Monolecte đŸ˜·đŸ€Ź

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Lettre Ă  propos de ReinfoCovid - IAATA
    ▻https://iaata.info/Lettre-a-propos-de-ReinfoCovid-4775.html

    Du coup, le « complotisme » Ă©tant du vent, on rejoint les anti-masques ? Non, toujours pas.
    Toujours pas, parce que pour nous comme pour beaucoup de militants le refus de se joindre aux anti-masque n’est pas liĂ© Ă  une hypothĂ©tique peur de se voir traiter de « complotiste », ça nous ferait une belle jambe, mais parce que d’une part leurs discours nous est politiquement ennemi et d’autres part leurs alliances sont nausĂ©abondes.

    Un discours libĂ©ral empreint de darwinisme social :

    La minimisation constante de l’épidĂ©mie au prĂ©texte que cela ne toucherait « que les vieux et les personnes fragiles ». Quel est le problĂšme avec les personnes de plus de 60 ans, les diabĂ©tiques, les personnes immunodĂ©primĂ©s ou les personnes obĂšses pour ne citer qu’elles ? En quoi sont-elles des quantitĂ©s nĂ©gligeables ?

    Plus gĂ©nĂ©ralement la minimisation de l’épidĂ©mie nous semble ĂȘtre un point que le mouvement anti-masque partage de façon constante avec le gouvernement, lui qui a dĂ©cidĂ© de privilĂ©gier l’économie Ă  la vie des gens et qui nous contraint de vivre avec une marĂ©e haute de contaminations et de morts, laissant le virus circuler et donc muter tranquillement. De plus la minimisation de l’épidĂ©mie, si ce n’est sa nĂ©gation, nous empĂȘche de penser sĂ©rieusement des outils de prĂ©vention et de santĂ© communautaire pour protĂ©ger les personnes fragiles.

    Nous partageons avec Cerveaux Non Disponible le dĂ©sarroi face Ă  la focalisation sur la question du port du masque. Cela serait risible si ce n’était pas si grave quand par ailleurs s’empile les avancĂ©es sĂ©curitaires autrement inquiĂ©tantes. Si le port du masque n’a pratiquement aucune utilitĂ© en extĂ©rieur, c’est par contre une mĂ©thode simple pour freiner la circulation du virus en intĂ©rieur. Exiger des masques gratuits serait une revendication sociale sensĂ©e, revendication qui a trĂšs tĂŽt Ă©tĂ© portĂ© par les Brigades de SolidaritĂ© Populaires alors que le gouvernement prĂ©tendait Ă  l’inutilitĂ© du masque pour cacher la pĂ©nurie.

    Si la gestion sĂ©curitaire de la pandĂ©mie nous semble catastrophique l’exaltation de la « libertĂ© » contre la « dictature sanitaire » des mouvements anti-masque nous semble relever d’un individualisme des plus libĂ©raux. La structuration sociale de l’épidĂ©mie, le fait qu’elle touche en trĂšs grande majoritĂ© les populations pauvres pendant que les riches se font des restos clandestins voila qui est complĂštement absent du discours des anti-masques, qui Ă©voquent Ă  peine la destruction concertĂ©e de l’hĂŽpital public.

    Pour toutes ces raison le discours des anti-masques nous semblent faire le lit de positions ultralibĂ©rales et validistes tout en Ă©clipsant les dominations systĂ©miques que l’épidĂ©mie exacerbe, ce qui explique leur grand succĂšs auprĂšs des groupes politiques et des mĂ©dias d’extrĂȘme-droite comme Sud Radio ou FranceSoir.

    • Faut il sĂ©parer le FouchĂ© du facho ?
      ▻https://seenthis.net/messages/899150#message915159

      (...) dans son combat politique il ne cÎtoie exclusivement que du catho intégriste, du conspi antisémite et du faf.

      (...) Mettez dans une poubelle RaĂ«l et PĂ©tain, ajoutez quelques gouttes d’huiles essentielles de carotte bio, secouez vigoureusement et, miracle de l’ImmaculĂ©e conception, sortez en un Louis FouchĂ© tout chaud.

