https://www.revue-ballast.fr

  • BALLAST • Coup d’État au Pérou : grève générale face à l’extrême droite
    https://www.revue-ballast.fr/coup-detat-au-perou-greve-generale-face-a-lextreme-droite

    Depuis le mois de décembre, le Pérou s’en­fonce dans une dic­ta­ture civique et mili­taire. L’extrême droite et l’ar­mée ont confis­qué le pou­voir au pré­sident socia­liste Pedro Castillo, démo­cra­ti­que­ment élu, après que ce der­nier a sou­hai­té dis­soudre le Parlement pour enga­ger un nou­veau pro­ces­sus consti­tuant. Sa vice-pré­si­dente Dina Boluarte a pris sa place le 7 décembre 2022. Depuis, la répres­sion à l’é­gard des par­ti­sans de Castillo, majo­ri­tai­re­ment issus des popu­la­tions indi­gènes et pay­sannes du pays, est san­glante : on compte une soixan­taine de morts. La mobi­li­sa­tion popu­laire exige la tenue immé­diate d’é­lec­tions, la démis­sion de Boluarte et la convo­ca­tion d’une Assemblée consti­tuante. Les élec­tions, déjà avan­cées de 2026 à 2024, pour­raient se dérou­ler à la fin de l’an­née : trop tard, estiment les mani­fes­tants, les insur­gés et la gauche de l’Assemblée. C’est main­te­nant qu’elles doivent se tenir. L’heure est donc à la soli­da­ri­té inter­na­tio­nale. ☰ Par Caroline Weill

    #Pérou #extrême_droite #dictature #néolibéralisme

  • BALLAST • L’abécédaire de Virginia Woolf
    https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-virginia-woolf

    Guerre : « Les femmes anglaises ont été très cri­ti­quées pour avoir eu recours à la force dans leur lutte pour le suf­frage. […] Ces cri­tiques, appa­rem­ment, ne s’appliquaient pas à la force uti­li­sée dans la guerre euro­péenne. Le vote en effet a été don­né aux femmes anglaises en grande par­tie en rai­son de l’aide qu’elles ont appor­tée aux hommes anglais dans leur uti­li­sa­tion de la force dans cette guerre. » (Trois Guinées [1938], Éditions des Femmes, 1977)

    Homme : « […] nous nous appro­chons de ce com­plexe mas­cu­lin, une fois encore si inté­res­sant et obs­cur, qui eut une telle influence sur l’évolution des femmes, le désir pro­fon­dé­ment enra­ci­né dans l’homme, non pas tant qu’elle soit infé­rieure, mais plu­tôt que lui soit supé­rieur, désir qui l’incite à se pla­cer de façon à atti­rer tous les regards, non seule­ment dans le domaine de l’art, et à trans­for­mer la poli­tique en chasse gar­dée, même quand le risque qu’il court semble infime et la sup­pliante humble et dévouée. » (Une chambre à soi [1929], 10/18, 1996)

  • BALLAST • Paul Rocher : « Une #police démocratique est une contradiction »
    https://www.revue-ballast.fr/paul-rocher-une-police-democratique-est-une-contradiction

    Ensuite, croire que la police réus­sit une inter­ven­tion quand elle ne fait pas de #morts est une éva­lua­tion extrê­me­ment biai­sée qui occulte un phé­no­mène majeur : les bles­sés et les muti­lés. Les don­nées du minis­tère de l’Intérieur, à ce titre, sont inopé­rantes et inutiles. Le dis­cours ini­tial selon lequel il n’y a pas eu de vio­lences poli­cières à l’en­contre des gilets jaunes a été ajus­té ensuite avec un #chiffre d’environ 2 500 bles­sés, sans aucune expli­ca­tion. À côté de ça, on a une source autre­ment plus fiable, celle des street medics, qui donne une esti­ma­tion sta­tis­tique arri­vant à 25 000 bles­sés durant tout le mou­ve­ment (incluant la période de la contes­ta­tion de la réforme des retraites en 2019 et 2020), dont 3 000 graves. Si on prend en compte les consé­quences des gaz lacry­mo­gènes, on monte même à plus de 300 000 per­sonnes tou­chées. Et là, on ne compte que les bles­sures phy­siques. C’est consi­dé­rable et extrê­me­ment pré­oc­cu­pant : la police occa­sionne des bles­sures durables. Mettre l’accent sur les morts, c’est occul­ter l’explosion des vio­lences poli­cières. S’en tenir uni­que­ment au main­tien de l’ordre en mani­fes­ta­tion est biai­sé, enfin, parce qu’il y a des morts asso­ciés aux inter­ven­tions poli­cières qui ont lieu dans d’autres cadres que celui-ci, mais qui res­tent sous la res­pon­sa­bi­li­té du préfet.

