person:bertrand louart

  • Bertrand Louart, Des machines simples contre l’industrialisme !, 2011 @tranbert
    https://sniadecki.wordpress.com/2018/09/25/louart-industrialisme

    Dans certaines réflexions autour de la décroissance, j’ai parfois entendu qu’il fallait revenir « au travail à la main », sans qu’il soit vraiment précisé jusqu’où ou pour quels travaux. Imagine-t-on, par exemple, couper des arbres à la hache, débiter des planches comme les scieurs de long, les dégauchir et les raboter à la varlope, etc. ? Demandez à des menuisiers ce qu’ils en pensent : je suis certain que la réponse sera unanimement « pas question ! »

    Le problème est, à l’heure actuelle, que les machines-outils qui réalisent ces opérations élémentaires et bien d’autres sont de plus en plus bourrées d’électronique, voire parfois d’informatique. Et les machines anciennes, plus simples à entretenir, réparer et modifier sont progressivement mises à la casse. Partout on observe le même mouvement : les constructeurs compliquent, et par là même fragilisent à loisir les nouvelles machines pour s’assurer le monopole de leur maintenance.

    Par exemple, quoi de plus simple et utile qu’un moteur à explosion ? Soulevez le capot d’une automobile neuve (carrosse fait de plus en plus uniquement pour le confort du déplacement, et de moins en moins pour la facilité du transport), vous y verrez dessous un autre capot, électronique celui-ci, qui empêche toute intervention autre que celle d’un spécialiste ayant licence et équipement de diagnostic spécifique fourni par le constructeur. Autrement dit, la machine ne vous appartient plus, quoique vous en soyez toujours le propriétaire en titre : vous n’en avez plus que le droit d’usage. Et encore, ce dernier est de plus en plus étroitement réglementé, prétendument pour des raisons d’hygiène et de sécurité.

    Mais lorsque l’on sait que ces réglementations sont impulsées au niveau européen par le lobbying des industriels, on se prend à croire que c’est là un autre moyen pour les constructeurs de programmer l’obsolescence de leurs machines et de vendre du matériel afin de pouvoir suivre l’évolution de ces « normes » qui ont la particularité de changer périodiquement…

    On en vient donc au point où il va falloir défendre l’existence de machines simples contre les tendances dominantes dans l’industrie, qui par leur complication délibérée cherche à nous exproprier de leur maîtrise !

    #critique_techno #anti-industriel #low_tech #réappropriation

  • Le nouveau Notes et morceaux choisis : Les êtres vivants ne sont pas des machines, Bertrand Louart @tranbert, 2018
    https://sniadecki.wordpress.com/2018/02/08/louart-netmc13

    Aujourd’hui plus que jamais, la conception de l’être vivant comme machine est indissolublement liée au fait que nous vivons dans une société capitaliste et industrielle : elle reflète ce que les instances qui dominent la société voudraient que le vivant soit, afin de pouvoir en faire ce que bon leur semble.

    Cette évidence constitue le point de départ de notre enquête et de nos analyses critiques sur la biologie moderne, qui s’articulent autour de trois points principaux :

    1. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le point aveugle de la biologie moderne, c’est son « objet », l’être vivant, l’organisme et la vie qui l’habite. Non seulement les biologistes et les biotechnologues ne savent pas ce qu’est un être vivant, mais surtout, ils ne veulent pas le savoir et préfèrent en faire une « machine complexe » qu’ils se font forts de « reprogrammer » à volonté.

    2. Or, la biologie est aussi et surtout l’étude du sujet, de son état natif jusque dans ses formes les plus développées, de la bactérie jusqu’à l’être humain. Dans leurs formes les plus simples, ils sont les premières manifestations d’une sensibilité propre et d’une activité autonome qui, en s’enrichissant d’organes et de fonctions au cours de l’évolution, aboutit à la conscience et à l’intentionnalité, à des formes d’autonomie plus élevées. Or, la philosophie d’inspiration cartésienne n’attribue la qualité de sujet qu’au seul être humain, reconduisant ainsi la scission entre l’humanité et les autres êtres vivants.

    3. Si la conception de l’être vivant comme machine est le pur produit de la société capitaliste et industrielle, c’est pour plusieurs raisons complémentaires. La méthode des sciences est la forme d’investigation et de connaissance qui convient à ce système : mettre au jour les « lois de la nature » pour ensuite construire les machines qui les matérialisent et les mettent en œuvre ; pour mettre en place des dispositifs économiques et techniques qui les font travailler sans relâche et indépendamment des conditions écologiques, sociales et politiques. La machine est aujourd’hui omniprésente, elle est comme le modèle des rapports sociaux, qui reconduit toutes les formes de domination, d’exploitation et d’aliénation.

    La critique du vivant comme machine est le fil directeur à partir duquel un diagnostic historique pertinent peut être précisément formulé, non seulement sur la biologie moderne mais aussi et surtout sur la société capitaliste et industrielle.

    Cette dimension socio-politique est l’angle mort de la critique du vivant comme machine, elle a échappé à la majeure partie des critiques d’ordre scientifiques formulées jusqu’à maintenant. Or, cette dimension est essentielle : la manière dont nous concevons le monde et les êtres vivants exprime avant tout un projet, la manière dont nous voudrions qu’ils soient afin que notre action sur eux s’opère sans heurt ni surprise.

    Sans cette dimension, la critique de l’être vivant comme machine ne peut que manquer de cohérence faute de perspective, elle ne peut s’élever à une philosophie de la nature susceptible d’articuler la critique et l’élaboration d’une nouvelle conception, c’est-à-dire qui puisse concevoir une réconciliation et une coopération entre l’humanité et la nature.

