• Si l’échec est un but, la transition écologique du BTP pourrait être un chef-d’œuvre - D’architectures

    https://www.darchitectures.com/si-echec-est-un-but-la-transition-ecologique-du-btp-pourrait-etre-un

    Des conflits d’intérêts,

    Une « task force »,

    Un rapport secret,

    Une mise en œuvre de plus en plus cryptique,

    Et la certitude de dépenser 7 milliards au profit d’une industrie qui continue d’évoluer dans la plus grande impunité environnementale…
    La rénovation énergétique du bâtiment s’inscrit-elle encore dans la stratégie nationale bas-carbone ?

    En mai dernier, notre gouvernement a confié la coordination d’une « task force » pour la rénovation énergétique du bâtiment à Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain, leader mondial en matériaux d’isolation. Les 20 propositions transmises à l’exécutif en juillet 2020 par ce commando d’industriels (Total, Schneider Electric, ENGIE) n’ont pas encore été rendues publiques.

    Consulter une entreprise du CAC 40 pour définir un volet de la stratégie publique de neutralité carbone n’étonne plus personne. Le conflit d’intérêts fait partie de l’ADN du bâtiment. Un tel mécanisme dans le domaine de la santé publique ferait trembler les bases de notre État de droit mais dans la filière du BTP, il faut bien le reconnaître, l’intervention d’intérêts privés dans l’écosystème de l’action publique est la norme.

    Pour s’en convaincre, une lecture rapide de l’organigramme des institutions parmi les plus influentes de la filière industrielle du BTP suffit. À la tête du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), organisation publique chargée de définir les normes de construction ? Hervé Charrue, ex-salarié de Saint-Gobain et membre de différents comités directeurs du groupe coté en Bourse. À la présidence de l’association Alliance HQE-GBC France, principal certificateur « environnemental » du bâtiment (plus de 100 000 certifications NF de logements en 2017) ? Philippe Van de Maele, homme d’affaires et ex-analyste financier du groupe Saint-Gobain…

    Rien d’étonnant donc, à ce qu’Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et ex-lobbyste du groupe Danone chargée des questions environnementales auprès des pouvoirs publics, ait parrainé un tel mariage. Dans le BTP, la confusion des intérêts publics et industriels semble avoir toujours servi une certaine conception de la mission de l’État visant l’efficacité économique au détriment, parfois, de l’utilité sociale et de la morale politique.

    #architecture #Logement #habitat #urban_matter

  • Rooftop ateliers: how socialist urban planners supported artists | by Kuba Snopek | Oct, 2020 | Medium

    https://medium.com/@kuba_snopek/rooftop-ateliers-how-socialist-urban-planners-supported-artists-196b890037e1

    I have always been fascinated by cities with vibrant art scenes. But how are they created? How does it happen that some neighborhoods have an artistic genius loci and some don’t? What can architects and planners do, in order to make art flourish? In my book “Belyayevo Forever” I was exploring ways how to preserve spaces rich with artistic activity. But how are such spaces made in the first place?

    Quite accidentally I have discovered an approach, which seems to have been popular in the socialist countries. In many neighborhoods, planners added rooftop ateliers for artists on top of buildings. Until today, such ateliers exist in former socialist cities and preserve their original function.

    #soviétisme #architecture #logement #habitat #ex-urss

  • « Petits » projets d’architecture bois
    https://topophile.net/rendez-vous/petits-projets-darchitecture-bois

    Le bois permet aux architectes de réaliser un grand nombre de projets au plus près des attentes de leurs concitoyens, en apportant une réponse à la fois qualitative, écologique et économique à tous les programmes, des plus modestes aux plus inattendus. Classées simplement en trois catégories, ces petites interventions « d’architecture minimale en bois »... Voir l’article

  • L’art du pisé ou la massivation de la terre
    https://topophile.net/savoir/lart-du-pise-ou-la-massivation

    Au lendemain de la révolution française, François Cointeraux (1740-1830), maître maçon, entrepreneur, architecte, s’établit comme « professeur d’architecture rurale » avec l’ambition d’actualiser et de populariser la tradition constructive de sa région natale (Lyon) : le pisé, une maçonnerie monolithique obtenue par la compression de couches successives de terre légèrement humide dans un coffrage. Matériau disponible et... Voir l’article

  • Conquérir le droit à la #ville pour penser la #propriété autrement
    https://lvsl.fr/conquerir-le-droit-a-la-ville-pour-penser-la-propriete-autrement

    Comme l’écrivait Henri Lefebvre dans son ouvrage Le Droit à la Ville en 1967, la société urbaine, qu’il différencie de la ville, est la finalité de l’industrialisation – « l’urbanisation et l’urbain contiennent le sens de l’urbanisation » –, et la ville est le lieu d’expression de la lutte des classes. Cinquante ans plus tard, on voit comment la classe dominante – la bourgeoisie propriétaire associée à l’aristocratie stato-financière[1] – a façonné une ville comme Paris : privatisation du patrimoine immobilier et des lieux de culture (déchus en lieux de consommation), gentrification et ségrégation socio-spatiale, évacuation de la classe ouvrière (que l’on entendra au sens marxiste comme réunissant aujourd’hui les prolétaires, ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour subsister), concurrence des usages et standardisation des commerces et de l’architecture, diktat des rythmes urbains – la proximité de la ville du « quart d’heure[2] » relevant bien souvent d’un « luxe », qui se paye à prix fort sur le marché de l’immobilier.

    Les classes populaires, ainsi évacuées du centre de la métropole, se retrouvent exclues trois fois : par la distance-temps (éloignement domicile-travail), par la distance-coût (l’enjeu de la gratuité des transports se pose, la hausse des tarifs de stationnement – sans parler de péage urbain – étant un facteur de ségrégation puissant), et par le coût de « consommation » de la ville (activités de loisir, culture, divertissement, restaurants). En effet, la ville capitaliste, à la fois lieu de consommation et consommation du lieu, comme la définissait Henri Lefebvre, promeut la valeur d’échange – consommation des espaces et produits de la ville – contre la valeur d’usage – la fête, le droit à l’œuvre, le « théâtre spontané » – au point de la contester partout, voire de la résorber dans l’échange. Or, cette valeur d’usage résiste, irréductible, constitutive de l’urbain, enjeu du droit à la ville. Ainsi, comme l’écrit Henri Lefebvre :
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Henri_Lefebvre_1971.jpg
    Le philosophe, géographe et sociologue Henri Lefebvre © Bert Verhoeff

    « Le droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, droit à l’individualisation dans la socialisation, à l’habitat et à l’habiter. Le droit à l’œuvre (activité participante) et le droit à l’appropriation (bien distinct du droit à la propriété) s’impliquent dans le droit à la ville. »

    #logement #transport

  • L’école hors-les-murs, ou l’expérience du chantier et du milieu
    https://topophile.net/savoir/lecole-hors-les-murs-ou-lexperience-du-chantier-et-du-milieu

    Pourquoi l’apprentissage de l’architecture se confine-t-il volontairement aux murs de ses écoles ? Peut-on vraiment apprendre ou enseigner l’architecture dans une salle de classe ? Non, l’architecture réclame – et mérite – qu’on en fasse l’expérience in situ. Aussi Clémentine Labroderie, nourrie par son propre cheminement – tailleuse de pierre devenue architecte puis doctorante-enseignante à l’ENSA Toulouse... Voir l’article

  • Futurs d’ailleurs : voyage en science-fiction arabe – Le Carreau de la BULAC
    https://bulac.hypotheses.org/30027

    L’anticipation utopique

    Deux termes arabes peuvent être utilisés pour traduire le mot « utopie » : al-yūtūbiyā (اليوتوبيا) et al-tūbawiyyā (الطوباوية), récent néologisme créé à partir du mot tūbā (طوبى, nom d’un arbre au paradis musulman). Il existe cependant un concept proche d’utopie : « al-Madīna al-Fādila » (La Cité Vertueuse) imaginée par Al-Fārābī au Xe siècle dans son essai philosophique Kitāb ’arā’ Ahl al-madīna al-Fādila (Idées des habitants de la cité vertueuse).

    #science-fiction

  • Peur sur la ville : le marché des « safe cities »
    https://theconversation.com/peur-sur-la-ville-le-marche-des-safe-cities-138313

    À Nice, Marseille, Saint-Étienne ou encore Valenciennes, se développent des projets de « safe city », pendant sécuritaire de la « smart city ». Ce terme désigne des dispositifs numériques destinés à lutter contre les dangers de l’espace urbain : vidéosurveillance « intelligente », où l’analyse d’image s’appuie sur des algorithmes de détection de mouvements de foule, de violences, d’intrusion ; des plates-formes dites d’hypervision, comme à Dijon, permettant de gérer ensemble différents services municipaux dont (...)

    #Engie #Atos #Gemalto #Ring #Thalès #Airbnb #Amazon #Uber #algorithme #CCTV #smartphone #SmartCity #sonnette #biométrie #biopolitique #police #facial #métadonnées #reconnaissance #vidéo-surveillance #violence #BigData #mouvement #surveillance (...)

    ##LaQuadratureduNet

  • Comment j’ai sauvegardé « mon Web » sur un disque dur. – Graphisme & interactivité
    https://graphism.fr/comment-jai-sauvegarde-mon-web-sur-un-disque-dur

    Au mois de novembre dernier, j’ai entrepris de me créer une sauvegarde de « mon Web » en local, offline, sur un disque dur. Quand je dis mon web, ce sont les médias, outils, savoirs, vidéos, documents, etc. qui comptent pour moi et que j’utilise régulièrement.

    Dans cet article, je vais vous expliquer :

    pourquoi j’ai eu cette drôle d’idée
    ce que j’ai mis dans cette sauvegarde
    comment j’ai fait pour récupérer tout un tas de contenu en ligne
    ce qu’il me reste à faire
    J’ai appelé ça « BCKUP » pour Backup (sauvegarde), j’ai bricolé un logo en ASCII aussi.

    #internet #censure #blackout #diy #autonomie

  • Quand des villes refusent d’être vendues à des multinationales

    Écrasées de #dettes, poussées à la #marchandisation, les villes sont sommées de se vendre aux multinationales. Mais partout dans le monde, des municipalités cherchent à se réapproprier leur #pouvoir_d’agir.

    Comment les élus locaux et les citoyens peuvent-ils s’opposer à la main-mise grandissante des firmes ? C’est tout l’objet d’une publication inédite, parue ce jeudi 27 février, intitulée Villes contre multinationales, éditée par Ritimo. De la privatisation de l’eau à l’essor d’Airbnb en passant par la « smart city » connectée en 5G, « les villes sont devenues un champ de bataille face au poids croissant des grandes entreprises », peut-on lire en introduction.

    La publication réunit une série d’articles rédigés par des journalistes, des militants, des élus et des chercheurs européens, membres d’Enco, un réseau de médias et d’ONG « qui se consacrent à enquêter et informer sur les entreprises multinationales et leur pouvoir ».