    Un peu comme s’arrêter aux seuls morts du #covid pour juger de l’efficacité de la politique sanitaire.

  • BALLAST • Cartouches
    https://www.revue-ballast.fr/cartouches-80

    Avec Contagion sociale, le col­lec­tif Chuang livre sans nul doute l’analyse la plus convain­cante de la poli­tique sani­taire chi­noise durant la pan­dé­mie de Covid-19, mais aus­si une inter­pré­ta­tion glo­bale ori­gi­nale du fonc­tion­ne­ment et du sta­tut his­to­rique de l’État chi­nois. Rares sont les ouvrages por­tant sur la Chine contem­po­raine qui com­binent ain­si témoi­gnage, ana­lyse his­to­rique et renou­vel­le­ment théo­rique. D’un côté les médias, la presse domi­nante, mais aus­si les sino­logues les plus recon­nus, nous ont accou­tu­mé à l’image d’une Chine sur­puis­sante et dys­to­pique, face à laquelle l’alternative, ou mieux, le remède, ne peut être que la « démo­cra­tie » libé­rale. De l’autre, les thu­ri­fé­raires d’un « socia­lisme réel », prêts à débus­quer le moindre signe de fas­cisme dans les pays occi­den­taux dans les­quels ils vivent, conti­nuent de faire montre d’une indul­gence pro­pre­ment sidé­rante à l’endroit de la Chine — d’un coup, la répres­sion, qu’elle soit sani­taire ou eth­nique, devient ima­gi­naire, inven­tée par les puis­sances occi­den­tales. Mais ces deux visions se rejoignent dans le fan­tasme d’un État chi­nois extrê­me­ment puis­sant, dia­bo­lique pour les pre­miers, bien­fai­teur pour les seconds. Chuang met en pièces ce double mirage en mon­trant que c’est pré­ci­sé­ment en rai­son de sa fai­blesse que le gou­ver­ne­ment chi­nois s’est vu contraint d’adopter les mesures de confi­ne­ment que l’on sait, et que si l’on devait admettre quelques « réus­sites » sta­tis­tiques dans la ges­tion sani­taire du Covid-19, au moins au début de la pan­dé­mie, celles-ci ne sont nul­le­ment dues aux mesures éta­tiques mais bien plu­tôt aux actions menées par des gens ordi­naires à une échelle locale. L’État n’est que cette ins­tance qui énonce des direc­tives vagues, avant de sanc­tion­ner a pos­te­rio­ri les ini­tia­tives prises à des éche­lons infé­rieurs. La des­crip­tion et l’analyse que Chuang fait des diverses uni­tés sociales et admi­nis­tra­tives en Chine popu­laire est à ce titre fort ins­truc­tive. Enfin faut-il signa­ler que Contagion sociale consti­tue un docu­ment pré­cieux pour qui sou­haite entrer dans le domaine lar­ge­ment incon­nu de la gauche anti-auto­ri­taire et anti­ca­pi­ta­liste chi­noise.

    Contagion sociale
    Guerre de classe et pandémie en Chine, Niet éditions
    https://niet-editions.fr/catalogue/contagion-sociale

    Chuang est un collectif communiste international dont la plupart des membres vivent en Chine. Dans Contagion sociale, ils relatent l’histoire inédite de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan et dans le reste du pays, et racontent les luttes quotidiennes de la population, prise entre le marteau d’un virus létal et l’enclume d’un État répressif.

