• Inside Macron | Mediapart | 09.07.23

    https://www.mediapart.fr/journal/politique/090723/le-macronisme-une-promesse-de-modernisation-heureuse-devenue-un-champ-de-r

    Pour expliquer la facilité avec laquelle Macron a usé des potentialités de « forçage » démocratique de la Ve République, le politiste Luc Rouban pointe la culture dirigeante spécifique qui imprègne le chef de l’État. « Son réseau de décision est largement composé de gens issus du secteur privé, dans des proportions qui n’ont rien à voir avec ses prédécesseurs, remarque le chercheur au Cevipof (Sciences Po). Sa pensée est imprégnée d’un modèle managérial macroéconomique, si bien qu’il ne perçoit pas, ou alors de très loin, les mécanismes internes de la société française. »

    En somme, un raisonnement typique de cadres supérieurs d’une grande boîte monopolistique imprégnerait l’Élysée, plutôt qu’une froide raison technocratique ou un véritable pragmatisme entrepreneurial. Or, d’après Luc Rouban, cette culture dirigeante est inapte à saisir les problèmes du pays : « Les gilets jaunes, les retraites, les émeutes urbaines… tout renvoie à une crise sociale profonde, qui n’est pas tant une crise de la redistribution économique qu’un sentiment d’iniquité de la règle du jeu. Les dysfonctionnements de l’école et du marché du travail déjouent les grilles de lecture économicistes. »

    • un agenda a bien été maintenu depuis 2017, quelles que soient les vicissitudes traversées (pandémie, inflation…), c’est en effet celui de la contention des dépenses sociales et de la mise en œuvre des réformes structurelles affaiblissant la position du salariat. Or, cet agenda est socialement restrictif : les gagnants sont minoritaires, tandis que les perdants sont nombreux et savent qu’ils le sont. « Macron a pu avoir le fantasme giscardien de réunir “deux Français sur trois”, commente Rémi Lefebvre, mais le résultat, c’est une répartition du corps électoral en trois tiers irréconciliables. »
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      à Science Po-Grenoble, Christophe Bouillaud le dit crûment : « Macron s’est fixé pour contrainte principale de ne pas augmenter les impôts sur les plus riches et de permettre au secteur financier de prospérer. Cela limite les ressources pour répondre à l’échec de nombreuses politiques publiques et à des besoins sociaux qui augmentent, en termes d’éducation, de soin, de reconversion industrielle… »

      Selon lui, la transition écologique à accomplir illustre cette impasse. En 2018, la taxe carbone était une façon de lever des fonds sur l’ensemble du corps social, mais l’exécutif s’est retrouvé face à l’explosion des gilets jaunes. « Depuis, il est bloqué, constate Christophe Bouillaud. Le traitement du rapport commandé à Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz est symptomatique. Ces derniers défendent la compatibilité entre capitalisme et écologie, mais disent qu’il faut prendre des ressources aux plus riches. La réaction du pouvoir a été immédiate : “Il n’en est pas question.” »

    • Il n’est guère étonnant, dès lors, que « l’apaisement » officiellement souhaité par l’exécutif ne soit pas devenu réalité. Sous le macronisme, il est structurellement hors d’atteinte. Si la majorité était la seule à en pâtir, on pourrait s’en accommoder. Mais c’est tout le pays qui se voit durablement mis en tension, avec une vulnérabilité qui s’accroît face aux tentations autoritaires, à force de confusionnisme et de frustrations accumulées.

      « Le problème, c’est que je ne vois aucune force de rappel », glisse Christophe Bouillaud. Le parti fondé par Emmanuel Macron, d’emblée conçu comme un véhicule personnel, ne dispose pas des relais dans la société et des canaux d’influence sur le pouvoir qu’il lui faudrait pour jouer ce rôle. « On vérifie que le macronisme, ce n’est que Macron », résume Rémi Lefebvre, qui s’avoue frappé de l’absence de tout « ferment de dépassement » au sein du camp présidentiel, comparable à ce qu’avait initié Nicolas Sarkozy sous le second mandat de Jacques Chirac.

      Que ce soit par adhésion idéologique, intérêt de classe ou manque de compétence politique, aucune figure ou courant organisé du macronisme ne semble en effet en mesure de sonner l’alarme face au boulevard ouvert à l’extrême droite. Dans ce contexte, les autres forces d’opposition et du mouvement social ne peuvent compter que sur elles-mêmes.

    • Et bien sûr, l’excellent Ali Rabeh https://www.politis.fr/articles/2023/07/emmanuel-macron-ne-comprend-rien-aux-banlieues
      https://seenthis.net/messages/1008150#message1009141

      Quand on parle avec le président de la nation, c’est pour cerner les causes structurelles du problème et fixer un cap afin d’éviter que ça ne se reproduise. Et là-dessus on n’a eu aucune réponse, ni aucune méthode. Il nous a dit qu’il avait besoin d’y réfléchir cet été. En fait, Emmanuel Macron voulait réunir une assemblée déstructurée, sans discours commun. Il a préféré ça au front commun de l’association Ville & Banlieue réunissant des maires de gauche et de droite qui structurent ensemble un discours et des revendications. Mais le Président refuse de travailler avec ces maires unis. Il préfère 200 maires en mode grand débat qui va dans tous les sens, parce que ça lui donne le beau rôle. En réalité, on affaire à des amateurs qui improvisent. Globalement ce n’était pas à la hauteur.