    Un travail qui tombe à pic, à deux semaines des élections municipales : « On espère donner des idées aux candidats et futurs élus, casser ce sentiment qu’il n’y a pas d’alternatives, pas de possibilités de s’opposer aux multinationales », explique Olivier Petitjean, membre de l’Observatoire des multinationales, joint par Reporterre. De l’Espagne au Royaume-Uni, en passant par la Tchéquie et la France, de nombreuses municipalités ont en effet cherché à se réapproprier leur pouvoir d’agir.

    Car il s’agit bien d’une reconquête démocratique. Depuis la crise financière de 2008, « la pression économique et politique sur les villes s’est considérablement accrue, soulignent les auteurs. Nombre d’entre elles se sont retrouvées écrasées de dettes, poussées à vendre des biens, privatiser des services publics, réduire leurs dépenses. » Les fonds financiers en quête de nouveaux placements profitables ont investi le secteur du tourisme et de l’immobilier, mais également celui des nouvelles technologies.

    Laia Forné, sociologue espagnole spécialiste des questions d’urbanisme, de démocratie et de communs, évoque ainsi une « marchandisation des villes » :

    La gouvernance urbaine de nos villes a été basée sur une coopération entre les secteurs public et privé qui a mené à la privatisation de biens fondamentaux comme la terre, le logement, l’eau et le patrimoine municipal, tout en créant des structures de gouvernance opaques et antidémocratiques. Le modèle de gouvernance qui a prévalu était celui de la concession public-privé, où le secteur privé engrange les bénéfices de grands projets spéculatifs tandis que le secteur public en assume les risques. »

    L’un des principaux leviers des firmes réside ainsi dans la spéculation immobilière, comme le raconte Max Carbonell, membre de l’Observatoire de la dette dans la globalisation (ODG), et militant espagnol du mouvement pour le logement. Blackstone, une des multinationales qui possèdent le plus de propriétés (ou « actifs financiers ») au monde, a acquis de nombreux bâtiments à Barcelone, notamment un immeuble dans le quartier de Raval, l’un des plus pauvres de la ville.

    « Blackstone n’y voyait qu’un actif financier sur lequel spéculer et se préparait à mettre les familles à la rue pour pouvoir le revendre – ou le relouer – à un prix bien plus élevé, écrit-il. [Pour Blackstone et d’autres sociétés du même type, le] mode opératoire commun se résume à "buy it, fix it, sell it", acheter, réparer, revendre). »

    Aujourd’hui, les villes du monde sont sommées d’entrer en compétition les unes avec les autres sur le marché international pour attirer le maximum de touristes et d’opportunités d’affaires financières et immobilières possibles (avec tous les secteurs d’activité qui leur sont liés). En d’autres termes : on vend des villes, on vend notre ville, à des investisseurs du secteur du tourisme et de l’immobilier.

    À Barcelone, une mobilisation populaire portée par le Syndicat des habitants du Raval (SHR) a finalement contraint Blackstone à négocier : en 2019, l’entreprise a fini par accepter que les familles restent et paient un loyer modéré, en partie financé par la municipalité.

    Ainsi, la publication Villes contre multinationales diffuse des exemples de luttes locales, souvent longues et difficiles, tant la puissance des firmes apparaît illimitée. En Croatie, le journaliste Igor Lasic explique comment la société Razvoj Golf, porteuse d’un projet de golf géant dans la ville touristique de Dubrovnik, a porté plainte en 2017 contre l’État auprès d’un tribunal d’arbitrage dans le cadre d’un accord de libre-échange, réclamant 500 millions d’euros de compensation pour le blocage de ses projets par un mouvement citoyen.

    À Bruxelles, le chercheur Kenneth Haar relate les manœuvres d’Airbnb auprès de la Commission européenne « pour reprendre la main » face à la contestation croissante des métropoles comme Amsterdam ou Berlin : « La Commission fait depuis lors pression sur les États membres [leur] faisant savoir que les restrictions trop strictes aux activités d’Airbnb et des autres plateformes peuvent contrevenir à la législation européenne ».
    « La "ville intelligente" n’est qu’un nouveau nom pour la ville privatisée »

    Nouveau cheval de Troie des multinationales, le concept de « smart cities » a le vent en poupe. Selon Olivier Petitjean, « la "ville intelligente" n’est qu’un nouveau nom pour la ville privatisée ». Pour les entreprises comme Suez et Veolia, « la "smart city" est surtout promue comme un moyen d’intégrer la gestion des services publics locaux comme l’eau, les déchets, le transport public, le chauffage urbain, l’éclairage, la gestion des équipements, pour rendre le tout plus "efficient" ». Au-delà, ces « smart cities » sont une aubaine pour les géants du numérique et les plateformes comme Google, Uber, Amazon, Airbnb ou Deliveroo car elles permettent non seulement « une collecte massive de données sur les habitudes individuelles et les tendances urbaines, mais aussi de ce fait une capacité d’influencer la fabrique même des villes (par exemple ses flux de trafic, le développement économique de certains quartiers, etc.) sans contrôle par les élus locaux ».

    Le combat des David citadins contre les Goliath multimillionnaires serait-il perdu d’avance ? « La bataille est en cours, dit Olivier Petitjean. Il existe des marges de manœuvre, mais il y a besoin que les villes créent des alliances, échangent leurs idées, fassent contre-poids aux multinationales. » Pour lui, « la transition écologique et sociale est une opportunité pour que les villes sortent de la dépendance aux multinationales. Pour réduire ses déchets, une ville peut décider de s’engager dans une démarche zéro déchet, en impliquant les citoyens, plutôt que de s’en remettre à la construction d’un nouvel incinérateur par une multinationale comme Suez. »

    De fait, les 200 pages de la publication regorgent d’initiatives portées par des villes. Hazel Sheffield, journaliste anglaise, détaille l’histoire de Preston, petite ville de 140.000 habitants dans le nord de l’Angleterre, fortement touchée par la désindustrialisation, qui « a réorienté radicalement ses achats publics pour favoriser le tissu économique et social local, plutôt que les grandes entreprises ». « Les gros contrats, par exemple pour la rénovation du marché de Preston, sont divisés en lots plus petits pour permettre aux PME de répondre aux appels d’offres, et des clauses sociales y sont attachées, comme de garantir aux travailleurs des salaires décents », raconte-t-elle. Bien que les règles européennes, d’inspiration néolibérale, ne soient pas favorables à de telles clauses, « tant que les autorités assurent une procédure équitable, elles peuvent sélectionner les fournisseurs en fonction d’une série de critères dont le prix, mais aussi la qualité, le risque, la valeur sociale et d’autres facteurs », précise la journaliste. Les achats de services, de travaux et de fournitures des villes de l’Union européenne représentent près de 2.000 milliards d’euros par an, soit environ 14 % du PIB de l’Union. « Le potentiel de transformation de ces nouvelles politiques progressistes de marchés publics est donc énorme », note aussi Olivier Hoedeman, co-fondateur du Corporate Europe Observatory.
    L’eau à Grenoble, la gestion des ordures à Naples... Autant d’exemples de remunicipalisation

    Outre les achats publics, la publication met en avant de multiples exemples de (re)municipalisation : l’eau à Paris et Grenoble, les terres agricoles à Mouans-Sartoux ou Vannes, la gestion des ordures à Naples ou la distribution d’électricité dans certaines communes espagnoles.

    Pour la sociologue Laia Forné, cette reconquête n’est possible et durable qu’à travers la mise en place d’un « municipalisme public-citoyens », alliant élus et mouvements sociaux. À Barcelone, le nouveau système qui oblige les grandes développeurs immobiliers à consacrer 30 % de leurs opérations à du logement social, en fournit un bon exemple : « Tandis que la municipalité apportait le savoir-faire technique pour rédiger une législation adaptée, les mouvements sociaux pour le logement ont mobilisé l’opinion publique et exercé une pression politique suffisante pour dépasser les logiques partisanes. » Elle parle également de « co-responsabilité », illustrée par la création du programme barcelonais de « Patrimoine citoyen », dont l’objectif est « de créer des cadres innovants associant citoyens et institutions pour gérer les ressources publiques, y compris les édifices publics, les vergers urbains, l’espace public et certains services sociaux. »

    « Les élus ne peuvent pas tout, les villes sont face à des pouvoirs puissants et riches, conclut Olivier Petitjean. Il est donc essentiel que les municipalités volontaristes soient soutenues par des mouvements sociaux. Il est aussi nécessaire que ces villes se mettent en réseau, s’allient pour peser face aux multinationales. Et surtout, il faut une bonne dose de courage. »

    https://reporterre.net/Quand-des-villes-refusent-d-etre-vendues-a-des-multinationales

    #villes #géographie_urbaine #résistance #multinationales #Barcelone #eau #Grenoble #remunicipalisation #Blackstone #Airbnb #Bruxelles #smart_cities #ville_intelligente #ubérisation #Preston #désindustrialisation #UK #Angleterre #Naples #ordures #Mouans-Sartoux #Vannes #terres #Espagne #municipalisme_public-citoyens #co-responsabilité #patrimoine_citoyen #mouvements_sociaux #réseaux #livre #ressources_pédagogiques #urban_matter

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    Pour @etraces :

    Nouveau cheval de Troie des multinationales, le concept de « smart cities » a le vent en poupe. Selon Olivier Petitjean, « la "ville intelligente" n’est qu’un nouveau nom pour la ville privatisée ». Pour les entreprises comme Suez et Veolia, « la "smart city" est surtout promue comme un moyen d’intégrer la gestion des services publics locaux comme l’eau, les déchets, le transport public, le chauffage urbain, l’éclairage, la gestion des équipements, pour rendre le tout plus "efficient" ». Au-delà, ces « smart cities » sont une aubaine pour les géants du numérique et les plateformes comme Google, Uber, Amazon, Airbnb ou Deliveroo car elles permettent non seulement « une collecte massive de données sur les habitudes individuelles et les tendances urbaines, mais aussi de ce fait une capacité d’influencer la fabrique même des villes (par exemple ses flux de trafic, le développement économique de certains quartiers, etc.) sans contrôle par les élus locaux ».

  • Le Covid-19 en Algérie | Confins du monde
    http://www.zinzine.domainepublic.net/?ref=4972

    Entretien avec Akram Belkaïd, journaliste algérien né en 1964 à Alger qui écrit pour le Monde Diplomatique, Orient XXI et de nombreuses autres publications. Il rédige deux chroniques par semaine pour le Quotidien d’Oran et tient un blog, Lignes Quotidiennes : http://akram-belkaid.blogspot.com Il est également auteur de L’Algérie en 100 questions, un pays empêché (Tallandier, 2019). Durée : 57 min. Source : Radio Zinzine

    https://radiozinzine.org/emissions/SPA/2020/SPA20200516-19ConfinsAlgerie.mp3

  • Les « malades à la maison » du Covid-19, entre oubli et euphémisation | Caroline Hodak, AOC media
    https://aoc.media/opinion/2020/05/19/les-malades-a-la-maison-du-covid-19-entre-oubli-et-euphemisation

    Les chiffres des morts et des personnes hospitalisées pour Covid-19 sont scrutés quotidiennement. Après s’être inquiété de leur hausse, voilà qu’on se réjouit de leur baisse. Mais qu’en est-il de celles et ceux qui ont été malades à la maison ? En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg, et empêchent de remettre au cœur du dispositif de politique publique et sanitaire la connaissance médicale et le suivi des patients.

