• (1) « Le Temps des ouvriers », usine à grèves - Culture / Next
    https://next.liberation.fr/cinema/2020/04/20/le-temps-des-ouvriers-usine-a-greves_1785828

    « L’histoire les a changés et ils ont changé l’histoire, transformé notre façon de penser et de vivre ensemble. Sans eux, ni voyages dans l’espace ni suffrage universel. » Dans le Temps des ouvriers, série documentaire en quatre volets diffusée à partir du 28 avril sur Arte et dont le premier épisode est visible en exclusivité sur Libération.fr, Stan Neumann (1) tisse le fil conducteur d’une épopée européenne tragique et largement oubliée. Le documentariste livre un portrait passionnant, poignant et sans aucune condescendance de celles et ceux qui font tourner notre société industrielle. Rythmée par des dessins animés pédagogiques, des chansons et de nombreuses images d’archives, la série navigue entre les époques sans jamais perdre de sa cohérence. Elle fait se succéder témoignages d’ouvriers, à la retraite ou encore actifs, analyses de chercheurs et épisodes historiques racontés par Bernard Lavilliers, voix off au ton juste. « Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Que veulent-ils ? Qu’ont-ils en commun ? Qu’est-ce qui les sépare ? »

    #prolétariat

  • 1848 ou la deuxième défaite du prolétariat : Louis Blanc et le droit au travail
    https://lvsl.fr/1848-ou-la-deuxieme-defaite-du-proletariat-louis-blanc-et-le-droit-au-travail

    On a pu noter à quel point les commémorations des cinquante ans de mai 68 ont été un échec. Il n’a tout au plus été retenu que les avancées sociétales et la « révolution sexuelle » des années suivantes. À l’instar de « Che » Guevara, Mai 68 a été relégué entre une publicité Chauffeur privé et une Réclame Gucci. L’inconscient collectif, désormais acquis au spectacle de la marchandise, à la société liquide et à l’ère du vide, se contente de subir le triomphe de ce que le sociologue Michel Clouscard nommait le « libéralisme-libertaire ». Or il semblerait que ce que l’on veut nous faire oublier de 68 correspond à ce qu’il avait de commun avec un autre grand moment de l’Histoire française et mondiale plus occulté encore : la révolution de 1848.

    #révolutions #prolétariat #histoire #socialisme

  • Deliveroo. Des « dark kitchens » au cœur des villes | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/deliveroo-des-dark-kitchens-au-coeur-des-villes-684655

    Les commandes passées chez Deliveroo ne viennent pas forcément des fourneaux de restaurants ayant pignon sur rue, mais de box aménagés dans des hangars de fortune. Les va-et-vient de livreurs sont continus dans cette rue discrète au cœur de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). De l’extérieur, seul un petit panneau signale la présence de la start-up : « Les riders sont priés de stationner dans la cour. » Dans celle-ci, des vélos et scooters sont garés. Sur la droite, un hangar aux couleurs vives de Deliveroo (...)

    #Deliveroo #conditions #FoodTech #GigEconomy #nourriture #travail #travailleurs

    • L’entreprise appelle ce concept Deliveroo Editions, mais les travailleurs préfèrent l’anglicisme « dark kitchens », cuisines de l’ombre. L’une est louée par le Petit Cambodge, restaurant du 10e arrondissement spécialisé dans les bo buns bien connu de la petite bourgeoisie parisienne. Succès oblige, l’enseigne pouvait dépasser les 200 commandes certains soirs, à ­destination de la seule livraison. Non seulement les cuisines étaient sous-dimensionnées, mais les clients étaient incommodés par ce défilé de livreurs, ce prolétariat que les plateformes cherchent à invisibiliser toujours plus. Toutes ces commandes sont désormais cuisinées à Saint-Ouen. « On ne paye pas de loyer, mais la commission que prend Deliveroo sur chaque commande est très élevée, plus du double de ce qui est demandé à un restaurant traditionnel, mais je n’ai pas le droit de vous dire combien », explique un restaurateur qui préfère rester anonyme. Lui, a opté pour un « restaurant » uniquement à destination de la livraison, sans salle, « pour tester le concept », assure-t-il.

      #prolétariat #travailleurs_migrants

  • Friedrich Engels - Zur Wohnungsfrage
    http://www.mlwerke.de/me/me18/me18_209.htm

    Geschrieben in der Zeit von Juni 1872 bis Februar 1873.
    Erstmalig veröffentlicht in „Der Volksstaat“, Leipzig 1872, Nr. 51-53, 103 und 104, sowie 1873, Nr. 2, 3, 12, 13, 15, 16. Nach der Ausgabe von 1887.

    Die sogenannte Wohnungsnot, die heutzutage in der Presse eine so große Rolle spielt, besteht nicht darin, daß die Arbeiterklasse überhaupt in schlechten, überfüllten, ungesunden Wohnungen lebt. Diese Wohnungsnot ist nicht etwas der Gegenwart Eigentümliches; sie ist nicht einmal eins der Leiden, die dem modernen Proletariat, gegenüber allen frühern unterdrückten Klassen, eigentümlich sind; im Gegenteil, sie hat alle unterdrückten Klassen aller Zeiten ziemlich gleichmäßig betroffen. Um dieser Wohnungsnot ein Ende zu machen, gibt es nur ein Mittel: die Ausbeutung und Unterdrückung der arbeitenden Klasse durch die herrschende Klasse überhaupt zu beseitigen. - Was man heute unter Wohnungsnot versteht, ist die eigentümliche Verschärfung, die die schlechten Wohnungsverhältnisse der Arbeiter durch den plötzlichen Andrang der Bevölkerung nach den großen Städten erlitten haben; eine kolossale Steigerung der Mietspreise; eine noch verstärkte Zusammendrängung der Bewohner in den einzelnen Häusern, für einige die Unmöglichkeit, überhaupt ein Unterkommen zu finden. Und diese Wohnungsnot macht nur soviel von sich reden, weil sie sich nicht auf die Arbeiterklasse beschränkt, sondern auch das Kleinbürgertum mit betroffen hat.
    ...
    Der Arbeiter tritt dem Krämer gegenüber als Käufer auf, d.h. als Besitzer von Geld oder Kredit, und daher keineswegs in seiner Eigenschaft als Arbeiter, d.h. als Verkäufer von Arbeitskraft. Die Prellerei mag ihn, wie überhaupt die ärmere Klasse, härter treffen als die reicheren Gesellschaftsklassen, aber sie ist nicht ein Übel, das ihn ausschließlich trifft, das seiner Klasse eigentümlich ist.

    Geradeso ist es mit der Wohnungsnot. Die Ausdehnung der modernen großen Städte gibt in gewissen, besonders in den zentral gelegenen Strichen derselben dem Grund und Boden einen künstlichen, oft kolossal steigenden Wert; die darauf errichteten Gebäude, statt diesen Wert zu erhöhn, drücken ihn vielmehr herab, weil sie den veränderten Verhältnissen nicht mehr entsprechen; man reißt sie nieder und ersetzt sie durch andre. Dies geschieht vor allem mit zentral gelegenen Arbeiterwohnungen, deren Miete, selbst bei der größten Überfüllung, nie oder doch nur äußerst langsam über ein gewisses Maximum hinausgehn kann. Man reißt sie nieder und baut Läden, Warenlager, öffentliche Gebäude an ihrer Stelle. Der Bonapartismus hat durch seinen Haussmann in Paris {1} diese Tendenz aufs kolossalste zu Schwindel und Privatbereicherung ausgebeutet; aber auch durch London, Manchester, Liverpool ist der Geist Haussmanns geschritten, und in Berlin und Wien scheint er sich ebenso heimisch zu fühlen. Das Resultat ist, daß die Arbeiter vom Mittelpunkt der Städte an den Umkreis gedrängt, daß Arbeiter- und überhaupt kleinere Wohnungen selten und teuer werden und oft gar nicht zu haben sind, denn unter diesen Verhältnissen wird die Bauindustrie, der teurere Wohnungen ein weit besseres Spekulationsfeld bieten, immer nur ausnahmsweise Arbeiterwohnungen bauen.
    ...
    Wie ist nun die Wohnungsfrage zu lösen? In der heutigen Gesellschaft gerade wie eine jede andere gesellschaftliche Frage gelöst wird: durch die allmähliche ökonomische Ausgleichung von Nachfrage und Angebot, eine Lösung, die die Frage selbst immer wieder von neuem erzeugt, also keine Lösung ist. Wie eine soziale Revolution diese Frage lösen würde, hängt nicht nur von den jedesmaligen Umständen ab, sondern auch zusammen mit viel weitergehenden Fragen, unter denen die Aufhebung des Gegensatzes von Stadt und Land eine der wesentlichsten ist. Da wir keine utopistischen Systeme für die Einrichtung der künftigen Gesellschaft zu machen haben, wäre es mehr als müßig, hierauf einzugehn. Soviel aber ist sicher, daß schon jetzt in den großen Städten hinreichend Wohngebäude vorhanden sind, um bei rationeller Benutzung derselben jeder wirklichen „Wohnungsnot“ sofort abzuhelfen. Dies kann natürlich nur durch Expropriation der heutigen Besitzer, resp. durch Bequartierung ihrer Häuser mit obdachlosen oder in ihren bisherigen Wohnungen übermäßig zusammengedrängten Arbeitern geschehen, und sobald das Proletariat die politische Macht erobert hat, wird eine solche, durch das öffentliche Wohl gebotene Maßregel ebenso leicht ausführbar sein wie andere Expropriationen und Einquartierungen durch den heutigen Staat.

    #capitalisme #logement #urbanisme #révolution #prolétariat

  • «  C’est inhumain, l’aliénation maximum  »  : dans les entrepôts logistiques de la région lyonnaise | Mediacités
    https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2019/12/11/%E2%80%AFcest-inhumain-lalienation-maximum%E2%80%AF%E2%80%AF-dans-les-ent

    Commande vocale, concurrence entre salariés, tâches physiques et répétitives… Dans les hangars où transitent les marchandises de nos supermarchés et boutiques (dont nos futurs cadeaux de Noël) œuvre « le nouveau prolétariat ». Rencontre avec ces ouvriers invisibles, en lisière de métropole.

    Derrière paywall.
    #logistique #prolétariat #travail #Lyon #Amazon

  • La Terre n’est pas une banque (Vincent Présumey, Facebook ’Les Enragés’, 02.08.2017)
    https://www.facebook.com/LesEnrages/posts/812849952214912

    On entend répéter que ça y est, l’humanité a « consommé » plus que ce que la terre peut lui donner en une année, cela à une date qui, d’année en année, avance toujours. Beaucoup de gens partagent cela sur Facebook, cela peut se comprendre. Mais c’est une vision mystificatrice et erronée. La gravité de la question environnementale ne consiste pas dans le fait que « l’humanité » consomme trop, ni maintenant qu’elle consommerait à #crédit. Le problème est au niveau de la #production, donc du mode et des rapports de production, ça s’appelle le #capitalisme et ça se règle par l’intervention démocratique, éventuellement violente, de l’immense majorité qui soit ne « consomme » pas assez soit « consomme » des merdes qu’on lui impose : le #prolétariat. Cela se réglera par la conscience, la lutte et l’organisation. Pas par la #culpabilisation et l’idée archaïque que nous aurions une « #dette » envers la terre ou qui que ce soit.

  • Andreas Malm: Revolutionary Strategy in a Warming World
    https://climateandcapitalism.com/2018/03/17/malm-revolutionary-strategy

    Who shall execute it? Who are the Petrograd metalworkers and the Kronstadt sailors of the climate revolution? Look at the country that tops a survey of the populations most worried about global warming: Burkina Faso, currently devastated by declining rains and magnified sandstorms, topping the list of African nations suffering from excessively hot working days.[62] Can a farmer from Burkina Faso storm the Winter Palaces of fossil capital — can she even catch sight of them in her lifetime, or are the headquarters of ExxonMobil in Texas and the glittering towers of Dubai so distant as to be utterly beyond her reach, let alone her and her peers’ capacity for effective revolutionary action? It would probably be as easy to gain mass support for the above program in Burkina Faso as it would be hard to implement it from there.

    #climate #strategy #mode_de_production #prolétariat_climatique

  • Notes contre la prison
    Antonin Bernanos

    ... la prison, mise à distance au cours des dernières décennies, revient dans les parcours de lutte des différents acteurs du mouvement social (militants révolutionnaires, anti-autoritaires, antifascistes, syndicalistes, zadistes, ou encore au sein des luttes aux côtés des migrants ou contre les lois antisquat) ; la prison est en passe de devenir une méthode normalisée pour mater la contestation sociale.

