• Olivier Compagnon - Magdalena, femmes du fleuve - X 
    https://twitter.com/CompagnonO/status/1783791904615751813

    COMING SOON aux Editions de l’IHEAL : un roman graphique sur huit destins de femmes le long du fleuve Magdalena en #Colombie. Une autre manière de publier des sciences humaines et sociales
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    • les Editions de l’IHEAL (pas encore d’annonce du bouquin)
      Éditions de l’IHEAL
      https://books.openedition.org/iheal

      Conjointement gérées par l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (université Sorbonne Nouvelle) et le Centre de recherche et de documentation des Amériques (Creda-UMR 7227, CNRS), les Éditions de l’IHEAL publient depuis plus de 60 ans des travaux de sciences humaines et sociales sur l’Amérique latine et mettent tout particulièrement l’accent sur une approche pluridisciplinaire des grandes problématiques parcourant cette région du monde.

  • De la guerre révolutionnaire à la guerre d’annexion | L’Anticapitaliste
    https://lanticapitaliste.org/opinions/histoire/de-la-guerre-revolutionnaire-la-guerre-dannexion


    „Friede den Hütten ! Krieg den Palästen !“ fut le slogan du Messager hessois écrit par Georg Büchner et redigé par le pasteur Weidig qui supprima dans le texte quelques idées à son goût trop radicales. Büchner cita une devise des armées révolutionnaires francaises que ses parents avaient vu passer dans la région de Hesse quarante ans auparavant. On la trouve aussi dans un pamphlet de Buonarroti de 1793 (1er ventôse an IV) . Voici quelques sources qui témoignent de la célèbre devise.

    Enfin, la majeure partie de la bourgeoisie comprit qu’elle ne pourrait gagner la guerre qu’en s’appuyant sur l’énergie populaire. Il fallait donc s’allier les sans-culottes et c’est ce qui conduisit à la « politique de l’an II »3.

    En effet, dès la première levée de volontaires, en 1791, les artisans urbains étaient majoritaires (66 %). Les volontaires bleus s’imposèrent dans l’armée aux côtés des blancs4 : la discipline se relâcha, l’armée devint une école de républicanisme, le lieu où se trouvaient tous les patriotes les plus ardents, prêts à donner leur vie pour leurs idéaux révolutionnaires. L’armée avait ses clubs, ses journaux. La victoire de Valmy – qui ne fut pas militaire, mais politique5 – fut obtenue essentiellement grâce au fait que l’armée française, contrairement aux armées monarchistes, était composée de combattants soudés par des convictions profondes.

    « Paix aux chaumières, guerre aux palais ! »

    C’est sous ce cri que les hommes partirent dans un premier temps au combat. Rapidement, la guerre eut un impact politique sur de larges parties du continent : Comtat-Venaissin, Savoie, Comté de Nice, Belgique, Rhénanie, Malte, Italie, Grande-Bretagne et tout particulièrement Irlande, Etats allemands et Russie. Enfin son retentissement ne fut pas moindre à Saint-Domingue et aux Caraïbes.

    Son accueil en terres allemandes est assez représentatif de la manière dont les armées françaises furent accueillies sur leur passage. Dès 1790, des intellectuels – Hegel, Hölderlin et Schelling parmi les plus connus – s’enthousiasmèrent pour les événements français. Des « pèlerins de la liberté », accueillis au club des Jacobins, prirent le chemin de la France pour y voir les événements de plus près. En Bade et au Palatinat, sous l’effet de la Révolution, des troubles se produisirent au sein des couches les plus défavorisées dès l’automne 1789. La révolte des paysans saxons en 1790 fut néanmoins la plus importante et elle entraîna les artisans des villes, comme les étudiants. Des clubs se formèrent à Hambourg, Altona ou encore Nuremberg. En Rhénanie, les troubles furent particulièrement spectaculaires.

    Après Valmy, l’armée des Vosges commandée par Custine pris l’offensive sur le Rhin. Cette marche à travers le Palatinat s’effectua sans encombre : souvent les habitants prirent contact avec l’armée – et eux-mêmes les armes pour combattre aux côtés de la France. Dans certaines régions, dès l’arrivée de l’armée, les paysans se partagèrent la propriété féodale.

    Mais lorsqu’elle marcha sur Mayence, l’enthousiasme des villes s’amoindrit. Custine demanda aux corporations de choisir une constitution, et elles optèrent très majoritairement pour la monarchie constitutionnelle. Du coup, il établit un gouvernement provisoire auquel il demanda de mettre en place les institutions de la République, de proclamer l’indépendance et la souveraineté du peuple, d’élire de nouvelles autorités au suffrage universel masculin, d’abolir la féodalité, de lever des impôts plus justes, de placer sous séquestre les biens de l’Eglise.

    Adam Philippe de Custine
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Adam_Philippe_de_Custine

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_de_Custine

    Newsletter des hessischen Landesarchivs
    https://landesarchiv.hessen.de/sites/landesarchiv.hessen.de/files/2022-11/newsletter_hessenarchiv_aktuell_2018_neu.pdf

    Im Herbst 1792 gelangte ein französisches Heer unter General Custine über Rheinpfalz, Rheinhessen, das Darmstädter Ried bis an die Lahn und in die Wetterau. Der Darmstädter Hof floh aus Angst vor einer Besetzung Darmstadts in das sichere Gießen, denn „Krieg den Palästen, Friede den Hütten“ lautete die Losung an General Custine, als er 1792 den Befehl erhielt,
    gen Norden zu ziehen. Hintergrund war die Sorge der französischen Revolutionsregierung vor weiteren Angriffen aus dem Grenzgebiet,
    waren doch erst im Sommer 1792 deutsche Truppen in Frankreich einmarschiert, um den durch die Revolution faktisch entmachteten König Ludwig XVI. wieder zu seinen ursprünglichen Rechten zu verhelfen. Aber Custine sollte den Menschen hier auch die Idee einer neuen Gesellschaftsordnung und die Vorzüge der Demokratie nahebringen, doch er
    scheiterte politisch und militärisch. Nicht nur musste er sich aus den Gebieten rechts des Rheins bald wieder zurückziehen. Auch die Gründung des sogenannten Rheinisch-Deutschen Nationalkonvents, besser bekannt als „Mainzer Republik“, scheiterte schon nach wenigen Monaten. Die Expedition Custine endete mit dem Fall von Mainz am 23. Juli 1793, er selbst starb kurz darauf unter der Guillotine in Paris.

    Des révoltes aux révolutions - Chapitre XVII. Révoltes et révolutions dans l’Europe en guerre - Presses universitaires de Rennes
    https://books.openedition.org/pur/28068?lang=en

    Annexe. LES PATRIOTES ITALIENS PROPOSENT DE « RÉVOLUTIONNER » L’ITALIE ET D’EN FAIRE L’UNITÉ

    Notes sur l’Italie.

    Les soussignés chargés par les patriotes piémontais et autres italiens réunis à Nice s’empressent de faire passer au ministre des Affaires étrangères les renseignements et les demandes ci-après conformément à l’entretien qu’ils ont eu avec lui et en conséquence des instructions qu’ils ont reçues de ceux qui leur ont accordé leur confiance.

    1° L’île de Sardaigne s’est soustraite à la domination de son tyran : une armée d’insurgés s’est détachée dernièrement de Cagliari pour écraser le parti de la Cour qui s’était réfugié à Sassari. Trois partis divisent actuellement cette île : un veut l’indépendance, un demande à suivre le sort de la Corse, un troisième réclame la réunion à la France.

    2° Une fermentation universelle règne dans les deux Siciles. Le peuple accablé sous le gouvernement féodal et les jeunes gens nobles ou roturiers éclairés par la philosophie appellent à grands cris la révolution. Depuis 1792 il existe dans ce pays, un nombre infini de clubs patriotiques où se réunissent les hommes les plus instruits et les plus courageux ; si l’escadre française lors de son arrivée dans ce malheureux pays eut fait feu, ils étaient prêts à la seconder et ils avaient déjà pris des mesures pour rendre impuissants tous les préparatifs de la Cour.

    L’esprit révolutionnaire se propageait rapidement lorsqu’il s’éleva au commencement de 1795 une persécution acharnée contre tous ceux qu’on soupçonnait de patriotisme. Des amis de la liberté périrent alors sur l’échafaud, d’autres se réfugièrent en France où ils ont servi la liberté. Cette persécution qui n’a jamais cessé depuis son commencement vient de se renouveler avec plus de violence. Toute la province de l’Abruzze (l’ancien Samnium), où l’insurrection était prête à éclater, trahie par un de conjurés, est en proie au ravage des soldats de la tyrannie. Ces hommes ont abandonné leurs foyers et se battent avec acharnement contre le despotisme : on incarcère dans tout le Royaume et indistinctement peuple, nobles, avocats, prêtres, officiers. 1 000 victimes gémissent dans les Bastilles affreuses, le sang des patriotes coule tous les jours sur des échafauds.

    3° Dans les états du Pape la révolution a de nombreux partisans. Depuis longtemps les légations de Ravenne, Ferrare et Bologne cherchent à rompre leurs chaînes et à Rome même les Transtéverins, toujours remuants, toujours courageux, sont très disposés au régime de la liberté.

    4° En Toscane, où des mouvements révolutionnaires se firent sentir en 1791, le peuple est mécontent par la misère, par l’insouciance du gouvernement à son égard, par la cherté de toutes les denrées, par le défaut de travail. Les nobles regrettent les privilèges que leur arracha Léopold. Il y a dans toutes les classes une nombreuse jeunesse formée à l’étude des droits de l’humanité par la lecture de bons livres et par quelques professeurs de l’université de Pise.

    5° Sans rappeler la révolution que le Sénat gênois craignait en 1796, on peut garantir l’existence d’un très grand nombre de chauds patriotes. Dans la ville de Gênes et particulièrement sur toute la rivière de l’Est et de l’Ouest, on pourrait citer des traits de patriotisme de leur part qui ne laisseraient à cet égard aucun doute.

    6° Les patriotes de Naples ont eu des correspondances avec quelques sociétés patriotiques de Milan.

    7° Les voyageurs assurent que les patriotes sont en nombre dans l’État de Venise.

    8° En même temps que les patriotes Napolitains tramaient au Midi de l’Italie la perte de leur Roi, les Piémontais en faisaient autant au Nord. Si l’armée française eut pu faire alors un mouvement pour les seconder, c’en était fait de la cour de Turin, mais, faute de ce mouvement, le gouvernement, aidé des phalanges autrichiennes parvint à étouffer l’explosion patriotique qui commençait à éclater. Dès l’aurore de la Révolution française, le peuple piémontais sentit le charme de la liberté. En 1791, plusieurs insurrections avaient déjà fait trembler le gouvernement. Ces essais, quoique inutiles, allumèrent toujours plus le feu révolutionnaire qui couvait sous la cendre et qui était puissamment fomenté par l’odieux du gouvernement féodal, par le poids excessif des impôts, par la misère du peuple, par l’orgueil de la noblesse et du clergé.

    Depuis alors il se forma dans toutes les provinces du Piémont des associations patriotiques qui, dirigées par l’action unique d’un club central établi à Turin, avaient éclairé le peuple, réuni les hommes doués des moyens de tout genre et préparé l’explosion qui fut déjoué par la lenteur de l’armée française et par les nombreuses arrestations qui eurent alors lieu à Turin. Les Patriotes piémontais ont subi le même sort que ceux des Deux Siciles.

    Quoique incarcérés, suppliciés et persécutés, ils n’ont jamais perdu courage ; par leur influence secrète, ils ont maintenu dans le peuple l’esprit révolutionnaire, ont gagné
    un grand nombre d’officiers de l’armée et ont même fait délivrer des places à l’armée française.

    Lorsque cette armée battit à la fin de l’an II à Cairo les Austro-Sardes, le peuple vint au-devant d’elle et les provinces environnantes l’attendaient avec impatience.

    Cet enthousiasme, nourri par les maux toujours croissants de la guerre, s’est révélé avec plus de violence depuis la dernière victoire des troupes de la République, événement qui a ranimé l’espoir de toute l’Italie.

    Les Patriotes du Piémont n’attendaient plus que la prise de Ceva pour se montrer et tomber sur la Cour et ses suppôts. Voyant le retard du général français Schérer, ils se sont adressés à lui pour l’encourager et lui promettre une insurrection, et sur ce qu’il leur dit qu’il ne pouvait avancer faute de moyens de transport, ils lui promirent 6oo mulets chargés de vivres ; leur promesse commençait à être remplie lorsque l’apparence d’un traité de paix avec le gouvernement sarde ralentit les opérations militaires et jeta le désespoir dans le cœur des patriotes. Cependant ils n’ont pas perdu courage et c’est sur leur invitation que les soussignés se sont adressés au gouvernement, dans la personne du ministre des Affaires étrangères, pour lui annoncer que les Patriotes du Piémont sont prêts à faire un mouvement révolutionnaire et qu’ils n’attendent pour l’exécution que l’assurance d’être secondés par l’armée française.

    Les soussignés sont aussi chargés de représenter au gouvernement français que le Général Augereau, employé à l’armée d’Italie, a formé un plan pour seconder facilement la révolution piémontaise, plan qu’il serait bon que le gouvernement pût connaître.

    D’après ce qu’on vient de dire il paraît certain que la révolution du Piémont amènera nécessairement celle de toute l’Italie. Par cette opération, la Révolution française, après avoir enlevé à l’Autriche la plus belle partie de ses états et détruit le commerce de l’Angleterre dans la Méditerranée, aura acquis des alliés éternels, qui feront, avec elle, cause commune contre les tyrans, et c’est là, sans contredit, le moyen le plus sûr d’avoir une paix durable. Si ces vues, conformes au droit éternel de la nature sont, comme nous n’en doutons pas, celles du gouvernement français, nous devons à la cause que nous défendons de lui donner quelques avis qui influeront infiniment sur l’issue d’une si belle entreprise.

    On a souvent dit que l’Italie était le tombeau des Français ; cet adage ne se vérifiera pas cette fois-ci, si, conformément à la doctrine qu’ils ont embrassée, ils entrent en libérateurs et en amis du peuple : mais si l’indiscipline et surtout la barbare cupidité des administrateurs militaires renouvelait, dans l’intérieur, les scènes horribles qui ont affligé le pays déjà conquis en Italie, il serait à craindre que l’invasion ne se terminât par le revers de l’armée et par la destruction des patriotes.

    Ceux, au nom desquels nous parlons, nous ont chargé de recommander au gouvernement français cette partie essentielle à la réussite, en même temps qu’ils nous ont particulièrement insinué de lui déclarer que tous les patriotes italiens sentent que toutes les richesses de l’Italie doivent être employées au soutien de l’armée française, à laquelle nous devons le suprême des biens, la liberté.

    Guerre aux châteaux, paix aux chaumières.

    Cette maxime fera des prodiges en Italie et les autorités que la révolution y fera naître sauront bien porter le peuple à ne rien laisser désirer à ses libérateurs.

    Les soussignés terminent ces notes en assurant le Ministre qu’ils ont transmis à leurs commettants la réponse verbale par laquelle il leur déclara que la conduite du gouvernement français en Hollande devait être pour les Piémontais un sûr garant de l’amitié et de la fraternité avec laquelle il seconderait leurs efforts révolutionnaires et protégerait en tout temps ceux qui les auraient suscités comme amis zélés de la République française.

    D’après cela, les soussignés ne doutent pas que le feu sacré de la liberté ne tardera pas à éclater dans le Nord de l’Italie et surtout en Piémont.

    Paris ce 1er ventôse an IV

    Buonarroti, Cerise réfugiés

    Georg Büchner
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Georg_B%C3%BCchner#%C5%92uvre

    Œuvre
    1834 : Le Messager hessois (Der Hessische Landbote), pamphlet, avec Friedrich Ludwig Weidig
    1835 : La Mort de Danton (Dantons Tod), théâtre
    1835 : Lenz, nouvelle (adaptée au cinéma en 1970 par George Moorse (de).
    1836 : Léonce et Léna (Leonce und Lena), comédie satirique
    1837 : Woyzeck, pièce de théâtre (inachevée)1

    Marc Chagall - Paix aux chaumières, guerre aux palais, 1918

    Projet de panneau décoratif pour le premier anniversaire de la Révolution d’octobre. Aquarelle et mine de plomb. Galerie nationale Trétlatkov, Moscou.

    1834 - Krieg den Palästen, Hessisches Landesarchiv
    https://www.youtube.com/watch?v=To4Z1FwxT2I

    #France #Allemagne #histoire #révolution #guerre

    • Raniero Panzieri, Mario Tronti, Gaspare De Caro, Toni Negri (Turin, 1962)

      Conférence de Potere operaio à l’Université de Bologne en 1970.

      Manifestation de Potere operaio à Milan en 1972.

      Negri lors de son procès après la rafle du 7 avril 1979

      #Toni_Negri
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Toni_Negri

      Lénine au-delà de Lénine, Toni Negri (extrait de 33 Leçons sur Lénine), 1972-1973
      http://revueperiode.net/lenine-au-dela-de-lenine

      Domination et sabotage - Sur la méthode marxiste de transformation sociale, Antonio Negri (pdf), 1977
      https://entremonde.net/IMG/pdf/a6-03dominationsabotage-0-livre-high.pdf

      L’Anomalie sauvage d’Antonio Negri, Alexandre Matheron, 1983
      https://books.openedition.org/enseditions/29155?lang=fr

      Sur Mille Plateaux, Toni Negri, Revue Chimères n° 17, 1992
      https://www.persee.fr/doc/chime_0986-6035_1992_num_17_1_1846

      Les coordinations : une proposition de communisme, Toni Negri, 1994
      https://www.multitudes.net/les-coordinations-une-proposition

      Le contre-empire attaque, entretien avec Toni Negri, 2000
      https://vacarme.org/article28.html

      [#travail #multitude_de_singularités à 18mn] : Toni Negri, 2014
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/actualite-philosophique-toni-negri-5100168

      à l’occasion de la parution du Hors-Série de Philosophie Magazine sur le thème, les philosophes et le #communisme.

      Socialisme = soviets + électricité, Toni Negri, 2017
      http://revueperiode.net/les-mots-dordre-de-lenine

      L’appropriation du capital fixe : une métaphore ?
      Antonio Negri, Multitudes 2018/1 (n° 70)
      https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-1-page-92.htm

      Domination et sabotage - Entretien avec Antonio Negri, 2019
      https://vacarme.org/article3253.html

    • Les nécros de Ration et de L’imMonde ont par convention une tonalité vaguement élogieuse mais elles sont parfaitement vides. Celle de l’Huma parait plus documentée mais elle est sous paywall...

      edit L’Huma c’est encore et toujours la vilaine bêtise stalinienne :

      Figure de prou de "l’opéraïsme" dans les années 1960, arrêté durant les années de plomb en Italie, penseur de la "multitude" dans les années 2000, le théoricien politique, spécialiste de la philosophie du droit et de Hegel, est mort à Paris à l’âge de 90 ans.
      Pierre Chaillan

      (...) Figure intellectuelle et politique, il a traversé tous les soubresauts de l’histoire de l’Italie moderne et restera une grande énigme au sein du mouvement communiste et ouvrier international . Né le 1er août 1933 dans l’Italie mussolinienne, d’un père communiste disparu à la suite de violences infligées par une brigade fasciste, Antonio Negri est d’abord militant de l’Action catholique avant d’adhérer en 1956 au Parti socialiste italien, qu’il quittera rapidement.

      Le théoricien, animateurs de “l’opéraïsme”

    • Un journaliste du Monde « Gauchologue et fafologue / Enseigne @sciencespo » diffuse sur X des extraits de l’abject "Camarade P38" du para-policier Fabrizio Calvi en prétendant que cette bouse « résume les critiques ».
      Mieux vaut se référer à EMPIRE ET SES PIÈGES - Toni Negri et la déconcertante trajectoire de l’opéraïsme italien, de Claudio Albertani https://infokiosques.net/spip.php?article541

    • #opéraïsme

      http://www.zones-subversives.com/l-op%C3%A9ra%C3%AFsme-dans-l-italie-des-ann%C3%A9es-1960

      Avant l’effervescence de l’Autonomie italienne, l’opéraïsme tente de renouveler la pensée marxiste pour réfléchir sur les luttes ouvrières. Ce mouvement politique et intellectuel se développe en Italie dans les années 1960. Il débouche vers une radicalisation du conflit social en 1968, et surtout en 1969 avec une grève ouvrière sauvage. Si le post-opéraïsme semble relativement connu en France, à travers la figure de Toni Negri et la revue Multitudes, l’opéraïsme historique demeure largement méconnu.

      Mario Tronti revient sur l’aventure de l’opéraïsme, à laquelle il a activement participé. Son livre articule exigence théorique et témoignage vivant. Il décrit ce mouvement comme une « expérience de pensée - d’un cercle de personnes liées entre elles indissolublement par un lien particulier d’amitié politique ». La conflictualité sociale et la radicalisation des luttes ouvrières doit alors permettre d’abattre le capitalisme.

    • IL SECOLO BREVE DI TONI NEGRI, Ago 17, 2023,
      di ROBERTO CICCARELLI.

      http://www.euronomade.info/?p=15660

      Toni Negri hai compiuto novant’anni. Come vivi oggi il tuo tempo?

      Mi ricordo Gilles Deleuze che soffriva di un malanno simile al mio. Allora non c’erano l’assistenza e la tecnologia di cui possiamo godere noi oggi. L’ultima volta che l’ho visto girava con un carrellino con le bombole di ossigeno. Era veramente dura. Lo è anche per me oggi. Penso che ogni giorno che passa a questa età sia un giorno di meno. Non hai la forza di farlo diventare un giorno magico. È come quando mangi un buon frutto e ti lascia in bocca un gusto meraviglioso. Questo frutto è la vita, probabilmente. È una delle sue grandi virtù.

      Novant’anni sono un secolo breve.

      Di secoli brevi ce ne possono essere diversi. C’è il classico periodo definito da Hobsbawm che va dal 1917 al 1989. C’è stato il secolo americano che però è stato molto più breve. È durato dagli accordi monetari e dalla definizione di una governance mondiale a Bretton Woods, agli attentati alle Torri Gemelle nel settembre 2001. Per quanto mi riguarda il mio lungo secolo è iniziato con la vittoria bolscevica, poco prima che nascessi, ed è continuato con le lotte operaie, e con tutti i conflitti politici e sociali ai quali ho partecipato.

      Questo secolo breve è terminato con una sconfitta colossale.

      È vero. Ma hanno pensato che fosse finita la storia e fosse iniziata l’epoca di una globalizzazione pacificata. Nulla di più falso, come vediamo ogni giorno da più di trent’anni. Siamo in un’età di transizione, ma in realtà lo siamo sempre stati. Anche se sottotraccia, ci troviamo in un nuovo tempo segnato da una ripresa globale delle lotte contro le quali c’è una risposta dura. Le lotte operaie hanno iniziato a intersecarsi sempre di più con quelle femministe, antirazziste, a difesa dei migranti e per la libertà di movimento, o ecologiste.

      Filosofo, arrivi giovanissimo in cattedra a Padova. Partecipi a Quaderni Rossi, la rivista dell’operaismo italiano. Fai inchiesta, fai un lavoro di base nelle fabbriche, a cominciare dal Petrolchimico di Marghera. Fai parte di Potere Operaio prima, di Autonomia Operaia poi. Vivi il lungo Sessantotto italiano, a cominciare dall’impetuoso Sessantanove operaio a Corso Traiano a Torino. Qual è stato il momento politico culminante di questa storia?

