Vaccins, « Great Reset »... Julien Coupat et le Seuil…

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  • Émergentisme et effet de Seuil - Le Moine Bleu
    http://lemoinebleu.blogspot.com/2022/01/emergentisme-et-effet-de-seuil.html

    « Pendant des millénaires, avant que la biologie ne vienne tout embrouiller [sic], ce que l’on appelle à présent “le vivant” était plutôt l’animé — ce qui est doté d’une âme. En latin, en grec, en hébreu et dans tant d’autres langues, la notion d’âme —anima, psyché, rouakh— renvoie au souffle, au vent, à la respiration. Ce qui est vivant est donc ce qui est traversé, traversé d’un souffle. Vivre, ce n’est pas être un centre organique autogène, ni même une volonté de puissance ou une forme d’organisation — c’est participer de ce qui nous entoure. C’est être en état de participation cosmique. »

                    (Manifeste conspirationniste)

             *
    Quoi qu’il puisse se trouver des dialecticiens stupides, il ne saurait exister de réductionnisme intelligent. La célèbre et pathétique sentence d’un Changeux le prouve assez, lequel assimilait purement et simplement, au début de la contre-révolution libérale des années mil neuf cent quatre-vingt (dans son Homme neuronal), émergentisme et vitalisme, promettant au premier (du haut de sa suffisance neuroscientiste) le sort que la biologie moléculaire avait, selon lui, déjà réservé au second, à savoir le coup de massue définitif, suivi de l’extinction rapide. Or, l’émergentisme http://lemoinebleu.blogspot.com/2020/04/des-systemes-vivants-de-leur.html (il sera possible de nommer autrement, à volonté, une telle tendance foncièrement dialectique) reste incontestablement bien vivant, à proportion, précisons-le, de la charge critique et rationnelle qui lui sera associée. Notre émergentisme spontané pourrait ainsi, par exemple, se définir comme suit : toute habitude intellectuelle consistant à rechercher, derrière des choses ou des faits présentés comme semblables, une vérité de rapports complexes émergents permettant à la fois, dans le même mouvement, d’amalgamer ces faits et choses, et de les distinguer radicalement. C’est cette complexité qui fatigue le réductionnisme, le décourage et le dépasse. Le réductionnisme n’apprécie rien moins que les discours compliqués susceptibles de venir lui casser sa petite planète substantialiste, son joujou-clé du monde simpliste capable, seul, de lui ouvrir enfin les portes de la grande Authenticité mystique, éprouvée sans paroles. Le stalinien, le nazi, le monothéiste à l’ancienne ou le libéral d’avant-garde jouissent également de ce bonheur du grand Principe unique (le ≪Matérialisme≫, le Peuple, Dieu, le Marché) auquel on sacrifie tout, ce grand Principe transcendant toute nuance, toute explication, toute réflexion déjà menaçante. L’extrait du texte contemporain ci-dessus représente une illustration canonique du genre, saupoudrage resucé, et laidement rhapsodique, de tout ce qui se fit de pire et de plus efficace, hélas ! en matière d’irrationalisme au siècle dernier, qui continue grave d’empester l’atmosphère. Une colère monstre, donc, se trouve déployée là contre le discours ≪qui embrouille tout≫ — la ≪biologie≫, en l’espèce, mais de manière générale : tout jugement d’entendement tenté de distinguer, de morceler quelque peu l’intuition suprême. Symétriquement, la mobilisation générale est proclamée, en défense d’une soi-disant ≪participation cosmique≫ sentant fort sa vieille bergerie de l’Aître mais dont la niaiserie alpestre signifierait (donc) suffisamment... la vie. La vie en soi, la vie seule, la vie unique tout entière réduite à un même souffle embrassant, d’un sublime baiser absolu (rappelez-vous ce Monologue du Virus http://lemoinebleu.blogspot.com/2020/04/deep-virology.html d’un autre moment délirant récent) les singes, les algues, le SRARS-Cov2, les pierres ou les membres humains, par exemple, des éditions de la Fabrique. Il était dit, à l’époque (et la chose est encore rappelée dans l’extrait ci-dessus du Manifeste conspirationniste) que l’adversaire épistémologique, c’était le sujet. Le sujet, le pôle d’unité (ou ≪centre organique autogène≫ ; ou ≪forme d’organisation≫, etc), pour ces gens abreuvés dès leur plus jeune âge du lait foucaldien et heidegerrien, nourris au ressentiment antidialectique universitaire de production typiquement française, le sujet, donc, c’est le mal. Car tout sujet renvoie au sujet logique, à l’organisation de la phrase, seule capable de faire émerger un sens. En résumé, le sujet renvoie par principe à toute une philosophie de la syntaxe dont l’ontologie d’Aristote, en particulier, fournit le suprême exemple, certes aporétique. À ce mal subjectif (donc rationnel) s’opposerait un bien : la prolifération anarchique de ≪formes≫ de vie acéphales, dont la forme n’est au fond rien qu’une pauvre blague, puisqu’elle ne décide de rien quant à sa matière, et que cette dernière, en revanche, sans cristalliser jamais, ne manque, quant à elle, ni de projet ni de capacités stratégiques. On comprend la détestation portée à la biologie ≪qui embrouille tout≫ par ces sectateurs vitalistes de l’ontologie modale décentralisée. La moindre cellule du moindre animal n’est-elle cependant point porteuse d’un certain projet central ? La forme d’un tel projet n’en impose-t-elle pas de manière génétiquement évidente à sa matière ? Le Logos de Hegel et Aristote n’ont-ils pas eu raison contre Bergson, comme le rappelait Canguilhem ? Nul besoin d’être un sujet, rétorquent nos conspirationnistes du jour, pour élaborer des buts, des stratégies, des pensées, pourquoi pas ! mais qui n’auraient alors rien de distingué à opposer à cette matière, cette grande vie indifférenciée fournissant l’énorme principe bien commode de tout. Mais ≪la vie≫, n’en déplaise à ces messieurs-dames qui la cherchent partout sans fin, n’existe ni comme souffle archaïque, ni comme aucun autre principe isolable. Ce qui existe, c’est précisément la différence vitale, laquelle n’est accessible qu’à l’esprit. Cet esprit proprement humain qui, seul, par l’entremise de son sujet logique, se trouve apte à comprendre qu’il n’existe lui-même qu’en tant qu’extrémité de processus matériel (ou naturel) s’étant tragiquement oublié comme tel. Le paradoxe pénible restant que nos vitalistes, prétendant gagner sur tous les tableaux de la confusion, demeurent en guerre (officielle) ouverte contre de prétendus ennemis bio-politiciens prétendant, à les croire, entretenir, gérer, voire parfois même produire si besoin cette fameuse vie nue qu’ils prétendent eux-mêmes avoir découvert et percé à jour comme souffle transcendantal. Mais bref : au-delà de cette ineptie reconnue, encore et encore, à ce concept foireux de bio-politique dans tous ses variants possibles (plus ou moins virulents et agressifs pour les poumons et le cerveau), le conflit reste donc le même entre partisans, d’un côté, de l’immédiateté, de l’irréflexion, de l’irrationalisme, et ceux de la médiation (ennemis reconduits de l’enthousiasme absolutiste). Les premiers ont toujours pour eux la séduction, à caractère largement juvénile (qui dure, ou prétend durer) et la prétention perpétuelle à l’espérance, le plus souvent très mal comprise, c’est-à-dire théologiquement (d’où leur fascination récurrente pour le kabbalisme, dont on leur Segré, ou toute autre mysticité archaïque et/ou gnostique produite en quantité suffisante sur le marché actuel conjoint de la dépression et du développement personnel). Les amis de la médiation, de leur côté, sont - il est vrai ! souvent grandement ennuyeux, rabat-joie, pessimistes. Ils ne voient pas la rose dans la croix du présent, certes. C’est déjà ça. Et ce monde les dégoûte bel et bien, principalement dans le dévoiement qu’il incarne de la raison. Mais on les trouve bien indécis au moment de l’attaque, saturés d’un doute paralysant préjudiciable à l’entertainment, à la sacro-sainte ≪Praxis≫ jugée par eux, pour l’heure, largement corrompue dans l’oeuf (sauf le jaune, parfois, pour peu qu’il porte gilet) et impossible. En attendant mieux, il leur reste néanmoins le corpus imposant, et renouvelé par roulement semestriel, des textes à visée conspirationniste-blanquiste-vitaliste, à lire et relire au lit, au matin, histoire de rigoler un peu. En constatant que, décidément, rien ne change au pays du Bloom.

    https://www.youtube.com/watch?v=noo1_wUGsIU

    #covid-19 #pandémie #horsolistan

    https://seenthis.net/messages/944728

  • Sous-entendus mortifères du « Manifeste conspirationniste » | Yves Pagès
    https://blogs.mediapart.fr/yves-pages/blog/270122/sous-entendus-mortiferes-du-manifeste-conspirationniste