    Pourtant si les peines de prison semblent se banaliser pour les militants des différents champs de lutte, la question de sa légitimité, de son existence et du combat qui doit lui être opposé ne semble pas s’imposer comme une évidence.

    ... d’un côté, la précarisation et l’enfermement des populations non blanches ; d’un autre côté, la nécessité d’écraser toute contestation non domestiquée aux « réformes » néolibérales. (...) il faut commencer à (...) démystifier la prison, en commençant par reconnaître qu’elle est parmi nous et qu’elle pèse sur nos luttes, directement.

    http://revueperiode.net/notes-contre-la-prison

    #prison #prolétariat #incarcération #luttes #précarisation #enfermement #répression #loi_travail #bernanos #zad #gilets_jaunes #Urgence_Notre_Police_Assassine #justice #police

  • 1845 - Friedrich Engels - Lage der arbeitenden Klasse in England
    http://www.mlwerke.de/me/me02/me02_430.htm

    Trois ans avant la révolution de 1848 Friedrich Engels décrit la supériorité culturelle du prolétariat à une époque quand double morale et censure empêchent la bourgeoisie de s’intéresser à ses propres auteurs les plus avancés.

    Ich habe manchmal Arbeiter, deren Samtröcke nicht mehr zusammenhalten wollten, mit mehr Kenntnis über geologische, astronomische und andre Gegenstände sprechen hören, als mancher gebildete Bourgeois in Deutschland davon besitzt. Und wie sehr es dem englischen Proletariat gelungen ist, sich eine selbständige Bildung zu erwerben, zeigt sich besonders darin, daß die epochemachenden Erzeugnisse der neueren philosophischen, politischen und poetischen Literatur fast nur von den Arbeitern gelesen werden.

    Der Bourgeois, der Knecht des sozialen Zustandes und der mit ihm verbundenen Vorurteile ist, fürchtet, segnet und kreuzigt sich vor allem, was wirklich einen Fortschritt begründet; der Proletarier hat offne Augen dafür und studiert es mit Genuß und Erfolg. In dieser Beziehung haben besonders die Sozialisten Unendliches zur Bildung des Proletariats getan, sie haben die französischen Materialisten, Helvetius, Holbach, Diderot usw., übersetzt und nebst den besten englischen Sachen in billigen Ausgaben verbreitet. Strauß’ „Leben Jesu“ und Proudhons „Eigentum“ zirkulieren ebenfalls nur unter Proletariern. Shelley, der geniale prophetische Shelley und Byron mit seiner sinnlichen Glut und seiner bittern Satire der bestehenden Gesellschaft haben ihre meisten Leser unter den Arbeitern; die Bourgeois besitzen nur kastrierte Ausgaben, „family editions“, die nach der heuchlerischen Moral von heute zurechtgestutzt sind.

    Die beiden größten praktischen Philosophen der letzten Zeit, Bentham und Godwin, sind, namentlich letzterer, ebenfalls fast ausschließliches Eigentum des Proletariats; wenn auch Bentham unter der radikalen Bourgeoisie eine Schule besitzt, so ist es doch nur dem Proletariat und den Sozialisten gelungen, aus ihm einen Fortschritt zu entwickeln.

    Das Proletariat hat sich auf diesen Grundlagen eine eigene Literatur gebildet, die meist aus Journalen und Broschüren besteht und an Gehalt der ganzen Bourgeoisie-Literatur bei weitem voraus ist.

    #culture #prolétariat #histoire #révolution

  • Kurfürstendamm 13
    https://www.openstreetmap.org/node/3678881039

    In Von Haus zu Haus am Kurfürstendamm wird auf #Seite_13 über das Haus #Kudamm_13 berichtet

    Ein Teil seiner Bewohner wird das Haus in weniger guter Erinnerung gehabt haben. Im Januar 1907 wäre hier ein Dienstmädchen, dem die Dachkammer als Schlafstätte diente, bei starkem Frost fast erfroren. (Bauakte Landesarchiv Berlin, B Rep. 207/2149)

    Zusammenstellung und Aufbewahrungsfristen von Bauakten
    https://senstadtfms.stadt-berlin.de/intelliform/forms/eabau/berlin/vi_140/index

    Einsichtnahme in archiverte Bauakten - Berlin.de
    https://www.berlin.de/ba-marzahn-hellersdorf/politik-und-verwaltung/aemter/stadtentwicklungsamt/bauaufsicht-wohnungsaufsicht-denkmalschutz/artikel.28986.php

    Bauarchiv im Stadtentwicklungsamt - Berlin.de
    https://www.berlin.de/ba-tempelhof-schoeneberg/politik-und-verwaltung/aemter/stadtentwicklungsamt/bauarchiv-im-stadtentwicklungsamt-339900.php

    Bauaktenarchiv - Berlin.de
    https://www.berlin.de/ba-neukoelln/politik-und-verwaltung/aemter/stadtentwicklungsamt/bau-und-wohnungsaufsicht/bauaktenarchiv/artikel.231644.php

    Findbücher | Landesarchiv Berlin
    http://landesarchiv-berlin.de/findbucher

    #Berlin #Ausbeutung #Proletariat #Dienstboten #Archive

  • 100 balles ou la taule, brèves de justice
    https://paris-luttes.info/home/chroot_ml/ml-paris/ml-paris/public_html/local/cache-gd2/41/0bf486e00588017d3c31b22b553a16.png?1542106616

    https://paris-luttes.info/100-balles-ou-la-taule-breves-de-11027

    Vendredi 2 novembre. Une après-midi banale à la 23.1, ou comment les comparutions immédiates reflètent la justice...On est là, une vingtaine. Deux copines se sont faites arrêter pour un vol à go sport, histoire de vivre sans se contenter des 400 balles octroyées par l’État.

    #justice #repression #tribunal #luttedesclasses #prolétariat @rezo

  • Midinettes et grèves des ouvrières durant la Grande Guerre
    https://paris-luttes.info/home/chroot_ml/ml-paris/ml-paris/public_html/local/cache-vignettes/L578xH326/10317323-82586-7bdae.jpg?1541332943
    https://paris-luttes.info/midinettes-et-greves-des-ouvrieres-10984?var_mode=calcul

    Pendant la 1e guerre mondiale les femmes sont encouragées à travailler et à remplacer les hommes partis au front dans les champs, les usines, les sociétés de transport etc. Pour le même travail elles sont moins bien payées et traitées que leurs collègues masculins et peu soutenues par les syndicats qui s’inquiètent du fait que la place des ouvriers ne leur soit pas rendue à leur retour des tranchées. Elles s’organisent pourtant pendant la guerre et mènent plusieurs mouvements sociaux et grèves revendiquant la revalorisation de leurs salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail.

    #grève #feminisme #ouvriers #prolétariat @rezo

    • Oh les vilains syndicalistes ! ! !
      En temps de guerre, quand t’ouvrais ta gueule, c’était le départ pour le front ou la taule.
      Seule forme de résistance, le sabotage du boulot.

      Qui plus est un syndicat, c’est la représentation de celles et ceux qui se prennent en charge et luttent, ce qui s’est fait.
      elles s’organisent pourtant pendant la guerre et mènent plusieurs mouvements sociaux et grèves revendiquant la revalorisation de leurs salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail.

      Curieux ce début d’article, qui ne semble pas parler du rôle des patrons au paradis pendant ces années là !

      Le féminisme a bon dos !

    • Curieux ce début d’article, qui ne semble pas parler du rôle des patrons au paradis pendant ces années là !

      Curieux aussi de ne pas lire la totalité de l’article. Vous y auriez lu que ce mouvement avait abouti à une syndicalisation massive des femmes ;)

  • Un siècle après la révolution d’Octobre, la Russie à l’heure du capitalisme décadent |
    Conférence de #Lutte_Ouvrière du 15 juin 2018
    https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/un-siecle-apres-la-revolution-doctobre-la-russie-lheure-du-capitalis

    [...] Alors, on doit se demander dans quelle mesure et pourquoi une partie de la population soutient la personne et la politique de Poutine, mais aussi et surtout en quoi ce régime et celui qui l’incarne sont nécessaires aux nantis et privilégiés qui dirigent la Russie aujourd’hui. Et d’abord, qui sont-ils  ?

    On ne peut le comprendre sans avoir à l’esprit qu’une société originale s’était construite pendant soixante-dix ans en Union soviétique, dont la Russie a hérité. Dans ce pays, qui fut le premier et le seul à ce jour où les travailleurs prirent le pouvoir et commencèrent à édifier une société sur de nouvelles bases, il y a un siècle, quelles traces le passé a-t-il laissées  ? Et comment la Russie évolue-t-elle, depuis des décennies que ses dirigeants lui ont officiellement tourné le dos  ? [...]

    SOMMAIRE :
    De la naissance de l’État ouvrier à sa dégénérescence
    – L’étatisation et la planification, acquis de la révolution d’Octobre

    1991 : la fin de l’#URSS, provoquée par l’irresponsabilité de la bureaucratie au pouvoir #stalinisme
    – L’éclatement de l’URSS, un recul économique, social et politique
    – Les années 1990, eldorado pour quelques-uns...
    – ... catastrophe et traumatisme pour tous les autres
    – L’élection de #Poutine, sorti du chapeau des forces de sécurité et adoubé par #Eltsine
    – La #deuxième_guerre de #Tchétchénie
    – Le rétablissement de la «  verticale du pouvoir  »
    – La mise au pas des oligarques et l’affaire Khodorkovski
    – Les grands possédants sous contrôle de l’État
    – Les héritiers de la #bureaucratie soviétique
    – Bureaucratisme et corruption du haut en bas de l’appareil d’État

    Le #capitalisme en crise incapable de développer la société russe
    – La pénétration toute relative des capitaux étrangers en #Russie
    – Une économie toujours largement «  administrée  » par l’État
    – Une intégration difficile dans le marché mondial  : de la volonté de coopérer au repli nationaliste
    – L’annexion de la #Crimée et la guerre en #Ukraine
    – L’intervention en #Syrie et les relents de guerre froide #guerre
    – Le #nationalisme de Poutine

    Une société conservatrice et réactionnaire
    – L’#opposition de sa majesté
    – Une liberté d’expression de plus en plus entravée
    – La dégradation des conditions de vie de la population laborieuse
    – La #crise_démographique
    – De l’absence de combativité au risque d’explosion sociale  ?

    Renouer avec le #trotskysme
    – Une société encore marquée par la #révolution prolétarienne et le passé soviétique
    – L’avenir appartient au #prolétariat

  • #masculinités, travail et classes populaires
    http://mouvements.info/masculinites-travail-et-classes-populaires

    Annotations :

    Plusieurs études sociologiques ou historiques ont en effet souligné combien la conformité à un idéal viril constitue un enjeu identitaire particulièrement important chez les individus issus des milieux populaires. Dans ce sens, c’est bien l’organisation du travail qui encourage une culture ouvrière masculine valorisant la force (physique ou mentale) et l’engagement des corps. Conséquence : les cadences productives participent à produire un stigmate viriliste qui se retourne contre les ouvriers eux-mêmes. Si le travail façonne la masculinité, il est aussi le biais par lequel elle enferme les hommes dans une certaine identité de classe et/ou de #genre. Les enquêtes (...)

    #virilisme #prolétariat #capitalisme

  • Pourquoi il faut soutenir les livreurs UberEats, Deliveroo, etc.
    https://usbeketrica.com/article/pourquoi-il-faut-soutenir-les-livreurs-ubereats-deliveroo

    Pour rappeler la formule magique, la stratégie de ces entreprises stars de l’« uberisation », il ne faut guère de longs discours. Carnassier est le modèle, carnassières sont ces entreprises. Première étape : choisir un secteur à « disrupter », selon l’expression en vogue. Restauration, hôtellerie, transport, artisanat, éducation… tout est possible, ou presque.

    Deuxième étape : créer une application pour smartphone. Elle doit être pratique, sympa et friendly. On recherche quelques vides juridiques à exploiter, on joue sur le flou entre mise en relation de citoyens de bonne volonté - le fameux pair à pair - et pure et simple sous-traitance low cost du travail. Ne reste alors plus qu’à flinguer la concurrence, en menant une politique tarifaire agressive, puis à prélever sa rente, justifiée - s’il le fallait - par la mise en place de la « killer app » en question et la fourniture de menus services.

    Pendant ce temps-là, on peut spéculer peinard et espérer que son entreprise devienne une « licorne », selon la terminologie consacrée dans la Silicon Valley, c’est-à-dire une entreprise dont la valorisation boursière dépasse le milliard de dollars. La variable d’ajustement de l’histoire - et les grands perdants - restent toujours les mêmes : les travailleurs et leurs conditions de travail. On exploite, sans que le gros mot ne soit prononcer, une nouvelle forme de prolétariat. Appelons-le « prolétariat numérique ».