      Gli anni Settanta, quando il capitalismo ha anticipato con forza una strategia per il suo futuro. Attraverso la globalizzazione, ha precarizzato il lavoro industriale insieme all’intero processo di accumulazione del valore. In questa transizione, sono stati accesi nuovi poli produttivi: il lavoro intellettuale, quello affettivo, il lavoro sociale che costruisce la cooperazione. Alla base della nuova accumulazione del valore, ci sono ovviamente anche l’aria, l’acqua, il vivente e tutti i beni comuni che il capitale ha continuato a sfruttare per contrastare l’abbassamento del tasso di profitto che aveva conosciuto a partire dagli anni Sessanta.

      Perché, dalla metà degli anni Settanta, la strategia capitalista ha vinto?

      Perché è mancata una risposta di sinistra. Anzi, per un tempo lungo, c’è stata una totale ignoranza di questi processi. A partire dalla fine degli anni Settanta, c’è stata la soppressione di ogni potenza intellettuale o politica, puntuale o di movimento, che tentasse di mostrare l’importanza di questa trasformazione, e che puntasse alla riorganizzazione del movimento operaio attorno a nuove forme di socializzazione e di organizzazione politica e culturale. È stata una tragedia. Qui che appare la continuità del secolo breve nel tempo che stiamo vivendo ora. C’è stata una volontà della sinistra di bloccare il quadro politico su quello che possedeva.

      E che cosa possedeva quella sinistra?

      Un’immagine potente ma già allora inadeguata. Ha mitizzato la figura dell’operaio industriale senza comprendere che egli desiderava ben altro. Non voleva accomodarsi nella fabbrica di Agnelli, ma distruggere la sua organizzazione; voleva costruire automobili per offrirle agli altri senza schiavizzare nessuno. A Marghera non avrebbe voluto morire di cancro né distruggere il pianeta. In fondo è quello che ha scritto Marx nella Critica del programma di Gotha: contro l’emancipazione attraverso il lavoro mercificato della socialdemocrazia e per la liberazione della forza lavoro dal lavoro mercificato. Sono convinto che la direzione presa dall’Internazionale comunista – in maniera evidente e tragica con lo stalinismo, e poi in maniera sempre più contraddittoria e irruente -, abbia distrutto il desiderio che aveva mobilitato masse gigantesche. Per tutta la storia del movimento comunista è stata quella la battaglia.

      Cosa si scontrava su quel campo di battaglia?

      Da un lato, c’era l’idea della liberazione. In Italia è stata illuminata dalla resistenza contro il nazi-fascismo. L’idea di liberazione si è proiettata nella stessa Costituzione così come noi ragazzi la interpretammo allora. E in questa vicenda non sottovaluterei l’evoluzione sociale della Chiesa Cattolica che culminò con il Secondo Concilio Vaticano. Dall’altra parte, c’era il realismo ereditato dal partito comunista italiano dalla socialdemocrazia, quello degli Amendola e dei togliattiani di varia origine. Tutto è iniziato a precipitare negli anni Settanta, mentre invece c’era la possibilità di inventare una nuova forma di vita, un nuovo modo di essere comunisti.

      Continui a definirti un comunista. Cosa significa oggi?

      Quello che per me ha significato da giovane: conoscere un futuro nel quale avremmo conquistato il potere di essere liberi, di lavorare meno, di volerci bene. Eravamo convinti che concetti della borghesia quali libertà, uguaglianza e fraternità avrebbero potuto realizzarsi nelle parole d’ordine della cooperazione, della solidarietà, della democrazia radicale e dell’amore. Lo pensavamo e lo abbiamo agito, ed era quello che pensava la maggioranza che votava la sinistra e la faceva esistere. Ma il mondo era ed è insopportabile, ha un rapporto contraddittorio con le virtù essenziali del vivere insieme. Eppure queste virtù non si perdono, si acquisiscono con la pratica collettiva e sono accompagnate dalla trasformazione dell’idea di produttività che non significa produrre più merci in meno tempo, né fare guerre sempre più devastanti. Al contrario serve a dare da mangiare a tutti, modernizzare, rendere felici. Comunismo è una passione collettiva gioiosa, etica e politica che combatte contro la trinità della proprietà, dei confini e del capitale.

      L’arresto avvenuto il 7 aprile 1979, primo momento della repressione del movimento dell’autonomia operaia, è stato uno spartiacque. Per ragioni diverse, a mio avviso, lo è stato anche per la storia del «manifesto» grazie a una vibrante campagna garantista durata anni, un caso giornalistico unico condotto con i militanti dei movimenti, un gruppo di coraggiosi intellettuali, il partito radicale. Otto anni dopo, il 9 giugno 1987, quando fu demolito il castello di accuse cangianti, e infondate, Rossana Rossanda scrisse che fu una «tardiva, parziale riparazione di molto irreparabile». Cosa significa oggi per te tutto questo?

      È stato innanzitutto il segno di un’amicizia mai smentita. Rossana per noi è stata una persona di una generosità incredibile. Anche se, a un certo punto, si è fermata anche lei: non riusciva a imputare al Pci quello che il Pci era diventato.

      Che cosa era diventato?

      Un oppressore. Ha massacrato quelli che denunciavano il pasticcio in cui si era andato a ficcare. In quegli anni siamo stati in molti a dirglielo. Esisteva un’altra strada, che passava dall’ascolto della classe operaia, del movimento studentesco, delle donne, di tutte le nuove forme nelle quali le passioni sociali, politiche e democratiche si stavano organizzando. Noi abbiamo proposto un’alternativa in maniera onesta, pulita e di massa. Facevamo parte di un enorme movimento che investiva le grandi fabbriche, le scuole, le generazioni. La chiusura da parte del Pci ha determinato la nascita di estremizzazioni terroristiche: questo è fuori dubbio. Noi abbiamo pagato tutto e pesantemente. Solo io ho fatto complessivamente quattordici anni di esilio e undici e mezzo di prigione. Il Manifesto ha sempre difeso la nostra innocenza. Era completamente idiota che io o altri dell’Autonomia fossimo considerati i rapitori di Aldo Moro o gli uccisori di compagni. Tuttavia, nella campagna innocentista che è stata coraggiosa e importante è stato però lasciato sul fondo un aspetto sostanziale.

      Quale?
      Eravamo politicamente responsabili di un movimento molto più ampio contro il compromesso storico tra il Pci e la Dc. Contro di noi c’è stata una risposta poliziesca della destra, e questo si capisce. Quello che non si vuol capire è stata invece la copertura che il Pci ha dato a questa risposta. In fondo, avevano paura che cambiasse l’orizzonte politico di classe. Se non si comprende questo nodo storico, come ci si può lamentare dell’inesistenza di una sinistra oggi in Italia?

      Il sette aprile, e il cosiddetto «teorema Calogero», sono stati considerati un passo verso la conversione di una parte non piccola della sinistra al giustizialismo e alla delega politica alla magistratura. Come è stato possibile lasciarsi incastrare in una simile trappola?

      Quando il Pci sostituì la centralità della lotta morale a quella economica e politica, e lo fece attraverso giudici che gravitavano attorno alla sua area, ha finito il suo percorso. Questi davvero credevano di usare il giustizialismo per costruire il socialismo? Il giustizialismo è una delle cose più care alla borghesia. È un’illusione devastante e tragica che impedisce di vedere l’uso di classe del diritto, del carcere o della polizia contro i subalterni. In quegli anni cambiarono anche i giovani magistrati. Prima erano molto diversi. Li chiamavano «pretori di assalto». Ricordo i primi numeri della rivista Democrazia e Diritto ai quali ho lavorato anch’io. Mi riempivano di gioia perché parlavamo di giustizia di massa. Poi l’idea di giustizia è stata declinata molto diversamente, riportata ai concetti di legalità e di legittimità. E nella magistratura non c’è più stata una presa di parola politica, ma solo schieramenti tra correnti. Oggi, poi abbiamo una Costituzione ridotta a un pacchetto di norme che non corrispondono neanche più alla realtà del paese.

      In carcere avete continuato la battaglia politica. Nel 1983 scriveste un documento in carcere, pubblicato da Il Manifesto, intitolato «Do You remember revolution». Si parlava dell’originalità del 68 italiano, dei movimenti degli anni Settanta non riducibili agli «anni di piombo». Come hai vissuto quegli anni?

      Quel documento diceva cose importanti con qualche timidezza. Credo dica più o meno le cose che ho appena ricordato. Era un periodo duro. Noi eravamo dentro, dovevamo uscire in qualche maniera. Ti confesso che in quell’immane sofferenza per me era meglio studiare Spinoza che pensare all’assurda cupezza in cui eravamo stati rinchiusi. Ho scritto su Spinoza un grosso libro ed è stato una specie di atto eroico. Non potevo avere più di cinque libri in cella. E cambiavo carcere speciale in continuazione: Rebibbia, Palmi, Trani, Fossombrone, Rovigo. Ogni volta in una cella nuova con gente nuova. Aspettare giorni e ricominciare. L’unico libro che portavo con me era l’Etica di Spinoza. La fortuna è stata finire il mio testo prima della rivolta a Trani nel 1981 quando i corpi speciali hanno distrutto tutto. Sono felice che abbia prodotto uno scossone nella storia della filosofia.

      Nel 1983 sei stato eletto in parlamento e uscisti per qualche mese dal carcere. Cosa pensi del momento in cui votarono per farti tornare in carcere e tu decidesti di andare in esilio in Francia?

      Ne soffro ancora molto. Se devo dare un giudizio storico e distaccato penso di avere fatto bene ad andarmene. In Francia sono stato utile per stabilire rapporti tra generazioni e ho studiato. Ho avuto la possibilità di lavorare con Félix Guattari e sono riuscito a inserirmi nel dibattito del tempo. Mi ha aiutato moltissimo a comprendere la vita dei Sans Papiers. Lo sono stato anch’io, ho insegnato pur non avendo una carta di identità. Mi hanno aiutato i compagni dell’università di Parigi 8. Ma per altri versi mi dico che ho sbagliato. Mi scuote profondamente il fatto di avere lasciato i compagni in carcere, quelli con cui ho vissuto i migliori anni della mia vita e le rivolte in quattro anni di carcerazione preventiva. Averli lasciati mi fa ancora male. Quella galera ha devastato la vita di compagni carissimi, e spesso delle loro famiglie. Ho novant’anni e mi sono salvato. Non mi rende più sereno di fronte a quel dramma.

      Anche Rossanda ti criticò…

      Sì, mi ha chiesto di comportarmi come Socrate. Io le risposi che rischiavo proprio di finire come il filosofo. Per i rapporti che c’erano in galera avrei potuto morire. Pannella mi ha materialmente portato fuori dalla galera e poi mi ha rovesciato tutte le colpe del mondo perché non volevo tornarci. Sono stati in molti a imbrogliarmi. Rossana mi aveva messo in guardia già allora, e forse aveva ragione.

      C’è stata un’altra volta che lo ha fatto?

      Sì, quando mi disse di non rientrare da Parigi in Italia nel 1997 dopo 14 anni di esilio. La vidi l’ultima volta prima di partire in un café dalle parti del Museo di Cluny, il museo nazionale del Medioevo. Mi disse che avrebbe voluto legami con una catena per impedirmi di prendere quell’aereo.

      Perché allora hai deciso di tornare in Italia?

      Ero convinto di fare una battaglia sull’amnistia per tutti i compagni degli anni Settanta. Allora c’era la Bicamerale, sembrava possibile. Mi sono fatto sei anni di galera fino al 2003. Forse Rossana aveva ragione.

      Che ricordo oggi hai di lei?

      Ricordo l’ultima volta che l’ho vista a Parigi. Una dolcissima amica, che si preoccupava dei miei viaggi in Cina, temeva che mi facessi male. È stata una persona meravigliosa, allora e sempre.

      Anna Negri, tua figlia, ha scritto «Con un piede impigliato nella storia» (DeriveApprodi) che racconta questa storia dal punto di vista dei vostri affetti, e di un’altra generazione.

      Ho tre figli splendidi Anna, Francesco e Nina che hanno sofferto in maniera indicibile quello che è successo. Ho guardato la serie di Bellocchio su Moro e continuo ad essere stupefatto di essere stato accusato di quella incredibile tragedia. Penso ai miei due primi figli, che andavano a scuola. Qualcuno li vedeva come i figli di un mostro. Questi ragazzi, in una maniera o nell’altra, hanno sopportato eventi enormi. Sono andati via dall’Italia e ci sono tornati, hanno attraversato quel lungo inverno in primissima persona. Il minimo che possono avere è una certa collera nei confronti dei genitori che li hanno messi in questa situazione. E io ho una certa responsabilità in questa storia. Siamo tornati ad essere amici. Questo per me è un regalo di una immensa bellezza.

      Alla fine degli anni Novanta, in coincidenza con i nuovi movimenti globali, e poi contro la guerra, hai acquisito una forte posizione di riconoscibilità insieme a Michael Hardt a cominciare da «Impero». Come definiresti oggi, in un momento di ritorno allo specialismo e di idee reazionarie e elitarie, il rapporto tra filosofia e militanza?

      È difficile per me rispondere a questa domanda. Quando mi dicono che ho fatto un’opera, io rispondo: Lirica? Ma ti rendi conto? Mi scappa da ridere. Perché sono più un militante che un filosofo. Farà ridere qualcuno, ma io mi ci vedo, come Papageno…

      Non c’è dubbio però che tu abbia scritto molti libri…

      Ho avuto la fortuna di trovarmi a metà strada tra la filosofia e la militanza. Nei migliori periodi della mia vita sono passato in permanenza dall’una all’altra. Ciò mi ha permesso di coltivare un rapporto critico con la teoria capitalista del potere. Facendo perno su Marx, sono andato da Hobbes a Habermas, passando da Kant, Rousseau e Hegel. Gente abbastanza seria da dovere essere combattuta. Di contro la linea Machiavelli-Spinoza-Marx è stata un’alternativa vera. Ribadisco: la storia della filosofia per me non è una specie di testo sacro che ha impastato tutto il sapere occidentale, da Platone ad Heidegger, con la civiltà borghese e ha tramandato con ciò concetti funzionali al potere. La filosofia fa parte della nostra cultura, ma va usata per quello che serve, cioè a trasformare il mondo e farlo diventare più giusto. Deleuze parlava di Spinoza e riprendeva l’iconografia che lo rappresentava nei panni di Masaniello. Vorrei che fosse vero per me. Anche adesso che ho novant’anni continuo ad avere questo rapporto con la filosofia. Vivere la militanza è meno facile, eppure riesco a scrivere e ad ascoltare, in una situazione di esule.

      Esule, ancora, oggi?

      Un po’, sì. È un esilio diverso però. Dipende dal fatto che i due mondi in cui vivo, l’Italia e la Francia, hanno dinamiche di movimento molto diverse. In Francia, l’operaismo non ha avuto un seguito largo, anche se oggi viene riscoperto. La sinistra di movimento in Francia è sempre stata guidata dal trotzkismo o dall’anarchismo. Negli anni Novanta, con la rivista Futur antérieur, con l’amico e compagno Jean-Marie Vincent, avevamo trovato una mediazione tra gauchisme e operaismo: ha funzionato per una decina d’anni. Ma lo abbiamo fatto con molta prudenza. il giudizio sulla politica francese lo lasciavamo ai compagni francesi. L’unico editoriale importante scritto dagli italiani sulla rivista è stato quello sul grande sciopero dei ferrovieri del ’95, che assomigliava tanto alle lotte italiane.

      Perché l’operaismo conosce oggi una risonanza a livello globale?

      Perché risponde all’esigenza di una resistenza e di una ripresa delle lotte, come in altre culture critiche con le quali dialoga: il femminismo, l’ecologia politica, la critica postcoloniale ad esempio. E poi perché non è la costola di niente e di nessuno. Non lo è stato mai, e neanche è stato un capitolo della storia del Pci, come qualcuno s’illude. È invece un’idea precisa della lotta di classe e una critica della sovranità che coagula il potere attorno al polo padronale, proprietario e capitalista. Ma il potere è sempre scisso, ed è sempre aperto, anche quando non sembra esserci alternativa. Tutta la teoria del potere come estensione del dominio e dell’autorità fatta dalla Scuola di Francoforte e dalle sue recenti evoluzioni è falsa, anche se purtroppo rimane egemone. L’operaismo fa saltare questa lettura brutale. È uno stile di lavoro e di pensiero. Riprende la storia dal basso fatta da grandi masse che si muovono, cerca la singolarità in una dialettica aperta e produttiva.

      I tuoi costanti riferimenti a Francesco d’Assisi mi hanno sempre colpito. Da dove nasce questo interesse per il santo e perché lo hai preso ad esempio della tua gioia di essere comunista?

      Da quando ero giovane mi hanno deriso perché usavo la parola amore. Mi prendevano per un poeta o per un illuso. Di contro, ho sempre pensato che l’amore era una passione fondamentale che tiene in piedi il genere umano. Può diventare un’arma per vivere. Vengo da una famiglia che è stata miserabile durante la guerra e mi ha insegnato un affetto che mi fa vivere ancora oggi. Francesco è in fondo un borghese che vive in un periodo in cui coglie la possibilità di trasformare la borghesia stessa, e di fare un mondo in cui la gente si ama e ama il vivente. Il richiamo a lui, per me, è come il richiamo ai Ciompi di Machiavelli. Francesco è l’amore contro la proprietà: esattamente quello che avremmo potuto fare negli anni Settanta, rovesciando quello sviluppo e creando un nuovo modo di produrre. Non è mai stato ripreso a sufficienza Francesco, né è stato presa in debito conto l’importanza che ha avuto il francescanesimo nella storia italiana. Lo cito perché voglio che parole come amore e gioia entrino nel linguaggio politico.

      *

      Dall’infanzia negli anni della guerra all’apprendistato filosofico alla militanza comunista, dal ’68 alla strage di piazza Fontana, da Potere Operaio all’autonomia e al ’77, l’arresto, l’esilio. E di nuovo la galera per tornare libero. Toni Negri lo ha raccontato con Girolamo De Michele in tre volumi autobiografici Storia di un comunista, Galera e esilio, Da Genova a Domani (Ponte alle Grazie). Con Mi chael Hardt, professore di letteratura alla Duke University negli Stati Uniti, ha scritto, tra l’altro, opere discusse e di larga diffusione: Impero, Moltitudine, Comune (Rizzoli) e Assemblea (Ponte alle Grazie). Per l’editore anglo-americano Polity Books ha pubblicato, tra l’altro, sei volumi di scritti tra i quali The Common, Marx in Movement, Marx and Foucault.

      In Italia DeriveApprodi ha ripubblicato il classico «Spinoza». Per la stessa casa editrice: I libri del rogo, Pipe Line, Arte e multitudo (a cura di N. Martino), Settanta (con Raffaella Battaglini). Con Mimesis la nuova edizione di Lenta ginestra. Saggio sull’ontologia di Giacomo Leopardi. Con Ombre Corte, tra l’altro, Dall’operaio massa all’operaio sociale (a cura di P. Pozzi-R. Tomassini), Dentro/contro il diritto sovrano (con G. Allegri), Il lavoro nella costituzione (con A. Zanini).

      A partire dal prossimo ottobre Manifestolibri ripubblicherà i titoli in catalogo con una nuova prefazione: L’inchiesta metropolitana e altri scritti sociologici, a cura di Alberto De Nicola e Paolo Do; Marx oltre Marx (prefazione di Sandro Mezzadra); Trentatré Lezioni su Lenin (Giso Amendola); Potere Costituente (Tania Rispoli); Descartes politico (Marco Assennato); Kairos, Alma Venus, moltitudo (Judith Revel); Il lavoro di Dioniso, con Michael Hardt (Francesco Raparelli)

      #autonomie #prison #exil

    • Le philosophe italien Toni Negri est mort

      Inspirant les luttes politiques en Italie dans les années 1960 et 1970, son travail a également influencé le mouvement altermondialiste du début du XXIe siècle.


      Toni Negri, à Rome (Italie), en septembre 2010. STEFANO MONTESI - CORBIS / VIA GETTY IMAGES

      Il était né dans l’Italie fasciste. Il disparaît alors que l’extrême droite gouverne à nouveau son pays. Le philosophe Toni Negri, acteur et penseur majeur de plus d’un demi-siècle de luttes d’extrême gauche, est mort dans la nuit du 15 au 16 décembre à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé son épouse, la philosophe française Judith Revel.

      « C’était un mauvais maître », a tout de suite réagi, selon le quotidien La Repubblica, le ministre de la culture italien, Gennaro Sangiuliano. « Tu resteras à jamais dans mon cœur et dans mon esprit, cher Maître, Père, Prophète », a écrit quant à lui, sur Facebook, l’activiste Luca Casarini, l’un des leaders du mouvement altermondialiste italien. Peut-être aurait-il vu dans la violence de ce contraste un hommage à la puissance de ses engagements, dont la radicalité ne s’est jamais affadie.

      Né le 1er août 1933 à Padoue, Antonio Negri, que tout le monde appelle Toni, et qui signera ainsi ses livres, commence très tôt une brillante carrière universitaire – il enseigne à l’université de Padoue dès ses 25 ans –, tout en voyageant, en particulier au Maghreb et au Moyen-Orient. C’est en partageant la vie d’un kibboutz israélien que le jeune homme, d’abord engagé au parti socialiste, dira être devenu communiste. Encore fallait-il savoir ce que ce mot pouvait recouvrir.

      Cette recherche d’une nouvelle formulation d’un idéal ancien, qu’il s’agissait de replacer au centre des mutations du monde, parcourt son œuvre philosophique, de Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979) à l’un de ses derniers livres, Inventer le commun des hommes (Bayard, 2010). Elle devient aussi l’axe de son engagement militant, qui va bientôt se confondre avec sa vie.

      Marxismes hétérodoxes

      L’Italie est alors, justement, le laboratoire des marxismes dits hétérodoxes, en rupture de ban avec le parti communiste, en particulier l’« opéraïsme » (de l’italien « operaio », « ouvrier »). Toni Negri le rejoint à la fin des années 1960, et s’en fait l’un des penseurs et activistes les plus emblématiques, toujours présent sur le terrain, dans les manifestations et surtout dans les usines, auprès des ouvriers. « Il s’agissait d’impliquer les ouvriers dans la construction du discours théorique sur l’exploitation », expliquera-t-il dans un entretien, en 2018, résumant la doctrine opéraïste, particulièrement celle des mouvements auxquels il appartient, Potere Operaio, puis Autonomia Operaia.

      Des armes circulent. Le terrorisme d’extrême droite et d’extrême gauche ravage le pays. Bien qu’il s’oppose à la violence contre les personnes, le philosophe est arrêté en 1979, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro, accusation dont il est rapidement blanchi. Mais d’autres pèsent sur lui – « association subversive », et complicité « morale » dans un cambriolage – et il est condamné à douze ans de prison.
      Elu député du Parti radical en 1983, alors qu’il est encore prisonnier, il est libéré au titre de son immunité parlementaire. Quand celle-ci est levée [par un vote que le parti Radical a permis de rendre majoritaire, ndc], il s’exile en France. Rentré en Italie en 1997, il est incarcéré pendant deux ans, avant de bénéficier d’une mesure de semi-liberté. Il est définitivement libéré en 2003.

      Occupy Wall Street et les Indignés

      Il enseigne, durant son exil français, à l’Ecole normale supérieure, à l’université Paris-VIII ou encore au Collège international de philosophie. Ce sont aussi des années d’intense production intellectuelle, et, s’il porte témoignage en publiant son journal de l’année 1983 (Italie rouge et noire, Hachette, 1985), il développe surtout une pensée philosophique exigeante, novatrice, au croisement de l’ontologie et de la pensée politique. On peut citer, entre beaucoup d’autres, Les Nouveaux Espaces de liberté, écrit avec Félix Guattari (Dominique Bedou, 1985), Spinoza subversif. Variations (in)actuelles (Kimé, 1994), Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (PUF, 1997) ou Kairos, Alma Venus, multitude. Neuf leçons en forme d’exercices (Calmann-Lévy, 2000).
      Ce sont cependant les livres qu’il coécrit avec l’Américain Michael Hardt qui le font connaître dans le monde entier, et d’abord Empire (Exils, 2000), où les deux philosophes s’efforcent de poser les fondements d’une nouvelle pensée de l’émancipation dans le contexte créé par la mondialisation. Celle-ci, « transition capitale dans l’histoire contemporaine », fait émerger selon les auteurs un capitalisme « supranational, mondial, total », sans autres appartenances que celles issues des rapports de domination économique. Cette somme, comme la suivante, Multitude. Guerre et démocratie à l’époque de l’Empire (La Découverte, 2004), sera une des principales sources d’inspiration du mouvement altermondialiste, d’Occupy Wall Street au mouvement des Indignés, en Espagne.