    En sciences sociales, particulièrement en sociologie et en ethnographie, mais aussi chez les historiens, dire d’où l’on parle, ou mieux, l’auto-analyse, éclaire un parcours et la réflexion de l’auteur. Dans ce prologue, il me semblait important de raconter d’où j’écris. Ni médecin, ni épidémiologiste, j’ai vécu le Covid-19 et ses conséquences socio-économiques comme tous les citoyens. Et puis, je l’ai vécu à l’épreuve des faits, au rythme des malades non testés, au fil de l’eau de ce qui s’est présenté à moi et des réalités médicales hors de l’hôpital. M’apercevant qu’en fait le sujet de la maladie, « les sujets » que sont les malades non testés, les #pasgrave, « les malades à la maison » n’étaient jamais évoqués alors qu’il s’agit de centaines de milliers de personnes.

    Comment ça commença…

    À l’origine, j’ai fait partie d’au moins un cluster parisien infecté par le Covid-19 avant le confinement. Le 16 mars au soir, j’ai eu la confirmation via un WhatsApp collectif de ce cluster que mes maux de tête, courbatures, nausées et immense fatigue étaient vraisemblablement la version bénigne de ce que d’autres au sein de ce groupe vivaient en bien plus grave. J’ai en tout cas conclu : « C’est bon je l’ai eu ». Et pour moi, l’histoire était terminée. Je n’ai pas associé, deux jours plus tard, d’importantes inflammations à un pied rougi et douloureux à l’épisode précédent. J’imaginais une allergie à des chaussettes et que cela passerait.

    Ce n’est qu’un mois après que les pièces du puzzle se sont enchevêtrées. Le 9 avril, le SAMU m’emmène aux urgences (non Covid) pour douleurs thoraciques et tension différentielle suspectant un AVC. Je sors quelques heures plus tard avec pour diagnostic une crise d’angoisse, bien que je ne fusse pas angoissée. Mais bon, pourquoi pas. La semaine suivante, je suis de plus en plus fatiguée et, alors que j’en parle à des amis en évoquant les urgences du 9 avril et « ce truc bizarre au pied dorénavant violet », je comprends que ce que j’avais pris pour une allergie étaient des engelures et que « le violet » était en fait un acrosyndrome (modification de la peau suite à un problème vasculaire). Pas très en forme, je rappelle le SAMU qui, comme je ne tousse pas et n’ai pas de fièvre, me conseille de me reposer. À peine 24h plus tard, le 19 avril, je ne tiens plus debout, je claque des dents, je suis livide, les douleurs thoraciques, qui n’avaient pas tout à fait disparu, sont à nouveau vives et profondes. Le SAMU envoie la Croix Rouge qui, « embêtée par ses observations », appelle le SAMU en renfort. Huit personnes chez moi. Suspicion d’embolie pulmonaire. Je repars aux urgences. Je sors le soir même.

    Bilan à l’hôpital (en non Covid) : « Si vous étiez soignante, on vous testerait, mais vous ne l’êtes pas, donc on n’a pas le droit ». Diagnostic au regard de l’examen clinique et de mes symptômes : « Vous avez été vraisemblablement primo-infectée du Covid-19 mi-mars et vous avez fait une réaction immunitaire vasculaire inflammatoire marquée par vos engelures. Vous faites manifestement un rebond inflammatoire. Il n’y a pas de pronostic vital pour nous aux urgences. A priori vous n’êtes plus contagieuse depuis longtemps. En revanche, il faut dorénavant poursuivre les explorations en ville car les signes peuvent révéler une pathologie qui ne relève pas de ce que nous traitons ici ». Je rentre.

    Carnet de Bal

    Commence alors le parcours en ville. Généraliste. Cardiologue. Phlébologue. Service vasculaire à l’hôpital. Acrosyndrome et micro caillots. Anti-coagulants, puis avec la disparition des symptômes (douleurs thoraciques, maux de tête, vertige), fluidifiant. Reste la sensation de faim qui a disparu et l’épuisement. Les fourmillements et engourdissements de la jambe disparaissent progressivement. En tout, en comptant le SAMU et les 2 passages aux urgences : 5 ECG, 1 HolterECG, 2 échographies du cœur, 2 dopplers, 1 capillaroscopie, 1 angioscanner, 7 prises de sang. L’examen micro-neurologique était gardé en suspens si les symptômes de la jambe restaient ou augmentaient. Le test d’effort jugé inutile. Jamais testée Covid. En revanche une prise de sang pour voir si j’avais des anticorps. Négatif (pour le moment ? Ce n’est pas très clair encore. À refaire).

    Au bout de ce parcours, j’ai découvert que, « dans le fond », je suis en pleine forme, d’autant que je n’ai aucun antécédent personnel ou familial en cardio-vasculaire. Que je n’ai pas non plus de maladie auto-immune ou génétique. Parce que oui, à ce stade, les médecins ont besoin de vérifier tout cela pour savoir de quoi il s’agit. J’ai découvert que les réactions vasculaires et neurologiques sont liées au virus. Qu’il y a des rebonds, mais pas forcément. Que les symptômes s’expriment de façon sinusoïdale. J’ai aussi découvert les questions des médecins. La voix des malades. Leurs interrogations. Le polymorphisme des expressions, des pathologies, des durées. Et le vide. Le vide en matière de coordination des parcours. Ainsi que le poids des incertitudes.

    Depuis la mi-avril, quelques articles, rares, commencent à documenter ces aspects. Cependant, en dehors de ce que vivent les malades et les médecins pour juguler les pathologies et adapter les traitements à chacun, je me suis rendue compte que personne ne sait ce qu’est être malade du Covid hormis ce que tout le monde, via la presse et les discours dominants, qualifie de maladie respiratoire. Le Covid-19 n’est pas qu’une infection virale des poumons. L’incubation ne dure pas seulement 2 jours. La maladie ne dure pas 14 jours (parfois beaucoup moins, parfois beaucoup plus). Une fois qu’on a été infecté, on n’est pas forcément tiré d’affaire. Parfois oui, parfois non. Les rebonds existent et sont eux aussi polymorphes, parfois graves, parfois juste réactionnels, et très souvent bel et bien hors respiratoire. Parallèlement, celles et ceux qui sont hospitalisés sont confrontés à une route souvent longue avant de pouvoir être vraiment remis. Qu’on ne sait pas bien encore ce que signifie « être guéri » du Covid-19. Ni ce qui explique la diversité des cas, des pathologies, des réactions, des conséquences.

    En réalité, ce que j’ai découvert, c’est que les médecins apprennent au jour le jour, au fur et à mesure, à travers leurs patients et les pathologies ou les réactions qu’ils découvrent en même temps qu’ils auscultent. Que chaque jour, ils analysent, supputent, déduisent, estiment. Qu’ils échangent sur leurs fils WhatsApp entre spécialités différentes autour de ce qui est observé sur le malade qu’ils ont en commun. Ou de ce qu’ils partagent entre confrères d’une même discipline. Nous, malades, attendons des réponses, mais les médecins les trouvent en nous observant. Il est donc essentiel qu’ils puissent nous suivre et que ce qui s’exprime chez les patients soit partagé entre eux.

    Les médecins, en ville tout autant qu’à l’hôpital, apprennent à l’épreuve des faits et les faits sont les malades, la maladie et ses expressions. Et eux-mêmes voient concrètement qu’il n’y a pas un traitement miracle mais bien, en fonction des organes touchés et des organismes des patients, des traitements à ajuster et d’autres à ne même pas envisager. Cela dépend de chaque cas. Car à ce stade il n’y a pas de trends dominants, mais des cohortes différentes. Les signes propres à une catégorie d’âge se retrouvent chez une autre. Un malade avec des antécédents résiste là où un autre, sans antécédent, marque des faiblesses. « L’intelligence » du virus se joue des règles et des évidences.

    Alors…

    Parce qu’à l’origine je suis chercheure en histoire et sciences sociales et que « nommer », c’est qualifier ; que l’observation du terrain est ce qui permet de nourrir les catégories de l’analyse et que sans nommer, on ne pose pas les bonnes questions. Parce qu’en tant que conseil et directrice en communication et en transformation des organisations, je suis confrontée aux outils numériques, si souvent souhaités, qui ne répondent pas aux besoins si ceux-ci ne sont pas dûment corrélés aux réalités du terrain et que, dans mon métier, la fabrique des données est ce qui constitue non seulement les référentiels mais l’intérêt de l’outil. Je travaille souvent avec les enjeux propres aux data, leur modération, le RGPD, le stockage et surtout en amont, avec le data mining et donc avec le fait de « nommer » et qualifier pour créer de l’opératoire et de l’opérationnel.

    Enfin, parce que je me suis retrouvée ahurie face à ce que j’ai découvert au jour le jour dans les méandres de mon aventure Covid-19, grâce aux médecins et aux malades avec qui j’ai échangé, je me suis demandée : mais où sont les « malades à la maison » et leurs « maladies Covid » dans les discours et le plan de déconfinement ? Comment penser une politique publique à hauteur d’une épidémie dont les expressions sont multiples et évolutives si personne ne parle des malades et de leur maladie ? Alors j’ai écrit ce papier.

    Les malades sont majoritairement hors de l’hôpital

    Traiter des malades et de la maladie, c’est remettre au cœur du dispositif de politique publique et sanitaire la connaissance médicale et le suivi des patients. Casser les chaînes de contamination pour répondre à l’urgence est nécessaire dans l’immédiat de la crise mais une épidémie s’inscrit dans le temps long. Connaître les expressions de la maladie, accompagner la population avec les informations ajustées, en étant pragmatique et réaliste, c’est non seulement mieux comprendre le cycle de vie du virus et tous les effets du Covid-19 mais aussi soutenir une prévention active auprès de toute la population. Encore faut-il traiter de tous les malades.

    Le propre d’un virus lorsqu’il se déploie dans un organisme, c’est d’investir son hôte et de proliférer. Si on simplifie : soit l’hôte résiste, soit il tombe malade. Éventuellement l’infection peut être fatale. En focalisant l’attention sur le nombre de morts et de malades hospitalisés par l’infection au Covid-19, les autorités françaises ont construit un discours binaire qui oppose confinement et nombre de morts-cas graves, car l’urgence consistait à éviter l’explosion des services de réanimation d’un système hospitalier exsangue. Or si l’objet de la problématique d’urgence est le virus et son incidence sur les services de réanimation, quel est le véritable sujet d’un virus, au quotidien, dans la vie d’une population, si ce ne sont les malades ? Tous les malades.

