• Qui est complice de qui ? Les #libertés_académiques en péril

    Professeur, me voici aujourd’hui menacé de décapitation. L’offensive contre les musulmans se prolonge par des attaques contre la #pensée_critique, taxée d’islamo-gauchisme. Celles-ci se répandent, des réseaux sociaux au ministre de l’Éducation, des magazines au Président de la République, pour déboucher aujourd’hui sur une remise en cause des libertés académiques… au nom de la #liberté_d’expression !

    Je suis professeur. Le 16 octobre, un professeur est décapité. Le lendemain, je reçois cette menace sur Twitter : « Je vous ai mis sur ma liste des connards à décapiter pour le jour où ça pétera. Cette liste est longue mais patience : vous y passerez. »

    C’est en réponse à mon tweet (https://twitter.com/EricFassin/status/1317246862093680640) reprenant un billet de blog publié après les attentats de novembre 2015 (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/161115/nous-ne-saurions-vouloir-ce-que-veulent-nos-ennemis) : « Pour combattre le #terrorisme, il ne suffit pas (même s’il est nécessaire) de lutter contre les terroristes. Il faut surtout démontrer que leurs actes sont inefficaces, et donc qu’ils ne parviennent pas à nous imposer une politique en réaction. » Bref, « nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis » : si les terroristes cherchent à provoquer un « conflit des civilisations », nous devons à tout prix éviter de tomber dans leur piège.

    Ce n’est pas la première fois que je reçois des #menaces_de_mort. Sur les réseaux sociaux, depuis des années, des trolls me harcèlent : les #insultes sont quotidiennes ; les menaces, occasionnelles. En 2013, pour Noël, j’ai reçu chez moi une #lettre_anonyme. Elle recopiait des articles islamophobes accusant la gauche de « trahison » et reproduisaient un tract de la Résistance ; sous une potence, ces mots : « où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent, les traîtres seront châtiés. » Je l’analysais dans Libération (https://www.liberation.fr/societe/2014/01/17/le-nom-et-l-adresse_973667) : « Voilà ce que me signifie le courrier reçu à la maison : on sait où tu habites et, le moment venu, on saura te trouver. » J’ajoutais toutefois : « l’#extrême_droite continue d’avancer masquée, elle n’ose pas encore dire son nom. » Or ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les menaces sont signées d’une figure connue de la mouvance néonazie. J’ai donc porté #plainte. C’est en tant qu’#universitaire que je suis visé ; mon #université m’accorde d’ailleurs la #protection_fonctionnelle.

    Ainsi, les extrêmes droites s’enhardissent. Le 29 octobre, l’#Action_française déploie impunément une banderole place de la Concorde : « Décapitons la République ! »

    C’est quelques heures après un nouvel attentat islamiste à Nice, mais aussi après une tentative néofasciste avortée en Avignon. Avant d’être abattu, l’homme a menacé d’une arme de poing un commerçant maghrébin. Il se réclamait de #Génération_identitaire, dont il portait la veste avec le logo « #Defend_Europe », justifiant les actions du groupe en Méditerranée ou à la frontière franco-italienne ; un témoin a même parlé de #salut_nazi (https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/vaucluse/avignon/avignon-homme-arme-couteau-abattu-policiers-1889172.htm). Le procureur de la République se veut pourtant rassurant : « c’est un Français, né en France, qui n’a rien à voir avec la religion musulmane ». Et de conclure : « nous avons plus affaire à un #déséquilibré, qui semble proche de l’extrême droite et a fait des séjours en psychiatrie. Il n’y a pas de revendication ». « Comme dans le cas de l’attentat de la mosquée de Bayonne perpétré par un ancien candidat FN en octobre 2019 » (https://www.mediapart.fr/journal/france/281019/attentat-bayonne-l-ex-candidat-fn-en-garde-vue?onglet=full), note Mediapart, « le parquet national antiterroriste n’a pas voulu se saisir de l’affaire ». Ce fasciste était un fou, nous dit-on, pas un terroriste islamiste : l’attaque d’Avignon est donc passée presque inaperçue.

    Si les #Identitaires se pensent aux portes du pouvoir, c’est aussi que certains médias ont préparé le terrain. En une, l’#islamophobie y alterne avec la dénonciation des universitaires antiracistes (j’y suis régulièrement pointé du doigt) (https://www.lepoint.fr/politique/ces-ideologues-qui-poussent-a-la-guerre-civile-29-11-2018-2275275_20.php). Plus grave encore, l’extrême droite se sent encouragée par nos gouvernants. Le président de la République lui-même, qui a choisi il y a un an de parler #communautarisme, #islam et #immigration dans #Valeurs_actuelles, s’inspire des réseaux sociaux et des magazines. « Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’#ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. » Selon Le Monde du 10 juin 2020, Emmanuel Macron vise ici les « discours racisés (sic) ou sur l’intersectionnalité. » Dans Les Inrocks (https://www.lesinrocks.com/2020/06/12/idees/idees/eric-fassin-le-president-de-la-republique-attise-lanti-intellectualisme), je m’inquiétais alors de cet #anti-intellectualisme : « Des sophistes qui corrompent la jeunesse : à quand la ciguë ? » Nous y sommes peut-être.

    Car du #séparatisme, on passe aujourd’hui au #terrorisme. En effet, c’est au tour du ministre de l’Éducation nationale de s’attaquer le 22 octobre, sur Europe 1, à « l’islamo-gauchisme » qui « fait des ravages à l’Université » : il dénonce « les #complices_intellectuels du terrorisme. » « Qui visez-vous ? », l’interroge Le JDD (https://www.lejdd.fr/Politique/hommage-a-samuel-paty-lutte-contre-lislamisme-blanquer-precise-au-jdd-ses-mesu). Pour le ministre, « il y a un combat à mener contre une matrice intellectuelle venue des universités américaines et des #thèses_intersectionnelles, qui veulent essentialiser les communautés et les identités, aux antipodes de notre #modèle_républicain ». Cette idéologie aurait « gangrené une partie non négligeable des #sciences_sociales françaises » : « certains font ça consciemment, d’autres sont les idiots utiles de cette cause. » En réalité, l’intersectionnalité permet d’analyser, dans leur pluralité, des logiques discriminatoires qui contredisent la rhétorique universaliste. La critique de cette assignation à des places racialisées est donc fondée sur un principe d’#égalité. Or, à en croire le ministre, il s’agirait « d’une vision du monde qui converge avec les intérêts des islamistes. » Ce qui produit le séparatisme, ce serait donc, non la #ségrégation, mais sa dénonciation…

    Si #Jean-Michel_Blanquer juge « complices » celles et ceux qui, avec le concept d’intersectionnalité, analysent la #racialisation de notre société pour mieux la combattre, les néofascistes parlent plutôt de « #collabos » ; mais les trolls qui me harcèlent commencent à emprunter son mot. En France, si le ministre de l’Intérieur prend systématiquement le parti des policiers, celui de l’Éducation nationale fait de la politique aux dépens des universitaires. #Marion_Maréchal peut s’en féliciter : ce dernier « reprend notre analyse sur le danger des idéologies “intersectionnelles” de gauche à l’Université. »


    https://twitter.com/MarionMarechal/status/1321008502291255300
    D’ailleurs, « l’islamo-gauchisme » n’est autre que la version actuelle du « #judéo-bolchévisme » agité par l’extrême droite entre les deux guerres. On ne connaît pourtant aucun lien entre #Abdelhakim_Sefrioui, mis en examen pour « complicité d’assassinat » dans l’enquête sur l’attentat de #Conflans, et la gauche. En revanche, le ministre ne dit pas un mot sur l’extrême droite, malgré les révélations de La Horde (https://lahorde.samizdat.net/2020/10/20/a-propos-dabdelhakim-sefrioui-et-du-collectif-cheikh-yassine) et de Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/221020/attentat-de-conflans-revelations-sur-l-imam-sefrioui?onglet=full) sur les liens de l’imam avec des proches de #Marine_Le_Pen. Dans le débat public, jamais il n’est question d’#islamo-lepénisme, alors même que l’extrême droite et les islamistes ont en commun une politique du « #conflit_des_civilisations ».

    Sans doute, pour nos gouvernants, attaquer des universitaires est-il le moyen de détourner l’attention de leurs propres manquements : un professeur est mort, et on en fait porter la #responsabilité à d’autres professeurs… De plus, c’est l’occasion d’affaiblir les résistances contre une Loi de programmation de la recherche qui précarise davantage l’Université. D’ailleurs, le 28 octobre, le Sénat vient d’adopter un amendement à son article premier (https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/52/Amdt_234.html) : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des #valeurs_de_la_République », « au premier rang desquelles la #laïcité ». Autrement dit, ce n’est plus seulement le code pénal qui définirait les limites de la liberté d’expression des universitaires. Des collègues, désireux de régler ainsi des différends scientifiques et politiques, appuient cette offensive en réclamant dans Le Monde la création d’une « instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux #principes _épublicains et à la liberté académique »… et c’est au nom de « la #liberté_de_parole » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-) ! Bref, comme l’annonce sombrement le blog Academia (https://academia.hypotheses.org/27401), c’est « le début de la fin. » #Frédérique_Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le confirme sans ambages : « Les #valeurs de la laïcité, de la République, ça ne se discute pas. »


    https://twitter.com/publicsenat/status/1322076232918487040
    Pourtant, en démocratie, débattre du sens qu’on veut donner à ces mots, n’est-ce pas l’enjeu politique par excellence ? Qui en imposera la définition ? Aura-t-on encore le droit de critiquer « les faux dévots de la laïcité » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/101217/les-faux-devots-de-la-laicite-islamophobie-et-racisme-anti-musulmans) ?

    Mais ce n’est pas tout. Pourquoi s’en prendre aux alliés blancs des minorités discriminées, sinon pour empêcher une solidarité qui dément les accusations de séparatisme ? C’est exactement ce que les terroristes recherchent : un monde binaire, en noir et blanc, sans « zone grise » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/260716/terrorisme-la-zone-grise-de-la-sexualite), où les musulmans feraient front avec les islamistes contre un bloc majoritaire islamophobe. Je l’écrivais dans ce texte qui m’a valu des menaces de décapitation : nos dirigeants « s’emploient à donner aux terroristes toutes les raisons de recommencer. » Le but de ces derniers, c’est en effet la #guerre_civile. Qui sont donc les « #complices_intellectuels » du terrorisme islamiste ? Et qui sont les « idiots utiles » du #néofascisme ?

    En France, aujourd’hui, les #droits_des_minorités, religieuses ou pas, des réfugiés et des manifestants sont régulièrement bafoués ; et quand des ministres s’attaquent, en même temps qu’à une association de lutte contre l’islamophobie, à des universitaires, mais aussi à l’Unef (après SUD Éducation), à La France Insoumise et à son leader, ou bien à Mediapart et à son directeur, tous coupables de s’engager « pour les musulmans », il faut bien se rendre à l’évidence : la #démocratie est amputée de ses #libertés_fondamentales. Paradoxalement, la France républicaine d’Emmanuel #Macron ressemble de plus en plus, en dépit des gesticulations, à la Turquie islamiste de Recep Tayyip Erdogan, qui persécute, en même temps que la minorité kurde, des universitaires, des syndicalistes, des médias libres et des partis d’opposition.

    Pour revendiquer la liberté d’expression, il ne suffit pas d’afficher des caricatures ; l’esprit critique doit pouvoir se faire entendre dans les médias et dans la rue, et partout dans la société. Sinon, l’hommage à #Samuel_Paty serait pure #hypocrisie. Il faut se battre pour la #liberté_de_la_pensée, de l’engagement et de la recherche. Il importe donc de défendre les libertés académiques, à la fois contre les menaces des réseaux sociaux et contre l’#intimidation_gouvernementale. À l’heure où nos dirigeants répondent à la terreur par une #politique_de_la_peur, il y a de quoi trembler pour la démocratie.

    https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
    #Eric_Fassin #intersectionnalité #SHS #universalisme #Blanquer #complicité

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    Pour compléter le fil de discussion commencé par @gonzo autour de :
    Jean-François Bayart : « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’Etat en France »
    https://seenthis.net/messages/883974

    ping @isskein @karine4 @cede

    • Une centaine d’universitaires alertent : « Sur l’islamisme, ce qui nous menace, c’est la persistance du déni »

      Dans une tribune au « Monde », des professeurs et des chercheurs de diverses sensibilités dénoncent les frilosités de nombre de leurs pairs sur l’islamisme et les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales », soutenant les propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      Tribune. Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, la principale réaction de l’institution qui est censée représenter les universités françaises, la Conférence des présidents d’université (CPU), est de « faire part de l’émotion suscitée » par des propos de Jean-Michel Blanquer sur Europe 1 et au Sénat le 22 octobre. Le ministre de l’éducation nationale avait constaté sur Europe 1 que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université », notamment « quand une organisation comme l’UNEF cède à ce type de choses ». Il dénonçait une « idéologie qui mène au pire », notant que l’assassin a été « conditionné par des gens qui encouragent cette #radicalité_intellectuelle ». Ce sont des « idées qui souvent viennent d’ailleurs », le #communautarisme, qui sont responsables : « Le poisson pourrit par la tête. » Et au Sénat, le même jour, Jean-Michel Blanquer confirmait qu’il y a « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’#enseignement_supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits. Et cela conduit à certains problèmes, que vous êtes en train de constater ».

      Nous, universitaires et chercheurs, ne pouvons que nous accorder avec ce constat de Jean-Michel Blanquer. Qui pourrait nier la gravité de la situation aujourd’hui en France, surtout après le récent attentat de Nice – une situation qui, quoi que prétendent certains, n’épargne pas nos universités ? Les idéologies indigéniste, racialiste et « décoloniale » (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des « Blancs » et de la France ; et un #militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la #doxa_antioccidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste. #Houria_Bouteldja a ainsi pu se féliciter début octobre que son parti décolonial, le #Parti_des_indigènes_de_la_République [dont elle est la porte-parole], « rayonne dans toutes les universités ».

      La réticence de la plupart des universités et des associations de spécialistes universitaires à désigner l’islamisme comme responsable de l’assassinat de Samuel Paty en est une illustration : il n’est question dans leurs communiqués que d’« #obscurantisme » ou de « #fanatisme ». Alors que le port du #voile – parmi d’autres symptômes – se multiplie ces dernières années, il serait temps de nommer les choses et aussi de prendre conscience de la responsabilité, dans la situation actuelle, d’idéologies qui ont pris naissance et se diffusent dans l’université et au-delà. L’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le #conformisme_intellectuel, la #peur et le #politiquement_correct sont une véritable menace pour nos universités. La liberté de parole tend à s’y restreindre de manière drastique, comme en ont témoigné récemment nombre d’affaires de #censure exercée par des groupes de pression.

      « Nous demandons à la ministre de prendre clairement position contre les idéologies qui sous-tendent les #dérives_islamistes »

      Ce qui nous menace, ce ne sont pas les propos de Jean-Michel Blanquer, qu’il faut au contraire féliciter d’avoir pris conscience de la gravité de la situation : c’est la persistance du #déni. La CPU affirme dans son communiqué que « la recherche n’est pas responsable des maux de la société, elle les analyse ». Nous n’en sommes pas d’accord : les idées ont des conséquences et les universités ont aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte pour la défense de la laïcité et de la liberté d’expression. Aussi nous étonnons-nous du long silence de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui n’est intervenue le 26 octobre que pour nous assurer que tout allait bien dans les universités. Mais nous ne sommes pas pour autant rassurés.

      Nous demandons donc à la ministre de mettre en place des mesures de #détection des #dérives_islamistes, de prendre clairement position contre les idéologies qui les sous-tendent, et d’engager nos universités dans ce combat pour la laïcité et la République en créant une instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux principes républicains et à la liberté académique. Et d’élaborer un guide de réponses adaptées, comme cela a été fait pour l’éducation nationale.

      Premiers signataires : Laurent Bouvet, politiste, professeur des universités ; Jean-François Braunstein, philosophe, professeur des universités ; Jeanne Favret-Saada, anthropologue, directrice d’études honoraire à l’Ecole pratique des hautes études ; Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale (2002-2004) ; Renée Fregosi, politiste, maîtresse de conférences HDR en science politique ; Marcel Gauchet, philosophe, directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS ; Gilles Kepel, politiste, professeur des universités ; Catherine Kintzler, philosophe, professeure honoraire des universités ; Pierre Nora, historien, membre de l’Académie française ; Pascal Perrineau, politiste professeur des universités ; Pierre-André Taguieff, historien des idées, directeur de recherche au CNRS ; Pierre Vermeren, historien, professeur des universités

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      Liste complète des signataires :

      Signataires

      Daniel Aberdam, directeur de recherches à l’INSERM – Francis Affergan, professeur émérite des Universités – Alya Aglan, professeur des Universités – Jean-François Agnèse, directeur de recherches IRD – Joëlle Allouche-Benayoun, chargée de recherche au CNRS – Éric Anceau, maître de conférences HDR – Julie d’Andurain, professeur des Universités – Sophie Archambault de Beaune, professeur des Universités – Mathieu Arnold, professeur des Universités – Roland Assaraf, chargé de recherche au CNRS – Philippe Avril, professeur émérite des Universités – Isabelle Barbéris, maître de conférences HDR – Clarisse Bardiot, maître de conférences HDR – Patrick Barrau, maître de conférences honoraire – Christian Bassac, professeur honoraire des Universités – Myriam Benarroch, maître de conférences – Martine Benoit, professeur des Universités – Wladimir Berelowitsch, directeur d’études à l’EHESS – Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS – Maurice Berger, ancien professeur associé des Universités – Marc Bied-Charrenton, professeur émérite des Universités – Andreas Bikfalvi, professeur des Universités – Jacques Billard, maître de conférences honoraire – Jean-Cassien Billier, maître de conférences – Alain Blanchet, professeur émérite des Universités – Guillaume Bonnet, professeur des Universités – ​Laurent Bouvet, professeur des Universités – Rémi Brague, professeur des Universités – Joaquim Brandão de Carvalho, professeur des Universités – Jean-François Braunstein, professeur des Universités – Christian Brechot, professeur émérite des Universités – Stéphane Breton, directeur d’études à l’EHESS – Jean-Marie Brohm, professeur émérite des Universités – Michelle-Irène Brudny, professeur honoraire des Universités – Patrick Cabanel, directeur d’études, École pratique des hautes études – Christian Cambillau, directeur de recherches émérite au CNRS – Belinda Cannone, maître de conférences – Dominique Casajus, directeur de recherches émérite au CNRS – Sylvie Catellin, maître de conférences – Brigitte Chapelain, maître de conférences – Jean-François Chappuit, maître de conférences – Patrick Charaudeau, professeur émérite des Universités – Blandine Chelini-Pon, professeur des Universités – François Cochet, professeur émérite des Universités – Geneviève Cohen-Cheminet, professeur des Universités – Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS – Cécile Cottenceau, PRAG Université – Philippe Crignon, maître de conférences – David Cumin, maître de conférences HDR – Jean-Claude Daumas, professeur émérite des Universités – Daniel Dayan, directeur de recherches au CNRS – Chantal Delsol, membre de l’Académie des sciences morales et politiques – Gilles Denis, maître de conférences HDR – Geneviève Dermenjian, maître de conférences HDR – Albert Doja, professeur des Universités – Michel Dreyfus, directeur de recherche au CNRS – Philippe Dupichot, professeur des Universités – Alain Ehrenberg, directeur émérite de recherche au CNRS – Marie-Claude Esposito, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHES – Jeanne Favret-Saada, directrice d’études honoraire à l’EPHE – Laurent Fedi, maître de conférences – Rémi Ferrand, maître de conférences – Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale – Michel Fichant, professeur émérite des Universités – Dominique Folscheid, professeur émérite des Universités – Nicole Fouché, chercheuse CNRS-EHESS - Annie Fourcaut, professeur des Universités – Renée Fregosi, maître de conférences HDR retraitée – Pierre Fresnault-Deruelle, professeur émérite des Universités – Marc Fryd, maître de conférences HDR – Alexandre Gady, professeur des Universités – Jean-Claude Galey, directeur d’études à l’EHESS – Marcel Gauchet, directeur d’études à l’EHESS – Christian Gilain, professeur émérite des Universités – Jacques-Alain Gilbert, professeur des Universités – Gabriel Gras, chargé de recherche au CEA – Yana Grinshpun, maître de conférences – Patrice Gueniffey, directeur d’études à l’EHESS – Éric Guichard, maître de conférences HDR – Jean-Marc Guislin, professeur émérite des Universités – Charles Guittard, professeur des Universités – Philippe Gumplowicz, professeur des Universités – Claude Habib, professeur émérite des Universités – François Heilbronn, professeur des Universités associé à Sciences-Po – Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS – Marc Hersant, professeur des Universités – Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS – François Jost, professeur émérite des Universités – Olivier Jouanjan, professeur des Universités – Pierre Jourde, professeur émérite des Universités – Gilles Kepel, professeur des Universités – Catherine Kintzler, professeur honoraire des Universités – Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS – Bernard Labatut, maître de conférence HDR – Monique Lambert, professeur des Universités – Frédérique de La Morena, maître de conférences – Philippe de Lara, maître de conférences HDR – Philippe Larralde, PRAG Université – Dominique Legallois, professeur des Universités – Anne Lemonde, maître de conférences – Anne-Marie Le Pourhiet, professeur des Universités – Andrée Lerousseau, maître de conférences – Franck Lessay, professeur émérite des Universités – Marc Levilly, maître de conférences associé – Carlos Levy, professeur émérite des Universités – Roger Lewandowski, professeur des Universités – Philippe Liger-Belair, maître de conférences – Laurent Loty, chargé de recherche au CNRS – Catherine Louveau, professeur émérite des Universités – Danièle Manesse, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Margolin, maître de conférences – Joseph Martinetti, maître de conférences – Céline Masson, professeur des Universités – Jean-Yves Masson, professeur des Universités – Eric Maulin, professeur des Universités – Samuel Mayol, maître de conférences – Isabelle de Mecquenem, PRAG Université – Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur des Universités – Marc Michel, professeur émérite des Universités –​ Jean-Baptiste Minnaert, professeur des Universités – Nathalie Mourgues, professeur émérite des Universités – Lion Murard, chercheur associé au CERMES – Franck Neveu, professeur des Universités – Jean-Pierre Nioche, professeur émérite à HEC – Pierre Nora, membre de l’Académie française – Jean-Max Noyer, professeur émérite des Universités – Dominique Ottavi, professeur émérite des Universités – Bruno Ollivier, professeur des Universités, chercheur associé au CNRS – Gilles Pages, directeur de recherche à l’INSERM – Marc Perelman, professeur des Universités – Pascal Perrineau, professeur des Universités – Laetitia Petit, maître de conférences des Universités – Jean Petitot, directeur d’études à l’EHESS – Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au CNRS – René Pommier, maître de conférences – Dominique Pradelle, professeur des Universités – André Quaderi, professeur des Universités – Gérard Rabinovitch, chercheur associé au CNRS-CRPMS – Charles Ramond, professeur des Universités – Jean-Jacques Rassial, professeur émérite des Universités – François Rastier, directeur de recherche au CNRS – Philippe Raynaud, professeur émérite des Universités – Dominique Reynié, professeur des Universités – Isabelle Rivoal, directrice de recherches au CNRS – Jean-Jacques Roche, professeur des Universités – Pierre Rochette, professeur des Universités – Marc Rolland, professeur des Universités – Danièle Rosenfeld-Katz, maître de conférences – Bernard Rougier, professeur des Universités – Andrée Rousseau, maîtresse de conférences – Jean-Michel Roy, professeur des Universités – François de Saint-Chéron, maître de conférences HDR – Jacques de Saint-Victor, professeur des Universités – Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences HDR – Jean-Baptiste Santamaria, maître de conférences – Yves Santamaria, maître de conférences – Georges-Elia Sarfati, professeur des Universités – Jean-Pierre Schandeler, chargé de recherche au CNRS – Pierre Schapira, professeur émérite des Universités – Martine Segalen, professeur émérite des Universités – Perrine Simon-Nahum, directrice de recherche au CNRS – Antoine Spire, professeur associé à l’Université – Claire Squires, maître de conférences – Marcel Staroswiecki, professeur honoraire des Universités – Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’EHESS – Jean Szlamowicz, professeur des Universités – Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS – Jean-Christophe Tainturier, PRAG Université – Jacques Tarnero, chercheur à la Cité des sciences et de l’industrie – Michèle Tauber, maître de conférences HDR – Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences HDR – Alain Tedgui, directeur de recherches émérite à l’INSERM – ​Thibault Tellier, professeur des Universités – Françoise Thom, maître de conférences HDR – André Tiran, professeur émérite des Universités – Antoine Triller, directeur de recherches émérite à l’INSERM – Frédéric Tristram, maître de conférences HDR – Sylvie Toscer-Angot, maître de conférences – Vincent Tournier, maître de conférences – Christophe Tournu, professeur des Universités – Serge Valdinoci, maître de conférences – Raymonde Vatinet, professeur des Universités – Gisèle Venet, professeur émérite des Universités – François Vergne, maître de conférences – Gilles Vergnon, maître de conférences HDR – Pierre Vermeren, professeur des Universités – Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE – Yves Charles Zarka, professeur émérite des Universités – Paul Zawadzki, maître de conférences HDR – Françoise Zonabend, directrice d’études à l’EHESS

      https://manifestedes90.wixsite.com/monsite

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-
      #manifeste_des_cents #manifeste_des_100 #décolonial #ESR #enseignement_supérieur

    • De la liberté d’expression des « voix musulmanes » en France

      Le traumatisme né de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 impose une réflexion collective profonde, aussi sereine que possible. L’enjeu est fondamental pour la société française qui, d’attentat revendiqué par une organisation constituée en attentat mené par un « loup solitaire », de débat sur le voile en débat sur Charlie, et de loi antiterroriste en loi contre le « séparatisme » s’enferre depuis plusieurs décennies dans une polarisation extrêmement inquiétante autour des questions liées à l’islam.

      Le constat de la diffusion, au sein des composantes se déclarant musulmanes en France, de lectures « radicales » et qui survalorisent la violence est incontestable. L’idéologie dite « djihadiste » demeure certes marginale, mais possède une capacité d’adaptation manifeste, liant les enjeux propres au monde musulman avec des problématiques françaises. Internet lui offre une caisse de résonance particulière auprès des plus jeunes, générant du ressentiment, mais aussi des frustrations. La #prison et la #délinquance, sans doute autant que certaines mosquées et associations cultuelles, constituent d’autres espaces de #socialisation à cette vision mortifère du monde.

      En revanche, les interprétations des racines de cette diffusion divergent, donnant lieu à des #controverses_scientifiques et médiatiques qui n’honorent pas toujours les personnes concernées. Il est manifeste que face à un problème complexe, l’analyse ne saurait être monocausale et ne se pencher que sur une seule variable. L’obsession pour la part purement religieuse du phénomène que légitiment certains chercheurs et qui est au cœur des récentes politiques du gouvernement français fonctionne comme un #écran_de_fumée.

      S’attaquer par des politiques publiques aux « #prêcheurs_de_haine » ou exiger la réforme d’un Islam « malade » sans autre forme de réflexion ou d’action ignore la dimension relationnelle de la #violence et des tensions qui déchirent la France.

      Quand les « islamo-gauchistes » doivent rendre des comptes

      Cette perspective revient à négliger l’importance de la #contextualisation, oubliant d’expliquer pourquoi une interprétation particulière de l’islam a pu acquérir, via sa déclinaison politique la plus fermée, une capacité à incarner un rejet de la société dominante. En somme cette lecture méconnaît comment et pourquoi une interprétation radicale du #référent_islamique trouve depuis quelques années une pertinence particulière aux yeux de certains, et pourquoi ce serait davantage le cas en #France qu’ailleurs en Europe. Elle revient surtout à oublier la nature circulaire des dynamiques qui permet à un contexte et à une idéologie de s’alimenter mutuellement, désignant alors de façon simpliste celui qui « aurait commencé » ainsi que — et c’est là une funeste nouveauté des derniers mois — ses « collabos » affublés du label « islamo-gauchiste » et qui devraient rendre des comptes.

