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  • Laurent Fabius : « La préférence nationale, appliquée de façon systématique, est contraire à la Constitution »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/05/06/laurent-fabius-la-preference-nationale-appliquee-de-facon-systematique-est-c

    Laurent Fabius : « La préférence nationale, appliquée de façon systématique, est contraire à la Constitution »
    Propos recueillis par Claire Gatinois, Abel Mestre et Nathalie Segaunes
    Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 09h53
    Le Conseil constitutionnel a censuré en janvier une partie de la loi « immigration », retoquant de nombreux articles parce qu’ils étaient considérés comme des cavaliers législatifs, c’est-à-dire sans lien avec la loi initiale, et d’autres parce qu’ils n’étaient pas conformes à la Constitution sur le fond. C’était le cas des articles établissant une forme de préférence nationale pour certaines prestations sociales. Une décision qui a valu à l’institution les critiques virulentes de la droite et de l’extrême droite, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (Les Républicains), allant jusqu’à dénoncer un « coup d’Etat de droit ». Dans un entretien au Monde, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, ancien premier ministre socialiste, revient sur ces critiques et les menaces qu’elles font peser sur l’Etat de droit.
    En avril, le Conseil constitutionnel a rejeté une proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) visant à réformer l’accès aux prestations sociales des personnes migrantes. Cette décision, dites-vous, est fondamentale. Pourquoi ?
    La Constitution ne s’oppose pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales pour les étrangers en situation régulière soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, mais cette durée ne peut priver les personnes défavorisées d’une politique de solidarité nationale, comme le prévoit le préambule de la Constitution de 1946. Or l’article 1 de la proposition de RIP conditionnait le bénéfice de prestations sociales pour les étrangers non européens en situation régulière à une résidence d’au moins cinq ans, ou à une affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle : cette longue durée ne pouvait être admise. Ce faisant, le Conseil a confirmé que la protection sociale ne s’applique pas seulement aux personnes de nationalité française, mais à toutes les personnes résidant régulièrement en France, repoussant la thèse dite de « préférence nationale ».
    Cela signifie que la préférence nationale, au cœur du programme du Rassemblement national, est anticonstitutionnelle ?
    Il n’entre pas dans mes fonctions de me prononcer sur le programme de tel ou tel mouvement politique. Je me bornerai à dire, puisque c’est constant, que la préférence nationale – appliquée de façon systématique – est contraire à la Constitution.
    Il y a un an, le Conseil constitutionnel validait la réforme des retraites, adoptée sans vote du Parlement, à la suite de l’utilisation de divers outils de la Constitution. Tout gouvernement pourra donc contraindre le Parlement ?
    Le Conseil a jugé que chaque article utilisé devait être considéré en tant que tel, et il a examiné si la procédure suivie avait nui à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire : il a estimé que ce n’était pas le cas.
    Lors de l’adoption de la loi « immigration », le président de la République a « assumé » de vous transmettre un texte incluant des dispositions contraires à la Constitution. Il est pourtant le garant des institutions.
    Mon rôle n’est pas de porter d’appréciation. Ce qui a pu paraître un peu surprenant, c’est que certains parlementaires estiment inconstitutionnelles des dispositions, mais les approuvent quand même.
    Nous prenons nos décisions en droit, et non en opportunité politique. Depuis sa création, le Conseil ne s’est jamais reconnu le même pouvoir d’appréciation que le Parlement. Ce qui me frappe dans les critiques actuelles, c’est cette confusion fréquente entre le droit et la politique. Cela conduit à des incohérences chez certains de nos contempteurs : en avril 2023, en validant l’essentiel de la loi retraite, le Conseil aurait, entendait-on, révélé sa vraie nature, qui serait « de droite ». Mais le même Conseil, avec les mêmes membres, en censurant en janvier une partie de la loi « immigration » ou en écartant en avril une proposition de RIP, aurait révélé son tropisme « de gauche ». Comprenne qui pourra !
    L’Etat de droit est-il menacé en France ?
    Dans une démocratie avancée comme la nôtre, on peut bien sûr modifier l’état du droit, mais il faut toujours respecter l’Etat de droit : la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la légalité des délits et des peines, les grandes libertés. Les attaques contre le Conseil constitutionnel ne sont pas nouvelles, même si elles ont pris de l’ampleur. Mon ami et prédécesseur Robert Badinter raconte, dans Les Epines et les roses [Fayard, 2011], que lors de son accession en 1986 à la présidence du Conseil constitutionnel un haut dirigeant de l’opposition avait même déclaré que sa nomination « rabaissait la France »…
    Les critiques contre le Conseil constitutionnel ne doivent-elles pas inquiéter ?
    C’est souvent parce que le Conseil constitutionnel est un rempart de nos droits et de nos libertés qu’il est pris pour cible. Pour autant, la parole est libre, et le Conseil constitutionnel doit protéger cette liberté d’expression. Et puisque beaucoup de choses tournent autour de l’immigration, je soulignerai la « performance » qui consiste pour certains à commettre deux erreurs : contrairement à ce qui est parfois soutenu, la politique migratoire n’est pas une matière ouverte à référendum direct de l’article 11 de notre Constitution, ce qui avait déjà été expressément souligné en 1995 par le garde des sceaux de l’époque. D’autre part, si on voulait réviser la Constitution sur ce point, cela ne pourrait s’opérer que selon la seule procédure de révision prévue, à savoir son article 89, qui implique en un premier temps l’accord des deux assemblées sur le même texte.

    (...)
    #Covid-19#migrant#migration#france#constitution#loiimmigration#politiquemigratoire#droit#sante

  • Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/28/loi-immigration-le-conseil-a-manque-l-occasion-de-se-prononcer-sur-les-limit

    Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    Tribune Samy Benzina Constitutionnaliste
    En censurant essentiellement les « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a laissé en suspens la question de la conformité de la « préférence nationale » aux droits et libertés constitutionnels, explique, dans une tribune au « Monde », Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers.
    La décision du Conseil constitutionnel restera comme l’une des plus habiles qu’ait rendues l’institution de la rue de Montpensier : elle lui a permis de se sortir de la situation inextricable dans laquelle l’avait injustement placée la majorité présidentielle. Le juge constitutionnel n’a en principe vocation qu’à contrôler la constitutionnalité des dispositions d’une loi adoptée par la majorité et contestée par l’opposition. Or, il s’est trouvé saisi d’un texte, fruit d’un compromis entre le gouvernement et les parlementaires de droite, dont des ministres et des membres de la majorité ont pointé publiquement, de manière inédite, les potentiels vices de constitutionnalité.
    L’objet du contrôle de constitutionnalité a priori s’en trouvait dès lors détourné : la majorité présidentielle (relative) entendait en faire un mécanisme lui permettant de remporter juridiquement ce qu’elle n’avait pas su obtenir politiquement. Voilà pourquoi le gouvernement n’a pas pleinement exercé sa fonction de défenseur de la constitutionnalité de la loi devant le juge constitutionnel : il s’en est remis, de manière inhabituelle, « à la sagesse du Conseil constitutionnel » à propos du nombre de dispositions introduites par les sénateurs républicains avec lesquelles il était en désaccord.
    Le Conseil constitutionnel se trouvait dès lors placé dans une impasse présentant des risques significatifs pour sa légitimité. Une censure des dispositions les plus sensibles du texte au regard de leur contrariété à certains droits ou libertés aurait conduit à la vive mise en cause de l’institution et au retour de l’antienne sur le « gouvernement des juges » – un risque bien réel au vu des attaques dont il avait fait l’objet, en 1993, à la suite de sa décision de censure d’une loi relative à l’immigration. A l’inverse, une déclaration de conformité aurait provoqué des doutes sur sa capacité à être un véritable gardien des droits et libertés constitutionnels.
    En choisissant de qualifier l’essentiel des dispositions les plus controversées de la loi de « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a privilégié une solution ingénieuse : tout en se fondant sur une jurisprudence bien établie et sur un raisonnement juridique en apparence imparable, il évite de se prononcer sur l’atteinte éventuelle de ces dispositions aux droits et libertés constitutionnels. Cette habileté du Conseil constitutionnel ne le préservera cependant pas de certaines critiques légitimes.
    D’abord, si la jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » est ancienne, elle a en effet été appliquée avec un zèle particulier dans le cadre du contrôle de cette loi, et ce en dépit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait justement vocation à desserrer son contrôle. Rappelons qu’en l’état du droit, lorsqu’il contrôle une disposition qui a été ajoutée par voie d’amendement, le juge constitutionnel doit contrôler qu’elle présente un lien, même indirect, avec le contenu du projet de loi initialement déposé devant le Parlement.
    La décision sur la loi « immigration » montre que ce contrôle n’est pas toujours exercé avec la même vigilance ou cohérence : dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, il avait ainsi admis des dispositions relatives à la nationalité sans y voir de « cavalier » alors qu’il vient de faire le contraire sans qu’on puisse objectivement expliquer cette différence.
    Ensuite, ce choix de censurer une grande partie de la loi pour un motif procédural surprend d’autant plus quand on le met en parallèle avec sa décision du 14 avril 2023 sur la loi de réforme des retraites. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait refusé de voir un quelconque vice de constitutionnalité dans l’emploi, par le gouvernement, d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et l’accumulation du recours aux mécanismes de rationalisation du parlementarisme, et ce alors même que cela avait largement tronqué les débats parlementaires.
    La décision de censurer plus d’un tiers des articles de la loi « immigration » largement issus d’amendements parlementaires donne de ce fait l’impression d’un deux poids, deux mesures : le Conseil paraît appliquer les règles procédurales de manière plus pointilleuse à l’égard des parlementaires que du gouvernement.
    Enfin, cette décision laisse en suspens la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions particulièrement controversées, comme l’article 19, qui instaure une « préférence nationale » en restreignant l’accès à certaines prestations sociales non contributives pour nombre d’étrangers. Certes, il y a peu de chance que ces articles soient de nouveau discutés à court terme : on imagine mal la majorité présidentielle soutenir la réintroduction de dispositions qu’elle a contestées publiquement et que le gouvernement n’a pas défendues devant le Conseil constitutionnel.
    La question de la constitutionnalité de certains dispositifs va cependant inévitablement se reposer, au moins dans le cadre des campagnes électorales, dès lors que certains partis défendent cette « préférence nationale ». Le juge constitutionnel a manqué l’occasion de se prononcer au fond sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers. Une telle décision aurait pu informer les citoyens sur la compatibilité du programme politique de certains partis avec la Constitution, information qui apparaît d’autant plus nécessaire que la révision de la Constitution n’est pas chose aisée. Ainsi, si la décision du Conseil constitutionnel a le mérite d’empêcher la promulgation de dispositions contestables, elle ne marque pas pour autant un progrès de l’Etat de droit.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#constitution#preferencenationale#etranger#egalite#sante#droit