    La croissance économique rapide mais fragile de la Chine a créé le terrain social et biologique propice à l’apparition de nouveaux virus mortels, dont le Covid-19 n’est que le dernier avatar. La pandémie a finalement permis l’émergence d’un nouveau mode de gouvernance contre-insurrectionnelle et d’une théorie émergente de l’art de gouverner.

    Au moyen d’entretiens, de récits et d’analyses de terrain, ce livre offre une vision incisive de la réponse aussi draconienne qu’inefficace de l’État chinois, ainsi que des stratégies de survie et de l’auto-organisation des travailleurs.

    « Largement documenté par des interviews et des témoignages, Contagion sociale démonte le stéréotype occidental d’une population atomisée dominée par un État omnipotent et souligne au contraire la capacité impressionnante de l’action populaire à répondre à l’échec des gouvernements et aux défaillances d’un faible système de protection sociale. »
    Mike Davis

    #Pandémie #Chine #livre

  • « La coalition, le rapprochement, ne sont pas à mes yeux des synonymes de la bien connue convergence des luttes : il n’est pas tant question de cheminer, un soir, vers un même lieu déterminé à l’avance — et par qui ? — que de faire raisonner, là où nous sommes déjà, les voix combattives qui, elles, n’y sont pas encore. Prendre part aux luttes émancipatrices implique cette forme de responsabilité : se savoir ne pas pouvoir lutter sur tous les fronts à la fois et œuvrer, bon gré mal gré, à faire exister, sur son front à soi, les autres luttes. C’est prendre part en prenant sa part. »
    https://www.revue-ballast.fr/les-animaux-avec-nous-nous-avec-les-animaux

  • #BALLAST#Cartouches (78)
    https://www.revue-ballast.fr/cartouches-78

    Les car­nets d’un appren­ti boxeur, leur reprise trente ans plus tard, un écri­vain mal­me­né par des vil­la­geois, une révolte maoïste en Inde, un poète qué­bé­cois, la classe mana­gé­riale éta­su­nienne, le sou­ve­nir de Makhno, un roman cré­pus­cu­laire et le sou­ci de l’au­to­no­mie : nos chro­niques du mois de juillet.

    ☰ Corps et âme — Carnets eth­no­gra­phiques d’un appren­ti boxeur, de Loïc Wacquant

    La des­ti­na­tion, on la connaît, ou croit la connaître : le ring, dans la salle muni­ci­pale ou dans le cen­ter de la ville, pour dis­pu­ter une pre­mière ren­contre ama­teur ou un énième match pro­fes­sion­nel. Lisant cela, le socio­logue Loïc Wacquant nous rétor­que­rait qu’à la boxe, de toute évi­dence, on n’y connaît rien. Car c’est par « la grise et lan­ci­nante rou­tine des entraî­ne­ments en salle, [par] la longue et ingrate pré­pa­ra­tion, insé­pa­ra­ble­ment phy­sique et morale » que doit com­men­cer toute étude de la pra­tique pugi­lis­tique — ce à quoi s’est adon­né l’au­teur trois années durant. Alors qu’un ouvrage récent per­met de reprendre l’a­na­lyse plu­sieurs décen­nies après l’en­quête de ter­rain menée par Loïc Wacquant dans un gym de Chicago, abor­der ces Carnets eth­no­gra­phiques d’un appren­ti boxeur per­met de sai­sir les impres­sions et réflexions du socio­logue encore vibrantes des exer­cices quo­ti­dien­ne­ment exé­cu­tés, à la fin des années 1980. Paru une pre­mière fois il y a plus de vingt ans, lar­ge­ment tra­duit, Corps et âme est deve­nu un clas­sique des sciences sociales, pour le pro­pos défen­du — le gym défi­ni en tant que « tanière », « usine » et « machine à rêves » — comme pour l’ap­proche adop­tée : s’en­tre­mêlent récits, extraits des jour­naux de l’au­teur, entre­tiens avec ses par­te­naires et entraî­neurs, ana­lyses dûment docu­men­tées de la boxe aux États-Unis et anthro­po­lo­gie du corps, du sacri­fice, de l’as­cèse, du désir. En somme, il s’a­git, lit-on en intro­duc­tion, de « mon­trer et démon­trer dans un même mou­ve­ment la logique sociale et sen­suelle qui informe la boxe comme métier du corps dans le ghet­to amé­ri­cain ». Partant de ce pro­gramme ini­tial, le dépliant à mesure que le sport se dévoile, Loïc Wacquant découvre par le biais d’une pra­tique un nœud ser­ré de rela­tions tenu par un coach, DeeDee, et par une com­mune dis­ci­pline cor­po­relle, avec laquelle il s’est frot­té. [R.B.]