      Beaucoup a ainsi été écrit et dit, parfois trop rapidement. En tant que chercheur et citoyen, je ressens autant de la lassitude que de la tristesse, mesurant combien mon champ professionnel développe de façon croissante une sorte d’incommunicabilité, entrainant des haines tenaces et donnant de plus en plus souvent lieu à de la diffamation entre ses membres. Il m’apparait que la perspective faisant toute sa place à la #complexité des phénomènes politiques et sociaux a, d’une certaine manière, perdu la partie. Marginalisée dans les médias, elle devient manifestement de plus en plus inaudible auprès d’institutions publiques en quête de solutions rapides et brutales, faisant souvent fi du droit. L’approche nuancée des sciences sociales se trouve reléguée dans des espaces d’expression caractérisés par l’entre-soi politique, scientifique ou, il faut le reconnaitre, communautaire (ce dernier parfois prompt à tordre le discours et à le simplifier pour se rassurer).

      « Liberté d’expression », mais pas pour tout le monde

      Cette mécanique de parole complexe reléguée ne concerne pas uniquement les chercheurs. Ma frustration de « perdant » n’a au fond que peu d’importance. Elle renvoie toutefois à un enjeu beaucoup plus fondamental qui concerne l’espace de représentation et d’expression des musulmans français. Dans un contexte de fortes tensions autour de la question musulmane, il s’agit là d’un blocage récurrent dont les pouvoirs publics et une grande partie des médias se refusent à percevoir la centralité. La faiblesse des espaces offerts aux voix qui se revendiquent musulmanes et sont reconnues comme légitimes par leurs coreligionnaires constitue un angle mort que les tenants de la « liberté d’expression » auraient tout intérêt à aborder. Autant que le contrôle policier et la surveillance des appels à la haine sur Internet et dans les mosquées, c’est là un levier nécessaire pour contenir la violence et lutter contre elle.

      La liberté d’expression n’a jamais été totale, et certains tabous légitimes demeurent ou évoluent avec le temps. Pensons à la pédocriminalité dans les années 1970, ou aux caricatures sur les juifs et l’argent dans les années 1930. Parmi les tenants d’une laïcité intégrale, qui a déjà discuté avec une femme voilée ? Partons tout d’abord du principe que l’ignorance de l’Autre et de sa propre histoire constitue une racine de la #polarisation grave de la société française. Admettons ensuite qu’il est important pour chacun d’avoir une perception juste de ses concitoyens et aussi, en démocratie, de se sentir correctement et dignement représenté à une variété d’échelons.

      La figure de #Hassen_Chalghoumi, imam d’origine tunisienne d’une mosquée en Seine–Saint-Denis très fréquemment mobilisé dans les grands médias, symbolise un dysfonctionnement patent de ce mécanisme de #représentation. Sa propension à soutenir des positions politiques à rebours de ses « ouailles » supposées, en particulier sur la Palestine, mais surtout son incapacité à s’exprimer correctement en français ou même à avoir un fond de culture générale partagée ne constitue aucunement des caractéristiques rédhibitoires pour faire appel à lui quand un sujet en lien avec l’islam émerge. Pire, il semblerait même parfois que ce soit exactement le contraire comme quand Valeurs actuelles, alors accusé d’avoir caricaturé la députée Danièle Obono en esclave, a fait appel à lui pour défendre la liberté d’expression et l’a placé, détail sans doute potache, mais tellement symptomatique de mépris affiché, devant une plaque émaillée « Licence IV » (autrefois utilisée pour désigner les débits de boissons alcoolisées).

      Pour les millions de Français d’origine musulmane dont l’élocution française est parfaite et qui partagent les mêmes références culturelles populaires que la majorité des Français, reconnaissons qu’il est parfaitement humiliant d’avoir l’impression que les médias n’ont pas d’autre « modèle » à mobiliser ou à valoriser pour entendre une voix décrite comme musulmane. Comment dès lors ne pas comprendre la défiance envers les médias ou la société dans son ensemble ?

      L’ère du #soupçon

      Certes, il revient aux musulmans au premier chef de s’organiser et de faire émerger des figures représentatives, dépassant ainsi la fragmentation qui est celle de leur culte, ainsi que la mainmise exercée par les États d’origine, Maroc, Algérie et Turquie en tête. Les luttes internes sont elles-mêmes d’une grande violence, souvent fondées sur le « narcissisme des petites différences » de Sigmund Freud. Toutefois, reconnaissons que l’expérience démontre que les restrictions ne sont pas seulement internes à la « communauté ». Il y a plus de vingt ans déjà, le sociologue #Michel_Wieviorka avait pointé du doigt l’incapacité de la société française à accueillir les voix se revendiquant comme musulmanes :

      "Plutôt que d’être perçus comme des acteurs qui inventent et renouvellent la #vie_collective — avec ses tensions, ses conflits, ses négociations —, les associations susceptibles de passer pour « ethniques » ou religieuses […] sont couramment ignorées, soupçonnées de couvrir les pires horreurs ou traitées avec hostilité par les pouvoirs publics. […] À force de rejeter une association sous prétexte qu’elle serait intégriste et fermée sur elle-même, à force de lui refuser toute écoute et tout soutien, on finit par la constituer comme telle."

      De la chanteuse #Mennel (candidate d’origine syrienne à une émission sur TF1 et qui alors portait le foulard) à #Tariq_Ramadan (certes de nationalité suisse) en passant par l’humoriste #Yassine_Belattar et le #Comité_contre_l’islamophobie_en_France (CCIF), les occasions d’exclure les voix endogènes qui revendiquent une part d’#islamité dans leur discours et sont à même de servir de référence tant cultuelle que politique et culturelle ont été nombreuses. Parfois pleinement légitimes lorsque des accusations de viols ont été proférées, des dispositifs de contrôle imposent de « montrer patte blanche » au-delà de ce qui devrait légitimement être attendu. Non limités à l’évaluation de la probité, ils rendent en plus toute critique adressée à la société française et ses failles (en politique étrangère par exemple) extrêmement périlleuses, donnant le sentiment d’un traitement différencié pour les voix dites musulmanes, promptes à se voir si facilement criminalisées. Dès lors, certaines positions, pourtant parfaitement raisonnables, deviennent indicibles.

      Revendiquer la nécessité de la #lutte_contre_l’islamophobie, dont l’existence ne devrait pas faire débat par exemple quand une femme portant le foulard se fait cracher dessus par des passants fait ainsi de manière totalement absurde partie de cette liste de tabous, établie sans doute de manière inconsciente par des années d’#injonctions et de #stigmatisations, héritées de la période coloniale.

      Une telle mécanique vient enfin légitimer les logiques d’#exclusion propres au processus de #radicalisation. Elle s’avère dès lors contreproductive et donc dangereuse. Par exemple, dissoudre le CCIF dont l’action principale est d’engager des médiations et de se tourner vers les institutions publiques est à même de constituer, en acte aux yeux de certains, la démonstration de l’inutilité des #associations et donc l’impossibilité de s’appuyer sur les institutions légales. C’est une fois encore renvoyer vers les fonds invisibles de l’Internet les #espaces_d’expression et de représentation, c’est ainsi creuser des fossés qui génèrent l’#incompréhension et la violence.

      Il devient impérieux d’apprendre à s’écouter les uns les autres. Il demeure aussi nécessaire de reconnaitre que, comme l’entreprise a besoin de syndicats attentifs et représentatifs, la société dans son ensemble, diverse comme elle est, a tout à gagner à offrir des cadres d’expression sereins et ouverts à ses minorités, permettant aussi à celles-ci de revendiquer, quitte à ne pas faire plaisir à moi-même, à la majorité, ou au patron.

      https://orientxxi.info/magazine/de-la-liberte-d-expression-des-voix-musulmanes-en-france,4227
      #religion

    • « La pensée “décoloniale” renforce le narcissisme des #petites_différences »

      80 psychanalystes s’insurgent contre l’assaut des « #identitaristes » dans le champ du savoir et du social

      « Les intellectuels ont une mentalité plus totalitaire que les gens du commun » écrivait Georges Orwell (1903-1950), dans Essais, Articles et Lettres.

      Des militants, obsédés par l’#identité, réduite à l’#identitarisme, et sous couvert d’antiracisme et de défense du bien, imposent des #idéologies_racistes par des #procédés_rhétoriques qui consistent à pervertir l’usage de la langue et le sens des mots, en détournant la pensée de certains auteurs engagés dans la lutte contre le racisme qu’ils citent abondamment comme #Fanon ou #Glissant qui, au contraire, reconnaissent l’#altérité et prônent un nouvel #universalisme.

      Parmi ces militants, le Parti des indigènes de la République -dit le #PIR- qui s’inscrit dans la mouvance « décoloniale ».

      La pensée dite « décoloniale » s’insinue à l’Université et menace les sciences humaines et sociales sans épargner la psychanalyse. Ce phénomène se répand de manière inquiétante et nous n’hésitons pas à parler d’un #phénomène_d’emprise qui distille subrepticement des idées propagandistes. Ils véhiculent une idéologie aux relents totalitaires.

      Réintroduire la « #race » et stigmatiser des populations dites « blanches » ou de couleur comme coupables ou victimes, c’est dénier la #complexité_psychique, ce n’est pas reconnaître l’histoire trop souvent méconnue des peuples colonisés et les traumatismes qui empêchent la transmission.

      Une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, nie les processus toujours singuliers de #subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de #déterminisme culturel et social.

      Une idéologie qui secondarise, voire ignore la primauté du vécu personnel, qui sacrifie les logiques de l’#identification à celle de l’identité unique ou radicalisée, dénie ce qui fait la spécificité de l’humain.

      Le livre de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016), soutenu par des universitaires et des chercheurs du CNRS, prétend défendre les #victimes - les « indigènes » - alors qu’il nous paraît en réalité raciste, antisémite, sexiste et homophobe et soutient un islamisme politique. L’ensemble du livre tourne autour de l’idée que les descendants d’immigrés maghrébins en France, du fait de leurs origines, seraient victimes d’un “#racisme_institutionnel” - voire un #racisme_d’Etat-, lequel aboutirait à véritablement constituer des “#rapports_sociaux_racistes”.

      L’auteure s’adresse aux « Juifs » : « Vous, les Juifs » : des gens qui pour une part seraient étrangers à la « blanchité », étrangers à la « race » qui, depuis 1492, dominerait le monde (raison pour laquelle elle distingue les « Juifs » des « Blancs »), mais qui pour une autre part sont pires que les « Blancs », parce qu’ils en seraient les valets criminels.

      Fanon, auquel les décoloniaux se réfèrent, ne disait-il pas : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».

      Le #racialisme pousse à la #position_victimaire, au #sectarisme, à l’#exclusion, et finalement au #mépris ou à la #détestation du différent, et à son exclusion de fait. Il s’appuie sur une réécriture fallacieuse de l’histoire qui nie les notions de #progrès de #civilisation mais aussi des racismes et des rivalités tout aussi ancrés que le #racisme_colonialiste.

      C’est par le « #retournement_du_stigmate » que s’opère la transformation d’une #identité_subie en une #identité_revendiquée et valorisée qui ne permet pas de dépasser la « race.

      Il s’agit là, « d’#identités_meurtrières » (#Amin_Maalouf) qui prétendent se bâtir sur le meurtre de l’autre.

      Ne nous leurrons pas, ces revendications identitaires sont des revendications totalitaires, et ces #dérives_sectaires, communautaristes menacent nos #valeurs_démocratiques et républicaines en essentialisant les individus, en valorisant de manière obsessionnelle les #particularités_culturelles et en remettant à l’affiche une imagerie exotique méprisante que les puissances coloniales se sont évertuées à célébrer.

      Cette idéologie s’appuie sur ce courant multiculturaliste états-unien qu’est l’#intersectionnalité en vogue actuellement dans les départements des sciences humaines et sociales. Ce terme a été proposé par l’universitaire féministe américaine #Kimberlé_Crenshaw en 1989 afin de spécifier l’intersection entre le #sexisme et le #racisme subi par les femmes afro-américaines. La mouvance décoloniale peut s’associer aux « #postcolonial_studies » afin d’obtenir une légitimité académique et propager leur idéologie. Là où l’on croit lutter contre le racisme et l’oppression socio-économique, on favorise le #populisme et les #haines_identitaires. Ainsi, la #lutte_des_classes est devenue une #lutte_des_races.

      Des universitaires, des chercheurs, des intellectuels, des psychanalystes s’y sont ralliés en pensant ainsi lutter contre les #discriminations. C’est au contraire les exacerber.

      #Isabelle_de_Mecquenem, professeure agrégée de philosophie, a raison de rappeler que « emprise » a l’avantage de faire écho à l’article L. 141-6 du #code_de_l'éducation. Cet article dispose que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (…) ». Rappelons que l’affaire Dorin à l’Université de Limoges relève d’une action sectaire (propagande envers les étudiants avec exclusion de toute critique).

      Il est impérieux que tout citoyen démocrate soit informé de la dangerosité de telles thèses afin de ne pas perdre de vue la tension irréductible entre le singulier et l’universel pour le sujet parlant. La #constitution_psychique pour Freud n’est en aucun cas un particularisme ou un communautarisme.

      Nous appelons à un effort de mémoire et de pensée critique tous ceux qui ne supportent plus ces logiques communautaristes et discriminatoires, ces processus d’#assignation_identitaire qui rattachent des individus à des catégories ethno-raciales ou de religion.

      La psychanalyse s’oppose aux idéologies qui homogénéisent et massifient.

      La psychanalyse est un universalisme, un humanisme. Elle ne saurait supporter d’enrichir tout « narcissisme des petites différences ». Au contraire, elle vise une parole vraie au profit de la singularité du sujet et de son émancipation.
      Signataires
      Céline Masson, Patrick Chemla, Rhadija Lamrani Tissot, Laurence Croix, Patricia Cotti, Laurent Le Vaguerèse, Claude Maillard, Alain Vanier, Judith Cohen-Solal, Régine Waintrater, Jean-Jacques Moscovitz, Patrick Landman, Jean-Jacques Rassial, Anne Brun, Fabienne Ankaoua, Olivier Douville, Thierry Delcourt, Patrick Belamich, Pascale Hassoun , Frédéric Rousseau, Eric Ghozlan, Danièle Rosenfeld-Katz, Catherine Saladin, Alain Abelhauser, Guy Sapriel, Silke Schauder, Kathy Saada, Marie-José Del Volgo, Angélique Gozlan, Patrick Martin-Mattera, Suzanne Ferrières-Pestureau, Patricia Attigui, Paolo Lollo, Robert Lévy, Benjamin Lévy, Houria Abdelouahed, Mohammed Ham, Patrick Guyomard, Monique Zerbib, Françoise Nielsen, Claude Guy, Simone Molina, Rachel Frouard-Guy, Françoise Neau, Yacine Amhis, Délia Kohen, Jean-Pierre Winter, Liliane Irzenski, Jean Michel Delaroche , Sarah Colin, Béatrice Chemama-Steiner, Francis Drossart, Cristina Lindenmeyer, Eric Bidaud, Eric Drouet, Marie-Frédérique Bacqué, Roland Gori, Bernard Ferry, Marie-Christine Pheulpin, Jacques Barbier, Robert Samacher, Faika Medjahed, Pierre Daviot, Laetitia Petit, David Frank Allen, Daniel Oppenheim, Marie-Claude Fourment-Aptekman, Michel Hessel, Marthe Moudiki Dubreuil, Isabelle Floch, Pierre Marie, Okba Natahi, Hélène Oppenheim-Gluckman, Daniel Sibony, Jean-Luc Gaspard, Eva Talineau, Paul Alerini, Eliane Baumfelder-Bloch, Jean-Luc Houbron, Emile Rafowicz, Louis Sciara , Fethi Benslama, Marielle David, Michelle Moreau Ricaud, Jean Baptiste Legouis, Anna Angelopoulos, Jean-François Chiantaretto , Françoise Hermon, Thierry Lamote, Sylvette Gendre-Dusuzeau, Xavier Gassmann, Guy Dana, Wladi Mamane, Graciela Prieto, Olivier Goujat, Jacques JEDWAB, Brigitte FROSIO-SIMON , Catherine Guillaume, Esther Joly , Jeanne Claire ADIDA , Christian Pierre, Jean Mirguet, Jean-Baptiste BEAUFILS, Stéphanie Gagné, Manuel Perianez, Alain Amar, Olivier Querouil, Jennifer Biget, Emmanuelle Boetsch, Michèle Péchabrier, Isabel Szpacenkopf, Madeleine Lewensztain Gagna, Michèle Péchabrier, Maria Landau, Dominique Méloni, Sylvie Quesemand Zucca

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/25/la-pensee-decoloniale-renforce-le-narcissisme-des-petites-differences_601292

      #pensée_décoloniale #psychanalyse #totalitarisme

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « #gangrène », il faut cesser la « #lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’#éducation_nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.

      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la #désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les #identités_sociales se chevauchent et que les logiques de #domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.

      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et le démographe François Héran, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les #discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le #terrorisme_islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      Le collectif des revues en lutte, constitué en janvier 2020 autour de l’opposition aux projets de LPPR et de réforme des retraites, rassemble aujourd’hui 157 revues francophones, pour l’essentiel issues des sciences humaines et sociales.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/11/02/les-sciences-sociales-contre-la-republique_6058195_1650684.html

    • Academic freedom in the context of France’s new approach to ’separatism’

      From now on, academic freedom will be exercised within the limits of the values ​​of the Republic. Or not.

      For months, France has been severely weakened by a deepening economic crisis, violent social tensions, and a health crisis out of control. The barbaric assassination of history professor Samuel Paty on October 16 in a Paris suburb and the murder of Vincent Loquès, Simone Barreto Silva, Nadine Devillers in the Notre-Dame basilica in Nice on October 29 have now plunged the country into terror.

      Anger, bewilderment, fear and a need for protection took over French society. French people should have the right to remain united, to understand, to stay sharp, do everything possible not to fall into the trap set by terrorists who have only one objective: to divide them. It is up to politics to lead the effort of collective elaboration of the mourning, to ensure the unity of the country. But that’s not what is happening. Politics instead tries to silence any attempt at reflection tying itself in knots to point the finger at the culprit, or, better yet, the culprits.

      In the narrative of the French government, there are two direct or indirect sources responsible for the resurgence of terrorism: abroad, the foreign powers which finance mosques and organizations promoting the separatism of Islamic communities, and consequently - as is only logical on the perpetually slippery slope of Macronist propaganda - terrorism; at home, it is the academics.

      It is true that the October attacks coincided with tensions which have been increasing for months between France and Turkey on different fronts: Syria, Libya, Nagorno-Karabakh, and above all the Eastern Mediterranean. And it is also true that the relationship between international tensions and the resurgence of terrorism needs to be explored. However, the allusion to the relationship between the role of academics and these attacks is simply outrageous and instrumental, aimed only at discrediting the category of academics engaged in recent weeks in a desperate struggle to prevent the passing of a Research programming law, which violently redefines the methods of funding and management of research projects, the status, the prerogatives as well as the academic freedom of university professors.
      Regaining control?

      “A teacher died and other teachers are being blamed for it" wrote the sociologist Eric Fassin, alluding to a long series of attacks that have been reiterated in recent months on the French university community – a community guilty, according to Macron and his collaborators, of excessive indulgence in the face of “immigration, Islam and integration”.

      “I must regain control of these subjects”, said Emmanuel Macron a year ago to the extreme right-wing magazine Valeurs Actuelles. A few months later, in the midst of a worldwide struggle against racism and police violence, Macron, scandalized by the winds of revolt – rather than by racism and police violence in themselves – explained to Le Monde that "The academic world has been guilty. It has encouraged the ethnicization of social issues, thinking that this was a good path to go down. But the outcome can only be secessionist.” The Minister of National Education Jean-Michel Blanquer, presenting in June 2020 to the Senate’s commission of inquiry on Islamist radicalization, had evoked for his part, “the permeability of the academic world with theories that are at the antipodes of the values of the Republic and secularism”, citing specifically “the indigenist theories”.

      A few days after the homicide of Samuel Paty, in an interview with Europe 1, the minister accused academics of “intellectual complicity with terrorism”, adding that “Islamo-leftism wreaks havoc in the University”… “favoring an ideology that only spells trouble”. Explaining himself further in Le Journal Du Dimanche, on October 24, Blanquer reiterated these accusations, specifying: "There is a fight to be waged against an intellectual matrix coming from American universities and intersectional theses that want to essentialize communities and identities, at the antipodes of the Republican model, which postulates the equality between human beings, independently of their characteristics of origin, sex, religion. It is the breeding ground for a fragmentation of societies that converges with the Islamic model”.
      A Darwinian law

      Such accusations and interferences have provoked many reactions of indignation, including that of the Conférence of University Presidents. However, nothing was sufficient to see the attack off. On Friday evening, after the launch of a fast-track procedure that effectively muzzled the debate, the Senate approved the research programming law. In many respects, this is the umpteenth banal neo-liberal, or, more exactly, admittedly Darwinian, reform of the French university: precarisation of the work of teachers, concentration of the funds on a limited number of “excellent” poles and individuals, promotion of competition between individuals, institutions and countries, strengthening of the managerial management of research, weakening of national guarantee structures and, more generally, weakening of self-governance bodies.

      But this law also contains a clear and astounding plan to redefine the respective roles of science and politics. The article of the law currently in force, which very effectively and elegantly defined the meaning of academic freedom:

      “Teacher and researchers enjoy full independence and complete freedom of expression in the exercise of their teaching functions and their research activities, subject to the reservations imposed on them, in accordance with university traditions and the provisions of this code, the principles of tolerance and objectivity”, has been amended by the addition of this sentence:

      “Academic freedoms are exercised with respect for the values ​​of the Republic”

      This addition which is in itself an outrage against the principles of the separation of powers and academic freedom has been joined by an explicit reference to the events of these days:

      “The terrible tragedy in Conflans-Sainte-Honorine shows more than ever the need to preserve, within the Republic, the freedom to teach freely and to educate the citizens of tomorrow”, states the explanatory memorandum. "The purpose of this provision is to enshrine this in law so that these values, foremost among which is secularism, constitute the foundation on which academic freedoms are based and the framework in which they are expressed.”

      The emotion engendered by the murder of innocent people was therefore well and truly exploited in an ignoble manner to serve the anti-democratic objective of limiting academic freedoms and setting the choices of the subjects to be studied, as well as the “intellettual matrix” to be adopted under the surveillance today of the presidential majority and tomorrow, who knows?

      To confirm this reading of the priorities of the majority and the fears it arouses, on Sunday November 1, Thierry Coulhon, adviser to the President of the Republic was appointed, through a “Blitzkrieg”, head of the Haut Council for the Evaluation of Research and Higher Education (Hceres), the national body responsible for the evaluation of research.

      A few details of this law, including the amendment on the limits of research freedom, may still change in the joint committee to be held on November 9. But the support of academics, individuals, organizations, scholarly journals, for the Solemn appeal for the protection of academic freedom and the right to study is now more urgent and necessary than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/academic-freedom-in-the-context-of-frances-new-approach-to-separatism

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Le 2 novembre 2020, l’AG des Revues en Lutte a répondu dans Le Monde au ministre J.-M. Blanquer qui entend combattre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises », au prétexte de la lutte anti-terroriste.

      Cette tribune, que nous reproduisons ci-dessous, rejoint de très nombreuses prises de position récentes, contre l’intervention de J.-M. Blanquer, mais aussi contre E. Macron qui accuse les universitaires de « casser la République en deux » et contre deux amendements ajoutés à la LPPR (déjà parfaitement délétère) au Sénat : « les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République » et « les trouble-fête iront en prison ».

      Voici quelques-unes de ces prises de position :

      - Appel solennel pour la protection des libertés académiques et du droit d’étudier, sur Academia : https://academia.hypotheses.org/27287
      - Libertés académiques : des amendements à la loi sur la recherche rejetés par des sociétés savantes, dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/02/libertes-academiques-des-amendements-a-la-loi-sur-la-recherche-rejetes-par-d
      – Lettre ouverte aux Parlementaires, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/lettre-ouverte-lpr/
      - Communiqué de presse : retrait de 3 amendements sénatoriaux à la LPR, par le collectif des sociétés savantes académiques : https://societes-savantes.fr/communique-de-presse-retrait-de-3-amendements-senatoriaux-a-la-lpr
      – « Cette attaque contre la liberté académique est une attaque contre l’État de droit démocratique », dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/02/cette-attaque-contre-la-liberte-academique-est-une-attaque-contre-l-etat-de-
      - Communique de presse national, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/communique_suspendre_lpr/
      - Intersectionnalité : Blanquer joue avec le feu, par Rose-Marie Lagrave : https://www.liberation.fr/debats/2020/11/03/intersectionnalite-blanquer-joue-avec-le-feu_1804309
      - Qui est complice de qui ? Les libertés académiques en péril, par Eric Fassin : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
      - Les miliciens de la pensée et la causalité diabolique, par Seloua Luste Boulbina : https://blogs.mediapart.fr/seloua-luste-boulbina/blog/021120/les-miliciens-de-la-pensee-et-la-causalite-diabolique
      - L’islamo-gauchisme : comment (ne) naît (pas) une idéologie, par Samuel Hayat : https://www.nouvelobs.com/idees/20201027.OBS35262/l-islamo-gauchisme-comment-ne-nait-pas-une-ideologie.html
      – Après Conflans : gare aux mots de la démocratie, par Olivier Compagnon : https://universiteouverte.org/2020/10/27/apres-conflans-gare-aux-mots-de-la-democratie
      – Toi qui m’appelles islamo-gauchiste, laisse-moi te dire pourquoi le lâche, c’est toi, par Alexis Dayon : https://blogs.mediapart.fr/alexis-dayon/blog/221020/toi-qui-mappelles-islamo-gauchiste-laisse-moi-te-dire-pourquoi-le-la
      - « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’État en France », par Jean-François Bayart : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/jean-francois-bayart-que-le-terme-plaise-ou-non-il-y-a-bien-une-islamophobie

      On peut également mentionner les nombreux numéros de revues académiques, récents ou à venir, portant sur l’intersectionnalité, cœur de l’attaque du gouvernement. Les Revues en Lutte en citent plusieurs dans un superbe fil Twitter (https://twitter.com/RevuesEnLutte/status/1321861736165711874?s=20).

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Tribune

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « gangrène », il faut cesser la « lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’éducation nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.
      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les identités sociales se chevauchent et que les logiques de domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.
      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et l’épidémiologiste Josiane Warszawski, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      https://universiteouverte.org/2020/11/03/les-sciences-sociales-contre-la-republique

    • Islamisme : où est le déni des universitaires   ?

      Dans une tribune publiée par « le Monde », une centaine de professeurs et de chercheurs dénoncent les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » de leurs pairs, lesquelles mèneraient au terrorisme. Les auteurs rejouent ainsi la rengaine du choc des cultures qui ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Comment peut-on prétendre alerter sur les dangers, réels, cela va sans dire, de l’islamisme en se référant aux propos confus et injurieux de Jean-Michel Blanquer ? Or, une récente tribune du Monde (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-), au lieu de contribuer à une nécessaire clarification, n’a pas d’autre fonction que de soutenir un ministre qui, loin de pouvoir se prévaloir d’une quelconque expertise sur les radicalités contemporaines, mène en outre une politique régressive pour l’école, c’est-à-dire indifférente à la reproduction des inégalités socio-culturelles dont s’accommode l’idéologie méritocratique. Faire oublier cette politique en détournant l’attention, d’autres que lui l’ont fait. Il convient seulement de ne pas être dupe.

      Car que disent les auteurs (certains d’entre eux, fort estimables, ont probablement oublié de relire) ? Que « l’islamo-gauchisme », ni défini ni corrélé au moindre auteur, est l’idéologie « qui mène au pire », soit au terrorisme. Ceux qui la propagent dans nos universités, « très puissants dans l’enseignement supérieur », commettraient d’irréparables dégâts. Et l’on invoque pêle-mêle l’indigénisme, le racialisme et le décolonialisme, sans le moindre souci de complexification, ni même de définition, souci non utile tant le symptôme de la supposée gangrène serait aisément repérable : le port du voile.