  • En France, les opposants à la loi immigration durcissent le ton contre sa promulgation - InfoMigrants
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    Actualités
    En France, les opposants à la loi immigration durcissent le ton contre sa promulgation
    Par FRANCE 24 Publié le : 22/01/2024
    Dernier coup de pression sur l’exécutif quatre jours avant une décision très attendue du Conseil constitutionnel. Entre 75 000 et 150 000 opposants à la loi sur l’immigration ont manifesté partout en France dimanche contre la promulgation d’un texte assimilé à une victoire idéologique « de l’extrême droite ».
    Plusieurs milliers d’opposants à la loi immigration sont descendus, dimanche 21 janvier, dans les rues de Paris, Bordeaux, Toulouse, Lille et ailleurs en France pour maintenir la pression contre la promulgation d’un texte qui consacre, selon eux, la victoire idéologique « de l’extrême droite » avant la décision du Conseil constitutionnel, le 25 janvier.
    En se ralliant à l’appel lancé initialement par 201 personnalités, les opposants veulent rassembler au-delà de la sphère militante traditionnelle pour faire pression sur l’exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté mi-décembre notamment avec les voix du Rassemblement national, sauf censure complète et surprise par les Sages.
    Quelque 75 000 manifestants, selon le ministère de l’Intérieur, 150 000 pour la CGT, se sont ralliés partout en France à l’appel lancé initialement par 201 personnalités, pour faire pression sur l’exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté mi-décembre notamment avec les voix du Rassemblement national, sauf censure complète et surprise par les Sages le 25 janvier
    Plus de 160 marches étaient prévues dans toute la France. Entre 3 000 et 4 000 manifestants selon les organisateurs, ont défilé dans les rues de Toulouse samedi. Plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Metz dimanche matin. À Caen, les syndicats ont revendiqué dimanche matin entre 1 500 et 2 000 manifestants.
    À Lille, environ 2 000 personnes ont défilé avec en tête de cortège des travailleurs de communautés Emmaüs du Nord, en grève depuis six mois pour dénoncer leurs conditions de travail et demander leur régularisation.
    Dans la manifestation parisienne, qui s’est élancée en début d’après-midi de la place du Trocadéro, quelques milliers de personnes étaient présentes dès le départ, avec plusieurs responsables de gauche. La préfecture de police y a comptabilisé 16 000 participants. La CGT, 25.000."Ca fait mal de voir qu’on nous a vendu le barrage républicain et que finalement le gouvernement calque le programme du Rassemblement national", a déploré Ethan Marie, lycéen en région parisienne.Manon Aubry (LFI), Marine Tondelier (Ecologistes), Fabien Roussel (PCF) et Olivier Faure (PS) ont fustigé un exécutif « qui a ouvert le pont levis aux idées de l’extrême droite », selon le premier secrétaire du PS. « Cette loi c’est une rupture avec les principes français depuis 1789 pour le droit du sol et depuis 1945 pour l’universalité de la protection sociale », a expliqué la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet qui a appelé à la mobilisation avec son homologue de la CFDT, Marylise Léon.
    Au milieu des pancartes brandies par les manifestants, « Immigration une chance pour la France », « La France est un tissu de migration », Mady Cissé, Sénégalais de 59 ans, intérimaire dans le bâtiment, apprécie un « soutien important » mais « aussi logique ». « On forme une seule et même société : sans nous, le pays ne fonctionnerait pas, c’est nous qui nous levons à 5 h du matin pour aller travailler dans le bâtiment, pour sortir les poubelles... même les bureaux des préfectures qui nous refusent les papiers, c’est nous qui les nettoyons ! », observe l’ouvrier qui dispose d’un titre de séjour temporaire.
    « Cette loi est une dérive vers l’extrême droite, sur le plan politique », a observé l’ancien ministre RPR et ex-Défenseur des Droits Jacques Toubon présent à Paris, "et sur le fond vers la préférence nationale, qui n’est pas conforme à nos principes fondamentaux et constitutionnels."Les auteurs de l’appel à manifester, dont de nombreuses personnalités du monde de la culture comme la comédiennes Josiane Balasko et l’autrice Alice Zeniter, demandent à Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi.En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial du gouvernement, donnant une coloration très à droite à cette loi qui devait initialement reposer sur deux volets, l’un répressif pour les étrangers « délinquants », l’autre favorisant l’intégration.
    Désormais, le texte comprend de nombreuses mesures controversées, comme le durcissement de l’accès aux prestations sociales, l’instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du « délit de séjour irrégulier ».
    Interrogée dimanche dans l’émission « Questions politiques » diffusée simultanément sur France Inter, FranceinfoTV et Le Monde, la ministre déléguée à l’Égalité hommes/femmes, Aurore Bergé, a nié que le texte mette en place « la préférence nationale ».
    La ministre a renvoyé à ses opposants la responsabilité de la montée du RN qui arrive actuellement en tête des sondages pour les futures élections européennes. « Instiller l’idée qu’on est en train de reprendre les thèses et les thèmes du Rassemblement national, là, c’est sûr, on leur donne une victoire idéologique », a-t-elle déclaré.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#manifestation

  • « La loi “asile et immigration” réduit les personnes étrangères au statut d’une force de travail »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/la-loi-asile-et-immigration-reduit-les-personnes-etrangeres-au-statut-d-une-

    « La loi “asile et immigration” réduit les personnes étrangères au statut d’une force de travail »
    Johanna Dagorn Sociologue
    Corinne Luxembourg Géographe
    Mars 2020, 20 heures, les applaudissements aux balcons saluent l’engagement professionnel de femmes et d’hommes qui œuvrent pour que perdure la vie : soin, ravitaillement, hygiène, parfois même éducation… Le pays découvrait ces personnes indispensables à la solidité et au fonctionnement de notre société, à nos communs. Mais l’applaudimètre n’a pas signifié une reconnaissance sociale, et encore moins financière. Une fois cette parenthèse passée, le monde n’a pas changé : les invisibles ont été ramenés à leur ancienne invisibilité.
    Ces femmes et ces hommes nettoient les rues, les bureaux ou livrent des repas. Leur réalité est marquée par des horaires de travail fragmentés, rendant leur temps libre pratiquement inutilisable. Pour la plupart, ils appartiennent à ces minorités visibles, indépendamment de leur nationalité. En 2021, selon l’Insee, 14 % des immigrés en emploi ont le statut d’indépendant. Les jeunes hommes qui livrent des repas à domicile sont dans des conditions de travail extrêmement précaires. La contractualisation à travers des plates-formes électroniques et les discriminations à l’embauche les rendent particulièrement vulnérables.
    Les dangers de la circulation, les conditions météorologiques difficiles et la baisse de revenus de 10 % à 30 % actuellement constatée par les livreurs des plates-formes accentuent encore leur vulnérabilité. Les livreurs doivent couvrir des distances de plus en plus grandes pour tenter de maintenir leurs revenus. Dans ce contexte, le faible coût de livraison imposé par les plates-formes place les personnes consommatrices dans la position d’être servies presque instantanément, leur permettant d’employer de fait une domesticité systématiquement « invisibilisée ».
    Quant aux femmes, elles occupent une part significative des emplois liés au secteur des soins à la personne, le « care » : d’après une étude de la Dares, en 2021, 13 % des femmes immigrées en emploi travaillent comme agentes d’entretien. Ce chiffre est plus élevé que celui des femmes non immigrées en emploi, qui est de 6 %. Les femmes immigrées représentent par ailleurs 6 % des aides à domicile et aides ménagères et 9 % des aides-soignantes et assistantes maternelles.
    En utilisant comme base de l’octroi aux sans-papiers du titre de séjour « métiers en tension » la liste de ces métiers par région publiée au Journal officiel, la loi « asile et immigration » votée le 20 décembre 2023 réduit les personnes étrangères au statut d’une force de travail. Anonymes et réinvisibilisés, déchus de cette fugace reconnaissance nationale, ces femmes et ces hommes ne sont considérés que comme des bras et des corps dévolus à l’économie. Ils vivent de plus en plus souvent l’injonction à rejoindre un auto-entrepreneuriat aux allures de salariat déguisé pour les hommes, ou les métiers de service à la personne mal considérés et mal rémunérés pour les femmes immigrées, qui, au lieu de connaître le plafond de verre, butent sur un plancher collant.
    La loi « asile et immigration », si elle est promulguée, renforcera les inégalités sociales et discriminatoires entre les hommes, les femmes et les personnes désignées comme « éloignées de l’emploi » ou réduites à leur employabilité. Dans une logique adéquationniste, il reviendrait une nouvelle fois aux personnes les plus faibles de répondre aux exigences du marché. Au lieu de poser les bonnes questions, comme celle de la reconnaissance sociale et économique des métiers qui soutiennent nos sociétés, le « marché », soutenu par le législateur, va trier les « bons » et les « mauvais » immigrés, c’est-à-dire ceux qui s’adapteront ou non à cette logique adéquationniste. Cette approche, outre qu’elle pose des questions de justice sociale et économique, néglige une réflexion sur la véritable valeur de ces métiers pour nos sociétés.
    L’ambivalence de cette loi réside dans sa capacité à escamoter le besoin économique dans un tour de passe-passe idéologique tout en rendant visibles, mais sous un autre angle, ces personnes invisibles. Voilà les anciens « premiers de corvée » du Covid-19 à nouveau désignés comme la source principale des problèmes nationaux. Criminalisés par la loi « immigration », ils seront discriminés, au sens de la loi du 16 novembre 2001 sur les vingt-cinq critères de discrimination, puisque, au titre d’une origine nationale non communautaire, le droit pénal ne s’appliquera plus de la même façon sur le sol national.
    En pratique, cette loi interdira durant cinq ans l’obtention de prestations sociales, telles les allocations logement ou familiales. Elle établira des quotas annuels pour les entrées sur le territoire, durcira les conditions d’obtention du titre de séjour, exigera une caution pour les étudiants étrangers, donnant de fait la priorité aux étudiants ayant des ressources financières. De plus, elle vise à instaurer la primauté au droit du sang sur le droit du sol.
    Les législateurs ayant voté cette loi ont donc décidé de rendre ces personnes définitivement visibles d’un point de vue pénal. De plus, ils ont entaillé la lutte institutionnelle contre les discriminations en s’attaquant à l’un des critères de la loi de 2001. Cette approche soulève des préoccupations quant à l’équité et à la justice, remettant en question la protection des droits fondamentaux. Le vote de ce texte va au-delà d’un simple renforcement des frontières ethniques. Il représente une fissure dans le pacte républicain d’égalité.
    Johanna Dagorn est sociologue (université de Bordeaux) ; Corinne Luxembourg est géographe (université Sorbonne-Paris-Nord)

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#economie#maindoeuvre#discrimination#droit#travailleurmigrant#egalite

  • Loi « immigration » : le risque d’une généralisation des droits différenciés pour les étudiants étrangers
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    Loi « immigration » : le risque d’une généralisation des droits différenciés pour les étudiants étrangers
    Par Minh Dréan
    C’était l’une des mesures les plus décriées du plan « Bienvenue en France », présenté par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal. Depuis 2019, les étudiants étrangers doivent s’acquitter de droits d’inscription plus élevés que les candidats européens. Plusieurs universités s’étaient jusqu’ici engagées à ne pas mettre en place ce principe, mais la récente loi « immigration », en inscrivant celui-ci dans le code de l’éducation, rendrait obligatoire son application.
    En déplacement au salon d’orientation postbac de Paris-La Villette, vendredi 12 janvier, Sylvie Retailleau, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, reconduite au sein du nouveau gouvernement, a assuré avoir obtenu des engagements « forts » auprès du président de la République, Emmanuel Macron. Une manière de rassurer la communauté universitaire, qui avait fermement condamné les dispositions de la loi « immigration », dont la généralisation des droits différenciés. Ceux-ci ne sont pas une nouveauté. Depuis 2019, les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne) qui souhaitent s’inscrire à un diplôme national de licence, de master ou de cycle d’ingénieur doivent débourser 2 270 euros pour une licence et 3 770 euros pour un master, contre 170 et 243 euros pour le reste des candidats.
    Le ministère avait cependant accordé, par décret, aux facultés la possibilité d’exonérer de droits d’inscription 10 % de leurs étudiants. Un dispositif que les présidents ont massivement choisi d’utiliser en faveur des candidats extracommunautaires. Ainsi en 2023, 57 % des universités (soit 42 d’entre elles) ont exonéré l’intégralité des étudiants étrangers, selon un décompte publié par l’agence de presse spécialisée AEF. Elles sont 16 (22 %) à en exonérer une partie, selon des critères académiques, de nationalités ou linguistiques. Seules 13 universités (18 %) appliquent complètement les frais majorés.
    Selon la vice-présidente de l’université Paris-II Panthéon-Assas, Emmanuelle Chevreau, à la rentrée 2023, ces frais majorés, mis en place par l’administration précédente, ont concerné 900 étudiants – sur les 3 000 candidats étrangers accueillis. Ces derniers peuvent ensuite faire une demande d’exonération partielle. « Ensuite, 50 % des demandes sont acceptées selon des critères économiques et sociaux. Cette année, seuls 10 % des étudiants en ont fait la demande », indique-t-elle.
    En pratique, rares sont les étudiants qui payent l’intégralité des frais : sur les 96 600 étudiants inscrits à la rentrée 2021, ils ne sont même que 6 %, indique une note du service statistique et analyse de l’enseignement supérieur parue en mars 2023. Près de 17 % en sont totalement exonérés, le reste bénéficiant d’exonérations partielles, décidées par l’établissement ou via des bourses du gouvernement et d’ambassade. A l’université de Limoges, jusqu’en 2021, la présidence avait refusé de faire payer davantage aux étudiants étrangers. Mais la nouvelle équipe, elle, a fait un autre choix. « Nous avons simplement décidé de respecter la loi », souligne le vice-président de l’établissement, Laurent Bourdier, qui réfute « toute considération idéologique ».
    « Nous avons essayé de faire quelque chose d’équilibré en mettant en place plusieurs garde-fous et surtout en jouant sur le jeu des exonérations par le biais d’attribution de bourses d’excellence », détaille-t-il. Sur les 2 000 étudiants étrangers accueillis sur le campus de Limoges, seuls 420 se sont bien acquittés des frais dans leur intégralité. « Le système reste imparfait, il y a eu quelques remous, ça a été difficile d’introduire les droits d’inscription différenciés auprès de nos équipes, reconnaît M. Bourdier. Je ne minimise pas le fait qu’il s’agit de frais importants qui peuvent freiner certains candidats. »
    Ces droits différenciés avaient été présentés par le ministère comme une manne financière devant permettre un meilleur accueil de ces étudiants. « Nous avons un devoir d’exemplarité envers tous ceux qui s’acquittent de ces frais », assure le responsable. A Limoges, ce sont donc 90 000 euros qui sont consacrés à l’accompagnement « individualisé » des étudiants étrangers. Entre 600 000 et 700 000 euros sont dévolus à l’agrandissement du campus international. En tout, les droits d’inscription différenciés rapporteraient environ 900 000 euros à l’établissement.
    D’autres universités arguent qu’elles n’ont pas d’autre choix que d’appliquer ces droits. C’est le cas à l’université de Strasbourg, où pour la première fois, en 2024, l’établissement appliquera les droits différenciés pour les étudiants étrangers puisque le seuil d’exonération de 10 % devrait être dépassé. Une règle a toutefois été décidée : exonérer complètement les étudiants en licence mais faire payer ceux arrivant en master. Certaines universités résistent pourtant tant bien que mal. A Rennes-II, les candidats étrangers représentent 15 % de la population étudiante (23 000) et 85 % d’entre eux sont des étudiants extracommunautaires. Vincent Gouëset, le président de l’université, s’était opposé, dès 2019, à la mise de cette mesure en pointant du doigt la « rupture d’égalité » pour les étudiants étrangers issus de milieux défavorisés. « Le choix de ne pas appliquer ces droits différenciés nous conduit à dépasser le seuil des 10 % autorisé, c’est un choix assumé qui répond aux valeurs d’inclusion et de justice sociale portées par l’établissement, le rectorat en est informé et ne nous a rien dit », déclare le président, conscient que l’adoption de la loi sur l’immigration pourrait pousser le rectorat à lui imposer une application plus stricte des textes.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#etudiant#inegalite#université

