• « Affaire du 8 décembre 2020 » : premier procès « antiterroriste » visant des militant.e.s de gauche depuis le fiasco de l’affaire Tarnac

    Le procès s’est tenu du 3 au 27 octobre. Le délibéré sera le 22 décembre à 10h. L’audience est publique, nous vous invitons donc à venir nombreux.ses.

    RASSEMBLEMENT DU MARDI 3 OCTOBRE 2023 (ouverture du procès)
    Appels à rassemblement à 12h devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, Porte de Clichy

    https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/post/2023/09/20/rassemblement-du-3-octobre-2023-ouverture-du-proces

    Ce mardi 3 octobre 2023, s’ouvrira le procès de l’affaire dite du 8 décembre. Ce sera le premier procès « antiterroriste » visant des militant.e.s de gauche depuis le fiasco de l’affaire Tarnac.

    Ce procès nous concerne toutes et tous. A l’heure où les contestations locales se font toujours plus nombreuses et toujours plus fortes, ce que procès n’a qu’un objectif. Obtenir, coûte que coûte, une condamnation pour « terrorisme » de militant.e.s de gauche pour installer l’amalgame entre luttes sociales et terrorisme. Et mieux les réprimer.

    Mais à l’approche du procès, le pouvoir est fébrile. Il sait que le dossier d’accusation est vide, le parquet et le juge d’instruction ayant d’ores et déjà avoué que l’instruction n’a pu mettre à jour le moindre « projet terroriste ».

    Lundi dernier, un article du journal Le Monde évoquant les « contradictions fondamentales » d’un dossier aux « bases fragiles » est venu jeter le discrédit sur l’accusation, donnant ainsi un large écho à ce que nous dénonçons avec force depuis presque trois ans maintenant !

    Malgré toutes les violences que les inculpé.es ont subies, nous pouvons, à travers ce procès, mettre en échec la volonté du pouvoir d’étendre l’antiterrorisme à la répression des luttes sociales.

    C’est pourquoi nous appellons à une mobilisation massive le 3 octobre pour l’ouverture du procès !

    Si ce procès sera le procès de l’antiterrorisme, il sera aussi un moment d’expression de solidarité où résonnera notre soutien à la lutte internationaliste, au peuple kurde et à toutes celles et ceux qui subissent la violence d’un Etat autoritaire quel qu’il soit.

    Nous envoyons cette invitation à des camarades, collectifs ou organisations qui ont une expérience de la répression antiterroriste et ses outils (en France et à l’étranger), ainsi que des violences d’Etat, de la répression ou de la surveillance.

    Le timing étant court, nous vous invitons à participer de différentes manières :

    par une présence au rassemblement (avec prise de parole ou non) le mardi 3 octobre prochain devant le Tribunal de Paris à partir de 12h
    par la transmission d’un communiqué ou d’un témoignage (que nous lirons sur place)
    par la diffusion de cette invitation à toute personne/collectif/orga qui vous semblerait concernée

    Par ailleurs, le procès est public et se tiendra tous les après-midi à partir de 13h30 du mardi au vendredi du 3 au 27 octobre. Nous vous invitons donc à venir nombreux.ses quand vous le pouvez tout le long du mois d’octobre, en espérant que tout le monde puisse rentrer à l’intérieur.

    Salutations camarades,

    Le comité IDF, le comité ToulouseTarn, le comité Ardéchois

    • CR du premier jour du procès :
      https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/post/2023/10/03/proces-semaine-1

      Demande à été faite de faire citer trois agents de la #DGSI par la défense. Un huissier a tenté d’aller porter la convocation de l’un.e d’entre-eux à la DGSI et s’est vu refuser l’entrée car il n’avait pas l’identité précise de l’intéressé.e, ce qui est logique étant donné qu’iels n’apparaissent que sous numéro de matricule dans le dossier.

      Les deux autres n’ont pas répondu à la demande de comparution.

      La défense a vivement formulé la demande de mettre les moyens pour faire comparaitre ces enquêteurs, car dans ce dossier apparaissent de nombreux procès-verbaux anonymes, dont on ne connaît pas l’origine, imprécis, avec de nombreuses erreurs de retranscription, qui laissent place à des interprétations, ce qui jette le doute s’agissant de leur loyauté.