      Plus de trente ans après l’affaire de Creil, et quantité de travaux sociologiques, on n’hésite donc toujours pas à nier l’équivocité de ce signe d’appartenance pour le réduire à un outil de propagande. Chercher à comprendre, au lieu de condamner, serait une manifestation de l’esprit munichois. Que la Conférence des présidents d’université (CPU) proteste contre les déclarations du ministre, en rappelant utilement la fonction des chercheurs, passe par pertes et profits, l’instance que l’on ne peut soupçonner d’un quelconque gauchisme étant probablement noyautée par des islamistes dissimulés !

      Cette tribune rejoue, une fois encore, une vieille rengaine, celle du #choc_des_civilisations : « haine des Blancs », « doxa antioccidentale », « #multiculturalisme » (!), voilà les ennemis dont les universitaires se réclameraient, ou qu’ils laisseraient prospérer, jusqu’à saper ce qui fait le prix de notre mode de vie. Au demeurant, les signataires de la présente tribune sont profondément attachés aux principes de la République et, en l’espèce, à la liberté de conscience et d’expression. C’est au nom de celle-ci qu’ils se proposent de dénoncer les approximations de leurs collègues.

      Choisir le #débat plutôt que l’#invective

      Concernant l’#indigénisme, sa principale incarnation, le Parti des indigènes de la République (PIR) a totalement échoué dans sa volonté d’être audible dans nos enceintes universitaires. Chacun sait bien que l’écho des thèses racistes, antisémites et homophobes d’#Houria_Bouteldja est voisin de zéro. Quant au #décolonialisme, auquel l’indigénisme se rattache mais qui recouvre quantités d’autres thématiques, il représente bien un corpus structuré. Néanmoins, les études sur son influence dans nos campus concluent le plus souvent à un rôle marginal. Et, quoi qu’il en soit, ses propositions méritent débat parce qu’elles se fondent sur une réalité indiscutable : celle de l’existence d’injustices « épistémiques », c’est-à-dire d’#injustices qui se caractérisent par les #inégalités d’accès, selon l’appartenance raciale ou de genre, aux positions académiques d’autorité.

      D’une façon générale, il ne fait aucun doute que la communauté scientifique a, dans le passé, largement légitimé l’idée de la supériorité des hommes sur les femmes, des Blancs sur les Noirs, des « Occidentaux » sur les autochtones, etc. Mais, à partir de ce constat, les décoloniaux refusent la possibilité d’un point de vue universaliste et objectif au profit d’une épistémologie qui aurait « une couleur et une sexualité ». Ce faisant, ils oublient #Fanon dont pourtant ils revendiquent l’héritage : « Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. […] Ce n’est pas le monde noir qui me dicte ma conduite. Ma peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques. » Nous devons choisir le débat plutôt que l’invective.

      L’obsession antimulticulturaliste

      Quant à l’obsession antimulticulturaliste (« #prêchi-prêcha », écrivent-ils), elle est ignorante de ce qu’est vraiment ce courant intellectuel. A de nombreux égards, ce dernier propose une conception de l’#intégration différente de celle cherchant à assimiler pour égaliser. Il est donc infondé de le confondre avec une vision ethno-culturelle du lien politique. Restituer à l’égal sa différence, tel est le projet du multiculturalisme, destiné en définitive à aller plus loin dans l’instauration de l’#égalité que n’était parvenue à le faire la solution républicaine classique. Le meilleur de ce projet, mais non nécessairement sa pente naturelle, est sa contribution à ce que l’un de nous nomme la « #décolonisation_des_identités » (Alain Renaut), conciliation que les crimes de la #colonisation avaient rendue extrêmement difficile. Bref, nous sommes très éloignés du « prêchi-prêcha ».

      Enfin, un mot sur la « #haine_des_Blancs ». Cette accusation est non seulement stupéfiante si elle veut rendre compte des travaux universitaires, mais elle contribue à l’#essentialisation « racialiste » qu’elle dénonce. En effet, elle donne une consistance théorique à l’apparition d’un nouveau groupe, les Blancs, qui auparavant n’était pas reconnu, et ne se reconnaissait pas, comme tel. Dès lors, en présupposant l’existence d’une idéologie racialiste anti-française, anti-blanche, on inverse les termes victimaires en faisant de la culture dominante une culture assiégée. Ce tour de passe-passe idéologique ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Toutes nos remarques critiques montrent qu’au lieu d’amorcer un nécessaire débat, la tribune ici analysée témoigne du déni dont pourtant des intellectuels non clairement identifiés sont accusés. Comment interpréter ce « manifeste » autrement que comme un appel à censurer ?

      https://www.liberation.fr/debats/2020/11/04/islamisme-ou-est-le-deni-des-universitaires_1804439

    • « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée »

      Environ deux mille chercheurs et chercheuses dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’appel à la police de la pensée dans les universités signé par une centaine d’universitaires en soutien aux propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/04/les-libertes-sont-precisement-foulees-aux-pieds-lorsqu-on-en-appelle-a-la-de

    • Open Letter: the threat of academic authoritarianism – international solidarity with antiracist academics in France

      A critical response to the Manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020, after the assassination of the school teacher, Samuel Paty.

      At a time of mounting racism, white supremacism, antisemitism and violent far-right extremism, academic freedom has come under attack. The freedom to teach and research the roots and trajectories of race and racism are being perversely blamed for the very phenomena they seek to better understand. Such is the contention of a manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020. Its signatories state their agreement with French Minister of Education, Jean-Michel Blanquer, that ‘indigenist, racialist, and “decolonial” ideologies,’ imported from North America, were responsible for ‘conditioning’ the violent extremist who assassinated school teacher, Samuel Paty, on 16 October 2020.

      This claim is deeply disingenuous, and in a context where academics associated with critical race and decolonial research have recently received death threats, it is also profoundly dangerous. The scholars involved in this manifesto have readily sacrificed their credibility in order to further a manifestly false conflation between the study of racism in France and a politics of ‘Islamism’ and ‘anti-white hate’. They have launched it in a context where academic freedom in France is subject to open political interference, following a Senate amendment that redefines and limits it to being ‘exercised with respect for the values of the Republic’.

      The manifesto proposes nothing short of a McCarthyist process to be led by the French Ministry for Higher Education, Research and Innovation to weed out ‘Islamist currents’ within universities, to take a clear position on the ‘ideologies that underpin them’, and to ‘engage universities in a struggle for secularism and the Republic’ by establishing a body responsible for dealing with cases that oppose ‘Republican principles and academic freedom’. The ‘Islamogauchiste’ tag (which conflates the words ‘Islam’ and ‘leftists’) is now widely used by members of the government, large sections of the media and hostile academics. It is reminiscent of the antisemitic ‘Judeo-Bolshevism’ accusation in the 1930s which blamed the spread of communism on Jews. The ‘Islamogauchiste’ notion is particularly pernicious as it voluntarily confuses Islam (and Muslims) with Jihadist Islamists. In other words, academics who point out racism against the Muslim minority in France are branded allies of Islamist terrorists and enemies of the nation.

      This is not the only contradiction that shapes this manifesto. Its signatories appear oblivious to how its feverish tone is redolent of the antisemitic witch-hunts against so-called ‘Cultural Marxists’ that portrayed Jewish intellectuals as enemies of the state. Today’s enemies are Muslims, political antiracists, and decolonial thinkers, as well as anyone who stands with them against rampant state racism and Islamophobia.

      Further, when seen in a global context, the question of who is in fact ‘importing’ ideas from North America is worth considering. The manifesto comes on the back of the Trump administration’s executive order ‘on Combating Race and Sex Stereotyping’ which effectively bans federal government contractors or subcontractors from engaging what are characterised as ideologies that portray the United States as ‘fundamentally racist or sexist’. Quick on Trump’s heels, the British Conservative Party moved to malign Critical Race Theory as a separatist ideology that, if taught in schools, would be ‘breaking the law’.

      We are concerned about the clear double standards regarding academic freedom in the attack on critical race and decolonial scholarship mounted by the manifesto. In opposition to the actual tenets of academic freedom, the demands it makes portray any teaching and research into the history or sociology of French colonialism and institutionalised racism as an attack on academic freedom. In contrast, falsely and dangerously linking these scholarly endeavours to Islamic extremism and holding scholars responsible for brutal acts of murder, as do the signatories of the Manifesto, is presented as consistent with academic freedom.

      This is part of a global trend in which racism is protected as freedom of speech, while to express antiracist views is regarded as a violation of it. For the signatories of the manifesto – as for Donald Trump – only sanitised accounts of national histories that omit the truth about colonialism, slavery, and genocide can be antiracist. In this perverse and ahistorical vision, to engage in critical research and teaching in the interests of learning from past injustices is to engage in ‘anti-white racism’, a view that reduces racism to the thoughts of individuals, disconnecting it from the actions, laws and policies of states and institutions in societies in which racial socioeconomic inequality remains rife.

      In such an atmosphere, intellectual debate is made impossible, as any critical questioning of the role played by France in colonialism or in the current geopolitics of the Middle East or Africa, not to mention domestic state racism, is dismissed as a legitimation of Islamist violence and ‘separatism’. Under these terms, the role of political and economic elites in perpetuating racism both locally and on a global scale remains unquestioned, while those who suffer are teachers and activists attempting to improve conditions for ordinary people on the ground.

      In the interests of a real freedom, of speech and of conscience, we stand with French educators under threat from this ideologically-driven attack by politicians, commentators and select academics. It is grounded in the whitewashing of the history of race and colonialism and an Islamophobic worldview that conflates all Muslims with violence and all their defenders with so-called ‘leftist Islamism’. True academic freedom must include the right to critique the national past in the interests of securing a common future. At a time of deep polarization, spurred by elites in thrall to white supremacism, defending this freedom is more vital than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/open-letter-the-threat-of-academic-authoritarianism-international-sol

    • Qui pour soutenir les « coupables de dérives intellectuelles idéologiques dans les universités » ?

      Mercredi 25 novembre 2020 : deux députés demandent la « création d’une mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », et le font publiquement savoir par un communiqué de presse.

      Ni la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ni la Conférence des présidents d’université, ni l’Udice, l’association autoproclamée des dix plus grandes « universités de recherche » françaises, ne bougent le petit doigt.

      Jeudi 26 novembre 2020 : l’un des deux députés précédents, un certain Julien Aubert, se sentant pousser des ailes, décide d’aller plus loin, et dresse une liste de sept universitaires, dont un président d’université, qui ont en commun d’avoir dit sur les réseaux sociaux le dégoût que leur inspire l’idée même de « dérives intellectuelles idéologiques ». Publiant leurs photos de profils et leurs comptes Twitter personnels, le député jubile, avec le message suivant :

      « Les coupables s’autodésignent. Alors que la privation du débat, l’ostracisation et la censure est constatée par nombre de professeurs, étudiants ou intellectuels, certains se drapent dans des accusations de fascisme et de maccarthysme. »

      La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la Conférence des présidents d’université et l’Udice ne bougent pas davantage le petit doigt.

      Vendredi 27 novembre 2020 : L’Auref, l’Alliance des universités de recherche et de formation, qui regroupe rien de moins que 35 universités, décide de sortir du bois, et il faut la saluer. Il faut dire, aussi, que l’un de ses membres, le président de l’université de Bordeaux Montaigne, figure par les « coupables » désigné par le député Aubert. Le communiqué choisit de rester tout en rondeur : il « appelle à plus de calme et de retenue dans les propos, de dignité et de respect de l’autre dans le légitime débat public, de mobilisation sur les vrais enjeux de la France et de son université ». Mais il a le mérite, lui, d’exister.

      L’université de Rennes 2, de son côté, annonce se réserver « le droit de donner une suite juridique à cette dérive grave ». C’est en effet une vraie question, à tout le moins sur le terrain de la diffamation.

      Du côté de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de la Conférence des présidents d’université et de l’Udice, en revanche, rien. Toujours rien. Désespérément rien.

      Ils bougeront un jour, c’est sûr, il le faudra bien, comme ils avaient bougé après les propos de Jean-Michel Blanquer sur l’islamo-gauchisme. Mais bouger comme ils le font, à la vitesse d’escargots réticents, ce n’est pas un soutien résolu et indéfectible dans la défense des libertés académiques. Ces gens ne sont tout simplement pas à la hauteur de l’Université.

      https://academia.hypotheses.org/29081

    • Chasse aux sorcières. Un député contre-attaque

      Loi recherche, libertés académiques et furie parlementaire..
      Comme elles venaient cette fois de députés, j’ai demandé au Président de l’@AssembleeNat de se saisir des attaques personnelles contre des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.
      Rien ne va plus.

      https://twitter.com/Sebastien_Nadot/status/1332350483437150209


      https://academia.hypotheses.org/29133

      #Sébastien_Nadot

    • La liste des coupables s’allonge. Au tour des universités ?

      Au Journal officiel de ce 3 décembre 2020, on trouve le décret portant dissolution d’un « #groupement_de_fait », l’« Association de défense des droits de l’homme – #Collectif_contre_l’islamophobie_en_France » (https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=-nWvo0jS6QqmBjWn9EPe_u_AvWkqbw3aGTWSBldcbDg=). Cette association était plus connue sous le nom de « #CCIF ».

      Ce décret de #dissolution inhabituellement long – trois pages – a déjà largement été commenté et dénoncé1. Academia se permet néanmoins d’insister sur un point : il est important de lire avec attention l’argumentation de ce décret — ce qu’en droit, on nomme les motifs — et d’observer par quels sautillements logiques le gouvernement en arrive aux pires conclusions. C’est même crucial pour la communauté de l’ESR, dans un contexte bien particulier d’attaques contre les libertés académiques. Certes, ce n’est pas la même artillerie qui est déployée contre le CCIF, d’un côté, et contre les universités et les scientifiques, de l’autre ; mais les petits bonds logiques qui y conduisent présentent de très fortes ressemblances.

      Prenons le premier des motifs du décret :

      « En qualifiant d’islamophobes des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou combattre des actes punis par la loi, [le CCIF] doit être regardé comme partageant, cautionnant et contribuant à propager de telles idées, au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ou de créer le terrain d’actions violentes chez certains de ses sympathisants ».

      Et voyons à quelle conclusion ce motif conduit :

      « Considérant que par suite, [le CCIF] doit être regardé comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

      Voilà donc un raisonnement qui se déploie de manière très décomplexée. Voir de l’islamophobie dans certaines évolutions arbitraires et discriminatoires de l’action anti-terroriste, c’est, première conséquence, prendre le « risque » de susciter du terrorisme ; et dans tous les cas, cela doit, seconde conséquence, être regardé comme une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme une propagation des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.

      Ce mode bien particulier de raisonnement appelle deux remarques.

      La première remarque a trait au choix bien précis des mots qui sont employés dans le décret de dissolution du 2 décembre 2020. Ce décret fait référence, en réalité, à deux infractions pénales :

      - Il suggère d’abord l’infraction de provocation directe à des actes de terrorisme. Au terme de l’article 421-2-5 du code pénal, en effet, « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende ».
      - Il suggère ensuite l’infraction d’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale. Au terme de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en effet, « ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».

      Mais le décret ne fait que suggérer ces infractions : il en reprend des formules, mais il ne dit pas qu’elles ont été commises par le CCIF. Il ne le dit pas parce que ces infractions n’ont pas été commises. Si elles l’avaient été, des poursuites pénales auraient immédiatement été engagées. Les outils de la police administrative — ici la dissolution d’une association — viennent donc suppléer les outils de la répression pénale, en singeant ces derniers : puisque le CCIF n’était pas sérieusement attaquable devant le juge pénal, le pouvoir exécutif choisit de l’attaquer par la voie administrative, et pour cela, il mime le vocabulaire pénal, tout en s’affranchissant, évidemment, de toutes les garanties qui caractérisent le procès pénal.

      La seconde remarque est, pour les universités, la plus importante. La dissolution du CCIF est largement justifiée par des propos tenus par l’association et ses dirigeants, au titre de leur liberté d’expression et sans qu’aucune infraction pénale n’ait été commise. La Ligue des droits de l’homme l’a bien identifié dans son communiqué : avec ce décret « le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion », un délit qui, précisément, n’existe pas. Un des motifs retenus dans le décret est, de ce point de vue, significatif :

      « sous couvert de dénoncer les actes de discriminations commis contre les musulmans, [le CCIF] défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large, n’hésitant pas à comptabiliser au titre des ‘actes islamophobes‘ des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».

      Ainsi donc, qualifier des pans de la lutte contre le terrorisme d’actes « islamophobes » est désormais interdit. Ce n’est pas interdit sur le plan pénal ; mais c’est sanctionné par le pouvoir exécutif, qui use pour cela de ses outils de police administrative.
      Quels enseignements pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Ces petits bonds logiques grâce auxquels Emmanuel Macron, Jean Castex et Gérald Darmanin, les trois signataires du décret, justifient des atteintes à la libre expression sont évidemment inquiétants quant à l’état général des droits et libertés en France. Or, on observe quelques tressaillements du même ordre du côté de l’enseignement supérieur et de la recherche, et c’est sur ce point que nous aimerions insister à présent. Bien sûr, la situation du CCIF et celle de l’ESR restent incomparables, dans la mesure où, du côté de l’ESR, la grande machinerie de la police administrative n’a pas été mise en branle comme elle l’a été pour le CCIF. En revanche, des petits bonds logiques du même ordre que ceux dont le CCIF a été victime se multiplient jusqu’au sein des plus prestigieux établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Plus inquiétant encore, ils se diffusent dans des cercles de plus en plus officiels au parlement et au gouvernement.

      L’établissement de relations entre des recherches scientifiques, d’un côté, et des qualifications pénales, de l’autre, sans pour autant que le moindre début de délit ne puisse être établi, se retrouve désormais couramment sous la plume de certain·es universitaires. Nathalie Heinich, directrice de recherche CNRS (classe exceptionnelle), membre du Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS/ EHESS), s’y prête allègrement par exemple : comme elle l’a récemment déclaré au Times Higher Education2, « les affirmations des universitaires sur le ‘racisme systématique’ et le ‘racisme d’État’ sont un encouragement direct au terrorisme ». Un encouragement direct au terrorisme, dit-elle : la référence à l’article 421-2-5 du code pénal, évoqué plus haut, est à nouveau explicite. À l’instar de ce que fait le pouvoir exécutif dans le décret de dissolution du CCIF, le vocabulaire du droit pénal est appelé à la rescousse pour attaquer certaines formes d’expression, sans, pour autant, qu’aucun début d’infraction pénale ne puisse être mobilisé.

      Ces références mal contrôlées au droit pénal auxquelles se livrent certain·es universitaires ne sont pas sans effets. Elles sont désormais reprises non sans opportunisme par certaines des plus hautes autorités de l’État. C’est le cas du député Julien Aubert qui, après avoir appelé avec le président du groupe des Républicains de l’Assemblée nationale à la mise en place d’une « mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », dresse des listes d’universitaires qu’il désigne comme « coupables ». C’est le cas, aussi, du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer lorsqu’il parle, à propos des universités, de « complicité intellectuelle du terrrorisme ».

      Quand un parlementaire et un ministre, l’un et l’autre de premier plan, décident de mobiliser du vocabulaire pénal et de parler de « culpabilité » et de « complicité » à propos d’universitaires, il y a lieu d’être inquiet·es. Pour Jean-Michel Blanquer, agrégé de droit public, ces références pénales se font en toute connaissance de cause, d’ailleurs, si l’on veut bien se souvenir que, dans son autre vie, il a publié des travaux très sérieux au sujet des relations entre responsabilité pénale et responsabilité politique. Notons que l’un de ses ouvrages s’appelait La responsabilité des gouvernants, ce qui, c’est le moins qu’on puisse dire, est un titre qui résonne aujourd’hui étrangement concernant le ministre Blanquer.

      Dans un tel contexte, le décret de dissolution du CCIF est riche d’enseignements et justifie ce long billet d’Academia. Résumons les choses : si le CCIF a été dissout, ce n’est pas sur la base d’infractions pénales, puisqu’il n’était pas sérieusement possible d’actionner ces infractions, alors même qu’on n’a cessé d’en étendre le champ depuis vingt ans. Si le CCIF a été dissout, c’est par des références abusives à des infractions pénales, sur la base de quoi des mesures de police administrative ont été actionnées par le pouvoir exécutif, dont les motifs, nous l’avons vu, se situent d’abord et avant tout sur le terrain de la liberté d’expression.

      Que peut-on dans ces conditions craindre pour l’enseignement supérieur et la recherche ? Dès lors que l’on observe, aujourd’hui, que des collègues et du personnel politique de premier plan singent eux aussi des infractions pénales pour critiquer des recherches scientifiques, on peut légitimement craindre qu’un mouvement de terrain du même ordre que celui dont le CCIF a été la victime se réalise s’agissant des universités. Tout y mène.

      L’exclusion du champ académique

      Ce risque ne viendra sans doute pas du droit pénal lui-même, en tout cas pas dans un premier temps. Certes, on se souvient que la loi de programmation de la recherche a déjà étendu brusquement le champ du droit pénal universitaire, avec le nouveau délit d’atteinte au bon ordre et à la tranquillité des établissements. Mais on peut espérer que ce délit ne sorte pas sans dommage du contrôle du Conseil constitutionnel ; surtout, il ne suffira pas pour attaquer les recherches qui représentent « un encouragement direct au terrorisme », pas plus que la législation pénale anti-terroriste n’a suffi pour s’attaquer aux propos du CCIF. C’est donc vers de nouvelles formes juridiques de contraintes, autres que celles que propose le droit pénal, que le débat est en train de se déplacer plus ou moins consciemment, comme il s’est déplacé pour le CCIF. La voie la plus simple, pour cela, consiste à inventer de nouvelles limites à la libre expression des enseignant·es et des chercheur·ses, afin d’exclure du champ académique, et donc du champ des libertés académiques, certains propos et certain·es collègues.

      Cette démarche d’exclusion hors du champ des libertés académiques, dont les fondements épistémologiques ne sont pas neufs3, a pris une dimension professionnelle particulière depuis quelques années. Épistémologiquement, il s’agit de « faire coupure » entre ce qui est bonne science et mauvaise science, selon un principe médical de l’amputation pour éviter la propagation de la gangrène au corps entier : certain·es rappellent ainsi régulièrement que les sciences sociales critiques ne sont pas des sciences militantes, l’invocation du « militantisme » disqualifiant la légitimité épistémologique des travaux menés par des hommes et des femmes engagé∙es. Olivier Beaud, voix écoutée et reconnue de l’association Qualité de la science française, s’exprimait ainsi dans Le Monde du 2 décembre :

      « Je refuse l’inquisition politique mais je refuse aussi le silence qui serait de la lâcheté intellectuelle et reviendrait à cautionner des universitaires dont la pratique serait de surdéterminer leurs recherches censément scientifiques (donc objectives) par des considérations lourdement idéologiques, fût-ce au motif de défendre telle ou telle minorité ».

      L’article du Monde précise ensuite les propos d’Olivier Beaud : selon lui, des universitaires « radicaux » auraient délaissé la distinction opérée par Max Weber entre le « jugement de fait », qui fonde leurs recherches, et le « jugement de valeur », qui fonde leurs opinions.

      En se référant ainsi à la « neutralité axiologique » de Max Weber, Olivier Beaud tord la pensée d’un homme profondément engagé dans la construction de l’État prussien par les sciences économiques et sociales. Par chance pour notre démonstration, la traduction commandée à Julien Freund par Raymond Aron et parue en 1963 dans un contexte de guerre froide, a fait récemment l’objet de plusieurs éditions critiques qui retraduisent en français le texte original Du métier de savant (Wissenschaft als Beruf, 1917)4. Pour celles et ceux qui ont eu accès au texte de Weber par la seule traduction française, la lecture de cette traduction révisée est très éclairante : l’universitaire, pour faire science, a besoin d’une « inspiration », qui donne un sens à son travail, notamment ses tâches calculatoires ; cette inspiration a partie liée avec une question éthique, intime et indispensable : « quelle est la vocation de la science pour l’ensemble de la vie de l’humanité ? Quelle en est la valeur ? ».

      De nos jours, il est fréquent que l’on parle d’une « sciences sans présupposés, écrit Max Weber. Une telle science existe-t-elle ? Tout dépend ce que l’on entend par là. Tout travail scientifique présuppose la validité des règles de la logique et de la méthode, ces fondements universels de notre orientation dans le monde. Ces présupposés-là sont les moins problématiques du moins pour la question particulière qui nous occupe. Mais on présuppose aussi que le résultat du travail scientifique est important au sens où il mérite d’être connu. Et c’est de là que découlent, à l’évidence, tous nos problèmes. Car ce présupposé, à son tour, ne peut être démontré par les moyens de la science. On ne peut qu’en interpréter le sens ultime, et il faut le refuser ou l’accepter selon les positions ultimes que l’on adopte à l’égard de la vie
      — Weber, 1917 [2005], p. 36

      Les problèmes que Max Weber5 repérait hier sont les nôtres aujourd’hui : certains ou certaines disqualifient le travail scientifique de leurs collègues, non à l’aune de leur qualité scientifique intrinsèque, reposant sur la qualité de la réflexion, de la documentation, de l’analyse, mais par les présupposés qui ont initié la recherche.

      Ces derniers mois, les choses sont devenues très claires de ce point de vue : il y a des recherches dont certain·es ne veulent plus.

      C’est leur scientificité même qui est déniée : ces recherches sont renvoyées à de la pure « idéologie », sans qu’aucune explication précise ne soit jamais donnée, si ce n’est la référence à une autre idéologie, qu’il s’agisse des « valeurs de la République » ou de « l’unité de la nation ». « L’unité de la nation », c’est ce à quoi renvoyait l’association Qualité de la science française dans un récent communiqué : « il fait peu de doute que se développent dans certains secteurs de l’université des mouvances différentialistes plus ou moins agressives, qui mettent en cause l’unité de la nation, et dont l’attitude envers les fondamentalismes est ambiguë ». La comparaison sémantique avec les textes académiques prônant le maccarthysme est à ce titre très éclairante, même si leur rédaction doit être replacée dans le contexte de la guerre froide6 : le caractère scandaleux de toute opération de « chasse aux sorcières » se mesure, considère-t-on alors, à l’aune des risques encourus par la nation.

      Quelle va être la suite ? Va-t-on exclure ces savant∙es contemporain∙es de l’université, qui repose pourtant sur le principe de la pluralité et du dissensus ? Va-t-on les exclure en leur déniant tout travail de production et de transmission des connaissances scientifiques, pour les rejeter du côté de la simple expression des opinions ? Le risque, derrière ce feu qu’allument certain∙es universitaires, est connu : c’est évidemment que le pouvoir politique s’en saisisse, pour en tirer des conséquences juridiques.

      Nous nous trouvons très précisément au seuil d’un mouvement de ce type aujourd’hui en France. On y a échappé de peu lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, avec l’amendement subordonnant les libertés académiques au respect des valeurs de la République auquel la ministre Vidal avait donné, on ne le rappellera jamais assez, un « avis extrêmement favorable ».

      Dans un contexte aussi pesant, c’est avec beaucoup d’appréhension, désormais, que l’on attend, du côté de la rédaction d’Academia, l’examen du « projet de loi renforçant les principes républicains » (plus connu sous le nom de « projet de loi Séparatismes »). Plusieurs collègues ont en particulier alerté Academia sur le fait qu’un collectif dénommé Vigilance Universités échange à propos de ce projet de loi avec la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, pour introduire les universités dans le champ de celui-ci. Nous craignons le pire. Cela fait plusieurs années maintenant que ces mêmes collègues propagent le sentiment d’une immense insécurité physique et de grands dangers intellectuels dans les universités, sans vouloir reconnaître qu’en conséquence de leurs propos, des personnalités politiques de premier rang, à droite et à l’extrême droite, appellent désormais à combattre les « dérives intellectuelles idéologiques » et dresse des listes de « coupables ».

      Peut-être est-il temps maintenant, pour elles et eux, de prendre conscience de leur responsabilité historique dans le mouvement de rétraction des libertés académiques en cours, à défaut d’avoir accepté de prendre la moindre position critique, lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, sur la pénalisation des universités à laquelle ils et elles ont directement contribué par leurs propos et leurs actions.

