« À Bruxelles, Delors n’était pas le visionnaire, il a incarné l’institution »

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  • Delors et le ratage de l’Europe sociale | Mediapart | 28.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/bruxelles-delors-n-etait-pas-le-visionnaire-il-incarne-l-institution

    Il n’y est pas arrivé et c’est son regret. À partir du moment où le traité de Maastricht est conclu [en 1992], toute une série de soutiens au projet européen vont non pas s’effondrer, mais s’amenuiser.

    L’Europe n’est plus vraiment la priorité pour les élites économiques : elles ont eu ce qu’elles voulaient et vont aller investir ailleurs. Quant aux élites politiques, elles sont échaudées. Le référendum sur Maastricht a montré à quel point le clivage sur l’Europe était profond. La gauche perd les élections de 1993 en France, ce sont les toutes dernières années du deuxième mandat de Mitterrand.

    Delors publie alors son « Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi » [en 1994], mais cela ne prend pas. Ce document va réémerger petit à petit, bien plus tard, dans les années 2000, auprès d’une gauche devenue par ailleurs très libérale. Mais d’une certaine manière, Delors perd de sa force politique après Maastricht.

    À cela s’ajoutent des analyses comme celles de J.Gillighan, un historien néolibéral britannique, pour qui le combat entre Delors et Thatcher, durant ces années, est celui du cobra et de la mangouste. À la fin, c’est elle qui gagne : la création du marché unique a réveillé des forces économiques – notamment via le lobbying des entreprises – qui ont empêché la réalisation de cette Europe sociale qui devait être la deuxième jambe du projet européen. Dans la période qui s’ouvre après Delors, avec des présidents faibles comme Jacques Santer [luxembourgeois], qui ne sont pas de gauche par ailleurs, le marché l’a emporté.