhart.

    Cela implique un fort niveau de contrôle sur ce qui se passe sur le lieu de travail. Pas seulement un contrôle des tâches, mais aussi de l’ambiance, des discours qui sont produits sur le travail, des relations entre les personnes. Il y a une volonté de contrôler des espaces qui ne sont pas seulement ceux du geste ou de la tâche productive.

    Et dans ce modèle, avoir dans l’entreprise des syndicats d’opposition est considéré comme inacceptable. Comme contraire à l’ambition d’embarquer tous les salariés dans un même bateau, dans une grande aventure. (Lire aussi notre enquête sur les récentes condamnations de l’entreprise pour des licenciements de syndicalistes.)

    On le sait pour les États-Unis, où l’entreprise combat l’implantation des syndicats. Mais en France également ?

    Oui, même s’il est difficile d’avoir des chiffres concrets. Il peut y avoir de la discrimination syndicale, des syndicalistes licenciés pour leur action, mais il existe aussi d’autres éléments : pendant les mobilisations des « gilets jaunes », Amazon a enclenché plusieurs procédures de licenciement à l’égard de salariés qui avaient laissé des commentaires sur des groupes Facebook, où ils parlaient de leur entreprise https://www.leparisien.fr/economie/amazon-met-a-la-porte-des-salaries-pro-gilets-jaunes-03-02-2019-8003163.p. Pour repérer ce type de commentaires, il faut avoir une politique de surveillance active des réseaux sociaux, voire de ses salariés sur les réseaux sociaux.

    On le voit d’ailleurs bien lors de nos enquêtes sociologiques. Quand on travaille sur de grands groupes, il est rare que l’on soit contacté par ces groupes. Dans le cas d’Amazon, si on ne les contacte pas dès le départ, on peut être sûr qu’une responsable de la communication nous contactera à un moment, pour nous proposer de nous aider dans nos recherches. Et c’est plutôt intéressant de notre point de vue, même si nous savons que c’est une manière de contrôler un peu notre travail.

    Vous affirmez que le cœur de métier d’Amazon n’est pas la gestion d’un site internet, mais bien celle de l’organisation de ses ouvriers dans ses entrepôts.

    On peut sûrement en débattre, mais je pense qu’il est important de rappeler la centralité de l’exploitation massive d’une main-d’œuvre ouvrière dans ce modèle. Amazon, c’est 1,2 million de salariés dans le monde, et 15 000 en France, dont une grosse majorité d’ouvriers.

    Le discours qui a beaucoup été véhiculé sur l’entreprise a été celui d’une économie numérique, digitale, avec une image dématérialisée et volontairement dématérialisante. Amazon cherche toujours à effacer cet aspect-là de son activité : l’#usine, les ouvriers, les prolétaires.

    Ce discours se poursuit aujourd’hui, et son impact est fort : à chaque fois que je parle au grand public d’Amazon, on me dit que ses entrepôts sont déjà automatisés, ou qu’ils le seront bientôt. C’est entièrement faux. L’entreprise continue de recruter massivement. Elle bénéficie de nouvelles technologies, et de gains de productivité importants, certes. Mais à aucun moment on ne fait disparaître les ouvriers de ce modèle. Ils sont centraux.

    Un exemple flagrant du discours de l’entreprise, ce sont les vidéos montrant les robots Kiva https://www.youtube.com/watch?v=ULswQgd73Tc

    , rachetés par Amazon, à l’œuvre dans les entrepôts. Ils déplacent automatiquement des colis sur les étagères, oui.

    Mais dans ces vidéos, on ne voit jamais le poste de travail qui consiste à mettre les colis sur ces étagères, ou à les récupérer pour les mettre sur d’autres supports. Un travail occupé par un salarié, très répétitif et avec peu de latitude de mouvement.

    Dire que les ouvriers vont bientôt disparaître du monde industriel, c’est une chimère sans cesse renouvelée.

    Les salariés d’Amazon travaillent-ils sous commande vocale, avec un casque et un micro pour dialoguer avec une machine qui leur dicte leurs tâches, minute après minute ?

    Non, contrairement à ce qui se passe dans tous les entrepôts de la grande distribution alimentaire. En revanche, ils travaillent avec d’autres outils numériques. Et tous ces outils, commande vocale, PDA [personal digital assistants, petites tablettes numériques – ndlr], scanners ou bagues portant des scanners, produisent sensiblement les mêmes effets : perte d’autonomie, perte de savoir-faire, intensification du travail, contrôle accru et individualisation des tâches.