    Une biologie nouvelle (biologia novae) semble donc nécessaire à plus d’un titre. D’abord, elle permettrait de remettre au centre de la réflexion l’être vivant en tant que sujet réalisant une unité organique avec son milieu ; de mieux appréhender la sensibilité et l’autonomie dont l’être vivant fait preuve. Elle pourrait ainsi contribuer à la (re)formulation d’une pensée plus claire sur la liberté, mieux articulée avec l’idée d’autonomie, qui manque cruellement après deux siècles de capitalisme industriel…

    Le sujet étant fort complexe et très vaste, cette livraison de Notes & Morceaux choisis comprendra deux numéros. Celui-ci formule une critique approfondie de la conception de l’être vivant comme machine ; en montrant les impasses politiques et sociales où cette conception nous mène actuellement (chapitre 1), en examinant les ressorts idéologiques des trois piliers de la biologie moderne, le darwinisme, la génétique et la biologie moléculaire (chapitre 2) et en critiquant les diverses notions que ces idéologies scientifiques mettent en œuvre pour expliquer le monde vivant – sélection naturelle, hérédité, programme génétique, etc. – (chapitre 3).

    Un prochain numéro explorera des pistes pour une nouvelle approche de la vie sur Terre.

    #biologie #Darwin #machine #vivant #Notes_et_morceaux_choisis #Bertrand_Louart #critique_techno #Éditions_La_Lenteur #livre

  • Tu sais que le dernier #Notes_et_morceaux_choisis est sorti ? : Retour sur la révolution industrielle, par @tranbert
    https://sniadecki.wordpress.com/2016/07/01/netmc-12

    Dans les années qui suivent la bataille de Waterloo et l’effondrement de l’empire napoléonien (1815), l’Angleterre accueille de nouveau des voyageurs, après une longue période d’isolement. Ils découvrent à cette occasion les bouleversement accomplis en un quart de siècle : la révolution industrielle.

    Se forme alors une doctrine qui célèbre l’organisation sociale fondée sur les stupéfiantes avancées technologiques de cette époque : l’industrialisme. Cette doctrine ne se confond pas avec le libéralisme – les saint-simoniens, ancêtres directs d’un certain socialisme, sont de fervents industrialistes. Au contraire, Sismondi, bien que favorable au libre échange, est anti-industrialiste.

    Ainsi, l’industrialisme possède deux faces, l’une libérale, l’autre “organisatrice” (ou socialiste). Une ambivalence que le vaste courant antilibéral de ce début de XXIe siècle évite soigneusement de mentionner.

    Et le sommaire :

    Éditorial
    par Bertrand Louart

    Notes

    Notes sur la naissance de l’industrialisme, 1815-1830
    par Nicolas Eyguesier

    Morceaux choisis

    Notice sur l’application de la machine à vapeur (1818)
    Par Marc-Auguste Pictet

    Terrible explosion d’une machine à vapeur
    Par Anonyme

    De l’organisation économique de la société humaine (1838)
    Par Sismondi

    De l’autorité (1874)
    Par F. Engels

    La question des machines et la formation de l’économie politique (1980)
    Par Maxine Berg

    #révolution_industrielle #critique_techno #libéralisme #Sismondi

  • 30 ans après Tchernobyl, pour une critique raisonnable du scientisme et du capitalisme technoscientifique
    http://sortirducapitalisme.fr/150-30-ans-apres-tchernobyl-pour-une-critique-raisonnable-du-sci

    30 ans après Tchernobyl, une émission de critique raisonnable du scientisme et du mode de connaissance scientifique moderne, du mythe de la « science pure » et du capitalisme technoscientifique, avec Bertrand Louart, animateur de l’émission "Racine de moins un" (Radio Zinzine), rédacteur du bulletin de critique des sciences, des technologies et de la société industrielle Notes & Morceaux choisis aux éditions La Lenteur, contributeur au blog de critique du scientisme sniadecki.wordpress.com, opposant d’ITER (Cadarache) et incidemment membre de Longo Maï où il est menuisier-ébeniste. Durée : 1h43. Source : Radio (...)

    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/05-04-2016.mp3

  • Machines arrière ! (des chances et des voies d’un soulèvement vital)
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=816

    Une revue universitaire vient de nous poser l’une de ces questions qui remplissent les bibliothèques de livres et les penseurs d’angoisse depuis 1945 : « Quelle forme est-il encore envisageable de donner à la résistance ? Peut-on espérer voir se lever les populations superflues contre le capitalisme technologique et ses soutiens politiques ? » Il faudrait pour répondre à pareilles questions avec une certitude scientifique, maîtriser la théorie du chaos et connaître la situation dans toutes ses conditions initiales et toutes les chaînes de réactions qu’elles peuvent déclencher. Heureusement, ni les big data, ni les logiciels des sociologues et de la Rand Corporation, malgré tous leurs modèles, ne peuvent encore traiter l’avenir comme un mécanisme programmé. Le plus sage serait de dire, oui, on peut (...)

    #Documents
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/machines_arrie_re.pdf

    • Les ennemis du Progrès, comme les Indiens, ont le choix entre deux façons de perdre.

      Soit ils considèrent que la fin est dans les moyens, ils refusent - à la manière des Amish - de vivre avec leur temps. Ils se retirent dans des isolats temporels, à la campagne, au sein de micro- sociétés et de micro-réseaux, dans l’espoir, au mieux, que leur exemple soit contagieux, au pis, d’assurer leur salut individuel. S’ils sortent de leur refuge pour attaquer le système, ils sont vaincus, sauf exception ; comme les Indiens, avec leurs arcs et leurs flèches, furent vaincus, sauf exception. On ne peut pas éternellement se gargariser du Larzac et de la Little Big Horn.