      Il est surtout temps que l’ensemble des collègues prennent la juste mesure du danger. Il est temps que nous prenions, collectivement et clairement, position sur ce que défendre l’université veut dire.

      https://academia.hypotheses.org/29291

    • Antiracisme : la guerre des facs n’aura pas lieu

      Depuis la fin de l’automne 2018, par poussées de fièvre belliqueuse, surgissent périodiquement les tribunes, appels, articles qui mettent en garde contre un nouvel ennemi de la République : les « décoloniaux », qui « mènent la guerre des facs », écrit par exemple Étienne Girard dans Marianne, le 12 avril 2019. Des dizaines d’autres intellectuels, journalistes, personnalités publiques, ont pris la plume pour dénoncer « les obsédés de la race à la Sorbonne » (Charlie Hebdo 23 janvier 2019), les « énervés de la race » qui « martèlent leurs fameuses théories sur la race » (Le Canard Enchaîné, 24 juin 2020). Ils mettent en accusation la « stratégie hégémonique » du « décolonialisme » (Le Point, 28 novembre 2018) qui se lance « à l’assaut de l’université » (Le Nouvel Obs, 30 novembre 2018), qui « menace la liberté académique » (Le Monde, 12 avril 2019) et qui, « nouveau terrorisme intellectuel », « infiltre les universités » (La Revue des deux Mondes, 18 avril 2019) par une « grande offensive médiatique et institutionnelle » (L’Express, 26 décembre 2019), traduisant « une stratégie décoloniale de radicalité » (Le Monde, blog, 06 juillet 2020) en même temps qu’une « quête de respectabilité académique » (L’Express, 26 décembre 2019).

      La rhétorique est guerrière – et l’ennemi, puissant, organisé, déterminé, mobilisant des méthodes de guérilla, voire de « terrorisme », est déjà en passe de l’emporter, au point qu’il faut « appeler les autorités publiques, les responsables d’institutions culturelles, universitaires, scientifiques et de recherche, mais aussi la magistrature, au ressaisissement » (Le Point, 28 novembre 2018) et « sanctionner la promotion de l’idéologie coloniale » (Marianne, 26 juin 2020).

      Mais de quoi parle-t-on exactement ? Comme cela a déjà été souligné, si stratégie hégémonique il y a, elle est remarquablement peu efficace : aucun poste ni aucune chaire, dans aucun domaine de sciences humaines et sociales, n’a jamais été profilé « études postcoloniales ou décoloniales » à l’université ; pas de revue spécialisée, pas de maison d’édition ni même de collection de presses universitaires dans le domaine. Une analyse sociologique fine menée en termes de « correspondances multiples » sur plusieurs années et croisant plusieurs variables (publications, visibilité, lieux institutionnels, etc.) démontre que

      « les travaux sur la question minoritaire, la racialisation ou le postcolonial demeurent des domaines de niche […] bénéficiant d’une faible audience dans le champ académique comme dans l’espace public »
      — Inès Bouzelmat, « Le sous-champ de la question raciale dans les sciences sociales », Mouvements, 12 février 2019.

      Si guerre il y a, les deux camps en présence témoignent d’un « rapport de forces inégal » où la puissance, sinon l’hégémonie, est bien du côté du savoir contesté par « la mouvance post ou décoloniale » (L’Obs, 11 janvier 2020), qui fait figure de David contre le Goliath de l’universalisme républicain.

      De plus, il est remarquable que les combats de l’université, comme récemment contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, dont le projet a été rendu public le 7 juin et qui est sur le point d’être adoptée en dépit de l’opposition explicite, massive et continue de la communauté universitaire, troublent généralement bien peu les penseurs institutionnels et les personnalités publiques. On compte sur les doigts d’une main les journalistes qui ont relayé les inquiétudes des universitaires : la vraie guerre est ailleurs. Pour les gardiens du temple, les « décoloniaux » menacent bien davantage l’université que la remise en cause des statuts des enseignants-chercheurs, la précarisation des personnels, la diminution accrue de financement récurrent et la mise en concurrence généralisée des institutions, des laboratoires et des individus. Ce n’est pas la disparition programmée du service public qui doit appeler « à la plus grande mobilisation » de la communauté universitaire (Marianne, 26 juin 2020), c’est la diffusion de « l’idéologie décoloniale ».

      C’est que cette guerre-là ne touche pas seulement l’université – sinon, qui s’en soucierait ? Comme l’a affirmé Emmanuel Macron dans des propos rapportés le 10 juin 2020 dans Le Monde, « le monde universitaire a été coupable », « il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon » et une telle stratégie « revient à casser la République en deux ». Voilà le véritable enjeu : les décoloniaux, par opportunisme et sens du « postcolonial business » (L’Express, 26 dec. 2019) ou par désir de promouvoir la haine et la division de la communauté politique, ou peut-être enfin par incompréhension et ignorance des vraies fractures sociales – par cynisme, par gauchisme ou par bêtise -, sont accusés de chercher à provoquer une « guerre des races » qui brisera la République. Ils sont ceux qui guident « les jeunes » dans les manifestations contre le racisme et les violences policières, ceux qui suscitent le déboulonnage des statues et les changements de noms des rues et places qui rendent hommage aux héros du colonialisme, ceux qui plaident pour l’introduction de statistiques ethniques afin de visibiliser les phénomènes de discrimination… C’est pourquoi, dans ces lignes de front qui se tracent, c’est bien eux qu’on prend à partie via ce « vous » populaire qu’ils incarnent comme une avant-garde : « J’exige de vous le respect. Sinon ce sera la guerre » (Marianne, 9 juillet 2020).
      Cette déclaration de guerre repose sur une confusion, un renversement et un double mensonge.

      La confusion est évidente : sont rassemblés sous une étiquette mal taillée des chercheurs et chercheuses aux positions épistémologiques précises et parfois en désaccord, qui travaillent depuis des années sur des objets dont l’importance n’est pas encore vraiment reconnue. Leur recherche, selon les règles d’usage de la discussion académique, exige de se confronter lors de séminaires, colloques et conférences où entrent en conversation les tenants de positions différentes avec les outils académiques de l’argumentation logique, de la distinction conceptuelle et de l’érudition textuelle. La « mouvance post ou décoloniale » n’existe pas. Et pour cause : les études décoloniales sont d’abord menées par des chercheuses et chercheurs latino-américains, parfois caribéens, qui diffèrent des courants postcoloniaux indiens ou, surtout, étasuniens, selon trois critères désormais bien établis : géopolitique, disciplinaire et généalogique1. Décoloniaux et postcoloniaux ne partagent ni les mêmes influences intellectuelles ni les mêmes contextes socio-économiques et culturels ; ils et elles mobilisent des outils méthodologiques différents pour poser des problèmes théoriques ou normatifs différents. Les désaccords scientifiques traversent aussi les disciplines, y compris entre celles et ceux qui sont persuadés de l’importance de s’intéresser au passé colonial pour comprendre le présent : historiens de l’esclavage et de la colonisation s’affrontent sur les aires géographiques pertinentes, sur les méthodologies de l’histoire globale ou locale, sur les sources archivistiques ou leur absence, etc. Bien loin de mettre en place des stratégies hégémoniques de domination académique, les universitaires échangent du savoir, de la connaissance, du raisonnement, avec humilité, rigueur et ténacité. Ils et elles travaillent et soumettent leurs hypothèses au test de l’évaluation par les pairs : ils font leur métier.

      Le renversement de perspective est tout aussi massif. Tout se passe comme si s’efforcer de mettre au jour les effets de domination historiquement fondés sur des rapports de race traduits dans l’organisation coloniale du monde, puis hérités de cet ordre sans être réellement déconstruits, revenait à créer ces effets de domination. Lorsque les chercheuses et chercheurs parlent de racialisation ou racisation, on leur oppose que le mot est « épouvantable » (Jean-Michel Blanquer, dans Libération, 21 novembre 2017). C’est un néologisme qui, selon la critique, ne permet pas de révéler une réalité sociale, mais qui produit, dans un geste performatif, la réalité qu’il prétend désigner.

      Or parler de groupe racisé consiste bien à nommer une réalité sociale : la catégorisation et la hiérarchisation de groupes sociaux, dans des contextes précis, en raison de facteurs visuels ou généalogiques réels ou fantasmés2. Il s’agit de chercher à expliquer, et non pas excuser, la construction, les mécanismes, les processus de reproduction de cette réalité. Parler de racialisation permet précisément de souligner que la race n’existe pas en tant que réalité biologique, de l’historiciser, la désessentialiser et la dénaturaliser. Il s’agit de produire de nouvelles ressources épistémiques pour dénoncer la hiérarchisation et l’inégalité raciales tout en évitant de reproduire les interprétations obsolètes et racistes du monde social.

      Sous la plume de ceux qui veulent « sanctionner » « l’idéologie coloniale », « supprimer les références racialistes », effacer la « nuée de concepts » qui traitent de la question raciale — non seulement dans la législation et la Constitution, mais aussi à l’université — une telle mise sous silence permettrait de supprimer le mal. Ces mots « réactivent l’idée de race » et « détournent des valeurs de liberté, égalité, fraternité qui fondent notre démocratie », affirment-ils (Le Point, 28 novembre 2018) : cessons d’utiliser ces mots abominables, et la « question sociale » sera enfin désethnicisée, la République réparée. Ils estiment sans doute qu’en France régnait l’égalité réelle jusqu’à ce que certains se mettent à dénoncer la domination raciale dont ils font l’expérience, et d’autres parviennent à admettre le privilège racial dont ils bénéficient.

      C’est là nier le travail des chercheuses et chercheurs qui, décrivant et évaluant les dominations raciales, s’efforçant de poser un diagnostic clair sur la nature et l’ampleur des inégalités qui traversent notre société, non seulement ne les créent pas, mais espèrent même contribuer à les faire disparaître. Vouloir les faire taire, c’est contribuer au racisme ordinaire en lui permettant d’avancer sous la « cape d’invisibilité » que procure l’étendard du républicanisme bafoué.

      Enfin le mensonge est double : d’une part, il consiste à faire semblant de croire qu’une poignée d’universitaires peut entraîner à elle seule les mouvements sociaux d’ampleur inédite qui ont vu le jour après le confinement pour dénoncer le racisme institutionnel et réclamer justice. C’est trop d’honneur. Trop de mépris, aussi, pour le travail de terrain des mouvements antiracistes et les associations de défense des droits qui mènent la lutte au quotidien auprès des victimes de stigmatisation et discrimination raciales. C’est enfin, surtout, être aveugle à la lame de fond qui nous emporte, à la transformation sociale massive que vit notre vieux modèle. Car d’autre part, le mensonge réside dans l’accusation selon laquelle les manifestant·es qui protestent contre le racisme et les discriminations, et réclament une participation égale et un statut paritaire dans le récit national, veulent « casse[r] la République en deux ». Or cela a été amplement souligné : les hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, racisé·es ou non, qui défilaient pour condamner les violences policières racistes en juin dernier3 chantaient ensemble La Marseillaise ; celles et ceux qui proposent de déplacer les statues des héros de la colonisation pour les muséifier le font au nom d’un hommage que la république pourrait rendre, sur ses places publiques, à d’autres héroïnes et d’autres héros français oubliés ou trop longtemps traités en objets et non en sujets politiques. La république peut être inclusive et réparée ; l’universel peut être visé — un universel concret, construit à partir des particularités et non pas en négation de celles-ci. Ce sont les fondations d’un nouvel universalisme possible qui sont en train d’être posées. Le mensonge consiste à prétendre que Cassandre veut la guerre.
      Et si ce n’était pas une guerre, mais une révolution ?

      Ce à quoi on assiste, et qui provoque la panique morale des puissants, peut se comprendre, c’est l’hypothèse faite ici, à la fois comme une révolution scientifique et comme une révolution politique, parce que les deux sont indissociables dans les sciences humaines et sociales. C’est à la fois un tournant copernicien ou changement de paradigme4, une nouvelle manière de façonner les problèmes et les solutions dans un processus discontinu de production du savoir, et le mouvement du « passage de l’idée dans l’expérience historique », la « tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique »5.

      L’ancien modèle théorique s’essouffle : les énigmes se multiplient, les exceptions ou anomalies ne confirment plus la règle mais s’accumulent pour miner l’autorité du vieux cadre interprétatif colorblind de notre monde social. Trop d’injustices sociales débordent le modèle de la lutte des classes, les inégalités socio-économiques à elles seules n’expliquent pas toutes les différences de trajectoire collective ou individuelle, les différences culturelles se naturalisent, l’écart se creuse et se visibilise entre les idéaux de la république et la réalité sociologique de leur mise en œuvre – y compris institutionnelle. L’épaisseur de l’histoire esclavagiste et coloniale pèse sur le mythe du contrat social républicain établi entre des partenaires égaux consentant librement à « faire peuple », ensemble. Ce qui est requis, ce n’est donc pas simplement une nouvelle grille de lecture à appliquer sur des données par ailleurs bien connues : c’est la manière même de voir le monde qui change, ce sont de nouveaux positionnements, de nouvelles perspectives, de nouvelles perceptions, la mise au jour de nouvelles archives, les témoignages de nouvelles voix, qui produisent des données jusque là méconnues ou ignorées, et qui entraînent l’exigence de renouveler le paradigme.

      La résistance de la vieille garde est d’autant plus désespérée que les sujets producteurs de ces nouvelles connaissances sont aussi des agents usuellement dominés et discrédités dans les circonstances « normales » du discours public. Ce sont des agents dont les idées, les ressources théoriques, les productions cognitives, souffrent d’un déficit de crédibilité dû soit à des biais ou stéréotypes négatifs qui conduisent à mettre en doute leur capacité à produire un discours valide, rationnel et raisonnable, sur leurs expériences singulières, soit à un excès de crédibilité accordé à d’autres agents dissonants, au témoignage ou à l’analyse desquels on a tendance à accorder une confiance supérieure. Racialisation, discrimination systémique, privilège blanc, stigmatisation raciale, parmi d’autres, sont des concepts et des ressources épistémiques précieuses pour décrire des expériences sociales, les partager, les interpréter, les évaluer, et peut-être transformer le monde où elles ont cours. Le monde universitaire n’est pas une armée de terroristes qui infiltre les lieux de savoir et casse la République en deux : le monde universitaire est l’espace institutionnel inclusif où ces agents producteurs de connaissance inédits et inaudibles peuvent participer à la production de savoirs qui nous concernent tous parce que tous, nous sommes la république. La guerre des facs n’aura pas lieu, parce que le monde d’après est déjà là : les monstres, et leurs derniers gémissements, disparaissent avec le clair-obscur.

      https://academia.hypotheses.org/29341

    • Academic Freedom Under Attack in France

      For many years, in what now seems the distant past, France was known as the nation that welcomed refugees from authoritarian countries; revolutionary activists, artists, exiled politicians, dissident students, could find sustenance and support in the land of liberty, equality, and fraternity. It is also the country whose philosophers gave us many of the tools of critical thinking, including perhaps the very word critique. In recent years—at least since the bicentennial of the French Revolution in 1989—that image has been replaced by a more disturbing one: a nation unable to decently cope (and increasingly at war) with people of color from its former colonies (black, Arab, Muslim) as well as Roma; a nation whose leaders are condemning critical studies of racial discrimination and charges of “Islamophobia” in the name of “the values of the Republic.”

      The years since the bicentennial have seen a dramatic increase in discrimination against a number of groups, but Arab/Muslims, many of them citizens (according to the settlement that ended the Algerian War) have been singled out. The charge against them has been that they practice their religion publicly, in violation of laïcité, the French version of secularism, the separation of church and state. Enshrined in a 1905 law, laïcité calls for state neutrality in matters of religion and protects individual rights of private religious conscience. Although the state is extremely supportive of Catholic religious practices (state funds support churches as a matter of preserving the national heritage, and religious schools, the majority of them Catholic, in the name of freedom of educational choice; the former president, Nicolas Sarkozy has insisted that Catholicism is an integral aspect of laïcité), Islam has been deemed a threat to the “values” upon which national unity is based.

      National unity is a peculiar concept in France, at least from an American perspective. The nation “one and indivisible” is imagined as culturally homogeneous. Anything that suggests division is scrupulously avoided. Thus there is no exact calculation of the numbers of Muslims in the French population because no official statistics are kept on racial, ethnic, or religious difference. To make those very real differences visible is thought to introduce unacceptable divisions in the representation of the unity of the national body.

      The presence of an estimated 6 to 10 million Muslims (in a country of some 67 million) has become a potent political weapon. Initially claimed by the far Right National Front party (now renamed the Rally for the Republic), the “Muslim problem” has become a concern of parties across the spectrum (in differing degrees from Right to Left). In 2003, in the face of increasing electoral success on the far Right, the conservative government of Jacques Chirac commissioned a report that redefined laïcité for the twenty-first century’s “clash of civilizations.” Titled “The New Laïcité, “ it extended the demand for neutrality from the state to its individual citizens, forbidding any display of religious affiliation in public space. Although said to be universally applicable, everyone understood this to be a policy aimed at Muslims. Thus the hijab (the Islamic headscarf) is prohibited in public schools; women are fined for wearing the niqab (the full face covering) on the streets of their towns; veiled women are prevented from serving as witnesses at weddings conducted in city halls; burkini clad women were forced to undress on some beaches in the summer of 2016….the list goes on. Women were the target of these rules and regulations (for reasons I have analyzed in my The Politics of the Veil (2007), but men, too, experience economic and social discrimination, as well as violent police surveillance in their homes and on the streets.

      In the wake of a number of horrific terrorist attacks in the name of Islam in French cities—the assassinations of the Charlie Hebdo journalists and the murders at the Bataclan theater in 2015, and most recently, in 2020, the beheading of a school teacher, Samuel Paty—all Muslims are increasingly defined as a threat to the security of the nation. The Interior Minister, Gérald Darmanin, has effectively declared war, defining not religion but Islamist ideology as “an enemy within.” Despite this careful distinction, a wartime, ethno-nationalist mentality has identified Muslims as a dangerous class. Antipathy to Muslims has become evidence of patriotism; those who argue that not all Muslims are terrorists and that discrimination against them might contribute to their radicalization, have been met with denunciations and vehement attacks. University professors are among these groups, and they have faced particularly nasty accusations of treason. The campaigns being mounted against them don’t just target individuals; in their insistence that teaching cannot deviate from “the values of the Republic,” the charges amount to a sustained attack on academic freedom.

      The call to rally around the Republic has come not only from the expected quarters—politicians and publicists on the Right—but also from the current (neo-) liberal administration and from within the academy itself. Historians, sociologists, and anthropologists who work on the history of colonialism, on issues of ethnic and racial discrimination, and who seek to account, within the problematics of their disciplines, for the inequalities evident in French society, have been labelled “islamo-gauchistes” for their presumed support for or identification with Muslims. The term is used as an insult, and it is employed regularly by intellectuals such as the philosopher Elisabeth Badinter and the feminist writer Caroline Fourest, neither of whom are considered to be on the Right. In 2018, following a conference at the University of Paris, 7, on “Racism and racial discrimination in the university,” some 80 intellectuals signed a letter condemning as “ideological” the increasing number of “racialist” university events and they called upon “the authorities” to put an end to their “use against the Republic.”

      The “authorities” have responded. In 2020, the Minister of Education, Jean-Michel Blanquer declared that anti-racist intellectuals were “complicit” in Samuel Paty’s murder. He accused “islamo-gauchistes” of “wreaking havoc” in the university. Those employing ideas of “intersectionality,” he denounced as “intellectual accomplices of terrorism.” He deemed intersectionality a pernicious import from multicultural America that “essentializes communities and identities, the antithesis of our model of the Republic.” If Muslims were “separatists,” these intellectuals were too. President Emmanuel Macron charged that “The academy is guilty. It has encouraged the ethnicization of the social question, thinking it’s a good subject to study. But, the outcome can only be secessionist. It will rebound to split the Republic in two.” In October, a bill was proposed in the Senate stating that “academic freedom must respect the values of the Republic.” And Frédérique Vidal, the Minister of Higher Education and Research, whose portfolio most directly pertains to the academy, asserted that “the values of laïcité, of the Republic, are not open for debate.”

      Although no one has yet been fired from a university position, the warning signs are clear. If the nation is at war with Islam, those who struggle to find alternatives to this divisiveness are, ironically, accused of dividing the nation. When professor of sociology (University of Paris 8) Eric Fassin was threatened on Twitter with decapitation for his “islamo-gauchiste views” by a right-wing extremist, his university president offered support (as did academic collectives from Turkey to Brazil), but there was no comment from those higher up in the education ministries. [Fassin sued and won a ruling against the man, but the court treated him not as member of a domestic, neo-Nazi, terrorist network (which he is), but as a lone aberrant individual.] Calls to rein in teachers who address racism and discrimination are widespread, and the threats of disciplinary action are particularly severe against the still relatively rare academics of color, many of whom hold junior, therefore vulnerable positions. State surveillance of research can make it difficult for those studying discrimination, as well as aspects of Islamic culture, to get access to the archives and repositories of data that they need. And then there is the self-policing that inevitably accompanies state surveillance and disapproval.

      But the resistance is impressive. There is no national organization equivalent to the AAUP in France, yet faculty have nonetheless mobilized. Courses continue to be taught, books and articles published, and conferences held on race and discrimination, and these are rightly justified as realizing the values of the Republic—those that stand for liberty and equality above all. There is a site, Université Ouverte where information on protests and other activities can be found, as well as the blog Academia with in-depth critical analyses. In response to a denunciation of their work by 100 intellectuals as “racializing” (racialiste) because it allegedly taught students to “hate whites and France,” more than 2000 academics replied this way in Le Monde: “To call the approach that examines, among other things, the impact of social, sexist, and racist oppression, ‘racialist,’ is despicable. [Racialist] signifies racist thought and regimes based on a supposed hierarchy of race….[But our] sociological and critical approach to racial questions, as the intersectional approaches so often attacked, do the opposite by exposing oppression in order to combat it.” An international letter of support for these efforts was circulated in November, 2020. It makes the case very clear: an increasingly ethno-nationalist politics is posing a dire threat to French academic freedom.

      As I write this in early 2021, the old slogan from May ’68 in France sums up the state of things: La lutte continue (the struggle goes on).

      https://academeblog.org/2021/01/05/academic-freedom-under-attack-in-france
      #Joan_Scott

    • Comment les militants décoloniaux prennent le pouvoir dans les universités
      https://seenthis.net/messages/900839

      ... où on parle notamment de ce nouveau site web :
      L’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires :

      Ce site propose un regard critique, tantôt profond et parfois humoristique, sur l’émergence d’une nouvelle tendance de l’Université et de la Recherche visant à « décoloniser » les sciences qui s’enseignent. Il dénonce la déconstruction revendiquée visant à présenter des Institutions (la langue, l’école, la République, la laïcité) comme les entraves des individus. Le lecteur trouvera outre une série d’analyses et de critiques, une base de données de textes décoloniaux interrogeable en ligne, un générateur de titre de thèses automatique à partir de formes de titres, des liens d’actualités et des données sur la question et un lexique humoristique des notions-clés.

      Cet observatoire n’a pas pour but de militer, ni de prendre des positions politiques. Il a pour but d’observer et d’aider à comprendre, à lire la production littéraire, scientifique et éditoriale des études en sciences humaines ou prétendument scientifiques orientées vers le décolonialisme. Il veut surtout aider à comprendre la limite entre science et propagande.

      L’équipe :


      http://decolonialisme.fr

    • La France contaminée par les idées venues des campus américains

      Entre l’Élysée et la presse outre-Atlantique, la controverse ne s’arrête plus : « Les idées américaines menacent-elles la cohésion française ?? » s’interroge le New York Times. Le prestigieux quotidien américain revient sur une série d’observations et de déclarations entendues en France à la suite du discours d’Emmanuel Macron contre les séparatismes le 2 octobre.

      Ce jour-là, le président français avait mis en garde les universités contre « certaines théories en sciences sociales totalement importées des États-Unis d’Amérique ». L’Hexagone, affirme le New York Times, se sentirait menacé par « les idées progressistes américaines - notamment sur la race, le genre, le post-colonialisme ». Certains « politiciens, d’éminents intellectuels et nombre de journalistes français » craignent qu’elles soient « en train de saper leur société ».

      Il y a eu les déclarations de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui avait parlé d’un « combat à mener contre une #matrice_intellectuelle venue des universités américaines », et aussi le livre de deux éminents spécialistes des sciences sociales françaises, #Stéphane_Beaud et #Gérard_Noiriel, critiquant le principe d’#études_raciales. La virulence des réactions antiaméricaines étonne le NYT. Il note cependant :

      D’une certaine manière, c’est un combat par procuration autour de questions qui sont parmi les plus brûlantes au sein de la société française, celles notamment de l’#identité_nationale et du #partage_du_pouvoir."

      Car si, dans les universités françaises, la jeune génération de chercheurs n’est plus sur la même ligne que la précédente, la contestation de certains volets du #modèle_français est arrivée dans la société. Le journaliste américain cite plusieurs exemples, à commencer par les manifestations contre les violences policières suscitées par l’assassinat de George Floyd de juin 2020.

      [Celles-ci] remettaient en cause la non-reconnaissance institutionnelle de la race et le racisme systémique. Une génération #MeToo de féministes s’est dressée à la fois contre le pouvoir masculin et contre les féministes plus âgées. La répression qui a suivi une série d’attaques islamistes a soulevé des interrogations sur le modèle français de laïcité et l’intégration des immigrés des anciennes colonies de la France."

      Il se peut bien, estime le NYT en citant le chercheur français Éric Fassin, que derrière les attaques du gouvernement contre les universités américaines « se cachent les tensions d’une société où le pouvoir établi est bousculé ».

      https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-etats-unis-la-france-contaminee-par-les-idees-venues-d

    • Will American Ideas Tear France Apart? Some of Its Leaders Think So

      Politicians and prominent intellectuals say social theories from the United States on race, gender and post-colonialism are a threat to French identity and the French republic.

      The threat is said to be existential. It fuels secessionism. Gnaws at national unity. Abets Islamism. Attacks France’s intellectual and cultural heritage.

      The threat? “Certain social science theories entirely imported from the United States,’’ said President Emmanuel Macron.

      French politicians, high-profile intellectuals and journalists are warning that progressive American ideas — specifically on race, gender, post-colonialism — are undermining their society. “There’s a battle to wage against an intellectual matrix from American universities,’’ warned Mr. Macron’s education minister.

      Emboldened by these comments, prominent intellectuals have banded together against what they regard as contamination by the out-of-control woke leftism of American campuses and its attendant cancel culture.

      Pitted against them is a younger, more diverse guard that considers these theories as tools to understanding the willful blind spots of an increasingly diverse nation that still recoils at the mention of race, has yet to come to terms with its colonial past and often waves away the concerns of minorities as identity politics.

      Disputes that would have otherwise attracted little attention are now blown up in the news and social media. The new director of the Paris Opera, who said on Monday he wants to diversify its staff and ban blackface, has been attacked by the far-right leader, Marine Le Pen, but also in Le Monde because, though German, he had worked in Toronto and had “soaked up American culture for 10 years.”

      The publication this month of a book critical of racial studies by two veteran social scientists, Stéphane Beaud and Gérard Noiriel, fueled criticism from younger scholars — and has received extensive news coverage. Mr. Noiriel has said that race had become a “bulldozer’’ crushing other subjects, adding, in an email, that its academic research in France was questionable because race is not recognized by the government and merely “subjective data.’’

      The fierce French debate over a handful of academic disciplines on U.S. campuses may surprise those who have witnessed the gradual decline of American influence in many corners of the world. In some ways, it is a proxy fight over some of the most combustible issues in French society, including national identity and the sharing of power. In a nation where intellectuals still hold sway, the stakes are high.

      With its echoes of the American culture wars, the battle began inside French universities but is being played out increasingly in the media. Politicians have been weighing in more and more, especially following a turbulent year during which a series of events called into question tenets of French society.

