#BALLAST • Discussion avec #Paul_Guillibert : vers un « #communisme_du_vivant » ?
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Vous appelez à un « communisme du vivant ». Est-ce vraiment différent de l’#écosocialisme ?
Il faut commencer par noter les continuités. On pourrait dire, de manière très générale, que les écosocialismes désignent les courants de pensée qui font du capitalisme la cause principale de la catastrophe environnementale et des projets socialistes sa solution hégémonique. Comme son nom l’indique, il s’agit de l’inscription dans la tradition des politiques d’émancipation sociale du XIXe siècle. À cet égard, le terme d’écosocialisme recoupe des traditions, des courants et des pratiques très diverses qui vont de l’écologie sociale de Murray Bookchin à l’écosocialisme marxiste de Michael Löwy ou Daniel Tanuro. Mon travail s’inscrit évidemment dans cette dernière tradition. Mais le « communisme du vivant » est une spécification de l’écosocialisme. Je crois que la tradition marxiste gagnerait à revendiquer plus explicitement l’horizon du communisme. Ceci dit, il existe trois inflexions importantes. La première tient à l’importance qu’on accorde aux mutations cosmologiques ou aux réflexions ontologiques sur la nature. En parlant de communisme du vivant, je prends comme point de départ l’idée que nos manières de percevoir le monde sont en train de se modifier peu à peu. Les catégories qui nous permettent d’identifier les êtres politiques et leur place dans l’espace des discours subissent de profondes transformations sous l’effet du changement climatique, des luttes écologistes et des hybridations postcoloniales. Le communisme du vivant élargit donc la perspective de l’écosocialisme en s’interrogeant sur nos modes d’identification de la nature et donc sur la composition écologique des subjectivités politiques.
La deuxième divergence tient à l’idée qu’on retrouve chez John Bellamy Foster ou Paul Burkett, par exemple, selon laquelle la crise écologique est une conséquence de plus à mettre au compte du capitalisme — sans que cela change grand-chose à notre compréhension du capitalisme lui-même. Le capitalisme est toujours défini comme un système économique fondé sur la vente de marchandises, pour le profit, par des travailleurs humains salariés, c’est-à-dire dépossédés de leurs conditions de reproduction. À son compte, il faudrait donc ajouter une conséquence négative de plus : la destruction de la nature, la perturbation des milieux et des écosystèmes. Il me semble qu’il faut plutôt, suivant des auteurs comme Andreas Malm ou Jason W. Moore, redéfinir le capitalisme à partir de son rapport aux natures qu’il transforme, à son régime écologique. Ceci permet d’avoir une théorie renouvelée de l’historicité du capitalisme.