    Peu d’études épidémiologiques ont été lancées et celles-ci sont principalement axées sur l’identification du nombre de personnes infectées et suivies en hôpital. À date, l’actualisation des projections estime que 4,4 % de la population française a été touché. Soit près de 3 millions de personnes (la marge se situe entre 1,8 et et 4,7 millions de personnes). D’un côté du spectre, les asymptomatiques[2] (50 % environ, voire plus, mais les chiffres varient tant on manque d’études au sein de différents clusters). De l’autre, les cas graves hospitalisés (3,6 %) et les morts (0,7 %)[3].

    Sur la base de ces estimations il reste donc environ 1,3 millions de personnes[4] ayant été, ou étant encore, malades à des degrés très divers « à la maison » (de quelques jours « pas bien » à quelques semaines et plusieurs traitements antibiotiques, et parfois même des incursions à l’hôpital hors respiratoire) auxquels s’ajoutent les patients « guéris » de l’hôpital qui ont encore de longs mois de rémission et de suivi médical. Si le risque de mourir appelle vigilance et moyens, les effets de la maladie parmi les 99 % de la « population malade qui ne meurt pas » ne sont pas sans conséquences. Certaines sont connus. D’autres en voie de découverte. D’autres encore en interrogations. L’urgence de la crise peut-elle occulter ce qui dans les faits vient toucher de nombreux malades au long cours et avec eux le système de santé bien au-delà des pics aigus ?

    Combien de personnes ont-elles été infectées, sous quelles formes et de quelles façons ? Quelle est la véritable ampleur de l’épidémie et ses conséquences ?
    Ne pas nommer, c’est euphémiser la réalité. C’est ne pas dire qu’outre la survie des services hospitaliers, le sujet Covid-19 est bel et bien un sujet de santé publique qui sort des murs de l’hôpital, et qui est bien plus vaste que celui des seules maladies respiratoires et impliquant de nombreuses spécialités médicales : cardiologie, phlébologie, angiologie, ORL, gastro-entérologie, dermatologie, neurologie avec, en première ligne, les médecins généralistes qui se trouvent non seulement à traiter les cas en première instance mais souvent à orchestrer un suivi de leurs patients avec plusieurs confrères.

    Ne pas désigner l’ensemble des malades, c’est aussi omettre un enjeu de taille : la totalité des pathologies et leurs conséquences, leur durée éventuelle. Les médecins le disent, entre eux et à leurs patients : ils ne savent pas si chez certains le virus est quiescent (au repos, dormant) et se manifeste par des résurgences. Les critères de guérison ne sont pas encore clairement établis. Il apparaît que le virus après s’être exprimé par une première symptomatologie (rhinite, erythème, engelures, diarrhées, bronchite, myalgie, troubles neurologiques, etc.) puisse aussi s’exprimer en récurrence par une seconde symptomatologie touchant d’autres organes parfois plusieurs semaines plus tard (AVC, embolie, myocardite, complications urinaires, etc.).

    Les médecins ignorent pour le moment si le virus en s’attaquant à certains organes ne crée pas des pathologies qui décompenseront ou laisseront des séquelles à moyen ou long terme, voire si chez certains asymptomatiques ou symptomatiques légers, il n’y a pas de sanctuaire viral. Car les symptômes, comme les expressions apparaissent sinusoïdales : cycliques, avec des fluctuations très différentes selon les patients, leur historique, mais aussi la charge virale et les réactions de chaque organisme. Autrement dit, les complications ne touchent pas que les formes respiratoires du Covid-19, ne se limitent pas à quelques jours, et peuvent susciter des rechutes ou des rebonds. Ces aspects ne semblent pas toucher la majorité des malades et sont curables.

    Mais complexes, multiples, ils touchent bien au-delà des personnes actuellement recensées, bien au-delà de quelques semaines, des milliers de personnes. Surtout, elles appellent un suivi ou une observation sur un temps long. Beaucoup de patients, notamment ceux sortis de l’hôpital, mais pas seulement, vont être suivis sur 3, 6 ou 12 mois ou certains comme les quelques cas d’enfants « Kawasaki-like » – on le sait par les documentations déjà établies de ces symptômes – auront un suivi sur plusieurs années. Comment aider alors les médecins de ville à pouvoir exercer en pluridisciplinarité pour les cas complexes de cette nouvelle pathologie ? Comment organiser le parcours de soins si les malades et la maladie ne sont pas désignés en tant que sujets ?

    De la nécessité d’une veille sanitaire selon les critères des maladies à déclaration obligatoire
    En ne nommant pas le sujet, en ne parlant pas des malades dans leur totalité, l’État et nous avec lui, oublions une grande partie des malades, falsifiant les référentiels, obérant une des fonctions premières de la politique sanitaire du pays telle que celle-ci est censée être portée par Santé Publique France : étayer le « besoin de connaissances de la maladie » ; « évaluer (…) le risque de séquelles de la maladie » ; « évaluer les programmes de lutte et de prévention menés par les pouvoirs publics pour en mesurer l’efficacité ». Pourtant l’État a construit, depuis plusieurs décennies déjà, les outils pour « disposer d’informations afin de préserver la santé de la population » avec le dispositif des Maladies à Déclarations Obligatoires, dispositif de surveillance de 33 maladies sources d’épidémies (tuberculose, paludisme, Zika, etc.) qui repose sur la transmission de données par les médecins et les biologistes (libéraux et hospitaliers) aux médecins inspecteurs de santé publique (Misp) et leurs collaborateurs des Agences régionales de santé (ARS) ; puis aux épidémiologistes de Santé publique France.

    Ce système de déclaration permet à la fois le partage des connaissances sur la base de toutes les observations de terrain et la confidentialité des données comme du secret médical, garantissant l’anonymat des malades tout en permettant le suivi médical idoine. Là repose la constitution d’un véritable réseau de veille sanitaire incluant toutes les pathologies liées à l’infection et pas uniquement les symptômes respiratoires (à date les déclarations sur le Réseau Sentinelle sont partielles et uniquement orientées respiratoires et pas obligatoires). Ce qui est donc incompréhensible, c’est pourquoi le Covid-19 n’est que partiellement devenu une Maladie à Déclaration Obligatoire (MDO). Le dispositif mis en place par l’article 6 de la loi du 12 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire est défini afin de « recenser les personnes infectées par le coronavirus et les personnes ayant été en contact avec celles-ci, dans l’objectif de la rupture des chaînes de transmission virale ». Cependant, « ce dispositif aura une durée très limitée » i.e. le temps du dispositif est celui de l’état d’urgence.

    La déclaration obligatoire s’applique donc à la crise mais pas à une véritable veille sanitaire qui permettrait de documenter les observations cliniques et pas seulement le suivi des infections recensées sur la base de quelques critères seulement (limitées aux personnes testées). Une telle veille sanitaire assurerait le lien entre médecine de ville, toutes spécialités médicales confondues, avec ce qui se passe à l’hôpital. Cela constituerait la plateforme pour lancer des études épidémiologiques au-delà du seul lycée de Crépy-en-Valois (Oise) ou du paquebot Diamond Princess. Cela permettrait aussi le suivi dans le temps des pathologies subséquentes qui s’inscrivent dans une temporalité différente que celle de la primo-infection. Une meilleure connaissance et une meilleure compréhension permettent alors une meilleure anticipation (versus réaction), pour une approche du healthcare et non pas uniquement du sickcare.

    Or, telle qu’actuellement communiquée dans le cadre du déconfinement, la mise en place d’un système de déclaration à l’Assurance maladie par les médecins généralistes et l’intervention de brigades d’intervention, ou « contact tracer »[5], pour suivre les cas contacts des personnes identifiées infectées, est un système de contrôle des contaminations et d’enregistrement de données qui relève de la surveillance des personnes : on veille pour contenir l’épidémie, pour éviter les morts mais les effets de l’épidémie sur la santé apparaissent totalement secondaires. Pourtant le fameux article 6 mentionne que des éléments probants du diagnostic clinique peuvent être retenus dans l’identification (alinéas 4 et 7) et qu’il s’agit de pouvoir orienter les personnes infectées vers un suivi médical pendant et après ces mesures (alinéa 9). Cependant ces points sont minorés dans ce qui est expliqué auprès des populations.

    L’attention portée aux chaînes de contamination et à l’isolement des personnes infectées et leurs contacts des deux derniers jours euphémise la question du suivi thérapeutique d’une part, du suivi des malades dans le temps d’autre part, alors que de nombreux facteurs cliniques démontrent que dans un nombre non négligeable de cas (encore à étudier pour connaître la proportion) la maladie ne s’arrête pas aux portes d’une quarantaine de deux semaines.

    Le cadre d’une déclaration obligatoire évite le piège d’écorcher le secret médical et les données personnelles
    L’approche actuelle rappelle certains manques de la première phase d’identification par les tests. Ceux-ci étaient principalement accordés aux malades souffrant de difficultés respiratoires aiguës (du fait des risques vitaux potentiels). Aujourd’hui, les critères exprimés publiquement pour le signalement sont non moins partiels : fièvre, toux, altération de l’odorat et du goût laissent de côté de nombreux autres symptômes qui sont non moins évocateurs d’une éventuelle infection au Covid-19 (dermatologiques, gastroentérologiques, ophtalmologiques, etc.). En limitant les critères d’identification de la maladie à leur strict minimum, on réduit les expressions de celle-ci. On élimine tous les autres critères que pourtant de nombreuses spécialités médicales font remonter. On soustrait toutes les autres cohortes de malades sources de contamination et sujets de pathologies.

    On ne permet pas à la population de savoir qu’un érythème, des engelures, une conjonctivite, des diarrhées, une infection urinaire etc. sont possiblement des signes d’infection aux Covid-19 et donc que ces personnes-là doivent aussi être rapidement testées pour savoir si elles doivent s’isoler de leur entourage. Tel qu’actuellement pensé pour le déconfinement, le recueil de données par le biais de l’infection et de la contamination réduit la focale à l’enregistrement des personnes, là où il doit être question d’une véritable politique publique sanitaire tenant compte de la maladie et des malades. Il est nécessaire d’encourager la population à une vigilance holistique des symptômes, puis également à une deuxième salve de vigilance de la part des personnes infectées durant plusieurs semaines, afin qu’elles informent leur médecin de tout autre signe.