    • « Dans la logistique, la loi immigration va faire des ravages ». Billet de Pierre, ouvrier
      https://www.revolutionpermanente.fr/Dans-la-logistique-la-loi-immigration-va-faire-des-ravages-Bill

      Fin décembre, le gouvernement a imposé ce qui est sans doute la loi la plus brutale et la plus raciste de l’Histoire de la V° République. Une loi qui va avoir d’énorme conséquences dans le monde du travail et notamment la logistique. Billet de Pierre, ouvrier et délégué syndical dans le secteur de la logistique.

      L’année 2023 s’est terminée avec l’adoption de l’une des lois les plus brutales envers les immigrés que la 5eme république ait connu. La loi immigration constitue une énorme offensive réactionnaire du gouvernement, avec l’appui de la droite et de l’extrême-droite. Remise en cause du droit du sol, durcissement des conditions de regroupement familial, modification de la « régularisation par le travail » : cette loi est une attaque globale qui touche aujourd’hui des millions de personnes en France, en particulier des travailleuses et des travailleurs des secteurs les plus précaires, des salariés du bâtiment jusqu’aux ouvrières et ouvriers du nettoyage, des CDI jusqu’aux intérimaires. Ces fameux travailleurs essentiels qui font des travaux difficiles et mal payés, ce sont eux qui seront les premiers attaqués.

      Concrètement, dans l’entrepôt de logistique ou je travaille, la grande majorité de mes collègues sont issus de l’immigration. Mais ce n’est pas une réalité seulement dans mon entrepôt. Comme l’explique la sociologue du travail Carlotta Benvegnù dans un article de Socialter les salariés dans la logistique « sont aujourd’hui environ 800 000, et même 1,5 million en comptant le transport. 80 % sont des hommes, pour la plupart racisés, et la grande majorité sont des ouvriers. En 2021, 13 % des emplois ouvriers en France relevaient ainsi du secteur de la logistique ». Il faut ajouter qu’« en France, le secteur de la logistique fait un recours massif au travail temporaire, avec près d’un quart des effectifs ouvriers en intérim, auxquels s’ajoutent 10 % de contrats à durée déterminée (CDD) » d’après une étude publiée par la Dares en 2020. Ces quelques données suffisent à comprendre que, dans la logistique, c’est une majorité des ouvrières et ouvriers qui sont directement concernés par les mesures de la loi immigration.

      Alors que la loi n’est pas encore promulguée, la situation est déjà catastrophique, avec des cas variés, du travailleur sans-papiers à la personne en attente du renouvellement de carte de séjour. Comme si cela ne suffisait pas, nombre de collègues sont aussi touchés « indirectement », que cela soit pour des membres de leurs familles présents en France, des proches ou des amis. Dans ce cadre, l’annonce de la loi et le durcissement des conditions pour obtenir des papiers, titres de séjour etc. va rendre la situation plus dramatique pour ceux déjà touchés… et mettre en difficulté des travailleurs étrangers supplémentaires En d’autre terme, dans la logistique comme ailleurs, la loi immigration va faire des ravages.

      Mais la nouvelle loi alimente aussi deux mythes qu’il faut déconstruire :

      Le premier est de penser que la demande de régularisation serait plus facile en tant que travailleur. En effet, parmi les mesures de la loi, il n’y aura plus besoin du certificat de l’entreprise pour une régularisation par le travail dans les métiers « en tension », ce qui est le cas pour la logistique. Certains collègues voient ce changement comme plutôt positif puisqu’il ne sera plus nécessaire de demander ce document à son patron. Malheureusement, cette disposition s’accompagne d’une batterie de mesures rendant plus difficile l’accès à la régularisation par le travail : non seulement les autres conditions nécessaires sont durcies (notamment le nombre de mois consécutifs au travail) mais surtout le pouvoir des préfets pour valider ou non ces régularisations sera renforcé ! Il ne faut pas se faire d’illusions quant au rôle des préfets qui sont sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur. Tout sauf une amélioration donc…

      Le deuxième mythe, alimenté par une propagande médiatique intense et sans interruption, serait que cette loi ne concernerait que les travailleurs étrangers. Derrière ça, le gouvernement cherche à nous diviser, surtout après les récents mouvement sociaux où on a vu que les travailleurs pouvaient s’unir pour s’opposer au gouvernement notamment contre la réforme des retraites. En réalité, laisser passer cette loi qui s’attaque à des travailleurs en leur conditionnant des aides selon leur nationalité c’est ouvrir la voie à toutes les attaques qui sont déjà annoncées contre les plus précaires, sur le RSA ou l’assurance chômage, ou bien encore la « nouvelle loi travail » qui attaquera l’ensemble des travailleurs, quelque soit leur nationalité.

      Au contraire, se battre tous ensemble contre la loi immigration, c’est refuser leur jeu de la division et potentiellement infliger un recul à un gouvernement anti-travailleur, pour mieux préparer les combats à venir dans les prochains mois. Il faudra être nombreux à dénoncer cette loi dans la rue. Aussi dans nos entreprises, ça va être décisif de dénoncer la loi immigration comme on l’a fait avec notre syndicat CGT ID Logistics Région Ouest pour montrer à nos collègues qu’ils ne sont pas seuls à affronter ces attaques racistes.

  • Loi sur l’immigration : « Le marchandage portant sur l’aide médicale d’Etat est surréaliste, pour ne pas dire obscène »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/10/loi-sur-l-immigration-le-marchandage-portant-sur-l-aide-medicale-d-etat-est-

    Loi sur l’immigration : « Le marchandage portant sur l’aide médicale d’Etat est surréaliste, pour ne pas dire obscène »
    Tribune Smaïn Laacher Sociologue
    Marie Rose Moro Pédopsychiatre
    La nouvelle loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » n’est pas un texte « fasciste » ou « raciste » comme cela a été dit ici et là. Elle est cependant indéniablement restrictive au sens où elle complique, rend aléatoires, voire supprime des droits fondamentaux.Bien entendu, si on la compare avec l’arsenal juridique en matière d’immigration et d’asile d’un certain nombre de pays de l’Union européenne (UE), il ne sera pas difficile de trouver « pire » que la France. C’est la Hongrie qui a construit une clôture de près de 4 mètres de haut à sa frontière avec la Serbie pour s’opposer au passage des migrants dans les Balkans.
    Alors que l’Assemblée nationale votait la loi relative à l’immigration le 19 décembre 2023, les représentants des vingt-sept Etats membres de l’UE parvenaient, le lendemain, à un accord sur le futur pacte migratoire.
    Mais ce qui apparaît à la limite de la caricature de la part de nos politiques et de nos législateurs, c’est le marchandage quasi surréaliste, pour ne pas dire obscène, portant sur l’aide médicale d’Etat (AME). Pourquoi considérer l’AME comme un « cavalier législatif » [un amendement dépourvu de lien, même indirect, avec le texte de loi examiné] ? Pourquoi les enjeux de santé des migrants sont-ils détachés des enjeux de santé liés aux conditions d’existence des fractions les plus précaires des classes populaires ?
    L’Organisation mondiale de la santé affirme que les questions de santé ne se caractérisent pas nécessairement par l’absence de maladie ou d’infirmité. Pour cette institution, la santé représente « l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». On peut parler de la « santé des migrants ». Mais si l’on veut être un tant soit peu rigoureux, nous devrions parler d’inégalités dans les domaines de la santé publique et de la santé au travail. Il suffit de prendre un seul exemple souvent cité lors de la pandémie de Covid-19 : celui des « livreurs ».
    De grandes villes comme Paris, en 2021, et Bordeaux, en février 2023, ont mis à la disposition de ces travailleurs ultra-précaires des plates-formes de livraison des lieux d’accompagnement appelés « Maisons des livreurs ». Médecins du monde et la Maison des livreurs à Bordeaux ont alerté sur « les morts brutales, la souffrance physique et psychique des livreurs ».
    Combien sont-ils à perdre la vie au « travail » ? Combien se blessent en chutant de leur moyen de locomotion ? Personne ne le sait. Et pour cause, ce ne sont pas des salariés, mais des « indépendants » non couverts par la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui disparaissent des statistiques. Ils ont généralement moins de 30 ans et sont le plus souvent sans titre de séjour. Des « clandestins » qui livrent députés, élus, hauts fonctionnaires, familles, etc.
    Comment cette inégalité de soins se traduit-elle concrètement ? De la manière suivante : si les livreurs ne se rendent pas chez un médecin, c’est parce qu’ils passent parfois quinze heures par jour sur leur vélo, six jours sur sept, par tous les temps. Se rendre chez le médecin parce qu’on est saisi de troubles musculo-squelettiques ou même d’une pathologie infectieuse, c’est ne plus rouler, et donc perdre une somme vitale pour survivre. Ce constat est établi par tous les professionnels de santé.Les Républicains et le Rassemblement national ont exigé d’une même voix la suppression de l’AME pour les sans-papiers. Quelle hypocrisie ! La droite estime que l’AME est trop généreuse par rapport aux dispositifs en vigueur dans l’UE et qu’elle constitue, argument central, un « appel d’air » pour tous les immigrés de la terre. Cette notion d’appel d’air est, n’ayons pas peur des mots, une escroquerie intellectuelle. Les enquêtes statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques montrent que, plusieurs années après leur arrivée, de nombreux immigrés (entre 30 % et 50 %) sont partis ailleurs. Dans le Calaisis [Pas-de-Calais et Nord], les étrangers en situation irrégulière, dans leur écrasante majorité, n’ont qu’un seul désir : partir au Royaume-Uni.
    L’appel d’air n’est donc pas un fait avéré. Ce qui est démontré, c’est que l’aide médicale d’urgence, qui remplacera probablement l’AME, lorsqu’elle sera votée, provoquera inexorablement « une augmentation du recours aux soins hospitaliers urgents, plus complexes et plus coûteux ». Ce sont des professionnels, dotés d’une solide et longue expérience, qui l’affirment dans un texte commun signé notamment par de nombreuses sociétés savantes médicales et par le syndicat SAMU-Urgences de France.
    Dans le total des dépenses de l’AME, l’hôpital tend à diminuer au profit de la médecine de ville : il représentait environ 62 % des dépenses en 2020, contre environ 69 % en 2010. Dans ces dépenses hospitalières, la psychiatrie et les soins de suite représentent respectivement 14 % et 12 %, selon un rapport de l’ancien ministre Claude Evin et du haut fonctionnaire Patrick Stefanini. Il n’est pas difficile de percevoir l’enjeu fondamental : il y a un accès très inégal à la médecine non seulement d’urgence, mais dans le soin portant sur les conséquences somatiques et psychiques de ce que les migrants ont vécu dans leur pays d’origine et, particulièrement pour les femmes et les enfants, sur le chemin de l’exil.
    Nous pensons qu’il est infondé de réduire les migrants à des êtres « vulnérables » en quête de soins. Cette vision du migrant vulnérable n’a rien à voir avec l’intégration. Il ne s’agit pas, socialement et politiquement, de la question de la fragilité individuelle des migrants, mais, bien plus largement et fondamentalement, de la capacité d’une société à insérer socialement les plus fragilisés à cause de ce qu’ils ont vécu, à cause de ce qu’ils vivent. Autrement dit, il s’agit de les aider à construire, individuellement et collectivement, du lien social. Si l’on privilégie la faiblesse personnelle, alors le danger est grand de faire porter à l’individu seul la défaillance de nos systèmes d’intégration sociale.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#AME#loiimmigration#santepublique#santementale#exil#integration

