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  • Les écoles privées attirent les étudiants étrangers sans master en quête de titre de séjour
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    Les écoles privées attirent les étudiants étrangers sans master en quête de titre de séjour
    Par Anjara Andriambelo
    Publié le 24 mai 2024 à 18h37, modifié le 25 mai 2024 à 08h30
    Poursuivre ses études en France, après une licence, est souvent source d’anxiété pour les étudiants étrangers. Et pour cause : l’acceptation dans une formation permet à l’autorité préfectorale d’apprécier le caractère réel et sérieux des études lors du renouvellement de leur titre de séjour. « C’est un parcours du combattant », témoigne Aline (les personnes citées par leurs prénoms souhaitent rester anonymes), 22 ans. Dans l’attente fébrile des résultats de la plate-forme nationale Mon master, rendus publics le 4 juin, l’étudiante chinoise, inscrite en licence d’écogestion à l’université Paris-Saclay, redoute de voir ses craintes se concrétiser et sa situation administrative compromise, en cas de rejet de ses quinze candidatures. Pour ces étrangers, qui représentent 14 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur français, l’enjeu est de taille. A ce jour, ni Campus France, l’établissement public chargé de la promotion de l’enseignement supérieur français, ni le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont en mesure de chiffrer le nombre d’étudiants de nationalité étrangère recalés. Campus France dit « ne pas s’être penché sur le sujet ».
    Le manque de suivi « est une réalité à dénoncer », déplore Emile Albini, chargé de travaux dirigés en droit administratif à l’université d’Orléans, et vice-président de l’association Voix des étudiants étrangers, dont la mission est d’accompagner ceux-ci gratuitement dans leurs démarches auprès des préfectures depuis 2023. Il dit suivre plusieurs dizaines de cas d’étudiants non affectés, redoutant, dans le pire des cas, une obligation de quitter le territoire français.
    Conscientes de cette vulnérabilité, les écoles privées intéressent ces candidats déçus. Ce qui n’est pas sans risque pour eux. La diversité actuelle de l’offre de formation peut créer de la confusion, entre grades, visas, établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, titres inscrits au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou encore le label décerné par le ministère du travail Qualiopi.
    D’après le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche « cette multiplicité a fini par créer un paysage peu lisible, permettant à certains acteurs de jouer sur le flou en prétendant un niveau de reconnaissance par l’Etat qu’ils ne possèdent pas ». (...)
    En 2018, la loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a engendré un véritable essor de l’alternance qui a séduit notamment de plus en plus les étudiants étrangers, grâce à l’argument de l’employabilité, vendu par les écoles. Selon Emile Albini, cette attractivité s’explique par l’espoir, à terme, de pouvoir plus facilement basculer dans le marché du travail et d’obtenir un titre de séjour salarié auprès de la préfecture.
    Pour ces étudiants, l’apprentissage apporte la garantie d’une meilleure insertion sur le marché du travail. En France, 852 000 nouveaux contrats ont été signés en 2023, ce qui a permis de franchir la barre symbolique du million de jeunes en apprentissage, selon les derniers chiffres publiés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Les entreprises reçoivent jusqu’à 6 000 euros de subventions de l’Etat par apprenti. Un marché attractif pour de nombreuses écoles privées.
    (...)
    « Tout étranger victime de pratiques frauduleuses est légitime à porter plainte pour les faits qui le concernent directement », rappelle le ministère de l’intérieur et des outre-mer. Mais « certains étudiants sont découragés de le faire parce qu’ils peuvent être sous la menace d’une obligation de quitter le territoire français. Ils obtiennent rarement une réponse, et la procédure met l’étudiant qui témoigne dans une situation compliquée », explique le porte-parole de l’association Voix des étudiants étrangers.
    Selon une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en 2022, plus de 30 % des établissements contrôlés se sont révélés être en anomalie en matière de pratiques commerciales trompeuses, usant de mentions valorisantes sans justification vérifiable, comme « mastère, diplôme équivalent master 1, Master of Science, MBA… »
    Le ministère de l’intérieur et des outre-mer déclare collaborer avec le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère du travail, dans la mise en place d’un label, en vue d’une meilleure information des étudiants nationaux et internationaux souhaitant entreprendre un cursus d’études dans un établissement privé. « L’objectif est qu’il soit plus simple à lire pour les jeunes et leur famille. Il aura également pour conséquence de limiter les abus liés pouvant parfois apparaître autour du flou sur la reconnaissance de certaines formations », assure le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le nouveau label, initialement attendu au printemps, est désormais annoncé pour cet été.

    #Covid-19#migrant#migration#france#etudiantetranger#universite#OQTF#campusfrance#titredesejour#sante

  • Royaume-Uni : plus de 10 000 migrants ont traversé la Manche depuis le début de l’année
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/25/royaume-uni-plus-de-10-000-migrants-ont-traverse-la-manche-depuis-le-debut-d

    Royaume-Uni : plus de 10 000 migrants ont traversé la Manche depuis le début de l’année
    Le Monde avec AFP
    Publié le 25 mai 2024 à 14h25
    Plus de 10 000 migrants sont arrivés au Royaume-Uni après avoir traversé la Manche depuis le début de l’année, selon des chiffres du ministère britannique de l’intérieur publiés samedi 25 mai. Il s’agit d’un record atteint en pleine campagne pour les élections législatives du 4 juillet dans le pays.
    Vendredi, cinq nouvelles embarcations ont accosté dans le sud de l’Angleterre, avec à leur bord 288 migrants, portant le total de personnes qui sont ainsi parvenues à traverser la Manche à 10 170. Beaucoup viennent d’Afghanistan, d’Iran et de Turquie. Cela représente une augmentation de plus de 35 % par rapport à l’an dernier.
    L’immigration clandestine est un sujet majeur dans la campagne qui a démarré officiellement mercredi, avec l’annonce de la date des élections par le premier ministre, Rishi Sunak. Ce dernier avait promis de mettre fin aux arrivées de migrants en situation irrégulière et en avait même fait une de ses priorités.
    Le gouvernement conservateur espérait dissuader les migrants de venir au Royaume-Uni avec sa loi visant à expulser des milliers de demandeurs d’asile vers le Rwanda.Jeudi, Rishi Sunak a reconnu que ce projet très controversé ne serait vraisemblablement pas appliqué avant le scrutin. Il a dit vouloir voir les premiers vols décoller après l’élection s’il la remporte. « Rishi Sunak prendra des mesures audacieuses pour arrêter les bateaux » de migrants, a martelé sur X le ministre de l’intérieur, James Cleverly, samedi.
    Les travaillistes, qui ont plus de vingt points d’avance dans les sondages sur les conservateurs, ont, eux, promis qu’ils abandonneraient la politique d’expulsion des migrants vers le Rwanda, critiquant un « gadget » coûteux et inefficace. « Le gouvernement a perdu le contrôle de nos frontières », a déclaré Keir Starmer, le chef de l’opposition et futur premier ministre si le Labour emporte les élections. Le Parti travailliste estime également que l’immigration est trop importante et a promis de déployer des moyens inspirés de la lutte antiterroriste pour lutter contre les gangs de passeurs.

    #Covid-19#migrant#migration#royaumeuni#france#traversee#frontiere#expulsion#rwanda#politiquemigratoire#droit#sante

  • La Seine et les fleuves européens contaminés par un « polluant éternel » passé sous les radars


    Les rives de la Seine, à Paris, le 11 mai 2024. DIMITAR DILKOFF / AFP

    Les analyses menées par le Réseau européen d’action contre les #pesticides dans dix pays de l’Union montrent une présence généralisée de l’acide trifluoroacétique, qui appartient à la famille des PFAS, à des niveaux élevés.
    Par Stéphane Mandard

    Près de 1,5 milliard d’euros d’investissements, quatre ouvrages d’assainissement créés, dont un bassin de rétention des eaux usées et pluviales d’une capacité équivalente à 20 piscines olympiques… L’Etat et les collectivités n’ont pas ménagé leurs efforts pour rendre la Seine baignable pour les Jeux olympiques puis pour le public à partir de 2025. La « baignabilité » de la Seine renseigne seulement sur sa qualité bactériologique à travers la surveillance de deux familles de bactéries (Escherichia coli et entérocoques). Une autre pollution, d’origine chimique, passe sous les radars. Un rapport publié lundi 27 mai révèle une « contamination généralisée » des cours d’eau en Europe par l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant éternel » aussi peu connu que réglementé, issu notamment de la dégradation des pesticides appartenant à la grande famille des substances per- et polyfluoroalkylées (#PFAS).

    [...]

    L’exposition aux PFAS est associée à certains cancers, à des troubles endocriniens et du système reproducteur ou encore à une baisse de la réponse immunitaire aux vaccins. Faute d’étude épidémiologique spécifique, de nombreuses zones d’ombre demeurent sur la toxicité du TFA. « Nous ne savons pas encore si le TFA a un effet toxique sur notre système immunitaire, note Jacob de Boer. Si ce n’est pas le cas, le problème est de moindre importance. Si c’est le cas, nous avons un sérieux problème. »

    [...]

    Aucune plate-forme chimique produisant du #TFA n’est présente sur la #Seine, à proximité de #Paris. Les ONG privilégient la piste des pesticides. « En amont de Paris, la Seine et ses affluents ont traversé la Côte-d’Or, l’Yonne, la Marne, l’Aube… autant de grands départements agricoles », commente François Veillerette, le porte-parole de Générations futures, qui a supervisé la partie française des analyses. Outre à Paris, l’association a effectué des prélèvements en zone agricole, dans l’Aisne et l’Oise, en amont de Compiègne, et dans la Somme, en amont d’Amiens. Les concentrations, comprises entre 1 500 ng/l et 2 400 ng/l, sont également parmi les plus élevées retrouvées en Europe. A contrario, les cinq prélèvements mesurés en dessous de la valeur limite européenne de 500 ng/l proviennent tous de rivières échantillonnées en Autriche, pays européen qui compte la plus grande surface agricole cultivée en biologique (27 %).

    [...]

    A l’instar des ONG, Jacob de Boer appelle à une « interdiction » des pesticides PFAS – comme des gaz fluorés – et à la mise en œuvre de la restriction générale de toute la famille des « polluants éternels » en discussion au niveau européen. Le chercheur rappelle que le TFA résiste aux traitements classiques (charbon actif ou ozonation) des stations d’épuration. Seule la technique dite de l’#osmose_inverse serait efficace. Une technologie très consommatrice en eau, très énergivore et aux coûts exorbitants. C’est le pari fait par le Syndicat des eaux d’Ile-de-France, qui prévoit d’investir plus de 1 milliard d’euros pour équiper ses trois usines à l’horizon 2030. Un choix contesté par le président d’Eau de Paris, Dan Lert, qui prône une « sanctuarisation » des captages d’eau potable et souligne la question non résolue de l’élimination des concentrés de polluants issus des traitements : « Ils seront rejetés dans la Seine, la Marne et l’Oise qui serviront de poubelles. »

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/05/27/la-seine-et-les-fleuves-europeens-contamines-par-un-polluant-eternel-passe-s

    https://justpaste.it/1p6q7

    #eau #agriculture

    • Et c’est factuellement faux, historiquement dans les colonies de peuplement qui n’utilisent pas (ou pas fondamentalement) la population locale comme exploitation, alors les colons peuvent éradiquer totalement la population et la remplacer. C’est ce qui est s’est passé pour les États-Unis par ex, où les anciennes populations ont été à peu près entièrement éradiquées et ne reviendront à priori jamais à un niveau plus élevé et ne retrouveront probablement aucun droit sur leurs terres. Ce qui est le cas pour Israël aussi, qui ne s’appuie pas majoritairement sur l’exploitation pour vivre et peut se débrouiller en éradiquant totalement les anciennes populations. Ce qui est différent de l’Algérie par ex où la population n’était pas évincée mais exploitée, et où une fois rebellée ils ont pu récupéré.