      #spencerisme #fascistes

    • Oui, carrĂ©ment #merci. Ça redonne un peu de courage quand il faut faire face Ă  des anti-masques soit-disant Ă©pris de libertĂ© et d’amour mais si Ă©goĂŻstes et ignorants que c’est Ă  en pleurer devant l’attrait que les fascistes exercent sur eux.
      Et j’ai essayĂ© diverses mĂ©thodes : Ă©couter et discuter, donner de la doc, des liens, des infos, rĂ©clamer de rester cohĂ©rent et de viser la raison, et mĂȘme me mettre en colĂšre quand je sature 


    • L’annonce sur les sites d’immobilier est allĂ©chante. « A vendre : corps de ferme avec cachet prĂ©servĂ© sur une parcelle d’environ 2 000 mĂštres carrĂ©s exposĂ© sud. » De l’extĂ©rieur, cette maison de brique rouge ne paie pas de mine, coincĂ©e entre deux bĂątisses d’une calme bourgade de la campagne lilloise. La boĂźte aux lettres anthracite n’affiche aucun nom. Pourtant, c’est ici qu’est domiciliĂ© RĂ©infoCovid.fr, le site du collectif contre les restrictions sanitaires. Une voiture familiale est garĂ©e dans la cour. On toque Ă  la porte, mais personne ne rĂ©pond. Ce silence insistant, c’est celui d’une famille embarquĂ©e dans l’engrenage d’une possible dĂ©rive sectaire.

      Selon les associations de protection contre les situations d’emprise mentale, ses propriĂ©taires, Marie B., ancienne sage-femme reconvertie en institutrice, et Maximilien B., consultant formateur indĂ©pendant en marketing et Ă©lu municipal, envisageraient de quitter leur emploi, leur maison et leur bourgade, et de s’installer avec leurs trois enfants dans un village de l’Aveyron. Objectif : former une « arche de NoĂ© », une sorte de refuge tournĂ© vers la construction d’une sociĂ©tĂ© alternative. L’idĂ©e, qui suscite l’incomprĂ©hension et la terreur de leur entourage, a donnĂ© lieu cet Ă©tĂ© Ă  de vives tensions intrafamiliales.

      Dans le quotidien, le couple tente de donner le change. Marie, 40 ans, grande allumette aux yeux noirs et aux cheveux de jais coupĂ©s Ă  ras, continue d’enseigner normalement dans une Ă©cole de la rĂ©gion, tandis que son Ă©poux, Maximilien, 42 ans, carrure de rugbyman et barbe poivre et sel, ne fait jamais faux bond au conseil municipal, dont il est le premier Ă©lu de l’opposition. Mais leurs discours contestataires rĂ©currents ont fini par attirer les soupçons de leurs proches, tout comme leur refus poli de se faire vacciner par la mairie, une exception parmi les membres du conseil municipal.

      Une mĂšre intelligente, un pĂšre charismatique

      MalgrĂ© l’absence de pancarte « Ă  vendre » sur leur maison, leur projet de changement de vie s’est Ă©bruitĂ©. Tous ceux qui les cĂŽtoient dĂ©crivent une mĂšre intelligente et un pĂšre charismatique. « C’était une famille modĂšle, des gens investis », se dĂ©sole le directeur de l’école de leur commune . MĂȘme impression d’une colistiĂšre de Maximilien B., qui se souvient d’un « chef d’entreprise directif, organisĂ©, qui sait ce qu’il veut » , d’un « couple trĂšs instruit ». Les proches partagent une mĂȘme interrogation : comment deux Ă©poux aussi Ă©duquĂ©s, stables et Ă©panouis ont-ils pu ainsi dĂ©river ?