    Ce prolétariat numérique est évidemment protéiforme. Il ne se limite pas aux coursiers à vélo. Il diffère selon les pays. Ses frontières sont parfois floues. Chez nous, on le rencontre avec les chauffeurs Uber ou les employés des entrepôts d’Amazon, mais il réside aussi dans le travail gratuit que nous faisons tous pour les géants du numérique, en étant des utilisateurs actifs de leurs plateformes et services. En créant de la donnée. Ce que d’aucuns qualifient de « digital labor ». Un travail gratuit qui contribue à valoriser ces entreprises.

    #précariat #prolétariat_numérique #capitalisme_de_plateforme #uberisation

  • CLASSE / RACE : FAUX DILEMME, VRAI PROBLÈME | Guillaume Deloison
    https://guillaumedeloison.wordpress.com/2018/07/16/classe-race-faux-dilemme-vrai-probleme

    Pour certain le racisme n’a jamais ségrégué les personnes en « communautés distinctes », il faut « l’action d’individus » plus ou moins malintentionnés vis-à-vis de la lutte de classe, de la classe ouvrière et ses institutions pour que tels malheurs arrivent, pour que la lutte des classes soit effacé par la lutte des races.

    Comme s’il n’y avait pas eu d’ « affaires du foulard », de déclarations gouvernementales lors des grèves de l’automobile au début des années 1980, de débats sur la construction de mosquées et des menus de substitution dans les cantines scolaires, de tapages médiatiques autour des perquisitions administratives et des assignations à résidence, comme si la « double peine » et l’inflation du soupçon administratif à chaque étape de la vie quotidienne n’existait pas, comme si personne n’aurait entendu parler de l’effondrement des « Twin Towers » sans les xénophobes et les xénophiles, sans qui également le massacre du Bataclan serait sans doute resté « confidentiel ».

    Mais pourquoi le « bouc émissaire » est-il devenu « musulman » et n’est pas resté « arabe », « travailleur immigré » ou « immigré » tout court ? La « décomposition du mouvement ouvrier » est un facteur objectif bien général et bien antérieur à la fabrication du musulman comme marqueur racial. Les causes de la « culturalisation » de l’immigré et de sa descendance puis la confessionnalisation de cette « culturalisation » sont des processus réels de la crise et de la restructuration des années 1970 aux années 1980, le regroupement familial, les « deuxième et troisième générations » pour exemple… étudions ces processus.

    #race #luttes_des_classes #classe_ouvrière et #segmentation_raciale

    • Théorie Communiste N° 26, « le kaléidoscope du prolétariat », bonnes feuilles
      https://dndf.org/?p=16870

      De l’identité par le travail à la culturalisation

      A la fin des années 1970 / début années 1980 (concomitance des grèves de l’automobile et des Marches sur laquelle nous n’insisterons jamais assez), deux phénomènes sociaux se rencontrent. D’une part, la fin de l’identité de l’immigré par le #travail à laquelle se substitue la culturalisation de celui-ci et de sa descendance (leur présence irréversible) et, d’autre part (les deux ne sont sans liens, mais aucun n’est la cause de l’autre), la #restructuration du mode de production capitaliste, la mise en place d’un nouveau paradigme de l’achat-vente de la force de travail, de sa précarisation et flexibilisation généralisée, la transformation des types d’emplois avec une #désindustrialisation relative. Ce nouveau paradigme fixe la culturalisation qui devient essentielle et le marqueur des modalités d’utilisation de ceux et celles qui sont ainsi désigné.e.s. L’#immigré n’est plus défini par le travail qu’il occupe, sa « présence transitoire », sa marginalité dans la société française qui le laissait quasi extérieur à la plupart des aspects de la vie sociale, culturelle et associative sans parler de la vie politique. C’est maintenant ce marqueur qui, quoi qu’il fasse lui colle à la peau, qui définit les emplois qui seront les siens, sa #discrimination résidentielle, scolaire, la pression administrative et policière. Il est « d’ici », mais à tout moment on peut revenir sur le code de la nationalité, déposer des projets de loi sur la double nationalité qui n’aboutissent pas mais existent cependant, promulguer des mesures instituant la « double peine », créer un débat national sur « l’identité française », investir un Comité de sages sur la laïcité. Tout cela crée une suspicion, une instabilité et une discrimination aussi constantes les unes que les autres dont la situation des sans-papiers est le modèle paroxystique.

      Depuis le début des années 70 (grèves dans l’industrie, lutte des foyers Sonacotra, formation du MTA, mobilisation contre les attentats racistes, pour la carte unique de 10 ans…) les luttes des travailleurs immigrés (clandestins ou non) ne peuvent être découpées à l’intérieur d’elles-mêmes en luttes de classe sur les conditions de travail, les salaires etc., disons « un côté prolétarien » et, de l’autre, ce que Reflex appelle la volonté « d’asseoir son droit de cité dans la société française » (Chroniques d’un mouvement, p 9). « Asseoir son droit de cité » c’est aussi lutter contre une surexploitation et il ne s’agit pas d’idéologie. La question de « l’égalité » et des « droits » n’est pas un « plus » qui viendrait se surajouter à la lutte de classe « pure et dure », car la lutte de classe n’est jamais « pure et simple ». Résoudre la question en en appelant de façon quasiment incantatoire et magique au « noyau dur prolétarien » contre son dévoiement idéologique, humanitaire, antiraciste, ne nous avance pas à grand chose dans la compréhension du mouvement, ni dans celle de ses limites et de leur nécessité. Il faut renverser la problématique. C’est parce que la lutte des immigrés est lutte de classe qu’elle comporte ce « plus ».

      Selon la proposition fondamentale qui parcourt tout ce texte : la lutte de classe n’existe toujours que « surdéterminée », non qu’elle doive s’en accommoder, mais parce qu’elle est lutte de classe. Dans ce « plus » c’est l’existence et la pratique en tant que classe que l’on trouve, c’est-à-dire la reproduction réciproque du prolétariat et du capital dans laquelle c’est toujours le second qui subsume le premier et celui-ci qui agit à partir des catégories définies dans la reproduction du capital. Si le #prolétariat n’est pas condamné à en demeurer là c’est que, dans sa contradiction avec le capital, il peut conjoncturellement trouver la capacité de l’abolir et de se nier lui-même. Mais c’est une autre histoire, ou plutôt une histoire qui commence dans les catégories de la reproduction du capital. Essentiellement, c’est toujours agir en tant que classe qui est la limite de la lutte de classe, c’est là le point de départ, mais ce n’est qu’un point de départ.

      Ce n’est pas dans leur situation commune de classe mais en se retournant contre elle que les prolétaires dépassent les segmentations raciales (et certainement pas sans conflits).

  • Je n’en dirai pas plus (sinon, je vais trop m’énerver), juste quelques mots-clé :
    #invasion #préjugés #livre #afflux

    La #ruée vers l’#Europe. La jeune #Afrique en route pour le Vieux Continent de #Stephen_Smith

    Recension dans Le Monde, avec un titre tout aussi problématique... :
    Jusqu’où l’Europe peut-elle accueillir des migrants africains sans perdre son #identité ?

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/28/jusqu-ou-l-europe-peut-elle-accueillir-des-migrants-africains-sans-perdre-so
    #migrations #asile #réfugiés

    • #le_jeune_continent, c’est dingue !
      Quant au spécialiste des chiffres,…

      Celui qui raconte ces grands préparatifs est un amoureux des chiffres, un fin connaisseur de l’Afrique et un globe-trotter qui a lui-même vécu entre Europe, Afrique et Etats-Unis. Aujourd’hui, il enseigne les Affaires africaines à l’université de Duke (Etats-Unis), après avoir été spécialiste du jeune continent pour Libération, de 1988 à 2000, et Le Monde, de 2000 à 2005, et avoir prêté son expertise à des organisations internationales (ONU, International Crisis Group).

      Très documentée, riche en références littéraires, son analyse se nourrit d’abord d’un suivi longitudinal des statistiques africaines, avec, en arrière-plan, le fait que 10 % des terriens se partagent 50 % des richesses, quand la moitié le plus pauvre de l’humanité ne dispose, elle, que de 10 % des biens.

      D’après le Crédit Suisse, en 2014, les chiffres étaient :
      • 1% de la population mondiale possède 48,2% de la richesse totale (46,1% pour l’Afrique)
      • 10% de la population mondiale se partage 87,4% de la richesse (78,3% en Afrique)
      https://publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/?fileID=5521F296-D460-2B88-081889DB12817E02
      (à la fin du chapitre 4, p. 124)

      Chiffres repris par Oxfam, et cités par nos amis Décodeurs de Le Monde (article du 19/01/2015)
      (bon, d’accord, tout ça ce sont des estimations…

      La concentration des richesses dans le monde en graphiques
      http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/19/la-concentration-des-richesses-dans-le-monde-en-graphiques_4558914_4355770.h

      Deux jours avant l’ouverture du Forum économique mondial, qui se tient traditionnellement dans la station suisse de Davos, l’ONG Oxfam a publié un rapport accablant sur la concentration des richesses dans le monde. Basé notamment sur des données fournies par un rapport de la banque Crédit suisse, il révèle que 1 % des habitants de la planète possède 48 % du patrimoine, contre « seulement » 44 % en 2009. Le seuil des 50 % devrait être dépassé en 2016.

      Quant au précédent succès de librairie de l’auteur (Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt, 2003),…

      Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9grologie_:_pourquoi_l%27Afrique_meurt

      [Stephen Smith] cherche à expliquer cet état de fait en « réhabilitant » l’Afrique comme actrice de sa propre histoire. Selon lui, en effet, la responsabilité historique des pays occidentaux dans le dénuement de l’Afrique serait exagérée et les caractéristiques sociologiques africaines seraient les premières responsables du sous-développement. Il pense que « l’Afrique meurt d’un suicide assisté » et qu’elle serait accompagnée dans sa chute par une forme d’« autisme identitaire » qui l’empêcherait de s’attaquer à ses maux.

    • #Stephen_Smith ravive le mythe des #invasions_barbares, Macron et l’Académie française applaudissent

      Deux universitaires, Julien Brachet, de l’IRD et Judith Scheele, de l’EHESS pointent la #responsabilité des #médias et des institutions influentes qui font la promotion du dernier essai « xénophobe et raciste » de Stephen Smith, « La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent ».

      La mécanique semble bien huilée. À la sortie de chacun de ses livres, l’ex-journaliste Stephen Smith reçoit sous les projecteurs les louanges de personnalités politiques et de la grande majorité de la profession journalistique française, avant de s’attirer, plus discrètement, les foudres des universitaires.

      Son dernier ouvrage, « La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent » (Grasset, 2018), ne déroge pas à la règle. En l’espace de quelques mois, l’Académie française lui attribue un prix littéraire, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lui décerne le prix du livre de géopolitique de l’année, et le président de la république, Emmanuel Macron, salue un homme qui a « formidablement bien décrit » les migrations africaines.

      Pourtant, la thèse de Stephen Smith n’est pas exempte de critiques, loin s’en faut. Cette thèse est simple : selon Smith « 20 à 25 % de la population européenne » sera « d’origine africaine » d’ici trente ans (p. 18) ; « l’Europe va s’africaniser. […] C’est inscrit dans les faits » (S. Smith sur France Culture, 17/03/2018). Une thèse qui joue sur les peurs de populations européennes déjà sensibles aux sirènes xénophobes, tout en assénant des chiffres avec autorité. Or, toutes les études scientifiques montrent que les projections de Smith en matière de flux migratoires sont totalement invraisemblables.

      Il n’y a pas de « ruée » des ressortissants du continent africain vers l’Europe et il n’y en aura pas dans les décennies à venir.

      Les travaux des démographes des universités, de l’INED et de l’ONU sont sans équivoque : le taux d’émigration des populations africaines est comparable à la moyenne mondiale (un peu plus de 3%) ; la grande majorité des migrants africains restent à l’intérieur de leur continent d’origine ; les immigrés originaires d’Afrique représentent 2,3% de la population d’Europe de l’Ouest, et moins de 2% de l’ensemble de la population européenne. Sans même parler de la part des seuls immigrés irréguliers : absolument négligeable d’un point de vue statistique, et sans commune mesure avec l’ampleur des moyens légaux et sécuritaires déployés à l’intérieur du continent africain pour les empêcher de venir en Europe.