  • Loi « immigration » : quand le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tance Emmanuel Macron sur l’Etat de droit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/08/loi-immigration-quand-le-president-du-conseil-constitutionnel-laurent-fabius

    Loi « immigration » : quand le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tance Emmanuel Macron sur l’Etat de droit
    Par Abel Mestre
    Dans l’exercice policé des vœux, il est parfois utile d’avoir de l’expérience en langage diplomatique. C’est le cas de Laurent Fabius. Le président du Conseil constitutionnel, ancien premier ministre (1984-1986) et ancien ministre des affaires étrangères (2012-2016), n’a pas son pareil pour faire passer certains messages. Et il ne s’en est pas privé lundi 8 janvier lors de ses vœux (à huis clos) au président de la République.
    Au cœur des reproches : la manière dont l’exécutif s’est comporté avec le Conseil constitutionnel, fin décembre 2023, lors de l’adoption de la loi « immigration ». Gérald Darmanin, d’abord, Elisabeth Borne, ensuite et Emmanuel Macron, enfin, ont tous reconnu que le texte comportait des dispositions contraires à la Constitution. Des sorties qui avaient fait s’étrangler de nombreux juristes. Ainsi, Patrice Spinosi, avocat aux conseils et spécialistes des droits humains, estimait-il fin décembre « qu’il y a une volonté d’aller questionner les limites de la jurisprudence constitutionnelle et de créer une tension entre la volonté politique et les gardiens de l’Etat de droit ».
    Apparemment, M. Fabius partage cet avis. « Monsieur le président, je soulignais au début de mon propos que le Conseil constitutionnel n’était ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois, et j’ajoutais que cette définition simple n’était probablement pas ou pas encore intégrée par tous, a ainsi lancé l’ancien chef du gouvernement. Deux mille vingt-trois nous a en effet frappés, mes collègues et moi, par une certaine confusion chez certains entre le droit et la politique. On peut avoir des opinions diverses sur la pertinence d’une loi déférée, on peut l’estimer plus ou moins opportune, plus ou moins justifiée, mais tel n’est pas le rôle du Conseil constitutionnel. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. » Et de citer son « prédécesseur et ami Robert Badinter », autre socialiste qui présida le Conseil constitutionnel (1986-1995) : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. »
    Une fois ce rappel fait, M. Fabius ne s’est pas arrêté là. « Sauf à prendre le risque d’exposer notre démocratie à de grands périls, ayons à l’esprit que, dans un régime démocratique avancé comme le nôtre, on peut toujours modifier l’Etat du droit mais que, pour ce faire, il faut toujours veiller à respecter l’Etat de droit, qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de légalité et l’indépendance des juges, a encore insisté M. Fabius. Il y a bientôt cinquante ans que la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’affirme en ces termes : c’est dans le respect de la Constitution que la loi exprime la volonté générale. » En clair, le président du Conseil constitutionnel rappelle les bases d’un « Etat de droit » au chef de l’Etat, notamment cette règle : on ne peut pas voter une loi dont on sait que certaines dispositions sont contraires à la loi fondamentale.
    Plus largement, M. Fabius a longuement développé la notion d’Etat de droit aussi bien au niveau national qu’au niveau européen, alors que la liste menée par Jordan Bardella (Rassemblement national) est donnée favorite aux élections européennes de juin. Et il lance un avertissement, cette fois à une partie de la droite et à l’extrême droite, qui dénoncent de concert « le gouvernement des juges », plaident pour le recours systématique au référendum, et pour sortir également de ce qu’ils appellent le « carcan européen ». « Un sophisme se fait entendre selon lequel il faudrait se libérer de l’Etat de droit, soit au plan national, soit au plan européen, soit les deux, pour accomplir la volonté générale », note ainsi M. Fabius, qui évoque même un « pacte faustien ». Et de dénoncer « la “martingale des refus” – refus de la légitimité des juges, refus de plusieurs de nos engagements européens, refus de l’Etat de droit » qui, selon lui, « nous ferait rompre avec l’Europe et mettrait en cause notre démocratie elle-même ». Pour conclure son allocution, Laurent Fabius a répété la détermination des neuf juges constitutionnels « à veiller à ce que ne connaisse aucune éclipse le respect de la Constitution et de l’Etat de droit ». Une promesse qui sonne comme un rappel à l’ordre. Le Conseil constitutionnel se prononcera le 25 janvier sur la loi immigration adoptée mi-décembre.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#conseilconstitutionnel#etatdedroit#droit

  • « Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/08/faire-appel-a-davantage-de-main-d-uvre-etrangere-est-devenu-une-necessite-vi

    « Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
    Gianmarco Monsellato
    Président de Deloitte France et Afrique francophone
    Alors que la loi française sur l’immigration adoptée le 19 décembre est très restrictive, l’avocat Gianmarco Monsellato explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la France a besoin des compétences étrangères pour préparer l’économie de demain.
    Les débats actuels l’illustrent : l’immigration tend à être abordée exclusivement à travers un prisme social et politique, et beaucoup trop peu à travers un prisme économique. Parasitées par les débats sécuritaires et identitaires, les discussions qui ont entouré l’examen puis le vote du projet de loi au Parlement n’ont pas fait toute sa place à une question pourtant centrale : comment former et attirer les talents qui occuperont les emplois que va créer l’économie de demain ?
    Nous nous trouvons face à un déficit de main-d’œuvre, sur fond de ralentissement démographique, avec une raréfaction de la ressource travail et une pénurie de compétences dont souffrent déjà les entreprises aujourd’hui. Une pénurie qui se constate à tous les niveaux : dans des grands groupes, mais plus largement sur l’ensemble du tissu économique.
    Une étude récente du Lab de Bpifrance sur la pénurie de talents dans les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) industrielles posait ainsi les bases d’un débat serein sur l’immigration économique, de manière globale et chiffrée, en montrant les besoins colossaux d’emplois à pourvoir (400 000 emplois supplémentaires d’ici à 2035 dans l’industrie).
    Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale. On peut regretter que la discussion sur les fameux « métiers en tension » soit restée trop focalisée sur les emplois – souvent peu qualifiés – à pourvoir aujourd’hui. Mais les métiers en tension de demain, dont il faut se préoccuper vite, ce sont aussi tous ces emplois hautement qualifiés qui n’existent pas encore ! Ceux induits par les révolutions technologiques, par la mutation climatique, et ceux qui serviront à faire le lien entre toutes ces transitions, par leur capacité à synthétiser et mettre en perspective les nouvelles problématiques.
    Nous sommes d’ores et déjà entrés dans une compétition mondiale pour attirer ces talents. Or, force est de constater que notre système actuel n’y parvient pas suffisamment.Deux indicateurs éloquents pour s’en rendre compte : d’après le Conseil d’analyse économique, seulement 10 % de l’immigration en France est liée aux compétences – un chiffre bien inférieur à celui de nos voisins européens. Et sur l’index mondial de compétitivité des talents publiée par l’Insead, la France figure au 19e rang, loin derrière l’Allemagne. Il y a donc bien un sujet fondamental d’attractivité !
    La compétition est particulièrement marquée dans la tech. La transformation numérique et l’automatisation modifient la nature du travail, augmentant la demande pour des compétences en informatique, en analyse de données ou en intelligence artificielle. Il y a un écart entre les compétences enseignées et celles demandées par le marché du travail.
    L’immigration de main-d’œuvre qualifiée peut et doit aider à combler cet écart. En 2050, la moitié des jeunes diplômés seront originaires d’Afrique ; le niveau des étudiants africains en mathématiques est souvent supérieur à celui observé en France au lycée… Ignorer ce réservoir de talents serait une erreur stratégique majeure pour notre économie.
    L’enjeu devrait donc être de plus en plus de créer des régimes fiscaux et sociaux favorables, d’abaisser le coût du travail pour attirer cette main-d’œuvre étrangère. De nombreux pays l’ont fait. Les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et l’Allemagne et même, récemment, le Japon, ont adopté des politiques ambitieuses en matière d’immigration. En France, ces politiques résolument volontaristes n’existent pas, ou peu. La question de l’immigration ne doit pas se limiter à un – légitime – débat politique. Elle est au cœur de la stratégie économique des Etats. Attirer des talents au-delà de ses frontières, c’est pour l’Europe une des conditions pour rester compétitive. L’apport des talents étrangers à l’économie française n’est pas seulement une question d’inclusion, c’est un levier de performance – et, in fine, une source de souveraineté.

    #Covid-19#migration#migrant#loiimmigration#migrationqualifiee#economie#talent#strategie#souverainete#inclusion#maindoeuvre#metierentension#france

  • Loi « immigration » : les associations déterminées avant l’examen devant le Conseil constitutionnel
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/05/loi-immigration-les-associations-determinees-avant-l-examen-devant-le-consei

    Loi « immigration » : les associations déterminées avant l’examen devant le Conseil constitutionnel
    Par Abel Mestre
    Maintenir coûte que coûte la pression, c’est l’état d’esprit des opposants à la loi « immigration ». Voté le 19 décembre 2023, le texte comporte, selon l’exécutif lui-même, plusieurs mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel. Saisis par le président de la République, Emmanuel Macron, mais aussi par l’opposition de gauche, les neuf juges constitutionnels doivent se prononcer d’ici à la fin du mois de janvier sur la conformité du texte. D’ici là, les partis de gauche, les associations, les syndicats et de nombreux juristes essaient d’organiser la riposte.
    Cette dernière se mène sur plusieurs fronts. Juridique, d’abord. Plusieurs « contributions extérieures » (également appelées « portes étroites ») seront adressées au Conseil par des personnes physiques ou morales concernées par la loi « immigration ». Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes et spécialiste du droit des étrangers, a été la cheville ouvrière de cette initiative. L’universitaire a été marqué par le nombre de ses collègues qui ont participé à ce travail, beaucoup plus nombreux qu’à l’ordinaire. « Cela dépasse le noyau dur habituel », estime-t-il. Selon lui, la loi « immigration » « est très mal rédigée, très mal ficelée et va être un nid à contentieux et poser beaucoup de problèmes d’interprétation ».
    Ces contributions extérieures sont organisées par thèmes (nationalité, étudiants internationaux, protection sociale et hébergement d’urgence, étrangers gravement malades, asile, mineurs non accompagnés, contentieux judiciaire et rétention…) et ont été élaborées par des universitaires et des responsables associatifs. Elles donnent donc tous les arguments juridiques pour appuyer une censure des dispositions visées, voire une censure globale du texte.
    Autre secteur qui se mobilise : celui des associations et des syndicats. Quarante-cinq organisations parmi les plus importantes – entre autres : Attac, la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs, la Ligue des droits de l’homme, France Terre d’asile, la Cimade, Oxfam, la CFDT, la CGT – dénoncent « un point de bascule pour [les] principes républicains ». Les signataires donnent rendez-vous avant fin janvier « pour poursuivre cette dynamique de rassemblement, demander au président de la République de surseoir à la promulgation de la loi, intensifier et élargir la mobilisation contre ce texte et son idéologie ». Problème : on ne sait pas quelle forme prendra cette mobilisation. « La loi fait l’unanimité contre elle, d’où le nombre de signataires. Mais sur les modes d’action, on est un peu dans l’expectative, confesse Manuel Domergue, de la Fondation Abbé Pierre. Les cultures sont différentes et nous sommes dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel. »
    D’autres ne sont pas aussi patients : plusieurs organisations, parmi lesquelles le Groupe d’information et de soutien des immigrés, La France insoumise (LFI) ou Europe Ecologie-Les Verts, ainsi que plusieurs collectifs de sans-papiers, ont d’ores et déjà appelé à « manifester massivement sur tout le territoire le dimanche 14 janvier pour empêcher que cette loi soit promulguée ». Car c’est là tout le paradoxe des larges fronts d’opposition : il est parfois difficile de mettre tout le monde d’accord sur la marche à suivre. Ainsi, certains poussent pour organiser un grand meeting unitaire où chacun pourrait s’exprimer. L’avantage de cette solution est que le risque est minimal : il suffit de réserver une salle un peu petite pour donner l’illusion du nombre. En revanche, rien de pire qu’une manifestation qui ne fait pas le plein pour casser un mouvement naissant… Les partisans des manifs, eux, rappellent qu’en 1997 les cortèges contre les lois Debré sur l’immigration avaient fait le plein (jusqu’à 100 000 personnes à Paris)…
    Ce dilemme, les partis politiques en ont conscience. La France insoumise pousse pour que la démarche soit unitaire. « Il y a plusieurs cadres de discussion. On souhaite qu’il y ait tout le monde la même date, notamment les premiers concernés, comme la Marche des solidarités et les collectifs de sans-papiers, de même que les syndicats, associations, forces politiques opposés a la loi Darmanin », note Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis. Surtout, une difficulté majeure s’ajoute : l’articulation avec les mobilisations pour la Palestine. Il est vrai que ces rassemblements concernent, en très grande partie, les mêmes organisations, le même milieu militant. Comment faire pour ne pas se marcher sur les pieds et ne pas abandonner un combat au profit de l’autre ? Une solution pourrait être une grande mobilisation mêlant les deux questions, sur le mode de la « convergence des luttes », mais le risque est de brouiller les messages. Une chose est sûre : la décision du Conseil constitutionnel ne réglera pas tout. Le scénario le plus probable est la censure (sur le fond ou comme « cavaliers législatifs », c’est-à-dire sans lien avec la loi) des dispositions les plus « aberrantes », selon l’expression de Serge Slama. Pourraient ainsi être concernées plusieurs mesures issues des amendements présentés par la droite, comme, par exemple, les mesures touchant aux prestations sociales ou celles sur le regroupement familial. Ces censures seraient une sorte de victoire à la Pyrrhus pour les opposants. En effet, le cœur du texte du gouvernement serait validé. Et il serait encore plus difficile de mobiliser contre une loi qui aura perdu ses aspects les plus clivants.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#droit#conseilconstitutionnel#syndicat#association#securitesociale#regroupementfamilial