      Soit ils considèrent que la fin justifie les moyens et ils retournent contre l’ennemi, les armes de l’ennemi. C’est la position des communistes, de Lénine, de Trotski, 5 des nationalistes des pays colonisés, des islamistes aujourd’hui. C’est possible parce que ces courants croient à la neutralité des moyens scientifiques, technologiques, industriels, militaires, etc. Le Progrès est neutre, les moyens sont neutres, tout dépend de leur usage, de ce qu’on en fait, de leur fin. Ainsi l’arme nucléaire devient-elle morale, dès qu’elle devient rouge, communiste, ou verte, islamique. Les drones auraient toutes les vertus s’ils attaquaient Israël, les Etats-Unis et l’Europe, etc. Cette souplesse morale s’étend d’ailleurs aux moyens politiques et guerriers. La fin justifie la terreur : les massacres de septembre 1792, l’extermination des anarchistes et des populistes par le Guépéou bolchevique, et les moyens théorisés par l’Etat islamique dans La Gestion de la terreur, afin de purifier le monde de ses mécréants. C’est ainsi que la Révolution perfectionne l’Etat hérité de l’autocratie russe ou de l’absolutisme royal et que la technologie, conçue et développée en Occident, transforme le monde, modernise/américanise/occidentalise tous ceux qui prétendent l’employer contre l’Occident. Et en fin de compte, « nous sommes tous américains » - mais comme les Américains eux-mêmes - moyennant quelques gris-gris culturels et identitaires, que l’on soit afro-américain, sino-américain, juif américain, hispano-américain etc., ou gallo-ricain pour les résidents de l’Hexagone.

    • Si les ennemis du Progrès, au nom de l’efficacité et du pragmatisme, utilisent les moyens du Progrès pour combattre le Progrès, il leur faut devenir de meilleurs progressistes que les progressistes. Il leur faut, pour vaincre les progressistes sur leur terrain, devenir de meilleurs ingénieurs et techniciens, utiliser mieux de meilleures machines, de meilleurs systèmes et réseaux. Les spécialistes et les experts instaurent aussitôt leur domination et prennent le pouvoir chez les ennemis du Progrès comme ils l’ont pris chez les progressistes. Technocratie contre technocratie, l’identité profonde entre les deux adversaires l’emporte sur l’opposition de surface, et le combat cesse faute de combattants.

    • La technologie, comme tous les moyens, n’est pas neutre (Ne-uter : ni l’un, ni l’autre) ; elle est ambivalente (ambi : ceci & cela), voire polyvalente. Elle n’interprète pas le monde comme la philosophie spéculative, elle le transforme ainsi que ceux qui l’utilisent. De moyen en vue d’une fin, elle devient sa propre fin et celle de ses utilisateurs.

    • L’exemple canonique étant la production des « puces » électroniques, ce composant de base, matériel (hardware), emblématique de la société technologique et de l’économie de la connaissance. Or le coût unitaire et le prix de vente des puces ne cesse de s’effondrer, en même temps que diminue leur taille et qu’augmente leur vitesse de calcul - mais - l’investissement dans une fonderie, une fab, est devenu si vertigineux que des entreprises concurrentes doivent s’associer lorsqu’elles se risquent à en construire une. Ainsi l’Alliance qui regroupe Motorola, TSMC et STMicroelectronics, en 2002, à Crolles, près de Grenoble, pour construire une fab à 3 milliards d’euros (dont 543 millions de subventions publiques) : le plus gros investissement industriel en France, depuis dix ans. Malgré les multiples soutiens de la puissance publique à tous les échelons, du municipal à l’européen, l’Alliance, qui pille les eaux des massifs voisins et bouleverse par sa seule présence le paysage et le marché de l’immobilier, ne cesse de changer de partenaires et de licencier des centaines de salariés, au gré des cycles du marché des semi- conducteurs, en voie de concentration, et des luttes à mort entre constructeurs. La superfluité - la prolétarisation - frappe même les ingénieurs et les techniciens. La part des salariés dans les coûts de production devient toujours plus marginale. Les ouvriers – les « opérateurs » des salles blanches - se réduisant depuis longtemps à une minorité quantitative et qualitative, par rapport aux machines et aux strates supérieures de personnel. Une classe ouvrière réduite à des éléments épars, submergée de robots et de bataillons d’ingénieurs, a perdu toute chance d’être le sujet de l’ultime révolution.

    • Les superflus sont aujourd’hui vraiment superflus. Inutiles comme producteurs concurrencés par l’informatique et l’automation. Insolvables comme consommateurs au point d’en être à quémander une allocation d’existence universelle. Ils n’atteignent même pas à la dignité des prolétaires au sens originel, ceux qui n’ont que leurs enfants à offrir à la cité. Les multiples techniques de reproduction artificielle déjà au point et sans cesse améliorées suffisent bientôt aux besoins en ressources humaines des entreprises et des collectivités, ainsi qu’aux projets parentaux des technarques et de la technocratie : les 1 % mentionnés plus haut.

      Cependant les superflus mangent, boivent, respirent, s’habillent, se logent, circulent, consomment. Dans un monde de raréfaction des ressources en eau, en nourriture, en espace, en énergie et minéraux, ils ne sont pas seulement superflus, mais nuisibles. La technocratie n’a que faire d’opprimer les superflus. Elle se soucie comme d’une guigne de leur assurer les conditions d’existence qui leur permettent au moins de vivre dans la servitude. Elle se moque de leur assurer une existence d’esclaves parce que leur existence d’esclave est pur gaspillage.

    • D’où pourraient renaître les hommes et la conscience humaine, capables de penser la déshumanisation du monde et de s’y opposer ? Et surtout de s’y opposer avec la moindre chance de succès, alors que tant de générations et de héros, autrement résolus et armés, intellectuellement et militairement, et qui combattaient dans un rapport de forces moins défavorable, furent écrasés. C’est de leurs défaites, aussi, que nous restons anéantis. Pour mémoire, la dernière insurrection victorieuse en France remonte à février 1848.