      Mais donc historiquement il y a bien des sociétés coloniales qui ont duré et éradiqué totalement les gens d’avant, ça dépend du type de colonie (de peuplement ou d’exploitation).

  • Espace Schengen : l’Union européenne adopte de nouvelles règles pour les contrôles aux frontières
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/24/espace-schengen-l-union-europeenne-adopte-de-nouvelles-regles-pour-les-contr

    Espace Schengen : l’Union européenne adopte de nouvelles règles pour les contrôles aux frontières
    Publié le 24 mai 2024 à 19h58, modifié le 24 mai 2024 à 19h59
    L’Union européenne a adopté, vendredi 24 mai, une réforme du code Schengen, destinée notamment à clarifier le cadre prévu pour la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures de l’espace de libre circulation, et à harmoniser les restrictions en cas d’urgence sanitaire. La réforme, sur laquelle les négociateurs avaient trouvé un accord en février, vise aussi à contrôler les mouvements migratoires au sein de l’espace Schengen et à répondre aux situations d’instrumentalisation des migrants par des pays tiers.
    Elle permet à un Etat membre de « transférer les ressortissants de pays tiers appréhendés dans la zone frontalière et séjournant illégalement sur son territoire vers l’Etat membre d’où ils sont directement arrivés ». « L’arrestation devra avoir lieu dans un cadre de coopération bilatérale », précise dans un communiqué le Conseil de l’UE représentant les Vingt-Sept.
    Afin de lutter contre les tentatives de pays tiers d’orchestrer l’arrivée de migrants dans le bloc, comme la Biélorussie et la Russie ont été accusées de le faire à des fins de déstabilisation, les nouvelles règles permettront notamment aux Etats membres de limiter le nombre de points de passage aux frontières. Elles permettent aussi de prendre des mesures contraignantes au niveau européen pour restreindre l’accès de ressortissants de pays tiers au bloc en cas d’urgence sanitaire de grande ampleur. Pendant la pandémie de Covid-19, Bruxelles n’avait pu émettre que des recommandations non contraignantes à l’intention des Etats membres pour tenter d’harmoniser les restrictions imposées aux voyageurs entrant dans l’UE. La réforme du code Schengen a été proposée en décembre 2021 par la Commission européenne pour tirer les leçons de la crise du Covid-19, qui avait donné lieu à des restrictions en pagaille. Selon les nouvelles règles, le Conseil de l’UE pourra aussi imposer des tests et des mesures de quarantaine.
    Au sein de l’espace Schengen, qui regroupe 27 pays – dont 23 Etats membres de l’UE plus l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse –, plus de 400 millions de personnes peuvent en principe circuler sans être soumises à des contrôles. Depuis mars, deux autres pays, la Bulgarie et la Roumanie, ont partiellement rejoint ce groupe.
    Mais depuis 2015, invoquant la pression migratoire ou la menace terroriste, un certain nombre de pays ont réintroduit des contrôles d’identité à leurs frontières. Ils sont actuellement huit à le faire (la Slovénie, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Norvège, le Danemark, la Suède). Ces contrôles sont autorisés par le code Schengen à titre exceptionnel, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un Etat, mais de manière provisoire. La Cour de justice de l’UE avait rappelé en avril 2022 qu’ils ne devaient pas excéder six mois.
    La réforme prévoit qu’en cas de menace grave à sa sécurité un Etat peut autoriser des contrôles à ses frontières pour une durée maximale de deux ans, avec une prolongation possible d’un an. Ces Etats devront évaluer la nécessité et la proportionnalité de ces contrôles et déterminer si les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints par des mesures alternatives.

    #Covid-19#migrant#migration#UE#espaceschengen#pressionmigratoire#securite#terrorisme#frontiereinterieure#droit#sante

  • Migrants subsahariens en Tunisie : « Ayez pitié de nous et laissez-nous partir d’ici ! »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/25/migrants-subsahariens-en-tunisie-ayez-pitie-de-nous-et-laissez-nous-partir-d

    Migrants subsahariens en Tunisie : « Ayez pitié de nous et laissez-nous partir d’ici ! »
    Par Monia Ben Hamadi (El-Amra, El-Hamaizia, Tunisie,
    Il ne dort plus à la belle étoile dans les champs d’oliviers, mais sous une tente de fortune, faite de branchages et de tuyaux, recouverte d’une bâche en plastique. Originaire de Freetown, capitale de la Sierra Leone, Musa* a échoué à Henchir Ben Farhat, domaine agricole privé situé à El-Amra, il y a plus de huit mois, en septembre 2023. Comme des centaines de migrants et demandeurs d’asile venues de divers pays d’Afrique subsaharienne, il ne pensait pas rester aussi longtemps dans cette petite localité du centre-est de la Tunisie devenue l’un des principaux points de départ vers l’île italienne de Lampedusa.
    Faute de mieux, le Sierra Léonais de 36 ans s’est improvisé épicier. Devant sa tente, il a monté un petit stand qui propose des fruits et légumes, quelques pâtes, des produits d’hygiène. Pour s’approvisionner, il doit parcourir plusieurs kilomètres à pied jusqu’au marché d’El-Amra avant de revenir au camp pour les entreposer. Une opération risquée. « En ville, on peut être arrêtés par la police, c’est plus dangereux qu’ici », explique-t-il.
    Depuis les déclarations du président Kaïs Saïed en février 2023, qui affirmait que l’arrivée de Subsahariens faisait partie d’un « plan criminel pour modifier la composition démographique » du pays, les autorités ont considérablement durci leur approche envers les migrants. A El-Amra, les patrouilles de la garde nationale, renforcées par des unités venues de Tunis, sont constamment sur le qui-vive. Régulièrement, des migrants sont expulsés des oliveraies où ils s’étaient installés, arrêtés ou conduits à la frontière.
    Fin avril, les agents de la garde nationale ont détruit le campement de Henchir Ben Farhat lors d’une opération sécuritaire. Musa, qui a perdu tout son stock de marchandises, a tenté la traversée vers l’Europe une seconde fois, sans succès. Son embarcation en métal a de nouveau pris l’eau. Depuis, il a remonté son commerce, en attendant une nouvelle occasion de quitter le pays.
    Dans le campement, la violence des forces de l’ordre a laissé des cicatrices visibles sur le corps des hommes. Amos, 34 ans, né au Liberia, montre des traces de brûlures sur son bras et son épaule causées, selon lui, par les bombes de gaz lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre lors de la destruction du camp. Lui non plus ne parvient pas à quitter le pays. « Ils ne veulent pas de nous, mais ils nous empêchent de partir, pourquoi ? Ils préfèrent nous voir souffrir et mourir ici ? », s’interroge-t-il.
    En mai, les garde-côtes tunisiens ont annoncé avoir intercepté ou secouru 28 147 personnes depuis le début de l’année, et environ 79 635 en 2023. Car la Tunisie reste essentiellement un pays de transit : d’après le ministre de l’intérieur, lors d’une audition au Parlement, 23 000 migrants subsahariens en situation irrégulière se trouveraient sur le territoire tunisien. Le 6 mai, le président tunisien Kaïs Saïed, lors d’un conseil de sécurité, a néanmoins accusé certaines associations d’inciter les Subsahariens à « coloniser » la Tunisie. Des propos suivis de l’adoption de nouvelles restrictions contre les migrants et les voix critiques du chef de l’Etat.
    Une dizaine d’organisations venant en aide aux migrants ont été ciblées par les autorités, et au moins cinq responsables associatifs arrêtés, mis en examen et écroués, dont Saadia Mosbah, militante antiraciste et présidente de l’association Mnemty, qui lutte contre les discriminations raciales en Tunisie.
    Deux responsables du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR) ont aussi été placés en détention préventive pour « association de malfaiteurs dans le but de faciliter l’accès de personnes au territoire tunisien ». Ils sont accusés d’avoir publié un appel d’offres pour la location d’un hôtel destiné à accueillir des réfugiés ou demandeurs d’asile, dans le cadre de leur mission avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
    Parallèlement à ces arrestations, une proposition de loi a été déposée par treize députés au Parlement le 6 mai, visant à modifier la loi sur les conditions de séjour des étrangers. Cette version amendée prévoit jusqu’à trois ans de prison pour toute personne qui aiderait un étranger à entrer ou à séjourner illégalement dans le pays. Le gouvernement tunisien étudie un projet d’amendement du décret-loi sur les associations afin de restreindre et de contrôler les financements étrangers.
    A El-Amra, depuis le 6 mai, le contrôle des transferts financiers en provenance de l’étranger s’est considérablement intensifié. Amos ne peut plus désormais retirer lui-même l’argent que sa famille et ses proches lui envoient par la poste et dépend de citoyens tunisiens ou de migrants en situation régulière pour recevoir à sa place les transferts qui lui permettent de vivre et d’économiser pour la prochaine traversée.
    Le discours de Kaïs Saïed sur un supposé financement étranger destiné à encourager les migrants à s’installer en Tunisie trouve un écho parmi la population. « Ils sont chaque jour plus nombreux, on a peur », assure Dhouha, accusant les étrangers d’être responsables d’une augmentation de la criminalité, bien que ces allégations ne soient pas corroborées par des chiffres. L’éducatrice en crèche de 42 ans et mère de famille soupçonne les migrants de vouloir s’approprier les terres des Tunisiens, et souhaiterait que les autorités durcissent encore la répression. « Il faudrait fermer les frontières terrestres et les laisser passer par la mer, mais les responsables ne veulent pas. Meloni est venue et a fait ce qu’elle voulait. On se sent comme les gardiens de l’Europe ici », accuse-t-elle, en référence aux visites récurrentes de la présidente du Conseil italien à Tunis depuis la signature de l’accord de « partenariat stratégique complet » entre l’Union européenne et la Tunisie, le 16 juillet 2023. Cet accord prévoit des aides financières pour réduire les départs de migrants depuis les côtes tunisiennes vers l’Italie. Bien que Kaïs Saïed avait affirmé en octobre que la Tunisie n’avait vocation à garder que ses propres frontières, la coopération en matière de contrôle s’est effectivement intensifiée.
    Face à l’augmentation du nombre de Subsahariens qui campent dans les environs d’El-Amra, la tension monte désormais entre les groupes de migrants eux-mêmes, particulièrement dans la sous-localité d’El-Hamaizia, à quelques kilomètres du centre-ville. Des affrontements violents y ont éclaté, mercredi 15 mai, faisant plusieurs blessés selon des témoins. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour rétablir le calme. « Ayez pitié de nous et laissez-nous partir d’ici ! », implore Kevin, 36 ans, originaire du Nigeria, installé avec son épouse et sa fille de 5 ans dans un camp d’El-Hamaizia. « Il y a des groupes de migrants qui nous terrorisent. Ils nous battent, prennent nos téléphones ou demandent de l’argent à nos familles avant de nous relâcher », témoigne-t-il, en se saisissant, pour le faire cuire, un poulet qu’il vient de plumer.
    Quand la chaleur de la journée se dissipe, peu avant le coucher du soleil, il arrive qu’une ferveur inattendue gagne les oliveraies. C’est l’heure des matchs de football. Ce soir-là, dans l’un des camps d’El-Hamaizia, les femmes sont à l’honneur. Des cages de but faites de tuyaux et recouvertes de plastique ont été installées, et des dizaines de spectateurs entourent le terrain, délimité par des traces sur le sable. Les acclamations, les rires et les applaudissements rythment la rencontre. Pendant ce temps, d’autres vont bientôt se préparer à prendre la mer, portés par l’espoir d’atteindre les rives de l’Europe.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#italie#mediterranee#UE#migrationirreguliere#droit#sante#violence

  • La Cour suprême des Etats-Unis voit sa crédibilité un peu plus mise à mal par la découverte des drapeaux trumpistes chez l’un de ses juges
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/24/etats-unis-la-cour-supreme-voit-son-image-un-peu-plus-mise-a-mal-par-la-deco

    Le « New York Times » a révélé que des bannières utilisées par les partisans de Donald Trump lors de l’assaut du Capitole du 6-Janvier avaient été hissées sur deux propriétés du juge conservateur Samuel Alito.

