Dictionnaire des dominations de sexe, de race, de classe
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" Nous considérons l’émancipation non seulement comme l’augmentation de la puissance d’agir du dominé, mais comme la destruction par les dominés du pouvoir d’appropriation des dominants. Sans cette destruction, l’émancipation est inévitablement contrainte, limitée, apparente, sous tutelle, etc., c’est-à-dire qu’elle masque une transmutation des formes de la domination, qui ne fait pas disparaître celle-ci. C’est dire l’illusion que constitue la croyance en une « émancipation individuelle », c’est-à-dire la croyance en une émancipation qui n’abolit pas les conditions sociales et matérielles de la domination.
Penser l’émancipation comme étant le développement de la puissance d’agir des dominés par la destruction du pouvoir d’appropriation des dominants, suppose de considérer que les dominés ont une puissance d’agir au sein même de la relation de domination. Tant que le rapport de forces ne permet pas à cette puissance d’agir de détruire le pouvoir d’appropriation, nous sommes en présence d’une résistance des dominés qui peut prendre des formes multiples. Quand le rapport de forces permet d’envisager la destruction du pouvoir d’appropriation des dominants, nous sommes en présence d’un processus d’émancipation. Les dominés sont ainsi toujours porteurs d’une puissance d’agir prenant la forme d’une résistance ou d’un processus émancipatoire en fonction du rapport des forces. C’est ce que souligne Frantz Fanon à propos du colonisé : « [Il] est dominé, mais non domestiqué. Il est infériorisé mais non convaincu de son infériorité. Il attend patiemment que le colon relâche sa vigilance pour lui sauter dessus. Dans ses muscles, le colonisé est toujours en attente. »
C’est dire qu’il convient d’aborder la question de l’intériorisation de la domination avec beaucoup de prudence. Il ne s’agit pas d’affirmer que le processus d’intériorisation n’existe pas, mais simplement que celui-ci n’est jamais total, permanent et unilatéral. La tendance à sous-estimer la lucidité des dominés sur les rapports de dominations qu’ils subissent et sur leurs enjeux fait partie intégrante, selon nous, d’un regard dominant sur les dominés. Il n’y a pas d’adhésion du dominé à sa domination mais des moments historiques et des rapports de forces dans lesquels le refus de la domination ne peut pas prendre une forme ouverte et explicite. Les résistances et les remises en cause d’une domination prennent les formes qu’elles peuvent prendre compte tenu d’un contexte historiquement situé et caractérisé par un état du rapport des forces.
C’est dire également qu’il ne peut y avoir d’émancipations contraintes, d’émancipations offertes, d’émancipations octroyées. L’émancipation en tant que conquête d’une nouvelle puissance d’agir par soi-même et pour soi-même suppose la mise en mouvement des dominés, leur prise de parole et de pouvoir, leur sortie de l’invisibilité. Le processus d’émancipation ne peut donc être qu’un processus d’auto-émancipation. Toutes les postures paternalistes, maternalistes ou fraternalistes sont ainsi contradictoires avec l’idée même d’émancipation."
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