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  • Cette révolution syrienne qui n’existe pas. Par Stephen Gowans Mondialisation.ca, 25 octobre 2016 - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/10/cette-revolution-syrienne-qui-n-existe-pas.html

    Note de la rédaction : l’article traduit ci-dessous est une dénonciation, en bonne et due forme, des mensonges de propagande qui empoisonnent « la gauche » aux USA concernant le conflit syrien, en l’occurrence sous le clavier d’Eric Draitser qui écrivait sur le site web Counterpunch. Il s’agissait pour l’auteur de démontrer que certains discours se disant « de gauche » cachent en réalité des projets inavouables et manipulateurs au service d’agendas impérialistes occidentaux, et sionistes. Dans le même temps, il offre au lecteur une chronologie très instructive sur le conflit syrien et ses origines cachées dans les ambitions post-coloniales des nations occidentales. De plus, c’est un excellent travail journalistique a posteriori de « débunkage » des manipulations oligarchiques (relayées par leurs médias aux ordres) par l’usage de leur propre travail « à contre-emploi ». Enfin, les reproches émis envers la distorsion du discours « de gauche » aux USA sont parfaitement transposables à la France (ainsi qu’à la plupart des pays francophones) et à ses partis « de gauche », qui diabolisent tous – et à tort – le régime syrien. – Will Summer

    Dans certains milieux circule une rengaine dans le vent qui veut que le soulèvement syrien, comme Eric Draitser l’écrivait dans un récent article de Counterpunch, « a commencé en réaction aux politiques néolibérales du gouvernement syrien et à sa brutalité », et que « le contenu révolutionnaire de la faction rebelle en Syrie a été mis sur la touche par un ramassis de djihadistes, financés par les Qataris et par les Saoudiens. » Cette théorie semble, à mon esprit défendant, reposer sur une logique de présomptions mais non de preuves.

    Une revue des dépêches médiatiques pendant les semaines précédant et suivant immédiatement l’éruption d’émeutes à Deraa, au milieu du mois de mars 2011 – généralement reconnues pour avoir marqué le début des troubles – ne fournit aucune indication que la Syrie ait été aux prises avec un empressement révolutionnaire, anti-néolibéral ou autre. Au contraire, des journalistes travaillant pour Time Magazine et pour le New York Times ont évoqué le large soutien dont bénéficiait le gouvernement, que les opposants d’Assad lui concédaient sa popularité et que les Syriens ne témoignaient guère d’intérêt à manifester. Dans le même temps, ils ont décrit les troubles comme une série d’émeutes concernant des centaines – et non pas des milliers ou des dizaines de milliers – de personnes, mues par un agenda principalement islamiste et exhibant un comportement violent.

    Time Magazine rapporta que deux groupes djihadistes, qui allaient plus tard jouer des rôles de premier plan dans l’insurrection, Jabhat al-Nusra et Ahrar al-Sham, étaient déjà en activité à la veille des émeutes alors que seulement trois mois auparavant des dirigeants des Frères Musulmans avaient exprimé « leur espoir d’une révolte civile en Syrie ». Les Frères Musulmans, qui avaient plusieurs décennies plus tôt déclaré la guerre au Parti Ba’as au pouvoir en Syrie par rejet du laïcisme du parti, étaient enferrés dans une lutte à mort avec les nationalistes arabes depuis les années 1960, et s’étaient engagés dans des bagarres de rue avec des partisans du Parti Ba’as depuis les années 1940. (dans l’une de ces bagarres Hafez al-Assad, père du Président actuel qui allait lui-même servir comme Président de 1970 à 2000, fut poignardé par un adversaire Frère Musulman.) Les dirigeants des Frères Musulmans ont fréquemment rencontré, à partir de 2007, des représentants du State Department US et du Conseil National de Sécurité US, ainsi que de la Middle East Partnership Initiative financée par le gouvernement US, qui endossait ouvertement le rôle de financement d’organisations putschistes à l’étranger – une tâche que la CIA avait jusqu’alors rempli clandestinement.

    Washington avait conspiré pour purger la Syrie de l’influence nationaliste arabe dès le milieu des années 1950 quand Kermit Roosevelt Jr., qui avait été le maître d’œuvre de l’éviction du Premier Ministre Mohammad Mossadegh en Iran, renversé pour avoir nationalisé l’industrie pétrolière de son pays, ourdit avec les renseignements britanniques d’exciter les Frères Musulmans pour renverser un triumvirat de dirigeants nationalistes arabes et communistes à Damas, considérés par Washington et Damas comme nuisibles aux intérêts économiques occidentaux dans le Moyen-Orient.

    Washington alimenta les combattants des Frères Musulmans en armes pendant les années 1980 pour mener une guérilla urbaine contre Hafez al-Assad, que les bellicistes à Washington traitaient de « Communiste arabe ». Son fils Bachar poursuivit l’attachement des nationalistes arabes à l’unité (de la nation arabe), à l’indépendance et au socialisme (arabe). Ces objectifs guidaient l’état syrien – comme ils avaient guidé les états nationalistes arabes de Libye sous Mouammar Qaddafi, et d’Irak sous Saddam Hussein. Ces trois états étaient les cibles de Washington pour la même raison : leurs principes nationalistes arabes s’opposaient fondamentalement à l’agenda impérialiste US d’hégémonie planétaire des États-Unis.

    Le refus par Bachar al-Assad de renoncer à l’idéologie nationaliste arabe consterna Washington qui se plaignit de son socialisme, la tierce partie de la sainte trinité des valeurs ba’athistes. Des plans pour évincer Assad – partiellement inspirés par son refus d’embrasser le néolibéralisme de Washington – étaient déjà en préparation à Washington en 2003, sinon plus tôt. Si Assad était un champion du néolibéralisme comme le prétendent Draitser et d’autres, cela a étrangement échappé à l’attention de Washington et de Wall Street, qui se plaignaient de la Syrie « socialiste » et de ses politiques économiques résolument anti-néolibérales.

    Un bain de sang déclenché avec l’aide des USA

    Fin janvier 2011, une page Facebook a été créée avec le titre « The Syrian Revolution 2011 ». Elle annonçait qu’un « Jour de Colère » serait tenu le 4, et le 5 février [1]. Les manifestations « s’évanouirent d’elles-mêmes », selon Time. Le Jour de Colère se solda par un Jour d’Indifférence. En plus, les liens avec la Syrie étaient ténus. La plupart des slogans scandés par les quelques manifestants présents concernaient la Libye, exigeant que Mouammar Qaddafi – dont le gouvernement était assiégé par des insurgés islamistes – quitte le pouvoir. Des projets pour de nouvelles manifestations furent faits pour le 4 et le 5 mars, mais elles n’attirèrent pas davantage de soutien [2].

    La correspondante de Time Rania Abouzeid attribua l’échec des organisateurs de ces manifestations pour attirer un soutien significatif au fait que la plupart des Syriens n’étaient pas opposés à leur gouvernement. Assad avait une réputation favorable, en particulier parmi les deux-tiers de la population âgée de moins de 30 ans, et les politiques de son gouvernement jouissaient d’un large soutien. « Même des opposants concèdent qu’Assad est populaire et jugé proche de l’énorme cohorte de jeunes du pays, à la fois émotionnellement, psychologiquement et, bien entendu, chronologiquement », rapportait Abouzeid en ajoutant qu’au contraire « des dirigeants pro-US renversés de Tunisie et d’Égypte, la politique étrangère d’Assad hostile envers Israël, son soutien acharné en faveur des Palestiniens et de groupes militants comme le Hamas et le Hezbollah sont en accord avec les sentiments du peuple syrien. » Assad, en d’autres termes, avait une légitimité. La correspondante de Time poursuivait pour écrire qu’Assad « conduisant lui-même jusqu’à la Mosquée des Omeyyades en février pour prendre part aux prières marquant l’anniversaire du Prophète Mohammed, et flânant parmi la foule du Souq Al-Hamidiyah entouré d’une garde restreinte » s’était « attiré, à titre personnel, l’affection du public » [3].

    Cette description du Président syrien – un dirigeant aimé de son peuple, idéologiquement en phase avec les sentiments syriens – s’érige en contraire du discours qui allait émerger peu de temps après l’éruption de manifestations violentes dans la ville syrienne de Deraa moins de deux semaines plus tard, et qui allait s’implanter dans celui des gauchistes US dont Draitser. Mais à la veille des événements déclencheurs de Deraa, la Syrie se faisait remarquer par sa quiétude. Personne ne « s’attend à un soulèvement de masse en Syrie », rapportait Abouzeid « et, malgré l’expression d’une dissidence une fois de temps en temps, il y en a très peu qui souhaitent y prendre part » [4]. Un jeune Syrien dit à Time : « Il y a beaucoup d’aides du gouvernement pour la jeunesse. Ils nous donnent des livres gratuits, des écoles gratuites, des universités gratuites. » (Pas trop l’image d’un état néolibéral comme dépeint par Draitser…) Elle continue : « Pourquoi y aurait-il une révolution ? La probabilité en est peut-être d’un pour cent. » [5] Le New York Times partageait cette opinion. La Syrie, rapportait le journal, « semblait immunisée contre la vague de révoltes frappant le monde arabe. » [6] La Syrie était libre de troubles.

    Mais le 17 mars, il y eut un violent soulèvement à Deraa. Il y a des récits contradictoires quant à qui, ou ce qui l’a déclenché. Time rapporta que la « révolte à Deraa a été provoquée par l’arrestation d’une poignée de jeunes pour avoir peint un mur avec des graffitis anti-régime. » [7] Robert Fisk de The Independent offrait une version légèrement différente. Il rapportait que « des agents des services de renseignement avaient tabassé et tué plusieurs garçons qui avaient tagué des graffitis sur les murs de la ville. » [8] Un autre récit soutient que le facteur ayant mis le feu aux poudres à Deraa ce jour-là, avait été l’usage extrême et disproportionné de la force par les services de sécurité syriens en réponse à des manifestations s’opposant à l’arrestation des garçons. Il y a eu « quelques jeunes dessinant des graffitis sur les murs, ils ont été mis en détention, et comme leurs parents voulaient les récupérer, les services de sécurité ont réagi de façon vraiment très, très brutale. » [9] Un autre récit, provenant du gouvernement syrien, affirme que rien de tout cela ne s’est produit. Cinq ans après les événements, Assad déclara lors d’une interview que cela « n’est pas arrivé. Ce n’était que de la propagande. En fait, nous en avons entendu parler, et nous n’avons jamais vu ces enfants ayant été emmenés en prison à l’époque. Donc, c’était une histoire fausse. » [10]

    Mais s’il y a eu des désaccords sur ce qui avait déclenché le soulèvement, il y en a eu peu pour dire qu’il était violent. Le New York Times rapporta que « les manifestants ont mis le feu au quartier-général du Parti Ba’as au pouvoir ainsi qu’à d’autres bâtiments gouvernementaux… et ont affronté la police… En plus du quartier-général du parti, les manifestants ont incendié le palais de justice de la ville et les bureaux locaux de la compagnie de téléphone SyriaTel. » [11] Time ajoutait que les manifestants avaient mis le feu au bureau du gouverneur, ainsi qu’à ceux de la succursale locale d’une deuxième compagnie de téléphonie mobile. [12] L’agence de presse du gouvernement syrien, SANA (Syrian Arab News Agency), publia des photographies de véhicules en flammes sur son site web. [13] Clairement il ne s’agissait pas là d’une manifestation pacifique, ainsi qu’elle serait décrite plus tard. Ce n’était pas non plus un soulèvement populaire. Time rapporta que les manifestants se dénombraient par centaines, et pas en milliers ou en dizaines de milliers. [14]

    Assad a immédiatement réagi aux troubles de Deraa, annonçant « une série de réformes, y compris une augmentation du salaire des fonctionnaires, une plus grande liberté pour les médias d’information et les partis politiques, et un réexamen de la loi sur l’état d’urgence, » [15] une restriction des libertés politiques et civiques de temps de guerre en vigueur parce que la Syrie était officiellement en guerre contre Israël. Avant la fin du mois d’avril, le gouvernement allait abroger « la loi sur l’état d’urgence du pays vieille de 48 ans » et abolir « la Cour Suprême de l’État sur la Sécurité. » [16]

    Pourquoi le gouvernement a-t-il fait ces concessions ? Parce que c’est ce qu’avaient demandé les manifestants de Deraa. Les manifestants se sont « rassemblés dans et autour de la Mosquée d’Omari à Deraa, scandant leurs exigences : la libération de tous les prisonniers politiques… l’abolition de la loi sur l’état d’urgence vieille de 48 ans ; davantage de libertés ; et la fin de la corruption endémique. » [17] Ces exigences étaient cohérentes avec l’appel, articulé début février sur la page Facebook « The Syrian Revolution 2011 », pour « mettre fin à l’état d’urgence et à la corruption en Syrie. » [18] Un appel exigeant la libération de tous les prisonniers politiques fut également rédigé dans une lettre signée par des religieux et posté sur Facebook. Les exigences des religieux incluaient l’abrogation de la « loi sur l’état d’urgence, la libération de tous les détenus pour des raisons politiques, la cessation du harcèlement par les services de sécurité du régime et un combat contre la corruption. » [19] Relâcher les détenus pour des raisons politiques équivalait à libérer des djihadistes ou, pour employer le terme communément usité en Occident, des « terroristes ». Le State Department US avait reconnu que l’Islam politique était la principale force d’opposition en Syrie [20] ; les djihadistes constituaient la majeure partie du corps des opposants à même d’être incarcérés. Que des religieux réclament que Damas libère tous ses prisonniers politiques est comparable à ce que l’État Islamique exige de Washington, Paris et Londres la libération tous les Islamistes détenus dans les prisons US, françaises et britanniques pour des affaires liées au terrorisme. Il ne s’agissait pas d’exigences pour des emplois ou davantage de démocratie, mais de l’issue de détention d’activistes inspirés par l’objectif d’instaurer un état islamique en Syrie. L’appel à lever l’état d’urgence, pareillement, semblait avoir peu de rapport avec la promotion de la démocratie et davantage avec l’amélioration de la mobilité des djihadistes et de leurs acolytes, pour organiser l’opposition à l’état laïc.