      Cette mue coĂŻncide avec l’investissement du couple au sein du collectif RĂ©infoCovid, nĂ© Ă  l’occasion de la crise sanitaire. Ce groupe informel, qui revendique 3 000 soignants, est Ă  l’origine de nombreuses rumeurs anxiogĂšnes sur les vaccins, enrobĂ©es d’un discours Ă©sotĂ©rique sur les bienfaits du « retour au rĂ©el » et de la « sagesse du vivant ». Il partage des connexions avec des mouvements Ă©cologistes utopistes surveillĂ©s par les associations de lutte contre les dĂ©rives sectaires, comme l’anthroposophie, courant philosophico-religieux fondĂ© par le penseur Rudolf Steiner (crĂ©ateur de la pĂ©dagogie du mĂȘme nom), ou les Colibris, organisation ruraliste crĂ©Ă©e par l’écrivain et agriculteur bio Pierre Rabhi.

      La Miviludes (mission interministĂ©rielle de vigilance et de lutte contre les dĂ©rives sectaires), qui se dit « vigilante » au sujet du jeune mouvement RĂ©infoCovid, a dĂ©jĂ  reçu plusieurs saisines le concernant. L’une d’elles mentionne le couple du Nord. Comme tant d’autres, les Ă©poux sont tombĂ©s sous le charme du fondateur du collectif, Louis FouchĂ©, alors rĂ©animateur-anesthĂ©siste Ă  l’hĂŽpital de La Conception, Ă  Marseille.

      Ce trublion de 42 ans au regard malicieux et aux mimiques Ă  la Tex Avery est longtemps restĂ© anonyme : soignant dans le service des grands brĂ»lĂ©s, il rĂ©alisait au printemps 2020 des pastiches viraux sur Facebook Ă  propos de ce virus qu’il n’estimait pas aussi dangereux qu’on voulait le dire. Sa blouse blanche et son ironie suffisaient pour convaincre.

      Nul ne connaissait alors son parcours, son penchant pour les mĂ©decines non conventionnelles, ni son engagement dans le mouvement Colibris. Louis FouchĂ©, qui, comme la quasi-totalitĂ© des membres de son collectif, n’a pas donnĂ© suite Ă  nos sollicitations, entre vĂ©ritablement dans la lumiĂšre Ă  la fin de l’étĂ© 2020, alors que s’esquisse une deuxiĂšme vague Ă©pidĂ©mique dont il conteste la rĂ©alitĂ©.

      Le 16 aoĂ»t 2020, par courriel, il lance solennellement un « appel » Ă  ses confrĂšres de l’AP-HM [Assistance publique-HĂŽpitaux de Marseille] dans lequel il exhorte les mĂ©decins Ă  faire corps contre les « lois liberticides », puis se rapproche de plusieurs mĂ©decins et penseurs dits « rassuristes », comme le sociologue de la criminalitĂ© Laurent Mucchielli. Mais, en disciple de Pierre Rabhi, Louis FouchĂ© veut aller plus loin, « prendre [sa] part », comme il l’écrit sur la page d’un site du rĂ©seau Colibris, et fonder un collectif portant un projet de sociĂ©tĂ© fort, qui remettrait « l’Art » et le « Nous » au centre des prĂ©occupations.

      « Au dĂ©but, Louis FouchĂ© essayait de mobiliser des citoyens et des scientifiques, et ça ne paraissait pas malsain. Sauf que les scientifiques qui sont arrivĂ©s n’en Ă©taient pas vraiment. » Une avocate qui a connu RĂ©infoCovid Ă  ses dĂ©buts

      Le 6 octobre 2020, le site RĂ©infoCovid.fr est lancĂ©. Celui-ci se prĂ©sente comme une initiative scientifique collĂ©giale de « soignants, mĂ©decins, chercheurs, universitaires », qui va jusqu’à la crĂ©ation d’un « conseil scientifique indĂ©pendant » pour aider les citoyens Ă  « questionner, comprendre, sortir de la peur et agir ensemble ». GrĂące Ă  sa forte prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux et des relais dans des associations de parents d’élĂšves, il s’installe dans le paysage contestataire.