      Mass protests in France against police violence, inspired by the killing of George Floyd, challenged the official dismissal of race and systemic racism. A #MeToo generation of feminists confronted both male power and older feminists. A widespread crackdown following a series of Islamist attacks raised questions about France’s model of secularism and the integration of immigrants from its former colonies.

      Some saw the reach of American identity politics and social science theories. Some center-right lawmakers pressed for a parliamentary investigation into “ideological excesses’’ at universities and singled out “guilty’’ scholars on Twitter.

      Mr. Macron — who had shown little interest in these matters in the past but has been courting the right ahead of elections next year — jumped in last June, when he blamed universities for encouraging the “ethnicization of the social question’’ — amounting to “breaking the republic in two.’’

      “I was pleasantly astonished,’’ said Nathalie Heinich, a sociologist who last month helped create an organization against “decolonialism and identity politics.’’ Made up of established figures, many retired, the group has issued warnings about American-inspired social theories in major publications like Le Point and Le Figaro.

      For Ms. Heinich, last year’s developments came on top of activism that brought foreign disputes over cultural appropriation and blackface to French universities. At the Sorbonne, activists prevented the staging of a play by Aeschylus to protest the wearing of masks and dark makeup by white actors; elsewhere, some well-known speakers were disinvited following student pressure.

      “It was a series of incidents that was extremely traumatic to our community and that all fell under what is called cancel culture,’’ Ms. Heinich said.

      To others, the lashing out at perceived American influence revealed something else: a French establishment incapable of confronting a world in flux, especially at a time when the government’s mishandling of the coronavirus pandemic has deepened the sense of ineluctable decline of a once-great power.

      “It’s the sign of a small, frightened republic, declining, provincializing, but which in the past and to this day believes in its universal mission and which thus seeks those responsible for its decline,’’ said François Cusset, an expert on American civilization at Paris Nanterre University.

      France has long laid claim to a national identity, based on a common culture, fundamental rights and core values like equality and liberty, rejecting diversity and multiculturalism. The French often see the United States as a fractious society at war with itself.

      But far from being American, many of the leading thinkers behind theories on gender, race, post-colonialism and queer theory came from France — as well as the rest of Europe, South America, Africa and India, said Anne Garréta, a French writer who teaches literature at universities in France and at Duke.

      “It’s an entire global world of ideas that circulates,’’ she said. “It just happens that campuses that are the most cosmopolitan and most globalized at this point in history are the American ones.’’

      The French state does not compile racial statistics, which is illegal, describing it as part of its commitment to universalism and treating all citizens equally under the law. To many scholars on race, however, the reluctance is part of a long history of denying racism in France and the country’s slave-trading and colonial past.

      “What’s more French than the racial question in a country that was built around those questions?’’ said Mame-Fatou Niang, who divides her time between France and the United States, where she teaches French studies at Carnegie Mellon University.

      Ms. Niang has led a campaign to remove a fresco at France’s National Assembly, which shows two Black figures with fat red lips and bulging eyes. Her public views on race have made her a frequent target on social media, including of one of the lawmakers who pressed for an investigation into “ideological excesses’’ at universities.

      Pap Ndiaye, a historian who led efforts to establish Black studies in France, said it was no coincidence that the current wave of anti-American rhetoric began growing just as the first protests against racism and police violence took place last June.

      “There was the idea that we’re talking too much about racial questions in France,’’ he said. “That’s enough.’’

      Three Islamist attacks last fall served as a reminder that terrorism remains a threat in France. They also focused attention on another hot-button field of research: Islamophobia, which examines how hostility toward Islam in France, rooted in its colonial experience in the Muslim world, continues to shape the lives of French Muslims.

      Abdellali Hajjat, an expert on Islamophobia, said that it became increasingly difficult to focus on his subject after 2015, when devastating terror attacks hit Paris. Government funding for research dried up. Researchers on the subject were accused of being apologists for Islamists and even terrorists.

      Finding the atmosphere oppressive, Mr. Hajjat left two years ago to teach at the Free University of Brussels, in Belgium, where he said he found greater academic freedom.

      “On the question of Islamophobia, it’s only in France where there is such violent talk in rejecting the term,’’ he said.

      Mr. Macron’s education minister, Jean-Michel Blanquer, accused universities, under American influence, of being complicit with terrorists by providing the intellectual justification behind their acts.

      A group of 100 prominent scholars wrote an open letter supporting the minister and decrying theories “transferred from North American campuses” in Le Monde.

      A signatory, Gilles Kepel, an expert on Islam, said that American influence had led to “a sort of prohibition in universities to think about the phenomenon of political Islam in the name of a leftist ideology that considers it the religion of the underprivileged.’’

      Along with Islamophobia, it was through the “totally artificial importation’’ in France of the “American-style Black question” that some were trying to draw a false picture of a France guilty of “systemic racism’’ and “white privilege,’’ said Pierre-André Taguieff, a historian and a leading critic of the American influence.

      Mr. Taguieff said in an email that researchers of race, Islamophobia and post-colonialism were motivated by a “hatred of the West, as a white civilization.’’

      “The common agenda of these enemies of European civilization can be summed up in three words: decolonize, demasculate, de-Europeanize,’’ Mr. Taguieff said. “Straight white male — that’s the culprit to condemn and the enemy to eliminate.”

      Behind the attacks on American universities — led by aging white male intellectuals — lie the tensions in a society where power appears to be up for grabs, said Éric Fassin, a sociologist who was one of the first scholars to focus on race and racism in France, about 15 years ago.

      Back then, scholars on race tended to be white men like himself, he said. He said he has often been called a traitor and faced threats, most recently from a right-wing extremist who was given a four-month suspended prison sentence for threatening to decapitate him.

      But the emergence of young intellectuals — some Black or Muslim — has fueled the assault on what Mr. Fassin calls the “American boogeyman.’’

      “That’s what has turned things upside down,’’ he said. “They’re not just the objects we speak of, but they’re also the subjects who are talking.’’

      https://www.nytimes.com/2021/02/09/world/europe/france-threat-american-universities.html?searchResultPosition=5

    • Le manifeste des 100 repris par la tribune des généraux qui appellent Macron à défendre le #patriotisme...

      Qui sont donc les ennemis que ces militaires appellent à combattre pour sauver « la Patrie » ? Qui sont les agents du « délitement de la France » ? Le premier ennemi désigné reprend mot pour mot les termes de l’appel des universitaires publié le 1 novembre 2020 sous le titre de « Manifeste des 100 » : « un certain antiracisme » qui veut « la guerre raciale » au travers du « racialisme », « l’indigénisme » et les « théories décoloniales ». Le second ennemi est « l’islamisme et les hordes de banlieue » qui veulent soumettre des territoires « à des dogmes contraires à notre constitution ». Le troisième ennemi est constitué par « ces individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre » dont ils veulent faire des « boucs émissaires ».

      https://seenthis.net/messages/912643
      Et plus précisément : https://seenthis.net/messages/912643#message913950

    • « Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Frédérique Vidal accusée d’abus de pouvoir devant le Conseil d’Etat

      Six enseignants-chercheurs ont déposé en avril un #recours devant le #Conseil_d’Etat. La ministre de l’enseignement supérieur va devoir justifier sa décision d’ouvrir une enquête sur l’« islamo-gauchisme à l’université ».

      Qu’est devenue l’enquête sur l’ « islamo-gauchisme à l’université » voulue par la ministre de l’enseignement supérieur ? Le 14 février, Frédérique Vidal annonçait sur CNews qu’elle allait demander, « notamment au CNRS », de mener une enquête portant sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo-gauchisme » à l’université. Deux jours plus tard, à l’Assemblée nationale, elle confirmait la mise en place d’ « un bilande l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion .

      Quatre mois ont passé et c’est le silence complet. Sollicité par Le Monde à de multiples reprises, l’entourage de la ministre refuse d’indiquer si une enquête a été lancée et, le cas échéant, à qui a été confié le soin de la mener, le CNRS ayant décliné la demande.

      C’est désormais sur le terrain juridique que se joue l’affaire, six enseignants-chercheurs attaquant la ministre pour #abus_de_pouvoir. Une procédure de référé et un recours en annulation ont été introduits le 13 avril devant le Conseil d’Etat par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. Les requérants demandent à Frédérique Vidal de renoncer officiellement et définitivement à cette enquête « qui bafoue les libertés académiques et menace de soumettre à un contrôle politique, au-delà des seules sciences sociales, la recherche dans son ensemble .

      Le 7 mai, le Conseil d’Etat qui a rejeté le référé a transmis la requête en annulation au ministère pour l’interroger sur sa position. « La ministre de l’enseignement supérieur dispose désormais de deux mois pour démontrer que sa décision ne constitue pas un détournement des pouvoirs et des attributions qui lui sont confiés », indiquent MM. Bourdon et Brengarth. « Info ou intox ? Les masques vont tomber. Quand on a suscité un tel émoi, il est essentiel que la ministre assume soit la décision, soit le rétropédalage », ajoute William Bourdon.

      « Police de la pensée »

      Si le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent, il demande au ministère des explications, souligne Fabien Jobard, l’un des requérants, chercheur au CNRS, spécialiste des questions pénales. « Il agit comme une commission d’accès aux documents administratifs en demandant à Mme Vidal de nous dire ce qu’il en est. Soit oui, une commission existe avec tel et tel membre, soit non c’est le plus probable , il n’y a pas de commission d’enquête », projette-t-il.

      Pour la requérante Fanny Gallot, maîtresse de conférences en histoire à l’université Paris-Est-Créteil, « ce recours marque le fait que les bornes ont été largement dépassées. Aujourd’hui, l’offensive est très forte et elle est autorisée par Frédérique Vidal . Ainsi, « mener des recherches sur les discriminations ethnoraciales quand on est soi-même racisé est d’emblée considéré comme se faire le porte-parole des minorités. Mener des recherches quand on est féministe, comme moi, peut être utilisé par certains pour remettre en question la scientificité de mes recherches », illustre-t-elle.

      Des étudiants de deuxième année de master qui voulaient s’inscrire en thèse hésitent à travailler sur certains sujets, notamment liés à l’intersectionnalité (qui consiste à croiser divers mécanismes de domination, liés au genre, à l’âge ou encore à la couleur de peau). « C’est une #intimidation, même s’il n’y a pas eu véritablement de commission d’enquête. Pour pouvoir assumer de parler de certains sujets, il faut être un enseignant en poste, sinon c’est trop risqué », confirme Caroline Ibos, maîtresse de conférences en science politique à l’université Rennes-II.

      Les effets sont donc « très concrets » et vont « dans le sens d’une #police_de_la_pensée », alors que sont en question des savoirs déjà marginalisés en France. « Il y a peu d’endroits où l’on peut se former en études de genre et un seul Paris-VIII qui décerne des doctorats en études de genre en France, décrit la chercheuse. Il n’y a pas de section au CNRS, ni au CNU [Conseil national des universités], c’est un champ particulièrement sous-financé et aujourd’hui le gouvernement décide de le livrer à la vindicte populaire ? »

      Fanny Gallot décrit « un climat d’angoisse » depuis les déclarations de la ministre. « Il y a des moments d’échanges académiques qui sont empêchés », comme lors d’une table ronde au mois de mars consacrée à l’intersectionnalité qui s’est déroulée dans une ambiance « électrique », rapporte-t-elle. « Je pense que je n’ai pas dit exactement ce que j’aurais dit si nous n’avions pas été trois semaines après les propos de Frédérique Vidal. Nous nous autocensurons dans une certaine mesure parce que nous avons #peur. Dans des conférences Zoom où on ne sait pas toujours qui est présent, on redoute des trolls. On ne sait plus ce que l’on peut dire en classe ou dans les séminaires », confie Fanny Gallot.

      Une #suspicion constante

      « Nous souhaitions mettre la ministre face à ses responsabilités, explique Nacira Guénif, professeure de sociologie à Paris-VIII, également requérante. On ne peut pas faire n’importe quelle déclaration sans que cela ait des implications. » Née en France de parents algériens, Nacira Guénif « travaille depuis longtemps dans ces conditions de suspicion.

      « J’ai eu un procès en imposture avant même d’avoir mon poste à l’université », narre-t-elle. Dans les années 1990, auprès de la direction des populations et des migrations, qui finançait une recherche obtenue par la jeune chercheuse après un appel d’offres, elle fait face à une « curée générale . « Je ne collais pas aux stéréotypes de la beurette, qui était précisément le sujet de ma thèse. On me reprochait de ne pas dire ce qu’on attendait de moi et cela s’est transformé en déloyauté de ma part », poursuit Nacira Guénif.

      Depuis, la suspicion de militance est constante, les promesses non tenues d’invitations dans des colloques se poursuivent et les prises à partie également. Dans la volonté de la ministre, Fabien Jobard voit « au mieux un doublon inutile et au pire, une volonté du gouvernement de substituer ou d’ajouter aux procédures scientifiques habituelles une procédure dérogatoire .

      Car, pour faire des enquêtes, il existe des commissions dans chacun des établissements, tel le comité national au CNRS, chargé d’évaluer les collègues et de recruter les nouveaux chercheurs. « C’est le principe de l’évaluation de l’action scientifique par les pairs, rappelle-t-il. Si un collègue au CNRS présente un projet visant à nous dire que le prolétariat nouveau est constitué d’islamistes et exige que le politique mette genou à terre devant lui, alors je suis suffisamment grand pour émettre un avis d’alerte sur ce collègue », illustre celui qui a siégé au comité national dans la section science politique entre 2004 et 2008.

      Lui aussi témoin d’effets concrets après l’annonce de Mme Vidal, Fabien Jobard cite le cas d’une collègue chargée de suivre plusieurs sujets pour le compte du gouvernement. « Dans le cadre de ses missions, elle travaille avec des militaires et, alors qu’elle voulait organiser un colloque, l’un d’eux s’est opposé à ce qu’il se tienne à La Sorbonne, "à cause des problèmes d’islamo-gauchisme" », relate Fabien Jobard, qui s’inquiète du discrédit jeté sur les travaux de recherche. « J’essaye de maintenir une crédibilité, mais si mes interlocuteurs habituels que sont les procureurs, les policiers et les gendarmes s’effraient de mon travail, ma relation en sera-t-elle grillée ? Vont-ils travailler uniquement avec des universités et organismes qui feront le voeu de ne pas être islamo-gauchistes ? »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/10/islamo-gauchisme-a-l-universite-la-ministre-frederique-vidal-accusee-d-abus-

    • Ces attaques répétées contre le monde universitaire sont un chiffon rouge agité devant une opinion surchauffée par le #confusionnisme d’extrême droite qui se nourrit des frustrations sociales en les exacerbant « en même temps » avec des fantasmes identitaires et une volonté de renouer avec une certaine « grandeur » tout aussi fantasmée, lesquels fantasmes ont malheureusement contaminé une partie de la gauche nostalgique de « l’esprit des lumières » et d’une vision biaisée de la #laïcité. C’est une logique hégémonique de #reconquista pour conforter les « valeurs » mortifères héritées de l’occident gréco-romain puis chrétien. Cette logique hégémonique procède des mêmes intentions que le nazisme avec l’antisémitisme et le fantasme « judéo-bolchevique ». Quelques années après le deuxième conflit mondial, on a pu voir outre-atlantique se développer un anti-communisme propulsé par le sénateur Joseph McCarthy et plus récemment, cette logique était également à la manœuvre pendant le mandat de Trump avec pour conséquence la résurgence des mouvances issues du #suprémacisme_blanc.

      Make the Christian Occident great again ! ...

      #propagande_d'état

      (Mon propos est certainement synthétique mais c’est pourtant cela qu’évoquent les analyses d’ #Éric_Fassin)

    • #Caroline_Fourest sur LCP, 02.07.2021 :

      Journaliste : La société se racialise. A ce point-là ?
      Caroline Fourest : « En France, je peux vous dire, dans nos universités, à commencer par nos universités... regardez la façon dont les chercheurs ont réagi à une interpellation, certes peut-être trop directe et pas tout à fait bien choisie de la ministre de l’enseignement supérieur, mais il y a un corporatisme violent qui est en train de protéger le déni. D’abord, aujourd’hui quand on parle de questions qui fâchent ceux qui vous attaquent le plus violemment ce sont des chercheurs du CNRS. C’est un problème que l’alerte soit interdite. Que le fait de penser soit interdit de la part de gens qui sont des chercheurs du CNRS. Et puis il y a une très forte attraction du modèle américain qui passe évidemment par toutes les plateformes culturelles de ce modèle-là et aussi qui attire à l’université qui manque de moyen. »
      Journaliste : « Donc il y a vraiment une perméabilité »
      Caroline Fourest : « Tout le monde s’identitarise. »
      Journaliste : « Les combats idéologiques sont toujours menés par des minorités, mais est-ce que c’est toute la société ? »
      Caroline Fourest : « Toute la société s’identitarise. Version d’extrême droite évidemment ça peut donner des jeunes blancs déclassés qui vont désormais dire blancs au lieu de se dire pauvres et de se mettre ne mouvement pour essayer de lutter contre les inégalités. ça va donner des jeunes qu’au lieu de se dire ’On va lutter contre les inégalités’ se mettent à lutter par identité à l’extrême gauche »

      https://twitter.com/LCP/status/1411024030296064004

    • Un article d’avril 2021 :

      #Stéphane_Troussel : ’La République ne sait que faire des différences physiques ou des couleurs de peau multiples’

      Refusant l’affrontement qu’imposent la droite et l’extrême droite sur les réunions non mixtes, le président (PS) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis appelle, dans une tribune au « Monde », la gauche à s’extraire d’une polémique stérile et dangereuse pour lutter véritablement contre les discriminations qui fracturent la société.

      La polémique est repartie, le brouhaha médiatique ne retombe pas. Après les outrances et les manipulations de la droite et de l’extrême droite, c’est maintenant au Sénat de surenchérir en adoptant un amendement à l’exposé des motifs caricatural au projet de loi dit « contre les #séparatismes » [celui-ci permettrait de dissoudre les associations qui organisent des réunions non mixtes racisées]. A en croire certains, sommant tous les autres de choisir leur camp, la République pourrait bien vaciller.

      Au fond, de quoi s’agit-il ? Des personnes se rassemblent pour échanger sur leurs expériences sociales douloureuses, les #discriminations vécues à partir d’un critère physique, d’une #orientation personnelle... Caractéristiques qui leur sont régulièrement renvoyées en pleine face comme une insulte : #sexisme, #racisme, #homophobie, etc. Il s’agit de paroles de victimes de racisme, de discrimination, d’inégalités. Il faut les prendre comme telles et, bien évidemment, je refuse que cela enferme les personnes concernées dans une « #victimisation » et que cela devienne une #parole_politique autrement que par son intégration unifiée contre toutes les formes de discrimination.

      Mais peu importe pour celles et ceux (Jean-Michel Blanquer, des députés et sénateurs LR, l’extrême droite...) qui ont lancé, puis alimenté la polémique. Toutes celles et tous ceux qui expriment, même avec nuance ou avec des réserves, une quelconque approbation de ces démarches, de ces expérimentations militantes, souvent transitoires, consistant à permettre de libérer la parole, sont accusés de « #dérive_séparatiste », « racialisante ».

      Artifices antiracistes

      Les gros mots sont de sortie. Les voilà lancés, jetés à une foule de commentateurs qui les voient comme un affront fait à une République censée être aveugle à la #couleur_de_peau, à la religion réelle ou supposée, au sexe... L’affrontement est en place, les camps bien délimités, chacun est sommé de choisir le sien et de laisser les nuances au vestiaire : les #racialistes d’une part, les #universalistes de l’autre. « Il faut choisir son camp, crient les repus de la haine », écrivait Albert Camus, dans son Pour une trêve civile, en 1956, en pleine guerre d’Algérie, condamnant à égalité les massacres de civils du FLN et les massacres répressifs de l’armée française.

      Cela semble ne poser de problème à personne que cette #polémique permette, à un an de la présidentielle, à la chef de l’extrême droite de se parer d’artifices antiracistes et de tenter de cohabiter, avec d’autres, dans le camp universaliste. Ici se situerait donc le débat politique de notre temps, la nouvelle #fracture : je m’y refuse. Je m’y refuse, parce que, si nous en sommes là, c’est que la gauche est tombée dans le piège tendu par la droite la plus réactionnaire et l’extrême droite qui, désormais, fixent les termes du débat et l’agenda politiques de notre pays.

      Je m’y refuse parce que, justement, la bonne question, celle qui devrait animer unanimement une gauche solidaire, droite dans ses bottes, fière de ses valeurs, cette question-là, la gauche française n’a pas su, ou pas suffisamment su, quelle réponse y apporter. Pourquoi, en France, les dispositifs républicains de lutte concrète contre les discriminations et les inégalités qui fracturent notre société piétinent ou ne s’imposent qu’au forceps (#loi_SRU [Solidarité et renouvellement urbain], #testing, #CV_anonyme, récépissé de contrôle d’identité, #droit_de_vote des étrangers aux élections locales, conventions ZEP-Sciences Po, mariage pour tous, droits des femmes...) ? Celles et ceux qui, à droite et à l’extrême droite, hurlent avec les loups ont combattu chacune de ces avancées.

      Pourtant, il n’y a qu’à se baisser pour constater le chemin qu’il reste à parcourir dans la lutte contre les #inégalités_femmes-hommes, le racisme, l’homophobie ou le #passé_colonial et ses conséquences pour les descendants des ex-pays colonisés.

      Il faudrait interdire les organisations qui reprendraient à leur compte des solutions avancées par la gauche libérale américaine, fondée sur le multiculturalisme et la valorisation des identités plurielles ? Ou bien faut-il se demander pourquoi n’opposer qu’un discours « il faut réduisons les inégalités socio-économiques pour que tout le monde ait sa chance » - ou qu’un slogan « la République, rien que la République » ? qui sonne de plus en plus creux aux oreilles de celles et ceux qui restent au bord du chemin, alors que les inégalités sociales et territoriales explosent dans notre société.

      L’#égalité_réelle

      Voilà mon explication. Oui, sans aucun doute, la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces #couleurs multiples, de ces orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également, elle devait être #aveugle.

      Mais, sans aucun doute également, d’autres dans la République ont détourné cette promesse d’une #égalité_républicaine, politique et donc sociale, pour exclure. Exclure les #femmes d’abord, les #pauvres ensuite, les #ouvriers, ces « classes laborieuses donc classes dangereuses », puis les #étrangers, la « #racaille » et ses « #sauvageons », venus d’ailleurs, emmenant leurs religions, leurs mémoires et leurs histoires. Et la gauche ne verrait pas cela. Elle passerait à côté de ce détournement, voire y inscrirait ses pas, au lieu de saisir le problème à bras-le-corps.

      Au lieu d’affirmer que dans ce pays, où a été défendue la République, puis la République sociale, il faut maintenant défendre la #République_citoyenne_et_universelle, la #République_métissée, la #République_de_l'égalité_réelle, en tentant de comprendre son passé, ses erreurs et ses oublis, pour regarder ensemble, tous et toutes ensemble, plus sereinement son avenir.

      Note(s) :

      Stéphane Troussel est président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/07/stephane-troussel-la-republique-a-un-probleme-avec-le-corps-des-individus-el

      #non-mixité

  • En #Géorgie, la #frontière avec l’#Azerbaïdjan au cœur de l’« affaire des cartographes »

    A la veille des élections législatives du 31 octobre, ce scandale impliquant le parti d’opposition pourrait peser sur le scrutin.

    Il y a encore un an et demi, Zviad Naniachvili grimpait chaque matin sur la crête qui sépare la Géorgie de l’Azerbaïdjan pour voir le soleil se lever sur les montagnes. Ce guide géorgien de 37 ans a grandi là, au pied du #monastère orthodoxe de #David_Garedja, un complexe spectaculaire d’églises et de cellules troglodytes fondé au VIe siècle. Le site, creusé dans la roche, s’étire sur plusieurs hectares de part et d’autre de la frontière, dans un paysage désertique. Jusqu’ici, tout le monde pouvait s’y promener librement. C’est désormais impossible.

    Depuis la visite, en avril 2019, de la présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, proche du parti au pouvoir, Rêve géorgien, des #gardes-frontières azerbaïdjanais ont fait leur apparition sur la crête, empêchant touristes et pèlerins de visiter la partie du monastère située de l’autre côté de la frontière. « C’est comme si quelqu’un vivait chez moi », déplore Zviad Naniachvili, en levant les yeux vers la cime.

    La chef de l’Etat, flanquée de deux hommes en armes, avait appelé à régler « de toute urgence » la question de la #délimitation des frontières, ravivant les tensions autour de ce sujet sensible : les Géorgiens affirment que ce site historique, culturel et religieux leur appartient, ce que contestent les Azerbaïdjanais, pour lesquels ces hauteurs ont une importance stratégique.

    Devant la porte en bois gravée de la grotte où vécut David Garedja, l’un des pères assyriens venus évangéliser la Géorgie, trois jeunes filles en jupe plissée entonnent un chant sacré face aux #montagnes. « Dieu va tout arranger », veut croire l’une.

    A l’approche des élections législatives du samedi 31 octobre, le #monastère est désormais au cœur d’un scandale susceptible de peser sur le scrutin. L’histoire, aux ramifications complexes, cristallise les crispations qui traversent la société géorgienne, plus polarisée que jamais, sur fond de « fake news » et de tensions régionales avec le conflit au #Haut-Karabakh, enclave séparatiste en Azerbaïdjan.

    Deux cartographes arrêtés

    L’affaire a éclaté trois semaines avant le premier tour. Le 7 octobre, deux #cartographes, anciens membres de la commission gouvernementale chargée de négocier la démarcation de la frontière, ont été arrêtés et placés en #détention provisoire – une mesure exceptionnellement sévère.

    #Iveri_Melachvili et #Natalia_Ilicheva sont accusés par le procureur général de Géorgie d’avoir voulu céder des terres à l’Azerbaïdjan entre 2005 et 2007, lorsque l’ex-président Mikheïl Saakachvili était au pouvoir. Ils auraient caché la bonne carte, datée de 1938, pour en utiliser une autre à la place, défavorable à la Géorgie, lui faisant perdre 3 500 hectares. Les deux cartographes, qui clament leur innocence, encourent dix à quinze ans de prison.

    Ces #arrestations surprises, survenues en pleine campagne électorale, électrisent le débat à quelques jours du scrutin. Qualifié de « #traître », le parti de l’opposition, emmené par Mikheïl Saakachvili, le Mouvement national uni, dénonce une « manipulation politique » du parti au pouvoir – dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili – visant à le discréditer avant le scrutin.

    La nature politique de cette affaire ne fait aucun doute non plus pour les ONG. Quinze d’entre elles, dont Transparency International et Open Society Foundation, ont ainsi conjointement dénoncé, le 9 octobre, une « enquête à motivation politique ». Elles pointent le « timing de l’enquête », en période préélectorale, les commentaires du parti au pouvoir, qui « violent la présomption d’innocence », et « l’approche sélective » des investigations, certains témoins majeurs n’étant pas auditionnés. Ces ONG exhortent ainsi les autorités à « cesser de manipuler des sujets sensibles pour la population avant les élections ».

    « Cette affaire est une tragédie personnelle pour les deux cartographes, mais, au-delà, c’est l’indépendance de la justice, inexistante, qui est en question, souligne Ivane Chitachvili, avocat à Transparency International. Tant que notre système restera un instrument politique aux mains du gouvernement, cela continuera. »

    « Attiser le sentiment nationaliste et religieux »

    Des membres du gouvernement, dont le ministre de la défense, Irakli Garibachvili, et des représentants de l’Eglise orthodoxe, proche de la Russie, accusent même les deux cartographes d’avoir tenté de vendre le monastère de David Garedja lui-même. Le site religieux n’est pourtant mentionné nulle part dans les 1 500 pages du dossier judiciaire. « Ils parlent du monastère pour embrouiller les gens et les prendre par l’émotion, en attisant leur sentiment nationaliste ou religieux, analyse Ivane Chitachvili.