      Il est nécessaire que le débat ait lieu sinon cela constitue une atteinte grave aux droits de la défense. La défense demande le renvoi du procès pour cette raison.

      [...]

      Le mot du jour est « di-la-toi-re », que le ministère publique a utilisé à trois reprises à propos de la défense. Dilatoire signifie que la défense tente de repousser le procès, et fait de multiples demandes de renvoi pour gagner du temps.

      [...]

      – les entraînements (« ou les jeux airsoft selon comment on veut en parler » dixit la juge, qui donne toujours bonne impression mais refuse toute demande derrière)

    • Affaire du 8 décembre
      Suivi quotidien du procès

      https://lundi.am/Affaire-du-8-decembre-5713

      Mercredi 4 octobre : jour 2

      Les vides du dossier commencent déjà à crier, et engagent le procureur à rentrer dans des considérations politiques assez bancales et des procès d’intention contre la défense. « L’article 6 de la CEDH que vous citez est un véritable point Godwin de la plaidoirie », « le policier est un citoyen, certes, mais pas un citoyen lambda », « on cherche à transformer un procès en terrorisme en procès d’une institution », « tout a été fait dans les règles, selon la loi, par des policiers ». Me Raphaël Kempf tente d’éviter la discussion anémiante du parquet, en revenant au concret : « On commence sur de très mauvaises bases. Je crains que ce procès ne se passe mal, alors que la défense veut qu’il se passe bien. La comparaison entre l’article 6 et le point Godwin est insupportable. M. le procureur, allez-vous nous donner la liste des mots et articles interdits ? »

      [...]

      La tension passe un cran lorsqu’intervient l’assesseure n°2, qui a décidé d’aller encore plus loin dans la paranoïa policière. Je restitue ce long échange d’après mes notes, en espérant qu’il fera sentir tout ce qu’il s’est passé dans ces instants :

      – Vous renvoyez à cette lettre envoyée au juge d’instruction. Vous avez cette chance d’être cultivée, d’écrire bien, d’avoir des références. Vous parlez d’une « présomption de culpabilité incessante et harassante », vous vous demandez « sous quelle norme d’époque vos propos seront analysés et jugés ». Avez-vous aujourd’hui la même crainte ?

      – Des mots ont été posés, loin d’être neutres. Il n’a pas été facile de parler. Je ne peux pas dire que ce ressenti fort va perdurer face à vous.

      – La question est de s’en prendre aux institutions françaises. La justice en est une. Vous critiquez la justice et ne lui faites pas confiance ?

      – Vous détournez mes mots. […] Oui, dans ma vie, je porte des questionnements. Je me demande toujours, en comparant avec les façons de faire dans d’autres parties du monde, d’autres façons de penser : comment peut-on faire mieux ?

      – Vous citez Véronique Blanchard et vous parlez de préjugés de classes, de sexisme, de racisme dans la justice. La juge que je suis est obligée de vous demander ce que vous en penser maintenant.

      – Je crois qu’on ne peut pas nier que la justice a fait des erreurs. Ces questions ne parlent pas que de moi mais de questions qui traversent toute la société.

      – C’est peut-être un peu prétentieux, mais le tribunal rend la justice au nom du peuple français...

      Bruits dans la salle.

      – Je pense qu’il y a différentes questions qui se posent, comme dans toute autre institution.

      Applaudissements dans la salle. La présidente demande aux policiers de virer la personne qui a applaudi.

      – Dans quel cadre vous posez-vous ces questions ?

      Les policiers virent quelqu’un qui dit ne pas être la personne qui a applaudi.

      – Madame la juge, j’aimerais qu’il n’y ait pas d’exclusion pendant que je parle. Comment répondre quand on emmène mes proches ?

      Plusieurs personnes quittent la salle en soutien. Elles applaudissent une fois dans le couloir et la présidente dit : « ah c’est marrant, tiens ! ». L’autre assesseure enchaîne :

      – Quand avez-vous fini votre master, et sur quel sujet portait-il ?