      Au regard de la forte croissance démographique de l’Afrique, on peut légitimement supposer que la part des ressortissants d’Afrique subsaharienne dans les pays de l’OCDE va augmenter dans les décennies à venir. Mais dans des proportions nettement plus faibles que celles annoncées par Smith. Les experts du Fond Monétaire International prédisent par exemple qu’en 2050, environ 34 millions de migrants originaires d’Afrique subsaharienne seront installés dans l’ensemble des 36 pays de l’OCDE (dont seulement 26 sont situés en Europe), soit 2,4% de la population totale de l’OCDE. Les démographes des Nations Unies annoncent quant à eux qu’entre 2015 et 2050, le solde migratoire net de l’Europe sera de 32 millions de migrants, toutes nationalités extra-européennes confondues. On est très loin des « 150 millions » d’Africains dont Smith prévoit l’arrivée en Europe « d’ici à 2050 » (p. 178).

      Il ne s’agit pas ici de développer plus avant l’inconsistance scientifique des « prévisions » de Smith, son absence de rigueur méthodologique et la manière fallacieuse dont il utilise les statistiques démographiques, mais bien de souligner ses objectifs politiques.

      À la fin de son essai supposément « guidé par la rationalité des faits » (comme indiqué au dos du livre), l’auteur dévoile clairement sa position. Ainsi, lorsqu’il rappelle une énième fois que selon lui « la migration massive d’Africains vers l’Europe » n’est dans l’intérêt de personne, que les non-Européens noirs et arabes dérangent inévitablement les Européens blancs (p. 182, 212), que dorénavant, les « bons augures » pour l’Afrique seront « de funestes présage pour l’Europe » (p. 225), et après avoir assené pendant 200 pages que la « ruée » de la jeunesse africaine sur l’Europe était « inéluctable », Stephen Smith change de ton. Soudainement, une autre perspective est offerte au lecteur : « l’union forcée entre la jeune Afrique et le Vieux Continent n’est pas encore une fatalité. Il y a de la marge pour des choix politiques » (p. 225).

      De manière à peine voilée, Smith suggère que face à sa prédiction d’une invasion de l’Europe par les « nouveaux barbares », le seul salut possible passe par les bons « choix politiques ». Et Smith de donner un exemple en guise de conclusion : « seule l’entrée très sélective de quelques bras et, surtout, de cerveaux africains apporterait des avantages à l’Europe » (p. 223). Un exemple qui n’est pas sans rappeler le programme de certains partis politiques européens.

      À la lecture de « La Ruée vers l’Europe », il apparaît que Smith compile les souvenirs, les anecdotes de comptoirs et les données chiffrées sans se préoccuper de la plausibilité ni de la cohérence de son argumentation. Tout connaisseur des migrations africaines ne peut que constater que Stephen Smith ne s’embête pas avec une quelconque rigueur scientifique. Il ne cherche ni à étudier ni à comprendre les dynamiques des migrations entre l’Afrique et l’Europe mais vise à asséner un discours principalement idéologique.

      En signant un essai xénophobe et raciste qui ressemble à une vaine tentative de légitimation de la théorie complotiste du « grand remplacement » prêchée par les idéologues d’extrême droite, et en multipliant les références à Maurice Barrès, Jean Raspail, Robert Kaplan ou Samuel Huntington (p. 70, 72, 188, 220), Stephen Smith s’inscrit ouvertement dans une tradition idéologique dont les chantres prédisent depuis des décennies la fin de la « civilisation occidentale » voire du « monde blanc ».

      La question qui se pose alors est de savoir comment un tel ouvrage peut-il être si largement encensé, devenir un succès de librairie, et influencer le débat public ?

      Car Smith n’est pas inquiétant seulement parce qu’il est un fervent promoteur de l’idée selon laquelle les populations africaines seraient un #risque, un #danger ou une #menace pour l’Europe. Il l’est bien plus encore parce que des dizaines de journaux, radios et télévisions, des représentants politiques et des institutions influentes relaient ses idées délétères, et ce faisant les cautionnent. Tout en le présentant sous les traits d’un intellectuel apolitique, ce qu’il n’est pas. En cela, l’ouvrage de Stephen Smith est révélateur de la manière dont les opinions publiques peuvent se forger sur la base d’arguments tronqués, et des difficultés qu’ont les sciences sociales à imposer dans l’arène médiatique et politique des arguments sérieux sur des sujets complexes.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/021018/stephen-smith-ravive-le-mythe-des-invasions-barbares-macron-et-l-aca

    • How Oracles Are Forged. The prophecy of an African scramble for Europe

      Alarmist predictions about African migration are all the rage. François Héran shows that they are based less on a demographic approach than on an economic conjecture, and on the fallacy that development in Africa can only be achieved at the expense of Europe.

      On the cover, a satellite image of Africa at night, and a title in yellow letters: “The Scramble for Europe”. A few dim points of light pierce the darkness in Nigeria, South Africa and the Maghreb, while others outline the Nile and its delta. The contrast with the bright splashes of light across the European continent is striking, and the message is clear: how could the populations of dark Africa not be attracted by the radiance of the North?

      Clearly designed to grab our attention, the title “The Scramble for Europe” [1] is not the editor’s choice; the author begins his book with his stark conclusion: “Young Africa will rush to the Old Continent; the writing is on the wall…” (p. 15). He backs his argument with two precedents: the exodus of poor Europeans towards the New World in the late 19th century and the mass migration of Mexicans to the United States since the 1970s. If Africans were to follow the Mexican example between now and 2050, then “in slightly more than 30 years, a fifth to a quarter of the European population would be of African origin (p. 18). In an interview published in the Figaro daily newspaper on 14 September 2018, Stephen Smith expresses surprise that some people—such as myself in a recent analysis— [2]question the validity of such claims. For Smith, challenging his predictions with arguments based on facts and figures is a “castigation” of his book, an attempt to “stifle debate”. My intention, on the contrary, is to reopen it. Given the gravity of the question in hand, it is important to look more closely at the methods, hypotheses and assumptions of a prophecy whose very appeal lies in its desire to shock, but also to convince.

      For the figures announced by Smith have reached their target. In an interview given on 15 April 2018, President Macron justified his immigration policy by evoking the African demographic “timebomb” so “remarkably described” in Smith’s book. In France, a number of intellectuals and politicians, from the centre left to the far right, have raised the spectre of his nightmare scenario to demand that political leaders “assume their responsibilities” in response to migrant inflows.
      An Inevitable Scramble, Provided…

      It is not until pages 139 and 143 of his essay that Stephen Smith makes the sensational announcement that a scramble of sub-Saharan Africans for Europe will only occur on “two key conditions”: that this region of the world escapes from poverty in the space of 30 years, and that its diasporas have already become well-established. We thus discover—and I will return to this point—that the prophecy of an Africanization of Europe is more an economic conjecture than a demographic forecast. Notwithstanding the UN biennial demographic projections that forecast a doubling of the sub-Saharan population before 2050 (from 900 million to 2.2 billion under the median scenario), Smith knows well that this will not be enough to trigger the human tidal wave that he announces. More powerful mechanisms are needed. But to argue his point, Smith presumes the veracity of the result he is seeking to prove. If we imagine that sub-Saharan Africa reaches the same level of development as Mexico within the next 30 years, then its inhabitants will migrate to the same extent as the Mexicans.

      But this overlooks the fact that sub-Saharan Africa is not Mexico—not even the Mexico of 30 years ago—and that Ouagadougou or Niamey have little in common with Mexico City or Guadalajara. If we measure the human development index on a scale of 1 to 10, as I did in the above-mentioned essay, most sub-Saharan countries are at level 1, Mexico at 6, France at 9 and the United States at 10. While from level 6 to level 10 migration is massive (25 million people in the diasporas concerned), from level 1 to level 9 or 10 it is limited (less than 2.3 million). So it is hard to believe that by 2050 development in sub-Saharan Africa will have accelerated to the point where it reaches the current relative position of Mexico.

      One cannot simply apply the hypothesis of a “critical mass” of inhabitants achieving prosperity to give plausibility to the scenario of a general transformation of behaviours in such a short time, especially in a region where the population explosion and the record fertility levels that are of such concern to the author reflect a persistent stagnation of the demographic transition. Pointing up this stagnation does not imply that Africa is doomed to chronic under-development; it simply adds a dose of realism: there is no evidence to suggest that sub-Saharan fertility will decline in spectacular fashion over the next few years, as it did in China, Iran or Algeria.
      Using the Known to Gauge the Unknown

      There is little need to refute the parallel with European migration to the Americas, given the vast differences between the New World pull factors of the 19th century and those of Europe in the 21st. I will examine the parallel with Mexico, however, as it illustrates the author’s method of documentary research and his mode of reasoning. The “Millman 2015” and “Douthat 2015” supporting references that he cites are not scientific studies but, in the first case, a Politico editorial by Noah Millman entitled “Africa will dominate the next century” published in May 2015, and in the second (missing from the bibliography but easily retrievable on the Internet), an opinion piece by Ross Douthat called “Africa’s Scramble for Europe” published in the New York Times in August 2015. If we compare the two texts, we discover that Smith’s long discussion of the Mexican analogy (p. 179) is filled with unacknowledged citations of Millman’s own words. But who is Millman? Head of Politico’s literary pages, he is neither a demographer nor an African specialist, but a former financier who knows how to do everyday arithmetic. His method is simple; it involves convincing the American public with scant knowledge of African realities that the known can be used to gauge the unknown, i.e. that the situation in Africa can be likened to that of Mexico. As for Ross Douthat, a regular author of op-eds on practically all topics, he is cited in turn because he cites none other than… Millman!

      At the end of the book, Smith explains that by continuing the timeworn practices of development aid, European policy “may end up turning the flow of Africans towards Europe into a tidal wave” (p. 225). The reader is puzzled. Does this mean that the demographic determinism proclaimed so loudly at the beginning of the book is not so inescapable after all? But few readers go so far. The message they take away is that of the book cover: there is no escape, Africa is out to conquer Europe.

      At global level it is not the poorest regions that produce the most emigrants, as the author well knows. He also knows that sub-Saharan Africans do not have the resources to emigrate in large numbers. Likewise, he is not unaware that development aid is more likely to stimulate emigration than curb it—to the point where some commentators credit him with this discovery, as if development economists had not already established this fact many years ago. But Smith’s knowledge in this respect is second-hand. He quotes extensively an editorial by Jeremy Harding, a contributing editor of the London Review of Books and author of a book recounting the experiences of migrants at border crossings (pp. 148-149). Smith’s essay thus includes research-based knowledge, but obtained indirectly—mainly from journalists or literary sources. I have no qualms with that; the problem lies in the fact that Smith no longer applies this knowledge when he imagines sub-Saharan Africa’s rapid escape from poverty and the migrant flows that this entails.
      Incomplete Documentation

      For a seasoned specialist of Africa, Smith’s documentation is surprisingly incomplete and obsolete. He claims, for example, that demographers have closed their eyes to the ongoing trends in African fertility. My analysis for “La vie des Idées”, cites numerous demographers (Caldwell, [3] Tabutin, Schoumaker, [4] Leridon, [5] Casterline, [6] and more) who have been signalling the slow pace of demographic transition in Africa and its link with under-development since the 1990s. Are demographers really so blind? It is the author who seems to be wearing blinkers; he cites none of these publications, all of which are easily accessible.

      Smith gives great credence to the findings of surveys of migration intentions compiled by the Gallup Institute in which one-third of sub-Saharans reported wishing to leave their country. He cites the figures from second-hand sources (via an article in a French daily) and without the slightest critical comment. However, we need to look at the actual question that was asked: “ideally, if you had the opportunity, would you like to settle in another country or carry on living here?”. In fact, when asked if they were planning to leave within the next 12 months or, more tellingly, if preparations were under way, the proportion dropped to below 5%. Dreams are one thing; practical realities are another. Italian researchers who retrieved the data from these surveys at the request of the European Commission reach the same conclusion: the Potential Migration Index constructed by Gallup on this basis is of no predictive value. [7]
      The Global Database of Diasporas: Discrediting the Notion of Communicating Vessels

      The most glaring omission in Smith’s essay is the absence of any reference to the Global Bilateral Migration Database, a major source of knowledge on the state of world diasporas developed over the last 15 years by the OECD, the World Bank and the IMF. [8] It served as the basis for my recent analysis in the monthly bulletin Population and Societies, and has been used by countless migration researchers before me. The open access Bilateral Migration Matrix comprises a table of 215 lines and 215 columns giving, for each country, the number of natives living abroad. It counts a total of 266 million migrants out of a world population of 7.7 billion. Information on origin and destination is systematically matched to ensure overall consistency.