    La sortie du « Manifeste conspirationniste » par une fraction schismatique du défunt Comité Invisible, adoube à mots couverts les délires méta-complotistes soi-disant propices à la révolte collective, en accréditant l’hypothèse d’une pandémie « planifiée » pour justifier un « ordre mondial » de la surveillance généralisée. Bref, en pariant sur une politique du pire mortifère. Source : Les blogs de Mediapart

    • le faux est un moment du vrai

      ...on y décèlera les traces d’un travers plus ancien, emprunté à coup sûr à un membre fondateur de l’Internationale Situationniste, Guy Debord, lui qui n’ayant pas pu supporter l’hétérogénéité dissensuelle de son collectif d’agitation politico-artistique à tout fait pour en devenir l’éminence grise, chose faite de façon posthume (avec Philippe Murray principal disciple droitier qu’il fut sans conteste, ça devrait en faire réfléchir certains…). Je ne rappellerai que deux jalons du virus complotiste déjà à l’œuvre dans la dérive des quinze derniers années de Debord.

      https://seenthis.net/messages/946004
      https://seenthis.net/messages/944728

    • De fait, dans ce Traité de contre-contresubversion à la prose ciselée mais fourre-tout, aux illustrations démagos tirés du Net et à la provoc mûrement calibrée mais si prévisible, s’exprime une irrésistible pulsion publicitaire – celle d’être désigné par les autorités comme les pires « ennemis intérieurs ». Tout un programme : se vanter chez un grand éditeur d’être les agents secrets de la sédition finale, renversant les puissances occultes du Big Brother économique au moyen d’une coalition confuse entre toutes les rancœurs socio-politiques, fraternelles ou xénophobes, queer ou machistes, boutiquières ou précaires, peu importe du moment qu’on fasse bloc sous les cagoules. Pauvre stratagème confusionniste faisant miroiter ce miracle chimérique : et si les extrêmes confluaient pour le meilleur, c’est-à-dire à l’encontre d’un ennemi commun... ?! Ce qui, dans l’Histoire, est toujours revenu à une politique du pire.

      Dès lors, comment s’étonner que cet ouvrage y dédaigne les millions de morts de la Covid, qu’on y fasse l’impasse sur la réalité même du virus (dans la lignée des écrits récents d’Agamben se demandant si ce n’est pas un leurre destiné à renforcer une société de contrôle, selon l’adage bas-du-front : « à qui profite le crime ? », flirtant ici avec un négationnisme sanitaire : une pathologie inventée de toutes pièces pour que l’occasion nous fassent larrons d’un ordre sécuritaire). Et comment s’étonner ensuite qu’on pourfende d’abord dans ce Manifeste les anti-complotistes, ces alliés béats du système mystificateur en place. Et qu’on se moque avec morgue en général de celles et ceux qui créent des cantines populaires, fabriquent des masques, d’auto-organisent des protocoles sanitaires cohérents, maintenant ainsi des lieux de rencontre en prenant soin les un.e.s des autres

  • « On ne négocie plus.

    On a mis un physio à la porte de la société.

    Tout le monde ne peut pas entrer.

    Il va s’agir d’en être.

    C’est ce que le “pass sanitaire” vient entériner. En douceur. Électroniquement. Tactilement. »

    Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

    On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif. La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’oeuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite.

    • Et si conspirer était une bonne idée ?
      https://reporterre.net/Et-si-conspirer-etait-une-bonne-idee

      On étouffe !

      On étouffe sous les ordres absurdes, les amendes à répétition, les contradictions et les oukases, les pseudo-experts, les mensonges et les vérités qui se transforment au cours du temps, l’impossibilité de discuter et de réfléchir. On étouffe après deux ans d’infantilisation, de déni de l’intelligence collective, d’injures de président, d’enrichissement des milliardaires. Alors qu’on agit face à la pandémie, parce que nous sommes des citoyens et non pas des sujets, nous étouffons sous la morgue de tous ces gens.

      Et c’est parce qu’on étouffe que cela fait un grand bien de lire le Manifeste conspirationniste. De même qu’ouvrir la fenêtre est la méthode efficace pour évacuer le virus possiblement flottant dans la respiration commune, de même ce livre est une porte ouverte pour aérer le débat et sortir de l’hébétude collective.

      Mais surtout, le Manifeste conspirationniste entend « raconter l’envers de l’histoire contemporaine » à propos du bouleversement créé par le Covid et la façon dont le monde y a fait face. Pour les auteurs, « le monstre qui s’avance sur nous depuis deux ans n’est pas un virus couronné d’une protéine, mais une accélération technologique dotée d’une puissance d’arrachement calculée. Nous sommes chaque jour témoins de la tentative de réaliser le projet transhumaniste dément de la convergence des technologie NBIC ». Les NBIC désignent les nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives, appelées à fusionner dans l’avenir, selon un colloque pionnier de la National Science Foundation en 2001, et qui a contribué à lancer ce qui allait devenir le transhumanisme, ainsi que le concept de « quatrième révolution industrielle » décrit par Klaus Schwab, le fondateur de forum de Davos où conspirent chaque année les puissants de ce monde. Cette numérisation intégrale de l’économie, pour résumer ainsi le projet, constitue, selon les capitalistes, notre avenir.

      On apprend aussi, dans des chapitres bien informés et passionnants, comment les techniques de contrôle social, alias « psychologie sociale », « sciences comportementales » ou « behaviorisme » ont été mises en œuvre dans ces scénarios, mais élaborées dès la fin des années 1940, dans le contexte de la guerre froide, avec un soutien constant de la CIA, la principale agence d’espionnage des États-Unis. « L’hypothèse anthropologique de toute la psychologie sociale est que les humains n’agissent pas en fonction de ce qu’ils pensent et de ce qu’ils disent. Leur conscience et leurs discours servent uniquement à justifier a posteriori les actes qu’ils ont déjà posés. » Il s’agit ainsi de mettre en œuvre des techniques, telle celle du « pied dans la porte » par exemple, sur le port du masque en extérieur, qui n’a pas d’utilité contre la contamination : « Celui qui se soumet à une norme aussi dénuée de fondement aura tendance à accepter à sa suite tous les autres changements de normes, bien moins anodins, eux. » Les auteurs décrivent ainsi diverses façons de façonner le comportement humain élucidées par les sciences comportementales, tels « l’effet de gel », « l’effet d’ancrage », « la soumission à l’autorité », « l’effet de halo », etc.

    • https://seenthis.net/messages/944728
      https://seenthis.net/messages/946004
      https://seenthis.net/messages/948300

      À la demande de ses auteurs, nous relayons ce « Communiqué n°0 du #Comité-invisible »
      La Fabrique Editions

      La signification politique et morale de la pensée n’apparaît que dans les rares moments de l’histoire où « tout partant en miettes, le centre ne tient plus et la simple anarchie se répand dans le monde » ; où « les meilleurs n’ont plus de conviction, tandis que les médiocres sont pleins d’une intensité passionnée ». À ces moments cruciaux, la pensée cesse d’être une affaire marginale aux questions politiques. Quand tout le monde se laisse entraîner sans réfléchir par ce que le nombre fait et croit, ceux qui pensent se retrouvent comme à découvert, car leur refus de se joindre aux autres est patent et devient alors une sorte d’action.

      Hannah Arendt, Considérations morales

      Le Comité invisible est initialement une conspiration ouvrière lyonnaise des années 1830. Walter Benjamin note dans son Livre des passages : « Le Comité invisible – nom d’une société secrète à Lyon. » En février 2000, on pouvait lire à la fin de la Théorie du Bloom, publiée par La fabrique : « Le Comité invisible : une société ouvertement secrète / une conspiration publique / une instance de subjectivation anonyme, dont le nom est partout et le siège nulle part / la polarité révolutionnaire du Parti Imaginaire. » Le revers du même livre était politiquement plus explicite : il définissait le Comité invisible comme une « conjuration anonyme qui, de sabotages en soulèvements, finit par liquider la domination marchande dans le premier quart du XXIème siècle. » Par « Parti Imaginaire », nous entendions et entendons toujours l’ensemble de ce qui se trouve en butte – en guerre ouverte ou latente, en sécession ou en simple désaffection – à l’unification technologique et anthropologique de ce monde sous le signe de la marchandise. Nous nommions alors indifféremment « Empire » ou « monde de la marchandise autoritaire » le processus d’unification en question, par quoi la planète se constitue en un « tissu biopolitique continu ». On n’ignore qu’à ses dépens, en 2022, l’évidence de pareilles notions, ou en tout cas celle des intuitions que ces notions recouvrent. Dans ces conditions, le Parti Imaginaire forme à la fois le point aveugle et l’ennemi innommable d’une société qui n’admet plus que des erreurs à corriger dans sa programmation impeccable – en sus de quelques démons à écraser d’urgence. Lorsqu’à la faveur d’un coup d’éclat, le Parti Imaginaire fait tout de même effraction dans le Spectacle, on s’empresse de dénoncer l’action de quelque « minorité marginale ». On se garde bien de reconnaître que cette marge est désormais partout, et que cette société la produit à jet d’autant plus continu qu’elle prétend la résorber. Constamment renvoyé à l’irréalité d’un spectre, le Parti Imaginaire est la forme d’apparition du prolétariat « dans la période historique où la domination s’impose comme dictature de la visibilité et dans la visibilité. » (Tiqqun 1, « Thèses sur le Parti Imaginaire ») Et il est vrai que la sorte de désaffiliation intérieure dont cette société est frappée est le plus souvent si muette, si diffuse et si discrète que cela accuse en retour sa disposition à la paranoïa – cette maladie atavique et si souvent mortelle du pouvoir. « Dans un monde de paranoïaques, ce sont les paranoïaques qui ont raison », observions-nous alors.

