Face Ă la mobilisation Ă©tudiante, ValĂ©rie PĂ©cresse a annoncĂ© suspendre les subventions de la rĂ©gion Ăle-de-France accordĂ©es Ă Sciences Po Paris, qui sâĂ©lĂšvent Ă plus dâun million dâeuros. Un pas de plus dans la censure des voix en soutien au peuple palestinien.
AprĂšs la victoire obtenue par les Ă©tudiants de Sciences Po Ă lâissue de leur occupation de jeudi, les RĂ©publicains (LR) ont souhaitĂ© appeler Ă un « sursaut dâautoritĂ© » face Ă ce quâils considĂšrent ĂȘtre une capitulation de la part de lâadministration de lâĂcole. Ainsi dans un tweet publiĂ© lundi 29 avril la prĂ©sidente de la rĂ©gion Ile-de France ValĂ©rie PĂ©cresse a annoncĂ© couper les subventions dâun millions dâeuros Ă lâĂ©tablissement, accordĂ© es dans le cadre du contrat de plan Ătat-rĂ©gion, en rĂ©ponse aux actions dâ « une minoritĂ© de radicalisĂ©s appelant Ă la haine antisĂ©mite », « instrumentalisĂ©e par la LFI et ses alliĂ©s islamo-gauchistes ».
" Jâai dĂ©cidĂ© de suspendre tous les financements de la RĂ©gion destinĂ©s Ă @sciencespo tant que la sĂ©rĂ©nitĂ© et la sĂ©curitĂ© ne seront pas rĂ©tablies dans lâĂ©cole. Une minoritĂ© de radicalisĂ©s appelant Ă la haine antisĂ©mite et instrumentalisĂ©s par la LFI et ses alliĂ©s islamo-gauchistes,âŠ"
— ValĂ©rie PĂ©cresse (@vpecresse) April 29, 2024
Outre la mobilisation dâun lexique longtemps cantonnĂ© aux pires pages de Valeurs Actuelles, cette menace incarne la dĂ©termination dâune bourgeoisie en pleine offensive autoritaire. En choisissant de couper les subventions de lâinstitution parisienne, aprĂšs avoir maintenu envers et contre tout celles accordĂ©es Ă lâĂ©tablissement ultra-rĂ©ac, homophobe et sexiste Stanislas, lâĂ©lue francilienne se veut claire : elle nâacceptera aucune dĂ©nonciation des massacres en cours actuellement Ă Gaza.
Une position qui fait consensus Ă droite et Ă lâextrĂȘme-droite, avec Gabriel Attal, comme SĂ©bastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national, qui ont applaudi cette dĂ©cision. Dans le climat de criminalisation et de racisme ambiant, quâillustre notamment le traitement mĂ©diatique dont Rima Hassan fait lâobjet, ce front rĂ©actionnaire peut sâappuyer sur deux Ă©pouvantails pour ne pas assumer directement sa pleine complicitĂ© dans le gĂ©nocide en cours : lâĂ©pouvantail « wokiste » et celui de la « minoritĂ© isolĂ©e ».
Une mobilisation de « wokistes », Ă « lâidĂ©ologie venue dâoutre-Atlantique »
InterrogĂ© ce week-end sur la mobilisation des Ă©tudiants de Sciences Po en soutien Ă la Palestine, Gabriel Attal a choisi de caractĂ©riser lâoccupation comme le produit des « dĂ©rives dâune minoritĂ© agissante et dangereuse qui veut imposer Ă la majoritĂ© des Ă©tudiants, des enseignants, une idĂ©ologie venue dâoutre-Atlantique ».
Une maniĂšre de reprendre Ă son compte, sans la nommer, lâaccusation aussi inepte que creuse en « wokisme » cette « idĂ©ologie venue dâoutre-Atlantique » qui permet aux Ă©ditorialistes de nous alerter rĂ©guliĂšrement sur « les dĂ©rives du fĂ©minisme » de lâantiracisme, et dĂ©sormais du mouvement pour la Palestine.