    • Certes, cette image du passé est forcément mythifiée, du moins en partie, et nous sommes loin d’en regretter tous les us et coutumes, mais elle est émouvante , ce qui vaut mieux que d’être mobilisatrice.

      C’est ce mirage, ce passé, qui, depuis un demi-siècle, dans les « sociétés avancées », ramènent des hommes à la campagne, en groupes ou en solitaires. Ceux-là sortent de la superfluité. Ils témoignent pour les autres que c’est possible, éveillant du coup la vision d’une sortie en masse. Ils portent en actes la critique du Progrès, née avec le Progrès lui-même, il y a deux siècles. Précisons pour les malentendants : le progrès technoscientifique contre le progrès social et humain.

    • Ainsi le milieu anti-industriel avait remis en circulation, voici des années, l’idée de « Réappropriation des savoirs-faire », déjà présente dans les communautés post-soixante- huitardes. Heureuse idée, destinée à rendre un peu d’autonomie vis-à-vis de la Mégamachine, à ceux qui la mettraient en pratique ; à conserver des vieilles pratiques ; à renouer avec cette expérience directe, avec cette sensibilité qui façonne les réfractaires à la société industrielle. Nombre de textes, parmi les plus intéressants de l’époque, sont issus de cette mouvance, qu’on peut lire notamment à L’Encyclopédie des Nuisances et dans Notes & Morceaux choisis, le bulletin de Bertrand Louart. Cette idée de « réappropriation des savoirs-faire » circule dans les squats, les communautés, les ZAD, les ateliers et les jardins collectifs et chez bien des gens qui vivent à l’écart, seuls ou en famille. Elle est un point d’ancrage et un point de départ. Elle donne du recul et matière à penser à ceux qui la mettent en pratique, sans prétendre un instant s’être affranchis du système, au sein d’on ne sait quelle Utopie enfin trouvée. Il n’y a pas d’ailleurs, mais des idées nées de la pratique et qui suscitent de nouvelles pratiques, en un perpétuel va-et- vient cumulatif entre l’expérience et la théorie. Une fois passé le seuil du mouvement spontané, de la réaction instinctive née de l’existence même des sujets – et il est aussitôt passé-, ce sont la réflexion et la critique qui commandent la pratique.

      avec du @tranbert dedans

    • Nous qui ne savons ni le grec, ni l’hébreu, et à qui les temps qui s’enténèbrent n’ont permis que de mauvaises études, nous avons proposé la méthode de l’enquête critique afin de produire des idées et des producteurs d’idées. Il y a toutes sortes d’enquêtes. Sans détailler ce qui semble un pléonasme - après tout, une enquête devrait toujours être critique - il s’agissait de pousser tout un chacun à se « réapproprier la pensée », à fabriquer du sens par lui-même, en enquêtant sur le monde à partir de son lieu de vie. Ellul : « Penser global, agir local ». Du concret et du particulier, à l’abstrait et au général. C’est l’exemple que nous avons tâché de développer à partir de la technopole grenobloise qui, de fil en aiguille, s’est transformé en critique du capitalisme mondialisé à l’ère technologique.

    • Chaque époque, en effet, présente un caractère particulier, qui l’unifie et qui l’affecte dans tous ses aspects. Ainsi le caractère technologique du capitalisme contemporain depuis la 2 e Guerre mondiale nous serait tôt ou tard apparu, que nous enquêtions sur l’élevage ovin en Lozère, la porcelaine à Limoges, le foot spectacle à Marseille ou plus directement sur l’aviation, les télécoms ou les nanotechnologies dans la technopole grenobloise, à Rennes ou à Toulouse. Dire que la technologie est le front principal ne signifie pas qu’on réduise toute opposition à sa contestation. Ce serait aussi absurde que de se battre « contre la Somme » ou « contre le Rhin » parce qu’à un moment donné la ligne de la Somme ou celle du Rhin matérialise le front principal entre deux armées. Le front principal n’est que le théâtre majeur de l’action, celui qui commande les fronts dits secondaires et où se décide l’issue du conflit. C’est-à-dire que toute percée ou recul sur ce front se répercute en cascade sur les autres et transforme la situation. À aucun moment, il ne s’agit de hiérarchiser les mérites de différentes causes, ni ceux de leurs défenseurs (cause des femmes, des homos, des animaux, etc.). Il s’agit de comprendre, avec le moins de retard possible sur le fait accompli, comment la technologie transforme le monde, villes et campagnes, les hommes et les femmes, leurs corps, les rapports sociaux, le rapport à soi, les idées, etc. Et enfin les rapports de force entre nécessaires et superflus, à l’avantage des premiers, bien sûr. Maintenant, si vous pouvez nous dire quel autre facteur que les technosciences a davantage changé l’homme et le monde depuis la révolution industrielle (circa 1800), ou la révolution cybernétique (circa 1945), nous serons vraiment intéressés.

    • Huhu, @aude_v je dirais : pas spécialement : je relève les passages qui me semblent intéressants ou significatifs, ou encore « à discuter ». Là mes citations en sont à 1/3 du document, et pas vraiment rencontré de trucs anti-féministes, homophobes ou du genre, donc ça reste plutôt lisible intéressant. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y aurait pas des choses à discuter/critiquer quand même hein. :D

      Il y a pas mal de rappels historiques et de choses qui sont intéressantes à rappeler ou avoir en tête.