      Malgré tous les efforts contraires, y compris les nôtres, les décennies écoulées se sont chargées de confirmer point par point ces thèses que l’on réputait alors alarmantes, folles voire carrément criminelles. En septembre 2001, le texte d’ouverture de la revue Tiqqun 2 se concluait par cette prémonition : « Les énoncés qui précèdent veulent introduire à une époque de plus en plus tangiblement menacée par le déferlement en bloc de la réalité. L’éthique de la guerre civile qui s’y est exprimée reçut un jour le nom de « Comité invisible ». Elle signe une fraction déterminée du Parti Imaginaire, son pôle révolutionnaire. Par ces lignes, nous espérons déjouer les plus vulgaires inepties qui pourront être proférées sur nos activités, comme sur la période qui s’ouvre. » (« Introduction à la guerre civile ») Comme prévu, les « plus vulgaires inepties » ne manquèrent pas d’être proférées, en novembre 2008, lorsqu’une dizaine de personnes furent arrêtées pour « terrorisme » sous la double accusation d’avoir commis une série de sabotages anti-nucléaires et d’avoir écrit un livre, L’insurrection qui vient, signé du Comité invisible. La presse fit alors une belle démonstration de la façon dont elle s’acquitte de sa tâche d’informer le public, en reprenant comme un seul homme les affabulations gouvernementales, et donc celles de la police antiterroriste. Elle se ridiculisa tout à fait, ce qui ne lui servit manifestement pas de leçon, ni quant à sa nature ni quant à notre endroit. Toute cette construction branlante finit par s’effondrer, non sans avoir induit un public plus large à lire le Comité invisible et causé quelques désagréments aux personnes mises en cause. S’il fallait absolument confirmer le caractère policier de la notion d’auteur – la nécessité de tenir un « responsable » pour toute vérité qui s’énonce en public –, toute cette affaire se chargea d’en administrer la preuve définitive. Au terme de dix pénibles années de procédure, le réquisitoire final du parquet revenait pesamment sur l’identité entre celui que l’on accusait des sabotages et que l’on suspectait d’avoir été la « plume principale » de L’insurrection qui vient. Les nécessités de la défense – depuis quand doit-on la vérité à ses ennemis ? – amenèrent à laisser l’un des inculpés, qui ne risquait rien en cas de procès et qui n’avait pas écrit trois lignes de L’insurrection qui vient non plus que des livres suivants, à revendiquer auprès de la juge la paternité de l’opuscule. Dans une époque où domine la mystification, il fallait s’attendre à ce que ce mensonge passe finalement pour une vérité, et que le menteur finisse presque par s’en convaincre lui-même, à force de passer pour tel. Ce garçon étant alors aussi le communicant des inculpés, il devait par la suite illustrer la tendance structurelle à l’autonomisation de la communication moderne, qui croit qu’il suffit de tenir un compte sur Twitter pour, seul derrière son smartphone, façonner le réel. Les gouvernants eux-mêmes ne cessent de se prendre les pieds dans ce tapis d’illusion. Au reste, on n’a jamais demandé à un communicant d’avoir une compréhension profonde de ce qu’il promeut ; cela peut même nuire à sa tâche.

      Le Comité invisible n’a jamais été un groupe, et moins encore un « collectif ». Nous sommes avertis de longue date contre les « communautés terribles ». Il n’est donc susceptible d’aucune dissolution, ni légale ni volontaire. La tragi-comédie des petits groupes, dont Wilfred Bion, avait déjà fait le tour en 1961, lui a toujours été épargnée. Les affres de la publicité, en revanche, ne lui ont pas été comptées. De combien de « membres du Comité invisible » avons-nous entendu parler, que nous n’avions jamais croisés ? Et combien de gens croisés qui doivent leur peu d’aura au mystère qu’ils entretiennent quant au fait qu’ils en « auraient été », voire qu’ils « en seraient » encore ? Cette vulnérabilité à l’usurpation et tout le régime de faux-semblants qu’il autorise constitue l’un des rares revers de l’anonymat, en ces sombres temps. Aussi bien, ce genre de supercheries ne trompe que les imbéciles. Le Comité invisible est une certaine intelligence partisane de l’époque. Cette intelligence se trouve éparpillée par éclats chez tous les irréconciliés de ce temps. On voit combien il s’agit peu d’en être, mais bien d’oeuvrer à rassembler ces éclats. De tenir, envers et contre toutes les manœuvres d’intégration, une position apparemment perdue dans la guerre du temps. « Qui changera, alors, le monde ? - Ceux à qui il déplaît. » C’était déjà la réponse de Brecht, en 1932, dans Kuhle Wampe.

      Le Comité invisible opère comme une instance d’énonciation stratégique. Celui qui écrit sous ce nom n’y parvient qu’au terme d’une certaine ascèse, d’un certain exercice de désubjectivation, où il se dépouille de l’ensemble des mécanismes de défense qui forment, en dernier ressort, le Moi : il tombe l’ego. À cette seule condition, il parvient à faire autre chose que « s’exprimer », pour exprimer plutôt ce qu’il trouve en suspension dans l’époque, et donc fatalement aussi en lui-même. C’est de ces poussières d’intuitions, d’observations, d’événements, de propos saisis au vol, d’expériences vécues ou menées, de gestes accomplis ou contrariés, de sensations confuses, d’échos lointains et de formules glanées que sont faits les textes du Comité invisible. Cela explique qu’il nous ait toujours été indifférent que l’un ou l’autre rédige une part écrasante de tel ou tel texte. Car qui écrit sous cette signature n’est littéralement personne, ou tous – tous les amis débattant de telle ou telle formulation unilatérale, de telle ou telle thèse, de telle ou telle perception, d’entre ceux qui tiennent la position schismatique du Comité invisible. Scribes de notre temps, en somme, c’est-à-dire du mouvement réel qui destitue l’état de choses existant. D’où l’absence effective d’auteur de ces textes. Il semble que la méthode ne soit pas si mauvaise : peu de gens peuvent prétendre n’avoir, après deux décennies, pas un mot à retirer de ce qu’ils disaient de leur temps, et pu tenir dans la durée une position si scandaleuse. « Se refuser à tenir pour valable l’état de choses, c’est l’attitude qui prouve l’existence, je ne dirais pas même d’une intelligence, mais l’existence de l’âme. » (Dionys Mascolo)