Une façon Ă©galement de nier lâautonomie des Ă©tudiants mobilisĂ©s. Ces derniers seront en effet bien heureux dâapprendre que leur mobilisation spontanĂ©e en rĂ©action aux massacres de 40.000 palestiniens sur la bande de Gaza nâest que lâexpression dâune corruption idĂ©ologique en provenance de campus nords-amĂ©ricains. En rĂ©alitĂ©, comme le rappelle Yunnes Abzouz dans un article de MĂ©diapart : « Les premiĂšres structurations politiques pour le peuple palestinien ont Ă©mergĂ© dĂšs les annĂ©es 1960 en France, dans le sillage de la guerre dâAlgĂ©rie et des mouvements anticoloniaux ». Câest donc au sein dâune longue tradition de lutte anti-impĂ©rialiste que sâinscrit cette mobilisation, et cherche Ă lui donner un second souffle dans le contexte actuel, oĂč la criminalisation des militants pour la Palestine fait figure de soutien au gĂ©nocide.
Une minorité isolée et radicale
Le deuxiĂšme Ă©ventail agitĂ© Ă la fois par ValĂ©rie PĂ©cresse, Gabriel Attal, le directeur de Sciences Po mais aussi par la ministre de lâEnseignement supĂ©rieur Sylvie Retailleau, tient Ă la caractĂ©risation de la mobilisation Ă©tudiante comme « isolĂ©e et radicale ». Sâil existe en effet une radicalitĂ© et une dĂ©termination affichĂ©e, le narratif dâun prĂ©tendu isolement des Ă©tudiants mobilisĂ©s ne rĂ©siste pas longtemps Ă lâĂ©preuve des faits.
Dâune part, lâoccupation de Sciences Po a pu sâappuyer sur le soutien dâune majoritĂ© dâĂ©tudiants, manifestant rue Saint-Guillaume devant lâinstitution. Dâautre part, il faut aussi relever le soutien dâune large partie de la communautĂ© enseignante qui a Ă©tĂ© un appui pour la mobilisation, notamment suite Ă lâintervention de CRS au cĆur mĂȘme du campus de Saint-Thomas mercredi dernier. Cette action policiĂšre autorisĂ©e par le nouveau directeur Jean BassĂšres au cours de laquelle les Ă©tudiants se sont fait dĂ©loger du site quâils occupaient nâa en effet pas manquĂ© de susciter lâindignation chez la majoritĂ© des enseignants-chercheurs de lâinstitution. A cet Ă©gard, on peut relever laa prise de position du Centre de Recherche Internationale de Sciences Po (CERI) dans un communiquĂ© : « Le mouvement Ă©tudiant actuel est dâenvergure internationale, et il convient de lâapprĂ©hender Ă cette Ă©chelle. Dans un Ă©tablissement dâenseignement supĂ©rieur trĂšs ouvert sur le monde, les prises de position des Ă©tudiant(e)s sur lâactualitĂ© internationale sont lĂ©gitimes, et la rĂ©ponse de lâinstitution ne saurait ĂȘtre lâintervention des forces de lâordre. »
MalgrĂ© la rĂ©pression et les calomnies, la mobilisation pour la Palestine tient Ă Sciences Po, et sâĂ©largit mĂȘme au-delĂ . Ce mardi, de nombreux instituts dâĂ©tudes politiques Ă©taient ains bloquĂ©s partout en France, et 500 Ă©tudiants Ă©taient rassemblĂ©s au campus de Tolbiac de lâuniversitĂ© Paris 1. Face Ă lâoffensive de PĂ©cresse et Attal, la mobilisation des Ă©tudiants dessine une issue contre lâautoritarisme, le soutien aux guerres des impĂ©rialistes et le gĂ©nocide en Palestine. Une voie Ă suivre dĂšs ce 1er mai, pour exprimer la colĂšre dâune gĂ©nĂ©ration qui ne se taira pas face aux massacres en cours.