    Les travailleurs de ce monde-là évoluent-ils dans un monde différent de celui des ouvriers classiques ?

    On pourrait dire que ce sont les nouveaux ouvriers. Mais la différence avec les anciens mondes ouvriers (qui s’affaiblissent sans disparaître), où l’on fabrique des produits dans des usines, est que les conditions de travail sont un peu plus dégradées. Si on compare avec les usines automobiles, par exemple, les salaires y sont plus faibles, et les possibilités de carrière sont bien moindres.

    Dans le monde ouvrier classique, il y a des possibilités de petites évolutions, à l’ancienneté, qui permettent d’obtenir petit à petit des postes moins exposés à la pénibilité. Malgré les difficultés, on peut tenter de s’ancrer durablement dans un métier pour y trouver une stabilité. Dans les entrepôts, cela n’existe presque plus.

    Ce qui se passe, c’est que les salariés quittent l’entrepôt parce qu’ils savent que s’ils restent, on ne leur proposera pas d’évolution professionnelle et qu’ils auront des problèmes de santé. D’ailleurs, le secteur s’appuie massivement sur l’#intérim, ce qui l’exonère d’avoir à gérer toute une partie des problèmes de santé (lire ici notre reportage sur l’intérim dans un entrepôt Amazon https://www.mediapart.fr/journal/economie/261121/chez-amazon-l-interim-c-est-toute-l-annee).

    Décelez-vous l’émergence d’une conscience collective de ces ouvriers d’un nouveau genre ?

    Oui, c’est en train de bouger. D’abord parce que ces salariés deviennent très nombreux. Il y a 800 000 ouvriers dans la logistique en France, et 1,5 million si on ajoute le transport de marchandises et les livreurs. C’est-à-dire un quart des ouvriers. Le double de ce qu’ils représentaient dans les années 1980.

    Le souci est que cette émergence est assez récente et que le secteur a longtemps été éclaté en petites unités, avec beaucoup de turn-over, pas de carrière possible, et souvent des problèmes de santé. Il est donc difficile de s’inscrire durablement dans ce métier. En l’état, c’est juste un boulot de passage, dont on espère pouvoir sortir rapidement.

    À une échelle plus large et plus politique, la faible visibilité sociale de ces travailleurs fait qu’ils ont du mal à s’identifier. Dans les représentations classiques, le monde ouvrier reste associé à la production, à une usine qui fabrique des objets.

    Mais le monde s’est transformé, la circulation des produits y est devenue centrale. Ces nouveaux ouvriers produisent du flux, dans des usines à colis. Ils occupent aujourd’hui des lieux aussi stratégiques pour le capitalisme que l’étaient les grandes usines automobiles des années 1970-1980. Les forteresses ouvrières mythiques ont disparu, mais il faut essayer de les retrouver dans des secteurs comme la logistique.

    L’enjeu est aussi syndical.

    Tout à fait. Aujourd’hui, dans le secteur, le taux de syndicalisation est de 4 %, contre 10 % dans le monde ouvrier. La logistique elle-même a participé à favoriser l’éclatement des unités productives, qu’on observe depuis les années 1980 : grâce à une chaîne logistique performante qui relie ses différentes petites unités, un grand groupe peut avoir beaucoup plus recours à la sous-traitance. Cet éclatement rend difficiles l’identification et le syndicalisme.

    Mais actuellement, avec Amazon et plus généralement avec l’e-commerce, on voit réapparaître de très gros acteurs, avec de très gros entrepôts qui sont en train de devenir de très grosses usines. On a donc un phénomène de reconcentration ouvrière dans ces lieux. Et presque automatiquement, quand on met ensemble 2 000, 3 000, et maintenant 5 000 ouvriers comme dans certains entrepôts Amazon, on recrée de l’activité syndicale.