      La parution récente d’un livre réellement anonyme et parfaitement inacceptable pour l’époque, Le manifeste conspirationniste, a fourni l’occasion d’une remarquable tentative de revanche de tous ceux qui s’étaient sentis humiliés, à ce jour, par les « succès » du Comité invisible. Le signal du lynchage public fut donné à L’Express par des « informations » émanant de la police – une filature mal faite suivie de l’interception et de la destruction des correspondances visant un « prestigieux » éditeur parisien, filature que l’on n’ose attribuer, une nouvelle fois, à la DGSI. La valetaille journalistique suivit courageusement, sans se rappeler combien hurler avec les loups contre le Comité invisible lui avait peu réussi par le passé. Au point culminant de sa campagne, elle se flattait de ne rien comprendre audit Manifeste, non sans s’être préalablement plainte que le livre était trop informé dans trop de domaines pour pouvoir le contredire – pauvres choux ! Et quelle singulière époque ! Pour finir, on vit se joindre à la curée les vieux partisans négristes d’une « biopolitique mineure » voire d’une « biopolitique inflationniste » dont la défaite historique coïncide très exactement avec le succès de leurs idées du côté de l’Empire : c’est maintenant Klaus Schwab, du Forum Économique Mondial, qui est invité au Vatican pour deviser avec le Pape François de son philanthropique projet de revenu universel. Quant à la « biopolitique inflationniste », personne n’a plus besoin de dessin, après ces deux dernières années. « Parce que la plus redoutable ruse de l’Empire est d’amalgamer en un grand repoussoir – celui de la “barbarie”, des “sectes”, du “terrorisme” voire des “extrémismes opposés” – tout ce qui s’oppose à lui » (« Ceci n’est pas un programme », Tiqqun 2, 2001), nos spectres négristes en déroute et autres sous-foucaldiens d’élevage s’empressèrent de crier à la « confusion », au « fascisme », à l’« eugénisme » et pourquoi pas – tant qu’on y est – au « négationnisme ». Il est vrai, après tout, que le Manifeste en question fait un sort au positivisme. CQFD. Ceux dont le cours des choses invalide depuis les Gilets jaunes au moins toutes les certitudes, préfèrent se dire que ce sont les révoltes elles-mêmes qui sont confuses, et non eux-mêmes. Le « fascisme » qu’ils discernent partout est celui qu’au fond ils désirent, car il leur donnerait sinon intellectuellement du moins moralement raison. Quelque chance leur serait alors offerte de devenir enfin les victimes héroïques en lesquelles ils se rêvent. Ceux qui ont renoncé à combattre historiquement préfèrent oublier que la guerre de l’époque se livre aussi sur le terrain des notions – sans quoi, au reste, Foucault n’aurait pas arraché la « biopolitique » à ses concepteurs nazis et comportementalistes. Nous laissons à la gauche impériale la croyance qu’il existe une sorte de révolution qui soit drapée de pureté, et que c’est en multipliant les anathèmes moralisants, les mesures de prophylaxie politique et le snobisme culturel que l’on défait les contre-révolutions. Elle ne fait ainsi que se condamner, décomposée derrière ses cordons sanitaires et ses gestes-barrières, agrippée à ce qu’elle croit être son capital politique accumulé – se condamner à voir sa rhétorique tendre asymptotiquement vers celle des gouvernants.
      Pour nous, nous préférons de loin donner des coups, en prendre et en redonner.
      Nous préférons opérer.
      Nous ne nous rendrons jamais.

      Le 7 février 2022,

      Le Comité invisible

  • Deux mots des morts - sur le Manifeste conspirationniste
    http://mathieupottebonneville.fr/2022/01/26/1717

    22 janvier. – Page 1 on peut lire : « La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, « pire que la grippe espagnole de 1918 », était bien une mise en scène. Les documents l’attestant ont fuité depuis lors ; on le verra plus loin. Toutes les terrifiantes modélisations étaient fausses.«  . Suit une allusion au refus gouvernemental de considérer d’autre traitement que biotechnologiques (on croit reconnaître, perdu dans une allusion suffisamment faux-cul pour être inattaquable, le profil de médaille de Didier Raoult). On se pince, on tâche de se rassurer, évidemment ça ne durera pas, c’est une préface clickbait, l’ordinaire protestation amphigourique et générale dans le style grand siècle prendra le relais, mêlant rappel des infamies d’époque à l’air d’en savoir long, mais tout de même : on en sera passé par là, par la double négation consistant à réduire la pandémie à une mise en scène et à s’en détourner sitôt qu’elle aura joué son rôle de captatio benevolentiae, parce que compte moins au fond la vie et la mort des figurants de cette mise en scène (on songe aux brésiliens, aux tunisiens, aux 120000 disparus d’ici) que leur aptitude à servir de marchepied pour pérorer à leur place.

    Qu’une part de la gauche soit incapable de penser ensemble la pleine réalité de la crise sanitaire et la critique circonstanciée des effets d’aubaine autoritaires qu’elle représente ne fait pas honneur à son intelligence du présent.

    Que le torchon histrionique dont même le Comité invisible s’est vite démarqué ne se perçoive pas comme ce qu’il est, objectivement eugéniste (s’énoncant au nom de « tout ce qui ose encore respirer, les jeunes les pauvres, les dansants, les insouciants, les irréguliers ») n’étonne guère.
    Qu’il ait trouvé à se loger chez un grand éditeur est tout simplement consternant.
    25 janvier. — « Mais tu ne peux pas critiquer le livre en ayant lu seulement ces vingt-cinq premières pages ! »

    Il me semblait, à moi, que vingt-cinq suffisaient, que s’infuser dans la foulée trois cent cinquante pages de l’habituelle tambouille n’était pas indispensable, mais bon : puisqu’il fallait j’ai lu, du coup.

    Pas encore lu

    https://seenthis.net/messages/944728

    #conspirationnisme #covido-négationnistes

    • Le style conspirationniste
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/26/manifeste-style-conspirationniste

      Un tableau apocalyptique et halluciné du monde entier, mais aussi des âmes, dont l’objectif semble de provoquer une peur panique. On entend souvent que notre époque est livrée au complotisme. Si cela est le cas, voici le livre qu’elle mérite. Mais comment ce Manifeste conspirationniste fonctionne-t-il

    • Sur la soie des mers
      @Acrimonia1

      J’ai pu jeter un premier oeil sur le Manifeste Conspirationniste, en attendant plus exhaustif, déjà on y apprend que le Covid est une « divine surprise » (le choix de reprendre des mots de Maurras, le choc des photos : essentiellement des mêmes même pas drôles de conspi minables)Et puis, en accord avec la matrice complotiste telle que Vidal Naquet la décrit dans Les assassins de la mémoire : au fil des pages, la pandémie n’existe pas, le virus n’est rien et il a été fabriqué dans une optique contre insurrectionnelle dans les pires labo des technosciencesL’incohérence n’est pas un problème, ça doit être ça « rendre la vérité maniable comme une arme selon le conseil de Brecht » qui comme Kafka, Deleuze, Foucault et tous les poètes du XIXème siècle était conspis comme chacun peut le découvrir dans ce livre plein de scoops...et puis la planche de salut pourrie qui aurait pu éviter de couler complètement, le complot c’est l’Etat et la conspiration c’est la révolution, se retrouve plombée dès le début par un brouillage sciemment orchestré des deux termes, finalement interchangeables et équivalents

    • Les philosophes sont en guerre !

      – Philippe Corcuff attaque Pierre Tenne.

      Extrême droite : l’élégance méconnaissante de Pierre Tenne dans En attendant Nadeau !
      https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/030621/extreme-droite-l-elegance-meconnaissante-de-pierre-tenne-dans-en-att

      – Pierre Tenne critique Lordon.

      Pour une nouvelle théorie de la valeur
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2018/11/06/nouvelle-theorie-valeur-lordon

      J’attends avec impatience Lordon critiquant le grand penseur Mathieu Potte-Bonneville ! :)))

      #Critique-de-la-critique #gauche-intellectuelle

      La pandémie de Covid-19, une extraordinaire matière à penser qui bouleverse la philosophie politique
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/05/la-pandemie-de-covid-19-une-extraordinaire-matiere-a-penser-qui-bouleverse-l

      Enquête - Si elle a accentué les clivages chez les intellectuels critiques, la crise sanitaire due au coronavirus a aussi révélé le tournant écopolitique de la pensée française et l’émergence d’une nouvelle génération de théoriciens.

      Ainsi un virus mondialisé aura-t-il mis à l’arrêt le monde entier. Le local aura affecté le global et précipité l’avènement de sociétés sans contact où prime la distanciation sociale. La sidération aura provoqué, au cœur même des démocraties, une myriade d’états d’urgence sanitaire et de lois d’exception. Le grand confinement aura succédé à l’ère du consentement. Et, tel un voile non plus islamique mais hygiénique, le port du masque se sera imposé en Occident.

      Malgré le retour du tragique et la débâcle économique, en dépit de l’atmosphère de libération liée au déconfinement des populations, cette crise sanitaire est aussi une extraordinaire matière à penser. Pourtant, tous les intellectuels ne sont pas parvenus à passer du réflexe à la réflexion. Car beaucoup ont trouvé dans cette pandémie une façon assez convenue de confirmer leurs idées, théories, opinions ou points de vue.

      Ainsi a-t-on vu se déployer une critique attendue du « bougisme », du « mondialisme » et de la « société liquide ». De même a-t-on assisté au grand concert des causalités uniques, comme la « nature » (malmenée, donc vengeresse), la « souveraineté » (oubliée, donc impérieuse) ou le « capitalisme » (débusqué jusque dans les marchés traditionnels chinois). Sans oublier les solutions attenantes, comme le nationalisme (étatique et sanitaire), les barrières (hygiéniques et douanières, mais également identitaires), les frontières (nationales, mais aussi psychosociales), la révolte (nationale-populiste), la révolution (sociale-populaire), ou bien encore l’insurrection (qui viendrait enfin).