      Je continuerai ce soir ou demain…

    • « Ce soir ou demain » … 4 ans plus tard

      De même qu’un paléozoologue reconstitue l’anatomie, l’alimentation et le milieu d’un dinosaure à partir d’un os, nous avons pu, à partir de la technopole grenobloise, reconstituer le technocapitalisme mondialisé (le stade Silicon Valley du capitalisme), désigner et décrire au fil d’une quinzaine de livres et de centaines de textes, nombre de concepts et de phénomènes associés : la police totale (gestion et contention), la société de contrainte (implants cérébraux), la technocratie (l’alliage du capital et de l’expertise), la reproduction artificielle de l’humain, etc. Nous avons reçu un accueil mondain, la reconnaissance rechignée d’un étroit milieu d’initiés, et un échec politique ; les enquêteurs, les producteurs d’idées et les idées ne se sont pas multipliés à la vitesse nécessaire. La conscience du désastre traîne loin derrière l’emballement technologique. Nous-mêmes, qui y passons notre temps et nos efforts, nous peinons à saisir « ce qui se passe »,« en temps réel ». Et encore plus à le dire, et à y répondre.
      Certes, nous avons parlé avec beaucoup de gens. Nous avons suscité des écrits et des écriveurs, mais finalement nous n’avons rencontré que ceux qui nous cherchaient.

      […]

      Pardon de notre naïveté, nous avons rencontré tant de diplômés, désireux de « nous aider », de « faire quelque chose », en proie à la panique et à la procrastination dès lors qu’on leur proposait - non pas d’écrire - mais de rédiger sur tel ou tel sujet qui leur tenait à cœur. Ils en étaient simplement incapables ; et aussi humiliés que les illettrés à qui l’on demande soudain de lire ou de remplir un document.

    • La plupart des jeunes radicalistes que nous avons croisés, ne s’intéressaient pas plus au local et aux technologies que les vieux citoyennistes. Ils cherchaient surtout des thèmes d’activisme pour se mettre en valeur, des prétextes à réunions, à hauts cris, conciliabules, opérations d’agit-prop’, voire, dans leur plus cher désir, à une émeute réglementaire, avec cagoules, black bloc et bris de vitrines. Il nous incombait de fournir le discours, les faits, les arguments, les textes, justifiant ces envies d’esclandres. Pour peu qu’on féminise les textes collectifs et qu’on ajoute systématiquement « ...et son monde » après l’objet de notre opposition -Contre Ceci et son monde !... Contre Cela et son monde ! - comme un répons de messe, nous avions l’imprimatur. Peu d’entre eux ont vraiment compris ce qu’étaient les nanotechnologies, les technologies convergentes, ni ce que signifiait l’emballement technologique. Nous étions pour eux, comme pour les gauchistes du NPA, une sorte de commission spécialisée, dans un domaine ésotérique et abscons. On ne s’y investit que lorsqu’on n’a rien de plus urgent ou de plus gratifiant à faire ; et on y fait appel quand on a besoin d’une explication ou d’un intervenant sur le sujet. Gauchistes et post-gauchistes n’ont jamais admis que nous étions des généralistes de la politique et non pas des spécialistes des technologies. Il aurait fallu d’abord comprendre que la technologie était devenue la politique de notre temps – la réelle politique du capital et de la technocratie - et non pas un simple moyen, susceptible de « dérives » et de « dysfonctionnements ».

      Il y a des années de cela, une note étonnante du Centre d’Analyse Stratégique - ou d’une officine similaire - nous était passée sous les yeux. L’auteur y déclarait que les risques de tension majeurs à venir en France, étaient soit les controverses technologiques (nucléaire, OGM, nanos, etc.), soit les controverses identitaires (ethniques, confessionnelles, sexuelles, etc.). En tant qu’humains, à qui rien d’humain n’est étranger, nous nous sommes évertués à faire de la lutte contre l’inhumain (transhumanisme, anomie, fanatisme) le souci premier de nos congénères. Devinez qui a gagné.

    • A-t-on jamais vu, malgré des décennies d’appels et de propagande, laFrance d’en bas défiler en masse contre les nuisances qui frappent davantage les quartiers populaires ? Le bruit, l’air et l’eau empoisonnés, la malbouffe, les pesticides, les engrais qui infectent et abrègent la vie. A-t-on jamais vu la jeunesse des cités ou la vieillesse des cantons se soucier de l’intérêt général et se joindre aux protestations contre le nucléaire, les chimères génétiques et l’artificialisation du territoire ? Pour toutes les critiques qu’on leur adresse, et qu’ils méritent, les petits-bourgeois « écolos » restent les seuls, et les derniers, à ne pas séparer leurs intérêts de l’intérêt commun, à faire preuve d’idéalisme et à se battre pour tous, en même temps que pour eux. Qu’ils gagnent et qu’ils s’y prennent bien pour rallier l’ensemble du peuple à la cause commune est une autre affaire. Mais pour en parler, il faut avoir tenté, une fois, d’éveiller un canton d’éleveurs de porcs ou les banlieusards d’une métropole à la critique radicale.

      Demandez à n’importe quel ancien établi, mao ou marxiste-léniniste. Aux derniers prêtres ouvriers et curés des cités. Cela suppose d’y habiter. De se lier aux habitants. D’enquêter. De ne passuivre les idées et les revendications aliénées, aussi populaires soient-elles. De ne pas émettre un langage et un programme tout faits, aussi justes soient-ils dans l’abstrait, mais étranges et incompréhensibles pour la population. De se plonger dans le milieu sans s’y perdre, mais sans heurter. Cela suppose d’écouter, d’observer, de comprendre – « l’analyse concrète de la situation concrète ». De synthétiser les griefs pour produire des idées radicales (et non pas extrémistes), dont les habitants puissent s’emparer, etc. L’expérience de l’établissement (« aller au peuple ») et de l’enquête de masse, depuis le XIXe siècle, ont accumulé là-dessus de multiples règles et leçons qu’on ne discutera pas ici. Mais si vous connaissez des volontaires, on ne demande qu’à leur en faire part.