      « Au dĂ©but, Louis FouchĂ© essayait de mobiliser des citoyens et des scientifiques, et ça ne paraissait pas malsain, se souvient Louise (le prĂ©nom a Ă©tĂ© modifiĂ©), une avocate qui a connu RĂ©infoCovid Ă  ses dĂ©buts. Sauf que les scientifiques qui sont arrivĂ©s n’en Ă©taient pas vraiment. » La plupart n’ont aucune compĂ©tence dans le domaine de l’épidĂ©miologie, s’expriment sur des thĂ©matiques Ă©loignĂ©es de leur expertise, ou encore font preuve de raisonnements caricaturaux, Ă  l’image d’un de ses premiers membres, le docteur Denis Agret, qui prĂ©tend, dans une boucle d’e-mails, dĂ©fendre la « vĂ©ritĂ© » face Ă  une « sphĂšre capitalo-dictatoriale ».

      Prosélyte par nature, le collectif tend les bras aux inquiets, quel que soit leur parcours ou leur profil. Chanteur, professeur de violon, écrivaine autoéditée
 DÚs novembre 2020, les propos des universitaires sont dilués au milieu de ceux de citoyens mi-paniqués, mi-décidés à agir. Parmi ceux-ci, Marie et Maximilien B.

      2020, année noire pour le couple

      CoincĂ©e dans sa ferme, l’institutrice a trĂšs mal vĂ©cu le premier confinement, qu’elle a passĂ© Ă  coudre frĂ©nĂ©tiquement des masques artisanaux. Puis, lorsque la deuxiĂšme vague de Covid-19 dĂ©ferle, l’irruption de protocoles sanitaires Ă  l’école et le dĂ©veloppement fulgurant de vaccins la plongent dans un profond dĂ©sarroi. « Rien n’avait de sens pour moi, je ne comprenais pas », rĂ©pĂšte-t-elle, hagarde, dans une vidĂ©o du collectif intitulĂ©e « Les gardiens du vivant », sa seule prise de parole publique, qui a depuis Ă©tĂ© supprimĂ©e. « A force de me renseigner, y dĂ©taille-t-elle, aux vacances de la Toussaint, lĂ  je me suis dit, ça suffit, il faut passer Ă  l’action. »

      De son cĂŽtĂ©, son mari a Ă©chouĂ© aux Ă©lections municipales de juin 2020 : sa liste n’a rĂ©uni que 32 % des suffrages. Maximilien, qui a toujours baignĂ© dans la politique, doit se contenter de trois places au conseil municipal, et sa femme a perdu son siĂšge. Pour le couple, cette annĂ©e 2020 est dĂ©cidĂ©ment une annĂ©e noire. Leur rencontre personnelle avec Louis FouchĂ©, Ă  l’automne, sera leur Ă©claircie. A l’angoisse de l’incertitude scientifique, le mĂ©decin oppose un discours dĂ©dramatisant sur la crise sanitaire. Puis, contre l’amertume de l’échec personnel, il propose sa confiance et une montĂ©e en responsabilitĂ© flatteuse.

      « EntrĂ©e en rĂ©sistance », comme elle se dĂ©crit, Marie se met Ă  distribuer des tracts pour RĂ©infoCovid. Puis, aprĂšs quelques semaines seulement, Louis FouchĂ© promeut Maximilien responsable de la communication du groupe, et charge Marie du dĂ©veloppement du jeune collectif au niveau national Ă  travers des « antennes locales bĂ©bĂ©s RĂ©infoCovid », comme les appelle l’ancienne sage-femme.

      Suivant le leitmotiv de leur nouvel ange gardien, les voilĂ  qui ont « transformĂ© la peur en prudence et la colĂšre en courage ». Le couple devient un Ă©lĂ©ment central du collectif, au point d’accepter de domicilier dans sa maison les statuts du site RĂ©infoCovid.fr, puis ceux de sa coquille lĂ©gale, RĂ©infoLibertĂ©. Le 9 dĂ©cembre 2020, Marie crĂ©e sur son canal de discussion interne, la messagerie instantanĂ©e Discord, un groupe consacrĂ© Ă  son expansion. En image de profil, une silhouette de femme brisant ses chaĂźnes.

