La paragraphe sur les 2,6% d’hospitalisations dans l’article du Monde est remarquable par son champ sémantique systématiquement positif (« bien inférieur à une première estimation », « une minorité de patients »…).
Pour préciser leur tableau de l’épidémie, les épidémiologistes ont aussi calculé la probabilité pour une personne infectée d’être hospitalisée. Selon leurs calculs, elle s’élève à 2,6 %, ce qui est bien inférieur à une première estimation de 4,5 % réalisée sur la base des données chinoises. Une fois hospitalisés, une minorité des patients doivent être admis dans un service de réanimation : c’est le cas de 18,2 % d’entre eux, après un délai moyen d’hospitalisation d’un jour et demi. Sans surprise, la probabilité de devoir aller en réanimation augmente avec l’âge, avec un « plafond » à 70 ans. Au-delà, les malades sont plus rarement transférés dans ces unités-là, car les chances de guérison sont très faibles.
Il suffit pourtant de considérer 2,6% de 70% de 67 millions de français, ça fait 1,2 million de personnes hospitalisées avant d’arriver à l’immunité de groupe pour calmer cet enthousiasme.
Et comme je l’ai déjà fait remarquer ici :
▻https://seenthis.net/messages/845839#message845855
l’ordre de présentation des informations est rigoureusement inversé par rapport au communiqué de Pasteur, donnant l’impression qu’on espère l’immunité de groupe, et que les considérations sur le risque mortel que ça représente pour des centaines de milliers de personnes est secondaire.
Ce qui fait par exemple que la seconde partie du texte est intertitrée :
En Ile-de-France, 12 % de la population immunisée
avec force considérations sur les « taux d’immunisation » des différentes régions du pays alors que, pour rappel, l’immunisation après contamination n’est pas encore certaine : ici « immunisé » et « taux d’immunisation » est un pléonasme trompeur pour « contaminé » et « taux de personnes qui ont été contaminées » (donc, derrière, des hospitalisations, des gens en réanimation, et des morts).
Là encore, le champ sémantique utilise des termes négatifs pour les régions où il y a eu moins de contaminations (et donc moins de morts) – « elle chute à moins de 2% », « moins de 6% de la population seulement… pose un problème majeur ». D’avantage de contaminations (donc plus de morts) est décrit de façon neutre et décontextualisée, comme dans l’intertitre, ou « a davantage circulé… », « ait pu développer… ».
Les considérations sur les morts et les hospitalisations arriveront bien plus tard, et en plus avec ces champs sémantiques qui occultent la gravité du massacre.
Par exemple sur les morts (0,5% de 70% de 67 millions de français, ça représenterait 250 000 morts, calcul qui n’est évidemment pas fait dans l’article), l’utilité de l’estimation de 0,53% est résumée au fait que ça permet d’estimer le nombre de personnes infectées au départ :
A partir de là, il a suffi aux épidémiologistes de « remonter le temps ». « Si vous avez 100 morts et que la probabilité de mourir lorsqu’on est infecté est de 0,5 %, on peut en déduire le nombre de personnes infectées au départ », explique Simon Cauchemez.
Et la seule autre considération, dont la dérive eugéniste est pourtant de plus en plus flagrante :
Ces estimations varient cependant beaucoup selon l’âge et le sexe : le taux de létalité n’est que de 0,001 % chez les moins de 20 ans, mais s’élève à 8,3 % chez les plus de 80 ans.
Ah là là, vivement qu’on soient tous contaminés ! (Oups, pardon : « immunisés ».)