    Ne pas opérer en ce sens, c’est biaiser la connaissance, biaiser les réalités du terrain. Sans porter l’attention sur la nécessité du suivi des personnes infectées, l’approche actuelle se concentre sur la désignation des personnes, ce qui peut pousser des patients à ne pas consulter ou à taire les symptômes de peur de subir une enquête qui pourrait leur être délétère pour des motifs personnels (avoir à déclarer un contact qu’ils ne souhaitent pas) ou professionnels (risque de stigmatisation sur leur lieu de travail, voire crainte du licenciement dans un contexte économique altéré). La protection des données et le secret médical doivent être garantis, mais l’attention devrait non moins se porter sur les soins pour que l’implication apparaisse dans ce qu’elle a de vertueux : dire pour guérir.

    Considérer la maladie à partir de critères cliniques, c’est faire prendre conscience des plus larges biais de contagiosité ou des besoins de suivis éventuels
    Enfin, le dispositif tel qu’expliqué à date engage un autre biais de désignation restrictif. La période d’incubation est encore mal connue et estimée entre 2 et 14 jours. Dans le cadre de la procédure définie actuellement, la brigade sanitaire a vocation à recenser les contacts des deux derniers jours de fréquentation d’un malade identifié. Là, on comprend que ce ne sont pas seulement les questions du secret médical et des données personnelles qui sont problématiques, mais aussi les bases mêmes de l’identification : à ne remonter les contacts que sur 2 jours, nombreux infectés potentiels sont inaperçus.

    Quel est le droit pour la brigade sanitaire de contrôler, décider pour des personnes supposées contaminées : vérifier si ces personnes s’isolent correctement, refont bien les tests, y embarquent également leur propre entourage en donnant à leur tour les noms des personnes fréquentées ? Jusqu’où un tel raisonnement est-il opératoire ? Jusqu’où enregistre-t-on les inter-connaissances et les cercles d’interaction ? Un tel exercice, replacé dans le contexte de la maladie permettrait une toute autre sensibilisation de la population. En recensant l’intrication sociale (embeddedness) de la contamination, mais pas le chemin du virus dans l’organisme, le corps social prend le pas sur le corps médical. L’individu et ses relations ont le dessus sur le malade et sa maladie.

    Par ailleurs, selon le type d’expression de l’infection un malade peut contaminer autrui 14, 21 ou 28 jours, voire plus selon la durée de ses propres infections, nombre de jours auxquels ajouter une semaine sans symptômes. Que ce soit pour un malade sorti d’hôpital et qui poursuit ses soins en ville, ou pour un malade soigné au Doliprane à la maison, le sujet est le même : la durée de contamination varie, l’éventualité de rebonds également. Là encore, les temps officiels de réclusion ne sont pas les temps des malades et de leurs pathologies. Même la délimitation de la contagiosité n’est pas encore maîtrisée par les médecins eux-mêmes à ce jour. La question d’un suivi régulier avec le médecin coordonnant les soins du malade est nécessaire, et mettre en place ce suivi participerait de la rétention des contaminations. Pourquoi ne pas expliquer tout cela afin que tous puissent agir de façon concertée et responsable puisque l’objectif est bien d’envisager, au-delà de la désignation du malade, la cure de la maladie ?

    La veille sanitaire non seulement soutient la planification des soins mais aussi la stratégie de prévention
    En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés et dorénavant en créant un système qui entérine une politique d’enregistrement ad hoc des infectés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg. En dehors de l’hôpital, le message officiel est qu’on ne considère le malade que comme un contagieux et pas comme un malade. Plus souvent qu’il ne tue, le virus touche les vivants et impose aussi ses conséquences chez ceux qui restent en vie. Se concentrer sur l’étape d’infection et la contamination, sur l’explosion de l’hôpital, ou sur une appli telle StopCovid, ne permet pas d’accompagner les malades et détourne des outils prioritaires qui construisent eux-mêmes les données nécessaires : les données cliniques et biologiques pour élaborer les catégories de l’analyse médicale, du parcours de soins des malades et les mesures de prévention et d’hygiène collective pour protéger les populations.

    Car le message de prévention pour les gestes barrières est affaibli avec cette vision binaire : ce n’est pas pareil d’évoquer le 1 % qui peut mourir, particulièrement au-dessus de 60 ans, que de dire clairement « il y a des risques pour toutes personnes contaminées » y compris les enfants. Ces risques touchent déjà plusieurs dizaines de milliers de personnes qui vont être suivies au long cours. Cela peut non seulement changer le message mais aussi réorienter toute la politique sanitaire en obtenant une conscience et une responsabilité plus grandes de l’ensemble de la population qu’il va falloir, en outre, réussir à maintenir dans le temps. Nommer la maladie et ses expressions, les malades et leurs spécificités, devient alors source d’informations pour tous. C’est prendre le sujet dans toutes ses réalités et l’accompagner au-delà du temps de crise, sur le temps long qu’impose sa versatilité et ses évolutions, pour les malades, la santé publique et la société dans son ensemble avec l’impact socio-économique sous-jacent aux maladies complexes.

    [1] Les chiffres officiels sont accessibles sur data.gouv.fr et santepubliquefrance.fr. On notera cependant que si la France déclare 139 000 cas confirmés, la source de Statista fondée sur les chiffres des chercheurs de Johns Hopkins indique 175 000 cas confirmés en France, ce qui rend toutes les considérations chiffrées somme toute compliquées.

    [2] 20 % des personnes infectées serait asymptomatique, selon une étude dans un cluster en Allemagne mais 50 % selon l’étude à bord du paquebot Diamond Princess (voir infra). AMMOUCHE (Marielle), « Covid-19 : 20% de patients asymptomatiques dans un cluster en Allemagne », Egora.fr, accessible ici.

    [3] Chiffres du 13 mai 2020 par une équipe d’épidémiologistes de l’Institut Pasteur réactualisant l’étude conduite le 21 avril et tenant compte de l’impact du confinement. Ces calculs sont fondés sur des modélisations et données d’hospitalisation et de santé. Simon Cauchenez & alii, « Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France », Science, accessible ici.

    [4] Le calcul est établi sur la base de l’estimation des quelques 3 millions de personnes infectées, dont sont déduits 50 % d’asymptomatiques, les personnes hospitalisées et décédées. Sous réserve des marges à prendre en compte.

    [5] Sur le recrutement et les missions des brigades, plusieurs articles de presse : NouvelObs, LeFigaro, Slate.fr, LCI.fr, OuestFrance, BFM.tv.

    #hospitalo_centrisme #santé_publique

    • On ne permet pas à la population de savoir qu’un érythème, des engelures, une conjonctivite, des diarrhées, une infection urinaire etc. sont possiblement des signes d’infection aux Covid-19 et donc que ces personnes-là doivent aussi être rapidement testées pour savoir si elles doivent s’isoler de leur entourage

    • contribution remarquable, à diffuser largement !

      En ne traitant que des morts et des malades hospitalisés et dorénavant en créant un système qui entérine une politique d’enregistrement ad hoc des infectés, les discours se cristallisent sur la partie émergée de l’iceberg. En dehors de l’hôpital, le message officiel est qu’on ne considère le malade que comme un contagieux et pas comme un malade. Plus souvent qu’il ne tue, le virus touche les vivants et impose aussi ses conséquences chez ceux qui restent en vie. Se concentrer sur l’étape d’infection et la contamination, sur l’explosion de l’hôpital, ou sur une appli telle StopCovid, ne permet pas d’accompagner les malades et détourne des outils prioritaires qui construisent eux-mêmes les données nécessaires : les données cliniques et biologiques pour élaborer les catégories de l’analyse médicale, du parcours de soins des malades et les mesures de prévention et d’hygiène collective pour protéger les populations.

      #maladie_à_déclaration_obligatoire

    • D’ailleurs un des aspects que je constate à chaque fois que je tombe (malheureusement) sur une relation qui m’explique que hé ben dis donc tu te rends comptes qu’on a été confinés et qu’on a détruit l’économie pour aussi peu, et donc clairement partisans de la recherche rapide de l’immunité de groupe, il y a systématiquement l’occultation des gens qui en ont chié en étant malades chez eux.

    • Des #témoignages parmi d’autres, via la veille de @monolecte :
      Covid-19 : deux mois après leur infection, de nombreux patients présentent de nouveaux symptômes - France 3 Paris Ile-de-France
      https://seenthis.net/messages/854487

      Par contre, dans le texte, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris :

      Par ailleurs, selon le type d’expression de l’infection un malade peut contaminer autrui 14, 21 ou 28 jours, voire plus selon la durée de ses propres infections, nombre de jours auxquels ajouter une semaine sans symptômes.

      Elle veut dire qu’une personne peut être contagieuse aussi longtemps après l’apparition des symptômes, quand elle en a ? Je n’avais pas vu passer cette info.

  • Une lecture politique des Furtifs
    par Mélissa et Lunar de La Dérivation
    https://dérivation.fr/furtifs

    Be critical of the media you love
    Soyons critiques des œuvres que nous aimons.
    —  Feminist Frequency

    Introduction

    Il y a un an, le 18 avril 2019, sortait le très attendu nouveau roman d’Alain Damasio, Les Furtifs, aux éditions La Volte. Il arrivait quinze ans après son précédent, La horde du contrevent. Le lancement s’est fait avec une énorme promotion, et le roman est un succès commercial, avec au moins 95 000 livres vendus.

    Les Furtifs aborde de nombreux sujets sur lesquels nous travaillons quotidiennement  : les enjeux de la société de contrôle, le hacking, les logiciels libres, l’organisation collective, l’éducation populaire, les communs, les zones autonomes en lutte, la guerre des imaginaires… Autant de thèmes qui font partie de nos vies et dont la perspective de mise en récit nous réjouissait.

    Lecteur⋅ices assidu⋅es d’imaginaire, nous avons plongé dans ce nouvel univers avec une curiosité certaine et… nous ne nous sommes absolument pas retrouvé⋅es dans les projections proposées. De nombreux·ses ami⋅es évoluant sur les mêmes terrains que nous ont lu le livre avec pourtant beaucoup d’enthousiasme. C’est cette contradiction qui nous a motivé⋅es à décortiquer les 696 pages du roman, afin de mieux comprendre ce qui nous a gêné⋅es. Nous espérons que ce travail vous aidera pour vos propres analyses.

    Quel sens fabrique le texte  ?

    Cette analyse se déroule au prisme de nos idées et pratiques politiques  : féminisme matérialiste et queer, anarchisme, communisme libertaire, hacktivisme et défense des libertés numériques. Nous ne jugeons pas ici de la qualité littéraire des Furtifs, mais de ce que produit le texte. Nous ne cherchons pas à répondre à la question «   Qu’a voulu dire l’auteur   ?  » mais bien «   Quel sens fabrique le texte  ?  ». Il n’est pas non plus question de porter un jugement sur les personnes qui ont apprécié cette œuvre. Il nous semble tout à fait possible d’aimer une histoire tout en reconnaissant ses limites et ses défauts.