      Des fans de Trump et de QAnon

      Au sein de RĂ©infoCovid s’engouffrent dĂšs l’automne 2020 des homĂ©opathes, des naturopathes, des acupuncteurs, des adeptes de la pensĂ©e new age ; des fans de Trump et ses zĂ©lotes de la mouvance conspirationniste QAnon, convaincus de combattre un vaste trafic pĂ©dosatanique, ou encore des « Etres souverains », autre mouvance anarchiste conspirationniste ne reconnaissant par l’Etat. L’évolution des conversations est Ă  l’avenant. Loin de la « prudence » revendiquĂ©e en public par Louis FouchĂ©, les membres se partagent sur Discord d’exotiques rumeurs affirmant que la neige serait artificielle, ou que les tests PCR serviraient au fichage ADN.

      Louis FouchĂ© lui-mĂȘme s’affiche en novembre sur YouTube avec la complotiste suisse Ema Krusi, qui soutient que les vaccins sont liĂ©s Ă  la 5G et que Bill Gates est poursuivi pour crime contre l’humanitĂ©. Le collectif bascule dans des reprĂ©sentations paranoĂŻaques de la sociĂ©tĂ©. « Au dĂ©part, il y avait des gens sympas, mais sur le Discord, j’ai vu arriver tout ce qu’il y avait de pire en termes de dĂ©sinformation et de conspirationnisme, se dĂ©sole Louise. Des personnes sincĂšres, normales, juste inquiĂštes, qui cherchaient des rĂ©ponses simples, se sont fait laver le cerveau en un rien de temps. »

      Le couple ne reste pas insensible Ă  ce mĂ©lange foutraque de complotisme Ă©chevelĂ© et d’utopisme new age. A force de recherches Internet sur des sites douteux, Marie B. plonge dans un monde de reprĂ©sentations noires. « Avant d’écrire Ă  RĂ©infoCovid, j’étais trĂšs angoissĂ©e, relate-t-elle encore dans la vidĂ©o “Les gardiens du vivant”. L’angoisse est passĂ©e, je suis beaucoup moins en colĂšre, mais ça m’arrive encore. J’ai surtout trĂšs peur, et la peur, je n’arrive pas Ă  l’enlever. »

      D’inquiĂ©tants monologues

      La mĂšre de famille, qui avait ouvert son premier compte Facebook spĂ©cialement pour les municipales, se met Ă  l’hiver 2021 Ă  publier d’inquiĂ©tants monologues contre les scandales de la dictature sanitaire et les complots qu’ourdiraient des Ă©lites fantasmĂ©es, jusqu’à se laisser convaincre que la seconde guerre mondiale a Ă©tĂ© orchestrĂ©e par la famille Rothschild. « Elle ne devait pas avoir beaucoup d’amis sur ces sujets, car mĂȘme si ses posts Ă©taient trĂšs longs, personne ne rĂ©pondait », constate avec empathie une colistiĂšre.

      C’est le dĂ©but de l’isolement. « J’ai arrĂȘtĂ© de les cĂŽtoyer car je n’étais plus en phase avec leurs postures », rĂ©sume pudiquement un partenaire de campagne Ă©lectorale de leur village. EnfermĂ© dans sa bulle, le couple n’entend plus les voix discordantes. « J’ai essayĂ© de la recontacter pour lui dire d’ĂȘtre vigilante, lui conseiller de s’informer autrement, je lui ai donnĂ© des arguments », Ă©grĂšne Louise, qui l’a vue entrer dans le collectif et a tentĂ© de l’en faire sortir en mĂȘme temps qu’elle. « Mais c’était dĂ©jĂ  trop tard. Nos contacts se sont arrĂȘtĂ©s lĂ  : il n’y avait plus de discussion possible. »

      Surtout, la dĂ©chirure se fait intime. InterrogĂ©e Ă  propos de sa famille dans un entretien vidĂ©o menĂ© par Louis FouchĂ©, l’institutrice raconte d’une moue embarrassĂ©e que celle-ci est divisĂ©e Ă  « cinquante-cinquante ». Sa dĂ©tresse et sa tristesse affleurent. Les proches de Marie au sein du collectif le savent : elle est dĂ©sormais en froid avec les siens. EprouvĂ©e, sa famille n’a pas souhaitĂ© commenter.

