• A la source de la tribune pour Depardieu, un comédien proche des sphères identitaires et réactionnaires
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/28/aux-sources-de-la-tribune-pour-depardieu-un-comedien-proche-des-spheres-iden

    Yannis Ezziadi, comédien peu connu, est un proche de Sarah Knafo, la conseillère et compagne d’Eric Zemmour. Il relaie la peur, répandue à l’extrême droite, de voir les « “Français de souche” culturellement menacés par un islam d’atmosphère ».

    « Les hommes ont peur d’avoir des plaintes contre eux quand bien même ils n’auraient rien fait. » C’est avec ces mots de justification que Yannis Ezziadi a jailli d’un coup, sur les plateaux de télévision, au lendemain de Noël, pour expliquer pourquoi il avait pris la plume pour défendre Gérard Depardieu. Ce qu’on ignorait, c’est que ce comédien, qui a entraîné derrière lui une cinquantaine de signatures, grands noms français du septième art ou du spectacle, a frayé avec Eric Zemmour durant sa campagne présidentielle.

    Trois jours après la parution de sa tribune dans Le Figaro, Yannis Ezziadi a supprimé son compte Instagram, sur lequel il aimait s’afficher auprès de personnalités culturelles et médiatiques. Et signale au Monde qu’il « préfère arrêter de parler ».

    Son aventure est comme un précipité de l’époque. D’ordinaire, le comédien de 32 ans était aperçu dans les fauteuils des cérémonies des Molières ou sur les chaînes du groupe Bolloré : sa défense de la corrida lui a valu plusieurs invitations sur CNews ou « Touche pas à mon poste ! », le talk-show de Cyril Hanouna. Mais le 26 décembre, c’est sur la chaîne BFM-TV qu’il justifiait la tribune écrite par ses soins et publiée la veille : un plaidoyer intitulé « N’effacez pas Depardieu », allusion à la « cancel culture » américaine.

    Ami de Michel Fau et de Jean-Marie Besset, deux personnalités du théâtre français, Yannis Ezziadi vient en réalité de réaliser l’une des plus formidables opérations de séduction de la sphère réactionnaire au sein du monde de la culture, un bastion traditionnellement à gauche. Car cet homme, qui a réuni sur son nom des pointures du cinéma français, du théâtre et du spectacle, comme le réalisateur Bertrand Blier, les actrices Nathalie Baye, Carole Bouquet et Charlotte Rampling, les acteurs Benoît Poelvoorde, Jacques Weber et Pierre Richard, les chanteurs Roberto Alagna, Carla Bruni et Jacques Dutronc, est un proche de Sarah Knafo, la principale conseillère de l’ex-candidat à l’élection présidentielle Eric Zemmour. « Un excellent garçon », commente celle qui est aussi la compagne du polémiste maurrassien.

    Soutien de Renaud Camus et Gabriel Matzneff

    Le 27 mars 2022, Yannis Ezziadi participait à la réception organisée pour les « happy few » de la campagne d’Eric Zemmour sous le pont Alexandre-III, à l’issue de son meeting final au Trocadéro, à Paris. C’est ce fameux jour que les partisans du candidat d’extrême droite avaient rempli l’immense place face à la tour Eiffel et hurlé « Macron, assassin ! », sans émouvoir M. Zemmour, lequel affirmait n’avoir pas entendu. Le comédien n’a joué aucun rôle dans la campagne, précise Sarah Knafo. Le sympathisant a, en revanche, longuement interrogé Eric Zemmour sur le thème de la culture : un entretien publié la veille du meeting dans le mensuel réactionnaire Causeur.

    Yannis Ezziadi a réalisé, en juin 2022, pour le même magazine, un reportage à Nangis, en Seine-et-Marne, où il décrivait une petite ville transformée par sa minorité musulmane. Il y interrogeait « des “Français de souche” culturellement menacés par un islam d’atmosphère qui les étouffe », écrivait-il, plus tard, dans Le Figaro Vox, où il a assuré le service après-vente de son reportage, comme chez son ami André Bercoff (Sud Radio) ou chez Jean-Marc Morandini (CNews).