    Une semaine après l’explosion des violences à Deraa, Rania Abouzeid de Time rapportait qu’il « ne semble pas y avoir d’appels répandus pour la chute du régime ou pour l’éviction du Président, relativement populaire. » [21] Effectivement, les exigences émises par les manifestants et par les religieux ne comprenaient pas d’appel à la démission d’Assad. Et les Syriens se ralliaient à leur Président. « Il y a eu des contre-manifestations dans la capitale en soutien au Président, » [22] réunissant d’après les rapports beaucoup plus de monde que les quelques centaines de manifestants qui avaient pris les rues de Deraa pour incendier des bâtiments et des voitures, et affronter la police. [23]

    Le 9 avril – moins d’un mois après les événements de Deraa – Time rapportait qu’une série de manifestations avait été organisées et que l’Islam y jouait un rôle prééminent. Pour quiconque un tant soit peu familier avec l’enchaînement sur plusieurs décennies de grèves, de manifestations, d’émeutes et d’insurrections qu’avaient initié les Frères Musulmans contre ce qu’ils estimaient être le gouvernement « infidèle » ba’athiste, tout cela ressemblait à l’histoire qui se répétait. Les manifestations n’atteignaient pas la masse critique. Au contraire, le gouvernement continuait à bénéficier de « la loyauté » d’une « large partie de la population », selon Time. [24]

    Les Islamistes ont joué un rôle éminent dans la rédaction des Déclarations de Damas au milieu des années 2000, qui réclamaient le changement de régime. [25] En 2007 les Frères Musulmans, archétypes du mouvement politique islamiste sunnite, ayant inspiré al-Qaeda et sa progéniture de Jabhat al-Nusra à l’État Islamique, se sont mis en cheville avec un ancien vice-président syrien pour fonder le Front du Salut National. Cet organe a fait de fréquentes rencontres avec le State Department US et le Conseil National de Sécurité US, ainsi qu’avec la Middle East Partnership Initiative [Inititative de Partenariat au Moyen-Orient, NdT] financée par le gouvernement US, [26] qui accomplissait ouvertement ce que la CIA faisait naguère en secret, c’est-à-dire acheminer des fonds et de l’expertise aux cinquièmes colonnes des pays où Washington n’aimait pas le gouvernement.

    En 2009, juste deux ans avant l’éruption des troubles à travers le monde arabe, les Frères Musulmans de Syrie ont dénoncé le gouvernement nationaliste arabe de Bachar al-Assad comme élément exogène et hostile à la société syrienne, qui devait être éliminé. Selon la réflexion du groupe la communauté des Alaouïtes, à laquelle appartient Assad et que les Frères considéraient comme hérétiques, se servait du nationalisme arabe laïc comme couverture pour la progression d’un agenda sectaire, dont l’objectif était la destruction de la Syrie de l’intérieur par l’oppression des « vrais » Musulmans (c’est-à-dire des Sunnites). Au nom de l’Islam, il était nécessaire de renverser ce régime hérétique. [27]

    Seulement trois mois avant le début des violences de Syrie en 2011, l’érudit Liat Porat écrivit un billet pour le Crown Center for Middle East Studies, basé à l’Université de Brandeis. « Les dirigeants du mouvement, » concluait Porat, « continuent d’exprimer leur espoir d’une révolte civile en Syrie, dans laquelle ‘le peuple syrien remplira son devoir et libérera la Syrie du régime tyrannique et corrompu’. » Les Frères Musulmans stressaient le fait qu’ils étaient engagés dans une lutte à mort contre le gouvernement nationaliste arabe laïc de Bachar al-Assad. Il était impossible de trouver un arrangement politique avec ce gouvernement car ses dirigeants n’appartenaient pas à la nation syrienne, musulmane et sunnite. L’appartenance à la nation syrienne était réservée aux vrais Musulmans affirmaient les Frères, et pas aux hérétiques alaouïs qui embrassaient des croyances étrangères aussi anti-islamiques que le nationalisme arabe. [28]

    Que les Frères Musulmans syriens aient joué un rôle clé dans le soulèvement s’est vu confirmé en 2012 par la Defense Intelligence Agency US [renseignements militaires, NdT]. Un document ayant fuité de l’agence déclarait que l’insurrection était sectaire et emmenée par les Frères Musulmans et al-Qaeda en Irak, précurseur de l’État Islamique. Le document poursuivait pour dire que ces insurgés étaient soutenus par l’Occident, les pétromonarchies arabes du Golfe Persique et la Turquie. L’analyse prédisait correctement l’établissement d’une « principauté salafiste » – un état islamique – en Syrie orientale, soulignant que c’était là le souhait des appuis étrangers de l’insurrection, qui voulaient voir les nationalistes arabes isolés et coupés de l’Iran. [29]

    Des documents mis au point par des chercheurs du Congrès US en 2005 ont révélé que le gouvernement US envisageait activement le changement de régime en Syrie longtemps avant les soulèvements du Printemps Arabe de 2011, ce qui défie l’opinion que le soutien US en faveur des rebelles syriens reposait sur leur allégeance à un « soulèvement démocratique », et démontrent qu’il s’agissait de l’extension d’une politique de longue date visant à renverser le gouvernement de Damas. En effet, les chercheurs reconnaissaient que la motivation du gouvernement US pour renverser le gouvernement nationaliste arabe laïc à Damas n’avait rien à voir avec la promotion de la démocratie au Moyen-Orient. Pour être précis, ils relevaient que la préférence de Washington allait vers les dictatures laïques (Égypte) et les monarchies (Jordanie et Arabie Saoudite). Le moteur des efforts visant le changement de régime, selon les chercheurs, était le désir de balayer un obstacle à l’accomplissement des objectifs US au Moyen-Orient en lien avec : le renforcement d’Israël, la consolidation de la domination US en Irak et l’instauration d’économies de marché sur le mode néolibéral. La démocratie n’a jamais fait partie du décor. [30] Si Assad faisait la promotion de politiques néolibérales en Syrie comme le prétend Draitser, il est difficile de comprendre pourquoi Washington a pu citer le refus syrien d’épouser l’agenda US d’ouverture des marchés et de liberté des entreprises comme prétexte pour procéder au changement du gouvernement syrien.

    Afin de mettre un accent sur le fait que les manifestations manquaient de soutien populaire massif le 22 avril, plus d’un mois après le début des émeutes à Deraa, Anthony Shadid du New York Times rapportait que « les manifestations, jusqu’ici, ont semblé ne pas atteindre le niveau des soulèvements populaires des révolutions d’Égypte et de Tunisie. » En d’autres termes, plus d’un mois après que des centaines – et pas des milliers, ni des dizaines de milliers – de manifestants aient provoqué des émeutes à Deraa, il n’y avait pas de signes d’un soulèvement populaire de type Printemps Arabe en Syrie. La rébellion restait une affaire essentiellement circonscrite aux Islamistes. Par contraste, il y avait eu à Damas d’énormes manifestations en soutien – et non pas hostile – au gouvernement, Assad était toujours populaire et, selon Shadid, le gouvernement profitait de la loyauté des « sectes hétérodoxes chrétiennes et musulmanes. » [31] Shadid n’a pas été le seul journaliste occidental à rapporter que les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et le Chrétiens soutenaient fortement le gouvernement. Rania Abouzeid de Timeobserva que les Ba’athistes « pouvaient compter sur le soutien des groupes minoritaires conséquents de Syrie. » [32]

    La réalité que le gouvernement syrien commandait la loyauté des sectes hétérodoxes chrétiennes et musulmanes, telle que rapportée par Anthony Shadid du New York Times, suggère que les minorités religieuses de Syrie décelaient dans ce soulèvement quelque chose qui n’a pas assez été rapporté par la presse occidentale (et que les socialistes révolutionnaires aux États-Unis ont manqué), c’est-à-dire qu’il était alimenté par un agenda sectaire sunnite islamiste qui, s’il devait porter ses fruits, aurait des conséquences désagréables pour tous ceux n’étant pas considérés comme de « vrais » Musulmans. Pour cette raison les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et les Chrétiens s’alignaient avec les Ba’athistes qui cherchaient à réduire les clivages sectaires dans leur engagement programmatique de génération d’unité de la nation arabe. Le slogan « les Alaouïtes dans la tombe et les Chrétiens à Beyrouth ! » entonné pendant les manifestations des premiers jours [33] ne faisait que confirmer le fait que le soulèvement s’inscrivait dans la continuité de la lutte à mort proclamée par l’Islam politique sunnite contre le gouvernement nationaliste arabe laïc, et n’était nullement une révolte populaire en faveur de la démocratie ou contre le néolibéralisme. S’il s’était agi de l’une ou l’autre de ces choses, alors comment expliquer que la soif de démocratie et l’opposition au néolibéralisme n’aient été présentes qu’au sein de la communauté sunnite, et absentes dans les communautés des minorités religieuses ? Assurément, un déficit de démocratie et une tyrannie néolibérale auraient dépassé les frontières religieuses, si jamais ils avaient figuré parmi les facteurs déclencheurs d’un soulèvement révolutionnaire. Que les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et les Chrétiens n’aient pas manifesté, et que les émeutes aient reposé sur les Sunnites avec un contenu islamiste suggère fortement que l’insurrection, dès le départ, constituait la recrudescence de la campagne djihadiste sunnite engagée de longue date contre la laïcité ba’athiste.

    « Dès le tout début le gouvernement Assad a déclaré qu’il était engagé dans un combat contre des militants islamistes. » [34] La longue histoire des soulèvements islamistes contre le Ba’athisme antérieurs à 2011 suggère certainement que c’était très probablement le cas, et la façon dont le soulèvement évolua par la suite, en tant que guerre emmenée par des Islamistes contre l’état laïc, ne fait que renforcer ce point de vue. D’autres preuves à la fois positives et négatives corroboraient l’affirmation d’Assad que l’état syrien subissait l’attaque de djihadistes (tout comme il l’avait déjà été maintes fois dans le passé). Les preuves négatives, que le soulèvement n’était pas une révolte populaire dirigée contre un gouvernement impopulaire, transpiraient des rapports médiatiques occidentaux qui démontraient que le gouvernement nationaliste arabe de Syrie était populaire et commandait la loyauté de la population.