    La stratégie fonctionne auprès d’une partie de la population, qui compte 84 % d’orthodoxes. Tamuna Biszinachvili, une vigneronne de 32 ans venue en famille visiter le monastère, en est convaincue : « Notre ancien gouvernement a fait une énorme connerie. » Ce qu’elle a lu sur Facebook et ses échanges avec un moine l’ont persuadée que cette histoire était vraie. C’est même pour cela qu’elle a tenu à venir avec ses enfants aujourd’hui : « Je veux leur montrer le monastère avant que les Azerbaïdjanais prennent cette terre. Notre terre. »

    Sur les hauteurs du monastère, Goram, un réserviste de 24 ans venu déposer quelques bougies, n’accorde au contraire aucun crédit à ces accusations. « Qui peut croire à cette histoire ? Aucune terre n’a pu être cédée, puisqu’il n’y a même pas d’accord sur la frontière ! », rappelle-t-il.

    De fait, voilà près de trente ans, depuis la chute de l’URSS, que la Géorgie et l’Azerbaïdjan négocient leur frontière, centimètre par centimètre, en exhumant de vieilles cartes. Les deux tiers ont fini par faire l’objet d’un #accord technique, un tiers est toujours en discussion, mais rien n’a encore jamais été ratifié.

    Rôle trouble de la #Russie

    Assis derrière la table à manger de sa cellule troglodyte, un moine orthodoxe en robe noire et à la longue barbe brune se prend la tête à deux mains, affligé par l’affaire des cartographes. Derrière lui, une guirlande « happy birthday » pendille entre deux icônes. Quelques morceaux de pain et un bidon en plastique rempli de vin traînent encore sur la table après les agapes.

    Persuadé d’être surveillé, le père redoute de parler, mais accepte, sous le couvert de l’anonymat, de livrer son point de vue, en rupture avec celui de ses supérieurs. « C’est la visite de la présidente qui a déclenché tout ça », se lamente-t-il. Sans oser le nommer, il soupçonne également « un grand pays » d’avoir « intérêt à créer un #conflit » dans la région. L’affaire des cartographes lui « rappelle les purges soviétiques, quand 60 % des prisonniers étaient des détenus politiques ». La comparaison revient souvent dans ce dossier.

    Plus divisés que jamais, les Géorgiens oscillent entre colère et consternation. « Ceux qui n’ont pas subi un lavage de cerveau savent bien que cette histoire est absurde, soupire Chota Gvineria, chercheur au Centre de recherche sur la politique économique (EPCR), basé à Tbilissi. Le bureau du procureur est directement subordonné au gouvernement, qui utilise deux innocentes victimes pour manipuler l’opinion avant les élections. »

    Cet ancien diplomate pointe également le rôle trouble de la Russie, où la #carte prétendument « dissimulée » par les cartographes a soudain été retrouvée par un homme d’affaire, #David_Khidacheli, ancien vice-président du conglomérat russe #Sistema, qui l’a transférée à la Géorgie. A travers cette affaire, « Moscou veut déstabiliser la région et créer un conflit entre la Géorgie et l’Azerbaïdjan pour renforcer son influence », analyse le chercheur. Malgré ce #différend_frontalier, Bakou garde de bonnes relations avec Tbilissi, son partenaire stratégique.

    Pour Guiorgui Mchvenieradze, directeur de l’ONG Georgian Democracy Initiative et avocat du cartographe Iveri Melachvili, « cette affaire est inacceptable au XXIe siècle ». Devenu à son tour la cible d’une campagne de dénigrement, il affirme qu’il est « clair et net que les activistes et trolls sont extrêmement mobilisés, notamment sur Facebook, pour diffuser des “fake news” » sur ce dossier, et le faire passer lui aussi pour un « traître qui veut vendre le monastère ». Le procès des cartographes doit s’ouvrir le 4 décembre.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/29/en-georgie-la-frontiere-avec-l-azerbaidjan-au-c-ur-de-l-affaire-des-cartogra
    #cartographie #frontières #cartographe #nationalisme

    via @fil

  • Largest #COVID-19 contact tracing study to date finds #children key to spread, evidence of superspreaders
    https://www.princeton.edu/news/2020/09/30/largest-covid-19-contact-tracing-study-date-finds-children-key-spread-evi


    En résumé, le meilleur tremplin pour la #diffusion du #coronavirus, c’est plein d’#enfants tassés dans le même endroit…

    The researchers also reported, however, the first large-scale evidence that the implementation of a countrywide shutdown in India led to substantial reductions in coronavirus transmission.

    The researchers found that the chances of a person with coronavirus, regardless of their age, passing it on to a close contact ranged from 2.6% in the community to 9% in the household. The researchers found that children and young adults — who made up one-third of COVID cases — were especially key to transmitting the virus in the studied populations.

    “Kids are very efficient transmitters in this setting, which is something that hasn’t been firmly established in previous studies,” Laxminarayan said. “We found that reported cases and deaths have been more concentrated in younger cohorts than we expected based on observations in higher-income countries.”

    Children and young adults were much more likely to contract coronavirus from people their own age, the study found. Across all age groups, people had a greater chance of catching the coronavirus from someone their own age. The overall probability of catching coronavirus ranged from 4.7% for low-risk contacts up to 10.7% for high-risk contacts.

    #Mais_quelle_surprise

  • Grèce-Turquie : différends frontaliers en mer Égée
    https://visionscarto.net/mer-egee-differends-frontaliers

    Titre : Grèce-Turquie : différends frontaliers en mer Égée. Mots-clés : #Grèce #Turquie #frontières #espace_Schengen #mer_Égée Sources : Andrew Wilson, « The Aegean Question », Adelphi Papers, n° 155, Londres, 1979 ; Jean Touscoz, Atlas Géostratégique, Larousse, Paris, 1988. Apparition(s) : Atlas du Monde diplomatique 2003. Auteur : Philippe Rekacewicz Date de création : 2002 Grèce-Turquie : différends frontaliers en mer Égée. Ph. R., (...) #Collection_cartographique

  • DE LA TOUTE PUISSANCE DES PRÉDATEURS HAUT-PLACÉS

    [TW : #Violences_psychologiques]

    [TW : Mention de suicide]

    Ce texte est long, mais il mérite d’être lu. Il vous raconte ce que c’est que l’emprise.

    Vous êtes autorisé·es et même plus que bienvenu·es à le partager largement.

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    Novembre dernier, j’ai pris la décision de quitter ma thèse et la licence dans laquelle je donnais cours pour les mêmes raisons qui ont poussé mon amie, que nous allons appeler « Ewilan », à mettre fin à sa vie.

    J’ai rencontré cet enseignant — partons sur « M. Ts’liche » — en L3, quand j’étais enceinte, isolée dans une ville éloignée de Nancy et dans un couple qui battait déjà de l’aile, traumatisée par un premier accouchement assez violent. Vulnérable, donc, comme je l’avais déjà été souvent, avec mon profil psy assez lourd dont la tentative de suicide à 17 ans.

    Quelle bouffée d’air frais quand ce professeur, directeur de la licence, s’intéresse à vous ! Quel soulagement que ces longues heures passées à discuter par messenger, cette conversation presque ininterrompue et de plus ne plus intime alors que vous vous sentiez si perdue et désœuvrée. C’est même moi qui, un jour, ai initié un contact physique : je l’ai pris dans mes bras à la fin de l’année, si reconnaissante de cette attention qu’il m’offrait, un peu angoissée à l’idée de quitter la formation — et lui ! — pour l’été. Qu’est-ce que j’allais pouvoir faire dans ma vie si vide ?

    Mais ouf ! la conversation ne s’arrête pas à la faveur de l’été. Elle ne s’arrête jamais, en fait. Heureusement, parce qu’on en a besoin. De plus en plus, et très vite. Vous sentez bien que le ton devient un peu ambigu, un peu dragueur, mais ce n’est pas bien méchant que ce ton badin légèrement séducteur, et puis vous pouvez bien le supporter en échange de cette narcissisation dont vous aviez tant besoin. Ce n’est même pas désagréable en fait, vous êtes un peu « l’élue », la complice à qui on envoie des petits sms pendant les cours ou les colloques, à travers laquelle on fait passer des petites infos au reste de la promo. Celle si spéciale à qui il raconte toute sa vie, ses anciennes aventures, ses « casseroles » comme on dit. Il vous trouve merveilleuse quand vous vous êtes si souvent sentie indésirable. La gratitude pour toute cette attention vous fait donner ce qu’il attend, des mots et des gestes attentionnés. Vous êtes prête à tout pour continuer d’être « aimée ».

    Très vite, le prix à payer augmente. Le #chantage_affectif, les gestes ou propos hors limites que vous acceptez néanmoins tôt ou tard, la perspective d’être abandonnée étant bien plus terrible que celle de céder à la fin d’une scène durant laquelle on vous a reproché de dire non à une main un peu trop baladeuse, de mettre une photo de profil vous représentant avec votre conjoint, ou encore de prétendre boire un verre avec vos camarades à la fin des cours alors qu’il avait prévu ce créneau chaque semaine spécialement pour vous. Vous vous faites enfermer, prétendument sans qu’il y pense, dans une image de duo qu’il entretient férocement, en « chuchotant » à grand bruit devant la promo entière un compliment déplacé, en vous demandant devant elle si vous « allez bien » en plein cours ou pourquoi vous n’avez pas pensé à son café à lui quand vous revenez de la machine après la pause. Un jour, il vous demande même, devant toute votre bande de copines de fac, de lui mettre un morceau de gâteau dans la bouche sous le prétexte qu’il tient sa pipe dans une main et son paquet de tabac dans l’autre. Vous êtes gênée, mais c’est seulement de la maladresse, il ne se rend pas compte, vous n’allez pas le blesser pour ça, enfin ! Parallèlement, il supporte assez mal que vous vous entichiez de nouveaux·elles ami·es, et vous trouve des raisons de les considérer finalement assez nocif·ves. Cette copine que vous appréciez particulièrement, par exemple, essaie de vous « voler » votre sujet de mémoire, ne le réalisez-vous donc pas ? Et ce professeur qui vous a prêté un livre après une conversation sympathique, vous devriez vous en méfier, c’est un feignant obsédé par le pouvoir. D’ailleurs, vous entrez dans ses petites mesquineries, il se moque auprès de vous d’à peu près tout le monde et, flattée de cette marque d’intimité et de confiance, vous entrez dans ce petit jeu-là comme dans les autres. La confusion, quant à elle, s’est installée depuis un moment : si vous avez tant peur qu’il vous « quitte », c’est forcément que vous avez des sentiments que vous n’osez pas vous avouer.

    J’ai passé presque une année dans cette relation perverse qui m’étouffait chaque jour un peu plus, comme un moucheron dans une toile, l’étau d’autant mieux resserré grâce à cette impression donnée à tout notre entourage commun que nous étions une entité indéboulonnable — ainsi que l’impression que l’on couche ensemble, accessoirement.

    Le hasard de la vie m’a fait passer une soirée avec un amour passé : je me suis rappelé ce que c’était, justement, l’amour, et réalisé que cette relation qui me préoccupait et m’angoissait toujours davantage n’en était pas. C’est ce qui m’a donné le courage de mettre fin à tout ça.

    On ne se libère néanmoins pas de M. Ts’liche sans frais, et la vague de #violence verbale a été terrible. Je m’étais servie de lui, grâce à moi il savait « ce que l’étron ressent lorsqu’on tire la chasse », et quand il a été question de me faire participer à un colloque alors que j’étais en M1 seulement, j’ai été rassurée sur mes craintes d’être injustement avantagée : « t’as pas besoin de craindre que je te favorise, parce que là j’aurais plutôt envie de t’enfoncer la tête sous l’eau jusqu’à ce que tu te noies ».

    La vague de violence directe est passée, les vacances d’été aidant. Je suis arrivée en M2 le cœur serré d’angoisse, j’étais honteuse et dégoutée par cette histoire, je me sentais coupable, me disais que c’était un peu de ma faute, que j’avais pêché par narcissisme, que j’avais forcément, à un moment ou à un autre, laissé la porte ouverte, sinon il n’aurait pas pu s’y engouffrer si facilement. Et l’année suivante j’ai malgré tout fait une thèse avec lui. Parce que j’étais persuadée que c’était avec lui ou pas du tout — il avait tout fait pour construire cette certitude –, et j’avais travaillé si dur pour avoir des résultats excellents et des chances optimales d’obtenir ce contrat doctoral. On m’avait même dit que si je renonçais à mon projet de thèse à cause de lui, je le laissais gagner deux fois. Alors j’y suis allée. J’ai tâché de feindre une relation cordiale, de faire un effort pour que ce doctorat se passe au mieux. Je me suis convaincue qu’il n’avait pas réalisé le tort qu’il m’avait causé, aussi, et qu’une nouvelle page pouvait commencer, un retour à des échanges de travail normaux dans des conditions à peu près saines.

    Évidemment, c’était se voiler la face. Durant ces années de doctorat, je n’ai pas été encadrée, pas présentée, pas soutenue. J’ai été maltraitée. Ma tentative de relation à peu près cordiale le temps de cette thèse n’a pas vraiment rencontré de succès — au début, les petits reproches sur mon manque d’intérêt pour sa vie personnelle m’ont demandé un certain art de l’esquive ; après, j’ai été ballotée entre le fait d’être ignorée et celui de me faire décourager. Je me suis sentie marginalisée, mise de côté de tous les colloques, des pots et repas de doctorants, des événements où j’étais censée être intégrée. J’ai tenté d’en parler, il m’a alors laissé penser que c’était le fait des autres doctorant·es, décidé·es à activement m’exclure — surtout une parmi elleux, jalouse que soit arrivée une « autre jolie femme ». Une conversation à cœur ouvert avec la « jolie femme » nous aura permis de découvrir, bien plus tard malheureusement, la manière dont nous avions été roulées dans la farine, elle apprenant qu’elle était manipulatrice et jalouse, moi qu’il fallait se méfier de moi et de mes ambitions carriéristes me poussant à détruire tout et tout le monde sur mon passage. Diviser pour mieux régner. J’ai réalisé que je serai punie à jamais d’avoir osé m’extraire — dans une certaine mesure seulement pourtant — de cette emprise, et qu’il m’avait prise en thèse pour des raisons qui n’avaient pas l’air très bienveillantes.

    J’ai dû payer mes postures politiques, aussi. Subir des interventions grossières lors de mes communications (quelle désagréable expérience de se faire couper la parole pour entendre « Mais bien sûr, que les réalisatrices s’approprient les héroïnes, et après les noirs feront des films pour les noirs et les pédés (sic) feront des films pour les pédés ! »). La dernière année a été la pire : j’avais de plus ne plus de mal à rester de marbre, et on en est arrivé à une relation où M. Ts’liche ne se donne même plus la peine de ne pas répondre « Ah non ! » sur un ton similaire à « plutôt crever » quand on lui suggère de me convier à un repas d’après soutenance. Ce jour-là, j’ai compris qu’il fallait définitivement admettre que je n’avais plus droit à la moindre foutue considération ou once de respect. Mais aussi que, au fond, je n’étais jamais totalement sortie de cette emprise, que j’avais encore peur qu’il m’en veuille, et que j’attachais encore de l’importance à son regard sur moi. Qu’il était encore en mesure de me faire du mal. Je ne pouvais plus le supporter, faire semblant et fermer ma gueule, alors je me suis rendue à l’évidence : tant pis pour la thèse, il devenait vital de partir.

    Cette prise de conscience et de parole a son élément déclencheur, évidemment : j’ai tenu bon toutes ces années en me mettant comme limite que je réagirais et parlerais si je le vois faire ça à une autre. Je me disais qu’il y avait peu de risques : il n’est plus tout jeune, et puis il m’a après tout dit lui-même qu’il n’avait pas l’habitude de faire ça, que j’étais « exceptionnelle ».

    Il y a bien eu cette jeune masterante, un été pendant une semaine de colloque, qu’il avait fait venir et avec qui il entretenait une relation très visiblement malsaine. J’ai entendu alors des propos très déplacés de la part des autres universitaires . Certains ont même participé à la « fête » à coup de « blagues » dégradantes dans l’indifférence (presque) générale. Mais elle n’était là que pour la semaine et n’était pas son étudiante à lui. Je me suis rassurée, malgré mon écœurement, en me disant que son éloignement géographique la protégeait de lui.

    Et puis il y a eu Ewilan, sa nouvelle doctorante arrivée en 2019. On se connaissait déjà un peu et s’appréciait, partageant des affinités humaines et politiques, mais on s’est vraiment liées d’amitié en devenant collègues. Puis, peu de temps après la rentrée, j’ai été témoin d’une scène intrigante : j’ai vu M. Ts’liche arriver dans la pièce où nous étions, saluer bruyamment et ostensiblement son autre doctorante et tourner le dos à Ewilan, pourtant à deux mètres à peine, indifférent à ses timides tentatives de le saluer.

    « J’ai rêvé ou il ne t’a pas dit bonjour ?

    – Ah non tu n’as pas rêvé, il me fait la gueule et m’ignore depuis cet été. »

    Alors, elle m’a tout raconté. La relation malsaine qu’ils avaient depuis sa L3, où il l’emmenait et l’exhibait partout au début, lui envoyait des sms même dans la nuit, lui faisait des confidences intimes. Parfois lui criait dessus, mais finissait par lui mettre un bras autour des épaules en lui disant « Mais Ewilan, vous savez bien que si on se dispute tous les deux c’est parce qu’on s’aime trop. ». Jusqu’au jour, à la fin de son master, où, pour un prétexte bidon, il l’a « abandonnée » pour la punir de d’avoir « manqué de loyauté », ne lui offrant de l’attention plus que par miettes, suffisantes néanmoins pour qu’elle reste sous contrôle. Elle aussi, il l’a marginalisée après l’avoir rendue dépendante de son attention continuelle, profitant de la vulnérabilité psychologique qu’elle présentait également pour la malmener.

    Je crois que ça a été pire pour Ewilan. Elle était plus jeune et plus fragile que je ne l’avais été, et surtout elle n’a pas eu la chance d’être celle qui stoppe tout ça, de reprendre un peu de contrôle, de réinvestir au moins un peu une place de sujet après avoir été si longtemps un objet. Je peux imaginer, pour l’avoir tant craint, le sentiment d’abandon et de rejet insupportable qu’elle a dû ressentir.

    La voilà celle à qui il refaisait subir ça. La voilà, la fin de ma capacité à encaisser silencieusement ; en novembre dernier, j’ai commencé certaines démarches pour partir et pour dénoncer les agissements de M. Ts’liche — qui ont le plus souvent été bien peu entendues, mis à part par une personne qui m’a montré tout de suite le soutien dont j’avais désespérément besoin et que je remercie du fond du cœur.

    J’accuse M. Ts’liche, 6 ans après le début de toute cette histoire, de harcèlement moral, de violences psychologiques et d’abus de son pouvoir et de sa position hiérarchique, et ce notamment et dans les cas les plus graves pour mettre sous emprise des jeunes femmes vulnérables.

    Je reproche à un certain nombre de personnes une complaisance inacceptable face à tout cela. J’ai encaissé des « plaisanteries » pleines de sous-entendus sans que ces personnes ne se soucient de comment je vivais une relation dont les indices extérieurs semblaient plus les amuser que les inquiéter. J’ai raconté mon histoire, tâché de faire part de mon mal-être personnel et de mes inquiétudes pour les suivantes et souvent je n’ai trouvé qu’un mur, une minimisation des actes que j’avais subi ; on m’a demandé de me taire et de laisser tomber toute volonté de procédures pour éviter que ça rejaillisse sur toute l’équipe et porte préjudice à la licence. Certains de mes interlocuteurs ont admis le tempérament toxique de M. Ts’liche mais ne semblaient pas vouloir y faire quoi que ce soit. Il a même ses défenseur·euses acharné·es, qui semblent considérer que sa sympathie avec elleux prouve qu’il est sympathique avec tout le monde, loyaux·ales jusqu’au bout, qui trouvaient toutes les bonnes raisons de justifier ses comportements abusifs, qu’il est pour le coup loin de ne réserver qu’à ses proies : ses colères terribles quand il n’obtient pas ce qu’il veut, ses humiliations publiques, etc.

    Ce mail, je l’écris depuis des mois dans ma tête en en repoussant depuis autant de temps la rédaction. Je savais déjà comme je voulais le finir : « à partir de maintenant et pour la suite, vous ne pourrez plus faire comme si vous ne vous rendiez pas compte ». Ewilan m’a prise de court. Ewilan qui concentrait l’essentiel de mes inquiétudes, dont j’avais également fait part à certains enseignants de mon équipe pédagogique. Elle me parle depuis des mois de son mal-être, de ses idées noires. J’ai fait ce que j’ai pu pour qu’elle ne se sente pas seule, puis pour la convaincre qu’elle pouvait partir, qu’il n’était pas tout puissant en dépit de ses efforts pour nous en convaincre. « J’suis pas prête », qu’elle disait. Elle est partie finalement, pas comme je voulais, en me laissant une demande très claire que j’honorerai du mieux que je peux. Avec tout juste quelques mots en cadeau de départ, mon Ewilan peut se vanter d’avoir chez moi fait partir toute la colère, et d’avoir envoyé un gros stock de courage et de détermination.

    Car certains diront qu’elle est facile, ma place. Opportuniste, même. Aucun doute que je serai traînée dans la boue, taxée de manipulatrice. Je suis prête. Parce que c’est faux, elle n’est pas facile cette place, elle ne me fait et ne me fera rien gagner. Elle me demande d’être courageuse. Je ne veux punir personne, même pas M. Ts’liche. Je veux juste que les opportunités de recommencer lui soient retirées, je veux juste que soit refusé tout ça, qu’importe si ça demande de sortir de son confort ou de la facilité. Plus jamais de M. Ts’liche, plus jamais d’Ewilan. Ça suffit.

    J’aimerais bien que vous soyez courageux et courageuses, vous aussi.

    https://medium.com/@Camille_Thizbel/de-la-toute-puissance-des-pr%C3%A9dateurs-haut-plac%C3%A9s-d875001c28a6
    #suicide #ESR #enseignement_supérieur #témoignage #Camille_Zimmermann #culpabilité #harcèlement #contrat_doctoral #maltraitance #marginalisation #emprise #peur #sentiment_d'abandon #abus_de_pouvoir #harcèlement_psychologique #harcèlement_moral #complaisance #plaisanteries #manipulation #prédation

    • Omerta mode d’emploi

      Hier, jeudi 10 septembre 2020, nous avons republié sur Academia du texte émouvant de Camille Zimmermann à la mémoire de sa consœur doctorante qui avait mis fin à ses jours. Est-ce son témoignage ou plutôt la pression syndicale qui a pesé ? Ce matin, la présidence s’est fendu d’une lettre au personnel de l’Université de Lorraine.

      La lettre de Prof. Pierre Mutzenhardt, Président de l’Université de Lorraine, Président de la commission Recherche et Innovation de la CPU, a connu une large diffusion et n’était en rien confidentielle : nous la reproduisons en l’assortissant d’une petite explication de texte.

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      À : « all-ncy-ens » <all-ncy-ens@univ-lorraine.fr>, « all-ncy-ater-ens » <all-ncy-ater-ens@univ-lorraine.fr>, « all-ncy-lecteur-ens » <all-ncy-lecteur-ens@univ-lorraine.fr>, all-ncy-biatss@univ-lorraine.fr
      Cc : « president » <president@univ-lorraine.fr>
      Envoyé : Vendredi 11 Septembre 2020 09:04:13
      Objet : [all-ncy] Evénement tragique

      Mesdames, Messieurs,

      Une doctorante de notre établissement a mis fin à ces jours au début du mois d’août. Il s’agit d’un événement plus que terrible et dramatique. Très rapidement, avec la directrice de l’école doctorale, nous avons été en contact avec la famille de la doctorante et avons, je l’espère, respecté au mieux ses volontés. Nous avons pu rencontrer ses parents à la fin du mois d’août.

      Il apparaît que ce drame pourrait être lié en partie aux conditions de sa thèse et à son environnement professionnel. En conséquence, l’ouverture d’une enquête du CHSCT sera proposée le vendredi 11 septembre lors d’un CHSCT exceptionnel de l’établissement pour examiner ces conditions de travail et faire des recommandations.

      Par ailleurs des témoignages récents, indépendants de ce que peuvent diffuser les réseaux sociaux, font état de faits qui pourraient être qualifiés de harcèlement. Ils m’ont amené à diligenter une enquête administrative rapide qui a pour but d’établir les faits de manière contradictoire et d’en tirer toutes les conséquences.

      J’ai également suspendu de manière conservatoire le professeur et directeur de thèse de la doctorante le temps de l’investigation administrative pour protéger l’ensemble des personnes y compris lui-même.

      Enfin, nous devons être attentifs également aux jugements hâtifs, à ne pas confondre ce qui relève de témoignages avec les accusations qui se propagent sur les réseaux sociaux. Si les réseaux sociaux peuvent être des révélateurs de situations, ils sont aussi devenus des armes qui blessent, harcèlent et propagent trop souvent la haine. Nous avons pu nous en rendre compte à d’autres occasions.

      Très attaché aux valeurs de notre établissement, je m’engage à prendre toutes les mesures qui apparaîtront nécessaires à l’issue de cette enquête pour s’assurer qu’une telle situation ne puisse pas se reproduire. Le doctorat est, en effet, une période très importante dans le développement de la carrière d’un chercheur. Il appartient à l’établissement de garantir que cette période soit la plus fructueuse possible dans un contexte professionnel favorable pour les doctorants.

      Bien cordialement,
      Prof. Pierre Mutzenhardt
      Président de l’Université de Lorraine
      Président de la commission Recherche et Innovation de la CPU

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      Il me semble que cette correspondance est parfaitement exemplaire du fonctionnement de l’omerta qui pèse sur les violences faites aux femmes à l’Université, dans le cadre d’un fonctionnement universitaire analogue à l’emprise mafieuse, comme l’ont récemment argumentés des collègues anthropologues1.

      Considérons le courriel.

      En premier lieu le président met en cause directement la formation doctorale dispensée par l’université. Ce serait la famille — laisse entendre le président — qui s’est ouvert du lien fait le lien entre le suicide et la thèse. Au vu du bruit sur les réseaux sociaux, on se serait attendu à ce que le président s’adresse à l’ensemble de la communauté universitaire, étudiant·es inclus·es.

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      Courriel adressé à l’ensemble des personnesl de l’Université de Lorraine, le 10 septembre 2020

      « Mesdames, Messieurs, cher(e)s collègues,

      Je vous prie de trouver ci-dessous l’ordre du jour du prochain CHSCT programmé le vendredi 11 septembre 2020 :
      Point 1 – Adaptation des conditions de rentrée et déroulement du 1er semestre 2020-2021 – mesures complémentaires (pour avis)
      Point 2 – Modification du programme 2020 des visites du CHSCT (pour avis)
      Point 3 – Procédure d’analyse à déterminer suite à l’événement grave survenu à l’Institut Régional du Travail (pour avis)
      Point 4 – Procédure à mettre en place suite à la survenue d’un événement grave susceptible de présenter un lien avec les conditions de travail (pour avis)

      Meilleures salutations,
      Pierre Mutzenhardt
      Président de l’UL »

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      Que nenni ! Si le jeudi 10 septembre, les personnels de l’Université de Lorraine ont été informé de l’ordre du jour du CHSCT, seuls les personnels du site nancéen de l’UFR Arts Langages Littératures (ALL) se trouvent informés de ce que la présidence nomme pudiquement l’« événement tragique ». L’Université de Lorraine dans son entièreté n’est pas concernée par le suicide d’une de ses étudiant·es : ni les étudiant·es, ni même les autres enseignant·es-chercheur·ses, directeurices de thèses des UFR de médecine et de sciences ne sont alerté·es ou sensibilisé·es à l’idée que la présidence prend ce très grave problème à bras le corps. Presque personne ne sera donc informé avant qu’éventuellement la presse locale ou un blog de l’ESR ne s’en empare.

      Soit.

      Balkanisons les pratiques inappropriées vis-à-vis des femmes.