      Dans ce processus d’autoconfirmation qui affecte le monde politique et intellectuel, « chacun déroule son programme spécifique en y voyant à la fois l’explication (je vous l’avais bien dit) et la solution (la mienne) : l’écologie pour les écolos, le féminisme pour les féministes, le libéralisme pour les libéraux, la nation pour les nationalistes », analyse le sociologue Didier Lapeyronnie. A tel point que certains observateurs, comme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, y ont vu les signes d’une « pensée confinée ».

      La pensée confinée, c’est la pensée confirmée par les événements. Elle est indissociable de l’idéologie qui soumet la réalité à la logique d’une idée. Il n’est pas jusqu’à la focalisation quasi immédiate de la presse et de l’intelligentsia sur « le monde d’après » qui ne soit pas le signe d’une difficulté, voire d’une incapacité à penser l’événement. Car penser l’événement, c’est être capable de saisir le surgissement de l’inédit par la réforme de son entendement.

    • Et pour les Fans un colloque :
      https://alter.univ-pau.fr/fr/activites-scientifiques/manifestations-scientifiques/colloques/colloque-creer-le-present-imaginer-l-avenir.html
      Le présent au prisme de la pandémie de covid-19 : contours d’une communauté d’époque.

      Cela a beaucoup été dit, la pandémie que nous traversons est sans doute, à bien des égards, un extraordinaire révélateur des faiblesses et des misères de nos sociétés européennes et mondialisées. Osons qu’elle figure également de manière plus radicale (et avec une force certaine) toute l’angoisse de notre temps, celle d’un présent forclos (« tout est pareil en pire », « demain sera pire qu’hier »), où le désastre en cours est désormais (aussi) rendu sensible dans les images des rues désertes, des agoras vidées de leurs forces vives, et des morts qui s’amoncellent, et finissent par faire partie du décor (« l’ordre ordinaire de la mort ordinaire », écrit J. Andras). On pourrait dire qu’on ne glisse plus à la surface des choses, et que, comme par un approfondissement du regard, ce qui se donne à ressentir dans ce moment si oppressant (et oppressif) de réclusion, d’égarements et de souffrances accrues, donne peut-être la mesure de l’épuisement et de l’asphyxie contemporaines. Deux métaphores qui ont ces derniers temps retrouvé une force sensible inouïe, et suffiraient presque à tracer les contours d’une sorte d’exigence commune de la pensée, ou d’une communauté d’époque, dans l’urgence et l’élan retrouvé « d’ouvrir et de déployer des possibilités de vie nouvelles » : ce qui est aussi le cœur du sursaut éthique tel que le définit Paul Audi (dans l’immanence absolue de la subjectivité) et qu’on retrouve au fondement de sa puissante « esth/éthique » de la création qui replace l’activité créatrice au centre de la vie, où doit se jouer l’accroissement de nos puissances d’agir. Un formidable enjeu éthique pour la philosophie et la littérature contemporaines dont le rapport au monde (et à l’agir) se pose et s’éprouve aujourd’hui dans des termes nouveaux, où de « nouvelles urgences catégoriques » (F. Lordon) imposent aussi des formes, des poétiques, des pensées et des propositions nouvelles : de nouvelles dissidences dont le présent appel se donne pour tâche d’explorer la puissance de questionnement, d’intervention et de reconfiguration utopique (ou hétérotopique) du partage du sensible.

    • Quand l’extrême gauche comprend que le conspirationnisme est la nouvelle intelligence politique

      Ils ont fini par se rendre à l’évidence que ce que le Système interdit est la bonne voie, mais ils y ont mis le temps. Voici que l’extrême gauche française, incarnée non par le ridicule Besancenot, mais par Julien Coupat et ses amis, admet le conspirationnisme, au sens que lui donne le Système, c’est-à-dire la pensée politique interdite, la pensée politique profonde, celle qui s’enfonce au cœur du Système pour le comprendre et en dévoiler la stratégie. Une pensée 3D que L’Express, logiquement, en bon chien de garde, dénonce, en citant avec ironie la 4e de couverture du livre de la bande à Coupat :

      Une couverture noire, un titre choc, un éditeur prestigieux, une quatrième de couverture dont la grandiloquence prête à sourire ("Nous vaincrons parce que nous sommes plus profonds"), mais des auteurs masqués. Défendant une vision complotiste qui se veut de gauche, le Manifeste conspirationniste doit paraître le 21 janvier aux éditions du Seuil.

      Ça leur prête peut-être à sourire, mais en vérité, ça les inquiète, parce que la gauche, en 40 ans, avait été dévitalisée et transformée en gauchisme, cette manière d’être contre le Système, en apparence, tout en étant pour, au fond. C’est ce qui a piégé des millions d’électeurs des classes populaires, et aussi de la classe moyenne, qui se réveillent aujourd’hui, parce qu’ils sont en train de tout perdre : et leurs leaders, et leurs partis, et leurs syndicats, bref, leurs défenseurs. Et leur niveau de vie, accessoirement.

      Le peuple est orphelin, et c’est sa chance historique, celle de se créer de nouveaux leaders, de nouvelles organisations.

      Le constat que font Coupat et ses amis, nous l’avons fait dès le début de l’ épidémie de psychose , parce qu’il s’agissait de cela. Avec une arrière-pensée de re-domination politique.

      « Nous sommes conspirationnistes, comme tous les gens sensés désormais. Depuis deux ans que l’on nous balade et que nous nous renseignons, nous avons tout le recul nécessaire pour départager “le vrai du faux”. Les ridicules auto-attestations que l’on a prétendu nous faire remplir avaient bel et bien pour but de nous faire consentir à notre propre enfermement et de faire de nous nos propres geôliers. Leurs concepteurs s’en félicitent à présent. La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, “pire que la grippe espagnole de 1918”, était bien une mise en scène » peut-on lire en préambule. »_

      L’extrême gauche a mis deux ans à se réveiller, quand même, abusée qu’elle a été par les agents du Système, rompus à toutes les stratégies d’étouffement et de récupération, voir la fin gauchiste des Gilets jaunes .

      L’Express poursuit sa dénonciation en opposant au constat lucide les presque 6 millions de morts du covid... Et si on parlait des millions de morts du tabac ou de l’alcool dans le monde ? Ils sont 8 millions chaque année à crever de la cigarette, mais le narratif ne suit pas, évidemment. Les morts, les malades, l’oligarchie n’en a rien à foutre. La preuve, la bande néolibérale qui a mis la main sur l’État, en pleine pandémie supposée, supprime lits et effectifs !

      « L’acharnement furieux à balayer tout traitement qui n’impliquerait pas d’expérimenter des biotechnologies sur des populations entières, réduites à l’état de cobaye, avait quelque chose de suspect. Une campagne de vaccination organisée par le cabinet McKinsey et un “pass sanitaire” plus loin, la brutalisation du débat public prend tout son sens. C’est sans doute la première épidémie mortelle dont il faut convaincre les gens qu’elle existe. »
      Les 5,5 millions officiellement morts du Covid (selon l’Organisation mondiale de la santé, le bilan pourrait être deux ou trois fois plus élevé) ? Une manipulation statistique destinée à accélérer l’agenda néolibéral , si l’on croit cet ouvrage.

      Mais non, il n’y a pas d’agenda, voyons... L’extrême gauche, qui a été roulée dans la farine depuis la fin des années 70, et précisément par la rouerie d’un Mitterrand, qui s’en est attaché les services, pour mieux en faire la collaboratrice – voire la putain ou le flic – du virage néolibéral, c’est à la fois Besancenot, les antifas, et Julien Coupat. Il y a donc plusieurs pièces dans la maison du seigneur gauchiste, et elles ne se valent pas toutes. On met de côté Poutou, qui est un clown. Seule Nathalie Arthaud s’en sort, parce que la base conceptuelle léniniste tient la route, même si elle jure avec la France d’aujourd’hui. Une révolution bolchevique en 2022 est une option peu crédible. Mais si le capitalisme financier va trop loin...

      L’Express tente tant bien que mal de limiter la casse, mais la lucidité finit aussi par monter aux cerveaux des gauchistes, du moins de ceux qui sont encore en état de marche, parce que la réalité devient trop évidente ! Quant au contre-complotisme, il en est réduit à nier les évidences, nier le réel, ce qui est le plus sûr moyen de couler idéologiquement, voir l’autodestruction de la gauche dite de gouvernement. Il ne reste alors plus que la force et la répression pour imposer ses idées malfaisantes.

      Le texte recycle des éléments qui font fureur dans la complosphère. En 2019, le Centre Johns Hopkins, financé par la fondation Bill et Melinda Gates ou le forum économique de Davos, a organisé l’Event 201, un exercice de simulation d’une pandémie de coronavirus. Ce serait là une des « preuves » que l’élite avait bien planifié cette crise sanitaire. Selon les auteurs, le timing de la pandémie ne devrait d’ailleurs rien au hasard. Au vu des mouvements sociaux de 2019 à Hongkong, au Liban, en Catalogne, en Chili ou en Colombie, les « puissances organisées » ayant « intérêt au maintien de l’ordre mondial » auraient voulu « siffler la fin de la récréation ». Et pour littéralement confiner les populations, rien de mieux donc que de créer la frayeur à travers un coronavirus.