    Parmi les signataires de la pétition, certains ont apposé leur nom en connaissance de cause : ainsi de l’architecte Rudy Ricciotti, ami du comédien et grand défenseur de la corrida, et se revendiquant d’une « gauche réac’ », ou l’influenceuse Afida Turner, avec qui le jeune homme apparaissait hilare lors d’une soirée, en octobre, chez la patronne de Causeur, Elisabeth Lévy – la vidéo d’Afida Turner avait fait les délices des réseaux sociaux. Certains signataires ont été contactés par le biais d’autres personnes, comme Julie Depardieu, une partenaire sur les planches, ou Carole Bouquet. C’est le cas de l’ancien directeur de la Cinémathèque française, Serge Toubiana, qui ignorait tout de Yannis Ezziani, lequel l’a toutefois contacté a posteriori pour confirmer sa signature.

    Sur son compte Facebook, le comédien signale simplement un article rédigé pour Causeur où il expliquait qu’il était un « dieudonniste repenti ». Sa pétition est une victoire idéologique symbolique dans la croisade culturelle chère à l’extrême droite. Voilà déjà trois jours, en effet, que la tribune sature l’espace médiatique. Et que cinquante noms de la culture française ont souscrit au texte d’un militant qui déplore que les écrivains Renaud Camus – qui a popularisé la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » – ou Gabriel Matzneff – accusé de viol sur mineures – fassent l’objet de « mépris », et pour qui « grand nombre des institutions culturelles » sont « complètement dévoyées (…) par le wokisme et la déconstruction ».