      Le message semble avoir été écrit à la va-vite, ce qui est pour le moins curieux pour ce type de communication présidentielle hautement sensible : coquilles, phrases contournées, expressions inappropriées. C’est davantage sous le coup de l’urgence que dans le cadre d’une politique plus large, mûrement réfléchie, qu’il a pris la décision d’écrire aux Nancéen·nes d’ALL. Le président a refusé de recourir à l’écriture inclusive, pourtant recommandée dans une affaire relevant des violences faites aux femmes. À ce titre, la formulation conclusive choisie pourrait heurter :

      « Très attaché aux valeurs de notre établissement, je m’engage à prendre toutes les mesures qui apparaîtront nécessaires à l’issue de cette enquête pour s’assurer qu’une telle situation ne puisse pas se reproduire. Le doctorat est, en effet, une période très importante dans le développement de la carrière d’un chercheur. Il appartient à l’établissement de garantir que cette période soit la plus fructueuse possible dans un contexte professionnel favorable pour les doctorants ».

      On peut s’étonner, puisque l’affaire a été ébruitée par une femme qui choisissait de mettre fin à sa thèse, que le seul masculin soit retenu pour désigner les hommes et les femmes qui se trouvent en situation de domination. On peut s’étonner de même — je pourrais même m’en offusquer si j’étais maîtresse de conférences à l’Université de Lorraine — du ton plus que maladroit employé. L’objet du message, la formule de salutation finales, l’usage de « blessures » portées par les réseaux sociaux, alors que c’est un suicide qui est à l’origine de la communication présidentielle. Sous la plume du président, il ne s’agit pas de prendre en charge avec tact et empathie la douleur, l’empathie, la colère, l’émotion qui pourrait saisir enseignant·es et étudiant·es. Un problème de plus à régler dans une rentrée très chargée, voire apocalyptique.


      *

      Venons-en aux faits.

      L’Université — soit la présidence et la directrice de l’École doctorale — a été informée du suicide de la doctorante. La famille, devine-t-on, fait connaître ses volontés, dont on ne saura rien, mais que le président espère « avoir respecté au mieux ». La famille, rencontrée fin août,a fait le lien entre le suicide et ce que le président désigne de manière euphémisée comme « aux conditions de sa thèse et à son environnement professionnel ». Il faut donc attendre le 11 septembre pour le Comité Hygiène Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) soit réuni, saisi quelques heures avant la publication par Camille de son texte sur Medium. Selon nos informations et la « formule magnifiquement trouvée par notre admin[istration] », il s’agit du point 4. « Procédure à mettre en place suite à la survenue d’un événement grave susceptible de présenter un lien avec les conditions de travail ». Le président suit ici strictement le droit : il informe le CHSCT du suicide à la rentrée, et inscrit le point concernant une enquête à l’ordre du jour.

      Le président ajoute cependant quelque chose de surprenant.

      « Par ailleurs des témoignages récents, indépendants de ce que peuvent diffuser les réseaux sociaux, font état de faits qui pourraient être qualifiés de harcèlement. Ils m’ont amené à diligenter une enquête administrative rapide qui a pour but d’établir les faits de manière contradictoire et d’en tirer toutes les conséquences ».

      Sortant du sujet de la correspondance, M. Pierre Mutzenhardt informe ses lecteurices de plusieurs choses : les témoignages de harcèlement ou, à tout le moins de conduite inappropriée, ont circulé sur les « réseaux sociaux » ; la parole se déliant, d’autres témoignages ont été portés avec insistance à ses oreilles. Cet ensemble, qui établirait quelque fondement à l’accusation grave de harcèlement, le font diligenter une enquête administrative. Il précise que l’enquête sera

      « rapide qui a pour but d’établir les faits de manière contradictoire et d’en tirer toutes les conséquences ».

      Il faut attendre longtemps pour apprendre que c’est le directeur de thèse qui est mis en cause. Nous savons par le recoupement du témoignage, qu’il s’agit du directeur de thèse de la doctorante qui est visé par les deux procédures, soit Christian Chelebourg2. Il n’est pourtant pas nommé ; mais désigné par son statut de professeur et sa fonction de direction de thèse. C’est le premier volet du dispositif du silencement : la responsabilité du professeur n’est engagée que dans le cadre de l’« environnement de travail » dans lequel il exerce, bien qu’il soit seul « suspendu à titre conservatoire ». Il ajoute qu’il prend cette mesure « pour protéger l’ensemble des personnes y compris lui-même ».

      L’environnement de travail est-il en cause ? Les témoignages qui ont paru sur Internet, les personnes qui se sont confiées à moi, font état de sérieux problèmes rencontrés par différentes étudiant·es et différentes enseignant·es titulaires et non-titulaires par la proximité professionnelle de M. Chelebourg. Elles n’ont pas mentionné d’autres comportements déviants. En revanche, ce qu’elles précisent, c’est qu’elles n’ont pas trouvé de soutien ou d’écoute de la part de certains collègues masculins, qui ont reconnu à demi-mot une certaine capacité de nuisance, s’empressant de préciser que « ce n’est pas un monstre ». D’autres enseignantes ont fait état d’une inquiétude, craignant des mesures de rétorsion si elles évoquaient la procédure à la demande des étudiant·es. Sans chercher à justifier pourquoi ce type de discours est tenu — ni à minimiser les responsabilités qu’il y aurait à n’avoir pas protégé les étudiant·es de comportements apparemment connus — je propose ainsi de voir dans l’environnement de travail le deuxième niveau de silencement : minimiser le comportement malfaisant ; faire comme si ce dernier n’était pas problématique, de la part des collègues dudit professeur.On comprend que les hordes féministes sont à la porte de l’Université et menaceraient l’ordre patriarchal qui y règne. Faisons-les taire.

      Le troisième dispositif de silencement est construit par le président lui-même. Plutôt que de reconnaître la souffrance vécue par des femmes sous la responsabilité de son Université, M. Pierre Mutzenhardt choisit une autre stratégie : la minimisation des faits, la dénonciation de rumeurs et, plus grave, la protection du mis en cause.

      « Enfin, conclut-il, nous devons être attentifs également aux jugements hâtifs, à ne pas confondre ce qui relève de témoignages avec les accusations qui se propagent sur les réseaux sociaux. Si les réseaux sociaux peuvent être des révélateurs de situations, ils sont aussi devenus des armes qui blessent, harcèlent et propagent trop souvent la haine. Nous avons pu nous en rendre compte à d’autres occasions ».

      À la lecture de ce paragraphe, je me suis étouffée3. Une femme est morte, peut-être à cause du comportement de son directeur de thèse, mais c’est ce dernier que le président de l’Université de Lorraine entend protéger. Il le fait en prenant une mesure conservatoire, au motif que « si les réseaux sociaux peuvent être des révélateurs de situations, ils sont aussi devenus des armes qui blessent, harcèlent et propagent trop souvent la haine ». Il le fait aussi en donner un signal aux agresseurs : ce sont vous, « victimes » d’une cabale publique, vous qui est le cœur et l’âme de l’Université qu’il me faut défendre ; celles et ceux qui se sentent « heurtées » par le courriel sont ainsi prévenu·es : l’Université de Lorraine n’a pas vocation à les prendre soin d’elleux.

      Balkanisation de l’information, ato-défense collective en formation de tortue romaine, mesure conservatoire à titre de protection : la stratégie est limpide et antithétique avec celles que plusieurs assocations féministe ou savantes, l’Association des sociologues des enseignant·es de l’enseignement supérieur en tête, préconisent. Il ne m’appartient pas de juger si c’est une façon de se protéger lui-même contre quelques mandarins qui grimperaient aux rideaux. Ce que je sais, depuis lundi, c’est que l’omerta, ce silencement patiemment construit au sein de l’Université de Lorraine, a pu tuer.

      Camille a souhaité être courageuse.

      Soyons désinvoltes. N’ayons l’air de rien.

      Addendum. Lundi 14 septembre 2020, vers 9h30, avant suppression entre 11h42 et 11h45.

      Sur Facebook et Twitter, l’Université de Lorraine écrit ton nom, professeur. Et le sien aussi.

      https://academia.hypotheses.org/25555

    • Un harcèlement peut en cacher un… ou deux autres

      Le 7 septembre 2020, Camille Zimmermann, université de Lorraine, explique sur Medium pourquoi elle a interrompu sa thèse, financée – le détail n’est pas anodin dans une discipline (les lettres) où les allocations doctorales sont très rares – : après des années de comportements toxiques, elle y a vu le seul moyen d’échapper à l’emprise de son directeur de thèse. Elle explique aussi pourquoi elle rend public ce témoignage : une autre doctorante, qui lui avait confié être victime d’agissements comparables, a mis fin à ses jours. Le texte utilise des pseudos, transparents pour ceux qui ont lu le cycle de romans sur lequel portait la thèse (La Quête d’Ewilan, de Pierre Bottero), et se termine par une accusation :

      « J’accuse M. Ts’liche, 6 ans après le début de toute cette histoire, de harcèlement moral, de violences psychologiques et d’abus de son pouvoir et de sa position hiérarchique, et ce notamment et dans les cas les plus graves pour mettre sous emprise des jeunes femmes vulnérables. »

      Academia republie le témoignage de Camille dans un billet le 10 septembre, avec une courte introduction qui permet de suivre un lien vers la plate-forme Thèses.fr si on veut connaître le nom du directeur désigné, ainsi qu’un autre lien vers une liste d’articles précédemment parus au sujet du harcèlement. Le court texte lâche également un mot : « omerta », parce qu’il ne s’agit pas d’une affaire isolée, et que ce qu’elle révèle est tout autant le harcèlement que la loi du silence qui lui permet de perdurer.

      Dès le 11 septembre, Academia a l’occasion de développer ce point : peut-être agité par la circualtion du texte de Camille sur les réseaux, le président de l’université de Lorraine écrit à certains de ses collègues. Oh, pas tous ! seulement ceux du domaine Arts Lettres Langues et Sciences Humaines et Sociales – ALL-SHS, dans nos jargons. Il ne faudrait quand même pas que tout le monde soit au courant. Le mail jette plutôt de l’huile sur le feu : il s’achève sur un indigne retournement de la charge contre Camille, et « les accusations qui se propagent sur les réseaux sociaux » dont il exhorte chacun·e à se méfier comme la peste. Le professeur est suspendu à titre conservatoire pour le protéger. On croit cauchemarder ; Camille Zimmermann se dit heurtée, Academia s’étouffe. Mais on n’a encore rien vu…

      Le 14 septembre, comme si de rien n’était, l’université de Lorraine touitte benoîtement une invitation à écouter le professeur, spécialiste des fictions d’apocalypse, sur un sujet qui attirera tous les regards : à quoi ressemblera le monde post-Covid ? Touitt’ supprimé quelques heures plus tard, ici cliché avant disparition. Des souffrances sont signalées, des drames surviennent, mais rien ne bouge ; une jeune femme brise ce mur du silence sur un réseau social, son témoignage circule, les réactions se font enfin entendre… mais c’est pour dévaloriser son témoignage, pendant qu’une « enquête » est évoquée, sous les opacités de la novlangue administrative, et sans aucune communication auprès du public ; le public, pendant ce temps, il continue d’être alimenté avec le ronronnement des travaux du principal intéressé, sans vergogne.

      Ce touitt’ lamentable manifeste, au moins la surdité d’un service Communication fonctionnant en vase clos, où ne parvient pas un son des réseaux ou des couloirs de l’établissement, au pire le cynisme d’un programme de com’ qui se moquerait comme d’une guigne des plus graves accusations possibles pesant sur un auteur, et, dans tous les cas, d’une rhétorique qui confine à la faute morale.


      Aucune communication officielle de l’université de Lorraine, donc. C’est dans la presse régionale qu’il faudra aller lire le président de l’Université de Lorraine, Pierre Mutzenhardt : le 23 septembre, L’Est Républicain porte l’affaire sur la place publique – pas celle des réseaux, dont il faut se méfier comme la peste, rappelons-nous. Le journal publie deux articles aussi cloisonnés qu’ont pu l’être deux univers : celui des doctorantes victimes et celui d’une administration qui n’a pas su les aider.

      La mise en page, pour qui serait sensible à l’énonciation typographique, donne toutefois bien l’impression que le monsieur dont on voit la photo est un peu cerné par le texte qui se referme sur lui : c’est celui qui est consacré à Camille. La journaliste, quant à elle, adopte professionnellement l’anonymat de rigueur ; mais cette page exprime finalement bien plus que ce nom de l’enseignant-chercheur dont, désormais, tout le monde a pu prendre connaissance par soi-même.

      Rendons d’abord compte de l’article consacré à Camille Zimmermann : « Harcèlement à l’université : le “j’accuse” d’une doctorante » s’ouvre sur le résumé des deux affaires, puisqu’il y en a bien deux :

      Longtemps étudiante puis thésarde à la faculté de lettres, Camille Zimmermann a dénoncé, sur les réseaux sociaux, l’emprise son directeur de thèse, qui l’a poussée à quitter la fac. L’université a ouvert une double enquête interne suite au suicide d’une autre doctorante.

      L’article met ses pas dans ceux de Camille, et relate d’abord la manière dont les réseaux ont pu relayer sa parole :

      Dans ce récit largement partagé sur Facebook et Twitter, et repris sur divers blogs spécialisés…

      Le contraste est net avec la méfiance du président, indistinctement adressée aux « réseaux ». L’article se met ensuite à l’écoute de Camille et rapporte les grandes lignes de son témoignage publié sur Medium : la complexité du rapport de genre et de la relation pédagogique, et le caractère insidieusement toxique de la relation entre le professeur et l’étudiante. Les intertitres du journal soulignent le fonctionnement pervers de ce système binaire :

      « Processus de #marginalisation », pour résumer l’emprise, les abus du professeur, l’isolement de la victime ;
      https://academia.hypotheses.org/26261

      « Manque d’écoute de la “cellule harcèlement” », pour résumer la loi du silence dans – grâce à – laquelle tout cela peut continuer.

      Car le journal donne la parole à d’autres personnes, après avoir rapporté le témoignage de Camille :

      Depuis ce témoignage sur les réseaux, rapidement ébruité dans les couloirs et les amphis de la faculté, des langues se sont déliées. D’autres ont signalé les agissements du professeur mis en cause – suspendu actuellement, et présumé innnocent – autant que la nocivité d’une organisation plaçant parfois les thésards dans une impasse.

      “Quand cela se passe mal, il est compliqué de changer de directeur de thèse, de crainte d’être blacklisté. Un directeur a tous les pouvoirs, et il a un réseau. Parfois, c’est du chantage au poste”, témoigne cette autre ancienne doctorante, qui, elle aussi, était suivie par le professeur incriminé. Et a également abandonné sa thèse pour les mêmes raisons que Camille Zimmermann.

      On apprend donc ici, sous la plume d’un journal qui n’est pas né de la dernière pluie et sait parfaitement ce qu’il fait en imprimant ces mots, qu’une troisième affaire pourrait exister. Le touitt’ du 14/9 était révoltant ; cette information-ci est accablante : l’administration n’a pas voulu les aider.

      Pour ce qui est de l’administration, qu’apprend-on ? L’article titre sur les suites données aux affaires : « Double enquête et enseignant suspendu ». Pourquoi deux enquêtes ? Parce que deux affaires, en fait. Et peut-être même bien trois, comme la presse le suggère. L’une des enquêtes se fait sous l’égide du Comité Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) et n’a pas vocation à déboucher sur des sanctions mais sur des « préconisations ». En prenant son temps, prévient le président de l’université :

      « il semblerait que la relation entre cette jeune fille, décrite comme fragile, et son encadrant, n’était pas saine et pas normale », résume Pierre Mutzenhardt, président de l’Université de Lorraine. Ce possible « lien de causalité » étant à l’origine de l’enquête du CHSCT, qui devrait être « plutôt longue ». « Elle portera sur les conditions de travail ayant pu conduire la doctorante à mettre fin à ses jours, et devra déboucher sur des préconisations ».

      Au temps pour cette voie de prise en charge, la seule sur laquelle il existe actuellement des sources partageables et consultables, en l’espèce : l’ordre du jour du CHSCT du 11/9. C’est celle qui porte, je le rappelle, sur le suicide survenu pendant l’été. Tournons-nous vers l’autre enquête :

      Ce sont d’autres témoignages, écrits, émanant de deux autres doctorantes et mettant en cause ce même directeur, qui ont conduit à l’ouverture de l’enquête administrative. « Il s’agira, par des audits contradictoires, de voir s’il y a bien harcèlement ou pas », poursuit le président. « Néanmoins, il y avait assez d’éléments pour que cet enseignant soit suspendu, pour trois semaines car on ne peut pas suspendre quelqu’un plus d’un mois. » Les premières conclusions sont attendues fin septembre/début octobre. « J’aviserai alors s’il faut envisager des sanctions disciplinaires, qui peuvent aller du blâme à l’exclusion, ou ne pas donner suite. »

      On a donc bien trois affaires, si l’on compte toujours, et deux enquêtes : l’une portant très globalement sur les « conditions de travail », l’autre portant plus clairement sur l’enseignant-chercheur. Face à la presse, les témoignages écrits semblent désormais assez graves pour que le président Mutzenhardt ne fasse plus passer la décision de suspendre ce dernier pour une mesure de protection « y compris de lui-même », comme dans le mail du 11/9 qui avait heurté tant de monde. Il s’excuse même par avance de ne pas pouvoir le suspendre plus de 3 semaines ; mais que se passe-t-il après ? Des actions décidées par le président. On se demande si, comme dans une affaire récente, ça se passera « d’homme à homme »… Et un signalement au procureur ? La suite de l’article l’évoque : « Il ne faut pas hésiter à formaliser, en saisissant le procureur de la République. » Et l’article se clôt sur « il faut oser dire les choses ». Nous voilà rassuré·es !


      Eh bien peut-être faut-il rester patient·es quand même. Le 30 septembre, à 11h26, une semaine après la parution de ces deux articles, alors qu’on attend toujours les résultats de l’enquête administrative, le président Mutzenhardt envoie à nouveau un mail à ses collègues. Cette fois, c’est sur la liste de tous les personnels, pas que les ALL-SHS ; mais ça ne sort pas de l’université de Lorraine. Academia en reçoit une copie :

      J’ai vu que vous aviez suivi cette affaire avec intérêt. Donc pour votre information, voici ce que l’on a reçu aujourd’hui
      « Au début du mois d’août, une doctorante de l’Université de Lorraine a mis fin à ses jours à l’extérieur de l’université, en mettant en cause les modalités de direction de sa thèse au sein de son laboratoire de rattachement. Il s’agit, quelles que soient les circonstances, d’une tragédie. J’ai mobilisé les services de l’établissement dès sa réouverture le 17 août et j’ai proposé au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de réaliser une enquête sur les conditions de travail dans le laboratoire concerné. En parallèle, des témoignages sont parvenus à l’université début septembre (que je ne confonds pas avec des déclarations sur les réseaux sociaux). Ils m’ont amené à diligenter une enquête interne administrative et à suspendre de manière conservatoire le directeur de thèse concerné. Les enquêtes sont actuellement en cours. »

      Cette obsession pour les réseaux sociaux a quelque chose d’inquiétant. C’est pourtant bien l’un d’eux qui a mis en alerte la communauté universitaire, et non la communication de l’UL, qui s’obstine à rester dispersée, laconique, et surtout compartimentée.

      Quels sont donc ces « témoignages arrivés début septembre » ? Sont-ils ceux de Camille Zimmermann, enfin entendus, alors que ses premières plaintes remontent à 2019 ? Sont-ils ceux de cette troisième étudiante dont L’Est Républicain a retranscrit les paroles ?

      On est le 1er octobre : on en saura bientôt plus. Le président Mutzenhardt l’a promis…

    • Une #cagnotte en ligne pour récolter de l’argent pour les frais d’avocat de #Camille_Zimmermann :

      Il y un peu plus d’un an, je publiais sur les réseaux un texte qui dénonçait les violences que j’avais connues au sein de l’Université française et qui avaient poussé au suicide mon amie #Scylla. J’y ai « caché » le nom de mon ancien directeur, non pas pour le protéger, mais pour tendre à une forme d’"universalité" parce que je savais que ces violences n’étaient pas une exception mais monnaie courante dans le monde de la recherche. Des violences dont les victimes sont, comme souvent, principalement les personnes les plus en situation de précarité.

      Ma lettre ouverte a eu un fort retentissement dans le milieu, partagé plus d’un millier de fois, sans compter les envois par listes de diffusion internes. Il a, je crois, aidé la libération d’autres paroles qui ont suivi peu de temps après. J’ai reçu aussi plus d’une centaine de messages de soutien, de remerciement, de solidarité, d’assurance que ma voix avait eu un écho et que des projets avaient été montés.

      J’en ai été touchée et reconnaissante, car c’est là la raison pour laquelle j’ai fait cette démarche extrêmement couteuse émotionnellement : l’espoir qu’elle aide à bouger les lignes.

      Aujourd’hui, j’ai à nouveau besoin de votre soutien, économique cette fois-ci. Une procédure pénale a suivi celle interne, et je vais devoir être assistée d’un avocat pour continuer.

      Les raisons de ma cagnotte

      Ma démarche est depuis ses débuts pensée pour le collectif, pour qu’elle serve à un maximum de monde possible. Il n’a néanmoins pas toujours été facile d’en être le visage, et j’ai subi intimidations, plainte pour #diffamation, tentatives de me décrédibiliser, #slut-shaming etc. qui font qu’aujourd’hui je suis éreintée et ai plus que jamais besoin de vous, d’être moi aussi soutenue collectivement. J’ouvre ce pot commun car payer de ma propre poche ces frais me prendrait plusieurs mois et m’obligerait à renoncer à des projets d’avenir alors que j’ai déjà sacrifié beaucoup de choses depuis le début de cette affaire – mes espoirs de carrière et une part de ma santé mentale notamment. Je commence seulement à retrouver un horizon, et je ne me sens pas capable de le plomber par cette charge financière.

      Plus simplement et comme depuis le début, je ne peux pas avancer seule, émotionnellement mais aussi, désormais, financièrement.

      Le montant de ma cagnotte

      Mes besoins aujourd’hui sont de 500€. Cette première cagnotte permettra de couvrir les premières procédures et consultations.

      Si cette somme est dépassée, l’intégralité des fonds sera reversée au Cha-U, association qui s’est créée au cours de l’année passée au sein de l’#Université_de_Lorraine et qui œuvre à combattre le harcèlement dans l’enseignement supérieur mais aussi à en penser les origines et structures afin de mieux l’éradiquer.

      Si l’enquête débouche sur un procès, une nouvelle cagnotte sera ouverte pour couvrir les frais lui étant liés, qui s’élèveront à une somme entre 1200 et 1500€.

      Si vous en avez la possibilité et que vous souhaitez mettre votre contribution, quel que soit son montant, je vous envoie toute ma gratitude. Si vous êtes précaire et ne pouvez pas m’aider, votre soutien moral compte aussi énormément.

      https://www.onparticipe.fr/cagnottes/yAk2mVjD

  • Dominique Eddé : « Le #Liban, c’est le monde à l’essai »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/16/dominique-edde-le-liban-c-est-le-monde-a-l-essai_6049067_3232.html

    Ce qui s’est passé dans le port de la ville, le 4 août, est le produit d’une #faillite générale, monumentale, qui engage certes et avant tout nos gouvernants criminels, mais aussi le monde entier. Pourquoi le monde entier ? Parce que nous vivons le bon à tirer d’un processus de #décomposition engagé il y a plusieurs décennies dans cette partie du monde. Parce que nous tardons tous à comprendre que le mal est partout dans l’air, à l’image du coronavirus. Le désarroi des Libanais découvrant brusquement qu’ils sont en deuil, sans toit, peut-être bien sans pays, est le raccourci foudroyant du mal qui a dévasté l’Irak, la Syrie, la Palestine…

    • Ce qui s’est passé dans le port de la ville, le 4 août, est le produit d’une faillite générale, monumentale, qui engage certes et avant tout nos gouvernants #criminels, mais aussi le monde entier. Pourquoi le monde entier ? Parce que nous vivons le bon à tirer d’un processus de décomposition engagé il y a plusieurs décennies dans cette partie du monde. Parce que nous tardons tous à comprendre que le mal est partout dans l’air, à l’image du coronavirus. Le désarroi des Libanais découvrant brusquement qu’ils sont en deuil, sans toit, peut-être bien sans pays, est le raccourci foudroyant du mal qui a dévasté l’Irak, la Syrie, la Palestine...

      Nous nous obstinons à ignorer qu’il n’est plus une plaie, plus un pays, plus une partie du corps, plus une partie du monde qui puisse se penser isolément. Les dictatures arabes, les armées islamistes, la brutalité et l’#impunité de la politique israélienne, les grandes et moyennes puissances prédatrices, les solidarités morbides – Nord et Sud confondus –, le règne sans bornes de l’argent, les intérêts communs des ennemis déclarés, le #fanatisme religieux, les trafics d’armements, tout cela est en cause dans le port de Beyrouth. Le langage de la #géopolitique peut encore informer, trier, analyser. Mais il ne peut plus voir au-delà de ce dont il traite . Il est prisonnier de la convention selon laquelle on peut fabriquer et vendre des armes d’un côté et fabriquer la paix de l’autre. Le #clivage est si profond, le #mensonge si bien organisé, que nous pouvons encore feindre la #cohérence. Mais jusqu’à quand ?

      Outre l’effondrement économique et social, nous vivons sous la menace d’un grand danger psychiatrique. Les têtes sont elles aussi au bord de la #faillite. Si rien ne change, au rythme où elles sont menées, elles ne tiendront qu’à l’une de ces deux conditions : perdre la raison ou se robotiser. Les autres, celles qui préfèrent la liberté à la fusion, se cognent déjà un peu partout aux barreaux de l’extrême solitude. Et ce constat qui vaut pour le #Liban vaut bien au-delà. La #fusion, c’est le #fascisme, la #dictature, le pouvoir entre les mains d’une poignée d’hommes ou de #machines.

      Bocal explosif

      A force d’avoir tout vu, tout entendu, tout encaissé, durant les cinquante dernières années, les Libanais sont sans doute mieux armés que d’autres pour traiter avec la #folie. Mais à trop tirer sur la corde, elle risque de se rompre d’un moment à l’autre. Les habitants de ce pays peuvent se serrer les coudes comme ils peuvent s’entre-tuer . Ils peuvent remonter la pente comme ils peuvent s’écraser à jamais. Ils n’en peuvent plus d’être si solidaires et si divisés à la fois . Ils ne pourront s’en sortir que par eux-mêmes, certes, mais, comme tous les grands blessés, ils ne pourront s’en sortir par eux-mêmes sans secours. Ils n’y parviendront que si cette partie du monde sort du #piège dans lequel elle est enfermée. Enfermée par elle-même et par les puissances étrangères. Il y a, ici, un #cercle_vicieux qui sabote toutes les énergies positives.

      Avec un million et demi de réfugiés – plus d’un quart de la population – sur leur sol, les Libanais sont entassés dans un bocal explosif. Pris en otage par leurs chefs de communautés respectives, ils sont animés, pour la plupart, par une égale envie d’en finir mais aussi, compte tenu de leurs réflexes ataviques et de l’absence d’Etat, par une égale incapacité à franchir le pas. Ils ne savent plus qui ils sont. Ils n’en peuvent plus de repartir à zéro. Le Liban était pris en tenaille par la Syrie et Israël. Il l’est à présent par Israël et le Hezbollah. Que s’est-il passé le 4 août à 18 heures ? Deux déflagrations successives se sont produites sur le lieu d’un gigantesque dépôt de nitrate d’ammonium à proximité d’un hangar dont on nous dit qu’il abritait des armes. La criminalité des pouvoirs libanais qui ont endossé cet effroyable stockage est flagrante, indiscutable. Sera-t-elle déterminée, jugée, punie ? Pourquoi le récit séquencé de l’horreur ne nous a-t-il pas encore été livré ? Quelle est l’origine de la première explosion ? Qu’y avait-il dans ce dépôt ? Qui protège qui de quoi ?

      « Raisonnements circulaires »

      Lors de sa visite au Liban, le 6 août, le président Emmanuel Macron a rencontré une vingtaine de personnes issues de la « société civile », dont j’étais. Cette brève rencontre se tenait à l’ambassade de France au terme d’une table ronde entre lui et les chefs de guerre qui s’était tenue dans la pièce à côté.