    Une façade de maison en briques. Une voiture grise devant la porte du garage. Une palissade. Banalité absolue d’un quartier cossu à Alexandria, ville de l’Etat de Virginie située près de Washington. Mais un détail au milieu de la photo écrase cet environnement paisible. Un drapeau des Etats-Unis est hissé à l’envers sur un mât, planté dans la pelouse.

    Le cliché a été pris le 17 janvier 2021, à trois jours de la prestation de serment du nouveau président, Joe Biden. La maison est celle de Samuel Alito, juge conservateur à la Cour suprême des Etats-Unis. Onze jours plus tôt, les partisans de Donald Trump donnaient l’assaut contre le Capitole, menaçant d’interrompre la transition pacifique du pouvoir. Le drapeau national à l’envers, autrefois synonyme d’appel de détresse chez les militaires, est devenu l’un des symboles prisés du mouvement « Stop the Steal ! », prétendant dénoncer des fraudes imaginaires lors de l’élection présidentielle de novembre 2020.

    La révélation récente de cette photo par le New York Times a provoqué, sans surprise, un torrent de commentaires. Ce soutien à une cause non seulement partisane mais insurrectionnelle, de la part de l’un des neuf plus hauts magistrats du pays, au sein d’une institution à la crédibilité très entamée, a contraint chaque camp à se positionner, pour ou contre Samuel Alito.

    Le juge lui-même a réagi d’une façon si maladroite qu’il a alimenté la polémique. Dans un communiqué adressé au quotidien, Samuel Alito a expliqué qu’il n’avait rien à voir avec l’installation de ce drapeau : « Il a été brièvement installé par Mme Alito en réponse à l’usage par un voisin d’un langage très critiquable et personnellement insultant, sur des pancartes. » Martha-Ann Alito, visiblement très susceptible, aurait agi ainsi en réaction à un écriteau insultant Donald Trump. La faiblesse de cet argument est criante. Samuel Alito aurait pu demander sur-le-champ à son épouse de descendre ce drapeau américain renversé. Il l’a ignoré, et l’a donc validé.

    Les républicains volent au secours de Samuel Alito
    Quelques jours après le premier article, le New York Times en a publié un second, cette fois consacré à la maison des Alito à Long Beach Island, dans l’Etat du New Jersey. Un autre drapeau très débattu, montrant un pin, y a été repéré entre juillet et septembre 2023 ; surnommé « appel aux cieux », ses origines remontent à la révolution américaine. Mais à l’époque contemporaine, les spécialistes en soulignent l’appropriation par le mouvement nationaliste chrétien. Et ce drapeau était lui aussi visible aux abords du Capitole, lors du funeste 6-Janvier.

  • « Des électeurs ordinaires » : à la découverte de la vision racialisée du monde des partisans du RN

    Le sociologue Félicien Faury décortique la mécanique du vote Rassemblement national, après un travail de terrain réalisé entre 2016 et 2022 dans le sud-est de la France.

    [...]

    Ses conversations avec les électeurs donnent à voir des « logiques communes », un rapport au monde qui oriente vers le vote Le Pen. « Les scènes fiscales, scolaires et résidentielles deviennent les théâtres de compétitions sociales racialisées, dans lesquels les groupes minoritaires, construits et essentialisés en tant que tels, sont perçus et jugés comme des concurrents illégitimes », décrit l’auteur. La prégnance de cette vision du monde dans le quartier ou au travail conduit à légitimer le vote Le Pen, à le priver de son stigmate de l’extrémisme et, in fine, à le renforcer.

    A l’automne 2023, un débat avait opposé deux interprétations du vote populaire pour le RN, que l’on peut ainsi schématiser : d’un côté, les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty, auteurs d’une somme de géographie électorale (Une histoire du conflit politique, Seuil, 2023), pour qui les inégalités socio-économiques sont le principal déterminant du vote RN ; de l’autre, le sondeur de l’Institut français d’opinion publique, Jérôme Fourquet, qui, dans La France d’après. Tableau politique (Seuil, 2023), soulignait le primat de la question identitaire.

    Le travail de terrain de Félicien Faury invite à pencher fortement en faveur de la seconde analyse. Il dissèque la manière dont les expériences de classe de l’#électorat RN rejoignent toutes la question raciale. Le chercheur prend toujours soin de situer cette vision raciste dans le contexte d’une société où se perpétuent les processus de racialisation. De la part d’électeurs en risque de déclassement social, écrit-il, « le vote RN doit aussi se concevoir comme un vote produit depuis une position dominante sur le plan racial, dans l’objectif de sa conservation ou de sa fortification ».
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/24/des-electeurs-ordinaires-a-la-decouverte-de-la-vision-racialisee-du-monde-de

    https://justpaste.it/a4997

    #extrême_droite #RN #racisme #livre

  • Johann Soufi - X :
    https://x.com/jsoufi/status/1794000830779236381

    🚨BREAKING : La CIJ_ICJ ordonne à Israël de cesser immédiatement son offensive à Rafah, considérée comme susceptible d’imposer des conditions de vie à la population palestinienne de Gaza pouvant entraîner sa destruction physique ! 🇿🇦⚖️🇮🇱 🧵Je vous explique brièvement 👇

    2. L’Afrique du Sud demandait des mesures conservatoires supplémentaires considérant que l’attaque de Rafah constituait une nouvelle circonstance qui aggravait le « risque de génocide ». Israël s’y opposait.

    3. À 13 voix contre 2 (juges Sebutinde et Barak ), la Cour considère que l’attaque israélienne sur Rafah accroît le « risque de préjudice irréparable aux droits des palestiniens d’être protégés contre un génocide » et qu’Israël doit stopper immédiatement son offensive !

    (4 pages de l’arrêt)

    4. Les juges ordonnent aussi à Israël de maintenir le point de passage de #Rafah ouvert pour faciliter la fourniture d’aide humanitaire requise de toute urgence !

    5. Enfin les juges ordonnent à Israël de garantir l’accès, sans entrave, à toutes les commissions d’enquête ou organismes chargés par l’ONU d’enquêter sur les allégations de génocide ! 🔍🇺🇳

    6. Une victoire judiciaire importante de l’Afrique du Sud, et une décision courageuse de la @CIJ_ICJ.👏
    https://pbs.twimg.com/media/GOWYXfAWMAAHBLW?format=jpg&name=medium#.
    La décision (déjà dispo en 🇫🇷) comme toutes celles de la Cour, est OBLIGATOIRE. Les États doivent s’assurer qu’Israël la respecte et la mette en œuvre !

    https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240524-ord-01-00-fr.pdf

    7. Bien évidemment la Cour renouvelle ses appels précédents à la libération immédiate et inconditionnelle des otages détenus par le Hamas.

    Il faut espérer que cette décision soit respectée et contribue à un cessez le feu et à la paix et la justice ! 🇮🇱⚖️🇵🇸

  • « Le “système voiture”, un modèle occidental problématique qui a colonisé l’espace public »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/24/le-systeme-voiture-un-modele-occidental-problematique-qui-a-colonise-l-espac

    La voiture a aussi colonisé l’espace public et l’a reconverti en zone de circulation rapide et dangereuse, au point de s’en approprier jusqu’à 80 %, au détriment des places et des espaces de flâneries, en ville comme à la campagne. Ont été exclus, sans discussion ou presque, les enfants, désormais durablement cantonnés dans les parcs ou tenus fermement par la main, les marcheurs et les piétons, relégués latéralement sur des trottoirs trop étroits et les accotements des routes secondaires, et tous ceux qui ne conduisent pas ou pas toujours, de plus en plus nombreux, parce qu’ils sont trop jeunes ou trop vieux, ne pouvant pas ou ne voulant pas conduire aussi vite ou de nuit.

  • Meredith Whittaker, présidente de Signal : « L’IA concentre le pouvoir dans les mains des géants de la tech »
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/05/23/meredith-whittaker-presidente-de-signal-l-ia-concentre-le-pouvoir-dans-les-m

    La France vient de bloquer TikTok en Nouvelle-Calédonie, en proie à des émeutes depuis quelques jours… Qu’en pensez-vous ?
    Je ne connais pas bien le contexte, mais en 2024, bloquer l’accès à un réseau social afin de reprendre le contrôle d’un territoire, cela semble très daté… Cette décision ressemble à celle d’un régime autoritaire et ne convient pas à une démocratie.

  • Guillaume Meurice, humoriste de France Inter, convoqué en vue d’une « rupture anticipée pour faute grave »
    https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2024/05/22/guillaume-meurice-humoriste-de-france-inter-convoque-en-vue-d-une-rupture-an

    L’humoriste de France Inter Guillaume Meurice, suspendu depuis trois semaines dans l’attente d’un possible licenciement, a annoncé, mercredi 22 mai, avoir été convoqué à une commission de discipline le 30 mai à 14 h 30 par la direction des ressources humaines de Radio France.

    « La sanction envisagée est la rupture anticipée pour faute grave » de son contrat de travail, est-il rappelé dans sa convocation. « Aucune décision définitive de sanction » ne sera « notifiée moins de deux jours ouvrables après la tenue de la commission » et l’humoriste pourra demander « au cours de la réunion (…) que ce délai minimum soit augmenté à huit jours calendaires », est-il précisé.

  • Kenneth Stern, juriste américain : « Notre définition de l’antisémitisme n’a pas été conçue comme un outil de régulation de l’expression »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/21/kenneth-stern-juriste-americain-notre-definition-de-l-antisemitisme-n-a-pas-

    L’universitaire new-yorkais déplore, dans un entretien au « Monde », l’utilisation du concept d’antisémitisme à des fins politiques dans le cadre de la guerre Israël-Hamas.
    Propos recueillis par Valentine Faure

    Le juriste américain Kenneth Stern est directeur du Center for the Study of Hate de l’université de Bard (New York) et auteur de The Con­flict Over the Con­flict : The Israel/​Palestine Cam­pus Debate (University of Toronto Press, 2020, non traduit). Il a été le principal rédacteur du texte sur la définition de l’#antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), utilisée dans de nombreux pays, dont la France, où elle a été adoptée en 2019 par l’Assemblée nationale en tant qu’« instrument d’orientation utile en matière d’éducation et de formation et afin de soutenir les autorités judiciaires et répressives dans les efforts qu’elles déploient pour détecter et poursuivre les attaques antisémites ». Depuis plusieurs années, il s’élève contre le détournement de cette définition à des fins politiques, pour faire taire les propos critiques envers la politique du gouvernement israélien.

    Vous avez été le principal rédacteur de la définition de l’antisémitisme adoptée en 2016 par l’IHRA, une organisation intergouvernementale basée à Stockholm. Dans quel contexte est-elle née ?

    Après la deuxième Intifada [2000-2005], nous avons observé une nette résurgence de l’antisémitisme en Europe. Chargé de rédiger un rapport, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes [EUMC] a identifié un problème : ceux qui collectaient les données dans différents pays d’Europe n’avaient pas de point de référence commun sur ce qu’ils devaient inclure ou exclure de leurs enquêtes. Ils travaillaient avec une définition temporaire qui décrivait l’antisémitisme comme une liste d’actes et de stéréotypes sur les #juifs. Les attaques liées à #Israël – lorsqu’un juif est visé en tant que représentant d’Israël – étaient exclues du champ de l’antisémitisme si l’agresseur n’adhérait pas à ces stéréotypes.