    Les manifestations et les émeutes anti-gouvernementales à petite échelle ont attiré beaucoup moins de monde, par contraste, qu’une énorme manifestation à Damas en soutien au gouvernement et assurément, également beaucoup moins que les soulèvements populaires d’Égypte et de Tunisie. De plus, les exigences des manifestants étaient centrées sur la libération de prisonniers politiques (principalement des djihadistes) et sur la levée des restrictions de temps de guerre sur la dissidence politique, pas sur des appels à la démission d’Assad ou au changement des politiques économiques du gouvernement. Les preuves positives proviennent des rapports médiatiques occidentaux démontrant que l’Islam politique a joué un rôle prééminent dans les émeutes. En outre, alors qu’il était crédité que les groupes islamistes armés n’étaient entrés dans l’arène que dans le sillage des émeutes initiales du printemps 2011 – « piratant » ainsi un « soulèvement populaire » – en réalité, deux groupes ayant joué un grand rôle dans la révolte armée post-2011 contre le nationalisme arabe laïc, Ahrar al-Sham et Jabhat al-Nusra étaient tous les deux actifs, au début de cette année-là. Ahrar al-Sham « avait commencé à former des brigades […] bien avant la mi-mars 2011, » quand l’émeute de Deraa a eu lieu, selon Time. [35] Jabhat al-Nusra, franchise d’al-Qaeda en Syrie, « était inconnu jusqu’à fin janvier 2012 où le groupe a annoncé sa formation [… mais] il était déjà actif depuis des mois. » [36]

    Un autre élément de preuve corroborant l’idée que l’Islam militant a joué très tôt un rôle dans les soulèvements – ou du moins, que les manifestations ont tout de suite été violentes – est qu’il y « avait dès le départ des signes que des groupes armés étaient impliqués. » Le journaliste et écrivain Robert Fisk se souvient avoir vu un enregistrement des « tous premiers jours du ‘soulèvement’ montrant des hommes équipés d’armes de poing et de Kalashnikovs, pendant une manifestation à Deraa. » Il se souvient d’un autre événement survenu en mai 2011, où « une équipe d’Al Jazeera a filmé des hommes armés tirant sur des troupes syriennes à quelques centaines de mètres de la frontière du nord du Liban, mais la chaîne a décidé de ne pas diffuser l’enregistrement. » [37] Même des officiels US, qui étaient hostiles au gouvernement syrien et dont on aurait pu attendre qu’ils contestent la version de Damas selon laquelle la Syrie était engagée dans une lutte contre des rebelles armés, ont « concédé que les manifestations n’étaient pas pacifiques et que certains participants étaient armés. » [38] En septembre, les autorités syriennes faisaient savoir qu’elles déploraient la perte de plus de 500 policiers et soldats, tués par les insurgés. [39] À la fin du mois d’octobre ces chiffres avaient plus que doublé. [40] En moins d’un an, le soulèvement était parti de l’incendie de bâtiments du Parti Ba’as et de bureaux gouvernementaux avec des affrontements contre la police, à la guérilla comprenant des méthodes qui seraient plus tard définies de « terroristes », quand elles sont menées contre des cibles occidentales.

    Assad allait se plaindre plus tard que :

    Tout ce que nous avons dit depuis le début de la crise en Syrie, ils le disent plus tard. Ils ont dit que c’était pacifique, nous avons que ça ne l’était pas, ils tuent – ces manifestants, qu’ils ont appelé des manifestants pacifiques – ils ont tué des policiers. Et ce sont devenus des militants. Ils ont dit oui, ce sont des militants. Nous avons dit ce sont des militants, et c’est du terrorisme. Ils ont dit que non, ce n’est pas du terrorisme. Et ensuite, quand ils admettent que c’est du terrorisme nous disons que c’est al-Qaeda et ils disent non, ce n’est pas al-Qaeda. Alors quoique nous disions, ils le disent plus tard. [41]

    Le « soulèvement syrien », écrivait le spécialiste du Moyen-Orient Patrick Seale, « ne devrait être considéré que comme le dernier épisode, sans nul doute le plus violent, de la longue guerre entre Islamistes et Ba’athistes qui remonte à la fondation du Parti Ba’as laïc dans les années 1940. Le combat qui les oppose a désormais atteint le niveau de lutte à la mort. » [42] « Il est frappant, » poursuivait Seale en citant Aron Lund qui avait rédigé un rapport pour l’Institut Suédois des Affaires Internationales sur le djihadisme syrien, « que quasiment tous les membres des divers groupes armés sont des Arabes sunnites ; que les combats ont surtout été circonscrits uniquement dans les zones de peuplement arabes sunnites, tandis que les régions habitées par les Alaouïtes, les Druzes ou les Chrétiens sont demeurées passives ou ont soutenu le régime ; que les défections du régime sont sunnites presque à 100% ; que l’argent, les armes et les volontaires proviennent d’états islamistes ou d’organisations et d’individus pro-islamistes ; et que la religion soit le dénominateur commun le plus important du mouvement des insurgés. » [43]

    La brutalité qui met le feu aux poudres ?

    Est-il raisonnable de croire que l’usage de la force par l’état syrien ait enflammé la guérilla qui a commencé peu de temps après ?

    Cela défie le raisonnement, qu’une réaction excessive de la part des services de sécurité face au déni de l’autorité du gouvernement dans la ville syrienne de Deraa (s’il y a vraiment eu sur-réaction), puisse déclencher une guerre majeure impliquant une foule d’autres pays et mobilisant des djihadistes venant de dizaines de pays différents. Il aura fallu ignorer un éventail de faits discordants dès le départ, pour pouvoir donner à cette histoire le moindre soupçon de crédibilité.

    D’abord, il aura fallu passer outre la réalité que le gouvernement Assad était populaire et considéré comme légitime. Il est possible de plaider qu’une réaction trop excessive, issue d’un gouvernement hautement impopulaire en face d’un défi trivial à son autorité ait pu fournir la mèche indispensable à l’embrasement d’une insurrection populaire, mais malgré les insistances du Président Barack Obama selon lequel Assad manquait de légitimité, il n’existe aucune preuve que la Syrie, en mars 2011, ait été un baril de poudre de ressentiment anti-gouvernemental sur le point d’exploser. Comme Rania Abouzeid de Time le rapportait la veille des émeutes à Deraa, « même ses opposants concèdent qu’Assad est populaire » [44] et « personne ne s’attend à des soulèvements de masse en Syrie et, malgré l’expression d’une dissidence de temps en temps, il y en a très peu souhaitent y prendre part. » [45]

    Ensuite, il nous aura fallu délaisser le fait que les émeutes de Deraa impliquaient des centaines de participants, un piètre soulèvement de masse, et les manifestations qui ont suivi ont également échoué à atteindre une masse critique comme l’avait rapporté Nicholas Blanford, de Time. [46] De même, Anthony Shadid du New York Times n’a relevé aucune preuve révélant un soulèvement de masse en Syrie, plus d’un mois après les émeutes de Deraa. [47] Ce qui se passait vraiment, à l’inverse de la rhétorique propagée par Washington évoquant le Printemps Arabe qui aurait atteint la Syrie, c’était que des djihadistes étaient engagés dans une campagne de guérilla contre les forces de sécurité syriennes qui avait, déjà en octobre, pris les vies de plus d’un millier de policiers et de soldats.

    Enfin, il nous aura fallu fermer les yeux sur le fait que le gouvernement US, avec son allié britannique, avait concocté des plans en 1956 pour la création d’une guerre en Syrie par l’embrigadement des Frères Musulmans, devant provoquer des soulèvements intérieurs. [48] Les émeutes de Deraa et les affrontements qui ont suivi contre la police et les soldats ressemblent au plan qu’avait ourdi le spécialiste en changements de régimes, Kermit Roosevelt Jr. . Il ne s’agit pas d’affirmer que la CIA ait épousseté le projet de Roosevelt et l’ait recyclé pour être déployé en 2011 ; seulement que le complot démontre que Washington et Londres étaient capables de projeter une opération de déstabilisation impliquant une insurrection emmenée par les Frères Musulmans, afin d’obtenir le changement de régime en Syrie.

    Il nous aurait fallu également avoir ignoré les événements de février 1982 quand les Frères Musulmans ont pris le contrôle de Hama, la quatrième plus grande ville du pays. Hama était l’épicentre du fondamentalisme sunnite en Syrie, et une base importante pour les opérations des combattants djihadistes. Aiguillonnés par la fausse nouvelle du renversement d’Assad, les Frères Musulmans se livrèrent à un joyeux et sanglant saccage de la ville, prenant d’assaut les commissariats et assassinant les dirigeants du Parti Ba’as ainsi que leurs familles, et des fonctionnaires du gouvernement ainsi que des soldats. Dans certains cas les victimes étaient décapitées, [49] une pratique qui serait revigorée des décennies plus tard par les combattants de l’État Islamique. Chaque responsable du Parti Ba’as de la ville de Hama fut assassiné. [50]

    L’Occident se souvient davantage des événements de Hama en 1982 (s’il s’en souvient du tout) non pour les atrocités commises par les Islamistes, mais pour la réaction de l’armée syrienne qui, comme il faut s’y attendre de la part de n’importe quelle armée, a impliqué l’usage de la force pour restaurer la souveraineté de contrôle du territoire saisi par les insurgés. Des milliers de troupes furent déployées pour reprendre Hama aux Frères Musulmans. L’ancien responsable du State Department US William R. Polk a décrit les suites de l’assaut de l’armée syrienne sur Hama comme similaires à celles de l’assaut US contre la ville irakienne de Falloujah en 2004, [51] (à la différence évidemment que l’armée syrienne agissait de manière légitime à l’intérieur de son propre territoire, tandis que les militaires US agissaient de façon illégitime en tant que force d’occupation pour écraser l’opposition à leurs activités.) Le nombre de morts au cours de l’assaut contre Hama demeure encore disputé. Les chiffres varient. « Un rapport précoce paru dans Time affirmait que 1000 personnes y avaient trouvé la mort. La plupart des observateurs estimaient que 5000 personnes avaient été tuées. Des sources israéliennes et les Frères Musulmans – des ennemis jurés des nationalistes arabes laïcs qui avaient donc intérêt à exagérer le bilan des morts – « ont déclaré que le nombre de morts avait dépassé les 20 000 victimes. » [52] Robert Dreyfus, qui a écrit sur la collaboration de l’Occident avec l’Islam politique, plaide que les sources occidentales ont délibérément gonflé les chiffres du bilan des morts afin de diaboliser les Ba’athistes et les dépeindre en tueurs sans pitié, et que les Ba’athistes ont laissé courir ces histoires pour intimider les Frères Musulmans. [53]

    Alors que l’armée syrienne déblayait les décombres de Hama dans les suites de l’assaut, des preuves furent découvertes attestant que des gouvernements étrangers avaient fourni de l’argent, des armes et du matériel de communication aux insurgés dans Hama. Polk écrit que :

    Assad voyait bien les fauteurs de troubles à l’œuvre parmi son peuple. C’était, après tout, l’héritage émotionnel et politique du règne colonial – un héritage douloureusement évident pour la majeure partie du monde post-colonial, mais qui est passé presque inaperçu en Occident. Et cet héritage n’est pas un mythe. C’est une réalité que, souvent des années après les événements, nous pouvons vérifier d’après des documents officiels. Hafez al-Assad n’a pas eu besoin d’attendre des fuites de documents classés : ses services de renseignements et des journalistes internationaux ont dévoilé des douzaines de tentatives de subversion de son gouvernement par des pays arabes conservateurs et riches en pétrole, par les États-Unis et par Israël. La plupart s’étaient engagés dans des « sales tours », de la propagande ou des injections d’argent, mais il importe de relever que lors du soulèvement de Hama en 1982, plus de 15 000 fusils automatiques d’origine étrangère ont été capturés, ainsi que des prisonniers comprenant des éléments des forces paramilitaires jordaniennes, entraînés par la CIA (à peu près comme les djihadistes qui apparaissent si souvent dans les rapports médiatiques sur la Syrie en 2013). Et ce qu’il a vu en Syrie a été confirmé par ce qu’il a pu apprendre des changements de régime à l’occidentale en d’autres lieux. Il était informé de la tentative d’assassinat du Président Nasser d’Égypte par la CIA, ainsi que du renversement anglo-US du gouvernement du Premier Ministre d’Iran, Mohammad Mossadegh. [54]

    Dans son livre « De Beyrouth à Jérusalem », le chroniqueur du New York Times Thomas Friedman a écrit que « le massacre de Hama peut être considéré comme la réaction naturelle d’un politicien progressiste dans un état-nation relativement jeune, s’efforçant de réprimer des éléments rétrogrades – ici des fondamentalistes islamiques – cherchant à miner tout ce qu’il avait pu accomplir pour construire la Syrie en république laïque du vingtième siècle. C’est également pourquoi, » continuait Friedman, « s’il y avait eu quelqu’un pour faire un sondage d’opinion objectif en Syrie dans le sillage du massacre de Hama, le traitement par Assad de la rébellion y aurait reflété un assentiment significatif, même au sein des Musulmans sunnites. » [55]

    L’émergence d’un Djihad islamiste sunnite contre le gouvernement syrien pendant les années 1980 défie l’interprétation selon laquelle le militantisme islamiste sunnite au Levant est une conséquence de l’invasion par les USA de l’Irak en 2003, et des politiques sectaires pro-Chiites des autorités d’occupation US. Cette perspective est historiquement myope, et aveugle à l’existence d’un militantisme islamiste sunnite depuis plusieurs dizaines d’années comme force politique signifiante au Levant. Dès l’instant où la Syrie obtint formellement son indépendance de la France après la Seconde Guerre Mondiale, dans les décennies qui suivirent au cours du vingtième siècle et jusqu’au siècle suivant, les forces antagonistes présentes en Syrie ont été le nationalisme arabe laïc et l’Islam politique. Comme l’écrivait le journaliste Patrick Cockburn en 2016, « l’opposition armée syrienne est dominée par Da’esh, al-Nusra et Ahrar al-Sham. » La « seule alternative à ce règne (du nationalisme arabe laïc) est celui des Islamistes. » [56] C’est depuis longtemps le cas.