      C’est ainsi que Toni Negri, de l’ébullition italienne qui a marqué sa jeunesse et décidé de sa vie aux embrasements et aux espoirs du début du XXIe siècle, a traversé son temps : en ne lâchant jamais le fil d’une action qui était, pour lui, une forme de pensée, et d’une pensée qui tentait d’agir au cœur même du monde.
      Florent Georgesco
      https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/12/16/le-philosophe-italien-toni-negri-est-mort_6206182_3382.html

      (article corrigé trois fois en 9 heures, un bel effort ! il faut continuer !)

    • Pouvoir ouvrier, l’équivalent italien de la Gauche prolétarienne

      Chapeau le Diplo, voilà qui est informé !
      En 1998, le journal avait titré sur un mode médiatico-policier (« Ce que furent les “années de plomb” en Italie »). La réédition dans un Manière de voir de 2021 (long purgatoire) permis un choix plus digne qui annonçait correctement cet article fort utile : Entre « compromis historique » et terrorisme. Retour sur l’Italie des années 1970.
      Diplo encore, l’iconographie choisit d’ouvrir l’oeil... sur le rétroviseur. J’identifie pas le leader PCI (ou CGIL) qui est à la tribune mais c’est évidement le Mouvement ouvrier institué et son rôle (historiquement compromis) d’encadrement de la classe ouvrière qui est mis en avant.

      #média #gauche #Italie #Histoire #Potere_operaio #PCI #lutte_armée #compromis_historique #terrorisme

      edit

      [Rome] Luciano Lama, gli scontri alla Sapienza e il movimento del ’77
      https://www.corriere.it/foto-gallery/cultura/17_febbraio_16/scontri-sapienza-lama-foto-6ad864d0-f428-11e6-a5e5-e33402030d6b.shtml

      «Il segretario della Cgil Luciano Lama si è salvato a stento dall’assalto degli autonomi, mentre tentava di parlare agli studenti che da parecchi giorni occupano la città universitaria. Il camion, trasformato in palco, dal quale il sindacalista ha preso la parola, è stato letteralmente sfasciato e l’autista è uscito dagli incidenti con la testa spaccata e varie ferite». E’ la cronaca degli scontri alla Sapienza riportata da Corriere il 18 febbraio del 1977, un giorno dopo la “cacciata” del leader della CGIL Luciano Lama dall’ateneo dove stava tenendo un comizio. Una giornata di violenza che diventerà il simbolo della rottura tra la sinistra istituzionale, rappresentata dal Pci e dal sindacato, e la sinistra dei movimenti studenteschi. Nella foto il camion utilizzato come palco da Luciano Lama preso d’assalto dai contestatori alla Sapienza (Ansa)

    • ENTRE ENGAGEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET PHILOSOPHIE
      Toni Negri (1933-2023), histoire d’un communiste
      https://www.revolutionpermanente.fr/Toni-Negri-1933-2023-histoire-d-un-communiste

      Sans doute est-il compliqué de s’imaginer, pour les plus jeunes, ce qu’a pu représenter Toni Negri pour différentes générations de militant.es. Ce qu’il a pu symboliser, des deux côtés des Alpes et au-delà, à différents moments de l’histoire turbulente du dernier tiers du XXème siècle, marqué par la dernière poussée révolutionnaire contemporaine – ce « long mois de mai » qui aura duré plus de dix ans, en Italie – suivie d’un reflux face auquel, loin de déposer les armes, Negri a choisi de résister en tentant de penser un arsenal conceptuel correspondant aux défis posés par le capitalisme contemporain. Tout en restant, jusqu’au bout, communiste. C’est ainsi qu’il se définissait.

    • À Toni Negri, camarade et militant infatigable
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/181223/toni-negri-camarade-et-militant-infatigable

      Toni Negri nous a quittés. Pour certains d’entre nous, c’était un ami cher mais pour nous tous, il était le camarade qui s’était engagé dans le grand cycle des luttes politiques des années soixante et dans les mouvements révolutionnaires des années soixante-dix en Italie. Il fut l’un des fondateurs de l’opéraïsme et le penseur qui a donné une cohérence théorique aux luttes ouvrières et prolétariennes dans l’Occident capitaliste et aux transformations du Capital qui en ont résulté. C’est Toni qui a décrit la multitude comme une forme de subjectivité politique qui reflète la complexité et la diversité des nouvelles formes de travail et de résistance apparues dans la société post-industrielle. Sans la contribution théorique de Toni et de quelques autres théoriciens marxistes, aucune pratique n’aurait été adéquate pour le conflit de classes.
      Un Maître, ni bon ni mauvais : c’était notre tâche et notre privilège d’interpréter ou de réfuter ses analyses. C’était avant tout notre tâche, et nous l’avons assumée, de mettre en pratique la lutte dans notre sphère sociale, notre action dans le contexte politique de ces années-là. Nous n’étions ni ses disciples ni ses partisans et Toni n’aurait jamais voulu que nous le soyons. Nous étions des sujets politiques libres, qui décidaient de leur engagement politique, qui choisissaient leur voie militante et qui utilisaient également les outils critiques et théoriques fournis par Toni dans leur parcours.

    • Toni Negri, l’au-delà de Marx à l’épreuve de la politique, Yann Moulier Boutang
      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/toni-negri-lau-dela-de-marx-a-lepreuve-de-la-politique-20231217_Z5QALRLO7

      Il n’est guère de concepts hérités du marxisme qu’il n’ait renouvelés de fond en comble. Contentons-nous ici de quelques notions clés. La clé de l’évolution du capitalisme, ne se lit correctement que dans celle de la composition du travail productif structuré dans la classe ouvrière et son mouvement, puis dans les diverses formes de salariat. Le Marx le plus intéressant pour nous est celui des Grundrisse (cette esquisse du Capital). C’est le refus du travail dans les usines, qui pousse sans cesse le capitalisme, par l’introduction du progrès technique, puis par la mondialisation, à contourner la « forteresse ouvrière ». Composition de classe, décomposition, recomposition permettent de déterminer le sens des luttes sociales. Negri ajoute à ce fond commun à tous les operaïstes deux innovations : la méthode de la réalisation de la tendance, qui suppose que l’évolution à peine perceptible est déjà pleinement déployée, pour mieux saisir à l’avance les moments et les points où la faire bifurquer. Deuxième innovation : après l’ouvrier qualifié communiste, et l’ouvrier-masse (l’OS du taylorisme), le capitalisme des années 1975-1990 (celui de la délocalisation à l’échelle mondiale de la chaîne de la valeur) produit et affronte l’ouvrier-social.

      C’est sur ce passage obligé que l’idée révolutionnaire se renouvelle. L’enquête ouvrière doit se déplacer sur ce terrain de la production sociale. La question de l’organisation, de la dispersion et de l’éclatement remplace la figure de la classe ouvrière et de ses allié.e.s. L’ouvrier social des années 1975 devient la multitude. Cela paraît un diagramme abstrait. Pourtant les formes de lutte comme les objectifs retenus, les collectifs des travailleuses du soin, de chômeurs ou d’intérimaires, les grèves des Ubereat témoignent de l’actualité de cette perspective. Mais aussi de ses limites, rencontrées au moment de s’incarner politiquement. (1)

      https://justpaste.it/3t9h9

      edit « optimisme de la raison, pessimisme de la volonté », T.N.
      Ration indique des notes qui ne sont pas publiées...

      Balibar offre une toute autre lecture des apports de T.N. que celle du très recentré YMB
      https://seenthis.net/messages/1032920

      #marxisme #mouvements_sociaux #théorie #compostion_de_classe #refus_du_travail #luttes_sociales #analyse_de_la tendance #ouvrier_masse #ouvrier_social #enquête_ouvrière #production_sociale #multitude #puissance #pouvoir

    • Décider en Essaim, Toni Negri , 2004
      https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=pqBZJD5oFJY

      Toni Negri : pour la multitude, Michael Löwy
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2023/12/18/toni-negri

      Avec la disparition d’Antonio Negri – Toni pour les amis – la cause communiste perd un grand penseur et un combattant infatigable. Persécuté pour ses idées révolutionnaires, incarcéré en Italie pendant de longues années, Toni est devenu célèbre grâce à ses ouvrages qui se proposent, par une approche philosophique inspirée de #Spinoza et de #Marx, de contribuer à l’émancipation de la multitude

      .

    • Un congedo silenzioso, Paolo Virno
      https://ilmanifesto.it/un-congedo-silenzioso


      Toni Negri - Tano D’Amico /Archivio Manifesto

      Due anni fa, credo, telefona Toni. Sarebbe passato per Roma, mi chiede di vederci. Un’ora insieme, con Judith, in una casa vuota nei pressi di Campo de’ Fiori (un covo abbandonato, avrebbe pensato una canaglia dell’antico Pci). Non parliamo di niente o quasi, soltanto frasi che offrono un pretesto per tacere di nuovo, senza disagio.

      Ebbe luogo, in quella casa romana, un congedo puro e semplice, non dissimulato da nenie cerimoniose. Dopo anni di insulti pantagruelici e di fervorose congratulazioni per ogni tentativo di trovare la porta stretta attraverso cui potesse irrompere la lotta contro il lavoro salariato nell’epoca di un capitalismo finalmente maturo, un po’ di silenzio sbigottito non guastava. Anzi, affratellava.

      Ricordo Toni, ospite della cella 7 del reparto di massima sicurezza del carcere di Rebibbia, che piange senza ritegno perché le guardie stanno portando via in piena notte, con un «trasferimento a strappo», i suoi compagni di degnissima sventura. E lo ricordo ironico e spinoziano nel cortile del penitenziario di Palmi, durante la requisitoria cui lo sottopose un capo brigatista da operetta, che minacciava di farlo accoppare da futuri «collaboratori di giustizia» allora ancora bellicosi e intransigenti.

      Toni era un carcerato goffo, ingenuo, ignaro dei trucchi (e del cinismo) che il ruolo richiede. Fu calunniato e detestato come pochi altri nel Novecento italiano. Calunniato e detestato, in quanto marxista e comunista, dalla sinistra tutta, da riformatori e progressisti di ogni sottospecie.

      Eletto in parlamento nel 1983, chiese ai suoi colleghi deputati, in un discorso toccante, di autorizzare la prosecuzione del processo contro di lui: non voleva sottrarsi, ma confutare le accuse che gli erano state mosse dai giudici berlingueriani. Chiese anche, però, di continuare il processo a piede libero, giacché iniqua e scandalosa era diventata la carcerazione preventiva con le leggi speciali adottate negli anni precedenti.

      Inutile dire che il parlamento, aizzato dalla sinistra riformatrice, votò per il ritorno in carcere dell’imputato Negri. C’è ancora qualcuno che ha voglia di rifondare quella sinistra?

      Toni non ha mai avuto paura di strafare. Né quando intraprese un corpo a corpo con la filosofia materialista, includendo in essa più cose di quelle che sembrano stare tra cielo e terra, dal condizionale controfattuale («se tu volessi fare questo, allora le cose andrebbero altrimenti») alla segreta alleanza tra gioia e malinconia. Né quando (a metà degli anni Settanta) ritenne che l’area dell’autonomia dovesse sbrigarsi a organizzare il lavoro postfordista, imperniato sul sapere e il linguaggio, caparbiamente intermittente e flessibile.

      Il mio amico matto che voleva cambiare il mondo
      Toni non è mai stato oculato né morigerato. È stato spesso stonato, questo sì: come capita a chi accelera all’impazzata il ritmo della canzone che ha intonato, ibridandolo per giunta con il ritmo di molte altre canzoni appena orecchiate. Il suo luogo abituale sembrava a molti, anche ai più vicini, fuori luogo; per lui, il «momento giusto» (il kairòs degli antichi greci), se non aveva qualcosa di imprevedibile e di sorprendente, non era mai davvero giusto.

      Non si creda, però, che Negri fosse un bohèmien delle idee, un improvvisatore di azioni e pensieri. Rigore e metodo campeggiano nelle sue opere e nei suoi giorni. Ma in questione è il rigore con cui va soppesata l’eccezione; in questione è il metodo che si addice a tutto quel che è ma potrebbe non essere, e viceversa, a tutto quello che non è ma potrebbe essere.

      Insopportabile Toni, amico caro, non ho condiviso granché del tuo cammino. Ma non riesco a concepire l’epoca nostra, la sua ontologia o essenza direbbe Foucault, senza quel cammino, senza le deviazioni e le retromarce che l’hanno scandito. Ora un po’ di silenzio benefico, esente da qualsiasi imbarazzo, come in quella casa romana in cui andò in scena un sobrio congedo.

  • Le projet de loi immigration instrumentalise la #langue pour rejeter des « migrants »

    La notion de « #langue_d’intégration » est revenue sur les devants de la scène politique avec le projet de loi qui visent à durcir les possibilités d’accueil des « migrants » en France, notamment en exigeant un niveau certifié de #français pour l’obtention d’un séjour longue durée. De nombreuses recherches montrent les effets pervers de cette pseudo-évidence, qui n’est qu’une #croyance_erronée.

    L’idée que la capacité à s’exprimer en langue officielle serait une condition préalable à la stabilisation du droit au séjour, car indicateur d’intégration, est devenue courante. C’est le cas notamment en France où a été officialisée la notion, critiquée (Vadot, 2017), de « Français Langue d’Intégration » en 2012 (Adami et André, 2012) comme un élément-clé conditionnant l’autorisation au séjour long des étrangers hors Union Européenne sur le territoire (Ouabdelmoumen, 2014). Cette condition est même imposée aux conjoints de Français alors que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble[1], ce dont s’alarme le collectif « Les Amoureux au Ban Public »[2], d’autant que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble, ce qui place les époux face à une contradiction terrible et insoluble. L’apprentissage de la ou d’une langue officielle du pays comme « preuve d’intégration » pour obtenir l’autorisation de séjour ou l’accès à la citoyenneté a d’ailleurs été exigée par d’autres pays de l’U.E. ces dernières décennies (Extramania, 2012 ; Goult, 2015a ; Pradeau, 2021).
    L’intégration linguistique est décrétée preuve d’assimilation

    La notion d’intégration a été officialisée en France dans les années 1990 (création du Haut Conseil à l’Intégration[HCI] par décret en 1989[3], intitulé d’un ministère depuis 1991[4]) et réaffirmée par diverses lois. Dès 2003, la « relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité » prévoit :

    Art. 8 : la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.

    Elle a été complétée par les lois de 2006 « relative à l’immigration et à l’intégration » et de 2007 « relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ».

    Le glossaire « Les Mots de l’intégration » du HCI a une entrée Intégration « participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés » relativement distincte de Assimilation : « Aboutissement supposé ou attendu d’un processus d’intégration de l’immigré tel que celui-ci n’offre plus de caractéristiques culturelles distinctes de celles qui sont censées être communes à la majorité des membres de la société d’accueils ». On présente ainsi l’assimilation comme un aboutissement au plus haut degré de l’intégration. Cette distinction est légère :

    « L’adoption du mot [intégration] n’est cependant pas fortuite. Elle correspond à une tendance lourde de la société française face aux étrangers et néo-Français (...) Une intégration qui ressemble comme une jumelle à l’assimilation d’avant-hier (…) Ces termes furent bientôt interchangeables » (Gaspard, 1992, 21-23 et 124).

    La connotation totalitaire de l’assimilation a été contestée. Ainsi, à propos d’autres populations en situation précaire que les « migrants » : « Assimiler, c’est vouloir réduire l’autre au même, c’est une violence essentielle qui méconnaît l’expérience fondamentale de l’altérité, d’autrui. Assimiler est une démarche totalitaire » (Boyer, 2013, 110). Elle a ensuite été masquée par le terme intégration. À partir des années 2000, la montée du nationalisme français a d’ailleurs conduit au retour de l’usage « décomplexé » du terme assimilation, notamment dans les discours marqués très à droite (thème de campagne du candidat à la présidentielle Éric Zemmour en 2022, entre autres).

    La notion d’assimilation, appréciée notamment « au regard de sa connaissance de la langue française », est d’ailleurs restée dans la loi française depuis 1945 comme condition d’obtention de la nationalité française.
    L’association langue et intégration s’est répandue avec la montée des nationalismes et la crainte de l’immigration

    La notion de « Français Langue d’Intégration », institutionnalisée en France, conduit même, dans un texte de l’organisme officiel chargé de la politique linguistique en France, à affirmer qu’il y aurait un effet automatique de non intégration si le français n’est pas assez « maitrisé » :

    « Sous l’angle linguistique, (…) l’intégration humainement et socialement réussie passe par l’acquisition d’une compétence adéquate dans la langue du pays d’accueil. Son insuffisante maîtrise conduit, en effet, inéluctablement à l’exclusion sociale, culturelle et professionnelle » (DGLFLF, 2005, 7).

    Dans sa thèse, M. Gout montre qu’il y a depuis les années 2000 « une quasi-unanimité du discours politique en Europe sur le rôle prioritaire de la langue dans l’intégration » (Gout, 2015a, 70). Selon C. Extramiana (2012, 136) :

    « Les législations relatives à la maîtrise de la langue du pays d’accueil s’appliquent à trois situations administratives distinctes : l’entrée sur le territoire, la résidence permanente et l’acquisition de la nationalité (...) On constate un pic de 2003 à 2008. L’évolution concerne au premier chef les pays d’Europe de l’Ouest : le Danemark (2003, 2006, 2010), la Belgique/communauté flamande (2003), l’Allemagne (2004, 2007, 2008), la Grèce (2004 et 2005), la Norvège (2005), l’Autriche (2005), les Pays-Bas (2006 et 2007), la France (2007 et 2008), le Liechtenstein (2008). L’année 2009 voit l’adoption de deux nouvelles législations, pour l’Italie et le Liechtenstein, qui a connu une première législation l’année précédente ».

    La Suisse les a rejoints en 2005 pour le séjour long et 2018 pour l’acquisition de la nationalité, dans une des quatre langues officielles (Pradeau, 2021, 194 et 203-suiv.).
    Une fausse évidence, contradictoire et contredite par la recherche

    Or, de nombreuses réserves ont remis en question cette « évidence ». L’accord sur la fonction intégratrice de la langue n’est d’ailleurs général ni dans le temps ni dans l’espace : « Avant 2002, en dehors de l’Allemagne, aucun État membre n’avait d’exigence linguistique vis-à-vis des migrants » (Gout, 2015b, 77). Jusqu’à 2013 en Belgique et 2018 en Italie, il n’y en avait pas. En outre, les exigences ne concernent pas toute une partie de la population étrangère : les ressortissants des autres pays membres de l’UE peuvent s’installer librement (et même voter à certaines élections locales dans certains pays, comme la France) sans aucune condition linguistique. Le préalable linguistique ne vise que certaines populations, de façon clairement discriminatoire.

    De nombreuses études montrent que l’apprentissage de la langue officielle du pays dit « d’accueil » n’est pas une condition à une « intégration », laquelle passe aussi et surtout par d’autres voies, notamment emploi, logement, relations sociales, les habitants du pays n’étant pas, la plupart du temps, monolingues en langue officielle, contrairement à une croyance répandue (Biichlé, 2007 ; Archibald et Galligani, 2009 ; Benson, 2011 ; Hambye et Romainville, 2013 ; Étrillard, 2015). Di Bartolo (2021) a montré, en comparant les biographies linguistiques de familles italiennes installées en Suisse romande et en Savoie française que ce sont surtout les contextes sociolinguistiques qui ont des effets sur le rapport aux langues officielle et familiale, phénomène attesté dans de nombreuses situations (Blanchet, 2019 et 2022). D’autres concluent, en plus, que la pratique préalable ou l’apprentissage même réussi du français ne conduisent pas automatiquement à une « intégration » pour des personnes qui vont subir des discriminations par exemple xénophobes ou racistes (Al Ahmad, 2021). Enfin, la langue de néo-socialisation des personnes migrantes continue à se faire en fait, là où c’est encore nécessaire, plutôt dans une langue dite « locale » ou « régionale » qu’en langue officielle nationale (Beaubrun, 2020 pour la Martinique), processus attesté depuis longtemps mais largement ignoré par les instances étatiques françaises puisqu’il contredit l’unicité linguistique prétendue de la France (Eloy, 2003 pour la Picardie ; Blanchet, 2003 pour la Provence, par exemple). Enfin, au-delà des ressortissants de l’U.E., qui représentent 1/3 des « immigrés » en France[5], on peut être français ou française par filiation et ne pas parler français, par exemple pour les personnes qui sont nées et ont grandi à l’étranger ou dans des parties de la France où le français a été, voire est encore aujourd’hui, en partie étranger : si le cas est devenu rare en « métropole » suite à la politique linguistique autoritaire de l’État, il reste courant par exemple en Guyane[6].

    Ces recherches ne nient pas que « les intégrations (sociale, professionnelle, scolaire) sont, en partie, facilitées grâce à une compétence linguistique ou plutôt sociolangagière ». Elles précisent que cette compétence est « à acquérir à travers la multiplication des pratiques et des situations sociolangagières rencontrées » (Calinon, 2013, 43) et qu’il faut donc pouvoir vivre ces situations sans condition préalable. Des critiques sévères ont ainsi été émises sur l’apprentissage obligatoire, voire préalable, d’une langue dite « d’intégration » :

    « Aujourd’hui, en Europe, l’obligation institutionnelle d’ “intégration linguistique“ pour les migrants, avec la signature d’un contrat d’accueil et le passage obligatoire de tests qui décident de leur régularisation administrative (...) constitue un frein à l’adhésion des apprenants » (Gout, 2015b,139).

    « Parmi les effets contreproductifs relevés, la formation en langue (...) obligatoire (…) risque alors de compromettre d’autres projets et opportunités qui peuvent se révéler tout aussi décisifs dans l’apprentissage, comme dans l’intégration (travail ou bénévolat, recherche d’un logement plus décent, des opportunités de socialisation…). Cela amène (…) à se sentir empêchés de participer à la société française » (Mercier, 2021, n.p.).

    L’acquisition ou l’apprentissage de la langue « n’est pas un préalable à celle-ci [la vie sociale] mais sa conséquence » (Beacco, 2008, 15).
    La langue instrumentalisée pour faire obstacle à une véritable intégration des « migrants », donc pour les rejeter

    L’analyse de nombreux travaux portant sur les processus sociolinguistiques effectivement suivis par les personnes dites « migrantes » (Blanchet et Belhadj, 2019) confirme que les politiques et dispositifs visant une « intégration linguistique » obligatoire et surtout préalable, comme condition d’autorisation d’une insertion sociale effective, ne sont pas justifiés. L’acquisition des langues nécessaires à la vie sociale dans le pays d’accueil s’avère en fait motivée et réalisée par une participation concrète à cette vie sociale. Dès lors, il semble bien que ces dispositifs étatiques aient un tout autre objectif, de contrôle social (Vadot, 2022) : dresser un obstacle pour empêcher le plus grand nombre possible de personnes étrangères venant de certains pays d’avoir accès un séjour stable, durable, dans le pays dit d’installation, voire un séjour définitif en devenant ressortissant de ce pays. Cette interprétation est confirmée par le fait que les tests dits « d’intégration » ou « d’assimilation » comportent aussi des questions sur le pays auxquelles la plupart de ses citoyens seraient bien incapables de répondre[7] (Blanchet et Clerc Conan, 2015).