      Un « cercle de cƓur » en guise d’état-major

      En retour, Marie s’investit de plus en plus dans RĂ©infoCovid. En dĂ©but d’annĂ©e 2021, face Ă  l’afflux de nouveaux membres venus de toute la France, Louis FouchĂ© rĂ©organise son mouvement en cercles concentriques. Au plus haut niveau, il constitue un Ă©tat-major informel d’une vingtaine de personnes de confiance, le « cercle cƓur » - nouvel emprunt aux Colibris. Maximilien et Marie y cĂŽtoient des citoyens en colĂšre, des naturopathes ou encore des mystiques fiĂ©vreux, qui se rĂ©unissent chaque lundi en visioconfĂ©rence pour discuter de la stratĂ©gie du collectif.

      L’appartenance Ă  ce cĂ©nacle est d’autant plus gratifiante que, en apparence au moins, l’organisation y est horizontale. « J’ai vu beaucoup de gens aller bien car ils avaient l’impression d’agir, de reprendre le contrĂŽle, mais au fond, c’est Louis qui gĂšre », tĂ©moigne Terry (qui souhaite garder l’anonymat), qui fut membre pendant plusieurs mois de ce « cercle cƓur », au sein duquel il Ă©tait notamment chargĂ© de la vidĂ©o.

      Ce noyau dur partage ses idĂ©es sur la crise sanitaire qui serait un « dĂ©ferlement totalitaire », la supĂ©rioritĂ© des mĂ©decines alternatives, et le besoin de laver la sociĂ©tĂ© de ses maux. Comme l’anesthĂ©siste le dĂ©clame dans une lettre pleine de lyrisme, « cette crise est une rĂ©vĂ©lation, un dĂ©voilement, une apocalypse. Et aprĂšs l’apocalypse vient un autre monde ». Autour de lui, le « cercle cƓur » aspire Ă  aller vers un nouveau modĂšle de sociĂ©tĂ©, qu’ils entendent dĂ©finir, construire, et mĂȘme inaugurer. A la mi-mai, Marie et Maximilien B. prennent le volant et parcourent plus de 800 kilomĂštres pour se retrouver en chair et en os avec leur nouvelle famille, dans un lieu en Aveyron.

      Olivier Soulier, l’autre personnage-clĂ©

      AprĂšs avoir passĂ© Saint-Cyprien-sur-Dourdou, une sage commune d’environ 800 habitants dont les façades de grĂšs couleur saumon s’étalent dans le sac de la vallĂ©e de Conques, une route s’élĂšve jusqu’à une clairiĂšre. C’est lĂ , dans l’ancienne propriĂ©tĂ© de son grand-pĂšre, ancien maire du village, que le mĂ©decin Olivier Soulier, autre personnage-clĂ© de RĂ©infoCovid, a Ă©tabli sa rĂ©sidence de villĂ©giature. A la mi-mai, il y a accueilli une partie du « cercle cƓur », dont Louis FouchĂ© et le couple B.

      Au fin fond de l’Aveyron, nid de douces sorcelleries, Olivier Soulier ne dĂ©tonne que par sa stature. Cet homĂ©opathe et acupuncteur, dont le cabinet est situĂ© Ă  Marcq-en-BarƓul (Nord), est une sommitĂ© nationale dans le monde de la mĂ©decine alternative, avec ses multiples livres et congrĂšs donnĂ©s depuis 1988 Ă  travers la France. « C’est un vrai mĂ©decin, trĂšs diplĂŽmĂ©, pas un mĂ©decin alternatif. Mais c’est vrai que ses confĂ©rences sont aussi intĂ©ressantes qu’étonnantes », hĂ©site Bernard Lefebvre, maire de Conques-en-Rouergue, la commune nouvelle dont dĂ©pend Saint-Cyprien-sur-Dourdou. « C’est un trĂšs grand monsieur . Mais si vous venez vous faire soigner chez lui, n’espĂ©rez pas ĂȘtre remboursĂ© par la sĂ©curitĂ© sociale », ajoute avec un sourire entendu Gaston, un artisan qui a fait les finitions de sa piscine.