      – C’était un travail de littérature comparée sur trois auteurs, dont j’étudiais la représentation de la guerre. Notamment comment la représentation de la guerre avait pu impacter l’écriture de littérature.

      – Qu’avez-vous retiré de ce travail de recherche ? Je vous dis ça pour comprendre qui vous êtes, votre conception de la société...

      – Mon idée était qu’à travers les représentations de la mort, on approche des manières de vivre. C’est quoi, faire deuil ensemble ? Comment peut-on se reconstruire après des événements marquants, comme une guerre ?

      – On pourrait faire un lien avec vos engagements ultérieurs... Y a-t-il un fil conducteur entre ce travail et vos engagements ?

      – Je ne vois pas du tout. […] Je ne sais pas du tout comment relier mes études avec mes chefs d’inculpation, avec ça... Mes études se demandaient comment vivre ensemble, et les chefs d’inculpation, c’est l’extrême inverse.

      – Il y a tout de même la guerre. On peut se questionner sur cet intérêt pour la guerre...

      On peut se questionner sur ces questions, et la salle le fait en se regardant avec une gêne qui atteint même certains représentants de la presse, pourtant imperturbables jusque-là.

      – J’ai étudié des récits de vie qui ne font pas des descriptions de la guerre, mais se demandent comment elle est ressentie.

    • Vendredi 6 OCTOBRE : LES EXPLOSIFS

      https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org

      De l’art de brasser du rien.

      Le procureur aborde le sujet de potentielles discussions sur des violences contre l’Etat.

      Simon admet qu’il s’agissait simplement d’une conversation entre deux personnes sous l’influence de l’alcool, échangeant des propos virils sans réelle intention d’action : « Mettez deux gauchistes ensemble dans un camion avec des bières et voilà ! »(rires dans la salle)

      [...]

      Le procureur aborde une autre écoute où Simon et Florian mentionneraient « l’ennemi. »

      Simon clarifie qu’il s’agissait d’un abus de langage, probablement en référence à Daech.

      La discussion se tourne vers une publication Facebook de Simon : « 2020, pas mal de décisions à prendre »

      Simon souligne que c’est typiquement le genre de phrase (qui l’énerve parce que depuis le début on nous refuse des accès aux écoutes pour des questions de respect de la vie privée, et là, vous l’étalez et le détournez) peut aisément être détournée ! Il explique qu’en l’occurrence cette déclaration était relative à des problèmes de couple, sans aucun lien avec des activités suspectes.

      [...]

      Deuxième point soulevé par l’avocate, la vidéo prise a Paulnay par la DGSI est récupérée sur les lieux le 17/02/20. Des mois s’écoulent et le 30/11/20, à la veille des arrestations, alors que la vidéo devrait être expertisé, retranscrite et mise sous scellés depuis longtemps, la DGSI ecrit un PV pour signaler que cette vidéo a été effacée suite à une erreur, et qu’il n’y a jamais eu de retranscription. Du jamais vu…

      Autre question sur des hypotétiques « tirs de rafale », séquence de « tirs d’airsoft » qui apparaissent dans les rapports de surveillance des agents alors que les retranscriptions des écoutes stipulent des bruits de marteaux et de spatules. (ce qui correspond aux tests de fabrication en cours). Ces tirs en rafale ont largement été repris par le PNAT alors qu’il était évident à la lecture des PV que c’était une erreur de retranscription.

      Maitre Alice Becker interroge Simon sur une conversation avec Carglass intercepté durant son séjour à Paulnay au sujet d’une explosion de vitre et qui a engendré de la part de la DGSI des filatures multiples les jours suivants. Simon explique que pour un projet de court métrage, la demande était de faire exploser une vitre de voiture et qu’il a appelé Carglass pour se renseigner sur les débris de glace et autres précautions à prendre.

      Autre question de l’avocate, au sujet d’une photo considérée comme suspecte par la DGSI : un empaquetage, entouré de scotch marron avec des tiges de métal qui en sortent = PIPE BOMB ?? et bien non, c’est un colis reçu quelques jours avant composé des tiges de métal pour construire une étagère industrielle en kit.