    On a manifestement affaire à un cas typique de discrimination glottophobe (au prétexte que des gens parlent une autre langue plutôt que français) qui recouvre une discrimination xénophobe (au prétexte que des gens sont étrangers), qui recouvre une discrimination ethniste ou raciste (au prétexte de telle ou telle origine). Ce n’est pas une politique d’intégration, c’est une politique de rejet[8].
    Références :

    Adami H., André V. (2012). Vers le Français Langue d’Intégration et d’Insertion (FL2I). Dans Adami H., Leclercq V. (dirs.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : acquisition naturelle et apprentissage guidé. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, p.205-214. En ligne : https://books.openedition.org/septentrion/14056

    Al Ahmad, R. (2021). Étude d’un atelier d’apprentissage du français par un public d’adultes « issus de la migration » dans un milieu associatif bénévole. Une mise en perspective des objectifs, besoins et modalités d’intervention des bénévoles et des apprenant.e.s par le détour d’une expérienciation d’approches plurilingues et interculturelles, Thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2021REN20035

    Archibald, J. et Galligani, S. (Dir.) (2009), Langue(s) et immigration(s) : société, école, travail, Paris : L’Harmattan.

    Beacco, J.-C. (2008). Les langues dans les politiques d’intégration des migrants adultes, www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Mig08_JC-Beacco_PresDocOr.doc

    Beaubrun, F. (2020). Contextualisation didactique et médiations linguistiques, identitaires et culturelles dans l’enseignement du français langue d’intégration en Guadeloupe, thèse de doctorat sous la direction de F. Anciaux, université des Antilles, https://www.theses.fr/2020ANTI0499

    Benson, M. (2011). The British in rural France : lifestyle migration and the ongoing quest for a better way of life, New York : Manchester University Press.

    Biichlé, L. (2007). Langues et parcours d’intégration de migrants maghrébins en France, Thèse de Doctorat sous la direction de Jacqueline Billiez, Université Stendhal, Grenoble 3, http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/90/28/PDF/ThA_se.pdf

    Blanchet, Ph. (2003). Contacts et dynamique des identités culturelles : les migrants italiens en Provence dans la première partie du XXe siècle. Dans La France Latine - revue d’études d’oc 137, Paris, 2003, p. 141-166, https://www.researchgate.net/publication/341078901_Contacts_et_dynamique_des_identites_culturelles_les_migrants

    Blanchet, Ph. (2019a). Effets des contextes sociolinguistiques sur les pratiques et les transmissions de plurilinguismes familiaux. Dans Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat 77-78, p. 11-26, https://journals.openedition.org/insaniyat/17798

    Blanchet, Ph. (2022). Migrations, Langues, Intégrations : une analyse sociolinguistique comparative sur des stratégies étatiques et familiales. Dans Langues, cultures et sociétés, 8-2, p. 33-45 ; https://revues.imist.ma/index.php/LCS/article/view/35437

    Blanchet, Ph. et Belhadj Hacen A. (Dir.) (2019). Pratiques plurilingues et mobilités : Maghreb-Europe, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 77-78 bilingue arabe-français (daté 2017), https://journals.openedition.org/insaniyat/17771

    Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (2015). Passer de l’exclusion à l’inclusion : des expériences réussies d’éducation à et par la diversité linguistique à l’école. Dans Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (coord.), Éducation à la diversité et langues immigrées, Migrations Société 162, p. 51-70, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-49.htm

    Boyer, H. (2013). Accueillir, intégrer, assimiler : définitions et éthique. À propos de l’accueil et de l’intégration des travailleurs handicapés en milieu professionnel, Dans Vie sociale et traitements 119, p. 106-111, https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2013-3-page-106.htm

    Calinon, A.-S. (2013). L’« intégration linguistique » en question, Langage et société 144, p. 27-40,https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2013-2-page-27.htm

    Délégation Générale à La Langue Française (éd.) (2005). L’intégration linguistique des immigrants adultes, https://www.culture.gouv.fr/content/download/93701/file/rencontres_2005_09_integration_migrant_adultes_def.pdf

    Di Bartolo, V., Rapport à « la langue et à la culture italiennes » chez de jeunes adultes issus de familles du Mezzogiorno immigrées en Vaud et en Savoie dans les années 50/60. Quels processus de transmission au croisement de la sphère privée et publique ?, thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet et A. Gohard-Radenkovic, universités Rennes 2 et Fribourg (Suisse), https://www.theses.fr/2021REN20031

    Eloy, J.-M. et al. (2003). Français, picard, immigrations. Une enquête épilinguistique, Paris : L’Harmattan.

    Étrillard, A. (2015). La migration britannique en Bretagne intérieure : une étude ethno-sociolinguistique des pratiques d’interaction et de socialisation, thèse de doctorat de sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2015REN20035

    Extramiana, C. (2012). Les politiques linguistiques concernant les adultes migrants : une perspective européenne. Dans Adami, H., & Leclercq, V. (Eds.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : Acquisition en milieu naturel et formation. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion. doi :10.4000/books.septentrion.14075

    Gaspard, F. (1992). Assimilation, insertion, intégration : les mots pour "devenir français". Dans Hommes et Migrations1154, p. 14-23, www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1992_num_1154_1_1826

    Gout, M. (2015a). Le rapport entre langue et intégration à travers l’analyse comparative des dispositifs organisationnels des cours linguistiques d’intégration aux jeunes migrants hors obligation scolaire. Étude comparative des dispositifs en Allemagne, Belgique, France et Royaume Uni, Thèse de doctorat sous la direction de S. Clerc, Université d’Aix-Marseille. https://www.theses.fr/2015AIXM3038

    Gout, M. (2015b), Quatre approches didactiques pour la formation linguistique des migrants nouveaux arrivants. Dans Migrations Société 162, p. 139-154, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-139.htm

    Hambye, Ph. et Romainville, A. S. (2013). Apprentissage du français et intégration, des évidences à interroger, Français et Société n°26-27.

    Mercier, E., 2021, Migrants et langue du pays d’accueil : les risques de transformer un droit en devoir, The Conversation, https://theconversation.com/migrants-et-langue-du-pays-daccueil-les-risques-de-transformer-un-d

    Ouabdelmoumen, N., (2014) Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, Université Rennes 2.

    Pradeau, C., 2021, Politiques linguistiques d’immigration et didactique du français pour les adultes migrants : regards croisés sur la France, la Belgique, la Suisse et le Québec, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.

    Vadot, M. (2017). Le français, langue d’« intégration » des adultes migrant·e·s allophones ? Rapports de pouvoir et mises en sens d’un lexème polémique dans le champ de la formation linguistique, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de J.-M. Prieur, Université Paul-Valéry Montpellier III, https://www.theses.fr/2017MON30053

    Vadot, M. (2022). L’accueil des adultes migrants au prisme de la formation linguistique obligatoire. Logiques de contrôle et objectifs de normalisation, Études de linguistique appliquée 205, p. 35-50, https://www.cairn.info/revue-ela-2022-1-page-35.htm

    [1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006422766

    [2] http://www.amoureuxauban.net

    [3] Le Haut Conseil à l’intégration a pour mission de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ».

    [4] Dont l’intitulé a comporté, de plus celui d’identité nationale de 2007 à 2010, cooccurrence significative.

    [5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

    [6] https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/fichiers/publications_dglflf/Langues-et-cite/Langues-et-cite-n-28-Les-langues-de-Guyane

    [7] https://www.slate.fr/story/121455/danemark-test-citoyennete-culture-generale-naturalisation

    [8] NB : Ce texte est une version développée d’un article publié dans The conversation le 20 juin 2023, lors de l’annonce du projet de loi (https://theconversation.com/non-la-langue-francaise-nest-pas-une-condition-a-lintegration-des-m)

    https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/061123/le-projet-de-loi-immigration-instrumentalise-la-langue-pour-rejeter-
    #loi_immigration #France #sociolinguistique #intégration #Français_Langue_d’Intégration #obligation #langue_officielle #preuve_d'intégration #intégration_linguistique #citoyenneté #naturalisation #droit_de_séjour #assimilation #nationalisme #instrumentalisation #rejet #vie_sociale #discrimination_glottophobe #glottophobie #discriminations #xénophobie #racisme

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  • Nanon - Georges Sand - Etude critique - Extraits #paywall

    Nanon est l’un des derniers romans de George Sand. Tout du moins, c’est sa dernière œuvre majeure. Il est d’ailleurs assez étonnant de constater qu’il n’est pas vraiment considéré comme tel. Ecrit tardivement, Nanon paraît en 1872, peu après le traumatisme que la Commune a causé à George Sand., Ce roman est le plus souvent injustement limité à une idylle amoureuse et à un hymne champêtre à la gloire de sa campagne ou à une sorte de conte de fées révolutionnaire. Pourtant, Nanon, histoire de la réussite sans tache d’une jeune paysanne libérée par la Révolution représente bien plus que ça. Sorte de testament, et véritable apologue des idéaux sandiens, le roman est l’illustration parfaite que George Sand fait de la littérature autrement. La grande idée du progrès moral de l’humanité, inspirée de Rousseau, domine cette œuvre totale, qui multiplie les étiquettes avec brio. Quoi qu’il en soit, Nanon ne peut pas laisser de marbre. L’objet de cet avis argumenté sera de démontrer que Nanon doit être considéré comme une œuvre aux multiples facettes, qui est importante dans la bibliographie de George Sand. Il sera intéressant, dans un premier temps, de montrer à quel point George Sand s’est attachée à faire de Nanon un roman à la diversité très riche en multipliant les genres, avant de s’attarder plus précisément au savoureux mélange entre le réalisme contemporain, et son romantisme latent. Enfin, nous établirons que Nanon est avant tout un roman politique et social, empreint d’idéalisme et d’optimisme.

    - Diversité des genres
    - Entre réalisme et romantisme
    - Un roman politique et social empreint d’idéalisme et de positivisme

    Extraits

    [...] Peu importe le nom, Sand dépeint le monde dans sa réalité, comme le dit Sainte-Beuve. Le style très agréable des descriptions champêtres de Nanon, renforce d’une certaine manière son réalisme, parce que Sand nous donne véritablement l’impression d’accompagner les personnages dans une excursion, notamment lorsqu’au milieu du roman, Nanon, Emilien et Dumont s’installent, tels des Robinsons, dans une forêt déserte du Berry, près de Crevant. Les descriptions de la vie paysanne et de ses drames se font de la même manière. [...]

    [...] Enfin, Nanon est un roman qu’on pourrait qualifier de roman historique. À ceci près que l’Histoire est analysée de façon subjective dans l’autobiographie fictive d’une jeune paysanne, ce qui est tout à fait singulier. Contrairement à des romans historiques tels que Don Carlos qui mettent en scène des personnages réels, Sand choisit de faire une peinture de l’histoire à travers les yeux de cette petite fille non instruite, puis de la jeune femme future marquise, avec l’évolution que cela incombe. [...]

    [...] Nanon a toutes les qualités morales que Louise n’a pas. On peut citer Nanon à la page 281 qui dit que la femme donne toujours raison et autorité à celui qu’elle aime Grâce à sa fidélité, Nanon s’en sort. La consécration pour elle sera l’héritage du prieur, et le mariage avec Emilien. Toutefois, même Louise et Costejoux s’en sortent honorablement, preuve une fois de plus du positivisme du roman. Pour ces raisons, Nanon est peut être également un écho à la Cosette des Misérables de Victor Hugo, qui dans sa postface, dit : Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. [...]

    [...] Et par la suite il y’ aura une véritable émulation intellectuelle mutuelle entre eux deux traduite par de très nombreux débats sur lesquels nous reviendront plus tard. À l’époque, l’éducation est primordiale, et les paysans (et encore moins les femmes) ne sont pour la plupart pas instruits. Or, pour Sand, l’éducation est gage de réussite sociale. En outre lorsque que l’on voit, dans cette histoire l’efficacité toute relative du clergé, dont le rôle était, entre autres, de propager les nouvelles, on comprend la nécessité de savoir lire. [...]

    https://www.pimido.com/philosophie-et-litterature/litterature/fiche-de-lecture/nanon-g-sand-etude-critique-507307.html

    • Nanon, sujet de l’Histoire ? De la scène traumatique à la scène fraternelle
      https://books.openedition.org/ugaeditions/4854?lang=fr

      « Le récit des souffrances et des luttes de la vie de chaque homme est […] l’enseignement de tous ; ce serait le salut de tous si chacun savait juger ce qui l’a fait souffrir et connaître ce qui l’a sauvé », écrit George Sand dans Histoire de ma vie (t. I, p. 10). C’est un tel récit qu’entreprend l’auteure avec la rédaction de Nanon, roman écrit à la suite du drame sanglant de la Commune. Deux histoires s’écrivent à travers les souvenirs de l’héroïne éponyme : l’histoire de son ascension sociale, qui combine son accès à la propriété et à la culture, et son mariage avec un aristocrate ; et, en filigrane, l’histoire du traumatisme fondateur d’une société. En reconstruisant ses souvenirs, Nanon peint en effet l’arrière-plan historique de sa transformation, faisant ainsi revenir une histoire refoulée : celle de l’effacement des femmes et de l’instance féminine par le discours de la fraternité. Mais cet effacement, qui fut un véritable traumatisme collectif, met aussi en jeu la séparation d’avec sa mère dont souffrit la jeune Aurore. Dans cette étude, je me propose donc de lire Nanon comme une double réécriture des événements de la Révolution et de l’histoire familiale de l’auteure. Je montrerai que par la mise en scène de l’histoire révolutionnaire, Sand vise à réparer cette suppression de la mère d’origine humble et qu’elle le fait justement à travers la venue à la lecture et à l’écriture de Nanon. Dans le même geste, elle imagine une nouvelle fraternité qui prend en compte la matérialité du corps maternel tout en valorisant la terre et la fécondité.
      La Révolution française comme traumatisme

      De la remémoration à la réparation

      Terre et maternité dans Nanon

      Dans Nanon, Sand restaure le poids matériel du rôle maternel grâce à sa vision d’une fraternité où l’instance maternelle est reliée à la propriété et à la terre. D’origine paysanne, Nanon insiste sur ses racines et sur le lien profond à la terre qu’elles impliquent : « Je peux dire comment le paysan voit les choses, puisque je suis de cette race-là. Il considère avant tout, la terre qui le nourrit, et le peu qu’il en a est pour lui comme la moitié de son âme […]. » (N, p. 34) Le roman souligne ainsi les liens entre propriété et citoyenneté dans la République fraternelle. L’achat des terres nobles et ecclésiastiques sous la Révolution est au centre du roman. C’est avec un don de propriété que la communauté récompense Nanon, ce qui fait d’elle « la première acquéreuse » (N, p. 81). La propriété, manifestation matérielle de la citoyenneté, accorde au propriétaire un intérêt concret dans la nation. Ce lien entre propriété et citoyenneté est mis en valeur lors de la fête de la Fédération, où l’on voit des produits de la terre amassés sur un autel : « On se sentait par avance maître de ces épis, de ces fruits, de ces animaux, de tous ces produits de la terre qui allaient devenir possibles à acquérir28. » (N, p. 78) L’union idéale d’Émilien et de Nanon se fait entre deux classes unies par leur rapport ancestral à la terre, la paysannerie et la noblesse : « une alliance plus facile, je dirais presque plus naturelle, que l’union de la noblesse avec la bourgeoisie » (N, p. 328). Les classes associées à la Terreur, la bourgeoisie et les sans-culottes qui font peur à Nanon quand elle va à Paris, sont celles qui ne dépendent pas de la terre pour vivre.

      29 « Surgeon [jon], n. m. Rejeton qui naît de la souche d’un arbre et peut former un nouvel individu. (...)

      21En associant sa réinvention de la fraternité à la terre, Sand revalorise la maternité de manière concrète, tout en la séparant des relations sociales imposées par la naissance. La terre symbolise la fécondité et les qualités maternelles de Nanon. Son nom de famille, Surgeon, suggère la croissance, la fécondité, et surtout la renaissance29. Douée pour l’agriculture, Nanon est capable de rendre féconde la terre la plus aride. Quand elle se cache avec Émilien pendant la Terreur, elle cultive la terre infructueuse près de leur cachette pour en tirer « une récolte superbe » (N, p. 258). De retour à son village natal, elle fait fortune par la culture de la terre : « Je commençai par acheter avec le tiers de mon capital un terrain inculte, qu’avec le second tiers je fis cultiver, enclore, semer et fumer. » (N, p. 263) Tandis que la version révolutionnaire du roman familial fraternel cherchait à contrôler et sublimer la fécondité de la mère, Nanon lui accorde une place prééminente. On peut donc voir dans le roman une tentative de réinventer la fraternité en restaurant la place de la mère et de son corps fécond dans l’ordre social.

      22Une telle réinvention représente non seulement une revalorisation de la féminité, mais aussi une transformation des modèles traditionnels de la masculinité. Quand Nanon déclare que son but n’est pas de se faire remarquer, mais de « conserver pour [s] es enfants et pour [s] es petits-enfants le souvenir cher et sacré de celui qui fut [s] on époux », elle attire l’attention sur la refonte de la masculinité dans Nanon. Au début du roman, Émilien est presque aussi illettré que Nanon : il lit à peine et il écrit « comme un chat » (N, p. 55). En instruisant Nanon, il apprend lui-même à lire et à écrire, et à la fin du roman, il a même acquis un « langage pur » (N, p. 345). Il reconnaît que ce sont ses rapports fraternels avec Nanon, et le rapport à la terre qu’elle lui redonne, qui lui ont permis de survivre à la Révolution et de s’intégrer à la société fraternelle : « [Sans Nanon] je serais devenu un idiot ou un vagabond, au milieu de cette révolution qui m’eût jeté sur les chemins, sans notions de la vie et de la société », affirme-t-il (N, p. 330). Sa transformation est marquée à son retour de la guerre par la perte de son bras. Loin de considérer cette castration symbolique comme une catastrophe, il l’assume. En perdant la main qui tiendrait normalement l’épée, symbole de sa noblesse et de sa masculinité, il se libère : « j’ai payé le droit d’être citoyen […]. J’ai expié ma noblesse, j’ai conquis ma place au soleil de l’égalité civique » (N, p. 325). Au même titre que l’inceste, la castration n’est plus à craindre dans l’univers fraternel que met en place la nouvelle communauté. La double mise en scène de la Révolution permet ainsi à Sand d’imaginer une fraternité dans laquelle l’instance féminine est restaurée, les rôles masculins sont redéfinis, ce qui libère et l’homme et la femme.

      23L’emploi d’un cadre pastoral et l’accent mis sur le statut d’orphelins des protagonistes situent la vision fraternelle de Nanon dans la tradition littéraire de la période révolutionnaire. Les écrivains des années 1790 se servaient volontiers du genre pastoral en raison de son côté didactique, qui favorisait la dissémination des valeurs républicaines. Comme l’explique Florian, l’un des grands auteurs de pastorale de l’époque :

      30 J.-P. Claris de Florian, Essai sur la pastorale, p. 143.

      C’est en peignant des êtres vertueux et sensibles, qui savent immoler au devoir la passion la plus ardente, et trouvent ensuite la récompense de leur sacrifice dans leur devoir même […] que je crois possible de donner à la pastorale un degré d’utilité30.

      31 L. Hunt, Le Roman familial de la Révolution française, p. 102.
      32 N. Mozet, « Introduction » à Nanon, 1987, p. 18.

      24Lynn Hunt note la prédilection des auteurs pour des protagonistes orphelins ou abandonnés qui deviennent des exemples de vertu républicaine, tel le héros de Victor de Ducray-Duminil : « les écrivains favorables à la république semblent soucieux de démontrer que les enfants sans père sont des bastions de la vertu républicaine31 ». Sand situe sa représentation de la fraternité dans la généalogie littéraire de la Révolution, ce qui suggère qu’on peut lire Nanon, selon Nicole Mozet, comme « l’image de ce que la Révolution aurait pu être si elle n’avait pas été détournée de son cours32 ».

      25Cependant, l’idylle pastorale de Sand se distingue de ses modèles par sa juxtaposition avec une narration historique, tandis que les récits pastoraux se caractérisent par un manque de repères temporaux ou spatiaux. Dans Nanon, la Terreur envahit même l’utopie du roman. Le bourgeois Costejoux, qui achète le monastère d’Émilien, incarne la Révolution. À la différence de Nanon et d’Émilien, il n’a aucun attachement à la terre : il achète le monastère « par pur patriotisme » et sans Nanon « il n’eût rien tiré de son domaine » (N, p. 265-266). Malgré ses bonnes intentions, Costejoux échoue à vivre son idéal de fraternité dans sa vie privée, comme dans la sphère publique. Son mariage à la sœur d’Émilien, Louise, qui partage son dédain de la terre, est plutôt malheureux. Comme les révolutionnaires, Costejoux souhaite la subordination des femmes et traite son épouse de simple « femmelette » (N, p. 279). Les rapports de force qui caractérisent leur union les rendent malheureux tous les deux : « […] il ne pouvait la prendre au sérieux, et, par moments, il était sec et amer en paroles, ce qui montrait le vide de son âme à l’endroit du vrai bonheur et de la vraie tendresse. » (N, p. 342) De même, l’idéal révolutionnaire de fraternité auquel il s’est dévoué invertit les rapports de pouvoir sans changer les structures sociales. Les victimes et les bourreaux n’ont fait que changer de place. Cet échec se voit clairement dans le défilé auquel assiste Nanon à Châteauroux, où la déesse de la Liberté marche sur le dos d’un royaliste soupçonné (N, p. 188). Le récit historique s’immisce dans l’idylle pastorale, de sorte que l’utopie romanesque ressemble bien moins à une solution aux problèmes de la société française qu’à l’exploration d’un traumatisme collectif.

      26En lisant Nanon comme un « souvenir transformé », j’espère avoir montré que l’imaginaire sandien intègre à la fois les désastres politiques et la séparation d’avec la mère à la remémoration des traumatismes historiques fondateurs de la société post-révolutionnaire. Par le biais des mémoires de Nanon, Sand repense l’histoire collective et individuelle en juxtaposant des événements historiques à une utopie fraternelle qui restaure la médiation de l’instance maternelle et du sujet féminin. Par là même, Sand essaie de réparer ces traumatismes afin de proposer une nouvelle vision de la fraternité comme socle des relations sociales, vision offrant ainsi la possibilité d’une régénération durable.

    • Préface, notes et dossier de Nicole Savy

      Il faut nous débarrasser des théories de 93 ; elles nous ont perdus. Terreur et Saint-Barthélemy, c’est la même voie ”, écrit sans nuances George Sand à un jeune poète en octobre 1873.

      Cette lecture de la Terreur, la condamnation de la violence et le refus absolu de justifier les moyens par la fin viennent tout droit, pour elle, du traumatisme de la Commune qui est le point de départ décisif de l’écriture du roman. Nanon est un palimpseste : il suffit de se reporter à la correspondance de l’auteur pendant l’année terrible pour mesurer à quel degré elle superpose les violences de la Commune de Paris et la terreur révolutionnaire, qu’elle attribue de même non pas à la misère et à la colère populaire mais à une minorité dévoyée, et à la mise à l’écart complète de la France rurale dans un processus exclusivement parisien et ouvrier. “ Ce pauvre Paris représente-t-il encore la France ? L’Empire en avait fait un bazar et un égout. La Commune en a fait un égout et une ruine. Les cléricaux voudraient bien en faire un couvent et un cimetière ”, écrit-elle à son ami Henry Harrisse le 29 juin 1871.