    En quelques années chez Amazon en France, on est parti d’un désert syndical et on est arrivé à des bases syndicales désormais bien implantées, qui arrivent à enrôler une partie de la main-d’œuvre. Ce qui manque en revanche, c’est une représentation syndicale à l’échelle de tout le secteur, un cadre qui permettrait de porter une parole commune et des revendications plus larges, pour l’ensemble de ces ouvriers, comme peuvent le faire les chauffeurs routiers par exemple.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie/261121/amazon-tire-vers-le-bas-les-conditions-de-travail-dans-tout-le-secteur

    #travail #logistique #Amazon

  • Petit crash course sur le #Taylorisme

    Le but même du taylorisme était de remplacer le savoir implicite des ouvriers avec des méthodes de production de masse, développées, planifiées, surveillées et contrôlées par les managers. Le Taylorisme va s’imposer en promouvant l’efficacité par la standardisation et la mesure, d’abord dans l’industrie avant de coloniser avec le siècle, tous les autres secteurs productifs. Le Taylorisme a été développé par les ingénieurs, mais aussi par les comptables. L’expertise nécessitait des méthodes quantitatives. Les décisions basées sur des chiffres étaient vues comme scientifiques, comme objectives et précises. La performance de toute organisation pouvait alors être optimisée en utilisant les mêmes outils et techniques de management. Ceux qui calculaient les coûts et les marges de profits s’alliaient avec ceux qui retiraient l’expérience des travailleurs pour les fondre dans des machines qui décomposaient les tâches pour mieux mesurer chacune et pour les rendre non spécialisée, permettant de remplacer n’importe quel travailleur par un autre. Le calcul s’est immiscé partout. Le biais matérialiste également : il était partout plus facile de mesurer les apports et rendements tangibles que les facteurs humains intangibles – comme la stratégie, la cohésion, la morale…

    trouvé au détour d’un article / revue de livre de l’historien américain Jerry Z #Muller « La tyrannie des #métriques »

    http://www.internetactu.net/2018/09/17/de-la-tyrannie-des-metriques

  • Travailleurs, travailleuses entendez-vous l’éco ?
    Le pouvoir aux salarié·e·s ?

    Un nombre croissant de travailleurs ont le sentiment d’être dépossédés de leur pouvoir d’agir et de décider au sein de leur entreprise. Comment dès lors conquérir des espaces de liberté dans des organisations régies par l’injonction managériale à l’efficacité et l’impératif actionnarial de profit ?

    https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-mardi-08-janvier-2019


    https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_maniement_des_hommes-9782707186577.html
    https://www.franceculture.fr/personne-tiphaine-de-rocquigny

    https://www.youtube.com/watch?v=nwXwzDqN6mc


    Nina Simone - Work Song
    #Taylorisme #management #travail #économie #salariat

  • Les impôts pris d’assaut Olive - 13 Août 2018 - La Brique

    À Lille, les salarié.es de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) sont en grève depuis avril. Ces dernièr.es protestent contre le fameux projet de réforme des services publics Cap 2022 lancé le 13 octobre 2017 par le gouvernement. Le volet concernant la gestion des impôts prévoit en effet la suppression de 20 000 postes de fonctionnaires dans le Nord – 120 000 à l’échelle nationale – le remplacement partiel des fonctionnaires par des salarié.es contractuel.les et renforce drastiquement la dématérialisation de la majorité des démarches administratives.
     
    Le mot d’ordre de #Cap_2022 est à la réduction des dépenses publiques pour les contribuables... à leur dépens. Quand Edouard Philippe s’engage à « redonner du sens, de la cohérence et de la lisibilité aux services publics », il faut comprendre le calcul : modernisation + progrès technique = #Taylorisme 2.0. Une conception de la rationalisation qui prendrait la forme de portails informatiques et téléphoniques pour toutes les démarches fiscales. L’heure du « tout numérique » a la malséance d’estimer que tout le monde dispose d’un accès à l’#internet et que les services rendus par les agent.es physiques sont archaïques.

    L’État social en pop-up !
    Le défenseur des droits alertait d’ailleurs dans son dernier rapport des conséquences désastreuses de la dématérialisation des services publics en terme d’accès aux droits. L’expertise dénonce expressément « l’amplification de l’inaccessibilité de l’information en raison de la suppression des services d’accueil, de la dématérialisation » et de plateformes téléphoniques inopérantes. Un euphémisme qu’il faut comprendre comme l’éviction d’une partie de la population en situation de précarité des dispositifs assurant le service public (1). . . . . . . . .