      On peut donc écrire que le complotisme intelligent de la droite nationale, ou même d’E&R, a contaminé la partie la plus sérieuse, celle qui réfléchit sans œillères, de l’extrême gauche, et elle est compatible, sur cette base d’accord, avec le populisme intellectuellement avancé, dont nous sommes. Naturellement, la bande à Coupat n’adhérera pas à E&R, mais des programmes communs se profilent, dans une France dystopique, certes morcelée, et à dessein, mais qui se reconstitue, qui se ressoude face à l’adversité. C’est la réconciliation du national et du social. Et l’on voit se dessiner des passerelles entre les deux extrêmes, mais c’est encore une terminologie-Système. En vérité, les pensées avancées sont toujours extrêmes.

      edit le sigle le répète, c’est la boutique du dangereux crétin enrichi Alain S0R@L

    • Tu ne dis pas d’où vient ta citation @colporteur (même sans lien pour pas faire de pub).

      Et puisqu’on me faisait reproche de dénoncer d’abord, dans cette affaire, l’absence de toute mention des morts et la déréalisation radicale de l’épidémie sous son interprétation politique, comme on en était restés là bah je les ai cherchés, les morts. […] J’ai même cherché, tenez, leurs occurrences dans le texte. Où t’as mis le corps, c’est toujours une question intéressante à poser. […]

      – Il est fait mention des morts du fait de la vaccination, aux 18e et 19e siècle, en bref des morts du vaccin (pages 202 et 204)

      – Il est fait mention de deux morts par administration d’anthrax, en bref des morts d’autre chose (page 53)

      – Il est fait mention de la surestimation du nombre de morts par les modèles projectifs, en bref des morts en moins (page 135, page 245)

      – Il est fait mention de l’usage de la psychologie sociale pour manipuler les consciences dans la représentation des morts, en bref des morts hallucinés (page 143)

      – Il est fait mention des vieux en EHPAD morts… de solitude (page 243)

      – Il est fait mention (c’est sans doute ma mention préférée) des « morts-vivants » page 211, en bref des morts pas morts, je vous donne le contexte : « l’Occident a fini par adopter une existence crépusculaire et à étendre indéfiniment les états de morts-vivants – malades à vie, immunodéprimés en sursis de cancer…« . (Les personnes immunodéprimées ou porteuses d’une maladie chronique apprécieront cette délicate énumération, où vibre un discret hommage à ce que le regretté Louis Pauwels appelait il y a longtemps le « sida mental » ; mais juger le livre eugéniste était, parait-il, excessif et la formule « la biopolitique, tyrannie de la faiblesse« , page 217, s’est sûrement glissée dans un chapitre par hasard)

      – Il est enfin, in extremis, fait mention des « morts que nous n’avons pas pu enterrer« . C’est, comme un remords, à la page 306 d’un ouvrage qui en compte 316. Mais on ne saura pas de quoi ils sont morts, les morts. Faut pas exagérer.

      J’arrête là la collecte de ce qu’il me semble difficile de ne pas lire comme un travail méthodique d’effacement

    • Pourquoi le Seuil publie-t-il un brûlot conspirationniste attribué à Julien Coupat ?

      Olivier Tesquet

      Le Seuil publie ce vendredi un pavé anonyme, vraisemblablement écrit par l’ancien meneur du groupe de Tarnac, qui légitime la paranoïa et alimente le risque confusionniste... Une “proposition politique originale”, défend la maison d’édition.

      C’est le mal du siècle autant que l’anathème de l’époque. Et voilà que certains en font une profession de foi. Ce vendredi, les éditions du Seuil publient un curieux « manifeste conspirationniste », épais et anonyme, couverture noire, lettrage blanc, postulat crépusculaire : « Dans un monde de paranoïaques, ce sont les paranoïaques qui ont raison. » En pleine crise de la vérité, qui peut ainsi sciemment choisir de se parer des atours du pyromane et convaincre une maison sérieuse de fournir la mèche ? Le Comité invisible, affirme L’Express. Nos sources précisent : après L’Insurrection qui vient (2007), À nos amis (2014) et Maintenant (2017), ce nouveau brûlot serait bien l’œuvre de « la même nébuleuse ingouvernable. » Et surtout de Julien Coupat, dont le nom reste lié à « l’affaire de Tarnac », sabotages de lignes de TGV en 2008 qui avaient donné lieu à un feuilleton judiciaire et politique très médiatisé. Désormais débarrassé de l’étiquette de « terroriste » à la suite d’une décision de la Cour de cassation, il reprend donc du service – sans le canal historique de son collectif autonome, qui s’est désolidarisé avant même la sortie du pamphlet – pour tenter d’imposer son magistère en complotisme à la gauche de la gauche.

      Ces trois cent soixante-dix-neuf pages verbeuses et contrariantes sont difficiles à restituer. Elles convoquent un cortège de prestigieux macchabées : Brecht (« La vérité doit être maniable comme une arme »), Machiavel (« Le mal doit se faire tout à la fois, afin que ceux à qui on le fait n’aient pas le temps de le savourer »), Kafka (« Nous vivons tous comme si nous étions des despotes »), Dick (« En toute franchise, nous estimons qu’il ne peut rien exister de plus dangereux qu’une société dans laquelle les psychopathes prédominent »). Mais aussi Foucault, Marx, Nietzsche, Freud, Adorno, Deleuze, Rimbaud, Baudelaire, Artaud, Pynchon ou Hegel, afin de démontrer que « les grands auteurs qui font chic dans les bibliothèques de livres jamais ouverts sont tous uniformément conspirationnistes. »
      La pandémie, vaste entreprise de manipulation ?

      L’état d’urgence sanitaire, les mesures de police, l’irrationalité de certaines décisions politiques, la corrosion des libertés publiques, tout ceci doit être rigoureusement ausculté. Mais Coupat va beaucoup plus loin. Il adopte une position authentiquement antivax, tantôt feutrée – il s’agirait de « se soustraire au parc humain » –, tantôt frontale – « La campagne mondiale de vaccination générale ne correspond à aucune rationalité médicale. Les “vaccins” dominants sont plus néfastes que le virus pour la plupart des gens, et n’immunisent pas contre la maladie en tant que telle. »

      Dans ce qui ressemble parfois à l’addendum étouffe-chrétien du capitalisme de surveillance décrit par Shoshana Zuboff, Coupat prend pour argent comptant les élucubrations des sciences comportementales, disqualifie tous les « fact-checkeurs » de la Terre – « qui veillent au sommeil prescrit » – et préconise un « great reset véritable », en référence à une théorie du complot popularisée par le documentaire Hold-Up. Il assure encore que « le désastre fait partie du plan » et que la crise sanitaire est « une expérience de management par l’incertitude. » Passant sous silence la réalité statistique de l’épidémie, il la réduit à une vaste entreprise de manipulation imprégnée d’exercices militaires, de programmes clandestins et de guerre froide, matrice de tous les maux. À le lire, nous serions toujours en plein dedans, comme prisonniers d’une opération pensée par la CIA...
      “Un livre qui va faire date, parce qu’il propose d’autres perspectives pour penser ce qui nous arrive.” Hugues Jallon, patron du Seuil

      Au téléphone, Hugues Jallon, le patron du Seuil, en est persuadé : « C’est un livre qui va faire date, tout simplement parce qu’il propose d’autres perspectives pour penser ce qui nous arrive. » Séduit par « une proposition politique originale, passionnante, intellectuellement structurée, même [s’il est] en désaccord avec certaines analyses », il a été convaincu par le pedigree des auteurs (sans révéler leur identité) et quelques échanges liminaires sur une messagerie privée. Aurait-il accepté de le publier sans savoir qui l’écrivait ? « Probablement pas. » Son titre ? « Une provocation à l’intelligence. »
      Se venger, mais de qui ?

      Le risque de procès en confusionnisme ? « Il existe. » Car au-delà du fond, il y a la forme. Ce manifeste ambitionne une offensive, Molotov à la main, pour reprendre à l’extrême droite un territoire du langage qu’elle a annexé de longue date. Peut-on se battre avec les mots de l’ennemi ? « L’extrême droite s’est bien appropriée celui de révolution, objecte-t-on au Seuil. Pourquoi ça ne fonctionnerait pas dans l’autre sens ? » L’argumentaire distribué à la presse insiste : le conspirationnisme serait « un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser » aux identitaires, à Zemmour ou à Le Pen. À l’entrée du dernier chapitre, le ton se fait volontiers imprécateur. « Nous voulons nous venger », peut-on lire en toutes lettres. Mais de qui, quand les complotistes voient le mal partout ?

      https://www.telerama.fr/livre/pourquoi-le-seuil-publie-t-il-un-brulot-conspirationniste-attribue-a-julien

    • 26 janvier. On m’apprend que le site Egalité et réconciliation, fédérant comme on sait les amis d’Alain Soral, a publié une critique louangeuse de l’ouvrage, suggérant que ce dernier laisse entrevoir un programme commun, et saluant la réconciliation du social et du national.