  • Les expulsions d’étrangers délinquants en hausse de 30 % en 2023, selon le ministère de l’intérieur
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/04/les-expulsions-d-etrangers-delinquants-en-hausse-de-30-en-2023-selon-le-mini

    Les expulsions d’étrangers délinquants en hausse de 30 % en 2023, selon le ministère de l’intérieur
    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 12h16, modifié à 13h25
    Deux semaines après l’adoption dans la douleur de la loi immigration, qui prévoit de faciliter l’éloignement des étrangers, le bilan annuel des expulsions est déjà en hausse par rapport à 2022. Au total, 4 686 étrangers délinquants ont été expulsés en 2023, soit 30 % de plus qu’en 2022, a annoncé, jeudi 24 janvier, le ministère de l’intérieur à l’Agence France-Presse (AFP), confirmant une information du Figaro.
    Dans le détail, 4 686 étrangers délinquants ont été expulsés en 2023, contre 3 615 en 2022 et 1 800 en 2021, a précisé le ministère. Beauvau communique ces chiffres le jour où la Cour des comptes rend un rapport sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Les principales zones de destination des personnes expulsées sont, dans l’ordre, le Maghreb, l’Afrique subsaharienne et l’Europe centrale. Ces chiffres correspondent aux « éloignements effectifs à la sortie de centre de rétention administrative et aux mises à exécution des arrêtés ministériels d’expulsion », précise-t-on place Beauvau. Cela n’inclut pas les personnes expulsées en raison de leur inscription au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Gérald Darmanin, qui a réuni les préfets, jeudi matin, au ministère de l’intérieur, « s’est félicité de ce premier bilan » et leur a demandé d’« accélérer encore en la matière, notamment grâce aux apports de la loi immigration dès lors que celle-ci sera promulguée », a confié à l’AFP son entourage.
    Le texte, sur lequel le Conseil constitutionnel doit encore statuer avant qu’il ne soit promulgué, prévoit notamment l’expulsion d’étrangers délinquants en situation régulière, même ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou ayant un conjoint français.
    Jeudi, la Cour des comptes a appelé l’Etat à « mieux s’organiser » pour les expulsions d’étrangers. Dans un rapport qui détaille la « politique de lutte contre l’immigration irrégulière », les rapporteurs ont jugé que l’administration gagnerait à recalibrer une stratégie pour l’heure « inefficace », qui repose surtout sur la délivrance massive d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
    « Ce découplage entre le nombre de mesures d’éloignement prononcées et leur exécution effective démontre les difficultés de l’Etat à faire appliquer, y compris sous la contrainte, ses décisions particulièrement nombreuses », a observé la Cour des comptes, soulignant que « seule une petite minorité – autour de 10 % – des OQTF sont exécutées ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#OQTF#immigration#loiimmigration#eloignement#expulsion#CRA#etranger#migrationirreguliere

  • « La loi sur l’immigration est étriquée, erronée et dangereuse d’un point de vue économique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-est-etriquee-erronee-et-dangereuse-d-un-point-de-vu

    « La loi sur l’immigration est étriquée, erronée et dangereuse d’un point de vue économique »
    Tribune Hillel Rapoport
    Professeur d’économie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne
    Cela fait longtemps que le débat public sur l’immigration en France se focalise sur les questions sécuritaires et identitaires. Quand l’économie est abordée, c’est toujours en réaction à un agenda électoraliste et populiste : les immigrés prennent-ils le travail des Français et coûtent-ils plus qu’ils ne rapportent au budget de l’Etat ? Il est symptomatique que les deux seuls aspects véritablement économiques de la loi portent sur les métiers en tension et sur des conditions plus restrictives de versement de prestations sociales aux immigrés. Rien sur le long terme.
    Pourtant, d’un point de vue économique, l’immigration est à la fois la rançon de la réussite d’un pays et, dans un monde globalisé, une condition de sa croissance future. En eux-mêmes et par la diversité qu’ils apportent, les immigrés sont une source d’innovation, de création, d’entrepreneuriat et d’insertion dans l’économie mondiale. C’est évident pour l’immigration qualifiée.
    Aux Etats-Unis, les immigrés représentent un quart des entrepreneurs ou des innovateurs et plus du tiers des professeurs dans les universités les plus prestigieuses. La causalité est à double sens : la réussite et le rêve américain attirent les plus qualifiés, et les compétences ainsi que la diversité qu’ils apportent viennent nourrir le dynamisme, la productivité et la croissance de l’économie américaine.
    L’immigration moins qualifiée est également porteuse de bénéfices économiques. Au-delà des aspects démographiques de soutenabilité des systèmes de retraite, les immigrés sont largement complémentaires des travailleurs natifs. Le fait qu’ils « exercent les métiers dont les Français ne veulent pas », pour employer un poncif, n’en est pas moins vrai, et par ailleurs leur concentration dans les services à la personne permet de libérer du travail qualifié, notamment féminin.
    En définitive, l’immigration est un atout stratégique fondamental dans la compétition économique internationale ; s’en priver, c’est se tirer une balle dans le pied, et c’est exactement ce que fait la France depuis maintenant cinquante ans, à contre-courant de la plupart des autres pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques]. Plutôt que de renvoyer aux nombreuses études qui le démontrent, considérons l’échec douloureux et presque humiliant de la France dans la course à la production d’un vaccin contre le Covid-19.
    Nos champions nationaux se sont fait damer le pion par Pfizer, entreprise aussi multinationale que multiculturelle, dont la collaboration avec BioNTech, licorne allemande fondée par des chercheurs d’origine turque, a connu le succès que l’on sait ; et par Moderna, entreprise américaine créée dix ans auparavant par trois fondateurs dont un immigré libano-arménien et un Sino-Américain, établi en Suède, et dirigée par… un Français. Pourquoi la France a-t-elle échoué ? Il n’est pas exclu que ce soit la faute des immigrés… qu’on n’a pas su attirer, promouvoir, intégrer.
    Mais qui songerait à pointer l’absence de diversité de nos élites économiques, politiques et scientifiques (absence totale dans le cas du comité de direction de Sanofi France) ? L’étroitesse d’esprit qui nous empêche de voir ce que la diversité peut nous apporter nous rend myopes sur les questions d’immigration, au sens propre d’absence de vision de long terme.
    Le fait est que depuis cinquante ans la France s’est enfermée dans un cercle vicieux où l’arrêt de l’immigration de travail dès le milieu des années 1970 la condamne à ne subir (car c’est bien comme cela qu’elle le vit) qu’une immigration au nom du droit (familial et humanitaire) plutôt qu’au nom de l’économie, ce qui se traduit par une structure de l’immigration moins qualifiée et moins diversifiée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE.Mais ce type d’immigration, peu qualifiée et peu diversifiée, est justement celui qui alimente les attitudes négatives vis-à-vis de l’immigration, mais aussi les crispations identitaires et économiques liées à la compétition réelle ou supposée pour les emplois, les logements et les aides sociales. Et pousse les opinions publiques à exiger encore moins d’immigration.
    Dans le même temps, les pays anglo-saxons mettent en œuvre des politiques volontaristes d’ouverture à l’immigration, qualifiée et non qualifiée, proposant un contre-modèle vertueux. Le principal dispositif, les « systèmes par points », attribue à chaque candidat à l’immigration un certain nombre de points en fonction de critères tels que l’âge, le niveau d’éducation, de maîtrise de la langue, la profession, etc., et définit un seuil total de points synonyme de visa d’immigration permanente.
    De tels systèmes ont été adoptés successivement par l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, et aucun ne les a depuis abandonnés. Ces pays auraient-ils compris quelque chose qui nous échappe ? Ou sont-ils plus attractifs ? Il est exact que la France, qui proclame vouloir attirer les talents, souffre d’un déficit d’attractivité, ce que révèle par exemple son classement dans l’indice de compétitivité globale pour l’attraction des talents (19ᵉ sur 25) de l’Institut européen d’administration des affaires.
    La modélisation des déterminants des migrations internationales met en évidence tant le rôle des facteurs d’attraction – salaires, libertés publiques, mais aussi mieux-disant environnemental et sociétal sur des questions telles que l’ouverture à la diversité – que celui des facteurs de répulsion, dont la xénophobie et le populisme. De ce point de vue, la loi relative à l’immigration émet un signal désastreux. Elle relève sans doute avant tout d’un calcul politique, mais celui-ci est risqué et se double d’un calcul économique erroné et perdant.
    Hillel Rapoport est titulaire de la chaire Economie des migrations internationales à l’Ecole d’économie de Paris.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#attractivite#economie#talents#competitivite#determinantmigration#metierentension#politiquesociale#xenophobie

  • « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-rompt-avec-les-principes-de-la-securite-sociale_620

    « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    Tribune Elvire Guillaud Michaël Zemmour Economistes
    La loi sur l’immigration adoptée le 19 décembre constitue une rupture politique sur de nombreux plans qui justifieraient amplement son abandon rapide. L’un d’entre eux est le domaine des politiques sociales. Sur la forme, en introduisant une restriction liée à la nationalité sur l’accès à une prestation de sécurité sociale, il rompt avec les principes historiques de celle-ci, instaurant un lien direct entre cotisation et affiliation. Sur le fond, la réforme, si elle était appliquée, provoquerait un appauvrissement important de familles et d’enfants, français ou non, avec des conséquences sociales dramatiques à court et à long terme.
    Le texte voté introduit pour les étrangers, hors Union européenne, une période d’exclusion de trois mois à cinq ans dans l’accès aux aides au logement, mais également une période d’exclusion de deux ans et demi à cinq ans dans l’accès aux allocations familiales. Cette dernière mesure, que l’on retrouvait jusqu’ici dans le programme du Rassemblement national, et non dans le programme présidentiel, constitue une rupture avec le principe posé par l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui institue « une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».
    Certes, Il existe en France des prestations comme le revenu de solidarité active (RSA) soumises à une période d’exclusion de cinq ans pour les étrangers résidents avec des conséquences sociales graves. Mais le RSA n’est pas une prestation de sécurité sociale : c’est un dispositif d’aide publique financé par le budget des départements, eux-mêmes subventionnés par l’Etat. Aucun mécanisme d’assurance sociale n’a jamais été concerné jusqu’ici par une telle exclusion sur critère de nationalité.
    En effet, le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale. Celle-ci, inspirée du paradigme « bismarckien » des assurances sociales, s’est construite dans une logique contributive d’affiliation émanant du salariat : la communauté des assurés est la communauté des cotisants, construisant ainsi une citoyenneté sociale et les bases d’une démocratie sociale. Même les prestations de sécurité sociale devenues avec le temps « universelles », comme celles touchant à la maladie ou à la famille, ont conservé jusqu’ici des dimensions de « contributivité » propres aux assurances sociales. Elles sont financées par des prélèvements – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG) et prélèvements fiscaux se substituant aux cotisations exonérées – prélevés d’abord sur les seuls revenus du salariat puis sur l’ensemble des revenus, et servent des prestations à l’ensemble des assurés affiliés.
    C’est d’ailleurs en reconnaissance de ce principe qu’en 2015 la Cour de justice européenne avait dispensé un salarié néerlandais de CSG sur ses revenus du patrimoine, car il était déjà couvert par une assurance sociale obligatoire dans son pays d’origine. Aussi, si la loi était appliquée, des personnes affiliées à la Sécurité sociale par leur travail et à ce titre assujetties à la CSG et aux cotisations sociales ne pourraient pas bénéficier des prestations comme l’ensemble des assurés. Par exemple, une salariée dont dès le premier jour d’embauche 0,95 point de CSG et de 1,65 % à 3,45 % de cotisations employeur financent directement la branche famille serait, pour ses enfants, privée de la couverture à laquelle elle contribue, en raison de sa nationalité, au contraire des autres salariés de l’entreprise.
    Cette rupture d’égalité d’accès aux droits serait contraire aux fondements de la Sécurité sociale, à moins que le Conseil constitutionnel n’invalide cette mesure, précisément pour cette raison.
    Par-delà les ruptures politiques, la mise en œuvre de la réforme conduirait à appauvrir durablement des dizaines de milliers de familles et d’enfants, français ou non (puisque la loi retient la nationalité des parents, et non des enfants, comme critère d’exclusion). Une mère célibataire de trois enfants, en raison de sa nationalité, pourrait par exemple voir ses revenus mensuels diminuer de 319 euros au titre des allocations familiales et de 516 euros au titre des aides au logement, contrairement à sa voisine ou collègue vivant dans les mêmes conditions et soumise aux mêmes prélèvements. Un couple d’actifs avec un enfant de 6 ans et un enfant de 6 mois se trouverait privé d’allocations familiales (140 euros) et de la prestation d’accueil du jeune enfant (182 euros).
    On peut également anticiper une hausse du taux et de l’intensité de la pauvreté des familles et des enfants vivant en France, même si celle-ci n’est pas encore quantifiée : à notre connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale. Ainsi, si les mesures adoptées sont d’abord le fruit d’un marchandage politique de circonstance, les conséquences immédiatement prévisibles sont loin d’être symboliques : appauvrissement des familles et des enfants, difficultés accrues à vivre, à apprendre, à se loger et à participer à la vie sociale dans de bonnes conditions. Cette loi dangereuse pour la cohésion sociale du pays ne doit pas s’appliquer.
    Elvire Guillaud est maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po ; Michaël Zemmour est enseignant-chercheur à l’université Lumière Lyon-II et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#securitesociale#xenophobie#appauvrissement#inegalite#politiquesociale#sante

  • « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-rompt-avec-les-principes-de-la-securite-sociale_620

    « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    Tribune Elvire Guillaud Michaël Zemmour Economistes
    La loi sur l’immigration adoptée le 19 décembre constitue une rupture politique sur de nombreux plans qui justifieraient amplement son abandon rapide. L’un d’entre eux est le domaine des politiques sociales. Sur la forme, en introduisant une restriction liée à la nationalité sur l’accès à une prestation de sécurité sociale, il rompt avec les principes historiques de celle-ci, instaurant un lien direct entre cotisation et affiliation. Sur le fond, la réforme, si elle était appliquée, provoquerait un appauvrissement important de familles et d’enfants, français ou non, avec des conséquences sociales dramatiques à court et à long terme.
    Le texte voté introduit pour les étrangers, hors Union européenne, une période d’exclusion de trois mois à cinq ans dans l’accès aux aides au logement, mais également une période d’exclusion de deux ans et demi à cinq ans dans l’accès aux allocations familiales. Cette dernière mesure, que l’on retrouvait jusqu’ici dans le programme du Rassemblement national, et non dans le programme présidentiel, constitue une rupture avec le principe posé par l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui institue « une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».
    Certes, Il existe en France des prestations comme le revenu de solidarité active (RSA) soumises à une période d’exclusion de cinq ans pour les étrangers résidents avec des conséquences sociales graves. Mais le RSA n’est pas une prestation de sécurité sociale : c’est un dispositif d’aide publique financé par le budget des départements, eux-mêmes subventionnés par l’Etat. Aucun mécanisme d’assurance sociale n’a jamais été concerné jusqu’ici par une telle exclusion sur critère de nationalité.
    En effet, le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale. Celle-ci, inspirée du paradigme « bismarckien » des assurances sociales, s’est construite dans une logique contributive d’affiliation émanant du salariat : la communauté des assurés est la communauté des cotisants, construisant ainsi une citoyenneté sociale et les bases d’une démocratie sociale. Même les prestations de sécurité sociale devenues avec le temps « universelles », comme celles touchant à la maladie ou à la famille, ont conservé jusqu’ici des dimensions de « contributivité » propres aux assurances sociales. Elles sont financées par des prélèvements – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG) et prélèvements fiscaux se substituant aux cotisations exonérées – prélevés d’abord sur les seuls revenus du salariat puis sur l’ensemble des revenus, et servent des prestations à l’ensemble des assurés affiliés.
    C’est d’ailleurs en reconnaissance de ce principe qu’en 2015 la Cour de justice européenne avait dispensé un salarié néerlandais de CSG sur ses revenus du patrimoine, car il était déjà couvert par une assurance sociale obligatoire dans son pays d’origine. Aussi, si la loi était appliquée, des personnes affiliées à la Sécurité sociale par leur travail et à ce titre assujetties à la CSG et aux cotisations sociales ne pourraient pas bénéficier des prestations comme l’ensemble des assurés. Par exemple, une salariée dont dès le premier jour d’embauche 0,95 point de CSG et de 1,65 % à 3,45 % de cotisations employeur financent directement la branche famille serait, pour ses enfants, privée de la couverture à laquelle elle contribue, en raison de sa nationalité, au contraire des autres salariés de l’entreprise.
    Cette rupture d’égalité d’accès aux droits serait contraire aux fondements de la Sécurité sociale, à moins que le Conseil constitutionnel n’invalide cette mesure, précisément pour cette raison.
    Par-delà les ruptures politiques, la mise en œuvre de la réforme conduirait à appauvrir durablement des dizaines de milliers de familles et d’enfants, français ou non (puisque la loi retient la nationalité des parents, et non des enfants, comme critère d’exclusion). Une mère célibataire de trois enfants, en raison de sa nationalité, pourrait par exemple voir ses revenus mensuels diminuer de 319 euros au titre des allocations familiales et de 516 euros au titre des aides au logement, contrairement à sa voisine ou collègue vivant dans les mêmes conditions et soumise aux mêmes prélèvements. Un couple d’actifs avec un enfant de 6 ans et un enfant de 6 mois se trouverait privé d’allocations familiales (140 euros) et de la prestation d’accueil du jeune enfant (182 euros).
    On peut également anticiper une hausse du taux et de l’intensité de la pauvreté des familles et des enfants vivant en France, même si celle-ci n’est pas encore quantifiée : à notre connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale. Ainsi, si les mesures adoptées sont d’abord le fruit d’un marchandage politique de circonstance, les conséquences immédiatement prévisibles sont loin d’être symboliques : appauvrissement des familles et des enfants, difficultés accrues à vivre, à apprendre, à se loger et à participer à la vie sociale dans de bonnes conditions. Cette loi dangereuse pour la cohésion sociale du pays ne doit pas s’appliquer.
    Elvire Guillaud est maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po ; Michaël Zemmour est enseignant-chercheur à l’université Lumière Lyon-II et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#securitesociale#xenophobie#appauvrissement#inegalite#politiquesociale#sante

  • « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-rompt-avec-les-principes-de-la-securite-sociale_620

    « La loi sur l’immigration rompt avec les principes de la Sécurité sociale »
    Tribune Elvire Guillaud Michaël Zemmour Economistes
    La loi sur l’immigration adoptée le 19 décembre constitue une rupture politique sur de nombreux plans qui justifieraient amplement son abandon rapide. L’un d’entre eux est le domaine des politiques sociales. Sur la forme, en introduisant une restriction liée à la nationalité sur l’accès à une prestation de sécurité sociale, il rompt avec les principes historiques de celle-ci, instaurant un lien direct entre cotisation et affiliation. Sur le fond, la réforme, si elle était appliquée, provoquerait un appauvrissement important de familles et d’enfants, français ou non, avec des conséquences sociales dramatiques à court et à long terme.
    Le texte voté introduit pour les étrangers, hors Union européenne, une période d’exclusion de trois mois à cinq ans dans l’accès aux aides au logement, mais également une période d’exclusion de deux ans et demi à cinq ans dans l’accès aux allocations familiales. Cette dernière mesure, que l’on retrouvait jusqu’ici dans le programme du Rassemblement national, et non dans le programme présidentiel, constitue une rupture avec le principe posé par l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui institue « une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».
    Certes, Il existe en France des prestations comme le revenu de solidarité active (RSA) soumises à une période d’exclusion de cinq ans pour les étrangers résidents avec des conséquences sociales graves. Mais le RSA n’est pas une prestation de sécurité sociale : c’est un dispositif d’aide publique financé par le budget des départements, eux-mêmes subventionnés par l’Etat. Aucun mécanisme d’assurance sociale n’a jamais été concerné jusqu’ici par une telle exclusion sur critère de nationalité.
    En effet, le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale. Celle-ci, inspirée du paradigme « bismarckien » des assurances sociales, s’est construite dans une logique contributive d’affiliation émanant du salariat : la communauté des assurés est la communauté des cotisants, construisant ainsi une citoyenneté sociale et les bases d’une démocratie sociale. Même les prestations de sécurité sociale devenues avec le temps « universelles », comme celles touchant à la maladie ou à la famille, ont conservé jusqu’ici des dimensions de « contributivité » propres aux assurances sociales. Elles sont financées par des prélèvements – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG) et prélèvements fiscaux se substituant aux cotisations exonérées – prélevés d’abord sur les seuls revenus du salariat puis sur l’ensemble des revenus, et servent des prestations à l’ensemble des assurés affiliés.
    C’est d’ailleurs en reconnaissance de ce principe qu’en 2015 la Cour de justice européenne avait dispensé un salarié néerlandais de CSG sur ses revenus du patrimoine, car il était déjà couvert par une assurance sociale obligatoire dans son pays d’origine. Aussi, si la loi était appliquée, des personnes affiliées à la Sécurité sociale par leur travail et à ce titre assujetties à la CSG et aux cotisations sociales ne pourraient pas bénéficier des prestations comme l’ensemble des assurés. Par exemple, une salariée dont dès le premier jour d’embauche 0,95 point de CSG et de 1,65 % à 3,45 % de cotisations employeur financent directement la branche famille serait, pour ses enfants, privée de la couverture à laquelle elle contribue, en raison de sa nationalité, au contraire des autres salariés de l’entreprise.
    Cette rupture d’égalité d’accès aux droits serait contraire aux fondements de la Sécurité sociale, à moins que le Conseil constitutionnel n’invalide cette mesure, précisément pour cette raison.
    Par-delà les ruptures politiques, la mise en œuvre de la réforme conduirait à appauvrir durablement des dizaines de milliers de familles et d’enfants, français ou non (puisque la loi retient la nationalité des parents, et non des enfants, comme critère d’exclusion). Une mère célibataire de trois enfants, en raison de sa nationalité, pourrait par exemple voir ses revenus mensuels diminuer de 319 euros au titre des allocations familiales et de 516 euros au titre des aides au logement, contrairement à sa voisine ou collègue vivant dans les mêmes conditions et soumise aux mêmes prélèvements. Un couple d’actifs avec un enfant de 6 ans et un enfant de 6 mois se trouverait privé d’allocations familiales (140 euros) et de la prestation d’accueil du jeune enfant (182 euros).
    On peut également anticiper une hausse du taux et de l’intensité de la pauvreté des familles et des enfants vivant en France, même si celle-ci n’est pas encore quantifiée : à notre connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale. Ainsi, si les mesures adoptées sont d’abord le fruit d’un marchandage politique de circonstance, les conséquences immédiatement prévisibles sont loin d’être symboliques : appauvrissement des familles et des enfants, difficultés accrues à vivre, à apprendre, à se loger et à participer à la vie sociale dans de bonnes conditions. Cette loi dangereuse pour la cohésion sociale du pays ne doit pas s’appliquer.
    Elvire Guillaud est maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po ; Michaël Zemmour est enseignant-chercheur à l’université Lumière Lyon-II et économiste au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#securitesociale#xenophobie#appauvrissement#inegalite#politiquesociale#sante

  • « Le régime d’immigration français, prisonnier du passé, tourne le dos à ses intérêts »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/30/le-regime-d-immigration-francais-prisonnier-du-passe-tourne-le-dos-a-ses-int