    • Il ne suffit pas de protester contre la destruction de l’école, de la langue, de la pensée, de la culture, de la mémoire, ni de se réfugier, chacun pour soi, dans la lecture. Il s’agit de créer un réseau de maisons vouées à la conservation et à la transmission de l’œuvre ancienne de l’humanité. Il faut de la pierre : des bâtiments, des librairies, des salles d’étude. Il faut des programmes, des maîtres, des élèves et de l’argent.
      Il n’a jamais suffit de la réunion mensuelle du « café citoyen » ou du « lieualternatif », avec son film-débat ou son conférencier en tournée.Il faut, partout, des centres de recherches sauvages qui analysent constamment, concrètement, la situation et lâchent des essaims d’enquêteurs dans toutes les situations concrètes.
      Il faut sauver tout ce qui peut l’être. Il faut des jardins, des vergers, des potagers ; des semences paysannes et des arches animales. Il faut des ateliers où réapprendre les techniques vernaculaires et autonomes, par opposition aux systèmes technologiques et autoritaires. Il faut donc tout ce qui se fait déjà, depuis des années, de manière éparse et multiple, et qui nourrit ce fond de conscience humaine et vitale, hostile à la mort machine. Mais il le faut de façon beaucoup mieux pensée, beaucoup plus dense et rayonnante. Beaucoup plus sérieuse.
      Il s’agit en somme d’instituer une véritable éducation populaire, du meilleur niveau et pour le plus grand nombre. D’ouvrir des écoles partout.

      […]

      Ce que les résistants attendent, c’est un tour de magie qui ne leur demande rien de plus que « toutce qu’ils font déjà », un simple vœu ; un acte d’opinion. « ils font partie », « Ils soutiennent »... Beaucoup n’espèrent plus qu’en la Catastrophe pour arrêter la catastrophe, mais avec souvent une sorte de complaisance et d’inconséquence. Ils n’imaginent pas concrètement cette catastrophe ; ou alors sans douleur ; ou du moins, après leur mort. Ils déplorent la catastrophe en cours, mais « jusqu’ici, ça va », et s’ils la nomment « catastrophe », c’est davantage par goût des grands mots et de l’exagération militante que par exactitude. La Catastrophe arrivera « un jour », et ce sera un événement subit, d’une violence planétaire.
      Cependant, cette attente apocalyptique qui se coule dans le moule culturel et religieux de nombreux peuples, façonne une mentalité anxieuse et désespérée. Elle sature l’esprit du temps et tourmente, de façon latente, celui des superflus. Ainsi s’accumule un fond de désespoir et d’abattement, telle une nappe de naphte, prête à nourrir des feux spontanés, lorsqu’elle affleure la surface, ou à s’embraser en incendie gigantesque, suite à un accident de forage. Aussi attendu soit-il, l’événement, sur le vif, surprend et stupéfie. Après coup, assez vite, les commentateurs rappellent qu’on s’y attendait, que « ça ne pouvait pas durer » ; même si, en fait, « ça durait » depuis si longtemps qu’on ne voyait pas pourquoi « ça » ne pourrait pas durer aussi longtemps -et même toujours - quoi qu’on s’interdît de le dire par piété révolutionnaire. Ainsi vont les catastrophes dont la théorie n’est plus à faire. Soit la catastrophe provoque la révolution, soit la révolution prévient la catastrophe.

    • Il faut pour agir un but et des moyens.
      Quant au but, nous reprenons notre bien : l’usage partagé des biens communs (de ce qu’il en reste), qui était l’exigence des vrais socialistes et anarchistes du jeune XIXe siècle.
      L’usage prudent, frugal, des biens communs, qui était celle des vrais « écologistes » du jeune XXe siècle (Ellul, Charbonneau et alii) ; le contrôle des naissances revendiqué par Armand Robin et les anarchistes des années vingt (les « néo-malthusiens ») ; la décroissance qui est, en ce début de XXIe siècle, l’autre nom, le « nom obus », du combat contre la société de consommation engagé par les contestataires des années soixante (situs, beatnicks, hippies, etc.) ; tous ces buts et ces moyens participent de cet épicurisme, de cet art choisi et délicat de la vie sur terre, dont le monde porte depuis longtemps le rêve. N’en déplaise aux pieux natalistes, il ne suffit pas de réduire la consommation ostentatoire de quelques-uns pour préserver notre jardin, il faut aussi réduire le nombre des consommateurs. Aussi viable que serait une fourmilière humaine, elle n’en serait pas pour autant vivable, ni enviable. Nous sommes des animaux politiques et non pas des insectes sociaux.

      #biens_communs #communs

      […]

      Peut-on, au-delà, proposer aux superflus et aux résistants des tactiques de lutte, comme l’ancien mouvement ouvrier en avait inventé durant son histoire ?
      En fait, nous pouvons toutes les transposer - grèves, sabotages, occupations, blocages, boycottages - de l’usine à la vie quotidienne, en sachant qu’aucune ne constitue l’arme absolue (aujourd’hui comme hier), et que toutes peuvent être récupérées et retournées par la technocratie.
      Il est ainsi possible pour les radicaux de se lier aux superflus en faisant une propagande intense et constante aux entrées des grandes surfaces, aux sorties des gares, aux arrêts de bus, etc., partout où ils passent et consomment en masse des produits et des services, afin de les informer concrètement des vices de ces marchandises, les inciter au boycottage, leur proposer des alternatives d’achat, et surtout, des alternatives à la consommation. Ces boycottages peuvent cibler d’abord certains produits particulièrement nocifs, socialement et sanitairement, faciles à éviter, et s’étendre ensuite. Le refus d’achat est beaucoup plus facile que le refus de travail : on ne perd pas d’argent, on en gagne. À moins de restaurer la vente forcée, comme celle du sel sous l’ancien régime (la gabelle), on ne peut obliger les clients à acheter. Les partisans de la décroissance, ennemis de la « consommation patriotique » et saboteurs du « moral des ménages », devraient répandre cette tactique, au lieu de la confiner de manière anecdotique et symbolique à leur seul usage. Mais il faut oser parler et apprendre à parler aux superflus. Leur parler en vrai, de vive voix dans le monde réel, et non pas seulement par le biais d’Internet et de publications internes aux milieux « écolos ». Nous pouvons par ce moyen mettre des entreprises à genoux. Nous pourrions, à titre de mythe radical, lancer l’idée d’une grève générale des achats, réminiscente de la grève générale du travail.