    Plan

    1. Introduction (à lire avant le reste)
    2. Une histoire patriarcale
    a. Protagonistes et points de vue
    b. Un regard profondément masculin
    c. Une banalisation des agressions sexuelles
    d. Assignation et réassignation aux stéréotype de genres
    (article à paraître)
    3. Dérives masculinistes (article à paraître)
    4. Traitement des minorités (article à paraître)
    5. Quelle révolution  ? (article à paraître)
    6. Des pistes laissées de côté (article à paraître)
    7. Conclusions (article à paraître)
    8. Annexe  : analyse des points de vue
    9. Remerciements, bibliographie et inspirations

    #Alain_Damasio #Les_Furtifs

    • Ce graphisme n’a aucun sens, dès lors qu’il s’agit d’analyser une œuvre littéraire où les non dits, le style, le souffle, le rythme, etc, comptent autant que le nombre de signes (ou, alors, on est encore en 1950, à l’école primaire). Les auteurs de cet article, publié incomplet, ce qui est assez désagréable, se donnent beaucoup de mal, car leur méthodo n’est pas la bonne.

    • Je ne vois pas en quoi leur méthodo n’est pas la bonne, la quantité de texte n’est qu’un élément parmi d’autres dans leur argumentaire, et illes démontrent bien que même dans les chapitres où ce sont des femmes qui parlent, c’est pour parler des hommes, et plus particulièrement d’un, du vrai héro central, peu importe le style et le souffle. Tout comme l’argumentation sur le scénario lui-même qui d’après elleux a un ressort typiquement masculiniste (le héro mâle qui après avoir prouvé sa virilité veut récupérer sa femme et sa fille), n’a rien à voir avec la quantité du texte non plus.

    • Cf. ma réponse au dessus. quantifier du texte littéraire, à base d’aspirateurs sémantiques, je trouve ça bien médiocre. Et pour tout dire, terriblement ringard. De plus, certaines tournures du texte (incomplet) me font penser que la notion de plaisir, centrale à mes yeux dans la lecture, est totalement écartée au profit d’un démontage purement artificiel (c’est leur droit mais c’est aussi le mien de ne pas marcher dans la combine ,-)

    • Mais tu te fixes sur un truc alors que justement je réponds que ce n’est qu’un élément parmi bien d’autres. :)
      Et que même sans la partie quantification mécanique, illes montrent bien que même au niveau du contenu (donc ce que des humains lisent et comprennent), l’argumentation reste valable puisque même lorsque ce sont les femmes qui parlent c’est presque toujours pour parler du même mec. Et que donc la mise en avant (que fait l’auteur lui-même dans des interviews) de l’écriture « chorale », tombe à l’eau, et n’est pas vraiment opérante : les femmes dans l’ensemble vont continuer à avoir du mal à rentrer dedans et à se sentir comme un personnage parmi d’autre (argument de Damasio pour l’écriture chorale), comme dans tout autre œuvre mainstream (Bechdel test fail).

      Quand au plaisir, ça n’a aucun rapport avec cette analyse, c’est désamorcé dès l’introduction : parmi les auteurices, certain⋅es ont aimé le livre, ont pris du plaisir à le lire, et illes aiment généralement ce que fait Damasio. C’est expliqué très clairement dès le début que ce n’est pas du tout une analyse littéraire du livre et qu’à aucun moment ça n’entre en ligne de compte. C’est une analyse purement et uniquement du contenu politique de l’œuvre, donc peu importe le plaisir ou pas qu’on a eu à le lire, c’est totalement hors-sujet de ce texte.

      Nous ne cherchons pas à répondre à la question «   Qu’a voulu dire l’auteur   ?  » mais bien «   Quel sens fabrique le texte  ?  ». Il n’est pas non plus question de porter un jugement sur les personnes qui ont apprécié cette œuvre. Il nous semble tout à fait possible d’aimer une histoire tout en reconnaissant ses limites et ses défauts.

      […]

      Tentons donc d’analyser quels peuvent être les impacts des Furtifs, ce que produit politiquement le livre. Nous vous laissons cependant l’exercice de pointer les contradictions avec les positions publiques de l’auteur.

    • Très sincèrement, pour tout te dire, j’ai trouvé l’intro suspecte, tellement hypocrite. Ce qui a probablement orienté à mon tour la lecture du papier :-) Allez, c’est pas grave.

      (reste que si on enlève le plaisir à un roman, l’analyse uniquement sémantique tombe à l’eau, de facto, hé hé)

      Et, que dire, de l’argument de auteur = ce que dit son œuvre = ce qu’il dit en dehors. On en est encore là ? Franchement ? C’est vraiment nier toute notion du geste littérataire...

    • Oui cette police de la pensée est effrayante. On ne peut éviter de penser à une absence de représentation de la littérature pour ces commissaires, ce n’est qu’une catégorie parmi d’autres dans la production de textes, que l’on peut passer à la moulinette numérique des sripts python.

    • Moi je trouve ça très bien, utile et pertinent. Mais c’est peut-être parce que ça rejoint l’idée que je me suis faite de Damasio à la lecture d’un de ses romans (dont j’ai oublié le titre) — une histoire de mec à moto qui emballe des meufs au nom de la révolution.
      Sur le fond je ne vois pas le problème à traiter les romans comme toute autre production intellectuelle et à les critiquer et en mouliner la matière de la même manière que les autres : scénarios de films (Bechdel), bouquins de management (Boltanski et Chiapello), nécrologies publiées dans un bulletin des anciens élèves (Bourdieu).
      Un roman ne se résume certes pas à un nombre de signes, pas plus qu’un film se résume à ses dialogues ou un tableau à un tas de pigments colorés. Mais le fait de regarder les couleurs n’interdit pas d’autres analyses ni d’autres points de vue.
      Pour ma part je m’interroge sur la violence des réactions que cette étude suscite.

    • Tout pareil que @fil, jusqu’à la dernière phrase ! Et merci @rastapopoulos pour les précisions.

      L’analyse quanti de corpus en littérature, c’est pas un alpha et oméga, c’est une approche en plus, pas récente, et qui aide à comprendre le texte (et ce qui pour d’autres que @davduf et plein de lecteurs est plutôt du malaise : La Horde du contrevent avec ses perso très genrés, très bigger than life comme dans les romans de droite, le faux côté choral qui met en valeur le chef « naturel », ça m’a pas donné envie de lire plus de Damasio). Quand à l’approche sociologique, la compréhension de l’horizon d’attente du lectorat, des tropes du moment, de l’idéologie des auteurs et de leurs stratégies sociales... c’est aussi très intéressant et je ne vois pas pourquoi ce serait faire offense à un auteur aussi « politique » que Damasio que de l’aborder aussi comme ça.

      Mais le plaisir de l’œuvre compte autant. Je regarde avec plaisir des merdes sexistes qui témoignent de leur époque (heureusement révolue, kof kof !).

    • Quand à la notion de plaisir, elle a été extrêmement vive au départ pour ma part, à chaque extrait de ci ou de ça que je lisais, consciente de la prouesse technique dans les allitérations, puis, et Alain Damasio l’a reconnu lui même quand nous nous sommes rencontré-e-s sur la zad, l’aspect mascu a commencé à me poser probleme.
      https://lundi.am/Abecedaire-de-la-ZAD
      (Oui c’est un portrait que j’ai fait de lui à l’occasion, ce serait aussi assez « amusant » de parler de comment il ne figure pas dans la sélection de ses photos de presse, etc. Et oui, le texte est bien « P comme Puissance ».)
      Fait assez « amusant » aussi, bien que tout à fait logique sentimentalement parlant, il s’est rapproché des figures les plus « héroïques » de ses romans qu’il a rencontré / retrouvés sur la zad quand, dans le même temps, nous étions d’autres non-héroïques à nous en éloigner à cause de validisme, de sur-représentation victorieuse, etc.
      Alors excuse moi, @davduf, mais pour qu’il y ait du plaisir, il faut qu’il n’y ait pas de gène. Et cette analyse arrive à point nommé après bien des attentes pour expliquer comment certaines visions dystopiques peinent à nous envoler plus loin, puisqu’il assume un rôle clairement de visionnaire politique dans toutes ses interviews, tant elles sont plombées par des schémas patriarcaux ancestraux. Elle me redonnera peut-être du plaisir et l’envie de lire, qui sait ? ;)

    • Mais vous avez tous le droit de brûler qui vous voulez (même si je trouve ça pas gentil en l’espèce) : ce n’est pas la question. La question est celle d’utiliser des scripts python et un texte incomplet mais plein de chapitres aux titres frémissants pour démolir un roman. Je réitère, je trouve ça ringard (@Antonin1 le dit lui-même, ça n’a rien de récent, ce qui est récent, c’est d’afficher sa techonologie en tête de gondole sur le blog en question, et d’exciter les geeks ici, hi hi)

      Je ne soulève que des questions de principe. Plaisir de lire (et d’écrire), capacité à séparer personnages d’un roman/son créateur. C’est absolument tout. Chacun ses priorités.

      Personnellement, le poids politique d’AD m’enchante et me donne bien plus d’espoirs que les scripteries citées plus haut. Voilà, tout, et j’en resterai là les amis.

    • C’est encore totalement hors sujet, script ou pas script il n’y a aucun rapport : là encore les auteurices de cette anlayse le disent dès le tout début : elles ne jugent aucune personne, donc pas Damasio non plus : elles jugent le texte et lui seul et ce qu’il produit politiquement. Peu importe qui l’a écrit, ce texte contient des idées politiques et il produit des effets politiques sur ceux qui le lisent : mais lesquelles, voilà ce que montre leur texte. Ensuite dans un deuxième temps, illes laissent le soin aux lecteurices de juger de leur côté si ces effets politiques sont raccords avec ce que cherche à faire l’auteur d’après lui-même, ya aucune invention là-dedans.

      Donc c’est vraiment la facilité pour détourner le sujet de dire « séparation entre l’auteur et son œuvre ». C’est bien l’œuvre qui est jugée ici, pas l’auteur.

      Ce qui n’empêche pas de juger l’auteur après-coup, une fois qu’on a vu que l’œuvre aboutissait à des conséquences politiques qui ne nous conviennent pas (mascu, culte héroique, pas chorale du tout, etc). Vu que cet auteur indique parfaitement lui-même être pro-révolutionnaire, et que son œuvre fait partie de ses idées. Et justement son poids politique serait plutôt inquiétant si c’est pour mettre en avant des idées qui ne nous plaisent pas.
      Mais je le répète ça c’est nous de notre côté, après-coup. Là pour ce qui est de l’analyse, c’est vraiment sur l’œuvre et que dit-elle, que produit-elle (= des choses pas super du tout politiquement).