    « Le régime d’immigration français, prisonnier du passé, tourne le dos à ses intérêts »
    L’économiste El Mouhoub Mouhoud, président de l’université Paris Dauphine-PSL, estime, dans un entretien au « Monde », que la France « n’a pas été capable de faire la transition vers une politique ouverte et positive de l’immigration ».
    Le Parlement a adopté définitivement, mardi 19 décembre, la loi sur l’immigration. La veille, El Mouhoub Mouhoud, membre du cercle des économistes, spécialiste des migrations internationales et de la mondialisation, a signé la lettre ouverte des dirigeants de grandes écoles et d’universités du pays pour déplorer le durcissement à l’égard des étudiants internationaux.
    Vous appelez à un discours global sur l’immigration et pas seulement orienté vers les plus qualifiés. Quels peuvent être les effets économiques de la loi votée ?
    –On assiste à un recul inquiétant des arguments rationnels sur le sujet. J’ai signé l’appel des présidents d’universités car envoyer des signaux négatifs aux étudiants internationaux, c’est se couper de la possibilité de puiser dans les compétences mondiales, pour un gain économique nul. Jusqu’ici, le discours politique français dominant visait à disjoindre les mauvaises migrations des bonnes : d’un côté les migrants non qualifiés, irréguliers ou issus du regroupement familial ; de l’autre, les talents qu’on disait encore vouloir attirer ou garder. Cela n’a pas marché : en dépit des progrès des entrées liées aux « passeports talents », l’attractivité de la France en matière de compétences mondiales reste en deçà des grands pays industrialisés.Faire l’hypothèse qu’on peut tenir un discours de rejet de l’immigration tout en restant attractif pour les talents est illusoire. Plus les compétences sont élevées, plus les migrants choisissent leur pays d’accueil et sont sensibles aux discours politiques sur le sujet. La loi remet en cause des mécanismes d’intégration qui faisaient consensus, avec des effets qui seront négatifs.
    La droite craignait que les régularisations ne créent un appel d’air incitatif. Qu’en est-il ?
    –Pas un seul papier sérieux d’économiste ou de démographe ne confirme cette idée. Les flux d’immigration à l’échelle mondiale sont déterminés par des facteurs structurels comme la mondialisation des échanges, les écarts démographiques, les crises géopolitiques et humanitaires ou les chocs technologiques.Depuis une dizaine d’années, les délocalisations vers les pays à bas salaires ralentissent, tandis que les Etats promeuvent les relocalisations et la réindustrialisation. Plus une entreprise relocalise, plus elle va chercher des territoires à fort avantage technologique et de recherche et développement, plus elle va avoir besoin de compétences. La réindustrialisation est étroitement liée aux politiques de formation, mais aussi à l’attractivité des étudiants internationaux et de migrations qualifiées. Les pays qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui parviennent à puiser dans le stock mondial de connaissance. Et cela passe largement par l’attraction et la rétention des étudiants internationaux. Plus de 60 % des diplômés étrangers restent au Canada, aux Etats-Unis, en Allemagne, pour y être employés. La France se distingue par un taux de rétention environ deux fois plus faible.
    Le gouvernement considère que, à 7 % de chômage, il faut d’abord ramener une partie des actifs vers le marché du travail et miser sur la formation. Qu’en pensez-vous ?
    –Cela ne suffit pas. Les migrations internationales ne peuvent certes pas régler les problèmes du marché du travail à long terme, mais les politiques de formation prennent du temps. Or les secteurs qui sont dans la compétition mondiale ont des besoins de court terme. Si vous ne puisez pas dans les talents, à long terme vous êtes perdants, y compris dans les processus de formation, car les avantages comparatifs ne sont pas statiques, ils bougent en permanence.L’intelligence artificielle générative est par exemple un défi majeur qui va transformer la plupart des métiers et des secteurs. Le sous-estimer, c’est comme sous-estimer les effets du réchauffement climatique. Or la France n’offre pas assez de formations et devra davantage puiser dans les compétences mondiales. La politique d’attractivité des migrants et la politique de formation ne s’excluent pas mutuellement.
    Peut-on résoudre les pénuries de main-d’œuvre dans les métiers en tension en augmentant les salaires ?
    –La dépendance à l’immigration dans les métiers les moins qualifiés n’est pas seulement liée aux problématiques salariales. C’est une vulgate néolibérale, ainsi qu’une vieille idée faussement marxiste. La complémentarité entre immigrés et autochtones est une réalité à l’intérieur même des catégories socioprofessionnelles. Certaines tâches extrêmement pénibles, par exemple dans le BTP, n’attireront pas les autochtones même en augmentant les salaires de 15 %.
    Les travaux montrent que les effets de substitution ne jouent que pour des tâches peu qualifiées et automatisables. Par ailleurs, les entreprises ne peuvent pas décréter du jour au lendemain qu’elles augmentent les salaires de 15 %, cela prend du temps. Il ne s’agit évidemment pas d’ouvrir les frontières tous azimuts. Mais ce « débat » cache une obsession liée aux impacts sécuritaires et culturels de l’immigration, perçus comme néfastes à la société.
    Emmanuel Macron a mené une politique très offensive sur l’attractivité de la France depuis 2017. S’est-elle traduite dans les flux migratoires ?
    – Quand Donald Trump s’est retiré de la COP21 et a restreint l’immigration à partir de 2017, le président Macron avait lancé un appel pour attirer en France les chercheurs étrangers, notamment américains, dans le but de sauver le climat. Il y avait cette idée d’une France en mode start-up qui pouvait être fécondée par les talents internationaux. On ne la retrouve pas dans cette loi sur l’immigration. Emmanuel Macron a toutefois reconnu que la caution pour les étudiants internationaux était une erreur et qu’elle aurait des effets dissuasifs. Certaines entreprises satisfont leurs besoins de main-d’œuvre en recourant à l’immigration irrégulière dans des secteurs en tension. Soit les chefs d’entreprise ont besoin de régulariser et c’était l’occasion de le dire, ce que certains ont fait. Soit ils ont une préférence pour l’immigration irrégulière, qui les arrange, ou du fait de la forte pression sur les prix. Quand les difficultés de recrutement seront telles que la production sera gênée, le discours changera. Et on reverra peut-être des patrons de PME manifester avec leurs salariés.
    Qu’est-ce qui singularise la France en matière d’immigration ?
    – La France n’a pas une culture de l’immigration qualifiée, bien payée, raisonnée. Du fait de son histoire coloniale, elle a eu tendance à privilégier l’immigration peu qualifiée, comme elle importait les matières premières. Elle a du coup un « stock global » d’immigrés peu qualifiés. Mais depuis les années 1990-2000, ceux qui arrivent sont en moyenne plus diplômés que les autochtones.
    Le régime d’immigration français, parce qu’il est prisonnier du passé, y compris en matière de représentations liées à la colonisation, tourne le dos à ses intérêts. Il n’a pas été capable de faire la transition vers une politique ouverte et positive de l’immigration à l’échelle mondiale. La France a une représentation de l’immigration réduite à ses deux extrêmes : les stars du football et les délinquants, ignorant tous ceux qui se sont intégrés par l’école et qui sont très nombreux. Ce qui la caractérise aussi, c’est sa préférence pour une régulation du marché du travail par l’immigration irrégulière. Tout le monde était d’accord pour régulariser dans les métiers en tension. Mais c’est bien utile de pouvoir utiliser de la main-d’œuvre immigrée dont on peut se défaire facilement. Elsa Conesa

    #Covid-19#migration#migrant#france#loiimmigration#economie#migrationqualifiee#marchedutravail#immigrationirreguliere#maindoeuvre#patronat#colonial

  • L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/28/l-etat-de-droit-nouvelle-frontiere-de-la-bataille-de-l-extreme-droite-contre

    L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
    Le Rassemblement national se tient prêt à exploiter une censure partielle de la « loi immigration » par le Conseil constitutionnel, dont l’extrême droite cherche à réduire les prérogatives.
    Par Clément Guillou
    Il ne déplairait pas à la première ministre, Elisabeth Borne, et à son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, que le Conseil constitutionnel censure une partie des dispositions contenues dans la loi sur l’immigration, adoptée par le Parlement, le 19 décembre. Un autre camp n’y verrait pas d’inconvénient : l’extrême droite.
    « Cela nous intéresse que ce débat-là soit sur la place publique, avance Philippe Olivier, conseiller spécial de la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Si la loi n’est pas validée, voilà ce que se dira l’électeur : “Comment cela ? Les sondages indiquent que les gens sont contents de la loi et [le président du Conseil constitutionnel] Laurent Fabius, dans son bureau, la remet en question ?” Ça va être très mal pris. Bien sûr qu’on le dénoncera. » Et l’ancien mégrétiste de reprendre la vulgate lepéniste en voyant dans une éventuelle censure, non pas le respect du texte suprême par neuf juges, mais « le bricolage du système ».
    Le second volet du discours lepéniste est résumé ainsi par le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, un autre proche de Marine Le Pen, le 21 décembre sur Franceinfo : « Si, malheureusement, le Conseil constitutionnel prend des dispositions de censure, cela prouvera que nous avions raison et qu’il faut une réforme de la Constitution [soumise à référendum] pour assurer que les dispositions passent. »
    Depuis des décennies, l’extrême droite mène deux guerres idéologiques sur le terrain de l’immigration : l’une concerne la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ; l’autre concerne la lutte contre l’Etat de droit, qu’elle juge incompatible avec ses idées sur la question. Une censure partielle permettrait au Rassemblement national d’avancer ses pions sur deux thèmes : la nécessité de rogner les pouvoirs du juge constitutionnel et de modifier la Constitution en inversant la hiérarchie des normes. Le programme de Marine Le Pen prévoit de faire primer la Constitution sur l’ensemble des traités internationaux signés par la France, dont les traités européens. Un choix fait en 2021 par les nationalistes polonais, qui a mis Varsovie au ban de l’Union européenne jusqu’à la victoire électorale de Donald Tusk, en 2023. Une censure partielle du Conseil, d’autant plus s’il la justifiait par le respect du droit communautaire, viendrait nourrir le discours eurosceptique du RN à cinq mois des élections européennes de 2024.
    S’enclenche ainsi, à quelques semaines de l’avis de la juridiction suprême, le processus annoncé au lendemain du vote, dans Le Monde, par le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, proche du Parti socialiste : « La censure permettrait au Rassemblement national de dire : “Vous voyez bien que notre Constitution ne nous permet pas d’assurer la sécurité de nos concitoyens”. » Le RN n’est plus seul à tenir ce discours. Chez LR, des voix s’expriment aussi pour mettre en garde contre une décision défavorable des neuf juges constitutionnels, laissant entendre qu’il s’agirait alors d’une décision politique, sous la pression d’Emmanuel Macron. Depuis la candidature présidentielle de François Fillon en 2017, LR s’est rallié à l’hypothèse d’une révision constitutionnelle sur l’immigration – même l’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier, pourtant l’un des plus europhiles de son camp, avait proposé de mettre un terme à la primauté du droit européen en matière migratoire.
    Le 7 décembre, le président du parti, Eric Ciotti, avait défendu lors de sa niche parlementaire un tel « bouclier constitutionnel », appuyé par le RN. Si Gérald Darmanin avait étrillé la proposition sur la forme, la comparant à un « Frexit » déguisé, il se montrait moins hostile sur le fond, la jugeant « complémentaire » de sa loi « immigration ». « Combien de fois ai-je entendu les parlementaires dénoncer le fait que la menace de la censure constitutionnelle (…) rétrécisse les horizons des possibles ? Nous en sommes d’accord », avait-il déclaré. Durant les débats, il avait souligné l’intérêt d’un travail diplomatique pour réviser les traités européens et renégocier la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle se conforme la Constitution. Ces dernières semaines, le ministre de l’intérieur a multiplié les déclarations et décisions montrant la nécessité, selon lui, de modifier les traités internationaux ou d’aller contre l’Etat de droit. Il s’est félicité de déroger à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), puis du Conseil d’Etat, dans un dossier d’expulsion d’un ressortissant ouzbek. Soupçonné de liens avec la mouvance islamiste, selon la Place Beauvau, l’homme, renvoyé en Ouzbekistan, y est menacé de torture selon ses défenseurs et la CEDH. Le penseur identitaire Jean-Yves Le Gallou, qui a mené les combats culturels de l’extrême droite depuis quarante ans, se rengorge d’avancées majeures dans sa bataille contre l’Etat de droit : « Il y a quinze ans, c’est avec beaucoup de prudence que je remettais en cause le diktat judiciaire sur la législation sur l’immigration. Or, c’est dit aujourd’hui avec beaucoup de force par la droite républicaine. »Ces dernières semaines, cette dénonciation d’un « gouvernement des juges » français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Dans Le Figaro, le 23 décembre, ce dernier se délecte de l’inquiétude de « la gauche » à l’idée que les Français découvrent « que l’Etat de droit contraint la souveraineté populaire » et en concluent « qu’il faudra ajuster les institutions politiques en conséquence ».