      A l’issue de l’entretien, il nous a dit notamment cette petite phrase qui, depuis, a fait son chemin : « Je suis frappé par vos raisonnements circulaires. Aussi bien dans la pièce à côté (celle des mafieux) que dans celle-ci (celle où nous nous trouvions) ». J’aurais aimé que la comparaison fût évitée, mais c’est vrai me suis-je dit, sur-le-champ, il a raison, nous sommes prisonniers de raisonnements circulaires. Nous n’arrivons pas à nous organiser. L’opposition commence à peine à s’unir. Puis, tel un souvenir que l’on tarde à s’approprier, la phrase m’a révélé son sens à retardement. Le mot « circulaire » qui évoque le cercle vicieux, la quadrature, l’enfermement, m’est apparu comme « un déplacement » au sens freudien du terme, comme une projection. Le cercle n’était pas dans nos raisonnements mais dans le sujet. Je dirais même que nous avons ici une capacité obligée et quasi inhumaine à penser la complexité.

      C’est elle, c’est la réalité qui tourne en rond. C’est la donne. Le pays. La région. Le manège du monde. La règle du jeu. C’est le jeu qui impose le cercle. La rotation, telle qu’elle est, rejette de tous côtés la moindre velléité de solution. Le Liban est dans l’œil du cyclone. Tout œil extérieur est désormais obligé de comprendre que pour rompre cette spirale infernale, c’est au cyclone qu’il faut s’en prendre. Par « s’en prendre » je veux dire décider, de la base au sommet, d’un coin du monde à l’autre, que la paix régionale est préférable à la guerre. Rien que ça ? L’utopie ou la mort ? Oui. A petite et à grande échelle, je ne vois rien d’autre . « Paix régionale » signifiant l’exact contraire du sordide arrangement qui vient de se faire entre Mohammed Ben Zayed [le prince héritier d’Abou Dhabi] et Benyamin Nétanyahou [le premier ministre israélien] sous la houlette de Donald Trump [le président américain].

      Le Liban, c’est le monde à l’essai. S’il se vide de son #sens, de ses #différences, de sa jeunesse, il sera le signe avant-coureur d’une catastrophe bien supérieure à celle qui se vit actuellement sur son sol. Il est trop tard pour défendre souveraineté et territoires à coups de #murs, de #ghettos et de frontières physiques. Il n’est plus d’autre issue que d’activer à l’échelle de la planète un coup de théâtre hissant la pulsion de vie au-dessus de la pulsion de mort . Le sujet du jour – au Liban aujourd’hui et partout ailleurs dans un second temps –, c’est la #santé_mentale, c’est l’avenir de l’être. Livré à la réalité telle qu’elle est, l’inconscient collectif ne sera pas moins inflammable, à terme, qu’un hangar de nitrate d’ammonium. Il suffira, pour mettre le feu, du largage d’un missile, réel ou symbolique, physique ou verbal. Ce ne seront plus des morceaux de villes mais des morceaux de pays qui partiront en fumée.

  • Les Minutes de l’Actualité Politique au Monde d’Après.
    avec Nicole Linhart et les rescapées et rescapés du Service de la Recherche de l’ex-O.R.T.F.

    DANS CETTE ÉDITION :
    Du Rififi à l’Hôtel de Ville (de Paris), le populo avec Super Rond-de-Cuir à Matignon, Rosse Lynne fait de la culture, Darmanin fait pas le malin, etc.

    https://www.youtube.com/watch?v=LuMSVDYFTXY

    #embrassons_nous #Panier_de_crabe #eelv #lgbt #Mairie_de_paris #anne_hidalgo #pedoland #parité #christophe_girard #Jérôme_Kerviel #macronisme #EnMarche #jean_castex #nicolas_sarkozy #didier_lallement #Roselyne_Bachelot #gérald_darmanin #Éric_Dupond-Moretti #philippe_de_villiers #roselyne_bachelot #alexandre_benalla #france . . . . . . . .

    • Diffuser le coronavirus, encore un effort : Puy du Fou. 12 000 personnes dans le parc
      https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/les-epesses-85590/12-000-personnes-au-puy-du-fou-la-mairie-des-epesses-n-a-pas-donne-son-

      Au lendemain de la polémique autour de la capacité d’accueil de la Cinéscénie, la municipalité des Epesses affirme que la décision n’était pas de sa compétence. Elle salue toutefois le plafonnement des prochaines séances à 5 000 personnes.

      La première Cinéscénie du Puy du Fou a eu lieu vendredi 24 juillet, et a rassemblé près de 12 000 spectateurs répartis dans trois tribunes. La mer des visages masqués a suscité une polémique, beaucoup estimant que le décret du 10 juillet interdisant les rassemblements de plus de 5 000 personnes n’était pas respecté. La mairie des Epesses, la commune du parc à thèmes, réagit dans un communiqué ce dimanche 26 juillet.

      « Contrairement à ce qui a pu être dit dans les médias, la municipalité des Epesses n’a pas donné son autorisation puisqu’elle n’est pas compétente pour autoriser ou non les rassemblements de plus de dix personnes », avance le communiqué. Le président du Puy du Fou, Nicolas de Villiers, a justifié les chiffres en évoquant un arrêté municipal autorisant un effectif de 13 069 personnes. La mairie des Epesses réfute l’idée d’une « autorisation » donnée au parc : « Si un arrêté a bel et bien été signé le 22 juillet 2020, il s’agit en réalité d’un arrêté d’autorisation […] précisant son effectif maximum théorique, sans lien avec les dispositions sanitaires en cours. »

      Les services de l’État « seuls compétents »
      La mairie des Epesses renvoie vers les services de l’État, « seuls compétents » pour autoriser ou non un événement. Sollicitée, la préfecture de la Vendée n’a pas réagi à notre demande de renseignements ce dimanche 26 juillet. Sur son site internet, elle indique que « la jauge maximale de 5 000 personnes pour les grands événements, les stades et les salles de spectacle est en principe en vigueur jusqu’au 1er septembre. »

      Le communiqué de la mairie des Epesses apprécie en revanche : « Face à la polémique, le Puy du Fou a annoncé […] modifier son organisation et plafonner les prochaines séances de la Cinéscénie à 5 000 personnes. La municipalité salue cette décision et tient à rappeler que la reprise des activités du Puy du Fou est essentielle pour l’économie de la région. »

      #contamination #covid-19 #coronavirus #diffusion organisée #épidémie après les #élections_municipales et la ré ouverture des #écoles pour 2 semaines

      #pandémie

    • « La crise n’a pas été assez grave pour provoquer une rupture de société »
      https://www.rts.ch/info/suisse/11492834-la-crise-na-pas-ete-assez-grave-pour-provoquer-une-rupture-de-societe.h

      Alors que la pandémie de coronavirus continue de frapper le monde, des chercheurs et chercheuses de l’Université de Genève publient « Covid-19 : le regard des sciences sociales », un livre qui aspire à « produire de l’orientation » en vue d’un retour à une normalité.

      Publiée aux éditions Seismo, cette étude, menée « dans la hâte » par une vingtaine de sociologues, a pour but « produire de l’orientation », une mission fondamentale des sciences sociales, expliquent ses auteurs en avant-propos.

      Elle souligne principalement que la pandémie n’a pas marqué de véritable rupture avec le monde d’avant, mais a plutôt accéléré des tendances déjà existantes. Télétravail à grande échelle, consommation locale, mobilité douce : la crise a amené, voire obligé, à expérimenter des pratiques déjà existantes.

      Cette conclusion n’est pas étonnante, explique lundi dans La Matinale Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’Université de Genève et qui a co-dirigé la rédaction de cet ouvrage. « Les crises sont des accélérateurs, c’est rare qu’une crise change radicalement quelque chose dans notre société ».

      Une solidarité attendue
      La pandémie a permis d’expérimenter une forme insoupçonnée de solidarité, notamment en ville, où les recherches montrent que 20 à 30% de la population, dont beaucoup d’actifs, s’est investie pour les autres.

      « Dans l’analyses de crises, il peut y avoir des cas où la société devient anomique, sans aucune confiance dans l’autre, où la violence s’installe, qui peuvent aller jusqu’à une situation de guerre civile », développe Sandro Cattacin. Mais selon lui, la crise du Covid-19 n’était « pas suffisamment grave pour marquer une véritable rupture ». « Il y avait encore beaucoup de ressources pour se rassembler en tant que société », relève-t-il. Cela est passé notamment à travers des rituels, comme les applaudissements aux balcons.

      Même dans la société ultra-individualiste actuelle, les réactions de solidarité étaient attendues, explique le sociologue spécialisé dans les questions urbaines. « Voir que la ville réagit aux situations de crise, que l’individualisme s’efface au profit des comportements solidaires, que dans une situation de crise, on peut compter sur l’autre, ça marquera l’individualiste dans le futur », estime-t-il, « c’est un vrai apprentissage collectif ». Et même si ces comportement étaient ponctuels et ont d’ores et déjà tendance à s’estomper, « ça améliore la confiance dans la société, qui est à la base de tout ».

      Cela ne signifie pas pour autant que la pandémie ne laissera pas de traces à long terme. « Toutes les crises aggravent des tendances dramatiques déjà présentes dans la société, et accélèrent des dynamiques de demain », explique le sociologue, citant par exemple les risques de discrimination. « Des stigmates se réveillent durant ce type de crises, on a une société qui cherche toujours une responsabilité dans l’autre », dit-il.

      Quel futur pour le télétravail ?
      Sandro Cattacin relève aussi d’autres tendances plus positives, notamment en termes de logique plus écologique ou encore de travail. Parmi elles, le recours massif au télétravail a beaucoup fait couler d’encre et alimenté les réflexions.

      Et si on constate déjà une dynamique de retour à la normale, celle-ci est liée au fait qu’il y a des tâches qui sont plus simples à réaliser de manière collective. « Le télétravail est peu adéquat pour certaines choses, il ralentit nos capacités à communiquer ensemble », analyse le chercheur, « mais pouvoir travailler de temps en temps à la maison est bénéfique, cela permet d’organiser sa journée de manière plus autonome et ainsi de gagner en efficacité ».

      Reste à voir à quel point la concrétisation des beaux discours se fera par les actes. Et Sandro Cattacin de rappeler que les sociologues ne sont pas des médiums. « C’est difficile aujourd’hui, alors qu’on est encore dans la crise, de dire de quoi sera constitué demain », dit-il, « le bilan, on pourra le faire dans un an ou deux ».

  • Opinion | Why Is the United States Exporting Coronavirus? - The New York Times
    #Covid-19#migrant#migration#US#diffusion#expulsion

    https://www.nytimes.com/2020/06/18/opinion/trump-immigration-covid19-deportations.html

    Holding asylum seekers, immigrants and others in facilities where the virus easily spreads only to later send them to other nations is a public health hazard — here and abroad.

  • Coronavirus flare-ups raise task force questions about immigration
    #Covid-19#migrant#migration#US#diffusion#xenophobie

    https://www.usatoday.com/story/news/investigations/2020/06/18/coronavirus-flare-ups-raise-task-force-questions-immigration/3210219001

    Top federal officials are privately exploring whether Latinos are to blame for regional spikes in new coronavirus cases, asking in internal communications if Mexicans could be carrying the disease across the border, fueling domestic outbreaks.

  • L’Inde se rapproche du trio des pays les plus touchés au monde par le Covid-19
    #Covid-19#inde#diffusion#migrant#migrationinterne

    https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/propagation-linde-se-rapproche-du-trio-des-pays-les-plus-touc

    Le géant d’Asie est en passe de doubler l’Italie et l’Espagne en nombre de contaminations, du fait notamment des déplacements des migrants de l’intérieur autorisés depuis début mai.

  • Les #migrations amènent-elles un « #grand_remplacement » culturel ?
    Ce texte résume la présentation de #Hillel_Rapoport au Collège de France le 20 janvier 2020 de l’article « Migration and Cultural Change », co-écrit avec Sulin Sardoschau et Arthur Silve : https://sistemas.colmex.mx/Reportes/LACEALAMES/LACEA-LAMES2019_paper_274.pdf

    La #mondialisation n’est pas qu’économique, elle est également culturelle. Elle concerne le commerce, les mouvements de capitaux et les migrations tout autant que les #modes_de_consommation, les #croyances et les #valeurs. Ces différentes dimensions de la mondialisation sont étroitement liées : la #mondialisation_économique et la #mondialisation_culturelle sont complémentaires. S’il paraît évident que le #commerce est un vecteur de #diffusion_culturelle, qu’en est-il des migrations ? Les hommes étant porteurs et transmetteurs de culture, ils contribuent par leurs mouvements au changement culturel global. Mais pour aller vers quoi ? La création d’un « village mondial », une américanisation du monde, une polarisation culturelle conduisant à un « choc des civilisations », voire un « grand remplacement », non pas démographique mais, plus insidieusement, culturel ?

    Notre article apporte des éléments de réponse empiriques à ce débat. Nous reprenons la définition usuelle de la #culture (ensemble de valeurs et croyances apprises et transmises) et reformulons la question de recherche de la manière suivante : les migrations rendent-elles les pays d’origine et d’accueil culturellement plus proches les uns des autres et, si oui, qui converge vers qui ?

    Des bases de données très fournies

    Nous évaluons la #proximité_culturelle entre deux pays en construisant des #indicateurs standardisés à partir du « #World_Values_Survey » (WVS), une enquête internationale réalisée tous les cinq ans depuis le milieu des années 80 et qui pose un ensemble de questions identiques à un échantillon représentatif d’individus dans un grand nombre de pays. Les questions (plusieurs dizaines) portent sur les #valeurs que les gens souhaitent transmettre à leurs enfants, leurs priorités dans la vie, leur degré de confiance (envers les autres, leurs gouvernements, les médias) ou encore leur degré de religiosité.

    Nos indicateurs permettent de mesurer la proximité culturelle entre deux pays et d’examiner l’effet des migrations internationales sur l’évolution de cette dernière. Les données sur les migrations proviennent des bases de la Banque Mondiale ou de l’OCDE. La périodicité des observations est de cinq années, correspondant aux différentes vagues du WVS.

    Mais que tester exactement ? On peut chercher à répondre à la question factuelle de la #convergence ou de la #divergence culturelle amenées par les migrations internationales, mais il est encore plus intéressant de comprendre quels sont les facteurs explicatifs derrière tel ou tel résultat.

    Quel pays converge culturellement vers l’autre ? Une question délicate

    Nous construisons pour cela un modèle théorique en partant de l’hypothèse que les individus migrent à la fois pour des motifs économiques (gain économique individuel escompté de la migration) et pour des motifs culturels (désir d’évoluer dans un environnement plus proche de leurs valeurs). Les migrants représenteront un échantillon d’autant plus culturellement représentatif du pays d’origine que le motif économique primera sur le motif culturel, et d’autant plus sélectionné culturellement dans le cas inverse. On identifie par ailleurs trois canaux dynamiques de transmission culturelle une fois la migration réalisée : la « #dissémination » (lorsque les immigrés diffusent leur culture auprès des populations natives du pays d’accueil), l’« #assimilation » (lorsque les immigrés absorbent la culture du pays d’accueil), et les « #rémittences_culturelles » (lorsque les émigrés transfèrent la culture du pays hôte vers le pays d’origine).

    Nos résultats montrent que la migration tend à promouvoir la #convergence_culturelle, ce qui est compatible dynamiquement avec les motifs de dissémination et de rémittences culturelles. Mais qui converge vers qui ? Il est difficile techniquement et délicat conceptuellement de répondre à cette question : imaginez que vous regardez le ciel et voyez deux étoiles à deux moments du temps : vous pouvez dire si elles se sont rapprochées ou éloignées, mais pas laquelle s’est rapprochée ou éloignée de l’autre, parce que la carte du ciel (qui dépend de la position de la terre) a elle-même bougé. C’est ici qu’il est utile, et même indispensable, de disposer d’un modèle théorique pour aller plus loin.

    Notre modèle théorique permet de tester nos prédictions empiriques

    La convergence culturelle induite par les migrations, que nous observons, provient-elle de la transformation culturelle des pays d’accueil, transfigurés (ou défigurés) qu’ils seraient par l’absorption des normes et valeurs culturelles importées par les immigrants, comme le soutiennent les tenants de la théorie du grand remplacement culturel ? Ou sont-ce les pays de départ qui se transforment par adoption de valeurs et normes issues des traditions et cultures des pays de destination de leurs émigrants, ce que soutiennent les sociologues à travers le concept de « #social_remittances ».

    Notre modèle théorique permet de prédire l’intensité de la convergence (ou de la divergence) selon l’importance relative des motifs économiques et culturels de la migration. Si le motif économique est dominant dans la décision de migrer, on peut s’attendre à ce que les migrants représentent un échantillon culturellement assez représentatif de la population du pays de départ. Dans ce cas, la migration est un facteur de convergence culturelle puisqu’elle consiste à mixer dans le pays de destination deux populations culturellement différentes. Si le motif culturel est dominant, les individus culturellement proches de la population du pays de destination seront surreprésentés parmi les émigrants. La migration est alors un facteur de divergence culturelle au sein de la minorité car elle renforce le groupe ou le type culturellement dominant dans le pays de destination.

    Ce que montrent les prédictions dynamiques du modèle, c’est que plus le motif culturel est important, plus la convergence sera forte si le mécanisme sous-jacent de #transmission_culturelle est de type « rémittences culturelles » et faible si le mécanisme sous-jacent est de type « dissémination » ; inversement, plus le motif économique est prévalent, plus on s’attend à ce que la convergence soit forte en cas de dissémination et faible en cas de rémittences culturelles. Il s’agit là de prédictions que l’on peut tester indifféremment à partir de ces deux mécanismes, ceux-ci pouvant donc être différenciés empiriquement.

    La migration concourt bien à la convergence culturelle des pays de départ vers les pays d’accueil

    Notre travail empirique a donc consisté à tester ces différentes prédictions et le résultat principal est que la migration concourt bien à la convergence culturelle des pays de départ vers les pays d’accueil. Autrement dit, le mécanisme de transmission dominant provient des rémittences culturelles. Il s’agit là d’un résultat robuste, significatif statistiquement et important quantitativement. Tous les tests empiriques pointent dans la même direction : c’est le mécanisme de « rémittences culturelles » qui ressort chaque fois vainqueur ; à chaque fois, on trouve une convergence culturelle plus forte lorsque les gains économiques sont plus faibles et/ou lorsque les gains culturels sont plus forts. Ces résultats disqualifient donc le mécanisme de dissémination et les thèses « épidémiologiques » fondées sur l’idée que les immigrés disséminent leur culture vers les populations natives des pays d’accueil (thèses qui, dans leur version complotiste, culminent dans les théories du #grand_remplacement_culturel).

    http://icmigrations.fr/2020/06/08/defacto-020-03
    #culture #changement_culturel

  • Migration has made Maharashtra Covid epicentre: Experts | Mumbai News - Times of India
    #Covid-19#migrant#migrationinterne#Inde#diffusion

    https://timesofindia.indiatimes.com/city/mumbai/migration-has-made-maharashtra-covid-epicentre-experts/articleshow/76352873.cms

    MUMBAI: Before the lockdown was imposed, a large number of state government staff left for their hometowns without official sanction. Migrant workers too left Mumbai —the epicentre of the Covid pandemic before and during the lockdown—for their home districts. And nearly 50% of them tested positive for Covid-19 there.

  • COVID-19 spread by migrants limited compared to fears: Report - Moneycontrol.com
    #Covid-19#migrant#migrationinterne#Inde#diffusion

    https://www.moneycontrol.com/news/india/covid-19-spread-by-migrants-limited-compared-to-fears-report-5394791.h

    The concern was that migrants moving from cities would carry the virus to relatively unaffected areas of the country. As per data, however, the fears were largely overstated

  • Coronavirus : la pandémie s’accélère en Afrique, avertit l’OMS
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/12/coronavirus-la-pandemie-s-accelere-en-afrique-avertit-l-oms_6042599_3212.htm

    « Même si ces cas enregistrés en Afrique représentent moins de 3 % du total mondial, il est clair que la pandémie s’accélère » sur le continent, a-t-elle précisé. Le nouveau coronavirus a infecté près de 7,4 millions de personnes dans le monde et en a tué au moins 416 000 depuis l’apparition de la pandémie en Chine en décembre 2019, selon le décompte de l’AFP. Selon ce même décompte, l’Afrique comptait à 11 heures GMT jeudi 210 519 cas, dont 5 635 décès. En Afrique, « la pandémie reste concentrée dans et autour des capitales, mais nous voyons de plus en plus de cas en province », a poursuivi le docteur Moeti, qui estime que le coronavirus est entré dans la plupart des pays du continent par les capitales, via les vols internationaux.

    #Covid-19#migration#migrant#afrique#pandemie#sante#diffusion#cas#circulation

  • Marges de #Marx
    https://laviedesidees.fr/Marges-de-Marx.html

    À propos de : Kolja Lindner et les Éditions de l’Asymétrie, Le dernier Marx, Toulouse, Éditions de l’Asymétrie. Dans ses derniers textes, Marx rompt avec la #Philosophie de l’histoire, et s’intéresse de près à d’autres formes d’exploitation : la domination coloniale, mais aussi l’émancipation des femmes ou la préservation de la nature.

    #colonialisme #environnement
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20200610_marx.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20200610_marx.docx

    • Au-delà du marxisme

      Le résultat le plus éclatant de ces recherches, c’est la rupture qu’y opère Marx avec la philosophie de l’histoire progressiste et eurocentrée qui se dégage encore d’un texte tel que la « Préface » à la Contribution à la critique de l’économie politique. Ce texte projette en effet sur toutes les sociétés un modèle de développement occidental dans lequel les modes de production (« asiatique, antique, féodal, bourgeois ») s’enchaînent en même temps que s’accroissent les forces productives et se succèdent comme autant d’étapes nécessaires vers le communisme. Par contraste, les notes sur Morgan ou Kovaleski, dans lesquelles Marx souligne la vitalité des « sociétés gentilices » (organisées en clans), témoignent d’une nette reconnaissance de la pluralité historique, c’est-à-dire de l’existence de trajectoires de développement hétérogènes quant à leurs rythmes et à leurs directions. Mais c’est surtout le cas de la commune russe qui pousse Marx sur la voie d’une nouvelle conception de l’histoire, indissociablement multilinéaire et connectée.

      Au principe de cette percée théorique, on trouve le problème politique suivant : la commune rurale peut-elle servir de point d’appui à un développement spécifiquement russe vers le communisme, comme le pensent les populistes, ou est-elle amenée à disparaître face à l’expansion du capitalisme, comme le soutiennent les marxistes ? Dans sa réponse à Zassoulitch, Marx se range du côté des populistes, mais attire leur attention sur le « dualisme inhérent à la ‘‘commune agricole’’ ». D’un côté, elle se caractérise par la permanence de formes d’appropriation collective de la terre. De l’autre elle est travaillée par l’émergence de la propriété privée. Or, l’issue du conflit qui oppose ces deux tendances ne saurait être déduite, ni d’une loi historique générale, ni d’une causalité économique unilinéaire. Elle dépend à la fois de l’énergie politique que parviendra à déployer la paysannerie et du « milieu historique » dans lequel la commune est plongée, c’est-à-dire de sa contemporanéité avec le capitalisme occidental et le mouvement ouvrier. Ainsi, s’il y a bien pour le dernier Marx une tendance dominante dans l’histoire, celle qu’incarne l’expansion mondiale du capital, celui-ci ne s’impose pas de manière uniforme et implacable à l’ensemble de la planète. Les formations sociales qu’il rencontre sur sa route lui résistent et se réinventent à son contact, de sorte que le changement historique répond à ce que Lindner appelle une « contingence structurée ».

      De la prise en compte de ces rencontres entre différentes trajectoires historiques, il résulte une transformation de la critique marxienne. Cette critique ne porte en effet plus seulement sur l’exploitation salariale, mais aussi sur la domination coloniale. Or, dans la mesure où le colonialisme tend à dissoudre les rapports égalitaires qui règnent selon Marx dans les sociétés non-capitalistes, il n’est pas étonnant de le voir souligner la position relativement privilégiée qu’occuperaient les femmes dans ces sociétés, ce qui le mène à s’exprimer en faveur de l’abolition de la famille moderne. Et cet élargissement de la critique à la domination coloniale et masculine entraîne à son tour une transformation de la méthode de la critique. À lire conjointement l’introduction générale de Kolja Lindner et l’essai d’Urs Lindner sur les échos de la Commune de Paris dans la pensée de Marx, il semble en effet que celui-ci se soit réconcilié à la fin de sa vie avec la réflexion normative. Comme si, conscient de l’intersection des formes de domination et de la pluralisation des acteurs.trices historiques qu’elle entraîne (le prolétariat, mais aussi la paysannerie, les femmes et les colonisé.es), il se risquait enfin à dire ce que le communisme doit être : une société décentralisée et profondément égalitaire, non seulement du point de vue de l’accès aux moyens de production et aux produits du travail, mais aussi au niveau des processus collectifs de décision. Sur le plan de la philosophie politique, Marx s’affirmerait donc comme un théoricien de la « démocratie radicale ». Une démocratie qu’il ne se contente cependant pas de défendre sur le plan des principes, mais dont il relève la diffusion dans l’espace et la permanence dans le temps : des villages Iroquois aux faubourgs parisiens, de l’Inde précoloniale aux communautés formées par les paysan.es russes. D’où la conclusion saisissante des brouillons de la « Lettre à Zassoulitch », où le communisme apparaît comme « un retour des sociétés modernes au type archaïque de la propriété commune ».

      #propriété_privée #propriété_commune #commune #communisme

    • Marx et les marges du monde, Alain Greshhttps://blog.mondediplo.net/2011-08-08-Marx-et-les-marges-du-monde

      Certainement, Marx n’était pas un philosophe de la différence au sens post-moderne du terme, car la critique d’une entité supérieure, le capital, était au centre de son entreprise intellectuelle. Mais cette centralité ne signifiait pas l’exclusivité. La théorie sociale du Marx de la maturité tournait autour du concept de “totalité” qui n’offrait pas seulement l’avantage de laisser une grande place aux particularités et aux différences, mais aussi, dans certains cas, faisait de ces particularités – race, ethnie, ou nationalité – des éléments déterminants de la totalité. Kevin B. Anderson.

      #Différence #Totalité

  • US: Suspend Deportations During Pandemic | Human Rights Watch
    #Covid-19#migrant#migration#US#expulsion#diffusion

    https://www.hrw.org/news/2020/06/04/us-suspend-deportations-during-pandemic

    (Washington, DC) – The United States government should immediately impose a moratorium on deportations during the Covid-19 pandemic to avoid contributing to the global spread of the virus, Human Rights Watch said today.

  • Resumption of migration will be a responsible and difficult moment for epidemiologists - professor
    #Covid-19#migrant#migration#frontiere#ouverture#diffusion

    https://www.baltictimes.com/resumption_of_migration_will_be_a_responsible_and_difficult_moment_for_

    RIGA - The resumption of international migration and the abolition of the self-quarantine requirements for residents of countries with low Covid-19 incidence will be a responsible and difficult moment for epidemiologists, Professor Girts Brigis, head of the Department of Public Health and Epidemiology at Riga Stradins University, told LETA.

  • In UP, just three per cent of returning migrants tested are positive | Cities News,The Indian Express
    #Covid-19#migrant#migrationinterne#Inde#retour#test#diffusion

    https://indianexpress.com/article/cities/uttar-pradesh-migrants-coronavirus-positive-6441576

    According to the Integrated Disease Surveillance Programme data, currently, as many 11.68 lakh migrants who have returned to the state are under surveillance. Of them, 74,237 migrants have been tested for the infection and 2,404 have turned positive — a positivity rate of 3.2 per cent.

  • Over 3.50 lakh returnees take Covid-19 cases in NE India to 2156
    #Covid-19#migrant#migrationinterne#Inde#diffusion

    https://www.outlookindia.com/newsscroll/over-350-lakh-returnees-take-covid19-cases-in-ne-india-to-2156/1853870

    Guwahati/Agartala/Aizawl, June 2 (IANS) The return of 3.50 lakh natives from south and north India has led to a surge in coronavirus cases in the eight northeastern states to 2,156, including 1,623 active cases till Tuesday night, ministers and officials said.