    Agone, 2002

    ☰ Voyage au pays des boxeurs, de Loïc Wacquant

    La boxe, encore. Fin 1988, alors qu’il cherche une porte d’en­trée pour étu­dier les quar­tiers popu­laires dans le Southside de Chicago, le socio­logue Loïc Wacquant pousse celle du Woodlawn Boys Club, au milieu d’une 63e rue dévas­tée. À l’in­té­rieur, des corps — majo­ri­tai­re­ment noirs — en plein effort, enchaî­nant les exer­cices au rythme du coach DeeDee, avec pour seule musique celle des cordes vocales ten­dues par l’ef­fort, des poings sur les sacs, des pieds qui sau­tillent en rythme. Poussé par la curio­si­té, il s’ins­crit et enfile les gants. Son aven­ture dure­ra trois ans. Trente ans après, Voyage au pays des boxeurs est un récit de cette expé­rience. Ce n’est d’ailleurs pas un seul récit, mais au moins trois. L’analyse du socio­logue est ponc­tuée d’ex­traits de paroles d’in­ter­viewés, d’une riche ico­no­gra­phie consti­tuée de pho­tos en noir et blanc prises par l’au­teur, et aus­si d’ex­traits de notes de ter­rain, de plans, de cro­quis. Les images, sur­tout, super­be­ment mises en page, per­mettent de res­ti­tuer ce que le registre scien­ti­fique peine davan­tage à sai­sir : l’in­ten­si­té des com­bats, les corps ten­dus à se rompre, pous­sés à leurs limites, la cama­ra­de­rie au sein du groupe de boxeurs. Car pour eux, la boxe est « un mode de vie, […] une tech­nique de tout ton corps ». Et la salle est un lieu social, où les entraî­neurs aspirent à éloi­gner les jeunes des gangs et de la vio­lence de la rue, dans une ville où les homi­cides sont quo­ti­diens. « Sans la salle, beau­coup se retrou­ve­raient en taule. Ce gym, la boxe, elle sauve des vies, la boxe », affirme ain­si un entraî­neur. Et ce moins pour les oppor­tu­ni­tés éco­no­miques qu’elle per­met, les gains res­tant lar­ge­ment en-des­sous de sports tels que le bas­ket ou le foot­ball amé­ri­cain, que par « les béné­fices exis­ten­tiels » qu’elle offre, et la pos­si­bi­li­té d’ap­par­te­nir à un groupe par­ta­geant des valeurs com­munes basées sur l’ef­fort, l’ab­né­ga­tion et le « cœur ». Finalement, conclut l’au­teur, dans la boxe, « c’est le voyage qui compte plus que la des­ti­na­tion ». [L.]