      A series of additional indicators can be added to this open-access database to characterize each country, or the differences between countries, such as growth rate by sex and age drawn from the United Nations population projections. While it is more time-consuming to perform such analyses than to read political opinion pieces and literary editorials, they produce conclusions that have long been familiar to economists and demographers alike: the model of communicating vessels is a fallacy. It is wrong to imagine that the most fertile countries migrate to the least fertile ones, the poorest to the richest, the most densely populated to the least densely populated, the tropical to the temperate and, last but not least, the youngest to the oldest, as claimed in the sub-title of Smith’s book. I cannot count the times I have read that “high population pressures” will inevitably escape to fill the areas of “low pressure”! Alas, just because a metaphor is evocative does not mean that it is necessarily true. The image of a bursting pressure cooker is incapable of conveying the complexity of population movements. The largest emigration flows towards rich countries tend to be from middle-sized, middle-income nations such as Mexico and Turkey, or the countries of North Africa, the Balkans or Central Asia. And above all, from countries where fertility is already falling rapidly—which is certainly not the case in sub-Saharan Africa.

      In his interview in the Figaro newspaper, Stephen Smith dismisses the World Migration Database because it does not consider his scenario of rapid African economic growth! He seems to have got his wires crossed. A database which gives the world distribution of migrants at a given moment in time cannot take account of future growth hypotheses. But it forms a vital starting point for those wishing to make such hypotheses. Without this grounding in fact, hypotheses are plucked out of thin air and become unverifiable, at the mercy of all and any analogies, including the most implausible ones.
      An Economic Rather than Demographic Conjecture

      By cross-matching the global migration data and the United Nations projections for 2050 for each birth cohort, we can estimate the weight of the diasporas in receiving countries, on the assumption that current emigration factors remain unchanged. This is what I did in the September 2018 issue of Population and Societies, obtaining a number of sub-Saharan migrants in 2050 around five times lower than the figure advanced by Stephen Smith. What does this difference tell us? Simply that the scenario of a “scramble” of sub-Saharan African migrants to Europe is, for the most part, not built upon demographic determinism, but upon a highly speculative hypothesis about African economic development. The demographic reasoning in the book’s sub-title (“Young Africa on the Way to the Old Continent”) and in the introduction is actually very secondary in the fabrication of Smith’s prophecy. This is hardly surprising, given that he fails to analyse any data. [9]

      My estimates for 2050 are of the same order of magnitude as those obtained by two in-depth analyses based on the same Global Bilateral Migration Database, one by the World Monetary Fund, [10] the other by the Joint Research Centre of the European Commission. [11] Smith cites the first, but without mentioning that since the 2000 censuses, the increase in numbers of sub-Saharans leaving the sub-continent primarily reflects population growth. In proportional terms, the share of migrants who remain in the region has changed little since 1990, at around three-quarters (70% today, versus just 15% who head to Europe). Internal migration within sub-Saharan Africa should benefit greatly from the treaty on the free movement of persons signed in March 2018 by 27 African countries.

      While Stephen Smith knows that extreme poverty is not a factor of migration, he perpetuates the other variants of the “communicating vessels” fallacy, notably when he mentions the inexorable pressure exerted upon ageing societies by surplus masses of young people impatient for emancipation. He even suggests that European societies, incapable of financing their pension systems due to population ageing, will face the dilemma of closing their borders and dying a slow death, or of opening them to keep the system afloat, at the risk of being submerged by a flood of African workers: “to maintain a minimum level of social security coverage, must we accept that a quarter of Europe’s inhabitants in 2050 – more than half of them aged below 30 years – will be ‘Africans’?” (pp. 179-180). The French text (p. 180) even speaks of “more than half of the under-30s” in the European population being “African” by 2050! And Smith inevitably mentions the famous report by the United Nations Population Division on “replacement migration” [12] regularly cited by the proponents of the “great replacement” theory.

      Yet the last scenario of this publication, in which young migrants serve to create a permanent numerical balance between the working-age population (15-64) and older adults (65 and above), was acknowledged to be unrealistic by the United Nations itself, due to the increase in life expectancy which is continuing to age the population. Freezing the ratio of young to old would involve massive inflows of migrants, who would in turn grow older themselves. The United Nations used this absurd fictitious scenario to show that immigration is not a solution to population ageing, including in France, and that measures of a different kind are needed (with respect to employment rates, working hours, retirement age).
      The Social Welfare Pie

      If one is truly convinced by the scenario of a massive and disorderly inflow of migrants from the South, then the only remaining question is whether there is still time to prevent it. With the debate couched in these terms, Smith can allow himself some hesitancy: policy makers still have “room for manoeuvre” but “time is running out”. There is one certainty, however, central to his argument: development prospects are “auspicious” for Africa, but “an ill omen for Europe” (p. 225). As if the two continents can only survive at the expense of each other. According to a Neapolitan custom, one must not wish a Happy New Year to someone without secretly wishing evil upon someone else. This is the linchpin of Smith’s book: not the rigorous analysis of a demographic mechanism, but an economic conjecture whose optimism for Africa (a closing of the development gap within 30 years) is more than counterbalanced by its pessimism for Europe.

      At the end of his essay, Smith reiterates the idea that immigration is fundamentally incompatible with the welfare state, a popular misconception totally disproven by the social history of western Europe since the Second World War. Need we mention the detailed studies on this question by the OECD, [13] extended more recently by d’Albis and his team, [14] which demonstrate that immigration or, more precisely, a sudden influx of migrants or asylum seekers, far from bankrupting the welfare state and raising unemployment, actually increases GDP and employment rates over the long term? D’Albis shows that the positive effect is merely delayed in the case of asylum seekers, and for a simple reason: they are not allowed to work until their asylum request has been granted.

      The error is always the same: forgetting that immigrants are also producers and consumers, tax-payers and pension contributors, imagining that they take from the collective pie rather than adding to it. Of course, they are an expense for society when they are young, an asset in adulthood, and become an expense again in old age but, as clearly shown by the OECD, this life cycle is the same for the rest of the population, with minimal differences linked to age structures. The idea the immigrants “steal” natives’ jobs or take an unfair share of their welfare benefits again harks back to the fallacy of a fixed quantity of resources to be shared, around which the entire final part of Stephen Smith’s essay is constructed. As if realism and respect for political and moral rights were irreconcilable. Until these research findings have been seriously refuted, they are irresistible. But evocative metaphors or implausible analogies are no substitute for scientific argument.

      Likewise, simply pitting the advocates of a fortress Europe against those of an open-door Europe is not enough to claim the title of pragmatist or upholder of the “ethics of responsibility” in opposition to the “ethics of conviction”. While the author regularly contrasts two extreme positions to establish his credentials as a moderate realist, he takes an extremist path himself when he claims that sub-Saharan population projections signal an imminent threat of mass incursion culminating in nothing less than the creation of “Eurafrica” (p. 227)
      Establishing the Facts: Neither Scaremongering nor False Reassurance

      Demography is like music: it attracts many players, but few know how to read the score. In the present case, the very nature of the tune is misunderstood: Smith’s essay is an exercise in economic speculation and sensationalist communication, rather than a demographic demonstration. In response to the fear of mass invasion, a falsely objective variant of the fear of others, it is the duty of demographers to explain the orders of magnitude of population movements. They must also identify the nature of the hypotheses put forward and of the prejudices upon which they are built. Contrary to popular belief, the purpose of demography is not to alarm or reassure but to take stock of the issues by establishing their true proportions. Only in this way can it provide the necessary insights for lucid long-term policy-making. Inflammatory metaphors have a powerful effect on public opinion, yet in these uncertain times, for the press and politicians alike, the true “ethic of responsibility” demands that they turn their back on false prophecies couched in pseudo-scientific language.

      https://booksandideas.net/How-Oracles-Are-Forged.html
      #oracles #prophétie

      #François_Héran

    • L’Europe doit-elle décourager les migrations africaines ?

      Le pacte de Marrakech sur les migrations a été adopté aujourd’hui par plus de 150 pays. En Europe, les arrivées d’exilés, notamment en provenance d’Afrique, devraient se multiplier dans les décennies à venir. Comment s’y préparer ? Quelle politique mettre en place ?

      https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/du-grain-a-moudre-du-lundi-10-decembre-2018


      #François_Gemenne

    • Décryptage | S’ouvrir les yeux sur les migrations africaines

      « L’Europe doit-elle s’inquiéter d’une immigration massive à partir du continent africain ? » [1] ; « Ils déferleront par millions » [2] ; « L’explosion démographique africaine contribue à la migration » [3]. Ces accroches se sont insidieusement imposées dans les médias ces derniers mois, comme pour donner le ton. En arrière-fond, un ouvrage de Stephen Smith au titre tant évocateur qu’alarmiste : « La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route vers le Vieux Continent » (2018). L’auteur dit vouloir ouvrir les yeux du monde sur une « réalité » qui serait celle d’une explosion non contrôlée de la démographie dans la région subsaharienne, d’une invasion prochaine de l’Europe par de jeunes migrants africains ou d’un système social européen mis à mal par des coûts d’intégration démesurés et improductifs. Paré de statistiques, le discours séduit, induit en erreur et modifie l’imaginaire collectif.

      L’inquiétude du tournant démographique en Afrique subsaharienne

      Encensées par une partie de l’intelligentsia libérale européenne, reprises aveuglément par des journalistes en mal d’informations de terrain, les thèses de cet ancien journaliste et démographe n’amènent en réalité rien de très neuf. Le message-fleuve du livre est univoque : en 2050, un quart de la population en Europe sera d’origine africaine. La thèse du « Grand remplacement », prisée par les milieux populistes anti-migrants, trouve ici une boîte de résonance.

      Au-delà des chiffres, c’est dans la tournure que Smith pose sa patte partisane : « Le prochain rouleau de vagues migratoires qui se répandent à partir des zones les moins développées du monde ». Faisant allusion à l’argent investi par des ONG pour des projets de développement « ciblant la jeunesse », il affirme : « La moitié des 1,3 milliard d’Africains ne constitue pas une cible mais un gouffre à fonds perdus ». Selon Smith, une majorité de ces candidat.e.s à l’exil entrerait dans la catégorie des « migrants économiques ». Ces derniers seraient « à la poursuite d’une vie meilleure », leur condition de vie étant aujourd’hui plus « frustrante que difficile ».

      Et pourquoi c’est faux

      François Héran, professeur au Collège de France à la chaire « Migration et sociétés », s’est attelé à déconstruire les arguments de Smith à l’aide des instruments de la démographie [4]. Il estime que sa « prophétie repose sur un modèle de vases communicants qui méconnaît trois données de base ».

      L’accroissement de la population engendre tout d’abord une augmentation de la pauvreté. Une pauvreté qui explique déjà aujourd’hui que les résidents d’Afrique subsaharienne émigrent moins que ceux d’Amérique centrale, d’Asie centrale ou des Balkans. Car ce sont les personnes qui jouissent d’un certain capital social et économique qui migrent, pas les plus pauvres. Smith le sait, mais prédit un boom économique jugé irréaliste par Héran pour cette région d’Afrique.

      Ensuite, globalement, lorsqu’ils ont lieu, les déplacements migratoires se dirigent vers des pays limitrophes. François Héran rapporte le chiffre actuel de 70% des migrations intra-régionales au sein de l’Afrique subsaharienne, contre 15% vers l’Europe. Si les vases communiquent, c’est avant tout à l’intérieur des régions bien plus que vers l’Europe.

      Troisièmement, citant une étude récente du Fond Monétaire International [5], le chercheur montre que si une augmentation de migrants subsahariens séjournant dans les pays de l’OCDE [6] est à prévoir, leur part dans la population pourrait s’élever à 2,4% en 2050, contre 0,4% actuellement. Ce qui ne peut être qualifié d’« invasion », souligne Héran, qui conclut par un appel au bon sens : les migrations subsahariennes ne constituent qu’« une forme ordinaire de mobilité humaine ».

      Les prédictions de Smith semblent donc davantage relever de la thèse idéologique. D’ailleurs Julien Brachet et Judith Scheele [7] rappellent que l’auteur s’inscrit dans un cadre intellectuel défini. Citant Maurice Barrès, Jean Raspail, Robert Kaplan ou Samuel Huntington, il défend des « thèses populistes, de droite et profondément xénophobes » sous des abords d’objectivité scientifique.

      Changer de regard, comprendre et apprendre

      Or, la science, humaine et démographique se met également au service de celles et ceux qui sont prêts à décentrer le regard, à se débarrasser de certains préjugés et acceptent d’y voir plus clair. Parler de l’Afrique subsaharienne revient à traiter d’un territoire vaste et pluriel. A ce titre, le livre de Smith manque cruellement de différenciation : diversité des pays africains, écart entre les villes et les villages, les femmes et les hommes, les nantis et la masse populaire immobilisée par la pauvreté.