    La suite : http://labrique.net/index.php/thematiques/lutte-des-classes/1009-les-impots-pris-d-assaut

  • Danièle Linhart : « Les méthodes de management centrées sur le ’savoir être’ des salariés ne sont qu’une application exacerbée du taylorisme » - Observatoire des multinationales @observatoiremultinat
    http://multinationales.org/Daniele-Linhart-Les-methodes-de-management-centrees-sur-le-savoir-e
    http://multinationales.org/IMG/arton1207.jpg?1522049422

    Les nouvelles méthodes de #management se prétendent au service de l’épanouissement des salariés, de leur « savoir être » et de la « réalisation de soi » en entreprise. #Danièle_Linhart, spécialiste de l’évolution du travail et de l’emploi, démonte ces impostures et montre comment le management moderne s’inscrit dans la lignée du travail à la chaîne théorisé par Taylor et Ford pour toujours mieux asservir les salariés. Objectif : déposséder les travailleurs de leurs savoirs et de toute forme de pouvoir dans l’entreprise. « Le patronat ne veut surtout pas que la contestation massive qui s’est exprimée en 1968 ne se reproduise », explique-t-elle. Entretien.

    #asservissement #taylorisme

  • David Pujadas : la face cachée du 20 h
    Syndicat national des journalistes - France Télévision
    http://snj-francetv.fr/david-pujadas-la-face-cachee-du-20-h

    Sur son piédestal du 20 h de #France2, David Pujadas se croyait intouchable, protégé par de bons chiffres d’audience. Le présentateur vedette vient pourtant d’être écarté. Une décision de #Delphine_Ernotte, Présidente de France Télévisions, qui peut paraître brutale.

    Le SNJ #France_Télévisions ne peut se réjouir des soubresauts que traverse le Service Public depuis cette annonce. Car M. #Pujadas a été la figure de proue de l’Information de France 2 pendant 16 ans. Il est donc normal que son départ suscite des interrogations.

    Cependant, le SNJ rappelle qu’il n’avait cessé d’alerter la direction de l’Information sur les dérives de l’édition phare de la chaîne, sous le règne de #David_Pujadas et d’ #Agnès_Vahramian, sa rédactrice-en-chef.

    Non, l’audience ne justifie pas tout, et le côté obscur du 20h se traduisait par une violence du #management, un taylorisme érigé en système, et de la #discrimination professionnelle. Alain De Chalvron, ancien correspondant de France 2 en Chine, n’avait-il pas lui-même été « exclu » du 20h pour avoir écrit un rapport sur l’état de la rédaction, pourtant demandé par la Présidente de FTV.

    Le 20 h était tenu par une caste, celle d’un petit groupe de journalistes. L’étage supérieur de la fusée qui décide de tout : le #taylorisme journalistique a été imposé comme l’ultime étape d’un système visant à contourner toute #contradiction. Autrement dit, les journalistes qui mettent en forme l’information ne sont pas ceux qui la recueillent. Ceux qui fournissent des « bouts de sujets » sont cantonnés à des rôles d’exécutants.

    Sur la planète #20h, tout le monde est perdant. Alors que des #journalistes peu expérimentés érigés en « nouvelles stars » de l’antenne sont en surchauffe, de grands reporters sont réduits à des missions dégradantes : multiplier les éléments.

    De nombreuses dérives de cette édition ont été pointées par le médiateur de FTV. Les sujets « incarnés » ont suscité l’opprobre de bon nombre de téléspectateurs. Quel est l’intérêt journalistique de mettre en scène les journalistes au risque de donner à voir une réalité aseptisée, pour ne pas dire déformée ? Et que dire des micros-trottoirs dans laquelle on laisse parfois des électeurs d’extrême-droite tenir des propos discriminatoires, sans apporter la moindre contradiction ? La diffusion d’un dossier sur des stages destinés à redorer la masculinité des participants, sans apporter de contrepoint ni dénoncer le caractère sexiste, et lancé sur la « fin du patriarcat » a également suscité beaucoup de réactions.

    Autre hasard du calendrier, dans une tribune écrite dans Libération, le directeur de l’Information, #Michel_Field, qui semble découvrir opportunément le contenu des journaux, s’interroge sur les reportages « incarnés » tout comme sur les « effets de montage, musique et commentaires dramatisants ».

    Le même directeur de l’information qui paraissait peu enclin à défendre l’ #investigation ces dernières semaines, et qui semble souvent bien loin de s’intéresser à ses équipes de reporters, sauf à les remercier par mail après certaines opérations spéciales.

    Le #SNJ n’a pas à se féliciter ou à se plaindre d’un choix qui n’est pas de notre ressort. C’est une prérogative, de la présidente sans aucun doute.

    Le choix du calendrier est néanmoins catastrophique puisqu’il jette sur le service public un nouveau doute quant au lien politique entre des décisions et le changement d’actionnaire.