  • L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
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    L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
    Le Rassemblement national se tient prêt à exploiter une censure partielle de la « loi immigration » par le Conseil constitutionnel, dont l’extrême droite cherche à réduire les prérogatives.
    Par Clément Guillou
    Il ne déplairait pas à la première ministre, Elisabeth Borne, et à son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, que le Conseil constitutionnel censure une partie des dispositions contenues dans la loi sur l’immigration, adoptée par le Parlement, le 19 décembre. Un autre camp n’y verrait pas d’inconvénient : l’extrême droite.
    « Cela nous intéresse que ce débat-là soit sur la place publique, avance Philippe Olivier, conseiller spécial de la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Si la loi n’est pas validée, voilà ce que se dira l’électeur : “Comment cela ? Les sondages indiquent que les gens sont contents de la loi et [le président du Conseil constitutionnel] Laurent Fabius, dans son bureau, la remet en question ?” Ça va être très mal pris. Bien sûr qu’on le dénoncera. » Et l’ancien mégrétiste de reprendre la vulgate lepéniste en voyant dans une éventuelle censure, non pas le respect du texte suprême par neuf juges, mais « le bricolage du système ».
    Le second volet du discours lepéniste est résumé ainsi par le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, un autre proche de Marine Le Pen, le 21 décembre sur Franceinfo : « Si, malheureusement, le Conseil constitutionnel prend des dispositions de censure, cela prouvera que nous avions raison et qu’il faut une réforme de la Constitution [soumise à référendum] pour assurer que les dispositions passent. »
    Depuis des décennies, l’extrême droite mène deux guerres idéologiques sur le terrain de l’immigration : l’une concerne la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ; l’autre concerne la lutte contre l’Etat de droit, qu’elle juge incompatible avec ses idées sur la question. Une censure partielle permettrait au Rassemblement national d’avancer ses pions sur deux thèmes : la nécessité de rogner les pouvoirs du juge constitutionnel et de modifier la Constitution en inversant la hiérarchie des normes. Le programme de Marine Le Pen prévoit de faire primer la Constitution sur l’ensemble des traités internationaux signés par la France, dont les traités européens. Un choix fait en 2021 par les nationalistes polonais, qui a mis Varsovie au ban de l’Union européenne jusqu’à la victoire électorale de Donald Tusk, en 2023. Une censure partielle du Conseil, d’autant plus s’il la justifiait par le respect du droit communautaire, viendrait nourrir le discours eurosceptique du RN à cinq mois des élections européennes de 2024.
    S’enclenche ainsi, à quelques semaines de l’avis de la juridiction suprême, le processus annoncé au lendemain du vote, dans Le Monde, par le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, proche du Parti socialiste : « La censure permettrait au Rassemblement national de dire : “Vous voyez bien que notre Constitution ne nous permet pas d’assurer la sécurité de nos concitoyens”. » Le RN n’est plus seul à tenir ce discours. Chez LR, des voix s’expriment aussi pour mettre en garde contre une décision défavorable des neuf juges constitutionnels, laissant entendre qu’il s’agirait alors d’une décision politique, sous la pression d’Emmanuel Macron. Depuis la candidature présidentielle de François Fillon en 2017, LR s’est rallié à l’hypothèse d’une révision constitutionnelle sur l’immigration – même l’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier, pourtant l’un des plus europhiles de son camp, avait proposé de mettre un terme à la primauté du droit européen en matière migratoire.
    Le 7 décembre, le président du parti, Eric Ciotti, avait défendu lors de sa niche parlementaire un tel « bouclier constitutionnel », appuyé par le RN. Si Gérald Darmanin avait étrillé la proposition sur la forme, la comparant à un « Frexit » déguisé, il se montrait moins hostile sur le fond, la jugeant « complémentaire » de sa loi « immigration ». « Combien de fois ai-je entendu les parlementaires dénoncer le fait que la menace de la censure constitutionnelle (…) rétrécisse les horizons des possibles ? Nous en sommes d’accord », avait-il déclaré. Durant les débats, il avait souligné l’intérêt d’un travail diplomatique pour réviser les traités européens et renégocier la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle se conforme la Constitution. Ces dernières semaines, le ministre de l’intérieur a multiplié les déclarations et décisions montrant la nécessité, selon lui, de modifier les traités internationaux ou d’aller contre l’Etat de droit. Il s’est félicité de déroger à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), puis du Conseil d’Etat, dans un dossier d’expulsion d’un ressortissant ouzbek. Soupçonné de liens avec la mouvance islamiste, selon la Place Beauvau, l’homme, renvoyé en Ouzbekistan, y est menacé de torture selon ses défenseurs et la CEDH. Le penseur identitaire Jean-Yves Le Gallou, qui a mené les combats culturels de l’extrême droite depuis quarante ans, se rengorge d’avancées majeures dans sa bataille contre l’Etat de droit : « Il y a quinze ans, c’est avec beaucoup de prudence que je remettais en cause le diktat judiciaire sur la législation sur l’immigration. Or, c’est dit aujourd’hui avec beaucoup de force par la droite républicaine. »Ces dernières semaines, cette dénonciation d’un « gouvernement des juges » français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Dans Le Figaro, le 23 décembre, ce dernier se délecte de l’inquiétude de « la gauche » à l’idée que les Français découvrent « que l’Etat de droit contraint la souveraineté populaire » et en concluent « qu’il faudra ajuster les institutions politiques en conséquence ».

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  • La tribune de soutien à Gérard Depardieu « rappelle furieusement l’Ancien Régime » | Geneviève Sellier
    https://www.huffingtonpost.fr/life/article/la-tribune-de-soutien-a-gerard-depardieu-rappelle-furieusement-l-anci

    En France, le génie est au-dessus des lois. C’est valable pour les réalisateurs, les metteurs en scène, pour tous les artistes à partir du moment où ils ont une certaine aura. Ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent, sous prétexte d’exprimer leur subjectivité géniale. En France, le talent artistique donne un pouvoir qui n’existe pas ailleurs. Source : HuffPo