    Finalement, il nous aura fallu en plus ignorer le fait que les stratèges US avaient projeté depuis 2003 – et peut-être aussi tôt qu’en 2001 – de contraindre Assad et son idéologie nationaliste arabe laïque à quitter le pouvoir, et financé depuis 2005 l’opposition syrienne – y compris des groupes affiliés aux Frères Musulmans. Donc, Washington avait œuvré au renversement du gouvernement Assad dans le but de dé-ba’athifier la Syrie. Une lutte de guérilla dirigée contre les nationalistes arabes laïcs de Syrie se serait déployée, que la réaction du gouvernement syrien à Deraa ait été excessive ou pas. La partie était déjà lancée, et il ne fallait plus qu’un prétexte. Deraa l’a fourni. Ainsi, l’idée selon laquelle l’arrestation de deux garçons à Deraa, pour avoir peint des graffitis anti-gouvernementaux sur un mur, ait pu enflammer un conflit de cette ampleur est aussi crédible que la notion accréditant l’embrasement de la Première Guerre Mondiale, en tout et pour tout à l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand.

    La Syrie socialiste

    Le socialisme peut être défini de plusieurs façons, mais s’il peut l’être par l’exercice de la propriété publique sur les mécanismes de l’économie de pair avec une planification économique étatique, alors la Syrie selon ses Constitutions de 1973 et 2012 en remplit clairement les critères. Toutefois, la République Arabe Syrienne n’a jamais été un état socialiste prolétarien selon les catégories reconnues par les Marxistes. C’était plutôt un état arabe socialiste, inspiré par l’objectif de réaliser l’indépendance politique arabe et de surmonter l’héritage de sous-développement de la nation arabe. Les concepteurs de la Constitution voyaient le socialisme comme un moyen d’accomplir la libération nationale et le développement économique. « La marche vers l’établissement d’un ordre socialiste, » ont écrit les rédacteurs de la Constitution de 1973, est une « nécessité fondamentale pour mobiliser les potentialités des masses arabes dans leur lutte contre le Sionisme et contre l’impérialisme. » Le socialisme marxiste se préoccupait de la lutte entre une classe nantie exploitante et une classe laborieuse exploitée, tandis que le socialisme arabe situait le combat entre nations exploitantes et nations exploitées. Bien que ces deux socialismes différents opéraient en fonction de niveaux d’exploitation différents, ces distinctions n’avaient aucune importance pour les banques, les multinationales et les gros investisseurs occidentaux tandis qu’ils scrutaient le monde à la recherche de bénéfices à leur portée. Le socialisme travaillait contre les intérêts commerciaux du capital industriel et financier US, qu’il soit orienté vers la fin de l’exploitation de la classe laborieuse ou le dépassement de l’oppression impérialiste de groupes nationaux.

    Le socialisme ba’athiste irritait Washington depuis longtemps. L’état ba’athiste avait exercé une influence considérable sur l’économie syrienne par le biais d’entreprises nationalisées, de subventions données à des entreprises nationales privées, de limites imposées à l’investissement extérieur et de restrictions appliquées aux importations. Les Ba’athistes considéraient ces mesures comme les outils économiques indispensables d’un état post-colonial, s’appliquant à arracher sa vie économique aux griffes d’anciennes puissances coloniales et à cartographier une voie de développement libre de la domination d’intérêts étrangers.

    Les objectifs de Washington, cependant, étaient évidemment antinomiques. Washington ne voulait pas que la Syrie nourrisse son industrie et conserve énergiquement son indépendance, mais qu’elle serve les intérêts des banquiers et des gros investisseurs qui comptaient vraiment aux États-Unis en ouvrant les forces vives de la Syrie à l’exploitation, ainsi que son territoire et ses ressources naturelles à la propriété étrangère. Notre agenda, déclarait l’Administration Obama en 2015, « se concentre sur l’abaissement des tarifs [douaniers] pour les produits américains, l’effacement des barrières à nos biens et services, et à l’application de normes plus draconiennes pour niveler le terrain à l’avantage des entreprises américaines. » [57] Ce n’était guère un nouvel agenda, c’était celui de la politique étrangère US depuis des décennies. Damas ne rentrait pas dans le rang dicté par Washington, qui insistait pouvoir et vouloir « diriger l’économie mondiale. » [58]

    Les partisans de la ligne dure à Washington avaient vu Hafez al-Assad comme un Communiste arabe, [59] et les responsables US considéraient son fils Bachar comme un idéologue incapable de se résoudre à délaisser le troisième pilier du programme du Parti Socialiste Arabe Ba’as : le socialisme. Le State Department US se plaignait que la Syrie avait « échoué à rejoindre une économie mondiale de plus en plus interconnectée, » ce qui revenait à dire qu’elle avait échoué à abandonner ses entreprises nationalisées entre les mains d’investisseurs privés comprenant des intérêts financiers de Wall Street. Le State Department US exprimait également sa déception que « des raisons idéologiques » avaient empêché Assad de libéraliser l’économie syrienne, que « la privatisation des entreprises n’est toujours pas très répandue, » et que l’économie « demeure hautement contrôlée par le gouvernement. » [60] Clairement, Assad n’avait pas appris ce que Washington avait appelé « les leçons de l’histoire, » c’est-à-dire, que « les économies de marché, pas les économies entièrement planifiées par la lourde main du gouvernement, sont les meilleures. » [61] En rédigeant une Constitution qui mandatait que le gouvernement maintienne un rôle dans l’orientation de l’économie pour le bien des intérêts syriens, et que le gouvernement ne ferait pas travailler les Syriens pour les intérêts des banques, des multinationales et des investisseurs occidentaux, Assad affermissait l’indépendance de la Syrie contre l’agenda de Washington visant à « ouvrir les marchés et niveler le terrain à l’avantage des entreprises américaines… à l’étranger. » [62]

    En sus de tout cela, Assad a souligné son allégeance aux valeurs socialistes contre ce que Washington avait naguère défini comme « l’impératif moral » de la « liberté économique » [63] en inscrivant les droits sociaux dans la Constitution : sécurité contre la maladie, le handicap et la vieillesse ; accès aux soins médicaux ; éducation gratuite à tous les niveaux. Ces droits vont continuer à être gardés hors d’atteinte des législateurs et des politiciens, qui auraient pu les sacrifier sur l’autel de la création d’un climat de basse fiscalité, attractif pour les affaires des investisseurs étrangers. Affront supplémentaire à l’encontre de l’orthodoxie pro-business de Washington, la Constitution contraignait l’état à pratiquer une fiscalité progressive.

    Enfin, le dirigeant ba’athiste a inclus dans sa Constitution mise à jour une provision qui avait été introduite par son père en 1973, un pas vers une démocratie réelle et authentique – une provision que les preneurs de décisions à Washington, avec leurs légions de connexions aux monde de la banque et de l’industrie, ne pouvaient pas supporter. La Constitution exigeait qu’au moins la moitié des membres de l’Assemblée Populaire soit tirée des rangs de la paysannerie et du prolétariat.

    Si Assad est un néolibéral c’est certainement au monde, l’un des adeptes les plus singuliers de cette idéologie.

    Sécheresse ?

    Un dernier point sur les origines du soulèvement violent de 2011 : quelques sociologues et analystes ont puisé dans une étude publiée dans les minutes [Proceedings] de la National Academy of Sciences pour suggérer que « la sécheresse a joué un rôle dans les troubles syriens. » Selon ce point de vue, la sécheresse a « provoqué la perte de récoltes qui ont mené à la migration d’au moins un million et demi de personnes, des zones rurales aux zones urbaines. » Ceci, en conjonction avec l’afflux de réfugiés venant d’Irak, a intensifié la compétition dans un bassin d’emplois limité dans ces zones urbaines, faisant de la Syrie un chaudron de tension économique et sociale sur le point d’entrer en ébullition. [64] L’argument semble raisonnable, même « scientifique », mais le phénomène qu’il cherche à expliquer – un soulèvement de masse en Syrie – n’a jamais eu lieu. Comme nous l’avons vu, une revue de la couverture médiatique occidentale n’a révélé aucune référence à un soulèvement de masse. Au contraire, les journalistes qui s’attendaient à trouver un soulèvement de masse ont été surpris de n’en déceler aucun. À la place, les journalistes occidentaux ont trouvé que la Syrie était étonnamment calme. Les manifestations organisées par les administrateurs de la page Facebook « The Syrian Revolution 2011 » ont été des pétards mouillés. Des opposants concédaient qu’Assad était populaire. Les journalistes n’ont pu trouver personne croyant qu’une révolte était imminente. Même un mois après les incidents de Deraa – qui ont impliqué des centaines de manifestants, éclipsés par les dizaines de milliers de Syriens qui ont défilé à Damas pour soutenir le gouvernement – le correspondant du New York Times sur place, Anthony Shadid, ne parvenait à trouver en Syrie aucun des signes des soulèvements de masse qu’avaient vécu la Tunisie ou l’Égypte. Au début du mois de février 2011, « Omar Nashabe, un observateur et correspondant de longue date du quotidien arabe Al-Akhbar, basé à Beyrouth » disait à Time que « les Syriens souffrent sans doute de la pauvreté qui afflige 14% de la population combinée à un taux de chômage estimé à 20%, mais Assad conserve sa crédibilité. » [65]

    Que le gouvernement commandait le soutien populaire a été confirmé quand l’entreprise britannique YouGov publia un sondage fin 2011, qui montrait que 55% des Syriens désiraient qu’Assad reste au pouvoir. Le sondage ne récolta presque aucune mention dans les médias occidentaux, poussant le journaliste britannique Jonathan Steele à poser la question : « Imaginez qu’un sondage d’opinion respectable découvre que la majorité des Syriens préfère que Bachar al-Assad demeure au pouvoir, est-ce que cela ne serait pas une nouvelle importante ? » Steele décrivit les résultats du sondage comme « des faits incommodes » qui ont « été étouffés » parce que la couverture médiatique des événements en Syrie avait « cessé d’être juste » et s’était transformée en « arme de propagande ». [66]

    De beaux slogans en lieu et place de politique et d’analyse

    Draitser peut être déclaré fautif non seulement pour avoir propagé un argument établi par présomption ne reposant sur aucune preuve, mais aussi pour avoir remplacé la politique et l’analyse par l’émission de slogans. Dans son article du 20 octobre sur Counterpunch, « Syria and the Left : Time to Break the Silence » [La Syrie et la Gauche : Il est Temps de Rompre le Silence, NdT], il affirme que les objectifs devant définir la Gauche sont la quête de paix et de justice comme si c’étaient des qualités inséparables, ne se trouvant jamais en opposition. Que la paix et la justice puissent parfois être antithétiques est illustré dans la conversation qui suit, entre le journaliste australien Richard Carleton et Ghassan Kanafani, un écrivain, romancier et révolutionnaire palestinien. [67]

    C : Pourquoi ton organisation n’entame-t-elle pas des pourparlers de paix avec les Israéliens ?

    K : Tu n’entends pas vraiment « pourparlers de paix ». Tu veux dire capituler. Abandonner.

    C : Pourquoi ne pas simplement parler ?

    K : Parler à qui ?

    C : Parler aux dirigeants israéliens.

    K : C’est comme une espèce de conversation entre l’épée et le cou, c’est ça ?

    C : Hé bien, s’il n’y a aucune épée ni aucun fusil dans la pièce, tu pourrais toujours parler.