    Notre seule vigilance s’opère sur les contenus, et les principes qui régissent notre profession. Le choix des équipes quelles qu’elles soient doit se faire dans le respect des uns et des autres, et permettre de repartir sur des bases saines qu’elles soient journalistiques ou sociales.

    Les révolutions de palais ne changent rien pour celles et ceux qui dans l’ombre tentent de faire leur métier du mieux possible.

    Paris, le 17 mai 2017

  • Les 700.000 #ouvriers invisibles des #usines à #colis françaises | StreetPress
    http://www.streetpress.com/sujet/1484676734-ouvriers-invisibles-des-usines-colis-francaises

    Taisez-vous et bossez !

    Ces grands hangars pourraient fonctionner de manière artisanale, mais les nouvelles technologies les ont transformés depuis une dizaine d’années. L’outil informatique organise, catégorise, contrôle et impose un scénario de travail aux ouvriers.

    C’est la même chose que dans les call centers où la personne suit tout le schéma de conversation sur son ordinateur, selon ce que lui répond le client.

    Un #taylorisme, version #numérique

    Le préparateur de commande reçoit les informations d’une voix numérique dans son casque qui lui dit point par point ce qu’il doit faire. C’est du taylorisme version numérique ! Il évolue dans une bulle au sein de son lieu de travail et n’a plus besoin de poser de question ou de discuter avec un collègue, encore moins de travailler en équipe. Dès qu’il prononce un mot, comme un « bonjour », la machine l’entend et rétorque : « Répétez, ce mot n’est pas compris »…

  • L’abolition du système salarial une utopie ?
    L’empire de la domination masculine sur la sexualité des femmes a-t-il un fondement capitaliste ?
    Serons-nous éternellement prisonniers de ce que nous produisons ?

    British Sounds(1969) de jean-Luc Godard, Jean-Henri Roger et Jean-Pierre Gorin (Groupe Dziga Vertov)

    http://vimeo.com/54291385

    Tourné en février 69, le film est revendiqué après coup par le groupe Dziga Vertov. C’est la première tentative de #Godard pour travailler en #dialogue avec quelqu’un. En fevrier 69, il se lie d’amitié avec un jeune militant #maioste, #Jean-Henri_Roger, qui n’a encore jamais tourné de #film. Il lui propose d’etre #coréalisateur d’un film commandé par une petite #telévison anglaise, #London_week-end televison.
    #Jean-Henri_Roger sera ensuite l’un des membres fondateurs de #cinélutte puis coréalisateur de films avec Juliette Bertho, sa compagne, puis réalisteur de longs métrages et comédien dans #Eloge_de_l'amour.
    Godard avait déjà tourné #One+one en #Angleterre à la fin de l’été #68. Il applique ici un principe de #Brecht selon lequel il ne faut pas donner d’#images trop complexes du monde. Godard et Roger vont simplifier le #monde avec une série de #plans-séquences longs avec, au maximum, une #idée par #plan.
    A Londres ils ne rencontrent pas de #militants #maoïstes mais de la nouvelle #gauche #anglaise, des #trotskistes. London week-end #televison refuse de diffuser le film fini. Il ne sera que très partiellement montré, le 2 janvier 1970, au cours d’un débat qu’il illustre d’extraits. La première projection à Paris se fait lorsque le #groupe_Dziga_Vertov est formé.

    #Industrie #Machines #Taylorisme #Aliénation #Travail #Exploitation #Prolétariat #Ouvriers #Bourgeoisie #Politique #Culture #Luttes-des_classes #Domination #Féminisme #Sexualité #Propriété #Capital #Capitalisme #Marxisme #théorie_de_la_valeur #Communisme #Marchandise #Histoire #Technique #Langage_cinématographique #Documentaire #Vidéo