      –—

      https://lundi.am/Affaire-du-8-decembre-5713

      Pourtant, quand on entend, simple auditrice dans la salle, les extraits cités, qu’on comprend qu’ils sont totalement décontextualisés, et sans lien évident les uns avec les autres, on n’arrive pas à se dire autre chose que : deux types se rejoignent pour s’amuser à fabriquer des pétards, en s’inspirant de recettes comme celle de la poudre noire trouvée sur WIKIHOW. En plus, ils sont pas très doués, leurs tentatives échouent. Autour de cet événement, ils boivent des bières, se racontent leur vie, disent le mal qu’ils pensent de la police, et pas mal de conneries, et mille autre choses, ne se sachant pas sous surveillance. S’ils avaient su, peut-être qu’ils auraient dit des choses plus intelligentes, parce que parfois, comme le relève la présidente « ça part en n’importe quoi ».

      Ah. Peut-être que si, pardon, rebondissement ou petite subtilité du scénario : en fait, ils pourraient se savoir sous surveillance. On le voit bien : à certains moments leurs propos sont inaudibles, ils chuchotent, et quand ils s’écrivent, ils passent par signal. C’est bien qu’il se savent sous surveillance. Donc, se sachant sous surveillance, connaissant – comme tout militant de gauche – les risques qu’ils pourraient encourir (et c’est là que la mauvaise réalité rattrape le mauvais scénario) ils s’amusent à fabriquer des pétards pour amuser la DGSI et apporter de l’eau au moulin du Procureur aujourd’hui. Logique.

    • Le procès pour terrorisme d’ultragauche de l’affaire du « 8 décembre 2020 » débute dans une ambiance tendue

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/le-proces-de-l-affaire-du-8-decembre-2020-debute-dans-une-ambiance-tendue_61

      Les débats, très procéduraux mais chargés de politique, ont donné le ton d’un procès placé d’emblée sous le signe de la confrontation entre une défense très offensive et un parquet excédé.

      [...]

      Pendant une journée et demie, les avocats ont ferraillé en demandant, tour à tour, le renvoi du procès, la communication de scellés et, enfin, un complément d’informations visant à obtenir la convocation de deux policiers de la DGSI qui ont abondamment alimenté la procédure et dont on ne connaît que les noms de code, 1207 SI et 856 SI. Ces débats, très procéduraux mais chargés de politique, ont donné le ton d’un procès placé d’emblée sous le signe de la confrontation entre une défense très offensive et un parquet excédé.

      [...]

      Me Kempf, l’avocat de Florian D., le principal accusé du groupe accusé d’« association de malfaiteurs terroriste » en vue de commettre des actions violentes contre des forces de l’ordre, souhaitait en effet que le procès soit renvoyé dans l’attente d’une décision du Conseil d’Etat sur la légalité des écoutes administratives ayant précédé la judiciarisation de l’affaire à partir de février 2020. La présidente a rejeté cette demande en arguant que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement avait déjà répondu par l’affirmative à la question de la légalité de ces écoutes. Les demandes de communication des scellés ont été reportées à ultérieurement. Et, enfin, la convocation comme témoins des agents de la DGSI a été renvoyée au jugement au fond.

      [...]

      Le procès à proprement parler n’a véritablement débuté que mercredi après-midi par les interrogatoires de personnalité de trois des prévenus. Après Bastien A., 34 ans, costaud, barbu et difficilement audible tant il marmonne de brèves cascades de mots qui le mettent au supplice, c’est au tour de Manuel H., 39 ans, crête blonde et voix claire, qui a débuté par une déclaration liminaire : « Aujourd’hui, je suis très en colère de me retrouver face à vous, triste et terrorisé. Je ne comprends pas ce que je fais là, je trouve ça effrayant. » Il a passé dix mois en détention provisoire à Fresnes (Val-de-Marne).

      L’interrogatoire, censé porter sur le parcours et la situation du prévenu, prend un tour étrange. « Quand vous dites que vous êtes contre l’intolérance, est-ce que vous parlez des forces de l’ordre ? », l’interroge toujours la même juge assesseure. « Quand je parle de lutte, c’est pas dans la violence », répond Manuel H. La juge tient à préciser : « Aujourd’hui, on ne vous juge pas pour vos opinions politiques. »

    • Sommaire des compte-rendu du procès (jour par jour) :
      https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/post/2023/10/03/proces-semaine-1

      Mardi 10 octobre :
      https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/post/2023/10/10/proces-semaine-2

      La juge a été destinataire d’un mémoire à propos d’une question de constitutionnalité signée de l’ensemble des avocat.es et reçue à 10h48.