    K : Non. Je n’ai jamais vu de conversation entre un colonialiste et un mouvement de libération nationale.

    C : Mais malgré tout ça, pourquoi ne pas parler ?

    K : Parler de quoi ?

    C : Parler de la possibilité de ne pas se battre.

    K : Ne pas se battre pour quoi ?

    C : Ne pas se battre du tout. Pour quoi que ce soit.

    K : D’habitude, les gens se battent pour quelque chose. Et ils arrêtent de le faire pour quelque chose. Alors tu ne peux même pas me dire pourquoi, et de quoi nous devrions parler. Pourquoi devrions-nous parler d’arrêter de nous battre ?

    C : Parler d’arrêter de se battre pour faire cesser la mort et la misère, la destruction et la douleur.

    K : La misère et la destruction, la douleur et la mort de qui ?

    C : Des Palestiniens. Des Israéliens. Des Arabes.

    K : Du peuple palestinien qui est déraciné, jeté dans des camps, qui souffre de la faim, assassiné pendant vingt ans et interdit d’employer son propre nom, « Palestiniens » ?

    C : Pourtant, mieux vaut ça plutôt qu’ils soient morts.

    K : Pour toi, peut-être. Mais pas pour nous. Pour nous, libérer notre pays, avoir notre dignité, le respect, posséder simplement des droits humains est une chose aussi essentielle que la vie elle-même.

    Draitser n’explique pas les valeurs auxquelles devrait se consacrer la Gauche aux USA quand la paix et la justice sont en conflit. Son invocation du slogan « paix et justice » en tant que mission d’élection pour la Gauche US semble n’être rien de plus qu’une invitation faite aux gauchistes d’abandonner la politique pour s’embarquer plutôt sur une mission les vouant à devenir de « belles âmes » se situant au-delà des conflits sordides qui empoisonnent l’humanité – sans jamais prendre parti, hormis celui des anges. Son affirmation comme quoi « aucun groupe n’a à cœur les meilleurs intérêts de la Syrie » est presque trop stupide pour mériter un commentaire. Comment le saurions-nous ? L’on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression qu’il croit qu’il sait, et avec lui la Gauche US, seuls parmi tous les groupes et tous les états du monde, ce qui est le mieux pour « le peuple syrien ». C’est peut-être pourquoi il annone que la responsabilité de la gauche US est vouée « au peuple de Syrie, » comme si le peuple de Syrie était une masse indifférenciée dotée d’intérêts et d’aspirations identiques. Les Syriens dans leur ensemblecomprennent à la fois les républicains laïques et les Islamistes politiques, qui possèdent des opinions irréconciliables sur la manière d’organiser l’état, et qui ont été enferrés dans une lutte à mort pendant plus d’un demi-siècle – lutte entretenue, du côté islamiste, par son propre gouvernement. Les Syriens dans leur ensemble comprennent ceux qui sont en faveur de l’intégration dans l’Empire US et ceux qui s’y opposent ; ceux qui collaborent avec les impérialistes US et ceux qui s’y refusent. De cette perspective, que signifie donc l’affirmation que la gauche US ait une responsabilité envers le peuple de Syrie ? Quel peuple de Syrie ?

    Je pensais que la responsabilité de la gauche US se situait auprès des travailleurs des États-Unis, pas du peuple de Syrie. Et je pensais pareillement que la Gauche US aurait considéré que parmi ses responsabilités figure la diffusion d’analyses politiques rigoureuses et fondées sur des preuves, démontrant comment les élites économiques US utilisent l’appareil d’état US pour faire progresser leurs propres intérêts aux dépens des populations, domestiquement et à l’étranger. Comment la longue guerre de Washington contre la Syrie affecte-t-elle la classe laborieuse aux USA ? C’est ce dont Draitser devrait parler.

    Mon livre, « La Longue Guerre de Washington contre la Syrie », paraîtra en avril 2017.

    Stephen Gowans

     

    Article original en anglais :

  • En Syrie : La stratégie de Jabhat al-Nusra / Jabhat Fath al-Sham face aux trêves - Noria Research
    http://www.noria-research.com/strategie-treves-syrie

    Face au ralliement de la quasi-totalité des forces de l’opposition au principe d’une résolution politique du conflit, Jabhat al-Nusra a développé un discours d’intransigeance révolutionnaire qui le positionne comme l’unique force œuvrant à la chute définitive du régime de Bachar al-Assad.5
    Depuis la fin de l’année 2015, la propagande de Jabhat al-Nusra prend un accent de plus en plus révolutionnaire, mettant les références au jihad au second plan. Les références aux soulèvements de 2011 et à la « volonté du peuple » de faire tomber les dictatures, remplacent celles des combats passés d’al-Qaïda. Dans cette nouvelle stratégie, c’est le jihad qui est le moyen de faire la révolution, et non les révolutions qui seraient une opportunité pour al-Qaïda de poursuivre son jihad international. Le changement de nom et la fin des liens assumés avec al-Qaïda en juillet 2016 relèvent de cette stratégie.
    Selon al-Qaïda, les tentatives révolutionnaires de 2011 auraient été avortées par les pièges tendus par l’Occident et les forces « contre-révolutionnaires ». Dans un enregistrement audio diffusé en mai 2016, Ayman al-Zawahiri, dirigeant d’al-Qaïda Centrale et dont Jabhat al-Nusra est formellement sous l’autorité jusqu’en juillet 2016, met en garde les rebelles syriens contre l’acceptation du compromis et du jeu démocratique, à l’origine, selon lui, de l’échec de la séquence des « printemps arabes ».6 Ce message ressort de façon très claire du film de propagande Les héritiers de la gloire II7, où des images de manifestants dans le monde arabe réclamant la chute du régime dans leur pays sont immédiatement suivies d’illustrations de la « contre-révolution » à l’œuvre en Tunisie et en Égypte après une révolution inachevée. Ces images sont mises en perspective avec celles d’opérations militaires de Jabhat al-Nusra en Syrie. Elles sont également entrecoupées d’interventions de dirigeants du mouvement qui expliquent le choix de l’organisation, en 2011-2012, de soutenir et d’accélérer la militarisation du soulèvement et, en 2016, de continuer la lutte armée jusqu’à la chute totale du régime alors que la rébellion adopte l’idée d’une solution politique. Ainsi, l’objectif de la propagande de l’organisation jihadiste est d’apparaître comme le seul groupe révolutionnaire à la hauteur de l’enjeu.

  • Dans la presse jordanienne à propos de la récente conférence de Riyadh
    Source : revue de presse de l’Ambassade de France en Jordanie

    Mohammed Abu Rumman (GD) : Abu Mohammed Al-Joulani, le Chef du Jabhat Al-Nusra n’a pas tardé à rejeter les décisions de la conférence de Ryad en jurant d’empêcher leur application sur le terrain. Il n’y a là rien de surprenant, quand on connait connaît l’idéologie de cette organisation et ses liens avec Al-Qaeda. L’ambiguïté, en revanche, entoure la position du principal allié d’Al-Nusra, l’organisation d’Ahrar Al-Sham. Plusieurs de ses dirigeants ont refusé les décisions de Riyad, mais son responsable extérieur Labib Nahhas les a approuvées, preuve –s’il en est– que la réalité du terrain est bien différente de ce qui se décide lors les conférences internationales.

    Manar Rashwani (GD) : Si la réaction de Jabhat al-Nusra aux décisions de Ryad ne surprendra personne, celle de la Russie, elle, n’est pas sans étonner. Pour Moscou, l’opposition syrienne est intégralement constituée de mouvements terroristes et sur le terrain, ses bombardements visent essentiellement les forces de l’opposition et non pas Daesh. Il semble, de toute façon, que tous ces États cherchent moins à abattre le terrorisme qu’à l’exploiter pour servir leurs propres intérêts.

  • La stratégie de la peur | LE SAKER FRANCOPHONE
    http://lesakerfrancophone.net/la-strategie-de-la-peur
    Par Pepe Escobar – Le 14 novembre 2015 – Source la page Facebook de l’auteur

    Mon hypothèse sur les événements à Paris est confirmée.
    Il s’agit seulement d’un préambule avant le sommet du G20 sur la guerre, à Antalya.

    En supposant que Daesh soit responsable : quel meilleur moyen de choisir la bataille que d’attirer l’ennemi sur votre terrain ?

    Ils ont attaqué la Russie via l’accident Metrojet [crash du vol 9268 dans le Sinaï].

    Ils ont attaqué le Hezbollah – et indirectement, l’Iran – avec l’attentat de Beyrouth. Autrement dit, une attaque contre le 4 + 1 (la Russie, la Syrie, l’Iran, l’Irak, ainsi que le Hezbollah).

    Et ils ont attaqué l’Otan dans le cœur de Paris (Hollande : « Acte de guerre » implique une attaque contre tous les membres de l’Otan, et aussi incroyable que cela puisse paraître, Turquie incluse).

    Vous devez être pire qu’un matamore cinglé pour soutenir une guerre sur tous ces fronts.

    Bien que Daesch soit blindé de pognon, bénéfices provenant de la contrebande de pétrole et bénéfices provenant de généreux donateurs des monarchies du Golfe, une telle guerre est au dessus de leurs moyens. Ils ont besoin des ressources d’un réseau de Service de renseignement professionnel derrière eux.

    Par ailleurs, mon hypothèse de travail semble être confirmée officiellement : les services français se concentrent sur une seule cellule de terroristes, revenus de Syrie comme auteurs des attentats. (Et ce passeport syrien trouvé avec l’un des tueurs est très certainement un faux.)

    Pourquoi diable ne les ont-ils pas repérés il y a des semaines ou des mois ? Ils l’ont fait. Donc, ce n’est pas tant un échec majeur des services de renseignement que l’impuissance administrative française à agir en fonction des informations. Encore un échec.

    Alors que veut Daesh ?

    Il veut que les capitales occidentales importantes vivent dans la crainte.

    Et ils veulent attirer les bottes occidentales sur le terrain en Syrie.

    Ce serait un cadeau du ciel : les croisés nous envahissent une fois de plus. Vous pouvez imaginer le recrutement pour Jihad & Cie battant tous les records.

    La seule façon réaliste de les écraser, lentement mais sûrement, est une étroite collaboration entre le 4 + 1 : l’Armée syrienne, les combattants iraniens, le Hezbollah avec la couverture aérienne de la Russie, les Kurdes du PKK et même les peshmergas.

    Une Coalition internationale globale pour lutter contre Daesh est très bien. Mais garder la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar [principaux sponsors de Daesch, NdT], à la table de négociation de la mascarade de Vienne, est une plaisanterie. (Je suis à l’écoute de Lavrov à Vienne en écrivant ceci.)

    Au moins Kerry a finalement accepté avec Lavrov que Jabhat al-Nusra, alias al-Qaïda en Syrie, sont des terroristes, et non des rebelles modérés.

    La liste officielle des groupe terroristes du Top 10 (voir mon dernier article sur Asia Times) sera décidée au Conseil de sécurité des États-Unis.

    Voyons maintenant ce qui va se passer à propos des bottes de l’Otan sur le terrain. En tête de l’ordre du jour du G20 à Antalya, certainement.

    Voici ce qui vise Daesh.

    Pepe Escobar

    Traduit et édité par jj pour le Saker Francophone

  • Il y a plus d’État que d’Islamisme dans l’État Islamique

    http://www.spiegel.de/international/world/islamic-state-files-show-structure-of-islamist-terror-group-a-1029274.html

    Cet article a fait l’objet d’une traduction partielle publiée dans « Le Monde » du 25 avril 2015 et reprise ici :

    https://larmurerie.wordpress.com/2015/04/26/a-lire-haji-bakr-le-cerveau-de-letat-islamique

    On a bien affaire à un phénomène « de notre époque » et non pas à la résurgence d’une barbarie d’un autre temps. Ce phénomène s’inscrit parfaitement dans la décomposition de toutes les catégories qui structure notre forme de vie globalisée (et dont la nostalgie forme le terreau des pires saloperies) : travail, valeur, marchandise, État...

    Si nous devons nous sentir concernés par la menace Daesh, ce n’est pas parce qu’ils nous agressent, ni même parce qu’ils seraient le produit de notre ingérence, mais parce qu’ils préfigurent une trajectoire de décomposition de la société capitaliste dans laquelle rien n’exclut que nous ne bifurquions.