  • La classe ouvrière à vif et à vie !
    Avec le sang des autres (1974) un film de Bruno Muel
    http://www.youtube.com/watch?v=3fANWq_CzWY


    http://www.dvdclassik.com/critique/a-bientot-j-espere-marker-marret

    Dans #Avec_le_sang_des_autres, Bruno Muel peut enfin #filmer cette chaîne de Peugeot qui lui été interdite dans Week-end à #Sochaux.
    Là encore, Bruno Muel reprend une forme documentaire classique pour aller au cœur du monde ouvrier de Peugeot. Ce #film, il l’a réalisé seul ou presque. Les #artisans des #groupes_Medvedkine n’ont pu conserver leur passion intacte face à la machine à broyer. Trop de luttes#syndicales, au jour le jour, trop de fatigue, l’usure des corps et des esprits. La #chaîne a repris ses droits et Muel tient à témoigner de sa force destructrice. Avec le sang des autres, c’est la description minutieuse d’une région entière sous la coupe de Peugeot. On découvre l’arbre généalogique de la famille dont les embranchements se répandent à tous les postes clés de #Sochaux et des environs depuis des générations. Main mise tentaculaire des homme Peugeots, mais aussi des moyens qui tissent un réseau aux mailles infranchissables. Les employés Peugeot sont allés à l’#école #privée Peugeot, à l’école d’apprentissage Peugeot, ont joué dans le club de sport Peugeot. Et ils sont enterrés dans des cercueils Peugeot portés par les corbillards Peugeot. Les #habitations (vétustes), la chaîne de magasins RAVI où chacun se rend, les #transports… toute la vie est estampillée Peugeot et il paraît impossible de s’en échapper. Peugeot établit une continuité entre le travail et la vie privée, en abolit les frontières. Sa #gestion de la chaîne, afin d’empêcher qu’une lutte s’organise, il la reprend dans le réseau d’#habitations de la #ville. Sur la chaîne, Peugeot fait de la "gestion logique des placements" en alignant les homme de manière à ce que chaque ouvrier ait le moins possible de points communs avec son voisin. En ville, Peugeot loge ses employés dans un semis de petites #cités mal desservies. Chaque #habitant peut difficilement gagner le centre ou d’autres foyers de #travailleurs, le seul transport en commun est celui qui les mène à l’usine.
    L’élément central d’Avec le sang des autres, demeure la chaîne, véritable #monstre #destructeur qui avale la #vie des ouvriers. On ne peut vraiment saisir par l’image toute l’horreur de cette entité. Par ses scènes répétitives du #travail à la chaîne, le film entend décrire l’#aliénation des ouvriers, mais ces longues séquences, déjà interminables, ne peuvent pleinement donner corps à cet longue et usante suite de #gestes toujours #répétés, #reproduits à l’infini, #vidésde #sens. Il faut entendre le plus poignant des #témoignages pour commencer à saisir une once de la #destruction qui est à l’œuvre ici. En voix off, un #employé parle, ou plutôt essaye de parler. Car sa voix est usée, brisée. : "Quand t’as pas parlé pendant neuf heures, tu as trop de choses à dire que tu n’y arrives pas… tu bégaies". Il parle de ses mains abîmées, de ses pouces qu’il ne peut plus plier. Il ne peut plus toucher sa femme, déboutonner les vêtements de ses enfants. Cinq années de chaîne lui ont #volé ses mains. Il nous parle de la #honte, la honte de ce#travail qui n’est pas un #métier, la honte d’#être #soi-même. Il n’a plus de besoins, plus d’#envie. Il ne peut plus #lire, même pas par#fatigue, par #lassitude. "Je ne me dis même plus : à quoi ça sert de lire ? ». Et la #peur chaque jour d’y retourner. Et la peur de ne plus pouvoir y travailler, car après c’est le balai. Et « à 45 ans au balai, à 50 tu es mort".
    Une employée parle de ses #rêves #détruits, d’une lutte qu’elle ne peut plus mener. "Le #Socialisme on n’y pense même plus. On ne sait même plus ce qu’on attend (…) le #bonheur on n’y croit plus, seulement par morceaux". Avec #le_sang_des_autres est un documentaire magnifique, aussi poignant que juste dans sa #description du monde ouvrier. Le film se termine sur une #fête entre les ouvriers, des chants, une certaine joie que Muel coupe brutalement par de nouvelles images de la chaîne. Le bruit des machines, qui court tout au long du film, souvent en off sur d’autres images, assourdit toutes ces vies. La douleur vient aussi du fait qu’Avec le sang des autres marque la fin d’un rêve. Les groupes Medvedkine, ce sont 330 minutes d’espoir et de lutte, une lutte souvent joyeuse, des espoirs souvent #mélancoliques. Une expérience unique, un #témoignage du monde ouvrier #indispensable, qui dépasse son cadre historique pour parler de notre époque avec une lucidité rare et#salvatrice.