      Flaubert et elle, à force de rage et de désespoir, ne parviennent même plus à s’écrire au printemps 1871, et pas seulement à cause de leurs désaccords politiques, lui haïssant la démocratie et elle la défendant malgré tout. “ Je suis malade du mal de ma nation et de ma race ”, lui écrit-elle le 6 septembre. George Sand a toujours été pacifiste et ennemie de la violence : mais pour la première fois elle se range dans le camp des modérés– bien plus que Hugo, dont elle juge inopportune l’offre d’asile aux communards poursuivis. Effrayée par “la boue et le sang de l’Internationale”, elle prend le parti désabusé d’une république bourgeoise. A la différence de Flaubert, elle ne désavoue pas le peuple : elle juge qu’il a été manipulé. Reste la province, “masse bête et craintive”, toujours attirée par la réaction quand Paris entre en convulsion. C’est dans une lettre à sa fille qu’elle résume le mieux son opinion sur la Révolution française et sur la Commune : “ Toute la révolution de 89 se résume en ceci, acquérir les biens nationaux, ne pas les rendre. Tout s’efface, se transforme ou se restaure, monarchie, clergé, spéculation. Une seule chose reste, le champ qu’on a acheté et qu’on garde. Les communeux comptent sans le paysan, et le paysan c’est la France matérielle invincible […], c’est le sauveur inconscient, borné, têtu ; mais je n’en vois pas d’autre. Il faudra bien que Paris l’accepte ou s’efface. ” Avec une conséquence littéraire directe : comme après son désespoir politique de 1848, qui avait été suivi de La Petite fadette et de François le champi , l’écrivain se remet au travail sur des sujets champêtres, ce qui ne veut certainement pas dire pour elle apolitiques. Réaction logique, puisque pour elle c’est là qu’est la vraie France.

      Pas plus que ses sentiments républicains, Sand n’a répudié son socialisme, mais elle le fonde sur un ordre social rassurant et sur l’acquisition par tous, en particulier par les paysans, de la propriété privée. Vision trop éloignée des masses urbaines et du mouvement ouvrier et syndical qui va se développer dans cette même fin du XIXe siècle pour que le roman n’ait pas été oublié, au moment où Zola développe la fresque du capital financier et de l’exploitation ouvrière dans Les Rougon-Macquart. En juillet 1872, c’est Le capital de Karl Marx qui est traduit en français : Nanon n’est vraiment pas dans l’air de son temps.

      C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre l’itinéraire de Nanon, la bergère qui devient propriétaire de sa maison, puis exploitante de terres et de troupeaux qui lui permettent de s’enrichir et d’acquérir pour son compte, en empruntant et plaçant des fonds, un gros capital foncier qu’elle fait fructifier : non par goût de l’argent, dont elle n’a nul besoin personnel, mais parce que la Révolution lui en a donné le droit et la possibilité ; comme outil pour réaliser l’alliance de classes extrêmes que représente son mariage avec Emilien de Franqueville ; enfin par goût du travail bien fait, par souci de réussite dans toutes ses entreprises...

      http://excerpts.numilog.com/books/9782742755912.pdf

    • Communauté et sens du spectacle. La lecture dans Nanon

      Le roman de George Sand, Nanon (1872), comporte un passage consacré à un spectacle qui met en scène les tensions entre l’acte de voir et l’acte de lire dans le cadre de la Révolution française, posant ainsi les rapports entre le récit et la communauté. Dans le chapitre v, Nanon, qui est aussi narratrice de son histoire, relate la célébration de la fête de la Fédération à Valcreux, village fictif de la Creuse. Au cours de la cérémonie, tous les habitants sont doublement unis au sein de leur commune et avec le reste de la nation ; bouleversant les hiérarchies sociales, ils affirment dans le même temps des valeurs partagées. Un autel de gazon surmonté d’une inscription commémorative et dédié aux fruits de la nature et au travail de la terre constitue l’attraction principale de la cérémonie. Sobrement orné d’un arrangement de fleurs, de fruits, d’animaux et d’outils de labour, l’autel évoque l’allégorie d’une abondance à portée de main. Le message des symboles visuels diffère sensiblement de celui de l’inscription portée au bas de la croix d’épis de blé, qui couronne l’autel : « Ceci est l’autel de la pauvreté reconnaissante dont le travail, béni au ciel, sera récompensé sur la terre2. »

      2 La signification de l’autel, présentée de manière à la fois visuelle, par la mise en scène de symboles et d’objets, et de manière conceptuelle, par l’inscription-dédicace, pointe le décalage entre le petit groupe de ceux qui savent lire et la masse des spectateurs qui en sont incapables. Le sentiment euphorique d’union, associé à la fête de la Fédération, est ainsi troublé par le spectacle de l’autel qui sépare la communauté en deux groupes : d’un côté, les organisateurs du spectacle qui cherchent à transmettre des idées ; de l’autre, les spectateurs illettrés qui reçoivent passivement les informations. Cette communication, qui s’avère problématique durant tout le spectacle, notamment à l’endroit de l’autel, accroît paradoxalement le sentiment de communauté en ce que les habitants du village participent activement à la création du sens même de l’événement. En analysant le rôle du festival dans ce roman de Sand sur la révolution (qui inclut, dans le récit, les révolutions de 1789, de 1830 et de 1848), je montrerai comment les pratiques d’interprétation variées, voire concurrentes, permettent de construire une communauté démocratique, faisant de ce roman une réponse différée aux déchirements et à la violence de la Commune de 1871.


      3 Œuvre de Sand peu connue du grand public, Nanon fut en effet publié en feuilleton un an après la Commune, dans le quotidien Le Temps, du 7 mars au 20 avril 1872. Le roman a inspiré de nombreuses études depuis l’importante réédition réalisée par Nicole Mozet en 19873. Récit à la première personne dans lequel la narratrice âgée entreprend, en 1850, l’histoire de sa jeunesse, pendant et après la Révolution française, ce roman offre une perspective peu conventionnelle sur les événements historiques. Dans un style simple et élégant, la narratrice raconte comment elle est parvenue à mettre sur pied un commerce florissant, n’ayant au départ pour toute possession qu’un mouton. Pour atteindre un tel succès, elle apprend à lire, à prendre soin des autres et épouse le marquis de Franqueville – Émilien, aristocrate et novice au moutier de Valcreux, qui deviendra soldat, républicain et fermier. Dans Nanon, Sand allie le réalisme des descriptions de la vie quotidienne paysanne à l’idéalisme des promesses de la Révolution. Comme Nicole Mozet le précise dans sa préface au roman, chaque élément de l’histoire est réaliste, même si l’ensemble du récit peut apparaître improbable, voire utopique (N, p. 7). De son côté, Nancy E. Rogers reconnaît que l’histoire de la Révolution française jouit d’une certaine véracité dans le roman, mais pointe un décalage entre la scène historique révolutionnaire et le quotidien des paysans, privés d’information :

      […] la disjonction entre l’exactitude historique et les effets que ces événements majeurs ont sur les paysans de Nanon, qui sont dans l’ignorance et privés d’accès aux informations fiables en provenance de la capitale, crée une distance, voire une attitude ironique, chez le lecteur4.

      4 Cependant, cette distance avec le déroulement de la Révolution à Paris, pour les paysans, et avec ce que le lecteur en connaît, permet de repenser l’essence de la révolution et les possibilités d’une future action collective. Pour interpréter les événements tels qu’ils sont reconstruits et représentés dans le roman, il faut ainsi prêter attention à l’ensemble du contexte historique et, plus précisément, aux éléments qui vont à l’encontre des faits établis, donc à la rupture avec l’histoire telle qu’elle est exposée par la fiction.

      5 Dans le chapitre v, la narration offre une description de la fête de la Fédération qui est exacte, sur le plan historique, mais innove dans sa complication et sa portée pour le reste du roman. La fête révolutionnaire, qui eut lieu dans toute la France le 14 juillet 1790, constitue l’apogée de la première phase de la Révolution française. Ce fut une période de tranquillité, entre la grand-peur à laquelle Nanon fait référence dans le chapitre iii (N, p. 63-65), et la Terreur de 1793 qui menacera son ami et futur époux, Émilien. Si la fête de la Fédération commémorait par sa date la prise de la Bastille, elle célébrait aussi, comme son nom le suggère, l’union entre les différents départements et communes composant la nation et rendait également hommage aux gardes nationaux locaux. Ces derniers prêtèrent serment lors de cérémonies organisées partout en France durant l’hiver 1789 et le printemps 1790 : il s’agissait de fédérer les troupes pour les unir dans la défense de la France révolutionnaire contre ses ennemis. À l’époque, la fête fut vécue non pas comme un événement commémoratif rejouant le passé, mais plutôt comme un nouveau départ5. Les directives des autorités de Paris insistaient sur la synchronisation de la fête sur l’ensemble du territoire, ainsi que sur le caractère soigné de ses rituels. On espérait ainsi produire un événement qui serait vécu à travers tout le pays, au même moment, et véhiculant un même message, à la fois euphorique et éducatif6.


      6 Bien que les fêtes fussent mandatées par le pouvoir central, la mise en scène en était laissée à la discrétion des communes, qui utilisèrent les ressources disponibles sur place et les coutumes traditionnelles pour exprimer à leur manière leur vision de la Révolution7. Dans Nanon, la fête de Valcreux célèbre la Fédération en insistant davantage sur le sentiment d’unité nationale, et moins sur le besoin d’une défense nationale, qui était pourtant l’objectif premier de la Fédération. Nanon le précise clairement : « […] l’on se réjouissait surtout d’avoir une seule et même loi pour toute la France, et il [Émilien] me fit comprendre que, de ce moment, nous étions tous enfants de la même patrie. » (N, p. 76) Pour la commune de Valcreux, comme dans de nombreux villages en France, la fête offrait l’occasion d’affirmer le nouvel idéal d’égalité prôné par la Révolution. Quel que soit leur rang social, tous les résidents du village de Nanon participent à l’événement, y compris les anciens seigneurs des fermiers, les moines du moutier, qui bénissent les festivités à contrecœur. Selon Mona Ozouf, la nature démocratique de la fête fut, en grande partie, une illusion puisque, dans la plupart des cas, la séparation entre les classes sociales fut maintenue, quand les femmes et le peuple n’en furent pas purement et simplement exclus8. En faisant de son Valcreux fictif un village très pauvre, sans bourgeois, et dirigé par des moines, Sand présente la fête de la Fédération comme un moment d’harmonie entre la rhétorique démocratique de la Révolution et l’expérience commune du peuple.


      7 Dans le roman, les festivités commencent par un banquet modeste au cours duquel les paysans apportent du pain et un peu de vin. Un imposant autel est ensuite dévoilé et Émilien prononce un discours. Enfin, le banquet s’achève avec l’annonce de la décision, prise par l’ensemble du village, de faire de Nanon la propriétaire de sa maison en guise de récompense pour son travail et sa bonté, geste qui permet aussi de faire un premier essai pour l’acquisition des biens nationaux9. Les étapes de la fête s’enchaînent et culminent avec la joie de Nanon qui ne peut croire à sa bonne fortune. Pourtant, c’est le dévoilement surprise de l’autel par Émilien, durant le banquet, qui constitue le moment central des festivités :

      [O]n vit une manière d’autel en gazon, avec une croix au faîte, mais formée d’épis de blé bien agencés en tresses. Au-dessous, il y avait des fleurs et des fruits les plus beaux qu’on avait pu trouver ; le petit frère [Émilien] ne s’était pas fait faute d’en prendre aux parterres et aux espaliers des moines. Il y avait aussi des légumes rares de la même provenance, et puis des produits plus communs, des gerbes de sarrasin, des branches de châtaigniers avec leurs fruits tout jeunes, et puis des branches de prunellier, de senellier, de mûrier sauvage, de tout ce que la terre donne sans culture aux petits paysans et aux petits oiseaux. Et enfin, au bas de l’autel de gazon, ils avaient placé une charrue, une bêche, une pioche, une faucille, une faux, une cognée, une roue de char, des chaînes, des cordes, des jougs, des fers de cheval, des harnais, un râteau, une sarcloire [sic], et finalement une paire de poulets, un agneau de l’année, un couple de pigeons, et plusieurs nids de grives, fauvettes et moineaux avec les œufs ou les petits dedans . (N, p. 77)

      8 Jacques, le cousin de Nanon, et Émilien, ainsi que quelques autres hommes fabriquent un autel de bric et de broc en trois jours, puis ils le recouvrent de branches et de fagots afin de le cacher jusqu’au banquet. Ce tableau plutôt humble correspond à une esthétique allégorique, typique de l’imagerie révolutionnaire, dans la mesure où il est composé des objets réels et naturels qu’il est censé représenter. La forme de l’autel peut également évoquer les nombreux autels érigés à l’occasion des fêtes tout au long de la Révolution, notamment les monticules couverts d’herbe ou les pyramides qui furent dressés à Paris ou à Lyon pour la fête de la Fédération.

      9 Sand fournit au lecteur quelques indices sur l’apparence de l’autel par l’énumération de la longue liste des objets variés qui le décorent. La concurrence entre les symboles chrétiens, ceux de la Révolution et ceux de l’Antiquité, le tout combiné à la banalité des matériaux utilisés, amène Nanon à suggérer qu’il y avait quelque chose d’un peu maladroit, ou du moins de comique, dans ce « trophée bien rustique ». Comme pour s’excuser, elle loue la manière dont il est orné et ajoute : « À présent que je suis vieille, je n’en ris point. » (ibid.) Cet autel rustique, et par certains côtés risible, que le lecteur est censé imaginer, est aussi l’objet qui incarne toutes les nobles idées de la Révolution.


      10 Si le lecteur demeure incertain quant à la manière d’interpréter cet autel, les paysans le sont encore plus. L’objectif même de ce « spectacle », selon Nanon, est d’organiser les pensées désordonnées du paysan pour son propre bien : « Il faut au paysan qui regarde avec indifférence le détail qu’il voit à toute heure, un ensemble qui attire sa réflexion en même temps que ses yeux et qui lui résume ses idées confuses par une sorte de spectacle10. » (ibid.) L’autel rassemble des objets tirés du quotidien du paysan, lui apprend à regarder (ou plutôt à ne pas être indifférent aux détails), et oriente sa pensée en lui offrant un miroir et une synthèse de ses idées qui, sans cadre représentatif, restent « confuses » pour lui. Et pourtant les paysans demeurent aussi perplexes devant le spectacle, que les lecteurs à la description de Nanon. Les spectateurs accueillent d’abord l’autel en silence, soit parce qu’ils sont surpris par son aspect pour le moins singulier, comme le précise Nanon, soit parce qu’ils n’en comprennent pas la signification. En tout cas, selon Nanon, ils ne sont en mesure de formuler aucun sentiment : « Il y eut d’abord un grand silence quand on vit une chose si simple, que peut-être on avait rêvée plus mystérieuse, mais qui plaisait sans qu’on pût dire pourquoi. » (ibid.)

      11 De son côté, Nanon interprète mieux le spectacle parce qu’elle peut lire l’inscription qui surmonte les objets : « Moi, j’en comprenais un peu plus long, je savais lire et je lisais l’écriture placée au bas de la croix d’épis de blé ; mais je le lisais des yeux, j’étais toute recueillie […]. » (ibid.) Nanon comprend mieux le spectacle, non pas parce qu’elle peut lire l’inscription, puisqu’elle « lisai[t] des yeux », étant « recueillie » et pensive, mais plutôt parce qu’elle sait tout simplement lire. Bien avant cet épisode, quand Émilien lui enseigne l’alphabet et les bases de la lecture, elle prétend pouvoir désormais tout voir différemment, même la nature, comme si la simple connaissance des signes linguistiques lui avait ouvert les portes de l’interprétation du monde naturel (N, p. 70). Nanon distingue deux manières de lire, ou plutôt deux interprétations : la lecture visuelle des objets et symboles de l’autel (« je lisais des yeux »), et la lecture graphique de l’inscription (« je lisais l’écriture »). Cette capacité à lire à deux niveaux, à évoluer entre les registres interprétatifs et sociaux, annonce la fonction de médiatrice que jouera Nanon et qui lui permettra de construire une communauté durable autour d’elle, à la fin du roman.

      12 Les paysans qui peuvent voir l’autel mais ne peuvent lire l’inscription, le lecteur qui peut lire la description mais ne peut voir l’autel, et Nanon qui peut faire les deux mais demeure prise dans l’émotion du moment et ne peut donc pas le comprendre complètement, tous obtiennent finalement une explication lorsque Émilien demande à Nanon de lire à haute voix l’inscription sur la plaque : « Ceci est l’autel de la pauvreté reconnaissante dont le travail, béni au ciel, sera récompensé sur la terre. » (N, p. 78) À l’occasion d’une fête révolutionnaire qui devait célébrer la prise de la Bastille (à sa date du 14 juillet) et la confédération des gardes nationaux, Émilien et ses amis consacrent quant à eux un autel à la pauvreté, au travail et à leurs récompenses sur terre. Après cette explication verbale, la foule laisse échapper un long « Ah !… » que Nanon décrit « comme la respiration d’une grande fatigue après tant d’années d’esclavage », mais qui pourrait aussi être un « ah ah ! » exprimant leur satisfaction de comprendre enfin la signification de l’autel (ibid.). La confusion du paysan – et celle du lecteur – se comprend, étant donné la difficulté à lier la signification de l’inscription, le symbolisme visuel de l’autel et le contexte politique de la fête. Pourquoi choisir de consacrer un autel au travail et à la pauvreté pendant une fête censée célébrer l’unité nationale ?

      13 Le sens de l’inscription, comme celui de l’autel, s’éclairent alors dans la mesure où elle affirme que la Révolution a rendu possible la récompense de tout travail, par opposition avec l’Ancien Régime où les moines paresseux du moutier s’appropriaient les richesses produites par les paysans. Après la lecture de Nanon, la foule en liesse verse une libation sur l’autel, mais quelques « critiques » veulent parfaire le tableau en plaçant une « âme chrétienne » au-dessus des bêtes figurant dans l’autel. Émilien, bien sûr, choisit Nanon à la grande surprise de cette dernière, et la mène sous la croix, au sommet de l’autel, devenu « autel de la patrie » (la même formule désignant l’autel à Paris), plutôt que « reposoir », ce qui montre l’échange entre le sacré patriotique et le sacré religieux. À nouveau, les paysans sont déconcertés par le geste d’Émilien, mais cette fois, ils l’admettent ouvertement : « Il y eut un étonnement sans fâcherie, car personne ne m’en voulait [à Nanon], mais le paysan veut que tout lui soit expliqué. » (ibid.) Si l’autel, l’inscription et la fête constituent un ensemble peu cohérent, le choix de Nanon comme représentation allégorique du sacré est incompréhensible pour les paysans.

      14 Émilien justifie alors longuement son choix dans un discours où il explique que Nanon est la plus pauvre de la commune, qu’en dépit de son jeune âge, elle travaille « comme une femme » et surtout qu’elle apprend vite et enseignera à lire à d’autres. Depuis la mise en vente des biens nationaux, il était devenu indispensable de lire des documents de toute sorte. Nanon, en enseignant à lire aux autres, devrait permettre à chacun de bénéficier des fruits de la Révolution. Le discours d’Émilien parvient à convaincre les paysans du mérite de Nanon et de son droit à incarner les idéaux de l’autel. Ainsi, les membres de l’assemblée collectent un pécule qui permet à Nanon de devenir la propriétaire de sa maison et d’être la première « acquéreuse » d’un bien national dans son village.

      15 À mesure que se déroule la fête de la Fédération, les paysans acceptent les explications diverses d’Émilien par l’intermédiaire de Nanon qui lit l’inscription, puis incarne la signification allégorique de l’autel. Prise par la célébration de l’unité, l’assemblée oublie bien vite les divergences d’interprétation de l’autel, de la fête et du rôle symbolique de Nanon. Cependant, une lecture plus attentive du texte permet de montrer que la confusion initiale partagée par le lecteur et les spectateurs provient des contradictions inhérentes au spectacle même, à savoir la différence entre ses significations visuelle et écrite.


      16 En effet, la signification de l’inscription ne correspond que partiellement au spectacle de l’autel et à son incarnation allégorique en la personne de Nanon. Si l’on relit la description initiale de l’autel, avant même que Nanon ne lise l’inscription, on se rend compte que le travail est associé à des symboles peu pertinents dans l’autel décoré de jolies fleurs, de fruits, de quelques « légumes rares », tous dérobés par Émilien dans le jardin des moines, ainsi que par des branches d’arbres fruitiers sauvages : « tout ce que la terre donne sans culture aux petits paysans et aux petits oiseaux » (N, p. 77, je souligne). Au bas de l’autel, juxtaposés à ces produits naturels récupérés ici et là, se trouvent une charrue, une bêche, une pioche, une brouette, des chaînes et des fers à cheval. On note ainsi un décalage entre le haut et le bas de l’autel, car aucun de ces outils de labour n’a été nécessaire à la culture ou à la cueillette du trésor disposé sur l’autel. Enfin, des poulets, un jeune agneau, des pigeons et une variété de nids d’oiseaux sont placés à côté des outils de labour. Il ne s’agit donc pas de bêtes de somme telles que le cheval ou le bœuf, mais plutôt d’animaux dont on peut tirer de la nourriture sans trop de travail11.

      17 Tout comme l’autel d’Émilien ne remplit pas vraiment les deux buts politiques de la fête de la Fédération, l’incarnation en Nanon de la pauvreté, du travail et de la récompense bien méritée est problématique à certains égards. Au début du roman, l’héroïne est en effet une bergère n’ayant qu’un seul mouton, nommé Rosette. Nonobstant l’effort qu’exigeaient les tâches de la pastourelle, l’état de bergère était aussi associé, dans le contexte culturel du xviiie siècle, à la notion de loisir. Nanon est d’ailleurs bergère dans ce qui débute comme un roman pastoral. Bien entendu, le roman de Sand est plus réaliste que L’Astrée d’Honoré d’Urfé, mais le temps de la diégèse est contemporain du Hameau de Marie-Antoinette à Versailles. La pastorale exclut certes le travail pénible, mais cette exclusion permet justement à l’héroïne d’avoir un loisir productif. Nanon demande à Émilien, qui peut à peine lire lui-même, de lui enseigner tout ce qu’il sait. La vie de Nanon s’en trouve transformée ; elle peut désormais abstraire des idées à partir d’observations empiriques, faire de l’arithmétique, apprendre à lire aux autres, tracer un itinéraire sur une carte et, enfin, tenir les comptes de sa future fortune. Rien de cela n’aurait été possible sans le temps libre qu’autorise l’état de bergère. Dans La Nuit des prolétaires, Jacques Rancière a noté combien les activités intellectuelles auxquelles s’adonne l’ouvrier du xixe siècle pendant son temps libre déstabilisaient la hiérarchie des classes présentée comme naturelle ; Sand, qui avait vigoureusement soutenu les poètes ouvriers, comprenait bien l’importance sociale des pratiques culturelles des humbles et des ouvriers. Bien que le roman de Nanon soit situé dans le cadre paysan, l’analyse de Jacques Rancière est pertinente pour l’héroïne et sa promotion sociale. De pastorale, le texte de Nanon se transforme en roman sur la Révolution et le travail, tandis que le personnage éponyme utilise sa seule ressource, son temps libre (otium), pour s’investir dans le travail intellectuel des élites, le négoce (neg-otium) et l’écriture.