    • Si les documents d’Haji Bakr ne contiennent aucun message sur la tradition des prophètes ou les promesses d’un « Etat islamique » prétendûment voulu par Dieu, la raison en est simple : son auteur était convaincu que l’on ne peut remporter aucune victoire avec des convictions religieuses, aussi fanatiques soient-elles. En revanche, on pouvait très bien mettre à profit la croyance des autres. C’est ainsi qu’Haji Bakr et un petit groupe d’anciens officiers des services secrets irakiens élurent en 2010 comme chef officiel de l’EI Abou Bakr Al-Baghdadi, émir et futur « calife ». Baghdadi, religieux et érudit, devait, selon leurs calculs, donner à ce groupe une apparence de religion.

      et

      En 2003, le pouvoir de Damas était paniqué à l’idée que le président américain de l’époque, George W. Bush, après sa victoire sur Saddam Hussein, puisse envahir la Syrie pour y changer de régime. Dans les années qui suivirent, les services syriens organisèrent le transfert de milliers d’extrémistes de Libye, d’Arabie saoudite et de Tunisie vers Al-Qaida en Irak : 90 % des aspirants kamikazes étrangers arrivèrent dans le pays en passant par la Syrie. Il s’ensuivit une étrange partie à trois entre les généraux syriens, les djihadistes venus du monde entier et les anciens officiers de Saddam Hussein : une joint-venture d’ennemis jurés pour rendre la vie des Américains en Irak infernale.
      Dix ans plus tard, Bachar Al-Assad avait une bonne raison de revitaliser cette alliance : il voulait montrer au monde qu’il était le moindre mal. Les relations du régime syrien avec l’EI étaient empreintes d’un pragmatisme tactique, chaque camp cherchant à utiliser l’autre. Dans les combats opposant l’EI et les rebelles, les avions d’Assad n’ont pendant longtemps bombardé que les positions rebelles, pendant que les émirs de l’EI donnaient l’ordre à leurs combattants de ne pas tirer sur l’armée gouvernementale.

    • Les documents retrouvés chez Haji Bakr permettent pour la première fois de mieux comprendre comment est organisée la direction de l’EI et quel rôle y jouent les anciens cadres du dictateur Saddam Hussein. (...)

      On a l’impression que George Orwell a porté sur les fonts baptismaux ce monstrueux rejeton de surveillance paranoïaque. Mais c’était en fait beaucoup plus simple. Haji Bakr se contentait d’adapter ce qu’il avait toujours connu : le service de renseignements tentaculaire de Saddam Hussein où personne, même un général des services de renseignement, ne pouvait être sûr de ne pas être surveillé à son tour. L’auteur irakien en exil Kanan Makiya a bien décrit cette « république de la peur » : un Etat où n’importe qui pouvait disparaître à tout moment et qui vit son avènement lorsque Saddam prit le pouvoir en 1979, en dévoilant un complot fictif.

      En pensant au mode opératoire de l’attaque du 13, me disait que la voiture piégée, ou l’explosion dans un lieu peuplé avait cédé la place à l’exécution en grand nombre par armes à feu, le tir dans les foules (bien qu’il semble que le projet mal ficelé était aussi de se faire sauter dans les tribunes du stade), ce qui est tout de même assez particulier et qui fut le mode opératoire dominant des première ripostes du régime syrien au soulèvement qui visait à le destituer.

      je crois utile de rappeler ici les entretiens avec Pierre Torres
      http://seenthis.net/messages/311579
      https://lundi.am/Pierre-Torres
      http://seenthis.net/messages/329636
      http://seenthis.net/messages/332937

    • @petit_ecran_de_fumee sans compter que face au soulèvement, Assad a fait de libérer grand nombre de prisonniers islamistes des geôles syriennes...
      C’est sans doute trop analogique pour être sérieux pour les bons connaisseurs de la région mais je persiste à penser que c’est l’invasion du Liban par Israel qui a enfanté le Hamas, c’est-à-dire l’émergence du « meilleur ennemi possible » pour Israel. Et que ce processus historique là est médité par tous les régimes qui peuvent faire usage de ses lignes de force.

    • Non, mais que Assad a joué de leur liberté pour écraser une révolte que son armée (aux nombreux déserteurs) à elle seule ne pouvait assurer, et que Daech fonctionne et agit pour partie en miroir avec le régime syrien (et pas tant selon un mode Stasi, comme le soutiens l’article allemand, pour se faire comprendre de ses lecteurs). Mais vous en savez plus que moi, n’hésitez pas à me dire en quoi ces approximations seraient fausses.

    • http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/maher-esber-ancien-chef-islamiste-627427

      Maher Esber estime que « le régime syrien savait très bien ce qu’il faisait. Dès les premières manifestations il a qualifié les protestataires d’extrémistes, de terroristes affiliés à Al Qaeda. En libérant ces djihadistes il n’a fait qu’accréditer ces accusations et cette stratégie a réussi ». Maher Esber reconnait qu’après avoir libéré des centaines de djihadistes le régime de Bachar Al Assad a su tirer profit de leur montée en puissance.

    • Les jeux de billards à 5 ou 6 bandes, rien de tel pour rendre la compréhension des évènements impossible.

      « Alors vous comprenez, si Al Qaeda et Daesh sont nés, c’est parce que Assad les détenaient dans ses prisons et qu’il les a libéré. Et s’ils possèdent des chars d’assaut américain de dernière génération, c’est parce que Assad les a entrainé à les utiliser pendant qu’ils étaient en prison et que Assad leur a ensuite donné les clefs. Et si Al Qaeda et Daesh vendent du pétrole à la Turquie et à qui en veut, c’est parce que Assad, par machiavélisme anti-américain, les a laissé passer la frontière. Et même que c’est Assad qui prête des camions pour le transporter ».

      Plus j’t’embrouille, mieux c’est. Et s’il te plait, oublie vite le rôle des Saoudiens et des Qataris. Ce ne sont que des second rôles dans l’histoire. Et encore. Comme ils donnent de l’argent à tout l’monde, c’est comme s’ils n’en donnaient à personne.

    • @colporteur : l’article comporte à mon sens effectivement plusieurs « approximations fausses ».

      Quelques remarques sur l’article lui-même:

      1° - Même si les circonstances de sa découverte sont évoquées, la source qui a donné la 1ère série de documents au Spiegel n’est pas mentionnée. Pas même le groupe qui l’aurait fait. Je ne prétends pas contester l’authenticité de ces documents qui, malgré ce bémol, et pour les parties strictement tirées des documents présente peut-être un intérêt, mais celui-ci est nettement contrebalancé par des omissions et des supputations du seul journaliste présentées fallacieusement comme tirées des documents.
      2° - Ainsi le passage que vous citez sur le fait que Assad aurait noué certaines alliances en 2003 qu’il aurait « revitalisé 10 ans plus tard » n’est manifestement pas tiré de la deuxième série de documents, ce qui n’est pas clairement indiqué dans l’article. Le procédé me paraît du coup un peu manipulatoire. Car d’une part le journaliste fait simplement écho aux déclarations de l’époque de l’administration Bush, sans les contextualiser, lorsqu’il évoque l’époque de 2003 – les choses ont probablement été bien plus complexes que cela. D’autre part il n’évoque aucun fait précis qui permettrait de justifier cette idée qu’Assad aurait ensuite directement contribué à créer Daesh "10 ans plus tard" si ce n’est que le journaliste pense être que ça aurait été l’"intérêt" d’Assad. J’insiste donc sur le fait que la thèse implicite de ce passage qui est qu’Assad a directement et délibérément créé ou contribué à créer Daesh ne repose sur rien d’autre que le sentiment du journaliste tout en étant dans l’article à la suite des révélations tirées de la 2e série de documents, sans que la séparation entre ce qui provient des documents et les seules supputations du journaliste ne soit marquée.
      3° - La deuxième série de documents a été donnée au Spiegel, de leur aveu, par le groupe Liwaa al-Tawhid. Or celui-ci est un groupe islamiste (de l’avis de beaucoup émanation des Frères musulmans) qui a initialement rejoint la fameuse armée syrienne libre avant d’adhérer au Front islamique (en 2013). Le but de ce « Front » était d’établir un Etat islamique reposant sur la charia, et rejettait l’établissement d’un Etat démocratique. Les deux principales organisations de ce Front islamique sont Ahrar al-Cham et Jaysh al-islam. Toutes les deux sont d’idéologie salafiste, la première soutenue par le Qatar et la Turquie, la seconde par l’Arabie saoudite. Ajoutons qu’Ahrar al-cham a depuis rejoint au Nord une coalition qu’il domine conjointement avec al-Qaïda en Syrie (Jabhat al-Nusra) au sein de la coalition nommée Jaysh al-Fateh. Quant à Liwaa al-Tawhid elle a largement depuis disparu des radars. Je dois donc en conclure que le journaliste du Spiegel considère qu’un groupe islamiste qui mène une lutte armée contre la dictature syrienne pour le remplacer par un Etat non-démocratique reposant la charia, allié à des groupes salafistes dont les chefs se proposent publiquement de massacrer tous les alaouites (voir les déclarations de Zahran Alloush) et qui sont financés par les pétromonarchies du Golfe constitue ceux que le journaliste du Spiegel appelle indistinctement « les rebelles « et vous - à moins que je n’ai mal compris ? - « la révolte ».
      4° - Ce point est fondamental. L’article occulte le fait que jusqu’à la scission al-Nusra/Etat islamique en Irak, le groupe d’al-Baghdadi a été considéré par les plus hauts représentants de l’Armée Syrienne Libre comme une composante de la rébellion syrienne et ce jusqu’en 2013. Contrairement à ce que dit l’article ce groupe n’était pas présent que sous la forme de cellules dormantes se cachant derrière des bureaux de Da3wah (prédication). Il a combattu auprès de l’ASL durant la période 2012-2013 qui lui en rendait grâce. Alors quoi l’ASL était aussi manipulée par Assad ?

      Quelques remarques plus générales:

      1° - Je vous demande le nom d’un des islamistes libérés dans le cadre de l’amnistie de 2011 d’Assad qui aurait ensuite tenu une position importante au sein de Daesh ce qui permettrait d’étayer votre thèse sous-entendue ici : « sans compter que face au soulèvement, Assad a fait de libérer grand nombre de prisonniers islamistes des geôles syriennes... » . En réalité ceux qui soutiennent cette thèse n’ont que 3 noms à donner : Hassan Aboud et Abou Khaled al-Souri d’une part, qui ont en fait tous deux fondé le groupe Ahrar al-Cham considéré par l’Armée syrienne Libre comme des gens très bien et que nos médias continuent à intituler la « rébellion », et Abou Moussab al-Souri d’autre part dont la libération est une rumeur infondée puisqu’il était censé avoir rejoint al-Qaïda et qu’al Dhawaïri en personne a démenti cette rumeur assurant qu’il était toujours emprisonné en Syrie.
      2° - Je vous fais remarquer par ailleurs qu’avec le même genre d’argument et en adoptant la même logique, mais cette fois-ci étayée sur des faits, on pourrait en venir à dire que Daesh est en fait une création des Etats-unis puisque le « calife » de l’Etat islamique a été détenu puis libéré du camp américain d’al-Bucca avant de devenir le chef de l’Etat islamique en Irak puis de l’EIIL (Daesh) et d’EI. J’ajoute que le commandant militaire de l’Etat islamique, Abu Omar al-Shishani, un géorgien d’origine tchétchène qui combattu les forces russes dans les forces spéciales de la Géorgie de Saakachvili, a reçu la formation militaire d’instructeurs américains.
      En passant, que Daesh soit une création des Etats-Unis, est, d’après un sondage, une opinion majoritaire en Syrie.
      3° - L’hypothèse selon laquelle Assad aurait « revitalisé son alliance » avec l’Etat islamique en Irak en 2013 ("10 ans plus tard") par intérêt perd de vue le fait qu’à la même époque Nouri al-Maliki en Irak se rapproche d’Assad, a poussé les soldats américains vers la sortie (en 2011) et se rapproche de la Russie à qui il se met à commander des armes. Il est par ailleurs très proche de l’Iran. Croit-on Assad assez sot pour aider l’Etat islamique en Irak au risque qu’il élimine le seul allié qu’il ait à ses frontières, et ce au moment même ou après des relations tendues il est justement en train de devenir son allié ? Croyez-vous par ailleurs que les services iraniens en savent moins que vous ou bien qu’ils auraient continué à soutenir à Assad alors que ce jeu comportait ce risque – qui a effectivement eu lieu puisqu’al-Maliki est tombé à la suite des conquêtes de Da3ich en Irak, permettant ainsi aux Américains d’imposer un al-Abadi plus souple envers eux et de se réimpliquer en Irak - alors que c’était, selon le Spiegel, la hantise d’Assad en 2003 ?
      4° - Puisque le texte du Spiegel fait remonter toute cette histoire à 2003 il aurait été bon qu’il mentionne l’organisation qui, par changement de noms et agrégation de forces, est devenue l’Etat islamique : le groupe al-Zarqawi. Celui-ci a été porté à la connaissance du monde et élevé au rang de menace mondiale par les Etats-Unis dans leur justification de l’invasion de l’Irak en prétextant que ce groupe, jusque là cantonné aux confins du Kurdistan irakien, était en fait al-Qaïda et lié à Saddam Hussein – vous ne voyez pas comme une analogie ? J’ajoute que ce groupe, du fait de sa stratégie ultrasectariste et ses massacres de chiites, me paraît être un candidat très improbable pour avoir reçu le soutien, même machiavélique et très intéressé, d’Assad.
      5 - Je vous invite vivement à consulter ce document de la DIA de 2012 (services secrets de l’armée américaine), authentifié dans deux émissions de télé (al-Jazeera english et RT) par le chef de la DIA de l’époque, Michael Flynn : http://seenthis.net/messages/372860

      Je me tiens prêt à faire le travail fastidieux de vous donner des sources consultables pour vérifier les faits que j’évoque ici si vous me le demandez.