      [...]

      Lorsque l’huissier s’est présenté à la DGSI, il s’est vu essuyer un refus, la raison invoquée est l’anonymat des agents. Un procès-verbal de difficulté a été dressé.

      La loi sur l’anonymisation date de novembre 2015. Lors de l’examen de cette loi, la question avait été posée par le législateur. Le texte ne prévoit pas la possibilité de faire citer un agent comme témoin.

      L’objet de la QPC n’est pas de remettre en cause l’anonymat mais de poser la question de l’équilibre entre la nécessité de l’anonymat et les droits de la défense.

      Pouvoir interroger un témoin en audience doit justement pouvoir permettre le contradictoire.

      Les différents droits de la défense sont énumérés.

      Critères de la QPC : mentionner par écrit le dispositif applicable au litige, pose la question de la constitutionnalité.

      Article 706-24 : sur décision, certains agents, par exemple de la DGSI, peuvent anonymement être autorisés à déposer et à rédiger des actes, tout ça sous leur matricule.

      C’est le cas aux assises.

      Qu’en est-il de la correctionnelle ?

      La citation est impossible sous l’état-civil de l’agent, c’est illégal. S’il y a divulgation de son identité, cela constitue une infraction.

      Tout le débat porte donc sur les droits de la défense, et cela souligne une incohérence évidente.

      [...]

      La demande est rejetée.

    • Enquête sur « l’ultragauche » : la défense dénonce les méthodes de l’antiterrorisme
      Camille Polloni, 12 octobre 2023

      https://www.mediapart.fr/journal/france/121023/enquete-sur-l-ultragauche-la-defense-denonce-les-methodes-de-l-antiterrori

      Dans l’affaire du « 8 décembre », actuellement jugée à Paris, la DGSI a fait des recherches sur la « legal team » à laquelle participent, les jours de manifestation, certains des avocats choisis par les prévenus. Le parquet y voit un élément à charge, les avocats une atteinte aux droits de la défense.

      [...]

      Pourtant, dans son procès-verbal, la DGSI va un cran plus loin, notant « qu’il est possible d’effectuer une corrélation entre la liste [d’avocats] ci-dessus et les avocats choisis par certains des mis en examen ». Elle rappelle, noir sur blanc, qui a été désigné par chacun. Ce procédé « a pour seul but de mettre en lumière le choix des avocats, pas de caractériser des éléments d’infractions », s’indigne Chloé Chalot, l’avocate de Camille B., qui dénonce « une mise en scène très inquiétante », sur « un terrain glissant ».

      « L’exercice des droits de la défense est complètement libre et ne doit pas faire l’objet de commentaires de la part de l’autorité policière et judiciaire. Il est incroyablement alarmant qu’on puisse envisager la désignation d’un avocat comme un élément à charge. Soit la DGSI a voulu sous-entendre que ce choix révélerait les opinions des mis en examen, et une forme de culpabilité. Soit ça sert à interroger leurs modalités de défense et critiquer leur position pendant l’instruction, le fait qu’ils puissent refuser de se plier à des expertises ou garder le silence en garde à vue. »

      Le mécontentement de la défense pourrait s’arrêter là. Mais le réquisitoire définitif du Parquet national antiterroriste (Pnat), c’est-à-dire le document dans lequel l’accusation réclame des poursuites à l’issue de l’instruction, reparle, lui aussi, de la « legal team ».

      Dans un paragraphe où il reproche aux mis en cause, qualifiés de « particulièrement hostiles aux institutions policière et judiciaire », leur « opposition concertée à la manifestation de la vérité », le Pnat liste pêle-mêle les obstacles auxquels il a dû faire face pendant l’enquête, de nature très différente : le refus de donner ses codes de déverrouillage (qui est désormais un délit) ou de se rendre à des convocations, mais aussi l’exercice du droit au silence, garanti par la Cour européenne des droits de l’homme, ici présenté comme l’un des « principaux freins de l’enquête ».

