Guerre Hamas-Israël : « La cause palestinienne risque d’être ensevelie pour longtemps sous les cendres d’actes effroyables »
Tribune de Jean-Paul Chagnollaud
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« Vous vous intéressez encore à cette question ? », me disait, il y a quelques mois, un important diplomate, alors que je lui demandais où en était la politique de la France à l’égard du conflit israélo-palestinien. Avec le ton aimablement affligé de celui qui essaie de faire comprendre à son interlocuteur à quel point il est en retard d’une séquence. En d’autres termes : ce problème n’en est plus un, il suffit de le gérer, les enjeux sont ailleurs. Fin de l’histoire.
[Entre le début, ci-dessus, de la tribune, et sa fin, ci-dessous, est résumé combien, depuis 2014, aucun pourparlers n’a eu lieu et combien, sous Trump, la situation s’est aggravée pour les palestiniens.]
Dans un premier temps, presque éphémère, cette initiative a été un succès. En quelques heures, la question palestinienne est revenue au premier plan, infligeant un revers cinglant à tous ceux qui avaient pensé pouvoir l’enterrer ou l’ignorer. Mais elle s’est déroulée de la pire des façons, puisqu’elle a été immédiatement entachée par d’odieux massacres de centaines de civils israéliens et par des prises d’otages. Rien, absolument rien, ne peut justifier de telles atrocités qui ne peuvent qu’être fermement condamnées. Au-delà de la qualification de terroristes qui écrase toute contextualisation et entretient la confusion entre des situations très différentes, ces actes commis dans une guerre entre deux peuples sont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, au sens du statut de la Cour pénale internationale (articles 7 et 8).
Ainsi, la cause palestinienne – infiniment légitime –, qui rejaillit au premier plan dans toute sa centralité, risque-t-elle, au moment même de sa réapparition, d’être ensevelie pour longtemps sous les cendres de ces actes effroyables. Le destin des Palestiniens se trouve à nouveau à la croisée des chemins : ou bien il entre dans une longue période de malheurs et de souffrances, ou bien l’intelligence politique des responsables des grandes puissances transforme cette tragédie en un sursaut politique pour aborder sur le fond le conflit israélo-palestinien. En ces temps troubles et dangereux, dominés de plus en plus par l’usage de la force et la négation du droit, envisager la seconde hypothèse est un pari nécessaire mais bien incertain.