      […]

      C’est une membrane qui sépare les initiatives d’autogestion alternative, de l’exploitation par l’Etat du sentiment de fraternité.
      De même qu’autour de l’usine en grève pouvait se développer une « société autogérée », piquets de grèves, fêtes, approvisionnements, occupation et production « sauvage », préfigurant « le monde à venir », le boycottage peut mener à la grève des achats et celle-ci, à la mise en place d’autres circuits, et de proche en proche à l’instauration d’une économie parallèle gérée par des conseils populaires. Sourdement, c’est à quoi tendent les « amap », les « sel », les « zad » etc., quels que soient leurs défauts par ailleurs.

      […]

      Nous l’avons dit maintes fois, nous n’avons pas de « projet » au sens des programmes et théories des vieilles avant-gardes surplombantes, nous n’avons que des rejets. Nous proposons d’agir par soustraction, d’examiner collectivement, une à une, toutes les activités économiques suivant leur utilité ou leur nocivité, et de décider de leur maintien ou de leur abolition. À titre d’échantillons, nous pourrions examiner le sort de l’industrie publicitaire, de la grande distribution, de l’agrochimie, de l’industrie nucléaire, de la spéculation financière, des médias de masse, etc.. Et ainsi, pièce par pièce, en démanteler des pans entiers. Ce qui resterait de ce passage au crible ne serait nullement la société socialiste ou communiste des traités marxiens, mais un pis-aller. Un capitalisme rabougri, ramené des décennies en arrière, et laissant à la société le loisir de débattre au fond, consciemment, de ses formes d’organisation. Ce serait un peu d’air.

  • La génétique pour s’adapter au monde radioactif
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=760

    Nous avons reçu en même temps, par coïncidence, deux documents qui se font mutuellement écho, portant, l’un sur la mesure de la pollution radioactive en France (Les luddites et l’usure du « vieux monde ») et l’autre, sur les perspectives d’eugénisme et de manipulations génétiques ouvertes par la mise au point de ciseaux moléculaires ultra-performants (Lettre ouverte à Emmanuelle Charpentier). L’emballement constant du progrès technologique entraînant celui, non moins constant, du regrès social et humain. L’un de ces documents émane de l’Association Contre le Nucléaire et son Monde ; l’autre de Bertrand Louart, biologiste, menuisier et critique contondant des technosciences. Ces textes auraient sans doute moins de raison d’exister si les opposants au techno-totalitarisme pouvaient faucher les champs (...)

    #Nécrotechnologies
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/vieuxmonde-luddites.pdf
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/LOEC_A4.pdf

  • André Dréan, révolutionnaire intransigeant professionnel

    A propos de la brochure :
    A la conquête de l’est, De l’influence de l’idéologie conservatrice nord-américaine dans les milieux anti-industriels français , printemps 2014.

    Ce qui est remarquable chez Dréan, c’est qu’il avoue d’emblée qu’il ne sait pas de quoi il parle (« Je ne connais pas particulièrement l’ensemble des œuvres de Christopher Lasch ») et que cela ne l’empêche nullement d’émettre des jugements aussi tranchants que définitifs.

    Il suffit, justement, d’avoir un peu lu les livres de C. Lasch parus en français pour comprendre qu’en effet, grande découverte, c’est un auteur « conservateur », mais pas nécessairement au sens de « réactionnaire » :

    « Il y a la célèbre formule de Marx : “Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer.” Mais maintenant, elle est dépassée. Aujourd’hui, il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout, il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateurs dans un sens qu’aucun homme qui s’affiche comme conservateur n’accepterait. »
    Günther Anders, Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ?, interview réalisée en 1977 (éd. Allia, 2001).

    Être conservateur, au sens révolutionnaire que suggère ici Anders, consiste d’abord à lutter pour la préservation des conditions qui permettent une vie humaine sur Terre. C’est ce que se propose Lasch à travers ses différents ouvrages. On peut ne pas être d’accord avec nombre de ses propositions, on peut même estimer qu’il se fourvoie ou s’aveugle sur un certain nombre de points. Mais il faudrait au moins avoir l’honnêteté de reconnaître que ses analyses se placent, tout de même, du côté de l’émancipation sociale dans sa tentative de montrer en quoi la modernisation détruit les conditions de la liberté et de l’autonomie.

    C’est cette honnêteté qui manque décidément à Dréan, qui se contente de souligner que Lasch est cité par Marine Le Pen et encensé par Le Figaro, et qu’il s’inscrit dans la mouvance du « retour aux “valeurs traditionnelles de l’Amérique” dès la présidence Reagan ». Si des réactionnaires disent que 2+2=4, alors Dréan est prêt à qualifier de fascistes quiconque penserait de même ! Quant aux « valeurs traditionnelles », n’importe quel progressiste vous dira qu’elles sont nécessairement, en tout et pour tout, de manière absolue et définitive, profondément réactionnaires, puisque appartenant au passé, c’est-à-dire à des époques et des sociétés qui n’étaient pas aussi excellentes et parfaites que la nôtre :

    « Valeurs qui, de la création de la première colonie anglaise stable en Virginie jusqu’à la guerre de Sécession, posèrent les fondations de l’Union telle qu’elle existe depuis les lendemains de la première boucherie mondiale. »