      Comme disait l’autre : It escalated quickly.

      Mathieu Potte-Bonneville

      merci @sombre

    • Mais non, il n’y a pas d’agenda, voyons... L’extrême gauche, qui a été roulée dans la farine depuis la fin des années 70, et précisément par la rouerie d’un Mitterrand, qui s’en est attaché les services, pour mieux en faire la collaboratrice – voire la putain ou le flic – du virage néolibéral, c’est à la fois Besancenot, les antifas, et Julien Coupat. Il y a donc plusieurs pièces dans la maison du seigneur gauchiste, et elles ne se valent pas toutes. On met de côté Poutou, qui est un clown. Seule Nathalie Arthaud s’en sort, parce que la base conceptuelle léniniste tient la route...

      Je m’en doutais, ces paroles ne pouvaient venir que du site Egalité et Réconcilation d’extrême droite, fondé par Soral !

      C’est Très Malin, faire un copier-collé du texte intégral de ces salopards de soraliens sans citer sa source, à la suite de celui de Potte-Bonneville pour pouvoir mieux discriminer l’extrême gauche afin de l’associer carrément à l’extrême droite.
      Merci @colporteur et Mathieu Potte-Bonneville !

    • Tu le fais exprès ou quoi @marielle ? C’est justement le problème que ce livre soit récupéré aussi vite par E&R en même pas une semaine, d’où le « It escalated quickly », c’est justement pour ça qu’il faut se poser la question du contenu si en si peu de temps ça peut être récupéré (ce n’est absolument pas le cas de plein d’autres textes).

      Par ailleurs, @colporteur a fait exprès de pas mettre lien pour pas leur faire de la pub et du trafic internet, donc peux tu supprimer au plus vite ce lien d’ici ?

    • J’ai retiré le lien @rastapopoulos mais j’aurais préféré que @colporteur donne clairement, dès le départ à la suite de son post ( comme vous le demandez souvent !) la source du texte d’Egalité et Réconciliation.
      S’il l’avait fait je ne m’y serais pas moi même connectée après avoir effectué des recherches.
      Le fait de l’avoir retranscrit dans sa totalité c’est lui donner une visibilité qu’il ne mérite pas.

      Pour revenir au sujet du livre moi j’aime bien cette définition du conspirationnisme :

      Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique.
      Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

      La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’oeuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite.

      Si vous êtes incapables de comprendre ceci c’est que vous êtes aussi dans une forme de déni.

      Et je termine sur une note positive en reprenant les mots d’ Hervé Kempf (Reporterre), ce que veut dire en fait con-spirer, c’est respirer ensemble, c’est entrer en plein dans la politique.

    • ce que veut dire en fait con-spirer, c’est respirer ensemble, c’est entrer en plein dans la politique

      Ce jeu de mot de Kempf digne de Lacan...

      Toujours pas lu le bouquin mais je pense que ces recensions vont m’en dissuader, ça confirme en tout cas, pour l’instant, le moment fasciste que je pressentais.

    • "cospirare vuol dire respirare insieme" est ici repris à radio Alice
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Radio_Alice

      Bologna 1977 : comunicazione e movimento
      https://www.radioalice.org/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=13&Itemid=129

      12 marzo 1977 Lo Sgombero di Radio Alice
      https://www.youtube.com/watch?v=3aFdAxSiZxc

      le « moment fasciste » vient de loin et attrape sur son chemin tout ce qu’il peut de divers héritages critiques

    • Mais encore une fois ça part dans tous les sens sans clarifier le départ : être conspirateur et conspirationniste c’est pas la même chose. Ceux qui « respirent ensemble » ce sont les conspirateurs. Être conspirationniste peut vouloir dire deux choses : c’est pas un acte (conspirer), c’est une idéologie, et la majorité du temps, ça désigne ceux qui voient des conspirations partout chez les autres, ça n’a donc rien à voir avec conspirer soi-même. Mais ça peut aussi désigner une idéologie qui voudrait qu’on se mette tous à conspirer (contre les pouvoirs). Ce qui n’a rien à voir non plus, mais qui peut parfaitement s’additionner à la première idéologie (trouver trop de conspiration partout ailleurs, même où il n’y en a pas ET vouloir qu’on se mette tous à conspirer).

      C’est donc totalement confus si on ne clarifie pas de quoi on parle à propos de telles ou telles personnes.

    • un seen qui avait toute sa place ici s’est évaporé...

      Il y a un lien intrinsèque entre cette espèce de nullité de la politique, ce devenir nul de la politique et cette insignifiance dans les autres domaines, dans les arts, dans la philosophie ou dans la littérature. C’est cela l’esprit du temps. Tout conspire à étendre l’insignifiance.

      Contre le conformisme généralisé - Stopper la montée de l’#insignifiance, Castoriadis
      https://www.monde-diplomatique.fr/1998/08/CASTORIADIS/3964

      ce manifeste con., c’est le monde d’après.

      mise en place de 4000 copies, les ventes démarrent bien, parait-il (pour feuilleter, on trouve un pdf)

      #zeitgeist

    • le « moment fasciste » vient de loin et attrape sur son chemin tout ce qu’il peut de divers héritages critiques

      +

      être conspirateur et conspirationniste c’est pas la même chose

      =

      les conspirationnistes sont des aspirateurs ? :-)

  • Oui, des gauchistes et même des anarchistes tombent dans un complotisme facile, ce qui n’est finalement pas nouveau, mais des gauchistes et même des anarchistes trainent dans un anticomplotisme ridicule où devient taboue la critique des technologies vaccinales, de la 5G et des lobbys pharmaceutiques ce qui fait aussi le jeu du gouvernement et du Capital. Il faut aller au bout du processus consistant à mettre dos à dos complotistes et anticomplotistes – devenus irrationnels à force de rationalité. Dans le cas où c’est la peur du virus et de la maladie qui parle chez nos ami.e.s et qui est seule légitime, ce qu’il y a de particulièrement dangereux c’est que le pouvoir et ses solutions biopolitiques peuvent apparaître comme désirables. Non seulement les mesures gouvernementales ont été massivement acceptées mais également désirées jusque chez les radicaux et les anti-système.

    https://lundi.am/Toujours-sur-la-catastrophe-et-comment-en-sortir

    #covid #anticomplotisme

    • N’oublions pas que la convergence objective entre la droite « libérale », qui a toujours été séduite par la vision anglo-saxonne d’un Etat minimal réduit à ses fonctions régaliennes, et une gauche « libertaire » qui rejette toute institution répressive est une réalité.


    • « J’ai lu l’article Sur la catastrophe en cours et comment en sortir, et j’étais trop content de lire un truc sur tout ça, parce que dans nos collectifs, c’est le déni de la situation qui prévaut et l’évitement des débats ! Il faut foutre un coup de pied dans la fourmilière. Après j’étais pas d’accord avec tout, et j’ai eu grave envie d’y répondre, ça a pris la forme d’un article qui est à la fois une réponse et une continuité, qui participe à la réflexion en cours, mais je sais pas... en tout cas ça donne envie de lancer une vraie réflexion collective : quelles positions radicales dans ce bordel ? »

      Un tel texte est nécessaire et désirable car depuis deux ans nous flottons dans une confusion et une stupeur qui suspend les mouvements de la réflexion. Recouvert par la fureur des médias, pris au piège dans les dualismes et les mots de l’ennemi, notre pensée stagne et ne parvient plus à trouver les chemins du dépassement. Dans une telle période historique des franchissements « ne pas savoir » est sûrement une marque de bon sens, mais dernièrement les affects entourant la question de la catastrophe, des vaccins, étaient tellement intenses et virulents que des formes de déni et d’évitement des débats ont pu avoir lieu, il est temps d’y mettre fin. Ouvrir les questions que posent l’époque, nourrir les conflits, déplacer les certitudes, mettre à l’épreuve les théories, voilà ce à quoi nous aimerions participer, voilà la recherche d’une théorie radicale : comment s’en sortir.