    En avril 2004, une école juive de Montréal a été incendiée en réaction à l’assassinat par Israël d’un dirigeant du Hamas. J’ai profité de l’occasion pour interpeller publiquement le directeur de l’EUMC sur le fait que, selon leur définition temporaire, cet acte n’était pas considéré comme antisémite. L’American Jewish Committee, où j’étais expert en matière d’antisémitisme, a pris l’initiative de travailler avec l’EUMC pour élaborer une nouvelle définition, dans le but principal d’aider les collecteurs de données à savoir ce qu’il faut recenser, à travers les frontières et le temps. Le texte liste onze exemples contemporains d’antisémitisme, parmi lesquels « la négation du droit du peuple juif à l’autodétermination » et l’application d’un traitement inégalitaire à Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés d’une autre nation. Les exemples reflètent une corrélation entre ces types de discours et le niveau d’antisémitisme. Il ne s’agit cependant pas de dire qu’il y a un lien de cause à effet, ou que toute personne tenant de tels propos devrait être qualifiée d’antisémite.

    Aujourd’hui, vous regrettez l’usage qui a été fait de ce texte. Pourquoi ?

    Depuis 2010, des groupes de la #droite_juive américaine ont tenté de s’approprier cette définition, de la marier aux pouvoirs conférés par le Title VI (la loi de 1964 sur les droits civils, qui protège contre la discrimination fondée sur la race, la couleur et l’origine nationale) et de l’utiliser pour tenter de censurer les discours propalestiniens sur les campus. En 2019, Donald Trump a signé un décret exigeant que le gouvernement analyse les plaintes pour antisémitisme en tenant compte de cette définition. Une violation du Title VI peut entraîner le retrait des fonds fédéraux aux établissements d’enseignement supérieur. Au moment de l’adoption de ce décret, Jared Kushner, le gendre de Trump, a clairement indiqué son objectif dans une tribune au New York Times : qualifier tout #antisionisme d’antisémitisme.

    Or, notre définition n’a pas été conçue comme un outil de régulation de l’expression. Sur les campus universitaires, les étudiants ont le droit absolu de ne pas être harcelés ou intimidés. Mais il est acceptable d’être dérangé par des idées. Nous ne voudrions pas que la définition du #racisme utilisée sur les campus inclue l’opposition à la discrimination positive ou à Black Lives Matter, par exemple. L’université est censée être un lieu où les étudiants sont exposés à des idées, où ils apprennent à négocier avec la contradiction, etc. Nous devons être en mesure de répondre et d’argumenter face à ces discours.

    Lors de son témoignage au Congrès sur l’antisémitisme, dans le contexte de manifestations propalestiniennes sur les campus américains, à la question de savoir si « appeler au génocide des juifs violait le règlement sur le harcèlement à Harvard », Claudine Gay, qui était alors présidente de cette université, a répondu que « cela peut, en fonction du contexte ». Comment comprendre cette réponse ?

    Les universités, publiques comme privées, sont tenues de respecter le premier amendement, qui garantit la #liberté_d’expression. La distinction générale du premier amendement est la suivante. Je peux dire : « Je pense que tous les “X” devraient être tués » ; je ne peux pas crier cela si je suis avec un groupe de skinheads brandissant des battes et qu’il y a un « X » qui marche dans la rue à ce moment-là. La situation doit présenter une urgence et un danger. Il y a une distinction fondamentale entre le fait d’être intimidé, harcelé, discriminé, et le fait d’entendre des propos profondément dérangeants. David Duke [homme politique américain, néonazi, ancien leader du Ku Klux Klan] a été vilipendé, mais pas sanctionné, lorsque, étudiant dans les années 1970, il disait que les juifs devraient être exterminés et les Noirs renvoyés en Afrique, et qu’il portait même un uniforme nazi sur le campus. S’il avait été renvoyé, il serait devenu un martyr du premier amendement.

    La suspension de certaines sections du groupe des Students for Justice in Palestine [qui s’est illustré depuis le 7 octobre 2023 par ses messages de soutien au Hamas] est profondément troublante. Les étudiants doivent pouvoir exprimer des idées, si répugnantes soient-elles. La distinction que j’utilise ne se situe pas entre les mots et l’acte, mais entre l’expression (qui peut se faire par d’autres moyens que les mots) et le harcèlement, l’intimidation, les brimades et la discrimination, qui peuvent se faire par des mots également – de vraies menaces, par exemple. En d’autres termes, oui, cela dépend du contexte. Claudine Gay [qui a démissionné depuis] avait donc raison dans sa réponse, même si elle s’est montrée sourde au climat politique.

    Comment analysez-vous la décision de la présidente de Columbia, suivie par d’autres, d’envoyer la police pour déloger les manifestants propalestiniens ?

    La décision de faire appel à la police aussi rapidement n’a fait qu’enflammer la situation. Les campements ont probablement violé les règles qui encadrent le droit de manifester sur le campus. Mais faire appel à la police pour arrêter des étudiants devrait être, comme lorsqu’un pays entre en guerre, la dernière mesure prise par nécessité. D’autres #campus qui connaissent des manifestations similaires ont abordé le problème différemment, déclarant que, tant qu’il n’y a pas de violence ou de harcèlement, ils ne feront pas appel à la #police.

    Vous parlez de « zone grise » de l’antisémitisme. Qu’entendez-vous par là ?

    Dans sa forme la plus dangereuse, l’antisémitisme est une théorie du complot : les juifs sont considérés comme conspirant pour nuire aux non-juifs, ce qui permet d’expliquer ce qui ne va pas dans le monde. Mais voici une question plus difficile : « Où se situe la limite entre la critique légitime d’Israël et l’antisémitisme ? » Cette question porte davantage sur notre besoin de délimitations que sur ce que nous voulons délimiter. Nous voulons simplifier ce qui est complexe, catégoriser un propos et le condamner. L’antisémitisme, pour l’essentiel, ne fonctionne pas ainsi : on peut être « un peu » antisémite ou, plus précisément, avoir des opinions qui se situent dans la zone grise.

    La question la plus épineuse à cet égard demeure celle de l’antisionisme.

    Moi-même sioniste convaincu, je souffre d’entendre dire qu’Israël ne devrait pas exister en tant qu’Etat juif. Je comprends les arguments de ceux qui assurent qu’une telle conception est antisémite : pourquoi les juifs devraient-ils se voir refuser le droit à l’autodétermination dans leur patrie historique ? Mais l’opposition à l’idée d’un #Etat_juif est-elle intrinsèquement antisémite ? Imaginez un Palestinien dont la famille a été déplacée en 1948. Son opposition au sionisme est-elle due à une croyance en un complot juif ou au fait que la création d’Israël lui a porté préjudice, à lui et à ses aspirations nationales ? Et si vous êtes une personne qui s’identifie à la gauche et qui a décidé d’embrasser la cause palestinienne, est-ce parce que vous considérez que la dépossession des #Palestiniens est injuste, parce que vous détestez les juifs et/ou que vous voyez le monde inondé de conspirations juives, ou quelque chose entre les deux ?

    Certains #étudiants juifs sionistes progressistes se plaignent d’être exclus d’associations (de groupes antiracistes et de victimes de violences sexuelles, par exemple) par des camarades de classe qui prétendent que les sionistes ne peuvent pas être progressistes. Or il y a eu de nombreuses annulations d’intervenants perçus comme conservateurs et n’ayant rien à voir avec Israël ou les juifs, comme Charles Murray [essayiste aux thèses controversées] ou Ann Coulter [polémiste républicaine]. Le militant sioniste est-il exclu parce qu’il est juif ou parce qu’il est considéré comme conservateur ? L’exclusion peut être une forme de maccarthysme, mais n’est pas nécessairement antisémite. A l’inverse, certaines organisations sionistes, sur les campus et en dehors, n’autorisent pas des groupes comme Breaking the Silence ou IfNotNow – considérés comme trop critiques à l’égard d’Israël – à s’associer avec elles.

    La complexité du conflit israélo-palestinien, dites-vous, devrait en faire un exemple idéal de la manière d’enseigner la pensée critique et de mener des discussions difficiles…

    Pensez à l’articulation entre distorsion historique, antisionisme et antisémitisme. Le lien ancien entre les juifs et la terre d’Israël est un fondement essentiel du sionisme pour la plupart des juifs. Est-ce une distorsion historique que d’ignorer cette histoire, de considérer que le sionisme a commencé dans les années 1880 avec Herzl et l’#immigration de juifs européens fuyant l’antisémitisme et venant en Palestine, où les Arabes – et non les juifs – étaient majoritaires ? S’agit-il d’antisémitisme, au même titre que le déni de la Shoah, lorsque les antisionistes font commencer cette histoire à un point différent de celui des sionistes, à la fin du XIXe siècle, et omettent une histoire que de nombreux juifs considèrent comme fondamentale ? Un collègue de Bard, qui s’inquiétait de voir les étudiants utiliser des termes tels que « #colonialisme_de_peuplement », « #génocide », « sionisme », a décidé de mettre en place un cours qui approfondit chacun de ces termes. Je réserve le terme « #antisémite » aux cas les plus évidents. En fin de compte, la tentative de tracer des lignes claires ne fait qu’obscurcir la conversation.

  • Boycott des universités israéliennes : « Peu d’universitaires sérieux défendent la poursuite de l’occupation des territoires en Cisjordanie » par Astrid Van Busekist
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/21/boycott-des-universites-israeliennes-peu-d-universitaires-serieux-defendent-

    Avec quelques commentaires sur les glissements rhétoriques et omissions fâcheux de cette tribune...

    Alors que de nombreux enseignants israéliens sont confrontés à la défiance de leurs collègues internationaux, la professeure de Sciences Po Astrid von Busekist estime, dans une tribune au « Monde », qu’il ne faut pas rejeter les lieux où s’élabore le savoir critique en Israël.

    Inutile de se voiler la face, le boycott a déjà commencé. Ici de manière subreptice, là très ouvertement : lorsque tel professeur refuse d’évaluer le projet d’une collègue pour la Fondation israélienne des sciences, lorsque tel autre retire le nom d’un coauteur israélien, ou lorsque des revues académiques internationales retoquent les articles d’auteurs israéliens. Le quotidien Haaretz a documenté des centaines de cas de désinvitation, d’arrêt de coopération, d’annulation de colloques ou d’événements scientifiques. Le même scénario a lieu dans les sciences dures, en humanités ou en sciences sociales.

    Que répondre à un collègue qui a pour seul tort d’avoir la mauvaise nationalité ? La liste des raisons est assez brève et peu sophistiquée, le seul point commun dans cette nouvelle version de la « cancel culture » est la punition collective, le maniement de la partie pour le tout, exactement ce que nous apprenons à nos étudiants à ne pas faire.

    « Je crains que ce que votre pays a fait et continue de faire ne soit jamais oublié ou pardonné », écrit un collègue au physicien Nir Davidson de l’Institut Weizmann, cité par Haaretz, le 12 avril. « J’ai beaucoup d’estime pour vous, mais je n’ai plus l’intention de travailler avec vous. Vous commettez un génocide à Gaza », répond-on à Ravit Alfandari de l’université de Haïfa. Un chercheur d’une prestigieuse université européenne conditionne même son soutien à des décisions politiques nationales et internationales hors de portée d’un simple scientifique : « Si le gouvernement israélien s’engage irrévocablement en faveur d’une solution à deux Etats (dans les frontières de 1967), je serai heureux de m’engager auprès des institutions israéliennes, tant que cela n’est pas vrai, je refuse. »

    Renvoyés à leur identité juive
    Les universitaires, chercheurs, auteurs israéliens sont renvoyés à leur appartenance nationale et à leur identité juive (à ma connaissance mes collègues arabes, druzes ou chrétiens n’ont pas subi le même sort). [ça c’est un pur coup de force rhétorique : il n’est question dans les exemples précédents que de refus de coopérer avec les institutions d’Israël]
    Il y a quelques semaines encore, je me disais que le meilleur argument contre le boycott était le plus simple : on ne boycotte pas les lieux où s’élabore le savoir critique. Je le pense toujours, malgré l’ignorance qui règne dans certaines universités internationales ces derniers temps. Mais, aujourd’hui, l’argument plus fort est à la fois moral, pragmatique, contextuel et factuel.