      Sinon annexement, alors même que ces auteurices annoncent ne pas être des pro de l’écriture, pas des universitaires, mais des gens qui ont pris sur elleux des heures de boulot, de décortiquage, de notes, sur leur temps libre, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à publier le contenu au fur et à mesure, en plusieurs parties, comme tout bon vieux blog. C’est fort de détournement de critiquer sur ce point de la forme. :)

    • Ces échanges me font surtout penser qu’il semble difficile dans les romans de genre francophones de se départir du héros unique, christique, qu’il est encore difficile de parler de la sexualité hétérosexuelle, de la virilité de manière non stéréotypée, que les personnages sont des James Bond ou rien là où mine de rien, des auteurs anglo-saxons arrivent à mettre en scène des personnages avec des ambiguïtés. Je pense à la dernière trilogie de SF que j’ai lue, Rosewater, où si on a aussi un héros rédempteur-sauveur qui se la pète, il a des contrepoints divers, et a le mérite d’être ambigu dans le sens où il n’est pas tout puissant, y compris dans sa sexualité. Et il est entouré de personnages de femmes qui ne sont pas surnuméraires ou à son service.

  • Y’a pas que le Covid comme problème.
    « Le féminisme et ses soutiens conditionnels en Algérie : histoire d’une hypocrisie ontologique » par Sarah Haidar.
    https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/algerie-femmes-camera-cachee-feminisme-hypocrisie.

    Lors d’une autre rencontre, toujours en Kabylie et cette fois avec une audience exclusivement masculine, la même ritournelle revenait sur l’oppression des femmes qui serait uniquement liée à la religion et notamment au voile.

    Un homme s’est distingué alors et a fustigé vertement l’assistance en lui demandant ce que faisaient les femmes du village pendant qu’eux s’offraient le plaisir d’assister à un café littéraire. Sans attendre la réponse, il a asséné : « Vous n’êtes peut-être pas des islamistes et vos épouses, sœurs et filles ne portent certainement pas le voile mais elles sont en train de préparer votre dîner et faire le ménage pendant que vous vous égosillez sur le féminisme » !

    En Kabylie, comme à Alger, Paris ou Beyrouth, l’hypocrisie et les tentatives de récupération et d’instrumentalisation sont multiples et protéiformes, mais un point commun les caractérise : la crainte du féminisme !

    Une crainte d’autant plus inassumée qu’elle puise souvent ses racines dans un instinct grégaire refoulé et une peur panique d’une perte totale des privilèges masculins, lesquels sont tellement ancrés dans la société qu’ils sont devenus une évidence, voire un « mythe » nié par les privilégiés eux-mêmes quand ils se revendiquent « amis de la femme » !

    #Algérie #Féminisme

  • Le roman algérien
    https://www.nova-cinema.org/prog/2020/176/alger-en-resistance/article/le-roman-algerien

    Katia Kameli, 2016 -2017 - 2019, FR-DZ, FR AR ST FR, 95’

    Vidéaste et artiste, Katia Kameli a conçu ces trois films en triptyque et les présentent dans ses expositions. Projetés tous les trois ensemble, les uns après les autres, ils viennent magistralement conclure ce programme algérien. A travers un marchand de carte postale à Alger, la jeune cinéaste interroge d’abord la manière dont une société s’invente son roman national, construit ses archétypes, se représente à elle-même. Dans un second temps, accompagnée de Marie-Josée Mondzain, philosophe des images et de l’écrivaine Wassyla Tamzali, elle revient sur ce qu’elle a tourné dans un dispositif de mise en dialogue des images. Enfin, dans un troisième temps, autour de la figure d’Assia Dejbar, dont on pourra découvrir des extraits de son premier film, (...)

  • design notes, a bit on definition hell, and building an “art toy”…
    http://www.nathalielawhead.com/candybox/design-notes-a-bit-on-definition-hell-and-building-an-art-toy

    I keep talking about this, but I think it’s really fascinating how computer art tools typically are restricted to trying to simulate the art tools that happen in real life. We get very little expression that’s unique to the digital format. You actually have to work pretty hard in Photoshop to simulate glitch art. Even pixel art isn’t very directly supported (you kind of have to work a little to get that).
    So when you’re approaching an art tool and the specific goal is to be unique to digital art… designing that is really fascinating. Even just coming up with concepts of “Ok, how do you even support glitch art?” “How should someone draw with a glitch?” is an interesting problem to approach. There’s not defined design language for how you would enable “brokenness” in an art tool.
    Brokenness aside, what is unique to computers and how would you properly enable that in an art tool?
    Tool design is weirdly a lot like game design. When the tools are very new (unique, and no practical “art language” exists for their purpose), you also have to teach people how to use them. They have to be approachable enough for people to feel comfortable to mess around in them. You can’t have any sense of failure or judgement on part of the tool. If things were presented in such a way as there were “stakes” involved, or some kind of urgency for efficiency looming over experimental tools, then I think people would be too intimidated to explore them.
    Like surrealism, abstraction, or a humorous presentation (environment) for them helps a lot.

    The tone a program sets is how people will feel inclined to use it.

    • Il est temps de rappeller aux plus jeunes que le coup d’état de 1973 a permis aux Chicago boys des Milton Freedman d’abuser du peuple chilien pour établir le premier environnement de test pour leurs idées économiques.

      La brutalité du coup correspondait à la gravité des changements prévues.

      Costa Gravras en a paint une image impressionnate dans son film « Missing »
      https://www.youtube.com/watch?v=BJ9rvykHYV4&list=PL94wqL2y3C4SvPo3TPSeYTIbUKVMpoKRe

    • Il est temps de rappeller aux plus jeunes que le coup d’état de 1973 a permis aux Chicago boys des Milton Freedman d’abuser du peuple chilien pour établir le premier environnement de test pour leurs idées économiques.

      La brutalité du coup correspondait à la gravité des changements prévues.

      Costa Gavras en a paint une image impressionnate dans son film « Missing »
      https://www.youtube.com/watch?v=BJ9rvykHYV4&list=PL94wqL2y3C4SvPo3TPSeYTIbUKVMpoKRe

    • Je ne sais pas si vous avez parlé ou vu passer ces moments incroyables, peut-être le même sous deux angles différents (désolée pour l’origone des sources)
      Quand à la fin d’un air de Jara par un ensemble de guitaristes la foule chante en chœur :
      https://twitter.com/davycoenk/status/1188225694947561473
      quand un orchestre classique interprète Jara et que la foule chante à la fin à l’unisson :
      https://www.facebook.com/patricia.c.lanfranco/videos/10217874130663569

    • Quelques passages du livre de Naomi Klein, La stratégie du choc, sur le Chili :

      “Le coup d’Etat chilien s’assortit de trois types de chocs distincts, recette qui allait être suivie dans les pays voisins avant de resurgir, trois décennies plus tard, en Irak. La secousse imprimée par le coup d’Etat lui-même fut immédiatement suivie de deux types de choc différents. Le premier fut le ‘traitement de choc’ capitaliste de Milton Friedman, méthode à laquelle des centaines d’économistes avaient été initiés à l’université de Chicago et dans diverses franchises. L’autre fut la recherche d’Ewen Cameron sur les électrochocs, les drogues et la privation sensorielle, source de techniques de torture codifiées dans le manuel Kubark et, par le truchement des programmes de formation de la CIA, enseignées aux policiers et aux militaires d’Amérique latine.
      Ces trois formes de choc convergèrent sur les corps des Latino-Américains et sur le ‘corps’ politique de la région, et soulevèrent un ouragan irrépressible de destructions et de reconstructions, d’annihilations et de créations qui se renforçaient mutuellement. Le choc provoqué par le coup d’Etat pava la voie à la thérapie de choc économique ; les ces chocs de la salle de torture terrorisaient quiconque aurait pu songer à faire obstacle aux chocs économiques. De ce laboratoire du rééel émergea le premier Etat administré par l’école de Chicago.”

      Naomi KLEIN, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, 2008, pp.92-93.

      “Pour que la révolution néolibérale eût des chances de réussir, la junte devait donc réaliser ce qu’Allende avait déclaré impossible – arracher les graines semées pendant le virage à gauche de l’Amérique latine. (…) Dans les années 1960 et au début des années 1970, en Amérique latine, la gauche représentait la culture de masse dominante – la poésie de Pablo Neruda, le folklore de Victor Jara et de Mercedes Sosa, la théologie de la libération de prêtres du tiers-monde, le théâtre émancipateur d’Augusto Boal, la pédagogie radicale de Paulo Freire, le jornalisme radical d’Eduardo Galeano et de Walsh lui-même. La gauche, c’étaient aussi les martyrs et les héros légendaires de l’histoire ancienne et récente, de José Gervasio Artigas à Che Guevara en passant par Simón Bolívar. En entreprenant de faire mentir la prophétie d’Allende et d’éradiquer le socialisme, les juntes déclaraient la guerre à toute une culture”

      Naomi KLEIN, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, 2008, pp.130-131.

      “Au Chili, le plus important groupe de défense des droits de l’homme était le Comité pour la paix, composé de politiciens d’opposition, d’avocats et de dirigeants religieux. Ces militants de longue date savaient pertinemment que les luttes menées pour faire cesser la torture et libérer les opposants politiques n’étaient qu’un des fronts dans la bataille beaucoup plus vaste visant au contrôle des richesses du pays. Pour éviter de devenir eux-mêmes des victimes du régime, toutefois, ils abandonnèrent leurs traditionnelles dénonciations gauchisantes de la bourgeoisie et adoptèrent la toute nouvelle terminologie des ‘droits universels’, débarassée d’allusions aux riches et aux pauvres, aux faibles et aux forts, au Nord et au Sud. Les partisans de cette vision du monde, si populaire en Amérique du Nord et en Europe, se contentaient d’affirmer que chacun avait droit à un procès juste et équitable, sans traitements cruels, inhumains et dégradants. Simple affirmation, sans interrogation sur le pourquoi. En s’initiant au mélange de jargon juridique et de récits de vie qui caractérisent le lexique des droits de l’homme, les membres du Comité pour la paix comprirent que leurs compañeros étaient en réalité des prisonniers de conscience dont le droit à la liberté de pensée et d’expression, protégé par les articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avait été violé.
      Pour les personnes qui vivaient sous la dictature, le nouveau langage était essentiellement un code. A l’instar des musiciens qui, au moyen d’adroites métaphores, dissimulaient des messages politiques dans les paroles de leurs chansons, elles enrobaient leurs idées de gauche d’un jargon juridique – façon de s’engager dans la politique sans jamais prononcer le mot.
      Lorsque la campagne de terreur latino-américaine attira l’attention du mouvement international de défense des droits, qui croissait à vive allure, les militants concernés avaient leurs propres raisons d’éviter de parler de politique”

      Naomi KLEIN, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, 2008, pp.150-151.

  • Tou-te-s sur twitter ou tout contre twitter ?
    ... Mais est-ce bien la question ?

    La concomitance d’une mini masto-shitstorm, d’un billet de blog vengeur et de deux arte-ra-pistes me semble assez intéressante pour ramener ça par icite.