      Depuis de longues annĂ©es, le gĂ©nĂ©raliste aux airs de jeune premier s’est en effet spĂ©cialisĂ© dans ce qu’il appelle la « mĂ©decine du sens ». Rien d’illĂ©gal mais il jure dans la presse naturopathique que le corps « a une sagesse » et, dans une vidĂ©o du « conseil scientifique indĂ©pendant », prescrit le Mertensia maritima, la plante au goĂ»t d’huĂźtre, contre le Covid-19.

      Le couple nordiste l’a rencontrĂ© pour la premiĂšre fois chez eux, Ă  la premiĂšre rĂ©union de la jeune antenne locale qu’ils avaient crĂ©Ă©e, RĂ©infoCovid Nord-Pas-de-Calais, le 18 janvier 2021. Au milieu de citoyens dĂ©sorientĂ©s avides de contre-discours, ce confĂ©rencier au ton si enveloppant avait alors sĂ©duit son auditoire. « Il joue de son autoritĂ© de blouse blanche, prĂ©tend guĂ©rir avec les symboles, du grand n’importe quoi, fulmine Louise, restĂ©e de marbre ce jour-lĂ , et effarĂ©e par le manque de rĂ©actions. Je me suis rendu compte que si les gens commençaient Ă  faire confiance Ă  ce genre de personnes, ça allait dĂ©railler. »

      En quĂȘte d’argent

      Olivier Soulier, qui officie toujours comme mĂ©decin, fait aujourd’hui partie des dirigeants du collectif. C’est lui qui, dans une vidĂ©o rĂ©cente, invite ses sympathisants Ă  verser de l’argent Ă  RĂ©infoLibertĂ©, la structure lĂ©gale fraĂźchement montĂ©e par RĂ©infoCovid pour engager des procĂ©dures judiciaires et se financer. Lui aussi qui fournit au « cercle cƓur » sa base reculĂ©e, dans l’anonymat de l’Aveyron.

      Le domaine, qui constitue un hameau, porte les traces d’un long abandon. A l’entrĂ©e, marquĂ©e par un visage sculptĂ© sur une Ă©paisse pierre posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© d’un autel, des fougĂšres se prĂ©lassent dans une baignoire abandonnĂ©e. Une bĂ©tonniĂšre ici, quelques cadavres de biĂšres plus loin : le lieu est Ă  la recherche d’une seconde vie. Le mĂ©decin nordiste en a rachetĂ© l’usufruit en 2015. Il emploie rĂ©guliĂšrement des artisans du bourg pour participer Ă  sa lente rĂ©novation. Une piscine a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© creusĂ©e ; les dĂ©pendances, elles, sont en travaux, mais peuvent dĂ©jĂ  recevoir des convives, comme elles l’ont fait Ă  la mi-mai.

      Quelle Ă©tait alors la raison d’ĂȘtre de cette rĂ©union qui a tant alimentĂ© les rumeurs et les inquiĂ©tudes ? Marie et Maximilien n’ont jamais donnĂ© suite Ă  nos demandes de contact. « C’était un week-end pour tous ceux qui participent Ă  la stratĂ©gie [du collectif]. Ils se sont rĂ©unis pour griller des saucisses entre copains, ce n’est pas allĂ© plus loin », assure Terry, qui n’a pas pu en ĂȘtre. Selon plusieurs associations de lutte contre les dĂ©rives sectaires aux antennes tournĂ©es vers l’Aveyron, il s’agissait plutĂŽt d’un moment Ă©sotĂ©rique, un « pow wow », c’est-Ă -dire « une rĂ©union dans un lieu sacrĂ© oĂč l’on se purifie », dĂ©crypte Catherine, une rebouteuse qui connaĂźt les usages du coin.