    Moral. Imposer des sanctions indiscriminées et collectives à des individus singuliers est injuste. [il s’agit non pas d’un boycott contre les individus israéliens, mais d’un refus de coopérer avec les institutions, dans le cadre de programme impliquant des financements israéliens. Rien ne m’empêche de rencontrer et de dialoguer avec des Israéliens] D’autant que ces sanctions qui frappent les universitaires sont une réponse à une politique gouvernementale combattue par une très grande partie des facultés.[je dirais plutôt : un nombre de chercheuses et de chercheurs qui n’est pas négligeable et sans doute assez important. La majorité : qu’en sait elle ?]

    Pragmatique. D’une part, s’en prendre aux universités et aux chercheurs, rompre les relations scientifiques et le dialogue académique risque de contribuer à une baisse significative de la qualité de l’enseignement et de la recherche. [ce n’est pas notre problème] D’autre part, cela risque de produire des effets pervers. Parce que les universités sont des lieux de rencontre, quelquefois les seuls, entre populations juives et arabes. C’est sur les campus qu’elles interagissent et bénéficient de la myriade de programmes communs. Un grand nombre de centres sont engagés en faveur de la mobilité sociale des Arabes israéliens, de projets communautaires scientifiques culturels et de défense judiciaire des minorités. Le pourcentage d’étudiants arabes est proche de celui de la population générale dans les universités de Tel-Aviv, hébraïque de Jérusalem et Ben-Gourion du Néguev à Beer-Sheva, et il est plus important à l’université de Haïfa. [C’est bien parce que le boycott est contre les Israéliens qu’en effet, il aura des conséquences négatives aussi pour les citoyens arabes d’Israël]

    Indépendants
    Contextuel. Comme le dit l’ancien recteur de l’Université hébraïque de Jérusalem, Barak Medina, « affaiblir le monde universitaire israélien, c’est affaiblir le tissu démocratique de la société israélienne ». Ariel Porat, président de l’université de Tel-Aviv (la première à avoir organisé une importante conférence sur la crise humanitaire [une crise, vraiment ? le terme n’est il pas trop fort ?] à Gaza), a été un critique sévère de la réforme constitutionnelle et s’est engagé à combattre toute politique ou loi qui viendrait à affaiblir les fondements de la démocratie et des droits humains. Il est aujourd’hui, avec la vice-présidente de l’université, Milette Shamir, la voix du soutien à la création d’un Etat palestinien. Une communauté académique forte et critique devrait être soutenue et encouragée, car le contre-pouvoir y est chez lui.

    Factuel. Les universités sont-elles en quelque manière complices de la guerre à Gaza ? Des violations de droits humains ? Arment-elles indirectement Tsahal ? Certains le pensent, mais ces accusations ne sont guère étayées.
    [*_voilà un exemple, en français, de ce que fait l’Université de tel Aviv, trouvé en deux clics. https://www.ami-universite-telaviv.com/index.php/actualite-l-universite/1598-luniversite-de-tel-aviv-et-larmee-de-lair-creent-le-pre
    _*et je suis certain qu’il y a encore bien des choses à dire sur l’Université de Tel Aviv recensées déjà sur Seenthis
    ]
    Une proportion non négligeable des étudiants est réserviste ; ce sont les sentinelles et les témoins directs de la guerre en cours à Gaza. [les sentinelles ? de la prison de Gaza ? Sans doute parmi eux y a t il des militaires qui se mettent en scène en faisant exploser des universités, pillant des maisons, torturant des Palestiniens ?] Comme dans toutes les démocraties, les chercheurs sont indépendants. [certains sont des apologistes et des complices du génocide]

    Peu d’universitaires sérieux défendent la poursuite de l’occupation des territoires en Cisjordanie. Certains rappellent en revanche les occasions ratées, comme l’offre d’Ehoud Olmert, en 2008, de renoncer à 94 % des territoires.[debunking : https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2008/08/15/le-vrai-faux-plan-de-paix-d-ehoud-olmert_1084111_3218.html ]

    Grave erreur
    Enfin, l’Université hébraïque de Jérusalem serait coupable de violations du droit international, car son campus du mont Scopus serait en territoire contesté. Or, celui-ci a été établi dès 1925 et il est resté une enclave contrôlée par Israël entre 1948 et 1967. La communauté internationale reconnaît qu’il fait partie d’Israël et non des territoires occupés en 1967. Quant au dortoir et au centre sportif qui se trouvent à Jérusalem-Est, ils se situent en effet dans une zone qui, selon la communauté internationale, fait partie des territoires occupés. Mais cette « occupation », comme le rappelle le recteur Tamir Sheafer, n’est pas illégale, car l’université possédait des terrains privés à Jérusalem-Est avant 1948 et y maintient des droits de propriété privée continus. [il y a une université à Ariel, une pure colonie]

    Que faire ? Rompre le dialogue ? Divorcer des meilleurs critiques d’un gouvernement qu’une majorité d’Israéliens tient pour coupable du 7 octobre 2023 mais aussi du sort des otages et de cette guerre infinie qui doit cesser ? Ce serait une grave erreur. Contre la liberté de penser, contre l’égalité morale des enseignants-chercheurs et contre une certaine fraternité intellectuelle dans l’adversité partagée.

    Astrid von Busekist est professeure de théorie politique à Sciences Po et éditrice de la revue « Raisons politiques » (Les Presses de Sciences Po).

    • à noter que des universitaires israélien.nes soutiennent l’idée d’un boycott, par exemple la philosophe israélienne Anat Matar

      Que pensez-vous des appels à rompre les liens et les partenariats avec les universités israéliennes, à les boycotter ?

      J’ai toujours été favorable à l’activisme populaire. Israël a été traité pendant des années en toute impunité par les États occidentaux. La pression populaire peut donc aider les gouvernements à changer cette attitude. Je suis de toute façon une partisane du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). Je soutiens en ce moment tout particulièrement l’appel des étudiants pour que leurs universités se désengagent de toute implication militaire, etc. Il faut aider à promouvoir le désinvestissement universitaire et à atteindre les étudiants et les professeurs actuellement engagés dans des négociations

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120524/comment-reagir-face-au-veritable-antisemitisme-lorsque-toute-critique-de-l
      Plusieurs exemples de répression contre des universitaires israéliens qui défendent des idées critiques de la politique israélienne par leurs hiérarchies académiques, de collègues, etc.

  • https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/05/20/engagement-des-scientifiques-le-ton-monte-dans-les-labos_6234452_1650684.htm

    #Wolfgang_Cramer
    #Christophe_Cassou
    #Valérie_Masson-Delmotte

    Appel à signature pour une tribune demandant la mise en #faillite_écologique de #Total

    Le vendredi 24 mai prochain, le conseil d’administration de TotalEnergies défendra devant l’AG de ses actionnaires son plan d’investissement prévoyant d’augmenter sa production d’énergies fossiles de 2 à 3% par an sur les cinq prochaines années. La major a donc fait le choix non pas de réduire sa contribution à la catastrophe climatique, mais de l’accélérer.

    Il faut se rendre à l’évidence : #TotalEnergies ne réduira pas sa production fossile parce qu’on le lui demande poliment. Au lieu de cultiver son impuissance, la puissance publique devrait se donner les moyens juridiques et fiscaux d’empêcher des entreprises comme TotalEnergies de menacer les conditions d’habitabilité de la planète. Cette tribune en propose plusieurs, et notamment la notion de faillite écologique qui permettrait à la puissance publique d’envisager le redressement judiciaire d’une entreprise eu égard à sa stratégie climaticide.

    Nous souhaiterions faire publier cette tribune dans un média grand public en amont de l’AG de TotalEnergies, et en lien avec une mobilisation inter-organisations.

    Vous pouvez accéder à la tribune (https://framaforms.org/soutien-a-la-tribune-totalenergies-en-faillite-ecologique-1715944543) et vous joindre aux signataires dans ce formulaire. N’hésitez pas à faire tourner.

    Les #Scientifiques_en_rébellion s’invitent une nouvelle fois à l’#AG des #actionnaires de BNP Paribas

    L’an dernier, au moment où les ONG de L’Affaire BNP annonçaient mettre en demeure BNP Paribas pour ses financements aux énergies fossiles, nous avions appelé la banque, via une tribune dans l’Obs, à cesser tout financement de nouveaux projets pétroliers et gaziers. Nous étions aussi allé.es interpeller BNP Paribas à son Assemblée générale.

    Cette action a eu des effets : #BNP Paribas a annoncé il y a un an de nouveaux engagements à réduire ses financements aux énergies fossiles et elle les a effectivement réduits significativement par rapport à 2022. Depuis cette date, elle n’a plus participé à l’émission d’obligations pour des projets pétro-gaziers. Mais la banque n’a pas formalisé cet engagement ni cessé tout financement aux énergies fossiles.

    C’est pourquoi le 14 mai, nous sommes retourné·es à l’AG de #BNP_Paribas afin d’exhorter la banque à stopper tout financement, direct ou indirect, aux entreprises qui développent de nouveaux projets fossiles (à commencer par TotalEnergies). Notre intervention a de nouveau déclenché les huées des actionnaires, et la direction du groupe refuse toujours de s’engager à stopper de financer la major pétro-gazière française. Le combat continue !

    La vidéo est ici, et vous trouverez plus d’infos dans notre communiqué de presse.

    https://scientifiquesenrebellion.frama.space/s/6BRfL9FHCx6XqSb

  • Comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser des migrants en plein désert
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/21/comment-l-argent-de-l-union-europeenne-permet-aux-pays-du-maghreb-de-refoule

    Comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser des migrants en plein désert
    Par Nissim Gasteli (Tunis, correspondance), Maud Jullien (Lighthouse Reports), Andrei Popoviciu (Lighthouse Reports) et Tomas Statius (Lighthouse Reports)
    s des droits humains et avec le renfort de moyens européens.
    A Rabat, au Maroc, Lamine (toutes les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat), un jeune Guinéen, a été arrêté six fois par la police, en 2023, avant d’être renvoyé sans ménagement à l’autre bout du pays. En Mauritanie, Bella et Idiatou, également guinéennes, ont été abandonnées en plein désert après avoir été interpellées, puis incarcérées. Leur crime ? Avoir pris la mer pour tenter de rejoindre l’Espagne. En Tunisie, François, un Camerounais, s’est orienté comme il a pu après que les forces de sécurité l’ont lâché, au beau milieu des montagnes, près de la frontière avec l’Algérie. C’était la troisième fois qu’il était déporté en l’espace de quelques mois.
    Ces trois récits de personnes migrantes se ressemblent. Ils se déroulent pourtant dans trois Etats différents du nord de l’Afrique. Trois pays distincts qui ont en commun d’être les étapes ultimes des principales routes migratoires vers l’Europe : celle de la Méditerranée centrale, qui relie les côtes tunisiennes à l’île italienne de Lampedusa ; celle de la Méditerranée occidentale, qui part du Maghreb vers l’Espagne ou encore la route dite « Atlantique », qui quitte les rivages du Sénégal et du Sahara occidental pour rejoindre les îles Canaries.
    Pour cette raison, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie ont aussi en commun de faire l’objet de nombreuses attentions de l’Union européenne (UE) dans la mise en place de sa politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Alors que la question migratoire crispe les opinions publiques et divise les Etats membres sur fond de montée de l’extrême droite dans de nombreux pays, l’Europe mobilise d’importants moyens pour éviter que les Subsahariens candidats à l’exil ne parviennent jusqu’à la mer. Au risque que l’aide apportée aux gouvernements du Maghreb participe à des violations répétées des droits humains.
    Depuis 2015, les trois Etats ont perçu plus de 400 millions d’euros pour la gestion de leurs frontières, rien que par l’entremise du fonds fiduciaire d’urgence (FFU), lancé par l’UE lors du sommet sur la migration de La Valette, capitale de Malte. Une somme à laquelle s’ajoutent des aides accordées directement par certains Etats membres ou relevant d’autres programmes. En juillet 2023, l’UE a encore signé un accord avec la Tunisie, qui inclut une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière. Peu de temps avant, le 19 juin, le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, en déplacement à Tunis, s’était engagé à verser plus de 25 millions d’euros à Tunis pour renforcer le contrôle migratoire. Plus récemment, le 8 février, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annonçait de Nouakchott la signature d’un soutien financier pour 210 millions d’euros à destination de la Mauritanie, dont une partie serait allouée à la « gestion des migrations ».
    A travers quelles pratiques ? Au terme de près d’un an d’enquête, Le Monde, le média à but non lucratif Lighthouse Reports et sept médias internationaux partenaires ont pu documenter pour la première fois le recours à des arrestations massives et à des expulsions collectives dans ces trois Etats. Au Maroc, en 2023, près de 59 000 migrants auraient été interpellés sur le territoire par les forces de sécurité, d’après un décompte officiel. Une partie d’entre eux ont été déportés vers le sud et vers l’intérieur du pays comme à Agadir, Khouribga, Errachidia, Béni Mellal. En Mauritanie, plusieurs bus rejoignent chaque semaine les étendues arides de la frontière avec le Mali et y abandonnent des groupes de migrants sans ressources. En Tunisie, ce sont onze renvois collectifs vers les frontières libyenne et algérienne, organisés par les forces de sécurité entre juillet 2023 et mai 2024, que nous avons pu documenter grâce à des témoignages, des enregistrements audio et vidéo. Une pratique aux conséquences dramatiques : au moins 29 personnes auraient péri dans le désert libyen, selon un rapport de la mission d’appui des Nations unies en Libye, paru en avril.
    Des migrants subsahariens abandonnés par la police tunisienne sans eau ni abri, dans le désert, non loin de la ville frontalière libyenne d’Al-Assah, le 16 juillet 2023.
    Interrogé sur le cas tunisien, en marge du discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen, le 15 septembre, le vice-président de la Commission européenne, le Grec Margaritis Schinas, assurait : « [Ces pratiques] ne se déroulent pas sous notre surveillance, et ne font pas partie de nos accords. L’argent européen ne finance pas ce genre de tactiques. » Notre enquête démontre le contraire.
    En Tunisie, des pick-up Nissan utilisés par la police pour arrêter les migrants correspondent à des modèles livrés par l’Italie et l’Allemagne entre 2017 et 2023. Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, reçoivent une partie de l’enveloppe de 65 millions d’euros alloués par l’UE au royaume chérifien, entre 2017 et 2024, pour le contrôle de la frontière. En Mauritanie, les Vingt-Sept financent, dans les deux principales villes du pays et pour une enveloppe de 500 000 euros, la reconstruction de deux centres de rétention. Ceux-là mêmes où des migrants sont enfermés avant d’être envoyés dans le désert, acheminés dans des pick-up Toyota Hilux en tout point similaires à ceux livrés par l’Espagne en 2019. Des exemples, parmi d’autres, qui démontrent que ces opérations, contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, bénéficient du soutien financier de l’UE et de ses Etats membres.
    Lamine, 25 ans, connaît les rues de Rabat comme sa poche. Le jeune homme, natif de Conakry, est arrivé au Maroc en 2017 « pour suivre une formation » de cuisine, relate-t-il lorsque nous le rencontrons, en octobre 2023, dans le quartier de Takaddoum, devenu le lieu de passage ou d’installation des migrants. Le jeune homme est enregistré auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) comme demandeur d’asile, ce qui est censé le protéger d’une expulsion.
    Au fil des années, Lamine s’est habitué aux « rafles » quotidiennes par les forces auxiliaires de sécurité marocaines visant des migrants comme lui. A Takaddoum, nombreux sont ceux qui assurent avoir été témoins de l’une de ces arrestations de ressortissants subsahariens. « Tous les Blacks savent que s’ils sortent entre 10 et 20 heures, ils risquent de se faire embarquer », ajoute Mafa Camara, président de l’Association d’appuis aux migrants mineurs non accompagnés. Une affirmation « sans fondement », selon le ministère de l’intérieur marocain. Sollicité, le HCR confirme qu’« il arrive parfois que les réfugiés et les demandeurs d’asile soient arrêtés ». La suite est également connue : les personnes sont amenées dans des bâtiments administratifs faisant office de centres de rétention, avant d’être transférées dans un commissariat de la ville où des bus viennent les récupérer. Elles sont alors déportées, le plus souvent dans des zones reculées ou désertiques. Ce harcèlement serait un des maillons essentiels de la stratégie du royaume pour lutter contre l’immigration irrégulière. « Le but est bien sûr de rendre la vie des migrants difficile, soutient un consultant requérant l’anonymat. Si l’on vous emmène dans le Sahara deux fois, la troisième, vous voulez rentrer chez vous. » L’homme, qui a participé au Maroc à plusieurs projets de développement financés par l’UE, soutient que les autorités marocaines agissent de la sorte pour justifier les nombreux financements européens qu’elles reçoivent, dont 234 millions d’euros uniquement du FFU. « La relocalisation des migrants vers d’autres villes est prévue par la législation nationale. Elle permet de les soustraire aux réseaux de trafic et aux zones dangereuses », oppose, de son côté, le ministère de l’intérieur marocain.
    Début 2023, Rabat soutenait avoir empêché plus de 75 000 départs vers l’Europe, dont 59 000 sur son territoire et 16 000 en mer. En 2023, Lamine, lui, a été arrêté à six reprises avant d’être envoyé à l’autre bout du pays.
    Pendant plusieurs jours, nous avons suivi et filmé les minivans des forces auxiliaires qui sillonnent les rues de Rabat. Des témoignages, des vidéos et des enregistrements audio réunis par ailleurs attestent de l’ampleur du phénomène de harcèlement des migrants de Tanger à Fès, de Nador à Laayoune. Au cours de notre enquête, nous avons pu identifier deux types de véhicules utilisés pour ces opérations, achetés grâce à des financements européens. Comme ces utilitaires Fiat Doblo, visibles sur une vidéo d’arrestation de migrants, diffusée en mai 2021 à la télévision marocaine, identiques à ceux d’un lot acheté à partir de 2019 grâce au FFU. Ou ces 4 × 4 Toyota Land Cruiser, utilisés lors d’arrestations dont les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux, et qui correspondent aux modèles achetés par l’Espagne, puis par l’Europe dans le cadre du FFU.
    Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, filmées à Rabat, le 19 octobre 2023.
    Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, filmées à Rabat, le 19 octobre 2023.
    Lors de ces arrestations collectives, le mode opératoire est toujours identique : deux minivans blancs stationnent dans un quartier fréquenté par des migrants, tandis que plusieurs agents en civil se mêlent à la foule. Ils contrôlent, puis appréhendent les migrants, avant de les faire monter dans les véhicules. Une vingtaine de personnes, que nous avons interrogées, assurent avoir été témoins ou victimes de violences policières lors de ces arrestations.
    Le 19 octobre 2023 à l’occasion d’une opération que nous avons documentée, un bus des forces auxiliaires a pris la direction de Khouribga, une bourgade à 200 kilomètres au sud de Rabat. En pleine nuit, les officiers ont déposé une dizaine de jeunes hommes à l’entrée de la petite ville. Ces derniers ont ensuite marché vers la gare routière, avant de rejoindre un petit groupe de migrants, eux-mêmes déportés quelques jours plus tôt. Parmi eux, Aliou, un Guinéen de 27 ans, affirme avoir été déplacé de la sorte « près de 60 fois » depuis son arrivée au Maroc, en 2020.