    #Bruno_Muel #luttes_Des_classes #Usine #Taylorisme #Ouvriers #prolétariat #Cités-dortoirs #Capitalisme #Peuples #Exploitation#Domination #Documentaire #Groupes_Medvedkine #Vidéo

  • Tant qu’il y aura des dominants et des dominés « la lutte des classes » aura un avenir infini...
    À bientôt j’espère (1967-1968) un film de Chris Marker et Mariot Marret
    https://www.youtube.com/watch?v=pswaIh0Qa-g

    http://www.dvdclassik.com/critique/a-bientot-j-espere-marker-marret

    Marker filme la grève dans la filature de #Rhodiaceta (groupe Rhônes-Poulenc) de #Besançon en 1967, à la demande de #Pol_Cèbe, #bibliothécaire de l’usine. Cèbe envisage un projet où les ouvriers pourraient prendre en main leur #émancipation par la #réappropriation d’une #culture détenue par la #bourgeoisie. Ses préoccupations rencontrent celles de Marker et Marret qui désirent reproduire l’#expérience du ciné-train du cinéaste #Medvedkine. En 1932, le #réalisateur russe parcourait l’U.R.S.S. à bord d’un train, filmait les ouvriers et leur montrait juste après montage dans la journée le résultat. Application des théories de #Walter_Benjamin (1), l’idée était alors de permettre aux ouvriers de se #voir au #travail, de leur #donner les #outils pour l’#améliorer, bref #construire la nouvelle Russie. La méthode est directement issue de la première période du #cinéma où des #cinéastes itinérants allaient de ville en ville filmer les sorties d’usines et montrer le soir même aux habitants le résultat. Les gens se déplaçaient en masse, heureux de se voir, de voir leurs voisins, leurs amis. Medvedkine dépasse le simple #spectacle #mercantile dans une optique #politique et #sociale, un outil de #propagande au service d’un nouvel #idéal. Marker et Marret décident donc de prolonger cette expérience. Leur idée consiste à filmer au plus près le travail des ouvriers, leur mode de vie, de manière à leur faire #appréhender leurs #spécificités, leur culture, leur mode de vie. Et leur donner les outils pour changer leur condition. Tout commence avec un appel lancé à Marker par René Berchoud, secrétaire du CCPPO (voir bonus). Il l’enjoint de venir à #Rhodia car quelque chose s’y passe d’important. Déjà en #1936, les grandes #grèves démarrèrent dans les filatures du Jura et Berchoud sent qu’il n’assiste pas seulement à une grève, mais à une prise de #conscience. Une projection de Loin du Vietnam vient d’y être organisée, et ce pamphlet collectif a profondément marqué les ouvriers de l’usine. Pas seulement parce que c’est la première fois qu’une avant première est dédiée aux travailleurs, mais également car à travers ce travail, une idée se profile…

    Marker et Marret tournent alors #A_bientôt _j’espère, dont le titre même évoque quelque chose qui prend #corps. Dans ce #reportage sur la grève de la Rhodiaceta (groupe Rhônes-Poulec), les ouvriers se livrent, peut-être pour la première fois, devant la #caméra. Leurs revendications portent non sur les #salaires, mais plus généralement sur leur #qualité de #vie, et surtout sur l’accès à une #culture qui jusqu’ici leur paraissait impossible. Des paroles qui annoncent #Mai #68. A l’origine, le mouvement naît des menaces de licenciement qui pèsent sur les 14000 ouvriers du #groupe. Les paroles des #dirigeants résonnent bizarrement dans notre #société actuelle. Ils se réfugient déjà derrière le marché commun, expliquant que les #suppressions d’#emploi ne sont pas de leur fait, mais leur sont imposées par des forces extérieures. A bientôt j’espère s’ouvre sur l’image d’ouvriers qui, Noël approchant, choisissent des sapins. C’est bien en quelque sorte la #fête qui va marquer la fin du mouvement, les ouvriers voulant, malgré tout, pouvoir offrir des cadeaux à leurs enfants. Si l’ouverture annonce la fin du film, elle enchaîne immédiatement sur un #meeting qui s’improvise sous la neige, annonçant d’emblée que malgré la fin abrupte du mouvement, il y a quelque chose qui en naît et qui se poursuivra.

    #luttes_Des_classes #Usine #Taylorisme #Ouvriers#prolétariat #Capitalisme #Communisme #Culture #Peuples #Exploitation #Domination #Groupes_Medvedkine #Chris_Marker #Mario_Marret #Alexandre_Medvedkine #Pol_Cèbe #Documentaire #Vidéo

  • Vers une foule sans maître ? | Contretemps
    http://www.contretemps.eu/interviews/vers-foule-ma%C3%AEtre

    Vers une foule sans maître ?