    1/ 18/09 : Dopamine (8/8)Twitter : https://www.arte.tv/fr/videos/085801-008-A/dopamine-8-8

    2/ 23/09 : Casus Boloss : Diplomatie : https://www.arte.tv/fr/videos/087070-008-A/casus-boloss-diplomatie

    3/ 05/10 : demande de conseils pour une passerelle twitter vers mastodon : https://mamot.fr/@Valk/102909561960031734

    4/ 18/10 : Twitter, mon amour : https://www.dadall.info/article711/twitter-mon-amour


    Bon, pour moi ça a plutôt fait 1/ 3 / 2 / 4 /

    Nous avons donc : début octobre, après avoir passé pas mal de temps à tenter de m’éloigner de #facebook et d’y limiter au mes interactions familiales (ça c’est fait !) et amicales (c’est compliqué !), je ne me sens pas plus à l’aise dans le fait d’être essentiellement présente sur #twitter plutôt que sur #mastodon (et ici), mais rien n’y fait, l’essentiel de la base de ma nourriture informative directe est dans le nid de l’oiseau bleu, pas sur le pelage du mamout bleu, dont certains choix vont même totalement à l’encontre de mes besoins.
    Je décide donc d’activer une passerelle entre les deux pour avoir plus d’interactions sur le second, m’y ancrer un peu plus, et renvoyer vers mastodon plutôt que twitter quand il me prend de faire des « thread ». Je demande un peu conseil sur la forme (pas sur le fond, sachant très bien pourquoi que je fais ça) : c’est le point 3/
    Après plusieurs avis arrivent quelques pouets moralisateurs en mode « oui mais non mastodon n’est pas une poubelle de twitter, on l’a pas créé pour ça ». J’ai coupé court assez vite (et assez vénère) à ce qui pour moi est un non-débat, j’y reviens plus bas...

    S’en suit, semble-t-il, d’autres pouets par-ci par-là, sur ce qu’est et n’est pas mastodon et ses règles, en tout cas dans la vision idéale de certains, et pourquoi importer twitter sur mastodon c’est Le Mal.

    Ma matière première, depuis longtemps et en essayant de m’y tenir, c’est un mix entre éduc pop et medias-libres. C’est faire passer des infos depuis la base, depuis celleux qui agissent pour changer les choses et qui participent à des luttes émancipatrices qui me semblent importantes ou qui prennent le temps de témoigner. Faire passer et parfois décrypter, le faire pas uniquement sur des plateformes protégées, ou de spécialistes, mais là où il y a plus de diversité. J’essaye de trouver un équilibre pour que ce que je « créé » avec de la valeur ajouté aie comme source un support libre, mais souvent l’équilibre est rompu par la nécessité de faire vite, particulièrement pour les débunkages comme ceux des hôpitaux Necker et de la Pitié-Salpétrière, par exemple, et parfois même, après grosse réflexion, twitter est LE support adéquat, comme quand je l’ai sciemment choisi pour dénoncer l’infox du JDD à partir d’une de mes photos... J’aurai aimé, d’ailleurs, pouvoir mener cette dénonciation de manipulation plus loin, j’ai tenté d’en faire un article fouillé, complet, mais force est de constater une fois de plus que ce type d’écriture, journalistique pour le coup, me demande une gymnastique intellectuelle au delà de mes capacités.

    Clairement, mes sources sont fréquemment sur des réseaux sociaux marchands et même si elles se déplacent un peu, facebook demeure hélas l’outil le plus fréquemment utilisé (#snapchat le supplante seulement chez les plus jeunes, le mouvement commence à se voir d’ailleurs).
    Clairement aussi, les algorithmes créent des bulles qui ne me font pas avoir une audience large, qui biaisent beaucoup, mais je crois toujours à la pollinisation (pas celle de Natacha, plutôt celle de Camille !)
    Twitter au milieu de tout ça est devenu une sorte de fil d’agences de presse géant, et tout ce qui « fait l’information » s’y retrouve. Dans la lignée de l’analyse d’Arte (le point 2/ ) j’y observe d’ailleurs, avec inquiétude, la campagne publicitaire que se fait, avec succès, un Alexandre Benalla (et comment celleux qui s’en moquent participent à cette campagne) tout comme j’y vois avec satisfaction de réels contre-pouvoirs s’organiser, comme l’opération de documentation-punk de @davduf, qui a tout pigé à l’outil...

    Tout ça pour dire que je suis (comme Dardel) plutôt lucide sur les effets pervers de ces réseaux marchands et leurs fonctionnements (point 1/ et multiples publications par icite) mais que recevoir des réponses comme celles qui m’ont été faites sur mastodon, et qui sont rassemblées dans le texte du point 4/, ça m’a d’abord énervée, bien sûr, mais ça a surtout souligné ce que je déplore chez une partie des libristes : une saleté d’élitisme de pré carré qui préfère couper les passerelles plutôt que les utiliser. J’avais eut la même sensation en lisant cet article sur #Darktable alors que je tentais de quitter Adobe : Je n’ai pas besoin de savoir comment marche un moteur pour conduire une voiture : https://darktable.fr/2019/06/je-nai-pas-besoin-de-savoir-comment-marche-un-moteur-pour-conduire-une-voi (attention, titre trompeur !) : cette manière de moquer et mépriser le mécréant plutôt que faire avec en restant conscient qu’une bêtise ou une fainéantise d’esprit ne peuvent tout expliquer, ça a le don de m’exaspérer. Cette manière de confondre outil et intention aussi.

    Parce que le plus important, avant tout, n’est-ce pas l’INTENTION ?

    Voilà. Fallait que je pose ça quelque part.
    Je me moque de Twitter et ne me fait aucune illusion, les choix de son fondateur sont de plus en plus capitalistes, même s’il reste encore un parfum d’ambiance libertaire de sa création qui lui faisait, à l’époque, préférer l’absence totale de censure plutôt qu’une censure orientée... mais quand on devient la caisse de résonance d’un Trump, on n’a guère de leçon de conduite à donner, c’est clair.
    J’ai participé à ce qui fait s’effondrer lentement mais surement la confiance en facebook. A un micro-micro-niveau, j’ai râlé des années durant sur celleux qui ne publiaient que sur ce réseau-là leurs textes de fond anticapitalistes, tout en impulsant une manière de faire « exemplaire » à une « grosse page » militante. Ça c’est fait. Et je compte bien continuer dans le même esprit sur chaque outil qui me semblera bon d’utiliser pour ne pas informer qu’un seul type de public, celui qui a bien tout compris. Je ne suis surtout pas en train de critiquer des initiatives comme #framasoft, #crabgrass et autres #medias_libres, etc., bien au contraire, j’en ai terriblement besoin quand, une fois de temps en temps, une personne se tourne vers moi et me demande comment faire pour s’y créer un compte et un réseau. C’est rare, y’en n’a pas un sur cent, mais pourtant ça existe... Et c’est pour ça aussi que j’y reste !

  • Mona Chollet et les sortilèges

    https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-31-octobre-2019

    Mona rules.

    En quelques années, elle est devenue l’une des grandes voix de la pensée du féminin. L’année dernière, elle publiait « Sorcières, la puissance invaincue des femmes », et se penchait sur l’histoire niée et méconnue de persécutions qui n’ont pas fini de nous hanter. Mona Chollet est l’invitée d’Augustin Trapenard.

    #grande_voix #mona_chollet #on_est_fier_de_mona

  • Pourquoi sommes-nous dirigés par tant d’hommes incompétents ? - HBR
    https://www-hbrfrance-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/08/27444-pourquoi-sommes-nous-diriges-par-tant-dhommes-incompetents/?amp=1
    Je prends les caractérisations genrées pour de la pure construction sociale : il est absolument vrai qu’on éduque les garçons pour prendre toute la place, s’affirmer et avoir confiance en eux (on les poussent) et que les filles sont plutôt brimées et régulièrement renvoyées à leur (prétendues) limites et donc poussées à non seulement toujours douter d’elles-mêmes, mais aussi à se sentir illégitimes quand elles parviennent à dépasser (partiellement) cette programmation sociale.

    Je dirais même que l’une des « qualités » les + recherchées chez les dirigeants, c’est la #brutalité. Et pas besoin de vous faire un gros dessin au Stabilo pour comprendre tout ce que cela implique à tous les niveaux.

    L’implication paradoxale de ces résultats est que ce sont les mêmes caractéristiques psychologiques qui expliquent l’ascension professionnelle des #hommes et leur chute. Autrement dit, les caractéristiques dont il faut faire montre pour obtenir un poste de direction sont non seulement différentes, mais aussi à l’opposé de celles requises pour réussir. Résultat, pléthore d’incompétents sont promus à de tels postes au détriment d’individus mieux qualifiés. Sans surprise, on notera également que bon nombre des caractéristiques attribuées aux « leaders » se retrouvent couramment chez les individus qui souffrent de troubles de la personnalité tels que le narcissisme (Steve Jobs et Valdimir Poutine), la #psychopathie (je vous laisse ici choisir le nom de votre despote préféré), la théâtralité (Richard Branson et Steve Balmer) ou le machiavélisme (quasiment tous les politiciens au niveau national). Ce qui est triste, ce n’est pas tant que ces personnalités ne soient pas représentatives du manager moyen, mais que le manager moyen échouera précisément à cause de ces traits de caractère qui lui auront permis de se hisser au sommet.

  • Vers une société contributive de #pair_à_pair – 3
    https://framablog.org/2019/10/28/vers-une-societe-contributive-de-pair-a-pair-3

    Et si le pair-à-pair devenait le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? – Troisième volet de la réflexion de Michel #bauwens (si vous avez raté le début, c’est par ici). Source : Blueprint for #P2P Society par Michel Bauwens … Lire la suite­­

    #Contributopia #Internet_et_société #Big_society #Brest #Collaboration #Partenaire #pourvoyeur #societe

  • Summer 1961: When France Was Considering Creating a “French Israel” in Algeria - THE FUNAMBULIST MAGAZINE
    https://thefunambulist.net/history/summer-1961-france-considering-creating-french-israel-algeria

    De Gaulle commissions French parliamentary Alain Peyrefitte to consider scenarios of a partition of Algeria in which French interests will remain. In a report that was shortly later published as a book, Peyrefitte thus imagine six hypotheses of partition in a program that he (and many with him) candidly calls an “Israelization of Algeria.” The idea would be to declare the Sahara southern region a “neutral” territory, while the populated north of Algeria would be divided between the new independent Algerian state and another one gathering the European settlers and Algerians who would like to remain French, closely affiliated to France. Although Peyrefitte systematically refers to Israel and its successes (!) throughout his report, he writes that he would prefer a “French-Muslim Lebanon” than “a French Israel” — he indeed considers the hostility of Israel’s neighbors as somehow not desirable for this new state! The most limited scenario would consists in two French ‘islands’ around the cities of Oran and Bone (current Anaba), where the settlers are in majority, while the most extensive one would cover the entire northwestern part of Algeria, all the way to Algiers, which is imagined as a shared city in all hypotheses — remember, we are in the summer of 1961, exactly when the Berlin wall starts to be built.