    C’est une valse incessante qui se joue ce 25 janvier, en fin de matinée, devant le commissariat du quartier de Ksar, à Nouakchott. Des véhicules vont et viennent. A l’intérieur de l’un d’eux – un minibus blanc –, une dizaine de migrants, le visage hagard. A l’arrière d’un camion de chantier bleu, une cinquantaine d’exilés se cramponnent pour ne pas basculer par-dessus bord. Tous ont été arrêtés par la police mauritanienne. Chaque jour, ils sont des centaines à découvrir l’intérieur décrépi de ces petits baraquements ocre. Cette étape ne dure que quelques jours au plus. « Il y a plusieurs bus par semaine qui partent vers le Mali », confirme un visiteur du commissariat faisant office de centre de rétention.
    Sur ces images filmées en Mauritanie, en caméra cachée, plus d’une dizaine de migrants sont sur le point d’être déposés devant le centre de rétention de Ksar, à Nouakchott, avant d’être déportés loin de la ville, le 25 janvier 2024.
    Sur ces images filmées en Mauritanie, en caméra cachée, plus d’une dizaine de migrants sont sur le point d’être déposés devant le centre de rétention de Ksar, à Nouakchott, avant d’être déportés loin de la ville, le 25 janvier 2024. Certains migrants ont été appréhendés dans les rues de Nouakchott. « Le bus des policiers se promène dans les quartiers où vivent les migrants, comme le Cinquième [un quartier à l’ouest de Nouakchott], témoigne Sady, un Malien arrivé en Mauritanie en 2019. Les policiers entrent dans les boutiques. Ils demandent aux gens : “Tu es étranger ?” Puis ils les emmènent. A chaque fois, j’ai vu des gens se faire frapper, maltraiter. On vit avec la crainte de ces refoulements. »
    « Les éventuelles interpellations concernant les étrangers en situation irrégulière se font conformément aux conventions, lois et règlements en vigueur, sans arbitraire ni ciblage de zones ou de quartiers spécifiques », assure le porte-parole du gouvernement mauritanien, Nani Ould Chrougha. Bella et Idiatou ont, quant à elles, été interceptées en mer par des gardes-côtes, lors d’une tentative de traversée en direction des îles Canaries, confettis d’îles espagnoles à plusieurs centaines de kilomètres des côtes africaines. Le traitement qui leur a été réservé est le même que pour les autres migrants, alors qu’elles bénéficiaient d’un titre de séjour mauritanien : une expulsion manu militari vers les frontières sud du pays. « Des expulsions vers le Sénégal et le Mali, sur des bases raciales, ont eu lieu entre 1989 et 1991, souligne Hassan Ould Moctar, spécialiste des questions migratoires. Mais les demandes répétées de l’Union européenne en matière migratoire ont réactivé cette dynamique. »Pour Bella et Idiatou comme pour Sady, la destination finale est Gogui, à la frontière malienne, une zone désertique à plus de 1 000 kilomètres de Nouakchott. « Ils nous ont jetés hors du bus, puis ils nous ont poussés vers la frontière. Ils nous ont chassés comme des animaux et ils sont partis », raconte, révoltée, Idiatou, quand nous la rencontrons au Sénégal, où elle a trouvé refuge. Ce récit, neuf migrants au total l’ont confié au Monde. Sady, qui vivait à Nouakchott grâce à des petits boulots, a été repoussé deux fois. Selon un document interne du HCR, que Le Monde a consulté, plus de 300 personnes dénombrées par le Haut-Commissariat ont fait l’objet du même traitement en 2023. La majorité d’entre elles assurent avoir été victimes de violations des droits humains. Sollicité, un porte-parole du HCR confirme avoir « reçu des rapports faisant état de cas de refoulement vers le Mali » et « plaider auprès des autorités mauritaniennes pour mettre fin à de telles pratiques ». « Les migrants en situation irrégulière sont reconduits aux postes-frontières officiels de leur pays de provenance », se défend le porte-parole du gouvernement mauritanien, selon lequel le procédé est conforme à la loi et réalisé en assurant une « prise en charge totale – nourriture, soins de santé, transport ». La Mauritanie est depuis quinze ans l’un des verrous des routes migratoires qui mènent en Espagne. D’après notre décompte, sans inclure l’argent promis début 2024, plus de 80 millions d’euros ont été investis par l’UE dans le pays depuis 2015, destinés surtout au renforcement des frontières, à la formation des effectifs de police ou encore à l’achat de véhicules. Les groupes d’action rapide-surveillance et intervention (GAR-SI), des unités d’élite financées par l’UE dans plusieurs pays du Sahel à travers le FFU, ont également fait partie du dispositif. En 2019, ils ont ainsi livré à la police mauritanienne 79 personnes appréhendées sur le territoire, d’après un document interne de l’UE. Un rapport non public de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), daté de février 2022, mentionne qu’une bonne partie de leurs effectifs – plus de 200 hommes – a été déployée à Gogui pour des missions de « surveillance frontalière ».
    En outre, plusieurs véhicules utilisés pour assurer les expulsions de Nouakchott vers le sud du pays correspondent à des modèles livrés par des Etats membres. Comme ces pick-up Toyota Hilux fournis par l’Espagne, « pour la surveillance du territoire ou la lutte contre l’immigration irrégulière ». Depuis 2006 et en vertu d’un accord bilatéral de réadmission de migrants entre les deux pays, une cinquantaine de policiers espagnols sont déployés en permanence à Nouakchott et à Nouadhibou, les deux principales villes du pays. Des moyens techniques, dont des bateaux, sont également mis à disposition. En 2023, près de 3 700 interceptions en mer ont ainsi été réalisées par des patrouilles conjointes, d’après un décompte du ministère de l’intérieur espagnol, consulté par Le Monde. Plusieurs sources policières et un visiteur des centres de rétention mauritaniens attestent de la présence fréquente de policiers ibériques à l’intérieur. Bella et Idiatou assurent avoir été prises en photo par ces derniers au commissariat de Nouakchott. Interrogée sur ce point, l’agence espagnole Fiiapp, principal opérateur de ces projets de coopération policière, a nié la présence d’agents dans le centre de rétention. Les autorités mauritaniennes, quant à elles, ont confirmé l’existence d’« échange d’informations dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine », mais « dans le respect de la vie privée des personnes et de la protection de leurs données personnelles ». Selon un autre document du HCR, daté de janvier 2023, des migrants rapportent que les Espagnols ont participé aux raids les visant. « Parfois, ils essayaient même d’expulser des gens qu’on avait identifiés comme réfugiés », se souvient un salarié de l’agence, que nous avons interrogé. « Notre équipe de policiers sur le terrain n’est pas au courant de telles pratiques », assure la Fiiapp. Quand le ministère de l’intérieur espagnol se borne à répondre que ses effectifs travaillent « dans le respect des droits de l’homme, et en accord avec la législation nationale et internationale ».
    Un matin de novembre 2023, dans la ville tunisienne de Sfax, Moussa, un demandeur d’asile camerounais de 39 ans, et son cousin sortent d’un bureau de poste lorsqu’ils sont interpellés par les autorités. En quelques heures, les deux hommes se retrouvent à la frontière libyenne, remis aux mains d’une milice, puis enfermés dans l’un des centres de détention pour migrants du pays. Pendant plusieurs mois, ils subissent des violences quotidiennes.
    Selon la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), près de 9 000 personnes ont été « interceptées » depuis l’été 2023 par les autorités de Tripoli, à la frontière tunisienne. Dans une note interne que nous avons consultée, la Manul déplore des « expulsions collectives » et des « retours forcés sans procédure », exposant les migrants à de « graves violations et abus des droits humains, avec des cas confirmés d’exécution extrajudiciaire, de disparition, de traite, de torture, de mauvais traitement, d’extorsion et de travail forcé ». « Ils repartent d’où ils viennent, car ils causent des problèmes », justifie, sous le couvert de l’anonymat, un agent de la garde nationale. Sollicité, le ministère des affaires étrangères tunisien réfute les accusations d’« expulsion de migrants d’origine subsaharienne vers des zones désertiques », les qualifiant d’« allégations tendancieuses ».
    Dès le 7 juillet 2023, Frontex, l’agence européenne de garde-frontières, est pourtant informée – selon un rapport interne dont nous avons pris connaissance – de ces « opérations » consistant à « conduire des groupes de ressortissants subsahariens jusqu’à la frontière [de la Tunisie] avec la Libye et l’Algérie, en vue de leur refoulement ». Frontex ajoute que ces opérations sont surnommées sur les réseaux sociaux « ménage de blacks ». Une source européenne anonyme, au fait du dossier, veut croire qu’« aucune ressource provenant de l’UE n’a contribué à ce processus [d’expulsion] », mais reconnaît toutefois qu’il est « très difficile de tracer une limite, car [l’UE soutient] les forces de sécurité ».
    Utilisation de ressources européennes
    Depuis une dizaine d’années, de fait, l’UE participe au renforcement de l’appareil sécuritaire tunisien, d’abord à des fins de lutte contre le terrorisme, puis contre l’immigration irrégulière. Jusqu’en 2023, elle a investi plus de 144 millions d’euros dans la « gestion des frontières », auxquels s’ajoutent les aides directes des Etats membres, permettant l’achat d’équipements comme ​​des navires, des caméras thermiques, des radars de navigation… Près de 3 400 agents de la garde nationale tunisienne ont par ailleurs reçu des formations de la part de la police fédérale allemande entre 2015 et août 2023 ; et deux centres d’entraînement ont été financés par l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas, à hauteur de 8,5 millions d’euros.
    L’enquête du Monde et de ses partenaires montre que certaines de ces ressources ont directement été utilisées lors d’expulsions. Ainsi, Moussa a formellement identifié l’un des véhicules dans lequel il a été déporté vers la Libye : un pick-up Navara N-Connecta blanc du constructeur Nissan – modèle analogue aux 100 véhicules offerts à la Tunisie par l’Italie, en 2022 pour « lutter contre l’immigration irrégulière et la criminalité organisée ». A Sfax, en Tunisie, ces véhicules utilisés par la police lors d’une arrestation collective sont du même modèle que ceux fournis par l’Italie en 2022, comme le montre un document nos équipes se sont procuré.
    En 2017, le gouvernement allemand avait, lui aussi, offert à la Tunisie 37 Nissan Navara, en plus d’autres équipements, dans le cadre d’une aide à la « sécurisation des frontières ». Deux vidéos publiées sur les réseaux sociaux, et que nous avons vérifiées, montrent également l’implication des mêmes véhicules dans les opérations d’arrestation et d’expulsion menées par les autorités tunisiennes dans la ville de Sfax. Contacté, le ministère de l’intérieur allemand s’est dit attaché « à ce que les équipements remis dans le cadre de la coopération bilatérale soient utilisés exclusivement aux fins prévues », tout en estimant que les véhicules décrits par notre enquête sont « très répandus en Afrique ». Les autorités italiennes n’ont pas répondu à nos sollicitations.
    En dépit de la situation, largement relayée par la presse, de centaines de migrants repoussés dans les zones frontalières du pays, l’UE a signé, le 16 juillet 2023, un mémorandum d’entente avec la Tunisie, devenue le premier point de départ des migrants vers le continent. Un accord érigé en « modèle » par Mme von der Leyen. La médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a toutefois ouvert une enquête sur ce mémorandum : « Le financement de l’UE (…) ne doit pas soutenir les actions ou mesures susceptibles d’entraîner des violations des droits de l’homme dans les pays partenaires », a rappelé Mme O’Reilly à Mme von der Leyen, dans une lettre rendue publique le 13 septembre 2023.
    « Les Etats européens ne veulent pas avoir les mains sales. Ils sous-traitent donc à des Etats tiers des violations des droits de l’homme, estime, pour sa part, Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Jean-Moulin-Lyon-III. Mais, du point de vue du droit, ils pourraient être tenus pour responsables. » La Commission européenne nous informe par la voix d’un porte-parole que « l’UE attend de ses partenaires qu’ils remplissent leurs obligations internationales, y compris le droit au non-refoulement » et que « tous les contrats de l’UE contiennent des clauses relatives aux droits de l’homme permettant à la Commission d’ajuster leur mise en œuvre si nécessaire ». Or, des documents que nous nous sommes procurés attestent de la connaissance que les instances de l’UE ont de ces arrestations et de ces déportations collectives. Une décision de la Commission européenne, de décembre 2019, à propos des financements de l’UE au Maroc, fait par exemple référence à une « vaste campagne de répression » contre des migrants subsahariens, se traduisant par des arrestations et des expulsions « illégales » dans des zones reculées. Dans un rapport finalisé en 2019, la Cour des comptes européenne s’inquiétait, déjà, de l’opacité avec laquelle les fonds attribués par les Vingt-Sept aux autorités marocaines étaient utilisés, ainsi que du manque de « procédures de contrôle ».
    En Mauritanie, plusieurs officiels du HCR, de l’OIM ou des forces de police espagnoles confient avoir connaissance de la pratique d’expulsion en plein désert. Des éléments repris dans un rapport et une recommandation du Parlement européen datés de novembre 2023 et janvier 2024. Alors que le déploiement de Frontex en Mauritanie est en cours de discussion, l’agence rappelait, en 2018, dans un guide de formation à l’analyse de risques, destiné aux Etats africains partenaires dans la lutte contre l’immigration irrégulière, que la « charte africaine des droits de l’homme et des peuples interdit les arrestations ou détentions arbitraires ». En dépit de cette attention, Frontex a ouvert une cellule de partage de renseignement à Nouakchott, dès l’automne 2022, et procédé à la formation de plusieurs policiers. Parmi eux se trouvent plusieurs agents en poste au centre de rétention de Nouakchott. Celui-là même par lequel transitent chaque jour des migrants victimes de déportation collective.

    #Covid-19#migrant#migrant#UE#tunie#maroc#mauritanie#espagne#frontex#oim#hcr#droit#sante#refoulement#violence#migrationirreguliere#politiquemigratoire#routemigratoire

  • « La qualification des actes commis à #Gaza, notamment l’existence d’un possible #génocide, mobilisera les juristes internationaux pour les années à venir »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/21/la-qualification-des-actes-commis-a-gaza-notamment-l-existence-d-un-possible

    Face à la tragédie en cours à Gaza, certains choisissent de s’indigner de l’accusation de génocide à l’encontre d’Israël, plutôt que des atrocités commises. Ils rejettent une accusation qui reviendrait à « franchir un seuil moral », pour reprendre les propos du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, en janvier. Si le concept « génocide », créé par Raphael Lemkin en 1944 pour désigner l’intention délibérée d’anéantir un peuple, porte effectivement un poids symbolique considérable, en particulier vis-à-vis d’un Etat conçu comme un refuge pour les survivants de l’Holocauste, il est juridiquement défini, tant par le droit conventionnel que par la jurisprudence internationale. Dans le tumulte d’un conflit historique qui exacerbe passions, peurs et haines, le droit international constitue une boussole bienvenue.

    Contrairement à ce qui est parfois suggéré, le génocide ne se limite pas à l’extermination d’un peuple. L’article 2 de la Convention [pour la prévention et la répression du crime de génocide] de 1948 inclut, outre le meurtre, quatre actes susceptibles de constituer ce crime, dont l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ou leur soumission à des conditions d’existence devant entraîner leur destruction physique.

    Or, c’est précisément en raison des conditions de vie inhumaines imposées par Israël à la population gazaouie, notamment l’utilisation de la famine comme une arme de guerre et la destruction systématique des infrastructures et de l’environnement, que les juges de la Cour internationale de justice (CIJ) ont estimé, le 26 janvier, qu’il existait un « risque plausible de génocide » à Gaza. Ils ont ordonné des mesures conservatoires strictes, renforcées le 28 mars, pour tenter de le prévenir ou d’y mettre un terme.