      18 La fête de la Fédération et son autel enseignent ainsi aux habitants de Valcreux comment un changement de perspective, produit par un nouveau moyen de lire et d’interpréter le monde, peut mener à l’émancipation. La définition du spectacle comme ensemble qui attire « en même temps » les yeux et la réflexion des paysans et lui « résume ses idées confuses » prend un tout autre sens lorsque Nanon en devient le symbole. Tout comme Nanon utilise le temps libre qu’offre son occupation pour s’instruire, l’autel met en scène des objets quotidiens et expose de nouvelles chances de prospérité puisque les biens du moutier, dont les terres, sont désormais disponibles pour tous : les fruits et les fleurs dérobés aux moines en attestent déjà la réalité. Par sa lecture et son incarnation, Nanon permet aux paysans de comprendre l’autel, comme elle leur enseignera plus tard à lire des textes. Ce n’est qu’en s’unissant que les habitants du village, officiellement nommé « commune » par la Révolution, pourront récolter les fruits du travail de tous. À travers le chapitre v, chacun des participants de la fête contribue à la compréhension de l’événement : les moines, avec leur bénédiction et leur tribut, involontaire, de fruits, fleurs et légumes pour l’autel ; Émilien, par la manière dont il a arrangé l’autel et inscrit le message sur la plaque, et par sa décision de choisir Nanon ; Nanon elle-même, grâce à sa lecture de l’inscription pour les paysans illettrés et son interprétation pour le lecteur, puis son rôle d’allégorie ; et surtout, le reste des paysans avec leurs demandes d’explication, leurs suggestions pour améliorer l’autel et leur réaction collective qui suggère qu’il y va de bien plus que d’une simple réponse affective à l’événement. Cette participation active de tous permet d’associer à la fête une variété de sens, à la fois politique, social et religieux. Conçues au départ pour dicter aux paysans quoi penser, la fête et ses étapes deviennent un texte ouvert à la lecture, à l’interprétation et à la discussion de chacun.

      19 La fête de la Fédération mise en scène dans Nanon, avec son spectacle construit sur le sentiment d’unité communautaire et sur un débat démocratique animé, trouve son origine non seulement dans la Révolution française, mais aussi dans la volonté de Sand de comprendre les victoires et les défaites de 1848 et la violence de la Commune de 187112. En rejouant ce qui est souvent considéré comme l’un des moments les plus exaltants de la première révolution, son roman suggère qu’une communauté ne peut se fonder que sur l’unité de but et sur la diversité d’opinion. Selon Arthur Mitzman, la description de la fête de la Fédération dans Nanon doit beaucoup au chapitre xi du livre III de l’Histoire de la Révolution française de Jules Michelet. Partageant le même style, les deux textes mettent l’accent sur l’inclusion démocratique qui caractérisent les diverses fêtes dans toute la France13. Dans un compte rendu lyrique, Michelet, qui assimile la fête de la Fédération à un « miracle », décrit la manière dont les jeunes et les moins jeunes, les riches et les pauvres, à travers toutes les régions, s’unirent pour l’événement afin de créer « la plus grande diversité (provinciale, locale, urbaine, rurale, etc.) dans la plus parfaite unité14 ». Pour Michelet, l’un des faits les plus remarquables est que les femmes, d’habitude exclues des rituels politiques, participèrent avec la plus grande passion, qu’elles fussent « appelées ou non appelées15 ». Ces femmes affirmaient ainsi avec force leur droit à jouer un rôle dans les célébrations politiques. Après un passage lyrique dans lequel il exprime la valeur universelle de la fête comme « solennel banquet de la liberté », l’historien termine son chapitre par de multiples anecdotes sur les fêtes dans toutes les régions et en commence un nouveau avec le récit d’une pratique qui eut lieu dans de nombreux villages, celle de placer sur les autels des enfants, ainsi « adoptés » par la communauté et couverts de cadeaux et de bénédictions16. Ces commentaires de Michelet permettent de mieux comprendre le personnage de Nanon qui, malgré son statut de jeune fille, se retrouve au cœur de l’attention publique par son rôle spirituel sur l’autel, avant de devenir une enfant adoptée par toute la communauté. Nanon est à la fois l’exception à l’égalité générale et la personne qui rassemble tous les êtres qui composent la communauté.


      20 Dans sa préface de 1868 à l’Histoire de la Révolution française, Michelet établit un lien explicite entre la fête de la Fédération de 1790 et les événements de 1848 : « Tel fut le cœur des pères aux Fédérations de 90, tel fut celui des fils à nos Banquets de Février. Journalistes, hommes politiques, professeurs, écrivains, nous eûmes l’élan désintéressé, généreux, clément et pacifique, humain17. » La lettre de Sand à son fils Maurice relatant sa participation au « spectacle » de la fête de la Fraternité (inspirée à plusieurs titres de la fête de la Fédération de 1790) du 20 avril 1848 anticipe à la fois la préface de Michelet de 1868 et le spectacle qu’elle imaginera dans Nanon en 1872 :

      La fête de la Fraternité a été la plus belle journée de l’Histoire. Un million d’âmes, oubliant toute rancune, toute différence d’intérêts, pardonnant au passé, se moquant de l’avenir, et s’embrassant d’un bout de Paris à l’autre au cri de Vive la fraternité, c’était sublime. […] Comme spectacle, tu ne peux pas t’en faire d’idée. [La fête] prouve que le peuple ne raisonne pas tous nos différends, toutes nos nuances d’idées, mais qu’il sent vivement les grandes choses et qu’il les veut. […] Du haut de l’arc de l’Étoile le ciel, la ville, les horizons, la campagne verte, les dômes des grands édifices dans la pluie et dans le soleil, quel cadre pour la plus gigantesque scène humaine qui se soit jamais produite ! (Corr., t. VIII, p. 430)

      21 Depuis le sommet de l’Arc de triomphe en 1848, comme Nanon sur son autel en 1790, Sand a une position privilégiée depuis laquelle elle peut voir un peuple unifié dans la célébration de la fraternité. Comme la romancière fera suggérer à Nanon narratrice que le « spectacle » organise les idées confuses des paysans, elle insiste en 1848 sur le fait que le peuple en fête n’a que peu d’intérêt pour les différences idéologiques (« tous nos différends »), mais qu’en revanche, il sent ce que les intellectuels républicains tels que Sand considèrent comme essentiel : la volonté innée du peuple lui paraît souveraine (« il les veut »). Cette différence fondamentale entre les discordes du « nous » politique et le peuple uni dans sa diversité sociale (« toute différence d’intérêts ») est accentuée par la séparation physique entre la foule et l’observatrice, jouissant d’une perspective élevée depuis le sommet de l’Arc de Triomphe. Symboliquement assise sur le siège du pouvoir, Sand exprime sa sympathie pour le peuple ; elle loue la force de ceux dont l’union spirituelle survivra aux fractures idéologiques : « Courage donc, demain peut-être, tout ce pacte sublime juré par la multitude sera brisé dans la conscience des individus ; mais aussitôt que la lutte essayera de reparaître, le peuple (c’est-à-dire tous) se lèvera et dira : “Taisez-vous et marchons !” » (Corr., t. VIII, p. 431)

      22 La prédilection de Sand pour le spectacle visuel d’un million de personnes unies, toutes classes sociales et toutes origines confondues – spectacle qu’elle oppose aux nuances verbales d’une certaine élite politique –, indique que la sensibilité politique de l’écrivaine n’a pas radicalement changé entre 1848 et 1872. À mesure que le roman progresse et que Nanon s’installe au moutier, elle crée une communauté qui n’est pas sans rappeler la manière dont Michelet caractérise la fête de la Fédération : « la plus grande diversité […] dans la plus parfaite unité ». Dans la communauté utopique de Nanon, paysans, domestiques, bourgeois, moines et aristocrates cohabitent, plus ou moins en paix, sans perdre leur diversité d’opinion ou d’identité. Dans quelques-uns des échanges les plus passionnés du roman, Nanon discute de la nature de la révolution, de la violence et du changement social avec plusieurs interlocuteurs : son oncle paysan, le moine Fructueux, le bourgeois révolutionnaire Costejoux et, bien sûr, son mari et ami, l’aristocrate libéral Émilien de Franqueville. Au cours de ces conversations, Nanon est capable de créer lentement et sans l’imposer, un consensus autour de l’idée que la fin ne justifie pas les moyens et qu’une révolution durable ne passe pas par la violence. Comme pour les spectacles de l’autel à la fête de la Fédération, ou la multitude à la fête de la Fraternité, le consensus naît de la diversité d’opinions et d’interprétations. Vers la fin du roman, Nanon explique qu’elle n’est plus impliquée dans les débats politiques :

      Il [Costejoux] est resté sous ce rapport aussi jeune que mon mari. Ils n’ont pas été dupes de la révolution de Juillet. Ils n’ont pas été satisfaits de celle de Février. Moi qui, depuis bien longtemps, ne m’occupe plus de politique – je n’en ai pas le temps – je ne les ai jamais contredits, et, si j’eusse été sûre d’avoir raison contre eux, je n’aurais pas eu le courage de le leur dire, tant j’admirais la trempe de ces caractères du passé […]. (N, p. 286)

      23 En ne participant plus à la vie politique, Nanon admet non seulement qu’elle n’a pas toujours raison (« si j’eusse été sûre d’avoir raison »), mais surtout, elle affirme son respect pour les opinions politiques de son mari et de Costejoux, tous deux valorisés par rapport aux hommes du présent. De plus, lorsqu’elle prétend ne plus avoir le temps de s’investir dans la politique, elle fait aussi allusion à son rôle de médiatrice et de négociatrice dans le roman.

      24 La fin de Nanon remet en jeu, indirectement, les questions soulevées par le spectacle de la fête de la Fédération : la communauté est construite et en même temps divisée par la lecture comme par le caractère délicat de l’équilibre entre les paysans et les citoyens instruits. Dans la dernière page du roman, le narrateur anonyme qui reprend le contrôle de la narration pour annoncer la mort de Nanon et ses contributions à la communauté, rapporte ce qui est advenu de ses cousins, Pierre et Jacques, qui représentaient ses derniers liens avec son passé humble. Jacques, à qui Nanon a appris à lire, comme l’indique le narrateur, devint officier militaire, mais « [se mit] en tête de supplanter » Émilien (N, p. 287). Ayant l’usage de ses deux bras (Émilien a perdu un bras à la guerre), Jacques est convaincu qu’il ferait un meilleur époux qu’Émilien et est aussi gradé que lui. Il est forcé de quitter le village et de s’installer ailleurs, après avoir perturbé l’harmonie collective. Le lecteur de Sand se souvient sans doute que Jacques a aidé Émilien à construire l’autel de la fête de la Fédération. On peut donc penser qu’il a cherché à imposer sa propre interprétation de la Révolution aux autres paysans. Apprendre à lire lui a non seulement permis de s’élever au rang d’officier, mais l’a aussi encouragé à faire passer ses propres désirs avant ceux de la communauté. L’autre cousin, Pierre, demeure un ami de la famille, et son fils, « sans cesser, quoique convenablement instruit, d’être un paysan », épouse l’une des filles de Nanon (ibid.). Dans ce roman, la classe sociale ne constitue jamais un obstacle au succès, et comme l’illustre Nanon, le bonheur et la fortune dépendent non seulement de la capacité à lire, mais aussi de la volonté de participer au bien de la communauté.

      25 Le spectacle idyllique de la fête de la Fédération porte à la fois les germes de la violence révolutionnaire (une division du public entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas lire) et sa possible résolution en une communauté unifiée dans sa diversité. Ceux qui ont planifié l’événement et qui savent lire partagent avec les participants illettrés les même objectifs patriotiques et égalitaires, mais échouent à les communiquer de manière efficace jusqu’à ce que Nanon médiatise une meilleure compréhension et incarne la valeur sacrée de l’autel, annonçant ainsi son rôle de fondatrice d’une nouvelle communauté. Dans ce dernier grand roman de Sand, le spectacle révolutionnaire ne propose pas de signification directe ou transparente, mais sa jouissance passe par des signes visibles et des symboles qui appellent l’interprétation et surtout la lecture. C’est une communauté nouvelle qui naît dans l’espace entre ce qui peut être seulement vu et ce qui ne peut être que lu.

      https://books.openedition.org/ugaeditions/4845

  • Soulèvements de la terre : « Le Dieu chrétien est le profanateur suprême de la propriété privée »
    https://www.la-croix.com/Debats/Soulevements-terre-Le-Dieu-chretien-profanateur-supreme-propriete-privee-2


    «  Une rapide enquête historique et sociologique suffirait pourtant à montrer que cette propriété est bien plus souvent le fruit d’une appropriation et d’une transmission par héritage.  »
    XAVIER BENOIT/LA NOUVELLE REPUBLIQUE/MAXPPP

    Alors que la dissolution des Soulèvements de la terre a été suspendue et que les soutiens au mouvement s’élancent le vendredi 18 août dans un « convoi de l’eau » vers Paris, Benoît Sibille propose une réflexion sur la remise en cause de la propriété privée et l’usage occasionnel du sabotage par les mouvements écologistes, dans une perspective théologique.

    Le retour des pratiques de sabotage dans les luttes écologistes choque et clive. Certains militants écologistes s’interrogent : suis-je solidaire de ces pratiques ? Ne va-t-on pas trop loin ? Nous ne présenterons pas ici un jugement arrêté sur l’opportunité stratégique, symbolique et politique de tel ou tel sabotage. Nous voudrions seulement nous demander pourquoi ces pratiques nous gênent tant. Il nous semble que cela est en grande partie dû au fait que le sabotage suppose une « violation de la propriété privée » et que, même inconsciemment, cette « propriété privée » est la divinité suprême de notre époque. Au fond, le sabotage choque car il relève de la logique de la profanation et du sacrilège. L’affaire nous semble donc hautement théologique.

    La propriété privée est réputée intouchable, elle est ce dont on ne peut user sans un titre spécifique (le titre de propriété). Elle divise ainsi, comme le font souvent les religions, le corps social en deux : les prêtres (propriétaires) et les fidèles (non-propriétaires) qui leur sont soumis. Les premiers sont, bien sûrs, bien moins nombreux et constituent l’élite sacerdotale. On pourra bien sûr tenter de rationaliser ce culte en disant que ce n’est que justice, que cette propriété est le fruit d’un travail, qu’en cela elle est un droit naturel et est légitimement méritée par ses propriétaires.

    Une rapide enquête historique et sociologique suffirait pourtant à montrer que cette propriété est bien plus souvent le fruit d’une appropriation et d’une transmission par héritage. Le culte de la propriété nous semble donc mériter une enquête théologique : croire qu’il s’agit d’une simple appropriation, c’est-à-dire d’un simple changement de propriétaire, c’est en effet croire que le « Dieu Propriété » est éternel et que toute terre est toujours nécessairement possédée par quelqu’un.

    Si tel était véritablement le cas, on pourrait tout au mieux critiquer tel ou tel propriétaire individuel pour sa mauvaise gestion, mais en aucun cas la propriété elle-même. À cette théologie de la Propriété Éternelle nous voudrions en opposer une autre, biblique, elle. Plutôt que d’entrer dans une régression à l’infini pour fonder l’éternité du Règne de la Propriété, la Bible nous renvoie à l’acte créateur : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Dire que Dieu crée le monde, c’est couper court à l’idée selon laquelle la terre a toujours eu des propriétaires, c’est interrompre la régression à l’infini par laquelle chacun revendique pour sa famille tel ou tel bout de terre.

    Le monde comme un jardin
    Le récit de la genèse présente le monde comme un jardin dont Dieu nous offre les fruits à consommer (Gn 1, 28-31 et Gn 2, 15) et, après la chute, comme une terre à travailler (Gn 3, 19). Toute l’histoire biblique est ensuite celle de la promesse d’une terre (depuis Gn 12, 1 jusqu’à Ap 21, 1) qui pourtant n’est jamais possédée définitivement. Dans cette promesse infinie, les femmes et les hommes se découvrent « pèlerins et étrangers sur la terre » (Gn 23, 4 ; Ps 39, 13 ; Hb 11, 13 ; 1 P 2, 11).

    Méditant cette condition biblique du peuple d’Israël, Franz Rosenzweig, philosophe juif du début du XXe siècle, notait : « Il (le peuple d’Israël) ne lui est pas donné de s’endormir dans son chez-soi ; il reste sans attaches, comme un voyageur (…). La Sainteté de la terre retire la terre de sa mainmise » (Étoile de la rédemption). La parole divine, en effet, est sans appel : « C’est à moi qu’est le pays. »

    Dieu profanateur
    Notre Dieu est ainsi, par le geste de la création, le profanateur suprême de la Propriété Privée. Chaque fois que nous invoquons la divine Propriété pour exiger la possession complète d’une parcelle de terre, sa parole rappelle : « La terre, c’est moi qui l’ai faite » (cf. Is 45, 13). Aussi, nous n’avons tout au plus qu’un droit d’usage sur celle-ci, et encore nous n’en avons l’usage légitimement que si nous l’usons en vue de tous.

    La tradition catholique a toujours été claire sur cela. La propriété privée ne peut être envisagée comme potentiellement acceptable que dans sa subordination à « la destination universelle des biens » (cf. Gaudium et spes 69). Qu’est-ce à dire ? Que reste-t-il de la « propriété privée » si elle est à la destination de tous ?

    Cela signifie, simplement et radicalement, que le droit de propriété doit être subverti de l’intérieur. Le titre de propriété désigne théologiquement un titre d’usage en vue de la mise à disposition de tous : si tu as du pain, c’est pour le partager ; si tu as la terre, c’est pour que personne ne soit sans terre. Selon la formule de l’apôtre Paul, il s’agit d’user du monde comme n’en usant pas (1 Co 7, 31), c’est-à-dire, ici, de s’approprier la terre de manière à la rendre inappropriable et donc commune.

    « Reprises de terres »
    La chose est très concrète, les stratégies de « reprises de terre » (occupations de terre par les paysans sans terre, au Brésil, sur le plateau du Larzac ou à Notre-Dame-des-Landes ; achats collectifs de terre par le biais de GFA citoyens ; mise en commun de terre, etc.) qui fleurissent aujourd’hui dans la militance écologiste réalisent très concrètement des formes de propriété rendant la terre inappropriable.

    Lorsque des citoyens achètent ensemble des terres pour les libérer des risques de l’artificialisation, pour les soustraire à la spéculation foncière et pour les mettre à disposition de paysannes et de paysans, ils font de la terre un bien commun sur lequel personne ne peut revendiquer de droit absolu. Ces initiatives sont profondément théologiques, théologales même. Révélant la terre comme inappropriable, ces reprises de terre sont l’occasion d’être repris par la terre et de laisser la terre être reprise par Dieu pour s’y découvrir pèlerin et usager de passage.

    Subvertir la propriété
    Si cette « destination universelle des biens » doit nous enjoindre de subvertir la propriété, elle est aussi ce qui doit conduire à mettre en cause toute appropriation de la terre sous le signe de la Divine Propriété Privée. Si la seule propriété légitime est celle qui se défait elle-même comme propriété privée, alors la propriété privée captatrice, accumulatrice – bref, capitaliste – est, elle, intrinsèquement illégitime. La contester – par voie légale, par occupation illégale ou par sabotage – n’est qu’une manière de convoquer cette divinité Propriété devant la face du Dieu créateur et de soumettre l’appropriation de la terre à l’inappropriabilité de la création.

    Jacques Ellul avait probablement raison en voyant dans la « profanation » la forme par excellence de l’éthique chrétienne. Confesser le Dieu créateur et sauveur, c’est avoir pour tâche de profaner toutes les idoles de notre monde. Il se pourrait que Dieu attende de nous l’audace d’être les profanateurs de la « Propriété Privée », d’être la terre qui se soulève contre les entreprises d’appropriations.

    • Benoît Sibille soutiendra bientôt une thèse aux allures prometteuses
      https://cv.hal.science/benoit-sibille
      il a contribué à la "revue d’#écologie_intégrale" Limite
      https://revuelimite.fr/auteur/benoitsibille
      dont l’histoire parait... complexe (créée à l’extrême droite)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Limite_(revue)#:~:text=Elle%20a%20été%20cofondée%20par,Dalmas%20et%20d.

      edit : le concept d’« écologie intégrale » apparaît en 1984 dans la publication royaliste, Je suis français. Jean-Charles Masson pose des « jalons pour un écologisme intégral », un terme inspiré du « nationalisme intégral » de l’écrivain Action française Charles Maurras.

      #propriété_privée #droit_d'usage #profanation #sabotage #théorie #théologie

    • apparemment, la revue Limite n’a pas survécu à ses (apparemment, vives…) contradictions internes et… aux difficultés de la presse papier

      Nos limites - Limite
      https://revuelimite.fr/nos-limites

      Après sept ans d’une aventure hors du commun, la revue Limite s’arrête. Il en a fallu, du cœur et du courage, à cette petite bande qui s’est reconnue dans une « génération Laudato Si » et s’est mise en tête d’en faire une revue. Si « l’esprit Limite » a germé partout en France, c’est aussi parce que de nombreux chrétiens y ont vu une nécessité. Entre nostalgie et fierté, voici le mot final de son directeur Paul Piccarreta. Édito frissons.

      Un mois après cette annonce, le tout dernier billet mis en ligne (nov. 2022) est signé de Benoît Sibille

      Des luttes écologiques au Royaume de Dieu - Limite
      https://revuelimite.fr/des-luttes-ecologiques-au-royaume-de-dieu

      De quelle mauvaise théologie sommes-nous les disciples, lorsque nous craignons de saisir la main tendue par les plantes et les bêtes, les fleuves et les forêts ? Il n’y a pas de panthéisme  lorsque nous faisons de « notre sœur mère la terre » une priorité à contempler et à protéger. Pour le philosophe chrétien Benoit Sibille, cette inquiétude qui étreint beaucoup de chrétiens n’est pas une inquiétude chrétienne.

    • son billet (07/2021) sur le covid-19

      Nous ne vivons pas une crise sanitaire - Limite
      https://revuelimite.fr/nous-ne-vivons-pas-une-crise-sanitaire

      Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel. La possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire » . La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.

      Alors que les citoyens refusant le « passe sanitaire » sont de plus en plus considérés comme responsables de la propagation de la pandémie de Covid-19, il importe de remonter correctement la chaîne des responsabilités. Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme par des animaux non-humains du fait de la destruction de leur habitat naturel ou de leur exploitation. Que la pandémie vienne du pangolin ou de la chauve-souris change assez peu de chose, c’est de la prédation de l’humanité capitaliste sur les équilibres écosystémiques que vient la crise. La crise sanitaire ne vient pas de notre négligence dans l’usage du masque, du gel ou des vaccins, mais d’un mode de développement destructeur des écosystèmes. Pire, les industries dont nous attendons le salut (production de gel, de masques, de vaccins, etc.) participent elles-mêmes à la folie productiviste qui nous mène de manière de plus en plus inéluctable à l’effondrement. La pandémie de Covid-19 n’est donc pas une « crise sanitaire » pouvant se résoudre à l’échelle de la seule humanité ; c’est une « crise écologique » dont nous ne pourrons sortir qu’en acceptant de nous considérer nous-mêmes comme membres, parmi d’autres, d’écosystèmes.
      Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel, les scientifiques alertaient depuis longtemps sur les risques liés aux zoonoses et l’on sait que d’autres suivront ; la possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’une crise que l’on pourrait traverser par des mesures strictement sanitaires. Il ne s’agit pas d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire », il s’agit d’une période dans laquelle nous entrons et il nous incombe de choisir comment nous y entrons. La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.
      Entrerons-nous dans cette période par la surveillance généralisée et l’accroissement du pouvoir technique ou y entrerons-nous par un changement radical de notre mode de développement ? Comment la surveillance de la population pourrait-elle être acceptable comme moyen d’espérer une sortie de crise alors que se maintient et se renforce, par et avec elle, le système économique qui produit ces pandémies ? Voulons-nous vivre ce temps de crise en réinventant des manières écosystémiquement soutenables de vivre ? Nous obstinerons-nous dans une forme de développement qui non seulement ne pourra durer qu’un temps, mais ne le pourra qu’au prix d’inégalités croissantes et d’une surveillance généralisée ?

    • [aspirine] peut-être s’agit-il de la revue Philosophique ?