      De même, penser que les personnes migrantes originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas besoin d’une protection internationale est scandaleux lorsque l’on sait qu’elle est la partie du monde où les conflits ont été les plus nombreux et les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre [8].

      Ces violences déplacent au quotidien des millions de personnes, qui deviennent majoritairement des déplacés internes mais qui se rendent également dans les pays limitrophes pour trouver refuge. Selon le HCR, le Soudan, l’Ouganda, l’Ethiopie font partie des 10 pays accueillant le plus de réfugiés au monde. Ces deux derniers pays sont également salués dans un récent rapport publié par l’UNESCO [9] pour leur succès concernant l’intégration des enfants réfugiés au sein du système éducatif national. De tels exemples devraient nous faire réfléchir sur la réelle signification du mot accueil.

      Et, alors, oui, Monsieur Smith, il nous faut ouvrir les yeux… mais les bons.

      https://asile.ch/2019/01/30/decryptage-souvrir-les-yeux-sur-les-migrations-africaines

    • #Hervé_Le_Bras : « La #ruée migratoire vers l’Europe, c’est un grand #fantasme »

      Hervé Le Bras est démographe, spécialiste des migrations. Chercheur émérite à l’Institut national d’études démographiques (INED) et historien à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il est l’auteur d’une œuvre abondante, dont récemment L’Âge des migrations et Malaise dans l’identité. Aussi soucieux de la rigueur des chiffres que de l’attention aux réalités du terrain, il n’a pas de peine à démonter les théories en vogue : « appel d’air », « ruée vers l’Europe », « bombe démographique » et autre « grand remplacement ».

      Où en est le niveau d’immigration dans nos pays ? Vous parlez d’un « #roman_migratoire »…

      Nous sommes revenus aux niveaux d’avant la crise syrienne. On observe les mêmes tendances depuis toujours : le taux d’immigration fluctue avec la conjoncture économique des pays de destination. Le problème est que depuis plusieurs années, les politiques migratoires se basent non pas sur les chiffres réels mais sur la #perception que la population se fait du phénomène. C’est comme la météo qui distingue température réelle et ressentie. Mais l’eau ne gèle qu’à une température réelle de zéro degré !

      Les #chiffres ne sont pas pris en compte par les politiques. La peur de « l’#appel_d’air » en est un bel exemple : on n’a jamais rien observé de tel, même après de fortes régularisations. Lors d’un débat qui m’opposait à Marine le Pen, à qui je répondais tranquillement, elle a fini par me lancer : « Monsieur Le Bras, on en a marre de vos #statistiques ! » L’immigration est un domaine où les #fake_news prospèrent depuis longtemps.

      À l’échelle mondiale, quelles sont les tendances des flux migratoires ?
      En Amérique Latine, il y a actuellement des crises au Honduras et au Venezuela, qui génèrent des déplacements. Le Chili est de plus en plus impacté par une migration venant de Haïti mais aussi, entre autres, du Pérou, car le nord du Chili, minier et riche, a besoin de main d’œuvre.

      Mais désormais, entre le Mexique et les États-Unis, l’immigration est mûre, c’est-à-dire qu’il y a équilibre entre les entrées et les sorties, comme d’ailleurs entre la Turquie et l’Allemagne. Les Chinois, eux, n’émigrent pas. Leur tradition est celle des comptoirs commerciaux et ils ont plutôt une diaspora très importante.

      Pour l’#Afrique, on ne dit jamais que près de 90% des migrations se font entre pays africains. Certaines d’entre elles sont tout à fait traditionnelles. Par exemple, entre la Mauritanie et le Sénégal. L’ensemble de l’Afrique est coutumière des migrations internes. Le gros des migrations pour l’Afrique noire, c’est plutôt des réfugiés, sur peu de distance : 500.000 Somaliens au Kenya, 500.000 du Darfour à l’Est du Tchad. La migration économique se dirige vers l’Afrique du Sud, en provenance notamment du Nigeria et beaucoup de République démocratique du Congo. À Johannesburg, il y a des quartiers congolais ! Le gros des migrations africaines, ce n’est donc pas vers l’Europe.

      Contrairement à ce que prédit Stephen Smith, il n’y aura pas de « ruée vers l’Europe » ?
      De nombreux démographes ont démonté les erreurs de Smith, mais sans voir non plus les idées intéressantes du livre. L’une d’elle, que je partage, est que le migrant du présent et du futur, c’est une personne diplômée qui migre pour se réaliser.

      Comme l’Afrique se développe, il faut effectivement s’attendre à la migration de gens compétents, vers l’Europe mais aussi les Etats-Unis ou le golfe persique. Le problème de Smith – qui n’est pas démographe – est qu’il prend l’Afrique en bloc : il note que la population va augmenter d’un milliard et il conclut que tout ce petit monde va monter mécaniquement vers l’Europe. Ce genre de généralisation est assez délirant. Car, et Smith le sait, les pauvres, eux, n’iront pas loin. Ils n’ont pas la représentation de ce qu’ils pourraient faire en Europe. Une chose est d’avoir envie de migrer, une autre est de le faire, ce que confirme un récent sondage Gallup.

      Dans cette affaire, c’est l’#idéologie qui s’installe, avec ses #récupérations_politiques : le livre de Smith est le livre de chevet de l’Élysée. Ma principale critique est qu’on ne peut pas traiter l’Afrique en bloc.

      L’Afrique du nord a une position particulière, et de même le Sahel, l’Afrique équatoriale et l’Afrique du Sud. Ces quatre zones ont des régimes démographiques différents et donc des avenirs extrêmement différents. Les mettre dans un seul sac n’a pas de sens. Ma critique est même plus générale : on fait de l’amalgame politicien en associant immigré avec musulman, donc islamiste, donc terroriste !

      Mais tout de même, la population africaine va doubler…
      Si on prend l’Afrique du nord, le #taux_de_fécondité s’est rapproché du niveau européen – notez qu’en Iran, ce taux est de 1,7 par femme alors qu’il était de 6,5 en 1985. Cela a décliné à toute vitesse et les mollahs sont affolés.

      En Afrique du Sud, ils sont à 2,6 enfants par femme. Là aussi, la transition démographique est faite. La baisse se produit à l’échelle mondiale. Concernant l’Afrique sahélienne, du Sénégal au Tchad, il y a environ 80 millions de personnes. En 2050, selon les projections moyennes de l’ONU, il y en aurait 220 millions. Avec un très haut score pour le Niger, pays pourtant très pauvre. La #bombe_démographique, très limitée, se situe dans cette bande-là. Plus bas, les pays ont beaucoup de ressources et l’Afrique équatoriale, elle, est vide d’hommes !

      Mais traditionnellement, les populations du nord du Sahel descendent vers les pays du golfe de Guinée. Par conséquent, les problèmes démographiques de la bande sahélienne vont surtout déstabiliser les pays qui sont en train de se développer : Côté d’ivoire, Ghana, Sénégal.

      Quand on fait une analyse régionale, on s’aperçoit que la menace pour l’Europe est finalement, très, très faible. D’une part, les flux auront tendance à descendre ; ensuite, ce sont plutôt les pays du nord de l’Afrique qui devraient alors faire face à une montée des « hordes invasives ». Or au Maroc, l’immigration se passe plutôt bien ; ce pays a même fortement régularisé. Quant à l’Algérie, elle a carrément fermé ses frontières et renvoie les migrants dans leurs pays d’origine. Ceux qui devraient avoir peur, donc, ce n’est pas nous. Bref, quand on regarde dans le détail, contrairement à ce que fait Smith, on voit qu’il n’y aura pas de ruée migratoire vers l’Europe, c’est un grand #fantasme.

      Qu’en est-il des futures #migrations_climatiques ?

      L’argument est le même. On se fait peur avec des généralisations purement mathématiques : on compte le nombre de gens qui vivent à moins d’un mètre au-dessus de la mer, et puis quand celle-ci va monter, on déduit le nombre de migrants climatiques. 100 à 150 millions de personnes sont effectivement concernées, mais on fait comme s’il n’y aurait pas de réaction humaine. Or, le phénomène est graduel et ces gens ne vont pas se déplacer, d’un jour à l’autre, sur des milliers de kilomètres.

      L’exemple du #Bangladesh est intéressant : les migrations sont très locales car ce sont des gens pauvres. Les paysans sont attachés à leurs terres. Dans le #Sahel, ça a été bien étudié : les années sèches, les nomades redescendent. Le Sahel est plutôt confronté à une #urbanisation massive, ce qui crée un #prolétariat_urbain. Comme au Bangladesh, les migrations climatiques vont plutôt accroître les problèmes d’urbanisation intense.

      Selon un récent sondage, près de 2 personnes sur 5 croient à la théorie du « #grand_remplacement ». Quelle est votre analyse ?

      Le livre de #Renaud_Camus est l’un des plus nullissimes que j’ai jamais lus. D’après l’INSEE (2012), la population française compte 5,3 millions de personnes nées étrangères dans un pays étranger, soit 8% de la population. Et parmi eux, 3,3 millions sont originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et d’Asie, soit 5%… Difficile de parler de grand remplacement !

      La réalité, ce n’est pas le remplacement mais la #mixité, le #métissage. Les enfants dont les deux parents sont immigrés ne représentent que 10% des naissances. Ceux qui n’ont aucun parent, ni grand-parent immigré, 60%. Dans 30% des naissances, au moins un des parents ou grands-parents est immigré et au moins un des parents ou des grands-parents ne l’est pas. Ce qui représente 30% d’enfants métis.

      Petit calcul à l’horizon 2050 : on arrive à 50% d’enfants métis. Ce métissage est la réalité de ce siècle. Et à ce compte-là, Éric Zemmour est un agent du grand remplacement. D’autre part, on omet les millions d’Occidentaux qui partent s’installer ailleurs et qui contribuent eux aussi au métissage mondial en cours. Quand les États durcissent les conditions du regroupement familial, ils luttent en fait contre les mariages mixtes, par peur du « mélange ». Or le refus du mélange est la définition même du #racisme.

      Vous semblez très fâché avec la notion d’#identité

      J’y suis même très hostile. Sarkozy avait voulu faire un grand débat sur l’identité nationale, ça a été un échec. En fait, ça n’a pas de sens : imaginez qu’on essaye, tous les 100 ans, de définir une telle identité. Quels rapports y aurait-il entre la France de 2019 avec celle de 1819 ou de 1619 ? L’identité est impossible à définir. Je parle plus facilement avec un mathématicien chinois qu’avec un paysan du Berry, quelle que soit l’estime que j’ai pour eux.

      Nous sommes une synthèse dynamique d’appartenances très diverses. Aucune nation n’a jamais existé sur une base ethnique « de souche ». La #nation, c’est depuis toujours un mélange. Alors comme on nous bassine avec ces élucubrations identitaires, je parle d’"#identité_dynamique" : la notion étant évolutive, elle est encore plus insaisissable.

      https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/herve-le-bras-la-ruee-migratoire-vers-l-europe-c-est-un-grand-fantasme/10121241.html

    • #Achille_Mbembe : “Non, les migrants africains ne rêvent pas d’Europe”

      Le philosophe et historien Achille Mbembe répond à son collègue allemand Andreas Eckert. Ils abordent ensemble l’avenir de l’Afrique – et en particulier de l’Afrique du Sud – et critiquent la thèse d’une vague d’immigration africaine prête à déferler sur l’Europe.

      Achille Mbembe est le premier intellectuel africain à remporter le prestigieux prix Gerda Henkel. Lors d’une récente visite à Düsseldorf, il a accordé un entretien à l’historien allemand Andreas Eckert [titulaire de la chaire d’histoire de l’Afrique à l’université Humboldt de Berlin]. Les deux hommes ont discuté de sujets divers et variés, depuis l’état actuel du monde politique sud-africain jusqu’au radicalisme étudiant, en passant par les politiques anti-immigration de l’Europe.

      ANDREAS ECKERT. Vous vivez en Afrique du Sud depuis de nombreuses années. Quand vous y êtes arrivé, en 2000, c’était un pays plein d’espoir. À la fin de l’apartheid [le pouvoir ségrégationniste de la minorité blanche, entre 1948 et 1991], le projet de “nation arc-en-ciel” semblait ouvrir la voie à un avenir lumineux. Et bien sûr, il y avait Nelson Mandela, avec sa sagesse et sa générosité, à côté duquel les leaders politiques du monde entier avaient l’air d’esprits étriqués. À l’époque, vous avez aussi écrit que l’Afrique du Sud était un laboratoire créatif, un espace où une nouvelle forme d’humanisme et de coopération était testée. Or, aujourd’hui, presque toutes les informations qui nous viennent d’Afrique du Sud sont mauvaises. On entend avant tout parler de crises et de corruption. De l’échec de l’ANC [le parti au pouvoir]. Des nombreux déçus. Du programme de réforme agraire qui pourrait faire basculer le pays dans de violents conflits. Défendez-vous toujours cette idée selon laquelle l’Afrique du Sud est un laboratoire à même de montrer à de nombreuses régions d’Afrique et du reste du monde la voie vers un avenir plus humain ?