      Premier point : les complotistes et les anti-complotistes font dispositif, ces deux postures trempent dans l’impuissance et la dénonciation. Mais d’une certaine manière, la posture complotiste est déjà connue et bien documentée ; c’est le complot des anticomplotistes qui passe pour un phénomène exotique. Cette nouvelle raison d’être de la #gauche_bourgeoise, nouveau détour dans la mésaventure de la #pensée-critique, prend peut-être son essor avec l’hystérie anti-Trump. Cela n’est pas assez souligné dans le premier texte, mais l’anticomplotiste est un ennemi de premier ordre, l’évolution monstrueuse du flic-citoyen trop heureux de montrer son pass sanitaire comme preuve de sa bonne moralité. Et puis oui : les complots existent. Le piège grossier de l’attaque sémantique anticomplotiste est évidement de nous cantonner à une #critique-réformiste où l’on ne pourrait plus dénoncer les complots bien réels et historiques des dominants dans leur systématicité et dans leur existence terrestre.

      Bien que les rapports sociaux soient complexes et que la domination est toujours structurelle, il est vital pour les révolutionnaires de pouvoir la contester dans ses incarnations humaines et pas seulement dans le ciel des structures sinon le camp des révolutionnaires se limite aux seules personnes ayant suffisamment de conscience politique et se condamne à un avant-gardisme néfaste. « Quiconque attend une #révolution-pure ne vivra jamais assez longtemps pour la voir », ce n’est pas un spontanéiste qui parle mais bien Lénine lui-même à propos de la révolution de 1905 : « il y avait des masses aux préjugés les plus barbares, luttant pour des objectifs les plus vagues et les plus fantastiques, il y avait de groupuscules qui recevaient de l’argent japonais, il y avait des spéculateurs et des aventuriers, etc. […] sans cette participation, la lutte des masse n’est pas possible. Et tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leur erreurs. Mais objectivement ils s’attaqueront au Capital. »

      La période est révélatrice : les anticomplotistes préférant ne pas se compromettre avec de mauvais alliés en viennent à se cantonner dans la critique des structures et passent à côté de tous les sursauts de résistance des populations. Ces deux dernières années on a vu l’ultragauche déserter la critique des mesures sanitaires et autoritaires en laissant le champ entier de la défense des libertés aux droites.

      Finalement, l’ennemi ultime est peut-être un rapport social, mais ce rapport s’incarne dans des institutions, des habitudes, des objets, voire des personnes. Il ne suffit pas de dénoncer la police et imaginer comment s’en passer, il faut aussi parfois lui jeter des pavés, alors même qu’existe le risque de la fétichiser et de rester bloqué dans une lutte contre la répression. De la même façon, il ne faut pas caricaturer le pouvoir au point de croire en sa toute puissance et de devoir inventer des forces surnaturelles pour l’expliquer, mais il faut bien donner des responsables concrets et dénoncer les chiens de garde du rapport social : pour Stengers, par exemple, il est important de rendre les petites mains capitalistes responsables du capitalisme, s’en prendre à elles et pas seulement dénoncer « le système ».

      Il y a une tendance humaniste dans la gauche à considérer qu’il n’y a pas de véritables ennemis. Le fait de nommer des ennemis est certes une mauvaise habitude mais « une mauvaise habitude de révolutionnaire » où la politique redevient cette capacité à « reconstituer de nouvelles communautés antagonistes, des lignes de partage, des divisions sans possibilité de synthèse : #destitution ». Donc d’un côté la dénonciation des structures « qui ne descendent pas dans la rue » et de l’autre « le camp des amis de la politique antagoniste ».

      Un grosse erreur, la stupeur mise de côté, fut de ne pas parvenir à se saisir de tous les enjeux quotidiens pour ancrer notre position destituante : pendant deux ans, il n’exista que très peu de discours radicaux sur la catastrophe capables de s’ancrer dans ce que nous vivions pourtant tous – au moins partiellement – comme une rupture de l’ordre et de la réalité capitaliste.

      Deuxième point : la peur n’est pas à fuir, il faut partir d’elle. Nous le saurons pour la prochaine, dans la catastrophe la peur est une émotion partagée et qui partage : que ce soit la #peur-du-virus ou la #peur-de-la-gestion-biopolitique qui domine, notre réaction ne sera pas la même et on se trouvera pris au piège à des endroits différent des dualismes : pro et anti. La peur est généralement cachée, infusant inconsciemment dans les débats – surtout chez les rationalistes. La peur est à la fois ce par quoi on nous gouverne et ce par quoi, si elle est mise en commun et dépassée, on se révolte. Mais la peur est un affect qui pousse à s’organiser si et seulement si on la dépasse collectivement, dans le cas contraire elle n’est qu’une fuite qui mène dans les bras « du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé », qu’il soit officiel ou officieux, que ce soit la tisane au miel ou le vaccin magique.

    • Une part du mouvement antivax, certains complotistes, comme d’autres fascistes, surfent sur la peur en roue libre, peur de la science, des autres, du savoir, de la vérité, du virus, qui peut aussi se convertir en peur irrationnelle des étrangers ou du vaccin. Mais la peur est commune à tous, c’est aussi le provax convaincu, militant de « la suspension critique » qui parfois sans le dire, charrie sa peur de la maladie, du virus et qu’il reporte sur les pauvres, les marginaux, ceux qui ne comprennent rien etc.

      La peur paranoïaque est le dénominateur commun de l’époque, il se trouve aussi du côté de ceux qui ont peur de la maladie parce qu’ils ont peur de la mort – peur de la vie qui englobe fatalement la mort et la maladie. On peut certes vouloir être soigné par un robot ultra technologique mais on peut aussi préférer mourir comme Illich. La question n’est pas de savoir ce qui est mieux, ce serait stupide puisque derrière nos préoccupations théoriques, ce sont nos affects qui agissent et qu’on se fout pas mal de savoir comment chacun s’arrange individuellement avec les chantages de l’Empire ...

      ... Si nous sommes assez honnêtes c’est bien là où nous en sommes : à devoir construire une connaissance approchée de la catastrophe en cours. Et dans ces temps de redéfinition une question que l’on se pose est celle que toute politique suppose : quels ennemis, quels amis ? Au delà des choix individuels de se faire ou non vacciner : avec qui pouvons nous construire une santé communiste ?

      [ Cette construction ] pose d’ores et déjà un certain nombre de questions :

      -- Il est inacceptable que le monde de l’économie poursuive son exploitation en temps de pandémie mondiale alors même qu’il en est à l’origine. Comment en témoigner ?

      -- Il est assez évident que la crise du coronavirus est une répétition générale de la fin du monde, que les catastrophes vont continuer à s’enchaîner, la question étant comment tenir une position communiste dans cette époque, en quoi la pandémie aura-t-elle ou pas remis en question les théories de la destitution et ses présupposés ?

      -- Que veut dire matériellement, économiquement et énergétiquement cette ultime alliance technocratique opportuniste de la crise : sommes nous en train d’assister à une transformation profonde du capitalisme ? Quels en sont les contradictions et les faiblesses ?

      -- Stratégiquement, faut-il appuyer la gravité de la pandémie en démontrant les manques de l’État – au risque d’être dans une demande d’État contre-productive et pris au piège dans les règles du jeu sémantique des dirigeants – ou bien refuser la Pandémie comme nouveau paradigme et, sans nier l’existence d’une épidémie de covid 19, s’opposer à l’instrumentalisation par l’État de la crise sanitaire ?

      Rendons cette réflexion collective, car nous aurons besoin de toutes les ressources radicales pour parvenir à une théorie digne de l’époque.

    • Ce texte mérite d’être mis en valeur beaucoup mieux que vous ne l’avez fait, cf le messages/944728 (message un peu fourretout, avec des commentaires du type : En ce 24 janvier, l’organe du Horsolistan persiste dans le n’imp )
      Je suis en train de tenter de « l’analyser » sans prétention :) et de le comprendre en profondeur si on peut dire, d’essayer de faire le tri, et de le taguer.
      Il me semble que Cristina del Biaggio procède très souvent de cette façon en raison de sa profession et j’aimerais pour une fois avoir la liberté de faire de même sans avoir à subir les remarques de la « modération » @rastapopoulos :)

      Maintenant si cela dérange @deun je supprime tout.

  • Salut @seenthis ,

    je sais pas si on t’a déjà remonté ça mais j’observe un truc bizarre depuis plusieurs années.
    Je suis abonné à 2 flux rss chez toi : @rezo et @7h36 .
    Rézo marche niquel.
    7h36...a un comportement très bizarre.
    J’ai fréquemment des posts datant de plusieurs jours qui n’apparaissent pas (enfin je veux dire pas quand ils devraient)...puis réapparaissent entre des posts plus récents.
    Au début j’ai cru que c’était mon agrégateur rss. Mais en fait j’ai pas l’impression (j’en ai fait plusieurs c’est toujours le même problème).
    C’est pas très embêtant mais ça m’intrigue...au cas où ça révélerait quelque chose, je me suis dis que j’allais t’en informer.
    A+