      Sans ajouter d’autres commentaires, le Pnat rappelle enfin que le tract exploité par la DGSI « fournissait une liste d’avocats à contacter en cas d’interpellation, dont les conseils désignés dans la présente information judiciaire : Me Alice Becker, Me Émilie Bonvarlet, Me Raphaël Kempf, Me Lucie Simon… ». Aux yeux de Chloé Chalot, la DGSI comme le parquet, « conscients de franchir une ligne », ont beau prendre des « précautions sémantiques » sur ce point, « la mention a forcément un effet ».

    • Mercredi 11 octobre : L’expertisée expertise de l’expert (lundi.am)

      Florian D répond qu’il n‘a pas de réel savoir-faire en la matière et a simplement connu un agriculteur qui lui avait montré une vidéo avec une méthode facile (visant à faire sauter des souches par exemple), reconnaît le menu larcin sans effraction, avoue une certaine vantardise qui a généré un certain nombre de recherches. Une « bande de joyeux drilles qui se fendent la gueule » cherchait à s’occuper pendant le confinement, et après la cueillette, les promenades, s’était excitée sur ces explosifs amateurs. L’ennui, l’alcool, les bêtises. Après la fois où ça a pété trop fort, pour Florian D et ses amis, le jeu était terminé. « Mais ne pensez-vous pas que c’est de l’inconscience ? » « Oui » répond-il simplement.

      [...]

      -- Quel était votre intérêt de faire des explosifs ?
      -- C’était rigolo.
      -- Ça ne vous faisait pas rire au Rojava, mais là vous trouvez ça rigolo ?
      -- Ce n’est pas le même contexte.

      [...]

      Le procureur arrive de façon amalgamée sur la détestation de la police estimée du prévenu en s’appuyant sur l’évocation enregistrée d’une « dissolution de la police ». Celui-ci dit préférer des solutions de remplacement en évoquant ce qu’il a connu au Rojava : des forces de sécurité élues, transformation qui pourrait être proposée, dit-il, à l’actuelle institution. Alors que le procureur insiste tendancieusement sur des passages où on entend des mots forts comme « Guérilla », une avocate précise qu’ « il y a deux fois le mot inaudible dans le rapport ». La hâte du procureur défait son assurance première. Il s’étonne du fait que Florian D se souvienne bien de certaines choses (la recette de l’agriculteur) alors qu’il en oublie d’autres. Florian D répond : « Ça fait des années que je n’ai pas fait un chocolat chaud et je saurai toujours le faire ».

      [...]

      Vient le moment d’entrée en lice de la défense. Et c’est un moment fascinant, on peut dire aussi d’une grande beauté où huit avocates et avocats de la défense vont interroger l’expert (qui boira - toujours de profil par rapport à la salle - beaucoup d’eau pendant cette période - un litre et demi). Il y a une grande beauté dans le déplacement des corps, dans les mouvements comme une sorte de danse autour de l’expert sous le feu doux mais persistant des questions alternant gravité et ponctuations humoristiques. On apprend que l’expertise par ce seul témoin cité a été demandée par le parquet, que l’expert a travaillé principalement sur les transcriptions - « la première fois » de l’aveu de l’expert - sélectionnées par la DGSI avec des passages surlignés en jaune plutôt que sur les scellés, avec impératif de faire vite.L’expert se réfugie dans le fait que la recette d’explosifs utilisée vient du Caucase tchétchène, et a été importée au Moyen-Orient par Daech, pour être utilisée par ses ennemis kurdes.

      -- Mais d’où tenez-vous ces informations demande un avocat ?
      -- Des services de renseignement ?
      -- Vous êtes affilié aux services de renseignement ?
      -- Non, mais je les connais.
      -- Vous pouvez apporter la preuve de ce que vous affirmez ?
      -- Non, je suis accrédité secret défense, je ne peux pas en parler.
      -- Vous pensez que ça suffit ?
      -- J’ai prêté serment.
      -- Et je dois vous croire sur parole ?
      -- Ben...