      ACHILLE MBEMBE. Oui, je continue de croire en l’universalité potentielle de l’expérience sud-africaine. Les discriminations raciales et les structures de la suprématie blanche sont des caractéristiques tellement corrosives, et pourtant déterminantes, du monde moderne que l’Afrique du Sud est sans doute l’endroit sur terre qui a les meilleures chances de réparer les extraordinaires ravages que cette suprématie blanche a infligés à une immense partie de l’humanité.

      En ce moment même où nous parlons, le pays se trouve hélas en grand danger de se fourvoyer dans un cul-de-sac culturel et intellectuel, et d’être dans l’incapacité de créer de nouveaux imaginaires pour lui-même, pour l’Afrique et pour le monde. L’atrophie de l’esprit est ce qui m’inquiète le plus.

      Par exemple, je suis en profond désaccord avec ceux qui confondent une politique radicale tournée vers l’avenir avec les appels au sang et aux flammes. Il ne peut y avoir de véritable projet de liberté sans renonciation volontaire à la loi du sang. Choisir une politique radicale, c’est assumer la dette fondamentale que nous avons les uns envers les autres, la dette de vie, dont la reconnaissance est la première étape et la seule voie vers une restitution et une réparation véritables, et vers la possibilité d’un monde commun. Voilà ce que je crois.

      Ces idées sont plus que jamais importantes non seulement pour l’Afrique du Sud, mais aussi pour notre monde commun et pour le monde futur. J’aimerais que l’Afrique du Sud ait suffisamment confiance en elle pour pleinement embrasser l’étincelle d’universalité inscrite dans sa cahoteuse histoire. C’est cette étincelle qui a attiré certains d’entre nous vers ses côtes et c’est elle qui convainc certains d’entre nous d’y rester. C’est elle qui nous incite à construire à partir d’ici et à réfléchir à partir d’ici à l’Afrique et à notre monde. Je dois une immense reconnaissance à l’Afrique du Sud. J’ai quelquefois été profondément déçu par son esprit de clocher, son étroitesse d’esprit, son hostilité envers les Noirs qui venaient d’ailleurs et la honte qu’ils lui inspirent ; par cette chimère qu’elle continue de nourrir selon laquelle elle ne ferait pas partie de l’Afrique. Mais je ne serais pas qui je suis sans l’Afrique du Sud. Je suis un citoyen de l’Afrique et de la diaspora, ma nationalité est africaine : je ne me considère pas comme “étranger” ici. Je ne vois pas non plus mon destin et celui de l’Afrique du Sud comme deux choses séparées.

      Mais quand vous êtes face à des étudiants, à l’université, des étudiants noirs qui se sentent défavorisés, qui pensent que l’apartheid est encore en grande partie en place, que leur dites-vous ? Ce que vous venez de me dire ?

      Oui, et souvent cela me cause des problèmes. Je suppose que mon discours n’est pas suffisamment véhément en ces temps d’opportunisme. Pourtant, si nous prenions la peine de regarder au-delà des frontières mentales que nous nous posons, vers le reste du continent, certaines choses apparaîtraient plus clairement.

      Par exemple, pour mener à bien des changements profonds après la domination coloniale, nous devons avoir des institutions solides. Or quand les institutions héritées du passé sont affaiblies ou détruites plutôt que réellement transformées, ce sont habituellement les plus pauvres d’entre nous qui en paient le prix le plus fort.

      Pour changer en profondeur les difficultés dans lesquelles nous nous trouvons, nous devons construire de vastes coalitions : d’une manière générale, quand nous n’y parvenons pas, les conflits ethniques prennent le dessus.

      Le reste de l’article sous #paywall

      https://www.courrierinternational.com/article/entretien-achille-mbembe-non-les-migrants-africains-ne-revent

    • Immigration : vers une invasion africaine ?
      https://www.youtube.com/watch?time_continue=11&v=_k7hdwerNW4&feature=emb_logo

      Il y a une certaine peur d’une invasion africaine sous prétexte que le continent africain va voir doubler sa population dans les années à venir, jusqu’en 2050.

      Un livre d’un journaliste, Stephen Smith, a accru la peur des Européens avec son titre « La ruée vers l’Europe ». Je vais vous citer des phrases au début du livre de Stephen Smith : « La jeune Afrique va se ruer sur la vieille Europe, c’est dans l’ordre des choses ». Ce n’est en fait pas du tout dans l’ordre des choses ou il faut savoir ce que signifie « les choses » mais en tous cas, ce n’est pas dans l’ordre des nombres.

      Quand on regarde de près la question de la migration africaine vers l’Europe, et particulièrement vers la France, elle n’a pratiquement pas augmenté depuis une quinzaine d’années. Le chiffre exact en France des arrivées d’Africains en 2003, aussi Afrique du Nord et pas simplement Afrique Subsaharienne, est de 91 000 en 2003 et de 95 000 entrées nouvelles en 2017, 4 000 de plus. C’est très peu pour une population française de plus de 65 millions d’habitants.

      Si on prend un exemple des pays africains, un pays comme le Niger, c’est le pays qui a la plus forte croissance actuellement au monde. C’est un des trois pays les plus pauvres. L’année dernière, 106 Nigériens sont arrivés en France sur une population de 22 millions d’habitants. Entre 2003 et 2017, le Niger s’est accru de 9 millions d’habitants. Au total, 1 800 Nigériens sont arrivés en France (2 pour 10 000). Donc, on ne peut absolument pas dire qu’il y a un risque d’invasion.

      Il faut voir qu’il y a une très grosse diversité en Afrique des directions des migrants, qui sont d’ailleurs presque tous vers des pays africains, et aussi, vers des pays comme le Canada, ou bien comme l’Australie.

      En outre, quand on passe de la France à l’ensemble de l’Europe, là aussi, la croissance du nombre d’Africains, et surtout des arrivées d’Africains, est faible. Elle est de l’ordre d’une croissance de 1,5 % par an alors que le continent africain s’accroît à 2,5 % par an. Donc, on a une vitesse beaucoup plus faible de l’arrivée des Africains, que de leur propre croissance.

      Quand on regarde d’ailleurs dans le détail, on voit que le pays d’Afrique où la proportion de migrants est la plus importante par rapport à la population, c’est la Tunisie. Or, la Tunisie est le pays d’Afrique qui a la plus faible fécondité, la plus faible croissance démographique.

      Pourquoi la Tunisie est-elle tournée vers l’Europe ? Parce que les tunisiens ont un grand système d’éducation. Il y a pratiquement la même proportion de Tunisiens à l’Université que de Français à l’Université.

      La migration, c’est essentiellement le fait de personnes diplômées parce que c’est beaucoup plus facile de migrer avec un diplôme que sans diplôme. 
D’ailleurs, dans les arrivées en France de 2018, dans l’ensemble des cartes de séjour qui ont été distribuées (260 000), si on regarde les Africains, à peu près 90 000, 65 % d’entre eux ont le bac et 50 % d’entre eux ont au moins un diplôme universitaire. C’est plus que les Français du même âge.

      On oublie aussi, avec cette peur de l’invasion, que les Africains migrent surtout en Afrique. Plus de 80 % des migrations africaines entre Etats sont à l’intérieur de l’Afrique. C’est des migrations de personnes qui sont éduquées. Par exemple, des personnes d’Afrique de l’Ouest qui vont vers l’Afrique du Sud ou vers le Congo. Mais, c’est aussi, hélas, des migrations de réfugiés pauvres qui, eux, ne font que passer la frontière avec l’Etat voisin. Par exemple, des Somaliens qui se réfugient au Kenya ou des habitants du Darfour au Tchad.

      On oublie donc que l’essentiel de ces migrations sont des migrations de proximité. Cette peur de l’invasion traduit une méconnaissance profonde des phénomènes migratoires.

      https://www.migrationsenquestions.fr/question_reponse/2526-immigration-vers-une-invasion-africaine

  • The Proletarian Dream and the Resurgence of Political Emotions - De Gruyter Conversations

    https://blog.degruyter.com/proletarian-dream-resurgence-political-emotions

    The proletarian dream, emerging out of late nineteenth and early twentieth century German culture, offers an important historical perspective on the powerful but little understood role of emotions in politics and social movements today.

    #mouvement_ouvrier #Prolétariat #histoire #géographie_émotionnelle

  • http://paris-luttes.info/home/chroot_ml/ml-paris/ml-paris/public_html/local/cache-gd2/f5/d070a9112c1ac199c891f845611d94.jpg?1506509640
    [Nantes / Saint-Nazaire] Histoire de luttes ouvrières de l’été 1955

    Extraits des écrits de Nicolas Faucier, ouvrier mécanicien anarcho-syndicaliste Nazairien contributeur au journal Le Libertaire, retranscrits par des militant-e-s de Saint-Nazaire.

    En 1955, les chantiers de l’Atlantique groupent sous une seule direction plus de 10 000 ouvriers et employés. Ceux-ci avaient calculé que, tandis que l’indice des salaires était passé de 100 à 548 (de 1946 à 1955), celui des dividendes avait bondi de 100 à 3502.

    http://paris-luttes.info/histoires-de-l-ete-1955-8762
    #grève #prolétariat #histoire #mémoires_sociales #mouvement_ouvrier

    Les prolos est un témoignage d’apprentissage comme il en existe des romans. On y suit un très jeune apprenti, issu du monde agricole des régions rurales de la Loire, pour qui le passage par la condition ouvrière est une étape dans un parcours de promotion sociale. C’est à #Saint-Nazaire, dans les chantiers navals, que le chaudronnier se rapproche d’une classe ouvrière nullement enchantée, dans une progression dramatique qui culmine avec la grande grève de 1955. Le monde des Prolos, immédiatement postérieur à la reconstruction, est celui de la guerre froide, d’écarts et d’affrontements sociaux qu’on peine aujourd’hui à se représenter. C’est un monde presque entièrement disparu, qui a inspiré à Louis Oury un des classiques majeurs du témoignage ouvrier.

    https://agone.org/memoiressociales/lesprolos

  • https://paris-luttes.info/la-mondialisation-et-le-8652 - @paris

    https://paris-luttes.info/home/chroot_ml/ml-paris/ml-paris/public_html/local/cache-vignettes/L614xH229/mondialisation-et-prolc3a9tariat-restructuration-c-3-4450d-26589.jpg?

    A la fin du XXe siècle, le capitalisme se restructure en étendant le libre-échange à une échelle jusqu’ici inconnue : celle du monde entier. Alors que nous baignons dans une économie d’export globalisé, regardons de plus près pourquoi et comment la mondialisation s’est mise en place.

    #ParisLuttes #PLI #Paris #MédiasLibres #Mutu #Mondialisation #Capitalisme #Prolétariat #LibreÉchange

  • Engels à Montréal
    http://www.contretemps.eu/engels-montreal

    Au tournant du dix-neuvième siècle, les socialistes européens vivent une grande transition. L’autodissolution de l’Association internationale des travailleurs (AIT) et surtout, la défaite de la Commune, mettent temporairement fin à l’utopie d’une grande révolution qui devait ouvrir le chemin vers le socialisme. Mais en dépit du vent de répression, des mouvements socialistes progressent. Ils gagnent des sièges au parlement et dans les municipalités. Ils se rallient une importante fraction des intellectuels. Des syndicats arrachent le droit d’exister. Des pourparlers ont lieu pour reconstituer une plateforme internationale (la future Internationale socialiste, dite Deuxième Internationale).

    #Engels #Diaporama #Histoire #Stratégie #canada #colonialisme #Deuxième_Internationale #émancipation #marxisme #prolétariat #Québec #socialisme

    • Considérer que l’avenir de l’Inde, de l’Algérie, du Mexique ou du Québec, devait passer par l’assimilation à ce qui était considéré comme les pays du capitalisme « avancé » était en fin de compte une grave erreur théorique et politique, que le mouvement socialiste, de son avènement à plusieurs décennies plus tard, a malheureusement intériorisé. La conséquence est que des socialistes ont fini par appuyer les ignobles aventures coloniales et impérialistes des États capitalistes « avancés ».