    Chez Dréan, les choses, les êtres et les idées sont figées à jamais et manifestent leur essence de toute éternité. En conséquence, jamais rien de neuf sous le soleil ne peut apparaître ni se manifester :

    « La critique qu’il [Lasch] effectue de l’histoire moderne des Etats-Unis, tels qu’ils sont issus des lendemains de la Première Guerre mondiale, avec leur montée en puissance à titre d’Etat industrialisé et militarisé, jusqu’à nos jours est donc conservatrice. Elle idéalise la période antérieure à la guerre de Sécession comme si celle-ci n’avait pas préparé ce qui est advenu par la suite . » (souligné par moi)

    Pour Dréan, l’histoire était déjà écrite (par qui et où ça ? on aimerai bien le savoir), ce qui est advenu devait nécessairement advenir, et personne n’y pouvait rien – et surtout pas les conservateurs. Etrange conception de l’histoire où, peut-être, seuls les « révolutionnaires », aussi intransigeants que Dréan probablement, peuvent faire l’histoire…

    Mais passons sur tout cela, sur cette indignation qui rappelle la politically correctness américaine, ou bien, traduit en bon français : la police de la pensée.

    Venons-en à Notes et Morceaux choisis, bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle n°7, qui a pour titre “Les chemins de fer ou la liberté” (éd. La Lenteur, 2006). A lire Dréan, on serait bien en peine de savoir pourquoi et comment cette revue parle de Lasch. De fait, dans ce numéro, il n’est pas question du seul ouvrage de Lasch que Dréan prétend avoir lu, Les femmes et la vie ordinaire (éd. Climat, 2006). Mais vu le tableau qu’il dresse de ce dernier, Dréan n’a pas besoin de s’encombrer à détailler le contenu d’une revue dont il n’a de toute façon lu que l’éditorial. Et il peut donc tranquillement conclure :

    « En France, dans les milieux hostiles à ce qu’ils nomment de façon réductrice la société industrielle, il est de bon ton de peindre sous des couleurs plus ou moins attrayantes des modes d’exploitation et de domination plus traditionnels et antérieurs à l’industrialisation. »

    Cette phrase relève de la calomnie pure et simple.

    Que Dréan, en indécrottable progressiste, ne comprenne rien à l’usage que l’on peut faire du passé est une chose. Qu’il prétende, sur cette base, que nous nous faisons les promoteurs de modes d’exploitation et de domination, qu’en somme nous ne défendons pas la cause de l’émancipation sociale, est mensonger et diffamatoire .

    Si l’on s’inspire du passé, ce n’est pas pour l’idéaliser et ce n’est bien évidement pas pour reproduire les mêmes erreurs et tares sociales. J’ai déjà expliqué cela ailleurs, dans mon Introduction à la réappropriation (1999). Mais Dréan ne nous accorde même pas cela, ce minimum d’intelligence, trop occupé qu’il est à étaler son ressentiment .

    En effet, qu’a-t’il produit d’autre, ce monsieur ?

    Ce n’est pas lui qui s’aventurerait à publier quoique ce soit qui permettrait de préciser et d’actualiser le projet révolutionnaire qu’il prétend défendre si vaillamment et si généreusement. Il lui suffit de cracher sur tout ce qui bouge en endossant l’habit du révolutionnaire intransigeant.

    Et c’est déjà bien assez lourd à porter.

    N’est-ce pas, mon pauvre Dréan ?

    Bertrand Louart, 1er août 2014.

    (#André-Dréan, mythe ou réalité ?)

  • Bertrand Louart, Le vivant, la machine et l’homme , Le diagnostic historique de la biologie moderne par André Pichot
    et ses perspectives pour la critique de la société industrielle

    André Pichot est chercheur en histoire et philosophie des sciences au CNRS à l’université de Nancy. En 2011, il a publié un imposant ouvrage qui semble clore une analyse très critique de la biologie moderne dans son ensemble.

    Je propose de faire ici une brève rétrospective sur une œuvre atypique. Je tenterais ensuite d’indiquer succinctement les perspectives qu’ouvrent sa critique du vivant comme machine et qu’impliquent sa nouvelle conception du vivant pour une critique de la société capitaliste et industrielle.

    http://sniadecki.wordpress.com/2013/06/07/louart-vmh

    Avec le PDF téléchargeable...

    #Bertrand-Louart #anti-industriel #biologie #autonomie

  • L’agent Moatti (Alexandre) a fait son travail de policier, en enquêtant dans le chapitre XVII (idéologie d’ultra-gauche contemporaine) de son livre « Alterscience ». Loin d’un débat d’idée, il s’agit plutôt d’une traque pour connaître l’idéologie « néo-anarchiste » contre « l’écologie scientifique ». On lit un défilé de fiches de lectures sur l’Encyclopédie des Nuisances, Pièce et Main d’Oeuvre, Oblomoff et Notes & Morceaux Choisis, bien sur, mais aussi des fiches sur René Riesel et Bertrand Louart.
    Un véritable travail de policier avec examen de l’écriture (avec l’aide de Isabelle Sommier) pour imaginer la formation des personnes incriminés...
    #PMO #Oblomoff #Alexandre_Moatti #EdN #Bertrand_Louart

  • Bertrand Louart, Wondrous machine et fabulous laboratory, 2012 « Et vous n’avez encore rien vu…
    http://sniadecki.wordpress.com/2012/11/16/louart-fab-labs

    Plus besoin de sortir dans la rue, de mouvement social ni de réflexion politique ! Restez derrière vos écrans, à échanger des plans de tasses à café, et dans vos salons, à regarder votre #imprimante_3D faire la révolution ! La technologie est la seule force politique capable de changer le système !