      Une petite communauté

      Le domaine dĂ©tenu par Olivier Soulier offre en tout cas les infrastructures les plus adaptĂ©es pour l’installation d’une petite communautĂ©. Louis FouchĂ© n’a jamais cachĂ© sa volontĂ© de crĂ©er un Ă©colieu, un village soudĂ© par des valeurs Ă©cologiques et sociales communes, de mĂȘme qu’il promeut volontiers l’école Ă  la maison, des rĂ©seaux de soins alternatifs et de nombreuses autres formes d’organisations parallĂšles. « Louis encourage Ă  rester dans le systĂšme et Ă  le combattre de l’intĂ©rieur, assure Terry. Ce n’est pas comme Alice [des Etres souverains, qui a rĂ©cemment acquis un domaine dans le Lot] . RĂ©infoCovid ce n’est pas du tout ça, il n’y a pas de volontĂ© de faire sĂ©cession. » Le collectif a mĂȘme soutenu des listes politiques intitulĂ©es « Un nĂŽtre monde », aux Ă©lections rĂ©gionales de juin.

      Mais depuis qu’en juillet Louis FouchĂ© a quittĂ© son poste hospitalier sous la pression de l’AP-HM, son discours glisse de maniĂšre de plus en plus marquĂ©e vers la rupture. « C’est le moment d’aller jusqu’au bout de votre pensĂ©e. Il y a moyen de manger, il y a moyen de survivre, il y a moyen de se loger », explique-t-il dans une vidĂ©o destinĂ©e aux non-vaccinĂ©s, tout en promettant une sociĂ©tĂ© meilleure Ă  « ceux qui survivront ».

      Simple mĂ©taphore, ou vrai appel Ă  un projet alternatif ? Si l’on en croit les signalements auprĂšs des associations de lutte contre les dĂ©rives sectaires et les tĂ©moignages de proches recueillis par M Le magazine du Monde, plusieurs membres, comme Marie et Maximilien, se sont dĂ©jĂ  engagĂ©s dans la voie d’un changement de vie, quittant pour certains leur emploi, pour d’autres leur domicile, parfois les deux, pour fonder des lieux bĂątis dans l’opposition au discours scientifique et les promesses new age.

      Un discours plus radical

      Les observateurs ne s’en Ă©tonnent guĂšre : l’ambiance au sein de RĂ©infoCovid flirte rĂ©guliĂšrement avec le culte de la personnalitĂ©, et la parole de Louis FouchĂ© y vaut pour beaucoup parole d’évangile. Toutefois, si la vigilance est de mise, la Miviludes estime « que tous les Ă©lĂ©ments qui caractĂ©risent l’emprise sectaire ne sont pas rĂ©unis ». Les associations surveillent nĂ©anmoins le collectif comme le lait sur le feu.

      Selon plusieurs sources locales, le couple est revenu en aoĂ»t dans l’Aveyron pour une nouvelle rĂ©union avec le « cercle cƓur », et participer aux travaux de rĂ©novation du domaine d’Olivier Soulier. Leur dĂ©part pour cette « arche de NoĂ© » ne serait plus qu’une question de temps. Si les deux aĂźnĂ©s, bientĂŽt majeurs, ont quittĂ© le domicile familial Ă  la rentrĂ©e, les craintes se portent dĂ©sormais sur la benjamine de 11 ans, qui n’aurait d’autre choix que de suivre ses parents.

      Pour autant, le projet peut encore Ă©voluer, en fonction des directives de Louis FouchĂ©. Depuis peu, son discours semble se radicaliser un peu plus. « La voie de RĂ©infoCovid est une voie de la non-violence, c’est une voie ghandienne, expliquait-il dĂ©but octobre. Mais Gandhi l’a dit lui aussi, ceux qui n’arrivent pas Ă  rester dans la non-violence, il faut bien qu’ils fassent quelque chose. Chacun fera comme il peut. » La maison en briques du Nord n’attend plus qu’un acquĂ©reur.