      Il est plutôt consternant de constater que ce colonialisme de « gauche » continue de sévir aujourd’hui dans les pays capitalistes, selon la logique tordue qu’il est nécessaire de « civiliser » les barbares, comme le dispositif du pouvoir capitaliste et impérialiste prétend le faire en Afghanistan, en Irak, en Palestine et ailleurs. Cette opération de camouflage est souvent soutenue par des gauches enlisées dans l’idée inavouable d’un « modèle occidental », qui n’a, en réalité, d’autre but que de perpétuer le « bon vieux pillage ».

  • Dans l’asile de nuit

    L’atmosphère de fête dans laquelle baignait la capitale du Reich vient d’être cruellement troublée. A peine des âmes pieuses avaient-elles entonné le vieux et beau cantique » O gai Noël, jours pleins de grâce et de félicité » qu’une nouvelle se répandait : les pensionnaires de l’asile de nuit municipal avaient été victimes d’une intoxication massive. Les vieux tout autant que les jeunes : l’employé de commerce Joseph Geihe, vingt et un ans ; l’ouvrier Karl Melchior, quarante-sept ans ; Lucian Szczyptierowski, soixante-cinq ans. Chaque jour s’allongeait la liste des sans-abri victimes de cet empoisonnement. La mort les a frappés partout : à l’asile de nuit, dans la prison, dans le chauffoir public, tout simplement dans la rue ou recroquevillés dans quelque grange. Juste avant que le carillon des cloches n’annonçât le commencement de l’an nouveau, cent cinquante sans-abri se tordaient dans les affres de la mort, soixante-dix avaient quitté ce monde.
    Pendant plusieurs jours l’austère bâtiment de la Fröbel-strasse, qu’on préfère d’ordinaire éviter, se trouva au centre de l’intérêt général. Ces intoxications massives, quelle en était donc l’origine ? S’agissait-il d’une épidémie, d’un empoisonnement provoqué par l’ingestion de mets avariés ? La police se hâta de rassurer les bons citoyens : ce n’était pas une maladie contagieuse ; c’est-à-dire que les gens comme il faut, les gens » bien « , ne couraient aucun danger. Cette hécatombe ne déborda pas le cercle des » habitués de l’asile de nuit « , ne frappant que les gens qui, pour la Noël, s’étaient payé quelques harengs-saurs infects » très bon marché » ou quelque tord-boyaux frelaté. Mais ces harengs infects, où ces gens les avaient-ils pris ? Les avaient-ils achetés à quelque marchand » à la sauvette » ou ramassés aux halles, parmi les détritus ? Cette hypothèse fut écartée pour une raison péremptoire : les déchets, aux Halles municipales, ne constituent nullement, comme se l’imaginent des esprits superficiels et dénués de culture économique, un bien tombé en déshérence, que le premier sans-abri venu puisse s’approprier. Ces déchets sont ramassés et vendus à de grosses entreprises d’engraissage de porcs : désinfectés avec soin et broyés, ils servent à nourrir les cochons. Les vigilants services de la police des Halles s’emploient à éviter que quelque vagabond ne vienne illégalement subtiliser aux cochons leur nourriture, pour l’avaler, telle quelle, non désinfectée et non broyée. Impossible par conséquent que les sans-abri, contrairement à ce que d’aucuns s’imaginaient un peu légèrement, soient allés pêcher leur réveillon dans les poubelles des Halles. Du coup, la police recherche le » vendeur de poisson à la sauvette » ou le mastroquet qui aurait vendu aux sans-abri le tord-boyaux empoisonné.
    De leur vie, ni Joseph Geihe, Karl Melchior ou Lucian Szczyptierowski, ni leurs modestes existences n’avaient été l’objet d’une telle attention. Quel honneur tout d’un coup ! Des sommités médicales – des Conseillers secrets en titre – fouillaient leurs entrailles de leur propre main. Le contenu de leur estomac – dont le monde s’était jusqu’alors éperdument moqué -, voilà qu’on l’examine minutieusement et qu’on en discute dans la presse. Dix messieurs – les journaux l’ont dit – sont occupés à isoler des cultures du bacille responsable de la mort des pensionnaires de l’asile. Et le monde veut savoir avec précision où chacun des sans-abri a contracté son mal dans la grange où la police l’a trouvé mort ou bien à l’asile où il avait passé la nuit d’avant ? Lucian Szczyptierowski est brusquement devenu une importante personnalité : sûr qu’il enflerait de vanité s’il ne gisait, cadavre nauséabond, sur la table de dissection.
    Jusqu’à l’Empereur – qui, grâce aux trois millions de marks ajoutés, pour cause de vie chère, à la liste civile qu’il perçoit en sa qualité de roi de Prusse, est Dieu merci à l’abri du pire – jusqu’à l’Empereur qui au passage s’est informé de l’état des intoxiqués de l’asile municipal. Et par un mouvement bien féminin, sa noble épouse a fait exprimer ses condoléances au premier bourgmestre, M. Kirschner, par le truchement de M. le Chambellan von Winterfeldt. Le premier bourgmestre, M. Kirschner n’a pas, il est vrai, mangé de hareng pourri, malgré son prix très avantageux, et lui-même, ainsi que toute sa famille, se trouve en excellente santé. Il n’est pas parent non plus, que nous sachions, fût-ce par alliance, de Joseph Geihe ni de Lucian Szczyptierowski. Mais enfin à qui vouliez-vous donc que le Chambellan von Winterfeldt exprimât les condoléances de l’Impératrice ? Il ne pouvait guère présenter les salutations de Sa Majesté aux fragments de corps épars sur la table de dissection. Et » la famille éplorée » ?… Qui la connaît ? Comment la retrouver dans les gargotes, les hospices pour enfants trouvés, les quartiers de prostituées ou dans les usines et au fond des mines ? Or donc le premier bourgmestre accepta, au nom de la famille, les condoléances de l’Impératrice et cela lui donna la force de supporter stoïquement la douleur des Szczyptierowski. A l’Hôtel de ville également, devant la catastrophe qui frappait l’asile, on fit preuve d’un sang-froid tout à fait viril. On identifia, vérifia, établit des procès-verbaux ; on noircit feuille sur feuille tout en gardant la tête haute. En assistant à l’agonie de ces étrangers, on fit preuve d’un courage et d’une force d’âme qu’on ne voit qu’aux héros antiques quand ils risquent leur propre vie.
    Et pourtant toute l’affaire a produit dans la vie publique une dissonance criarde. D’habitude, notre société, en gros, à l’air de respecter les convenances : elle prône l’honorabilité, l’ordre et les bonnes moeurs. Certes il y a des lacunes dans l’édifice de l’Etat, et tout n’est pas parfait dans son fonctionnement. Mais quoi, le soleil lui aussi a ses taches ! Et la perfection n’est pas de ce monde. Les ouvriers eux-mêmes – ceux surtout qui perçoivent les plus hauts salaires, qui font partie d’une organisation – croient volontiers que, tout compte fait, l’existence et la lutte du prolétariat se déroulent dans le respect des règles d’honnêteté et de correction. La paupérisation n’est-elle pas une grise théorie depuis longtemps réfutée ? Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
    Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.
    Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
    Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare » inutilisable » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
    On dit : échouent à la Maison des pauvres ou en prison uniquement des éléments faibles ou dépravés : vieillards débiles, jeunes délinquants, anormaux à responsabilité diminuée. Cela se peut. Seulement les natures faibles ou dépravées issues des classes supérieures ne finissent pas à l’asile, mais sont envoyées dans des maisons de repos ou prennent du service aux colonies : là elles peuvent assouvir leurs instincts sur des nègres et des négresses. D’ex-reines ou d’ex-duchesses, devenues idiotes, passent le reste de leur vie dans des palais enclos de murs, entourées de luxe et d’une domesticité à leur dévotion. Au sultan Abd-ul-Hamid, ce vieux monstre devenu fou, qui a sur la conscience des milliers de vies humaines et dont les crimes et les débordements sexuels ont émoussé la sensibilité, la société a donné pour retraite, au milieu de jardins d’agrément, une villa luxueuse qui abrite des cuisiniers excellents et un harem de filles dans la fleur de l’âge dont la plus jeune a douze ans. Pour le jeune criminel Prosper Arenberg : une prison avec huîtres et champagne et de gais compagnons. Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. Pour la femme de l’officier d’Allenstein, cette folle, coupable d’un crime et d’un suicide une existence confortable, des toilettes de soie et la sympathie discrète de la société. Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.
    Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la #société_capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.
    De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.
    De temps en temps survient une crise : semaines et mois de #chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.
    Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.
    Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la #misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.
     » Le système public d’assistance aux pauvres « , dit Karl Marx, dans Le Capital, » est l’Hôtel des Invalides des ouvriers qui travaillent, à quoi s’ajoute le poids mort des chômeurs. La naissance du #paupérisme_public est liée indissolublement à la naissance d’un volant de travailleurs sans emploi ; travailleurs actifs et chômeurs sont également nécessaires, ces deux catégories conditionnent l’existence de la production capitaliste et le développement de la richesse. La masse des chômeurs est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Mais plus cette réserve de chômeurs grossit comparativement à l’armée active du travail, plus grossit la #surpopulation_des_pauvres. Voilà la loi générale absolue de l’accumulation capitaliste.
    « Lucian Szczyptierowski, qui finit sa vie dans la rue, empoisonné par un hareng pourri, fait partie du #prolétariat au même titre que n’importe quel ouvrier qualifié et bien rémunéré qui se paie des cartes de nouvel an imprimées et une chaîne de montre plaqué or. L’asile de nuit pour #sans-abri et les contrôles de police sont les piliers de la société actuelle au même titre que le Palais du Chancelier du Reich et la Deutsche Bank. Et le banquet aux harengs et au tord-boyaux empoisonné de l’asile de nuit municipal constitue le soubassement invisible du caviar et du champagne qu’on voit sur la table des millionnaires. Messieurs les Conseillers médicaux peuvent toujours rechercher au microscope le germe mortel dans les intestins des intoxiqués et isoler leurs » cultures pures » : le véritable bacille, celui qui a causé la mort des pensionnaires de l’asile berlinois, c’est l’ordre social capitaliste à l’état pur.
    Chaque jour des sans-abri s’écroulent, terrassés par la #faim et le froid. Personne ne s’en émeut, seul les mentionne le rapport de police. Ce qui a fait sensation cette fois à Berlin, c’est le caractère massif du phénomène. Le prolétaire ne peut attirer sur lui l’attention de la société qu’en tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. Même le dernier d’entre eux, le #vagabond, devient une force publique quand il forme masse, et ne formerait-il qu’un monceau de cadavres.
    D’ordinaire un #cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que des flambeaux. Au lendemain des barricades du 18 mars 1848, les ouvriers berlinois relevèrent les corps des insurgés tués et les portèrent devant le Château royal, forçant le despotisme à découvrir son front devant ces victimes. A présent il s’agit de hisser les corps empoisonnés des sans-abri de Berlin, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang, sur des milliers de mains de prolétaires et de les porter dans cette nouvelle année de lutte en criant : A bas l’infâme régime social qui engendre de pareilles horreurs !

    #Rosa_Luxemburg #lumpenprolétariat
    Source : http://www.tantquil.net/2012/02/04/un-temps-a-ne-pas-laisser-un-sdf-dehors


    http://lesmoutonsenrages.fr/2014/06/25/a-paris-le-nombre-de-sdf-a-augmente-de-84-en-dix-ans/comment-page-1

  • [O-S] SIMONE WEIL, GRÈVE ET JOIE PURE

    http://www.b-a-m.org/2016/06/o-s-simone-weil-greve-et-joie-pure

    L’émission « Offensive Sonore » est diffusée un vendredi sur deux sur Radio Libertaire de 21h-22h30 (89,4 Mhz) en alternance avec « Les amis d’Orwel ».

    Émission du 24 juin 2016, nous recevons Charles Jaquier préfacier du livre « Grève et joie pure » de Simone Weil. En mai-juin 1936, une vague de grèves spontanées éclate en France, juste après la victoire électorale du Front populaire. Elle atteint son apogée le 11 juin avec près de deux millions de grévistes dans la plupart des secteurs de l’industrie, mais aussi dans les bureaux et les grands magasins. La revue syndicaliste La Révolution prolétarienne publie alors, sous pseudonyme, un article devenu célèbre de Simone Weil qui donne tout à la fois une description accablante de la condition ouvrière dans la métallurgie – le secteur le plus en pointe dans le conflit – et un éclairage inégalé sur la nature et le climat de ces grèves en soulignant leur caractère inédit : les occupations d’usines.

    #radio #offensive_sonore #radio_libertaire #audio #1936 #Simone_Weil #grève #anarchisme #syndicats #cgt #stalinisme #occupation #usine #travail #prolétariat #révolutionnaire #socialisme #joie