    Pour qu’un acte soit qualifié de génocide, il doit être commis « dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel », ce qui le distingue fondamentalement des autres crimes internationaux. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’ensemble des dirigeants de l’Etat partagent cette intention criminelle. Il suffit, en réalité, que certains hauts responsables militaires ou politiques l’envisagent.

    Réinventer « la guerre juste »

    Or, c’est précisément ce que les juges de la #CIJ soulignent, lorsqu’ils relèvent, dans leur ordonnance, la trace de cette intention dans les déclarations de certains responsables israéliens, par exemple celles du président d’Israël, [Isaac] Herzog, promettant de « briser la colonne vertébrale » des civils de Gaza, ou du ministre de la défense, Yoav Gallant, les comparant à des « animaux humains ». Dans son rapport du 25 mars, « Anatomie d’un génocide », Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, tire des conclusions plus fermes de ces déclarations, concluant qu’il existe désormais « des motifs raisonnables de croire que le seuil du génocide par Israël est atteint ».

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    • Au prétexte qu’Israël serait « la seule démocratie du Proche-Orient » et mènerait un combat civilisationnel contre le Hamas, certains semblent considérer que le mode de gouvernance de l’Etat hébreu ou l’atrocité indiscutable des crimes commis par le groupe islamiste le 7 octobre dispenseraient l’armée israélienne de respecter le droit international.

      En procédant de la sorte, ils réinventent en réalité le concept de « guerre juste » qui a justifié certaines des pires atrocités de l’histoire humaine. Ils confondent la légalité du déclenchement de la guerre avec celle des opérations menées durant le conflit. Il convient de réaffirmer, au contraire, l’universalité de la prohibition des crimes internationaux sans exigence de réciprocité, ce qui signifie que leur commission alléguée par l’une des parties n’autorise aucunement l’autre à en faire de même.

      Privés de justice internationale
      D’autres considèrent, enfin, que l’emploi du terme « génocide » ne serait requis que lorsque l’intention génocidaire est définitivement établie par une juridiction internationale. Cette position est absurde tant d’un point de vue historique que juridique.

      En effet, l’existence d’un génocide ne se limite pas à son constat judiciaire. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler que la notion n’existait pas au moment des procès de Nuremberg [1945], et que des millions de victimes, en Syrie, en Birmanie et ailleurs, sont privées de justice internationale, en raison notamment de blocages politiques au Conseil de sécurité.

      En outre, comme l’a rappelé la CIJ dans son arrêt Bosnie-Herzegovine contre Serbie de 2007, l’obligation légale des Etats de prévenir le génocide a précisément pour objet d’empêcher, ou de tenter d’empêcher, la survenance d’un tel crime, ce qui nécessite forcément de le nommer avant qu’il ait lieu.

      Il est difficile de distinguer, au premier abord, un génocide des crimes contre l’humanité – de persécution ou d’extermination par exemple – dont sont accusés le premier ministre et le ministre de la défense israéliens par le procureur de la CPI. Il est même impossible d’identifier quand débute précisément un génocide tant l’histoire nous montre que les pires crimes de masse sont souvent le fruit de processus multifactoriels et de longues années d’oppression, de discrimination et de déshumanisation de la population ciblée.

      La qualification des actes commis en Israël et en Palestine, notamment l’existence d’un possible génocide, est une tâche complexe qui mobilisera juristes et juridictions internationales pour les années à venir. Elle fera l’objet de débats académiques et juridiques importants et légitimes. Mais l’énergie que déploient certains à dénoncer l’utilisation de ce terme ne s’inscrit pas dans cette démarche. Elle vise, en réalité, à nier la gravité des crimes commis par Israël à Gaza et en Cisjordanie. Elle révèle surtout une compassion sélective et une indifférence à la souffrance du peuple palestinien, dont certains continuent toujours de nier l’existence. C’est aussi cette invisibilisation que dénoncent certains de ceux qui utilisent le terme aujourd’hui.

      Johann Soufi est avocat et chercheur spécialisé en droit international pénal.

  • En Tunisie, des migrants camerounais interceptés en mer et abandonnés à la frontière algérienne
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/21/en-tunisie-des-migrants-camerounais-interceptes-en-mer-et-abandonnes-a-la-fr

    En Tunisie, des migrants camerounais interceptés en mer et abandonnés à la frontière algérienne
    Par Nissim Gasteli (Tunis, correspondance)#
    Une longue coque blanche de 35 mètres surmontée d’une cabine à deux étages : François, un Camerounais de 38 ans qui préfère ne pas donner son nom complet, reconnaît immédiatement l’un des douze patrouilleurs de la garde nationale tunisienne, offerts par l’Italie en 2014, et dont la maintenance est toujours assurée par Rome. Le don, d’une valeur de 16,5 millions d’euros, a permis aux autorités tunisiennes de renforcer le contrôle de leur frontière maritime avec l’Union européenne (UE).
    Rencontré dans un appartement de Tunis par Le Monde, qui a enquêté avec le média à but non lucratif Lighthouse Reports et sept médias internationaux sur les violations des droits humains subies par des migrants dans les pays du Maghreb, parfois avec des moyens alloués par des pays de l’UE, François raconte.
    Les yeux rivés sur l’écran d’un téléphone qui affiche une image du bateau, il se souvient s’être retrouvé à bord, avec sa compagne, Awa, et l’enfant de cette dernière, Adam, un matin de septembre 2023, alors qu’ils tentaient de rejoindre l’île italienne de Lampedusa à bord d’un petit rafiot. Des semi-rigides rapides interceptaient des embarcations de migrants avant de les transborder sur le patrouilleur. Celui-ci finissait par revenir au port de Sfax, « pour déposer » les migrants. Débarquée, la petite famille a été abandonnée la nuit suivante par la même garde nationale dans une zone montagneuse et désertique, à la frontière algérienne, avec près de 300 personnes, réparties en petits groupes, toutes ressortissantes d’Afrique. « Lorsqu’ils nous ont déposés, [les agents] nous ont dit : “Là-bas, c’est l’Algérie, suivez la lumière. Si on vous voit à nouveau ici, on vous tirera dessus.” » Le groupe d’une vingtaine de personnes, parmi lesquelles des hommes, des femmes dont deux sont enceintes et un enfant, s’exécute, mais se heurte immédiatement à des « tirs de sommation du côté algérien ». Ils font alors demi-tour.
    Pendant neuf jours, ils sont contraints de marcher à travers les montagnes, de dormir à même le sol, avant de regagner la ville de Tajerouine, dans l’ouest du pays, raconte François, données GPS et photos à l’appui. « Après une semaine sans sommeil, sans manger, vous commencez à perdre l’équilibre, vous êtes proche de la mort », dit-il froidement, évoquant les douleurs « aux articulations, aux pieds, au dos, aux hanches, aux chevilles » et des « hallucinations » à cause de la déshydratation.
    La première fois que Le Monde l’a rencontré, début octobre 2023, dans la localité côtière d’El Amra, François revenait de cet enfer. Depuis, l’homme a encore été expulsé à deux reprises. En novembre, il est arrêté avec d’autres migrants à El Amra. Frappés à coup de « gourdin, de chaîne, de matraque » et dépouillés de tous leurs biens par des agents de la garde nationale, ils sont finalement expulsés au milieu des « dunes de sable », dans le désert du gouvernorat de Tozeur, raconte le Camerounais.
    Revenu dans la région de Sfax quelques jours après, François tente une troisième fois, fin décembre, la traversée vers l’Europe. Mais le même scénario se répète : son bateau est arraisonné par la garde nationale. « Je savais exactement ce qui allait se passer. Le même film recommence : nous sommes ramenés à Sfax, menacés, dépouillés, mis dans des bus. » François et Adam – Awa n’ayant pas réussi à embarquer sur le rafiot – sont à nouveau expulsés, avec des centaines de personnes, réparties en petits groupes, selon ses dires.
    Ils se retrouvent ainsi près de la ville frontalière de Haïdra avec une quinzaine de personnes. Parmi elles, une femme « appelle un de ses contacts » : un homme qui vient les chercher en camionnette pour les ramener jusqu’à Sfax. Mais, à leur arrivée, ils sont déposés dans une maison et faits prisonniers. « Nous nous sommes retrouvés entre les mains d’hommes armés de machettes et de gourdins. Ils nous ont fait comprendre que nous devions payer [pour être libérés]. »
    Profitant de la vulnérabilité des migrants, des groupes criminels composés de Tunisiens et de migrants subsahariens prolifèrent dans le pays, s’enrichissant grâce à l’extorsion : la famille de François a dû verser une rançon de 300 euros, envoyée par une application mobile, pour qu’ils soient libérés, avec l’enfant, au bout d’une semaine. Par la suite, François a de nouveau été enlevé par l’un de ces groupes alors qu’il se trouvait dans un appartement qu’il louait à Sfax. Il a alors subi la torture à « coups de câbles électriques ». Des photos de lui, nu, sont envoyées à sa famille au Cameroun pour la convaincre de payer de nouveau une rançon avant qu’il parvienne à s’échapper par une fenêtre laissée ouverte. Epuisé par tant de souffrances, François a reconsidéré son rêve d’Europe.
    Contacté, le ministère tunisien des affaires étrangères réfute les accusations d’« expulsion de migrants d’origine subsaharienne vers des zones désertiques », les qualifiant d’« allégations tendancieuses » qui « n’engagent que leurs auteurs ». Les autorités italiennes n’ont pas répondu à nos sollicitations.

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  • Lassés d’alerter sur le climat sans être entendus, des chercheurs sortent de leur « neutralité »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/05/20/engagement-des-scientifiques-le-ton-monte-dans-les-labos_6234452_1650684.htm

    « Pendant toutes ces années, on a fait une grave erreur. Au nom d’une fausse idée de science neutre, on n’a pas fait comprendre aux gens qu’on est dans une crise existentielle », regrette le scientifique de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale. Il veut désormais « hausser le ton », montrer qu’il est « profondément touché » pour que « tout le monde le soit aussi ». Et ne plus s’interdire de nommer les « causes de la crise » : l’industrie polluante, l’agriculture intensive, les SUV.
    Comme Wolfgang Cramer, de plus en plus de climatologues, d’écologues, de physiciens ou de sociologues décident de sortir de leurs laboratoires pour investir l’agora. Tribunes, prises de parole sur les réseaux sociaux, soutiens à des actions en justice, désobéissance civile : ces scientifiques ne veulent plus se contenter de chroniquer les crises écologiques en cours. Frustrés par ce qu’ils perçoivent comme une « inaction », ils souhaitent non seulement alerter le grand public, mais aussi faire pression sur les acteurs politiques.

  • Les poubelles de l’histoire se remplissent à vitesse grand V : Joe Biden juge « scandaleux » le mandat d’arrêt requis contre Benyamin Nétanyahou par le procureur de la Cour pénale internationale
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/20/joe-biden-juge-scandaleux-le-mandat-d-arret-requis-contre-benyamin-netanyaho

    Le président américain, Joe Biden, a jugé « scandaleux » le mandat d’arrêt requis contre Benyamin Nétanyahou par le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan. Celui-ci a déclaré, lundi 20 mai, avoir soumis une requête pour la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ministre de la défense, Yoav Gallant, pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

    « Je vais être clair : quoi qu’insinue le procureur, il n’y a pas d’équivalence entre Israël et le Hamas, il n’y en a aucune », a affirmé Joe Biden. « Nous nous tiendrons toujours aux côtés d’Israël face aux menaces qui pèsent contre sa sécurité », a souligné le président américain. « Nous rejetons l’équivalence établie par le procureur entre Israël et le Hamas. C’est une honte », a appuyé son chef de la diplomatie, Antony Blinken, ajoutant par ailleurs que la CPI n’avait « pas de compétence juridique » sur Israël.