    • @colporteur : Je ne suis pas là pour dire qu’Assad n’est responsable de rien dans cette guerre : c’est une ordure, rien à redire à cela... mais il a une armée et une population derrière lui qui représentent tous ensemble la Syrie légale : en face, des terroristes dans l’acception la plus stricte, telle que définie par la plupart des états dans le monde. Et ces terroristes, leur financement est connu et documenté, leurs soutiens sont connus et documentés ("ils font du bon boulot", comme on dit en langage diplomatique français).

      En somme mon seul propos était que les false flags de la part de journalistes manipulés, c’est lourd. Surtout quand c’est aussi stupide que « ça ».

      Comme dirait d’autres seenthisiens, quand y-a #un_complot_qu_on_a_le_droit_de, faut se demander pourquoi celui-là et pas les autres.

    • Merci pour ta contribution @souriyam, elle est effectivement beaucoup plus informée que je ne le suis. Sans plus d’ironie que précédemment. Tes remarques étayées sur les fragilités de l’article me paraissent recevables. Sur la libération d’islamistes par le régime d’Assad, je me fondais sur le souvenir de lectures
      http://seenthis.net/messages/357346
      http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/10/debut-de-la-liberation-de-prisonniers-en-syrie_4435430_3218.html
      http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/maher-esber-ancien-chef-islamiste-627427
      que parmi ces libérés il y en ait peu qui aient atteint ensuite une renommé comme membres importants de Daech ne me semble pas démontrer grand chose quant à leur implication effective, je peux me tromper.
      Ici même, je le retrouve maintenant, des posts ont contesté qu’il s’agisse dune manipulation d’Assad
      http://seenthis.net/messages/283373

      L’intérêt principal de cet article tient à ses sources (dont je ne sais si elles sont critiquables, ciritiquées) qui permettent de donner à voir comment se manage la construction d’une organisation fasciste, à quel type d’organisation étatique est-il fait recours pour battre une révolution (question déjà présente dans les entretiens avec Pierre Torres).
      Vous ne citez pas Haji Bakr, comment situeriez-vous son rôle ? Le journaliste allemand cite la Stasi, et pas les Moukhabarat... mais pour le coup, en ce qui concerne des méthodes d’organisation clanico-maffieuses, empreintes de toute la violence de sujétion interne et externe possible, on vérifierait, ici, que la rivalité conduit au mimétisme (pas besoin d’adhérer pour cela à une théorie générale de la rivalité mimétique).

      L’approximation grossière dont je me réclame est plus grossière encore que celle de l’article qui prétend lui s’appuyer sur de faits. Elle admet a priori que toutes le forces en présence ont des raisons et des possibilités de recourir à des manipulations, sans admettre pour autant que ces manipulations puissent à elles seules expliquer une situation ; d’admettre qu’un pouvoir a tout intérêt à se choisir le meilleur ennemi possible. Cela je le tiens de quelques exemples qui ne sont pas syriens, celui du PS jouant du FN depuis les années 80 (ce qui n’ôte rien à la dynamique propre de ce parti) ou de la politique israélienne de destruction de la résistance palestinienne qui a conduit l’essentiel de celle-ci à renaître depuis le repli sur le noyau de la foi.

      Pour ce qui est de la Syrie, j’ai l’impression que pendant que la population continue d’être décimée et alors que tout espoir d’émancipation (pour dire vite) semble désormais intenable on peut s’attendre à tout ... Depuis pas grand chose si ce n’est mon expérience d’ado ayant par le passé joué au Risk :) : puisque les américains ne se lanceront pas dans une intervention terrestre, la suite reste imprévisible. Un renversement d’alliances ne parait pas à exclure, la Russie et la France imposant conjointement à Assad et à l’ASL de coopérer pour endiguer ou « exterminer » (comme dit Valls) Daech...

    • @colporteur : pardon pour le ton inutilement véhément. Je m’emporte peut-être un peu vite quand il est question de la Syrie.
      Pour ce qui est de la libération par Assad dans le cadre de l’amnistie de 2011 d’un certain nombre d’islamistes, elle ne fait pas de doutes. Il n’est pas interdit de faire l’hypothèse d’une certaine manipulation du régime à cette occasion mais il faut bien voir tout de même que tous les noms qu’on nous cite n’accréditent pas la thèse d’une création de Da3ich par Assad. De plus beaucoup de ceux qui utilisent cet argument - je ne parle pas de vous - soutiennent par ailleurs que nous aurions dû armer ces groupes, dont Ahrar al-Cham voire al-Nusra. On ne peut pas d’un côté prétendre qu’Assad a libéré des monstres et d’un autre côté se proposer de soutenir les groupes que ces monstres ont fondé ! Ainsi Robert Ford, ambassadeur américain en Syrie de 2010 à 2014 a soutenu cette thèse et chantonne maintenant que l’Occident devrait soutenir Ahrar al-Sham : http://www.mei.edu/content/at/yes-talk-syria%E2%80%99s-ahrar-al-sham
      Quant à David Petraeus, directeur de la CIA de 2011 à 2012, il propose maintenant publiquement de soutenir certains éléments d’al-Nusra (soit al-Qaïda en Syrie) :
      http://edition.cnn.com/2015/09/01/politics/david-petraeus-al-qaeda-isis-nusra

      It was an arresting headline in The Daily Beast on Monday: “Petraeus: Use Al Qaeda Fighters to Beat ISIS.” The report didn’t quote retired Gen. David Petraeus directly, but suggested he had told associates that he supports using “so-called moderate members of al Qaeda’s Nusra Front to fight ISIS in Syria.”
      In an exclusive statement to CNN, Petraeus clearly feels that his view requires much more explanation, back story and nuance.
      “We should under no circumstances try to use or coopt Nusra, an Al Qaeda affiliate in Syria, as an organization against ISIL,” the retired general and former CIA director told CNN, using another name for ISIS. “But some individual fighters, and perhaps some elements, within Nusra today have undoubtedly joined for opportunistic rather than ideological reasons: they saw Nusra as a strong horse, and they haven’t seen a credible alternative, as the moderate opposition has yet to be adequately resourced.”

      Or ces gens là, Petraeus et Ford, pour ne prendre que ces deux là, ont piloté la politique américaine en Syrie. Cela devrait nous donner à penser sur les ambiguïtés - pour le dire gentiment - de la guerre clandestine que l’"Occident" (y compris l’Etat français) a mené contre le régime syrien.
      Vous dîtes :

      L’approximation grossière dont je me réclame est plus grossière encore que celle de l’article qui prétend lui s’appuyer sur de faits. Elle admet a priori que toutes le forces en présence ont des raisons et des possibilités de recourir à des manipulations, sans admettre pour autant que ces manipulations puissent à elles seules expliquer une situation ; d’admettre qu’un pouvoir a tout intérêt à se choisir le meilleur ennemi possible

      Je suis tout à fait d’accord avec vous à la condition d’admettre que cette remarque vaut à la fois pour le régime syrien, la soi-disant rébellion modérée et l’Etat islamique. Mais cela vaut aussi pour l’ensemble des forces régionales et internationales qui soutiennent l’un ou l’autre camp. Et cela fait vraiment beaucoup de monde...

      Pour ce qui est de l’intérêt factuel dans l’article du Spiegel de documents qu’il commente (ayant trait à l’organigramme d’EI, le contrôle des populations et le rôle d’anciens cadres de la dictature de Saddam Hussein), je serai plutôt d’accord. Dommage que le Spiegel n’ait pas rendu public l’ensemble des documents. Des ouvrages évoquent par ailleurs ces mêmes questions, notamment celui d’Haytham al-Manna « Daech, l’Etat de barbarie » : http://www.madaniya.info/2014/09/12/califat-daech-prologue
      et celui, à mon avis plus médiocre et discutable de Loretta Napoleoni : « l’Etat islamique, multinationale de la violence ».

      Cordialement.

      @odilon : malheureusement je suis bien incapable de réaliser un tel travail.

    • Je suis pas choqué @souriyam par vos remarques ni même le ton que vous avez employé, je précisais juste ne pas être ironique (pour l’être il faut se croire sachant). Sinon pour avoir un fréquenté des réfugiés syriens ici, je ne parlerais pas de « modération » à propos de la soif de liberté et des risques encourus qui ont caractérisés le soulèvement là-bas. Modération, c’est une catégorie médiatico journalistique qui ne me va pas. La vie n’est pas modérée. Pour voir connu aussi des Libanais contraints de fuir le Liban pour éviter un embrigadement forcé par les phalangistes en passant par la Syrie, il me semble que la barbarie de ce régime n’ pas à être démontrée. Peu importe, je vais lire le texte que vous conseillez dont le titre s’inspire de celui de Seurat.
      Ce qui reste surprenant, quand même, et qui m’intéresse, c’est comment on mate une révolution

    • @odilon et @rastapopoulos : pas de fausse modestie de ma part quand je dis que j’en suis incapable. Il me manque non seulement les compétences cartographiques mais aussi linguistiques. Baragouiner péniblement quelques mots d’arabe est un niveau très insuffisant pour lire et traiter des sources primaires ou simplement utiliser la presse arabe... Il me semble par ailleurs - mais je ne veux balancer personne ;) - qu’il y a quelques seenthissiens qui seraient beaucoup plus aptes que moi pour un tel travail.

      @colporteur : pour ce qui est de Hajji Bakr, dont je ne sais rien de plus que ce que dit wikipedia, pour une fois les commentaires de Romain Caillet, qui relativise lui aussi l’intérêt de cet article, sont peut-être éclairants :
      https://twitter.com/RomainCaillet/status/590469560303779840

    • en français sur leur site :
      http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=217204&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=23&s1=1

      La situation depuis 1948 : l’arrogance israélienne

      Hélas depuis des décennies, depuis 1948 au moins, notre région, ses gouvernements et peuples ensemble souffre d’une maladie cancérigène qui s’appelle Israël, c’est une tumeur de cancer, le virus de la déchéance, le prototype de l’arrogance. Oui Israël a été ainsi pendant des décennies...
      Ces dernières années il se comporte avec davantage d’impertinence, et de déchéance sur terre

      En Palestine, en plus de l’occupation des lieux saints de l’Islam, il se permet de saccager toute la Cisjordanie sous prétexte de chercher trois colons et détruit la Bande de Gaza, en plus il usurpe les lieux saints et menace la mosquée al-Aqsa ; il séquestre des milliers de palestiniens, et violent les droits élémentaires de ce peuple.

      En Syrie, il occupe toujours le Golan et tire profit de la guerre là-bas en l’attisant sans cesse, en accordant son soutien aux milices armées dans le but de détruire la Syrie et l’armée syrienne. Il se permet de bombarder les positions syriennes sur le sol syrien, sanas être inquiété.

      Au Liban en plus de l’occupation des fermes de Chébaa, il ne reconnait même pas la résolution 1701, que certains sacralisent, il viole l’espace aérien libanais, pilonne quand bon lui semble sur le sol libanais, et se permet de commettre les liquidations dans les villes libanaises, comme cela s’est passé avec notre martyr commandant Hassan Lakkis...

