« Les casserolades, c’est très populaire et ça permet à tout le monde de participer » – Libération

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  • « Les casserolades, c’est très populaire et ça permet à tout le monde de participer » | Libé | 26.04.23

    https://www.liberation.fr/economie/social/les-casserolades-cest-tres-populaire-et-ca-permet-a-tout-le-monde-de-part

    Pour Lou Chesné, porte-parole de ATTAC [bientôt dissout :-) ], c’est le côté très accessible et populaire de cette forme de contestation qui explique son succès.
    [...]

    Comment est venue l’idée de faire une carte des casserolades et des rassemblements contre la réforme des retraites ?

    A Attac, on a une tradition d’accompagnement du mouvement social et de valorisation des évènements en lien avec celui-ci. On fait régulièrement des cartes pour visualiser les villes où ont lieu nos actions. Donc quand l’appel aux casserolades devant les mairies a été lancé avant l’allocution d’Emmanuel Macron, le 17 avril, c’était assez naturel pour nous de recenser tous les endroits où cela aurait lieu. Et de fil en aiguille, on a continué à le faire quand on a vu que ça prenait un peu partout pour les déplacements de ministres, du Président, etc. On essaie de mettre à jour la carte très régulièrement dans l’optique de rendre visible en un coup d’œil tous les déplacements et notamment tous ceux qui ont été perturbés ou annulés.

    Ça fonctionne comment ?

    C’est très artisanal parce que ce n’était pas une campagne anticipée de notre part. L’appel aux casserolades du 17 avril a si bien marché qu’on s’est retrouvés avec des centaines de mails sur l’adresse qu’on a créée (carte@attac.org) pour l’occasion. Les messages proviennent pas mal de gens localement implantés qui nous disent « il y a telle ou telle personne qui vient », et dans leur majorité, ce ne sont pas des militants d’Attac. Depuis, on est une petite dizaine de personnes à traiter manuellement les informations reçues et à placer les points sur la carte. On regarde également les appels passés sur les réseaux sociaux. Et on essaie de documenter et de rendre compte des mobilisations après qu’elles aient eu lieu, pas seulement de les annoncer. C’est très chronophage, ça nous prend plusieurs heures par jour. On a été un peu dépassés par le succès – nous avons cinq à six fois plus de trafic sur le site qu’en temps normal… (Rires)

    Comment expliquez-vous le succès de ces casserolades et le fait que le mouvement social ne retombe pas ?

    Finalement, les casserolades sont vraiment la suite logique de la mobilisation sans précédent contre la réforme des retraites. C’est un mouvement qui prend partout, jusque dans les plus petites villes. Car c’est un moyen très accessible et rudimentaire de mobilisation. C’est très populaire et ça permet à tout le monde de participer facilement, notamment les plus vieux, pour dire au gouvernement : « Vous voulez passer à autre chose ? On ne vous laissera pas faire car le peuple n’a pas été entendu. »

    Pour Emmanuel Macron, ceux qui manifestent avec des casseroles « ne cherchent pas à parler ». Qu’est-ce que vous lui répondez ?

    Ça fait trois mois qu’on essaie de parler sans être entendus. Attac et plein d’autres organisations ont fait un travail de décryptage en profondeur pour montrer les méfaits et les alternatives possibles à cette réforme. Et là, on a un président de la République – invisible et infoutu de venir discuter arguments contre arguments depuis janvier – qui réapparaît subitement. Et il faudrait qu’on écoute et qu’on vienne discuter. Mais il n’a pas envie de discuter avec nous, on le sait très bien.

    On voit que certains préfets tentent d’interdire les manifestations et l’usage des casseroles, notamment en prenant des arrêtés qui s’appuient sur des lois antiterroristes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

    Ça fait très peur et c’est à la mesure de la façon dont le pouvoir a traité le mouvement contre cette réforme des retraites. A la fois par le mépris et par l’instauration d’un régime autoritaire. Car on ne peut pas le nommer autrement : quand on interdit aux opposants politiques de s’exprimer, on est dans un régime autoritaire. S’appuyer sur des lois antiterroristes pour réprimer les mouvements de contestation populaire comme celui-ci, c’est dans la même veine que lorsque l’Etat fait des « fiches S » sur des militants écologistes ou des opposants politiques. Mais ce qui est intéressant et encourageant avec les casserolades, c’est que c’est tellement massif et tellement populaire que ça les déborde. Il y a une forme d’énervement des ministres, ce qui explique qu’ils ne parlent que de ça en ce moment.