      Philosophique

      La revue Philosophique a été fondée en 1986, à l’initiative de Louis Ucciani. Elle a été initialement éditée par le Centre de documentation et de bibliographie philosophique (CDBP), fondé en 1959 par Gaston Berger et Gilbert Varet. Elle paraît une fois par an, avec une double fonction : susciter la réflexion autour d’un des thèmes que le programme de l’agrégation met à l’ordre du jour. Faire apparaître les termes et les formes les plus récentes de la recherche philosophique.

      https://books.openedition.org/pufc/4137

      mais je ne trouve pas trace d’un n° sur L’Oeuvre
      https://www.lcdpu.fr/revues/?collection_id=536#:~:text=Revue%20%3A%20Philosophique%2C%20Presses%20universi.

    • tkt, je (me) faisais la remarque que la référence dans HAL était bizarre :

      Philosophique. Hors-série, 2022, L’Œuvre, Hors-Série

      L’Œuvre ne correspond à rien

      et oui, c’est bien de ce numéro HS de la revue que la lecture du sommaire me donne mal au crâne (pas le pataquès, ci-dessus)

      merci pour l’aspirine, mais je crains que ce soit insuffisant, l’abstention de toute lecture me semble, seule, pouvoir éviter le mal de tête :- )

  • La fragilité du souci des autres - Adorno et le care, Estelle Ferrarese
    https://books.openedition.org/enseditions/8805

    Ce livre renouvelle et acère la théorie critique par le féminisme. Il interroge la philosophie sociale de Theodor W. Adorno et propose de penser, au moyen des théories du care, la question de la fragilité sociale du souci des autres. Comment le geste moral émerge-t-il dans notre forme de vie capitaliste sous-tendue par une indifférence généralisée ? Quelles en sont les conditions sociales ? Son hypothèse est que le #capitalisme compartimente l’attention à autrui, limite son possible développement en l’assignant aux #femmes, dans des domaines et pour des tâches toujours spécifiques. Comment appréhender le contenu moral du care effectivement mis en actes, dès lors qu’il se révèle être le produit d’ une distribution genrée des dispositions morales, celle-ci étant une condition de possibilité du marché ?

    si @rezo diffusait aux plagistes et aux autres, ce serait bath

    #livre #libre_accès #soin #care #théorie #féminisme

  • Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? - Introduction - Presses de l’enssib
    https://books.openedition.org/pressesenssib/2139

    1Peu de personnes savent qu’en France on brûle des bibliothèques, des incendies ignorés du public et des spécialistes jusqu’à une date récente. Nous avons répertorié 70 bibliothèques incendiées entre 1996 et 2013, et nous savons que d’autres ont subi ce type d’attaque depuis le début des années 19801. Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? Le fait est suffisamment énigmatique pour qu’on se pose la question avec toute sa force. Le fait est suffisamment grave et significatif aussi pour qu’on accompagne cette première question d’une deuxième. Pourquoi ces incendies n’ont-ils attiré l’attention de personne ? L’incendie de bibliothèque a toujours fait scandale, horrifié les intellectuels, les femmes et les hommes de culture, incité les politiques à réagir, suscité la curiosité des journalistes et des chercheurs en sciences sociales ; pourquoi un tel silence dans la France contemporaine alors que ces événements se répètent depuis maintenant trente ans ?

  • Déjà passé quelques heures à procrastiner sur le Pavillon Pepsi de l’expo universelle d’Osaka en 1970.
    https://en.wikipedia.org/wiki/Expo_%2770

    Quel que soit le bout par lequel tu prends cette histoire, tu tombes dans un trou.

    Il y a le projet global de ville invisible de Arata Isozaki et la structure en tronc d’arbre de Kenzo Tange (qui a planifié la reconstruction du centre de Skopje après le tremblement de terre de 1963).
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Arata_Isozaki
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Kenz%C5%8D_Tange
    Arata Isozaki est particulièrement intéressant
    https://www.cca.qc.ca/fr/articles/issues/4/des-origines-du-numerique/40596/arata-isozaki-et-les-techniciens-invisibles

    Difficile de ne pas lier ceci aux questions de #smartcities
    Faut-il des villes intelligentes ?
    https://www.radiopanik.org/emissions/emissions-speciales/faut-il-des-villes-intelligentes
    Et du livre de Tyger Reigeluth L’intelligence des villes – Critique d’une transparence sans fin
    https://lundi.am/Critique-d-une-transparence-sans-fin

    Reflective Interiors : The Pepsi Pavilion and the Tower of the Sun
    Kate Linzey
    https://interstices.ac.nz/index.php/Interstices/article/view/414

    The Pepsi-Cola Pavilion, Osaka World’s Fair, 1970
    Cyrille-Paul Bertrand
    https://books.openedition.org/ksp/3281?lang=fr

    Tout ça à cause d’un petit livre des éditions B2 signé par Fred Turner. https://peptimiste.yoboom.xyz/posts/pepsi70

  • Thomas S. Kuhn, La vérité scientifique n’a pas besoin d’être unique, 1995
    https://sniadecki.wordpress.com/2022/11/16/kuhn-itw

    Thomas S. Kuhn (1922-1996) a enseigné successivement aux universités Harvard, Berkeley et Princeton, avant de terminer sa carrière au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (Massachusetts). Après avoir consacré en 1957 un travail à La Révolution copernicienne (le Livre de poche, Biblio Essais, 1992), il a publié en 1962 un livre, La Structure des révolutions scientifiques (Flammarion, 1983), qui a durablement marqué l’histoire et la philosophie des sciences.

    Une conception discontinuiste du développement de la connaissance se trouve au centre de ce dernier ouvrage. Loin d’être linéaire, le progrès scientifique s’accomplit par « bonds » et par « coupures ». Les plus importantes de ces mutations correspondent à des moments où la communauté des chercheurs remet en question les cadres fondamentaux de sa vision du monde, où elle passe d’un « paradigme » à un autre – le nouveau paradigme ayant pour fonction de définir l’espace des croyances et des recherches possibles jusqu’à ce qu’il soit, à son tour, remis en cause par l’effet de nouvelles découvertes.

    En rompant ainsi avec l’idée, chère à Popper comme à la tradition classique, selon laquelle la science se rapprocherait inéluctablement d’une vérité préexistante et unique, Kuhn a souligné ce que les connaissances scientifiques d’une époque doivent au langage, à la culture, bref à la convention. Il n’a cependant cessé de lutter contre certaines interprétations « extrémistes » de sa pensée, ainsi qu’en témoignent les textes réunis dans La Tension essentielle (Gallimard, 1990).

    Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Thomas S. Kuhn, en jetant un regard sur l’ensemble de son œuvre, effectue le bilan d’un demi-siècle de recherches.

    #Thomas_Kuhn #philosophie #histoire #épistémologie #science #langage

    • Thomas Kuhn et la notion de paradigme scientifique | Pierre Macherey
      https://philolarge.hypotheses.org/annee-2007-2008

      Si le livre de Kuhn a été perçu, à juste titre, comme radicalement innovant et a fait en conséquence l’objet de violentes polémiques, c’est d’abord [...] en raison de son caractère expressément réactif et polémique : il remettait en cause sur le fond une conception de la connaissance scientifique, reçue jusqu’alors dans le monde anglo-saxon comme une évidence, dont les maîtres mots étaient neutralité et progressivité sur fond de continuité. Neutralité : Kuhn refuse de considérer que l’investigation scientifique puisse se dérouler dans un champ non balisé, non orienté, non préalablement structuré selon certaines lignes de forces qui, en lui ouvrant certaines voies, lui en ferment d’autres en mettant en place tout un système d’intérêts préférentiels et d’interdits, donc des contraintes. Progressivité continue : Kuhn nie que la science, si on peut dire qu’elle « avance », le fasse de manière cumulative en additionnant les unes aux autres des connaissances produites chacune pour elle-même et dont la valeur de vérité ou de non falsifiabilité ait été établie isolément, sans tenir compte de la relation qu’elles entretiennent avec d’autres positions de savoir auxquelles elles sont organiquement liées. Ces deux refus relèvent d’une logique commune : la conception cumulative du développement des connaissances suppose que celui-ci s’effectue sur la base d’atomes de savoir flottant librement dans le vide, ce qui est la condition pour que ceux-ci puissent faire l’objet d’un examen rigoureux et lucide, exempt de tout risque de confusion et de préjugé, comme l’exige un idéal de scientificité qui exclut toute compromission dans sa recherche de la vérité. Or l’image de la science bâtie à partir de cet idéal est, selon Kuhn, complètement coupée des réalités du travail de la connaissance, qui dépend de conditions dont rien ne permet d’affirmer qu’elles soient de part en part rationnelles, au sens d’une rationalité réfléchie et consciente, relevant des seules exigences de la logique et de l’expérimentation. Etant reconnue l’inadaptation de cette représentation pure et désintéressée de la science, il faut en conséquence lui substituer une tout autre conception : celle, selon Kuhn, d’une connaissance qui procède de manière, non analytique ou fragmentaire, mais synthétique ou globalisante, en insérant à chacune de ses époques ses actes de pensée et ses procédures expérimentales dans des « paradigmes » ayant chacun leur nécessité propre, et en conséquence exerçant une contrainte spécifique sur les acteurs de la connaissance, les savants ; ce dont il résulte que, si la science progresse, elle ne parvient à le faire qu’en passant de paradigme en paradigme : or ce passage ne peut s’effectuer par transition continue, mais suppose des crises par lesquelles les paramètres du savoir sont tous ensemble, et non séparément, remis en cause, ce qui est la condition pour que s’opèrent les grandes « révolutions scientifiques » qui jalonnent l’histoire des connaissances humaines sur le monde, révolutions dont les grands exemples sont la révolution copernicienne (à laquelle Kuhn avait consacré tout un ouvrage avant d’élaborer et de publier sa théorie générale des révolutions scientifiques), la révolution newtonienne et la révolution einsteinienne.

      http://philolarge.hypotheses.org/files/2017/09/19-03-2008.pdf

    • Avons-nous besoin de « paradigmes » ? | Bruno Latour
      https://books.openedition.org/pressesmines/164?lang=fr

      On lui a attribué l’idée de briser la Science en morceaux incommensurables et d’en faire une aventure « purement sociale » au cours de laquelle des révolutionnaires finiraient par renverser des paradigmes en s’appuyant sur les anomalies, les contre-exemples, les déchets des paradigmes contraires. On a fait de lui le père de ce monstre qu’est « la construction sociale des sciences ». Jamais accusation ne fut plus injuste, car toute sa vie il détesta le sociologisme. Le malentendu s’explique pourtant facilement. Kuhn utilise souvent des métaphores psychologiques assez calamiteuses, comme celle de ces dessins dans lesquels on peut voir alternativement une femme au miroir ou une tête de mort. On a cru que les paradigmes opéraient comme des vues du monde, des interprétations toutes justes, toutes fausses, d’un monde à jamais inaccessible dans lesquelles s’obstinaient aveuglément des scientifiques bornés jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par d’autres, formés à d’autres regards, d’autres écoles. Bref, on a fait du paradigme une sorte de prison derrière les barreaux de laquelle des chercheurs regardent la réalité sans pouvoir jamais la saisir.

      Or, le paradigme, malgré les exemples empruntés à la psychologie de la Forme, n’est pas une métaphore optique. Un paradigme n’est pas une vision du monde. Il n’est pas une interprétation et encore moins une représentation. Il est la pratique, le modus operandi qui autorise des faits nouveaux à émerger. Il ressemble plus à une route qui permet d’accéder à un site expérimental, qu’à un filtre qui colorerait à jamais les données. Un paradigme agit plutôt à la manière du tarmac d’un aéroport. Il rend possible, si l’on peut dire, « l’atterrissage » de certains faits. On comprend mieux l’importance pour Kuhn de tous les aspects sociaux, collectifs, institutionnels de ces paradigmes. Rien de toute cette matière n’allait affaiblir, à ses yeux, la vérité des sciences, leur commensurabilité, leur accès à la réalité. Au contraire, en insistant sur les aspects matériels de ce qui permet aux faits « d’atterrir », on allait comprendre aussi, d’après lui, pourquoi les sciences avancent d’une façon aussi conservatrice, aussi lente, aussi visqueuse. Pas plus qu’un hydravion ne peut atterrir à Orly, un quanta ne peut « se poser » chez Newton. Inutile de s’arracher les cheveux en prétendant que les paradigmes sont devenus incommensurables et que l’unité des sciences a été brisée. Non, mesurons plutôt le coût fantastique d’une modification de paradigme. Kuhn incarne les théories au point que l’on pourrait utiliser, pour suivre leur histoire, des métaphores techniques plutôt que mentales.

  • Philippe Descola, Bruno Latour et Ramsès II - La Hutte des Classes
    http://www.lahuttedesclasses.net/2022/11/philippe-descola-bruno-latour-et-ramses.html

    (...) j’avais souligné à quel point les positions philosophiques de l’anthropologue Philippe Descola, tout en se gardant de l’assumer trop clairement, ouvraient la porte à un relativisme dévastateur. Et je tentais de montrer que la manière dont il abordait sa classification des «  ontologies  » (le terme lui-même est tout sauf innocent) suggérerait qu’il n’est pas de représentation du monde plus juste, ou plus fidèle, qu’une autre. Il suffit d’un peu de logique pour comprendre que cette position revient à affirmer que la réalité elle-même n’existe pas indépendamment de l’idée qu’on s’en fait – même si, une fois encore, P. Descola se gardait bien de tirer cette conclusion explicitement.

    Or, ce pas avait été franchi sans ambages par son collègue et ami Bruno Latour, qui vient de décéder et qui était considéré depuis longtemps comme un intellectuel majeur par de nombreux chercheurs en sciences sociales (je crois nos collègues des sciences expérimentales globalement beaucoup moins sensibles à sa rhétorique, pour des raisons assez évidentes).

    Parmi les nombreux écrits de B. Latour, il en est un qui possède le mérite d’être bref, relativement simple, et de permettre à tout un chacun de juger des fruits que porte son arbre. Il s’agit d’un article paru en 1998 dans La Recherche, sous le titre «  Jusqu’où faut-il mener l’histoire des découvertes scientifiques  ?  », où l’auteur explique en substance que Ramsès II n’a pas pu mourir de la tuberculose étant donné que le bacille n’a été découvert par Koch qu’au 19e siècle. Je renvoie tous ceux, incrédules, qui pensent que j’invente, que je caricature ou que je déforme ses propos, à l’article en question, en y relevant notamment ce passage  :

    Avant Koch, le bacille n’a pas de réelle existence. Avant Pasteur, la bière ne fermente pas encore grâce à la Saccharomyces cerevisiae. (...) Affirmer, sans autre forme de procès, que Pharaon est mort de la tuberculose découverte en 1882, revient à commettre le péché cardinal de l’historien, celui de l’anachronisme .

    (...) on peut, et on doit, tout autant s’interroger sur les raisons qui font que des positions aussi manifestement absurdes exercent une fascination sur une large fraction du monde intellectuel. Tout comme pour la religion, la persistance (ou la résurgence) d’idées aberrantes ou réfutées depuis longtemps ne peut s’expliquer que par des causes étrangères à leur force de conviction propre  : ces idées satisfont un besoin, et possèdent une fonction sociale.

    #Philippe_Descola #Bruno_Latour #relativisme_généralisé #idéalisme_philosophique

    • Citons le texte de Latour, qui, de mon point de vue, ne dit rien de bien méchant.

      Jusqu’où faut-il mener l’histoire des découvertes scientifiques ?
      https://books.openedition.org/pressesmines/170

      On peut croire que Ramsès II crachait déjà des bacilles de Koch en postillonnant contre Moïse ; on ne peut le savoir avec certitude qu’en le faisant venir au Val de Grâce.

      C’est ce que le journaliste de Paris-Match a si bien compris : 3 000 ans plus tard, « nos savants » rendent enfin Ramsès II malade et mort d’une maladie découverte en 1882 et diagnostiquée en 1976.

      L’an – 1000 se compose, par exemple, d’un Pharaon mort de cause inconnue, et, à partir de l’année 1976, d’un Pharaon mort de cause parfaitement connue. Toutes les années – 1000 produites « à partir » de 1976 vont comporter ce trait nouveau : un Ramsès II dont la bouche était remplie de bacilles de Koch.

      L’an – 1000, solidement ancré, grâce au Val de Grâce, dans la médecine moderne, comprend dorénavant et jusqu’à preuve du contraire, un bacille qui causa la mort de son plus célèbre Pharaon.

    • Je crois qu’elle sert – et là est la clé de son succès – précisément à ne servir à rien. Son utilité consiste à permettre à qui l’endosse de se perdre dans les infinies circonvolutions et dans les faux-semblants d’une prétendue profondeur, sans jamais l’engager à quelque confrontation que ce soit avec le réel. Elle sert, par essence, à prendre des poses.

    • Ramsès II à Paris :

      Sa momie, gravement endommagée par des parasites, avait besoin d’une sérieuse restauration. Les savants français ont été choisis pour en être les maîtres d’œuvre.

      Où l’on voit que « Bruno » ne voyait que ce qu’il voulait voir, puisque ce n’est pas la tuberculose qui amenait le pharaon à Paris mais une exposition et des parasites.

      Donc @lyco, tout comme il fait dire à James des choses qu’il ne dit pas, Nono le sacro-saint, fait dire à Paris Match des choses qu’il ne dit pas et tous les graphiques du monde n’y changeront rien, dans le passé ou le présent, quel que soit le moment de la découverte (ou redécouverte donc) de ses raccourcis expéditifs ravageurs.

      Ce ne serait pas bien méchant, si certains milieux, notamment artistiques et culturels, ne lisaient pas de travers en plus, ses idées ou leurs succédanés pour achever une dépolitisation encore plus grande de ces espaces sociaux, et finir par mettre sur le même plan des chamans et des laboratoires d’analyses médicales. Ou dire que les virus ne sont qu’une question de point de vue.

      https://www.lhistoire.fr/rams%C3%A8s-ii-%C3%A0-paris

    • mais aussi sans doute @supergeante qu’il a récemment remis en cause son relativisme généralisé en raison d’un contexte de catastrophe écologique. en venir, par exemple, à évoquer Schmitt pour ne défendre la nécessité de ne pas rester neutre dans un polythéisme des valeurs où le climatonégationnisme (comme le déni de la pandémie) aurait non seulement une existence mais une légitimité.

      le souci, pour s’en tenir à un pragmatisme des effets, c’est que la réception fait l’oeuvre (d’où l’utilité du papier de Jeanpierre), et que des artistes aux académiques, des journalistes aux révolutionnaires (LM et d’autres), ça baigne dans un brouet de confusion qui crée des conflits superflus et nuisibles au lieu d’orienter une écologie politique consistante (cf. encore, le déni de la pandémie, entre autres).

    • Y’a beaucoup de choses à redire sur Latour, c’est dommage d’aller l’asticoter sur Ramses (j’étais sûr que c’était déjà sorti sur ST, mais j’ai dû rêver). Pour moi ça se résume à : Un événement datant de -1000 a été écrit de plusieurs façons depuis ; en 1976 on a fait une découverte importante sur cet événement qui ne nous fera plus l’écrire de la même façon ; cette découverte ne doit pas pour autant justifier de tout réécrire rétrospectivement, au risque d’aplatir l’histoire et d’en faire perdre la dimension sédimentaire. Ca me semble assez banal comme propos.

      Quand il dit : Grâce à la science moderne on sait maintenant avec certitude que Ramsès 2 est mort de la tuberculose, le gars conclut : Latour ne tient aucun compte des faits, il se fout de la réalité. Je comprends pas…

      Alors y’a cette phrase citée qui vient du début du texte de Latour :

      Affirmer, sans autre forme de procès, que Pharaon est mort de la tuberculose découverte en 1882, revient à commettre le péché cardinal de l’historien, celui de l’anachronisme.

      L’important là-dedans c’est « sans autre forme de procès ». Bien sûr que les petits gènes du bacille de Koch n’ont pas attendu Koch pour avoir une existence matérielle. Ce serait en effet stupide de dire le contraire (et c’est pour ça que personne ne dit le contraire – vaut toujours mieux partir du principe que personne n’est stupide). Mais Latour rejette cette idée que l’action des scientifiques ne consiste qu’à lever le voile sur une réalité déjà là à côté de nous. Pas parce qu’il n’y a rien à côté de nous, mais parce que les scientifiques ne lèvent pas de voile – ils produisent des faits. Et c’est bien plus compliqué. (C’est d’ailleurs parce qu’il sait que c’est plus compliqué qu’il met en valeur la découverte scientifique faite au val de grâce - c’est aussi pour ça qu’il ne discute pas les faits scientifiques, qu’il fait confiance à l’institution et qu’il prône le recours positif à l’argument d’autorité, etc.) Et ces faits ont une histoire, etc.

      Bref, je vois pas où ça peut se résumer à « tout se vaut » ou « tout n’est qu’une question de point de vue ».

      Par contre je sais que sur seenthis y’a plein de critiques intéressantes de Latour (le Latour écolo dernière période), par exemple ce très bon texte de LM (j’arrange pas mon cas) : https://seenthis.net/messages/699971

      ... où d’autres, de Frédéric Neyrat ou Andréas Malm :
      https://seenthis.net/messages/492604
      https://seenthis.net/messages/772354

    • De même qu’il n’y a de visible qu’indexé à un point de vue, il n’y a de vrai qu’ancré dans des épreuves et dans les réseaux qui le soutiennent : il n’y a de vérité que conjonctive.

      Nous touchons ici au cœur du malentendu que Bruno Latour a suscité au cours de sa carrière, à savoir son « relativisme ». On le lui a reproché au point de le faire passer pour un mystificateur. Pourtant, loin de s’en défendre, il revendiquait ce relativisme – « le contraire est l’absolutisme », avait-il pour habitude de rétorquer. Le quiproquo était parfait : lui et ses détracteurs ne s’accordaient pas même sur la signification du terme « relativisme ».

      #Dominique_Linhardt, « No Sociology ! »
      https://revuepragmata.wordpress.com/les-numeros/6-2023

    • Extrait

      La profonde crise du modèle économique ont fortement remis en question le rôle de l’Etat dans la croissance économique et dans la régulation de la société. Il est devenu banal de constater la subordination de l’Etat à un marché devenu à la fois instrument d’allocation des ressources et étalon de mesure des politiques publiques. La « révolution conservatrice » a entraîné au Nord comme au Sud une attaque en règle contre l’Etat-providence et les administrations publiques et une reorganisation autour d’un concept caméléon appelé « nouvelle gestion publique ». Qu’exprime cette réorganisation générale de l’Etat ? Quels en sont les enjeux ? Pourquoi est-elle controversée ?

      © Graduate Institute Publications, 1998

      Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0
      Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

  • Raoul Vaneigem : « Contre le capitalisme, une révolution maraîchère » Par Catherine Marin - Reporterre - Entretien — Séries d’été
    https://reporterre.net/Raoul-Vaneigem-Contre-le-capitalisme-une-revolution-maraichere

    Écrivain engagé, acteur essentiel de l’Internationale situationniste, avec Guy Debord, médiéviste, Raoul Vaneigem a publié une cinquantaine de livres https://wikimonde.com/article/Raoul_Vaneigem depuis son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, qui participa à l’embrasement des universités en Mai 68. Un passionnant livre d’entretiens avec Gérard Berréby, Rien n’est fini, tout commence , paru en 2014 aux éditions Allia https://www.editions-allia.com/fr/livre/695/rien-n-est-fini-tout-commence , permet de mieux comprendre sa trajectoire, des milieux ouvriers du Hainaut belge à la défense du socialisme autogestionnaire.
    Parmi ses dernières publications, Rien ne résiste à la joie de vivre (éd. Grevis, 2022) et Retour à la vie (éd. L’insomniaque, à paraître en octobre). Un essai, d’Adeline Baldacchino, lui a récemment été consacré : Raoul Vaneigem — Une politique de la joie (éd. Michalon, 2022).