      Aujourd’hui, l’Israélien se trouve dans une situation à travers laquelle il peut tout se permettre... Aucun obstacle ne l’entrave...

      Il profite de la conjoncture régionale : les guerres qui sévissent, la situation sécuritaire exécrable, les déchirures qui entament nos sociétés, les séditions qui se généralisent et surtout l’absence totale des pays arabes dans le sens d’une volonté arabe unie. Ce qu’on appelle la Ligue arabe n’illustre nullement cette volonté qui est totalement inexistante dès qu’il s’agit des causes arabes.
      Ce n’est pas nouveau d’ailleurs, et nous n’avons jamais misé sur cette situation qui ne cesse désormais de s’aggraver.

      Je le dis aux peuples arabes il n’y pas de Ligue arabe.
      Oui il y a des arabes : ceux qui affrontent les défis en Syrie, au Liban, en Palestine, sont bel et bien des Arabes.
      Mais pas des arabes dans le sens politique officiel ... dans le sens de la politique officielle indépendante.
      Curieusement, sauf lorsque la bataille se situe au sein des pays arabes : au Yémen, en Libye, en Syrie, au Sinaï comme aujourd’hui, que l’argent arabe se pointe, que les Arabes se concertent et se mettent d’accord.
      Mais pas quand elle se situe contre Israël. L’expérience de la guerre Gaza l’an dernier est témoin de cette absence.

      C’est la situation actuelle dans laquelle se trouvent confrontés les mouvements de résistance, au Liban et Palestine et l’axe de la résistance
      C’est dans ce climat de l’ennemi et de l’ami qu’est intervenue l’opération d’assassinat à Quneitra.

  • Un article du Canard enchaîné du 10 décembre 2014, signé par Claude Angeli, acte le soutien d’Israël à al-Nusra (al-Qaïda en Syrie) sur le Golan en s’appuyant sur un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU et des sources du renseignement français.
    Sujet déjà évoqué ici par @gonzo, @nidal et @niss : http://seenthis.net/messages/319786
    Extrait :
    « Une foule d’Etats sur le front Irak-Syrie »
    Canard, enchaîné, 10.12.14, Claude Angeli

    « Israel vient, à sa manière, de prendre rang dans ce conflit qui n’est plus une guerre civile syrienne, affirme un diplomate , mais un front qui s’étend de Damas à Bagdad, depuis l’entrée en lice de l’Etat islamique et des djihadistes proches d’Al-Qaïda. » Les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU sont aujourd’hui en possession de rapports qui vont dans le même sens et prouvent cet engagement, d’ailleurs peu discret, du gouvernement Netanyahou. Ils ont pour auteurs des observateurs des Nations unies stationnés en permanence sur le plateau du Golan.
    Le 7 décembre, le quotidien « Haaretz » (suivi par des correspondants à Tel Aviv du « Monde » et de « Libération ») a publié des extraits de ces documents. lesquels décrivent une « collaboration » entre militaires israéliens et rebelles syriens depuis environ dix-huit mois, avec parfois, des transports « de caisses au contenu non identifié » (sic). Selon les services français de renseignement , le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, figure parmi ces rebelles en contact avec l’armée israélienne, et ses combattants sont, eux aussi, destinataires de ces mystérieuses « caisses ».

    C’est à cet article du Canard que le site Debka Files, réputé proche des services israéliens, fait référence le 12 décembre en évoquant de plus un programme conjoint US-Israël-Arabie saoudite-Jordanie pour approvisionner la « rébellion syrienne » :
    http://www.debka.com/newsupdatepopup/9900

    The French satirical magazine Le Canard Enchainé reports that Israel is passing military equipment to the Syrian branch of al Qaeda, Jabhat al Nusra. DEBKAfile disclosed in recent months that the IDF has been extending military assistance, as part of a joint program with the US, Jordan and Saudi Arabia, to select Syrian rebel groups fighting Assad’s army in southern Syria. Some of this assistance has reached the hands of local Nusra Front elements fighting with those rebels - but in no other parts of Syria.

  • سوريا | الأخبار
    http://al-akhbar.com/syria

    صيدنايا منقسمة إزاء مواقف الراهبات المحررات: هل نسيتم معلولا؟!

    Peu évoqué en français, le débat est très vif en Syrie (et même au Liban dans les milieux chréitens en particulier) entre d’un côté ceux qui « comprennent » les soeurs qui, libérées par Jabhat al-Nusra, ont souligné le fait que celui-ci les avait très bien traitées et, de l’autre, ceux que cette position révulse, au nom des victimes, notamment à Maaloula, là où les soeurs ont été enlevées.

    Au-delà de ce constat, on notera au passage qu’il existe bien sur cette question, et sur la question plus large du soutien au régime ou aux rebelles, une opinion, divisée et complexe comme toute opinion. Ce n’est pas « les Syriens » (comprendre « tous les Syriens »)...

  •  « Guerre contre les armes chimiques » : comment Obama s’est laissé piéger dans le conflit syrien
    par Pepe Escobar / 28 août 2013 - Russia Today
    http://www.info-palestine.eu/spip.php?article13906

    (...)
    « Identifier » les faits

    Suivons une piste qui est beaucoup plus plausible que la version vendue par Washington.

    Le renseignement israélien a divulgué à un journal koweïtien que Benny Gantz, le Chef d’état-major des Forces de défense israéliennes (FDI), avait remis à son bon copain Martin Dempsey de l’état-major US, des « documents et des photos » valant preuves de la culpabilité du gouvernement syrien. Sans doute, ce sera le cœur de la « révélation » de la Maison Blanche ce jeudi.

    Les preuves en question indiquent que des roquettes ont été lancées à partir d’un « poste de l’armée syrienne près de Damas » - en un lieu que le chercheur finlandais Petri Krohn, qui mène actuellement une enquête minutieuse, a définitivement placé comme occupé par les « rebelles » depuis juin (faites défiler la souris jusqu’à « Qaboun rocket launches »).

    Ajoutez à cela le démantèlement par le ministère de la Défense à Bagdad il y a un mois, d’une cellule d’Al-Qaïda en Irak, qui avait l’intention de lancer des attaques en Irak et à « l’étranger », comme en Syrie, en utilisant des armes chimiques.

    Selon Faleh al-Fayyad, responsable irakien à la sécurité nationale, Jabhat al-Nusra (al-Qaïda en Syrie) pourrait avoir accès à volonté à ces produits chimiques.

    Nous avons donc ici tous les éléments d’une opération sophistiquée sous une fausse bannière. Les djihadistes de Jabhat al-Nusra, pour la plupart des mercenaires liés à al-Qaïda en Irak, mais sans aucun lien avec les civils syriens, utilisent avec femmes et enfants une zone anciennement occupée par l’armée syrienne pour lancer une attaque chimique - peut-être à l’aide de chlore - sous la couverture d’une offensive syrienne (admise par le gouvernement). Cette offensive a été baptisée « Opération bouclier de la ville. » Damas avait de solides renseignements sur des dizaines de « rebelles » formés par la CIA et les Saoudiens en Jordanie, en train de converger dans la région et de planifier une attaque massive sur la capitale.

    Ensuite, il y a Bandar bin Sultan, le tsar des services de renseignement en Arabie saoudite, et sa menace au président Poutine dans leur célèbre rencontre de quatre heures plus tôt ce mois-ci : la solution militaire est la seule qui reste pour la Syrie. Bandar (surnommé « Bandar Bush ») un maître dans l’art des coups fourrés, est en charge de « gagner » la Syrie au profit de la Maison des Saoud par tous les moyens, chimiques ou autres.

    Tout inspecteur d’armes chimiques des Nations Unies un tant soit peu sérieux, suivrait la piste que nous évoquons. Mais il ne le pourrait pas - à cause des pressions politiques américaines (puisque « c’est trop tard »). Il ne le pourrait pas non plus parce que Washington veut que les inspections cessent juste après avoir commencé - comme dans un rapide remix, une fois encore, de l’Irak en 2003 - tordant les faits au profit d’objectifs politiques.

    Déconstruire les magouilles d’Obama

    Donc, nous devons revenir à la politique du type : « nous bombardons parce que nous le voulons. » Quel est exactement le jeu d’Obama ?

    Le journal de Tel Aviv, Yedioth Ahronoth, comme je l’ai déjà indiqué veut vraiment que Washington aille attaquer les sites d’armes chimiques en Syrie - indépendamment des possibles et horribles « dommages collatéraux », pour ne pas mentionner la possibilité que des djihadiste liés à al-Qaïda en prennent en partie le contrôle.

    Le projet d’Israël est de voir la Syrie tomber dans un chaos sanglant et total dans un avenir proche. Ce qui n’est pas le même projet que celui de la maison des Saoud, qui veut un changement de régime. Ce qui n’est pas le même projet que celui de l’administration Obama. À première vue, c’est un changement de régime aussi, mais le Plan B d’Obama parle de « niveler le terrain de jeu », ce qui s’intègre finalement dans le projet israélien.

    ““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““
    (ce que confirme Shimon Peres dans son style très reconnaissable.)

    Shimon Peres : "Israël n’est pas impliqué en Syrie"
    Le Point.fr - Publié le 29/08/2013
    http://www.lepoint.fr/monde/shimon-peres-israel-n-est-pas-implique-en-syrie-29-08-2013-1719084_24.php

    Alors que les civils s’équipent de masques à gaz, le président israélien a annoncé qu’en cas de menace syrienne l’État répliquerait « avec toute sa force ».

  • EU decision to lift Syrian oil sanctions boosts jihadist groups - Julian Borger and Mona Mahmood
    guardian.co.uk, Sunday 19 May 2013
    http://www.guardian.co.uk/world/2013/may/19/eu-syria-oil-jihadist-al-qaida

    La décision de l’UE de lever les sanctions pétrolières syriennes pour aider l’opposition a accéléré une lutte pour le contrôle de puits et de pipelines dans les zones tenues par les rebelles et a contribué à consolider l’emprise des groupes djihadistes sur les principales ressources du pays.

    Déplaçant les tribus sunnites locales, parfois par la force, Jabhat al-Nusra, affilié à al-Qaida, et d’autres groupes islamistes extrémistes, contrôlent la majorité des puits de pétrole dans la province de Deir Ezzor. Ils ont également pris le contrôle d’autres champs aux dépens de groupes kurdes plus au nord-est, dans le gouvernorat d’al-Hasakah.

    Les groupes d’opposition ayant tourné leurs armes les uns contre les autres dans la bataille pour le pétrole, l’eau et les terres agricoles, la pression militaire sur le gouvernement de Bachar al-Assad s’est atténuée dans le nord et l’est. Dans certaines régions, al-Nusra a conclu des accords avec les forces gouvernementales pour permettre le transfert de pétrole brut à travers les lignes de front vers la côte méditerranéenne.

    (...)

    Une figure de proue de l’opposition a déclaré : « Le front nord a ne s’est pas seulement endormi, le front nord est passé au commerce. »

    L’UE avait annoncé qu’elle levait son embargo sur le pétrole en Avril pour aider l’opposition modérée. Les règles d’application doivent encore être émises et de ce fait la décision n’a pas pris effet, mais les experts régionaux disent que l’annonce a intensifié la course au pétrole - une course que les modérés soutenus par l’Occident ont perdu.

    Joshua Landis, (...), a déclaré que la décision de l’UE sur le pétrole « a envoyé comme message que le pétrole pourrait revenir en ligne plus rapidement qu’on ne le pensait ».

    « Celui qui tient le pétrole, l’eau et l’agriculture, tient la Syrie sunnite à la gorge. Pour le moment, c’est al-Nusra », a déclaré Landis. « L’ouverture par l’Europe du marché du pétrole a forcé une telle évolution. Donc, la conclusion logique de cette folie est que l’Europe financera al-Qaida. »

    (...)

  • #SYRIE : Jabhat Al-Nusra en première ligne

    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article1571

    Des islamo-terroristes #internationaux en tête des factions #armées contre #Bashar.

    L’idée que l’ #Occident veut maintenir le statu quo en #Syria au bénéfice d’ #Israël , fait son chemin. La #population syrienne commence à croire que les dirigeants occidentaux permettent à Bashar Al Assad de durer pour semer le chaos. C’est-à-dire affaiblir un ennemi potentiel de l’Etat hébreu. Plutôt Bashar que les #islamistes ! Ce qui permet de veiller à ce que le plateau du #Golan, occupé par un #colonialisme illégal, est une #thèse qui circule et elle est au cœur des nouvelles visions. Notamment chez les jeunes qui sont pressés de terminer la #crise qui touche leur pays.