    Je dis cela parce que nous sommes les héritiers d’une sociologie où la domination, si on prend Max Weber dans Économie et société, est la même chose que l’autorité : la domination, pour lui, c’est « la chance pour un ordre de rencontrer une docilité ». La domination est le commandement. Cela pose beaucoup de problèmes, parce que dans la gestion de ces grands dispositifs organisés, bien sûr qu’il y a beaucoup d’ordres au sens de prescriptions. Mais il y a aussi beaucoup d’apprentissages de formes de l’action qui sont des mises en coordination technique, des mise en relations qui ne sont pas vraiment des ordres et qui passent par de la conversation, de la palabre sur place, dans l’entreprise, en présence des responsables, des machines, des objets, des pièces. Donc il y a une nécessité d’avoir des « formes de présence » pour gérer les grands dispositifs.

    #capitalisme #taylorisme #yves_cohen #auto-organisation

  • Jean-François Gava - Travail immatériel et postfordisme : kairos libérateur ou hypertaylorisme ?
    variations.revues.org/440
    « Et pourtant, il semble bien qu’on tienne avec la ‘descente’ des fonctions de gestion dans l’atelier le motif d’inspiration majeur des théoriciens de l’autonomisation de la force de travail et de la constitution d’un pouvoir de fabrique indépendant du commandement capitaliste (system engineering). C’est bien, en effet, la ‘Kan Ban-isation’ de l’économie, c’est-à-dire la substitution de la logique du bottom-up - de bas en haut, en réalité d’avant en arrière, du marché aux fournisseurs de pièces, sorte de rebroussement horizontal de la filière productive par le flux informationnel - à celle du top-down tayloriste traditionnel (de haut en bas, séparation décision-exécution) qui fournit la forme privilégiée du travail nouveau comme pure coopération : celle-ci s’articule par le biais du medium communicationnel. Il semble donc que le travail immatériel vienne innerver l’ensemble des fonctions productives, y compris celles jadis dévolues à la classe ouvrière d’usine, et non plus seulement celles consacrées à la conception de biens immatériels et de services nouveaux. L’ouvrier social s’incorpore le capital fixe cognitif en le valorisant à son propre compte, produisant ainsi une subjectivité autonome, irréductible à l’empire de la valeur et vidant de toute fonctionnalité la tutelle de la hiérarchie fordiste, désormais parasitaire. »
    #Jean-François_Gava #marxisme #philosophie #fordisme #taylorisme

  • On s’est souvent demandé comment des #marxistes avaient pu être #staliniens. Mais si les patrons sont progressifs, à condition qu’ils bâtissent des usines, comment des commissaires qui en bâtissent autant et plus ne le seraient-ils pas ? Quant à ce développement des forces productives, il est univoque et univoquement déterminé par l’état de la #technique. Il n’y a qu’une technique à une étape donnée, il n’y a donc qu’un seul ensemble rationnel de méthodes de #production. Il n’est pas question, cela n’a pas de sens, d’essayer de développer une société par des voies autres que l’« industrialisation » – terme en apparence neutre, mais qui finalement accouchera de tout son contenu capitaliste. La #rationalisation de la production, c’est la rationalisation créée déjà par le #capitalisme, la souveraineté de l’« #économique » dans tous les sens du terme, la quantification, le plan qui traite les hommes et leurs activités comme des variables mesurables. Réactionnaire sous le capitalisme dès lors que celui-ci ne développe plus les forces productives et ne s’en sert que pour une exploitation de plus en plus « parasitaire », tout cela devient progressif sous la « dictature du prolétariat ». Cette transformation « dialectique » du sens du #taylorisme, par exemple, sera explicitée par Trotski dès 1919. Que cette situation laisse subsister quelques problèmes philosophiques, puisqu’on ne voit pas dans ces conditions comment des « #infrastructures » identiques peuvent soutenir des édifices sociaux opposés ; qu’elle laisse aussi subsister quelques problèmes réels, pour autant que les ouvriers insuffisamment mûrs ne comprennent pas la différence qui sépare le taylorisme des patrons et celui de l’Etat socialiste, peu importe. On enjambera les premiers à l’aide de la « dialectique », on fera taire les seconds à coups de fusil. L’histoire universelle n’est pas le lieu de la subtilité.

    Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société