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  • Projet de loi « immigration » : les concessions de Darmanin à la droite
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/projet-de-loi-immigration-les-concessions-de-darmanin-a-la-droite_6198925_82

    Projet de loi « immigration » : les concessions de Darmanin à la droite
    La suppression de l’aide médicale d’Etat, au profit d’une aide médicale d’urgence pour les sans-papiers, a été adoptée au Sénat, mardi, par la droite et les centristes, sans que le gouvernement s’y oppose formellement.
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Publié aujourd’hui à 08h22, modifié à 09h45
    L’examen du projet de loi sur l’immigration, entamé lundi 6 novembre, a tout du terrain glissant pour le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui doit entretenir le soutien de la droite sans s’aliéner celui de sa majorité relative à l’Assemblée nationale pour faire voter sa loi.Ainsi, au deuxième jour des débats sénatoriaux, mardi, sur cette trentième réforme de l’immigration et de l’intégration en quarante ans, le locataire de la place Beauvau n’a pu faire obstacle à une des revendications phares portées par la majorité sénatoriale de droite et du centre : la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), une couverture maladie réservée aux sans-papiers, au profit de la création d’une aide médicale d’urgence (AMU). Cette mesure a été adoptée à 200 voix contre 136, opposant frontalement la droite et la gauche du Sénat.
    Déjà réformée en 2019, l’AME permet de couvrir les frais médicaux et hospitaliers des étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. Ce dispositif de santé publique a concerné, en 2022, un peu plus de 400 000 bénéficiaires pour un coût total d’1,2 milliard d’euros, soit 0,5 % de la dépense totale de l’Assurance maladie.La droite sénatoriale, qui voit dans l’AME « un appel d’air migratoire », l’a remplacée par une AMU, circonscrite à la prise en charge « des maladies graves et des douleurs aiguës », ainsi qu’aux soins de suivis de grossesse, aux vaccinations et aux examens de médecine préventive.
    « Mélanger les débats sur l’AME et le contrôle de l’immigration est un non-sens », a argué la ministre chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, présente sur les bancs du Sénat à cette occasion. Dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg, elle s’est faite le porte-voix du « gouvernement, très attaché au maintien de l’AME ».Or, pour ne pas froisser les sénateurs Les Républicains (LR), qui mettent dans la balance un certain nombre de leurs marqueurs en échange d’un soutien au texte du gouvernement, Mme Firmin Le Bodo a finalement émis un « avis de sagesse » (ni favorable, ni défavorable) sur la suppression de l’AME, refusant de s’opposer formellement à la proposition de la droite, dénoncée par la gauche et par le groupe macroniste au Sénat comme « l’article de la honte » ou reprenant « les lubies de la droite et de l’extrême droite ». « Cet avis de sagesse est absolument incompréhensible et vous auriez dû avoir une position très claire, très ferme, s’est agacé le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. Le message que vous envoyez à notre République, à nos concitoyens est terrible. Vous avez laissé passer tout ce discours sur ce fantasme de l’appel d’air migratoire. Ce vote n’est pas anodin, vous avez une véritable responsabilité. Et vous vous laissez entraîner par cette dérive ultra-droitière des Républicains. »Ces signaux contradictoires émis par le gouvernement ont également été épinglés à droite. « Vous avez votre avis, madame la ministre. J’ai cru comprendre que le ministre de l’intérieur avait un avis personnel différent », a ironisé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, rappelant la position de Gérald Darmanin qui s’est dit, dans Le Parisien du 7 octobre, « favorable à titre personnel » à la transformation de l’AME en AMU, un bon compromis, selon lui, « entre fermeté et humanité ».
    Depuis que cette restriction du panier de soins réservés aux sans-papiers a été adoptée en mars par la commission des lois du Sénat, le camp présidentiel étale ses divisions entre les partisans et les opposants à la disparition de l’AME, jusqu’au sein du groupe Renaissance à l’Assemblée. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, puis le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, ont publiquement exprimé leur désaccord avec la position de leur homologue de l’intérieur. (...)
    Lundi matin sur France Inter, la première ministre, Elisabeth Borne, avait tenté une nouvelle fois de mettre fin à la confusion qui règne au sein de son gouvernement : « Je ne suis pas favorable à une suppression de l’AME. (…) Il faut absolument que dans notre pays on maintienne un système qui permet de soigner les personnes qui en ont besoin et qui permet de nous protéger aussi en termes de santé publique. » Gérald Darmanin, lui, fait peu cas de la solidarité gouvernementale et déploie sa tactique pour sécuriser les voix de la droite. « Borne a chargé Darmanin de faire adopter le texte. S’ils veulent changer le ministre de l’intérieur ou s’ils veulent envoyer quelqu’un d’autre au banc pour dire l’inverse, qu’ils le fassent », estimait-on place Beauvau, il y a quelques semaines.
    Pour tenter d’échapper au piège politique qui s’est refermé sur son gouvernement, Elisabeth Borne a missionné l’ancien ministre socialiste de la santé, Claude Evin, et le spécialiste des questions migratoires à droite, Patrick Stefanini, pour expertiser l’ensemble du dispositif. Déjà en 2019, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances expliquait pourtant qu’une « réduction du panier de soins de l’AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique ». En séance, mardi soir, la ministre des professionnels de la santé a renvoyé tout arbitrage sur la redéfinition de l’AME au rapport Evin-Stefanini, dont les conclusions sont attendues pour début décembre, avant l’examen du texte par les députés. « Si des mesures [du rapport] relèvent du législatif, elles seront peut-être mises dans le débat à l’Assemblée nationale », a précisé Mme Firmin Le Bodo.Face à cette victoire idéologique de la droite sur l’AME, les élus macronistes préfèrent relativiser quant à l’effectivité de sa suppression qui, selon eux, à l’instar d’autres mesures votées par la droite, ne résistera pas à une censure du Conseil constitutionnel. « Les quotas, la restriction des titres pour les étrangers malades et les étudiants, celle du regroupement familial et maintenant la création de l’AMU… C’est un peu le musée des horreurs, glose Sacha Houlié, le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, mais ce sont des cavaliers législatifs car ils n’ont pas de lien direct ou indirect avec le texte. » Dans la soirée de mardi, les sénateurs LR ont voté le rétablissement du délit de séjour irrégulier, un autre marqueur cher à la droite.
    A travers les différentes étapes de la navette parlementaire, les élus du camp présidentiel espèrent toujours pouvoir rétablir un texte conforme à leur vœu d’« équilibre ». Des arguments qui ne désarment pas les élus LR, bien décidés à faire adopter leur propre texte sur le dos du gouvernement. « Nous sommes conscients que le parcours parlementaire est un match en plusieurs manches. Si le texte est affaibli à l’Assemblée, nous ne voterons pas le texte et nous ferons capoter la commission mixte paritaire », prévient d’ores et déjà le chef de file de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau.

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  • Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/immigration-au-senat-la-droite-se-rallie-a-un-compromis-sur-la-regularisatio

    Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Un accord a finalement été trouvé. Alors que le projet de loi « immigration » est examiné par le Sénat depuis lundi 6 novembre, la majorité sénatoriale – composée de la droite et du centre – est parvenue à s’entendre, mardi, sur une position commune autour de l’article 3, laissant augurer un vote global du texte à l’issue des débats, le 14 novembre. L’article 3 du projet de loi prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs qui peinent à recruter. Depuis sa présentation par le gouvernement, en novembre 2022, il est farouchement combattu par Les Républicains (LR) qui l’assimilent à une « prime à la fraude » et à un « appel d’air » en faveur de l’immigration irrégulière.
    Erigé en ligne rouge, véritable totem politique, l’article 3 est devenu le symbole d’un gouvernement en mal de majorité parlementaire et un levier utilisé par LR pour obtenir de nombreuses concessions sur le durcissement du texte de loi. Mais le jusqu’au-boutisme de la droite a failli se retourner contre elle en menaçant de faire voler en éclats la majorité, tandis que les sénateurs centristes plaidaient pour l’adoption d’une mesure législative sur la régularisation.
    Mardi 7 novembre, les deux groupes sont donc finalement parvenus à sceller un accord autour de la suppression de l’article 3 et d’une écriture nouvelle qui devait permettre à la mesure d’être votée au Sénat, dans une version moins-disante, et au texte de loi de poursuivre son chemin jusqu’à l’Assemblée nationale.
    Les sénateurs ont conçu un nouvel article qui ne prévoit pas, comme initialement, une régularisation de plein droit, mais laisse aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire. (...) En ce sens, la version voulue par la majorité sénatoriale ne fait qu’amender le système actuel de régularisation, qui confie aux préfets le pouvoir de délivrer ou non un titre de séjour à un travailleur sans papiers en s’appuyant sur quelques critères indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012 (et qui exige, par exemple, une présence d’au moins trois ans en France, vingt-quatre fiches de paie et une demande d’autorisation de travail remplie par l’employeur). Sous ce régime instauré par la gauche il y a plus de dix ans, quelque 7 000 salariés sans papiers sont régularisés chaque année. Le nouvel article tel que rédigé par la majorité sénatoriale prévoit que les préfets puissent délivrer un titre de séjour aux travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension, à condition que ceux-ci soient présents en France depuis trois ans et qu’ils fournissent douze fiches de paie. Ils seraient désormais dispensés de fournir l’autorisation de leur employeur. Le dispositif s’achèverait en 2026. LR a, en outre, obtenu que les préfets aient « l’obligation de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, mais aussi son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française, son adhésion au mode de vie et aux valeurs de la communauté nationale, et son absence de condamnation pénale », détaille Bruno Retailleau. La majorité sénatoriale s’est aussi mise d’accord sur une suppression de l’article 4 du projet de loi qui autorisait certains demandeurs d’asile à travailler. « Il s’agit d’une véritable reprise en main de notre politique migratoire », a appuyé Bruno Retailleau, se félicitant par ailleurs du durcissement du texte par le Sénat, qui a tour à tour voté, mardi 7 novembre, la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou encore la restriction des conditions d’obtention d’un titre de séjour étudiant.
    « C’est un accord tout à fait satisfaisant, a estimé pour sa part Philippe Bonnecarrère, corapporteur centriste du texte de loi au Sénat. La rationalité conduisait à un accord. On ne peut pas dire que le Sénat est le point d’équilibre institutionnel et qu’on veut un texte plus ferme et ne pas le voter. » Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Gérald Darmanin s’est exprimé, mardi soir : « Nous nous félicitons qu’un accord ait été trouvé par la majorité sénatoriale sur les métiers en tension. Ce texte ferme et juste est utile à la France. » Le ministre de l’intérieur poussait depuis plusieurs semaines déjà pour un compromis autour d’une disposition réglementaire de régularisation plutôt que de plein droit.

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  • Droit d’asile : les agents de l’Ofpra appelés à faire grève contre la « politique du chiffre »
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    Droit d’asile : les agents de l’Ofpra appelés à faire grève contre la « politique du chiffre »
    Les organisations syndicales de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont appelé, jeudi 26 octobre, leurs agents à une journée de grève pour dénoncer la « politique du chiffre » au sein de cet organe chargé d’attribuer le statut de réfugié, une première depuis cinq ans. A quelques jours de l’examen parlementaire du projet de loi sur l’immigration, le 6 novembre, porté par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sous l’autorité duquel est placé l’Ofpra, les agents étaient appelés à débrayer et une centaine d’entre eux s’étaient rassemblés vers 8 heures devant l’agence à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) pour dénoncer leurs conditions de travail, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
    « L’obsession des gouvernements successifs pour le raccourcissement des délais d’instruction des demandes d’asile », érigé parmi les priorités de la politique migratoire dans le projet de réforme, « met sous pression les agents » de l’Ofpra, ont déploré les syndicats majoritaires CGT Ofpra et ASYL (Action syndicale Libre/Ofpra). Les quelque 500 officiers de protection, qui font passer les entretiens aux demandeurs d’asile, « sont ainsi soumis à un rythme infernal, alors même qu’ils doivent se conformer à des procédures de plus en plus complexes et s’improviser enquêteurs afin de détecter des personnes susceptibles de représenter une menace pour l’ordre public », autre priorité du gouvernement, ont encore dénoncé les syndicats. Principale revendication : une baisse de 25 % de l’objectif assigné aux agents, qui s’élève actuellement à 360 décisions par an, explique à l’AFP Henry de Bonnaventure, un responsable d’ASYL, dénonçant une « politique du chiffre ». « Avec cette double injonction du chiffre et de la prise en compte des troubles à l’ordre public, c’est difficile de prendre en compte les besoins de protection », abonde Anouk Lerais, de la CGT Ofpra.
    « Les préoccupations que traduit ce mouvement social (…) sont légitimes, mais elles n’appellent pas nécessairement les réponses que réclament les organisations syndicales », a répondu auprès de l’AFP le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher. Son office a rendu l’an dernier 134 500 décisions, dans un délai moyen de quatre mois : le plus bas depuis quinze ans. « Plus de 200 emplois supplémentaires ont été créés à l’Office depuis 2019 », a insisté le patron de l’Ofpra, qui assure vouloir répondre par la « discussion » au « signal fort » de cette grève.
    Les syndicats doivent être reçus dans l’après-midi, a confirmé Anouk Lerais. A moins de deux semaines de l’examen du projet de loi immigration, les grévistes veulent également dénoncer certaines dispositions voulues par le gouvernement, dont la création de pôles « France asile » qui réuniraient les services de l’Ofpra et des préfectures dans les régions. « Cela risque de mettre à mal l’indépendance de l’institution en la plaçant sous la tutelle des préfets », s’inquiète-t-elle. La dernière grève avait eu lieu en février 2018, le jour de la présentation en conseil des ministres de la loi asile-immigration de Gérard Collomb.

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