    Reporterre — Le 10 mai dernier https://reporterre.net/Desertons-des-jeunes-ingenieurs-appellent-a-refuser-les-jobs-destructeur , des étudiants d’AgroParisTech dénonçaient publiquement l’enseignement reçu, complices à leurs yeux des « ravages sociaux et écologiques en cours ». Après d’autres, ils appelaient à bifurquer https://reporterre.net/Comment-la-desertion-gagne-la-France pour des « vies moins cyniques », notamment à la campagne. Sont-ce là les germes d’une rébellion que vous appelez depuis longtemps de vos vœux contre le capitalisme et son mépris de la vie ?

    Raoul Vaneigem  — Quitter les centres urbains pour reprendre contact avec la nature n’est plus comparable au repli champêtre qui motiva les hippies, dans la retombée du Mouvement des occupations de Mai 68. Aux rêveurs bucoliques, les pesticides auraient tôt fait de rappeler que le profit répand ses remugles en tous lieux. Le choix de la campagne va bien au-delà d’une réaction d’autodéfense de la vie en proie à la pollution urbaine.

    L’ironie de l’histoire nous remet ici en mémoire les luttes communalistes qui, aux XIIe et XIIIe siècles, voient les villes naissantes se soulever, en Catalogne, en Italie du Nord, en Allemagne, en France occitane et picarde, contre la tyrannie des seigneurs féodaux. L’importance croissante du libre-échange, qui inaugure la lutte du capitalisme contre un immobilisme agraire, cadenassé par l’aristocratie, est alors l’élément moteur d’une lutte dressant la bourgeoisie des villes contre la puissance oppressive des féodaux https://www.mollat.com/livres/660017/raoul-vaneigem-le-mouvement-du-libre-esprit-generalites-et-temoignages-sur-l . Cependant, ce projet d’émancipation révèle très vite son ambiguïté. Dans sa Complainte des tisserandes https://www.chants-de-lutte.com/la-complainte-des-tisserandes , Chrétien de Troyes se fera l’écho de la nouvelle oppression. Pour avoir nourri les luttes communalistes, le slogan « l’air des villes rend libre » servira de tremplin à l’idéologie d’un bonheur terrestre débarrassé des dieux et de leur tutelle.

    L’attrait de la campagne tient à ce qu’elle offre de nouvelles assises aux luttes qui s’esquissent aujourd’hui, inséparablement existentielles et sociales. Car, en dehors de l’obstination des Gilets jaunes, la stagnation des combats revendicatifs est atterrante. La révolte aspire à se frayer d’autres voies. La campagne offre à la perspective d’un bouleversement collectif et individuel ce que l’on pourrait qualifier de « champ de bataille démilitarisé » , un lieu des possibles, ouvert aux gageures de la poésie créative.

    Une évidence se fait jour : le mouvement d’émancipation universelle naîtra de petites entités fédérées, de microsociétés mues par la volonté de défendre et de développer le sens humain. C’en est fini de miser sur le grand nombre des protestataires, sur les foules trop aisément manipulables, sur les nations, les ensembles surpeuplés. Si la ville peut parer à l’étouffement du surnombre, c’est en ravivant ses anciennes structures villageoises, en recréant ces solidarités de quartiers qui ont toujours été propices aux émeutes et aux insurrections — Haussmann ne s’y trompait pas, qui les quadrilla et les éventra de grandes avenues.

    En 1967 https://www.babelio.com/livres/Vaneigem-Traite-de-savoir-vivre-a-lusage-des-jeunes-genera/15798 , votre « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » appelait à sortir des déterminismes sociaux pour « se créer en recréant la société ». Aujourd’hui, ces jeunes adultes déserteurs qui cherchent à se réancrer dans une existence matérielle https://reporterre.net/Lola-Keraron-A-24-ans-j-ai-deserte-AgroParisTech en lien avec le vivant (boulangerie, apiculture, etc.) répondent-ils à ce mouvement ?

    Du haut de leur bureaucratie politique et syndicale, où ils gèrent les impuissances de la subversion, les rhéteurs de l’anticapitalisme ont toujours traité avec mépris ceux qui souhaitaient atténuer par des réformes une inhumanité dont ils réprouvaient viscéralement la cruauté. Les réformistes n’étaient pas révolutionnaires. Les grandes idéologies prolétariennes ne l’étaient pas davantage, si l’on en juge par le démembrement de la conscience ouvrière, dont nous leur sommes redevables. À vrai dire, il ne faut pas se leurrer, la plupart des prétendues organisations à but humanitaire — du style Kouchner https://books.openedition.org/iheid/2943?lang=fr — sont une imposture. Elles relèvent de la philanthropie, du marché caritatif, bref des bonnes œuvres du capitalisme. Mais, là comme partout, c’est à nous de poser sans relâche la question « Cui prodest ? À qui cela profite-t-il ? » Il n’est pas d’autres moyens de départager, en les passant au crible, les entreprises délétères et les initiatives salutaires.

    Ce qu’il y a d’attractif dans le projet de « se créer en recréant le monde » découvre sa pratique par l’entremise de groupes solidaires dont l’autonomie individuelle est l’élément central. Tandis que l’État et ses commanditaires multiplient les zones à détruire, un nombre croissant de collectivités lui opposent le rachat, à titre privé, de terrains qu’ils dédient à la permaculture, à l’agriculture renaturée, au maraîchage, à l’artisanat, à la recherche d’énergies non polluantes ; tout en excluant l’écologie marchande. De telles initiatives favorisent des révoltes inattendues, comme celle d’ingénieurs agronomes refusant de collaborer davantage à l’empoisonnement agro-alimentaire, de chercheurs ne supportant plus les technologies de l’inhumain, de techniciens devenus hostiles aux industries de la pollution climatique qui les emploient. Imaginez, dans la foulée, un sabotage des taxes et des impôts par les fonctionnaires devenus malgré eux les collecteurs de l’injustice !

    « La planète entière frémit du même désir d’une vie libre. »

    Sous les couleurs de l’humour et de la bonne humeur, une « révolution maraîchère » s’emploie à récupérer une terre qui est la nôtre, il faut le rappeler. Les coups qui aboliront la tutelle des États et des intérêts privés jailliront de l’existentiel et de son tissu social. Il est de la plus haute importance qu’en ces lieux de fraternité retrouvée se redécouvrent la joie de vivre ensemble, l’efflorescence des passions, le désir sans fin. Que l’apiculteur se sente au sein de ses abeilles comme au sein d’un milieu naturel et de relations véritablement humaines, c’est toute la différence avec la même occupation exercée dans le monde marchand. Ce qui s’opère sous nos yeux est un basculement radical. La résurgence de l’entraide et de l’individu autonome annonce la fin du règne de l’individualiste, de l’esclave prédateur, du petit homme au calcul égoïste. C’est le déracinement de la servitude volontaire.

    Réduire ces solidarités nouvelles à un folklore associatif, c’est oublier qu’elles peuvent être le ferment de plus amples développements. Le rejet de la barbarie a donné naissance à des zones à défendre tels le Chiapas zapatiste https://reporterre.net/Declaration-pour-la-vie-les-zapatistes-annoncent-leur-venue-en-Europe et le Rojava. La France l’illustre avec une revendication galactique d’une spécificité insolite et insolente. Si la présence imperturbable des Gilets jaunes rayonne humblement de résonances poétiques qui troublent le monde entier, ce n’est ni hasard ni magie, mais parce que la planète entière frémit du même désir d’une vie libre. Parce que partout, du Chili au Sri Lanka, le rêve d’une société radicalement nouvelle se conjugue avec l’histoire et se concrétise.

    Ces gestes forts sont l’écho d’une conscience écologique qui s’affirme. Pensez-vous que l’écologie politique, avec ses luttes contre les grands projets inutiles https://reporterre.net/La-carte-des-luttes-contre-les-grands-projets-inutiles (routiers, aériens, etc.), sa dénonciation du productivisme et du travail contraint (chez les pionniers), sa défense du vivant, peut être une chance de renaissance politique ? Dans quelle mesure ?

    Si sympathiques qu’elles soient, les manifestations en faveur du climat servent d’exutoires au sentiment d’impuissance qu’éprouvent intimement les protestataires. Comment imaginer que des mesures pratiques et un tant soit peu conséquentes contre la pollution puissent être adoptées par des États et des monopoles qui en sont la cause et les bénéficiaires ? Ce n’est pas dans les capitales que la colère est requise, c’est aux côtés des zadistes en lutte contre la propagation des nuisances, des pesticides, des inutilités rentables — on n’a même pas obtenu l’interdiction des produits qui tuent les abeilles et nous empoisonnent https://reporterre.net/Neonicotinoides-tueurs-d-abeilles-le-passage-en-force-du-gouvernement !

    De quelles vertus voulez-vous créditer la politique et le parlementarisme ? Les marchandises électorales sont interchangeables. L’envers vaut l’endroit. Le populisme fascisant réclame la liberté de ne pas se faire vacciner et le populisme gauchiste appelle à la vaccination obligatoire. Avons-nous jamais connu une telle disette de l’intelligence sensible et du sens humain ? Pendant que les pitreries médiatiques captent l’attention, les lobbies du nucléaire, du pétrole, de la pharmacie, de la 5G, du gaz de schiste, des malversations bancaires, triomphent avec le soutien d’une corruption et d’un parasitisme étatiques exhibés sans scrupules. Ce beau monde s’en donnerait à cœur joie s’il en avait un. En l’occurrence, la « totale » assurance de poursuivre son entreprise de destruction lucrative lui suffit.

    Comment passer de la désertion individuelle à l’insurrection collective ?
    L’État et ses commanditaires auraient intérêt à nous entraîner dans une guerre civile, ou du moins dans sa parodie. Ils en tireraient un double avantage. Ils nous acculeraient sur un terrain qu’ils connaissent assez pour nous écraser. Plus déplorable encore, ils nous militariseraient, ils nous mécaniseraient, nous engageant à contresens de la conscience humaine pour laquelle nous luttons. Libre à qui le souhaite de recourir à une de ces guérillas sans armes, selon le principe « ne jamais détruire un être humain, mais détruire les machines qui nous déshumanisent » .

    Néanmoins, compte tenu de l’effondrement programmé par l’écart croissant entre l’économie réelle et l’économie spéculative, mieux vaut miser sur une insurrection pacifique comme celle qu’illustrent à leur façon les zapatistes, les Gilets jaunes et ces insurgés improbables qui surgissent de partout.

    Le peuple avait fini par s’aviser que ses exploiteurs étaient des malades. Il lui apparaît maintenant que le pouvoir n’est plus assumé par des égrotants mais qu’il est géré par la terreur épidémique et l’épidémie de terreur. Le capitalisme moribond érige la morbidité en mode de gouvernement. La peur de la maladie est l’instrument d’une oppression automatisée. Une fois mise en branle, la machine fonctionne seule, elle s’accommode de dirigeants décérébrés, de créatures acéphales trébuchant de sottises en incompétences. L’État et ses commanditaires sont déchargés de toute responsabilité. Et nous, de tout devoir envers eux ! L’autodéfense sanitaire devient pour chacune et chacun la substance d’une autodéfense généralisée. Sous cet angle, l’autogestion — autrement dit l’organisation du peuple par lui-même — n’a plus rien de subversif, c’est une cure de santé parfaitement légitime !

    #raoul_vaneigem #vaneigem #gilets_jaunes #capitalisme #autogestion #état #zad #coronavirus #mai68 #zapatistes #autodéfense #anarchisme #travail #capitalisme #oppression #exploitation #effondrement #des_grands_projets..._inutiles_

    l’Internationale situationniste
    https://www.youtube.com/watch?v=jc38K2JFLDA

  • La carte avant les cartographes - Géographie-cités
    L’avènement du régime cartographique en France au XVIIIe siècle
    https://geographie-cites.cnrs.fr/la-carte-avant-les-cartographes

    Plus qu’un livre sur la production ou sur la circulation des cartes, cet ouvrage étudie la diffusion de la culture cartographique dans la France du XVIIIe siècle, qui modifie profondément le rapport des acteurs aux territoires. Il s’agit de comprendre comment une pensée de l’espace se met en place, en partie grâce à la carte, à l’époque des Lumières – avec des conséquences jusqu’à nos jours.

    L’ouvrage dépasse ici le postulat classique d’une évidente diffusion de la carte aux XVIIe et XVIIIe siècles. Pour en mettre en exergue les chronologies, l’enquête passe tant par l’analyse d’indices techniques que par celle des discours sur la carte. Les conséquences de cette diffusion apparaissent tant dans les mutations de la géographie que dans la transformation de quelques professions ; c’est d’abord le cas des commissaires à terriers. Le mouvement est européen, mais la France connaît des temporalités spécifiques qui aboutissent à la mise en place des ingénieurs du cadastre lors de la Révolution. Les professions d’ingénieurs du génie, comme celles d’ingénieurs des ponts s’institutionnalisent grâce à l’usage de la carte, qui devient l’un des éléments clés de leur identité corporative, tout autant qu’un outil indispensable de leur action.

    Ce livre est désormais en accès libre dans la nouvelle collection « Territoires en mouvements » sous la direction de Jean-Louis Chaléard et Jean-Louis Tissier aux Éditions de la Sorbonne.

    https://books.openedition.org/psorbonne/101097

  • Suffragettes et suffragistes
    https://laviedesidees.fr/Suffragettes-et-suffragistes.html

    Il y a cent dix ans, les suffragistes britanniques organisaient l’un des événements les plus emblématiques de leur combat pour le #vote : le boycott du recensement de 1911. C’est l’occasion de revenir sur la genèse et la postérité d’un texte fondateur de l’histoire du vote féminin.

    #Histoire #féminisme #femmes #Royaume-Uni
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20211224_suffragistes.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20211224_suffragistes.pdf

    • Le poids et le choix des mots
      https://books.openedition.org/enseditions/8033?lang=fr

      La langue française emploie le terme de suffragettes afin de désigner les femmes1 qui militaient pour obtenir le droit de vote. Les anglophones opèrent la distinction entre suffragist et suffragette. Ces deux termes ne sont pas interchangeables en contexte. Au Royaume-Uni, suffragist a historiquement désigné les personnes qui se sont engagées en faveur du droit de vote des femmes en menant une campagne modérée ; on les appelait parfois les constitutionnalistes. Elles étaient partisanes de méthodes pacifiques et croyaient avant tout en la force de l’argumentation et la collaboration avec les hommes politiques. Aux États-Unis, le terme suffragist désignait toute personne soutenant le droit de vote des femmes. Apparu pour la première fois au Royaume-Uni en 1906 dans The Daily Mail, le terme suffragette a été utilisé par la presse pour railler les femmes et dénigrer leur engagement : le suffixe -ette à valeur de diminutif visait à minorer tant les femmes que leur engagement. Les suffragettes décidèrent de s’approprier et de revendiquer le terme. Le terme suffragette a alors désigné toutes celles qui se sont engagées dans un combat aux méthodes plus radicales. Ces femmes estimaient que seules des tactiques plus musclées ou des actions plus violentes pouvaient produire un résultat. Aux États-Unis, ce même mot a également revêtu une connotation péjorative et il fut souvent utilisé par les opposants au droit de vote des femmes pour se moquer des femmes engagées dans la lutte et les discréditer, en insinuant notamment que les Américaines suivaient les égarements violents des Britanniques2, tandis que le terme suffragist ne semblait pas porter de jugement de valeur. Certaines militantes se réapproprièrent cette appellation, telle l’organisation new yorkaise des suffragettes américaines (American Suffragettes) qui s’inspira des méthodes britanniques et organisa les premiers défilés et réunions en plein air dès 19073. Dans nos traductions, nous conservons également cette distinction terminologique afin de rendre compte de la position des différents énonciateurs et énonciatrices.

      4 L. Ford, Iron-Jawed Angels : The Suffrage Militancy of the National Woman’s Party, 1912-1920, Lanh (...)

      2Pour désigner celles qui se sont engagées dans le combat de façon plus radicale et parfois violente, la langue anglaise utilise le terme de militant. En français, l’acception du terme « militant » est différente. Si l’on s’attache au sens strict du mot militant, les suffragistes étaient toutes militantes : elles étaient toutes engagées dans un combat. On peut aussi estimer qu’elles étaient toutes radicales dans la mesure où le droit de vote était une cause radicale à l’époque et parce qu’elles entendaient aller au bout de leurs convictions. Le terme militant (et son dérivé militancy) renvoie à un phénomène historique complexe. Au Royaume-Uni, le terme désigne les personnes engagées dans une lutte dite extrémiste et violente en réaction à l’immobilisme du gouvernement, à la violence croissante de la répression policière contre elles, ainsi qu’à ce qu’elles estimaient être l’inefficacité des méthodes pacifiques. La notion d’extrémisme est bien évidemment sujette à interprétation : les pratiques consistant à l’interruption systématique d’un orateur politique ou au harcèlement d’un ministre dans la rue, qui étaient plutôt communes pour les militantes les plus radicales, pouvaient être jugées extrêmes par certaines suffragistes. Nous utiliserons le terme de suffragettes pour désigner ces femmes, en prenant soin toutefois de tenir compte de la complexité du contexte et des points de vue pour traduire militant et militancy. Pour l’opinion publique américaine au début des années 1910, le terme revêtait une connotation péjorative car il était associé à la violence des suffragettes britanniques. Il était utilisé par la presse pour discréditer le mouvement, de sorte que les partisanes du droit de vote aux États-Unis furent souvent amenées à désavouer ce terme publiquement et à condamner les méthodes des Britanniques. Pourtant, comme au Royaume-Uni, certaines suffragistes américaines s’approprièrent le mot et le revendiquèrent pour décrire de nouvelles tactiques : c’est le cas de l’Union parlementaire (Congressional Union, ou CU), qui affirma en 1914 dans sa déclaration de principes que sa stratégie était effectivement « militant », car elle souhaitait adopter une ligne politique forte et vigoureuse4. Pour ces suffragistes, l’action radicale prit plusieurs formes, dont l’opposition systématique aux candidats du parti démocrate lors des élections de 1914 et 1916, l’organisation d’un piquet de grève devant la Maison-Blanche en 1917 et la critique du gouvernement en place pendant la Grande Guerre. Ces femmes revendiquaient une différence de rapport à l’action collective et aux structures de pouvoir par opposition aux autres suffragistes qu’elles percevaient comme complaisantes ou conciliantes. Il est également important de noter que le mot militant était employé pour décrire des actions ou des stratégies différentes des deux côtés de l’Atlantique, et que les suffragistes américaines n’eurent pas vraiment recours à la violence, à la différence de certaines de leurs homologues britanniques. Ainsi, les termes militant et militancy donnent lieu à des traductions différentes en contexte. Lorsque cela nous a semblé nécessaire, les termes sont indiqués en anglais entre parenthèses.

      #suffragettes #suffragistes

  • Histoire des résistances à la colonisation : Zoom sur le sabotage de Rio Tinto
    https://ricochets.cc/Histoire-des-resistances-a-la-colonisation-Zoom-sur-le-sabotage-de-Rio-Tin

    Histoires de résistances aux destructions environnementales, aux assassinats et au colonialisme sur l’île de Bougainville : les peuples locaux se soulèvent, et gagnent contre la mine et son extractivisme, ils obtiennent leur autonomie par le sabotage et la guérilla. De tout temps les entreprises capitalistes et le système industriel détruisent des vies et des écosystèmes pour alimenter l’économie et la croissance du Capital. Partout des peuples se soulèvent contre ces oppressions. Zoom sur le (...) #Les_Articles

    / #Résistances_au_capitalisme_et_à_la_civilisation_industrielle, Vidéos, films..., Livres, (...)

    #Vidéos,_films... #Livres,_revues
    https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/archeologie/australie-le-geant-minier-rio-tinto-reconnait-avoir-detruit-des-grottes
    https://books.openedition.org/cvz/3741
    https://www.plutobooks.com/9780745335049/state-crime-on-the-margins-of-empire
    https://www.colonialsyndrome.org
    https://www.youtube.com/user/fourthworldfilms
    https://www.youtube.com/user/s0lera
    https://fr.ulule.com/histoire-du-sabotage/news/la-fin-est-imminente-zoom-sur-le-sabotage-de-rio-t-321855
    https://ricochets.cc/IMG/distant/html/watchv1Sl8KJ7d02-cdf0cb1.html
    https://ricochets.cc/IMG/distant/html/jo7-1QnLP-o-b41b-f7ea9ad.html

  • #Frontières de sable, frontières de papier. Histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la #colonisation_française du Niger, xixe-xxe siècles

    Les frontières africaines sont souvent décrites comme des cicatrices de la #violence des #impérialismes étrangers en Afrique. Ce #lieu_commun fait encore aujourd’hui partie des catégories qui fondent nos regards sur le continent. Mais ce discours, en cherchant à dénoncer l’#arbitraire_colonial, réduit les configurations territoriales africaines à de simples conséquences de la #domination_européenne et fait des populations africaines les spectateurs passifs de leur propre histoire. Aux antipodes de ce cliché, cet ouvrage propose une histoire longue de la constitution des frontières d’un État — le Niger — englobant dans un même regard un siècle d’histoire régionale et soixante ans de domination coloniale. Cette approche permet de mettre au jour la place des enjeux locaux et régionaux dans cette histoire de frontières et de territoires, et de révéler qu’au sein de ceux-ci la colonisation n’est qu’un moment parmi d’autres.

    Cet ouvrage raconte une histoire paradoxale, celle d’une poignée de militaires coloniaux qui, au début du xxe siècle, instituent dans les plus grandes difficultés un gouvernement précaire qui s’appuie très largement sur les organisations politiques et territoriales locales, contribuant ainsi à les vider de leur sens et à amoindrir leur importance. Cette #appropriation_coloniale des frontières a été si forte qu’elle a fini par faire oublier aux colonisateurs, tout comme aux sociétés concernées elles-mêmes, que leur origine était le plus souvent locale et avait été négociée avec les populations et les autorités politiques. Ces frontières furent marquées par les dynamiques historiques internes du #Soudan_central au xixe siècle, et notamment les répercussions du #jihad d’#Ousman_dan_Fodio. Pourtant, l’histoire de leur #tracé a contribué à construire le grand #récit d’Européens maîtres du jeu imposant sans considération le #partage_du_monde.

    https://books.openedition.org/psorbonne/36501?lang=fr

    #livre #Camille_Lefebvre #Afrique #Niger #colonisation #colonialisme #histoire #frontières_africaines #négociation #historicisation

    ping @karine4 @reka

    –-

    ajouté à la métaliste sur l’#artificialité des #frontières_africaines :
    https://seenthis.net/messages/868132

  • Je viens de le chercher pour le montrer aux enfants (qui participent à un concours de dessin sur le thème d’un insecte dans un costume), alors si des fois tu n’est pas assez vieux pour avoir connu : The Butterfly Ball and the Grasshopper’s Feast
    https://www.youtube.com/watch?v=BR6pYICqZT0

    Dont l’anecdote la plus marrante (et connue) est que tous les musiciens de ce disque sont des vedettes du hard rock de l’époque.

    Et du coup je me demandais pourquoi j’avais autant vu ce clip à la télévision (à une époque où l’on ne passait jamais vraiment de clips à la téloche) :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Butterfly_Ball_and_the_Grasshopper%27s_Feast

    Le court-métrage d’animation qui y est associé, tiré du film The Butterfly Ball de Tony Klinger, est particulièrement connu en France pour avoir été utilisé à partir de 1975 sur la chaîne Antenne 2, qui le diffusait comme interlude pour pallier les « difficultés techniques ». Sa diffusion était donc aléatoire, ce qui a contribué à le rendre mythique en cette époque où les magnétoscopes n’étaient pas chose courante dans les foyers français.