    La Découverte, 2022

    ☰ Les Saisons, de Maurice Pons

    Siméon arrive dans une val­lée rurale iso­lée de tout, coin­cée entre les mon­tagnes et ryth­mée par deux sai­sons par­ti­cu­liè­re­ment longues. Il débarque dans un bien étrange vil­lage durant la « sai­son pour­rie » : la pluie constante, la boue, l’humidité et la sale­té imprègnent le lieu dans ses moindres recoins. Siméon est écri­vain, ou plu­tôt aspi­rant écri­vain. La seule richesse qu’il détient est un ensemble de feuilles de papier, qu’il espère pou­voir cou­vrir de récits. Plus que cela, Siméon a souf­fert, vécu bien des misères : « J’ai pas­sé ma jeu­nesse dans une cage, au milieu du désert. J’y ai connu des heures de souf­france dont vous n’avez pas idée. » Et c’est bien cette souf­france qu’il sou­haite retrans­crire dans son livre. Mais les vil­la­geois bour­rus ne voient pas son arri­vée d’un bon œil : l’accueil qu’ils lui réservent est pour le moins rustre, en déca­lage avec ses aspi­ra­tions lit­té­raires. L’auberge où il trouve refuge est rudi­men­taire : Mme Ham lui sert chaque jour des len­tilles — seul ali­ment culti­vable de la val­lée —, et il dort dans une pièce sans le moindre confort. Si son sou­hait de s’intégrer dans la com­mu­nau­té est sin­cère, très vite l’hostilité s’installe. On le regarde avec méfiance, l’incompréhension mutuelle gran­dit. L’animosité de cette rela­tion se sym­bo­lise dans la bles­sure qu’il se fait à l’or­teil en vou­lant frap­per contre un crâne de mou­ton qu’on lui a lan­cé. Il fera alors connais­sance avec le Croll, « méde­cin » local, ou plu­tôt rebou­teux qui prend en charge sa plaie. À la sai­son de la pluie suc­cède celle de la neige, du froid : « Le gel bleu, comme on disait, pou­vait durer trente à qua­rante mois. On hiber­nait. [T]ous les oiseaux qui devaient mou­rir étaient morts. Plus un bruit ne venait trou­bler le silence de la val­lée, sai­sie dans son cor­set de glace. » Siméon ne se décou­rage pas pour autant, per­siste dans son pro­jet, jusqu’à une forme d’absurdité gran­dis­sante. Un roman inat­ten­du, âpre, par­fois déran­geant, que l’on tra­verse por­té par une écri­ture sin­gu­lière. [M.B.]

    Christian Bourgois, 2020

    ☰ Le Livre de la jungle insur­gée — Plongée dans la gué­rilla naxa­lite en Inde, d’Alpa Shah

    Il y a des régions du monde où l’on se bat pour l’é­ga­li­té dans le silence le plus com­plet. Où la répres­sion se fait de plus en plus féroce à mesure que l’ap­pa­reil d’État se conso­lide, sans que la lutte ne dis­pa­raisse pour autant. L’une de ces régions est le « Corridor rouge » qui, à l’est et au centre de l’Inde, accueille la rébel­lion naxa­lite d’ins­pi­ra­tion maoïste depuis ses pre­miers remue­ments en 1967 dans le vil­lage de Naxalbari. Alpa Shah, anthro­po­logue bri­tan­nique d’o­ri­gine indienne, retrace l’his­toire de la gué­rilla et aborde son actua­li­té en s’y plon­geant tout entière. Spécialiste des popu­la­tions adi­va­sis qui regroupent de manière géné­rique les com­mu­nau­tés tri­bales en marge du sys­tème des castes en Inde, soit quelque 100 mil­lions de per­sonnes, l’au­trice confronte plu­sieurs années d’ob­ser­va­tion dans des vil­lages du Jharkhand avec une marche d’une semaine au sein d’un esca­dron de la gué­rilla naxa­lite. Et c’est dans cette confron­ta­tion ou, plu­tôt, ce dia­logue, que l’ou­vrage s’im­pose à la fois comme un grand récit cri­tique et comme l’é­tude pré­cise de l’im­plan­ta­tion ter­ri­to­riale d’un pro­ces­sus révo­lu­tion­naire uni­ver­sa­liste. Le compte-ren­du des nuits de marche et des ren­contres jour­na­lières alterne avec l’a­na­lyse mili­taire, fonc­tion­nelle et sociale de la gué­rilla. Plusieurs de ses membres servent à l’an­thro­po­logue d’ar­ché­type pour pré­sen­ter les pro­fils par­ti­ci­pant à la lutte : Gyanji, le lea­der dont l’as­cé­tisme reli­gieux pas­sé fait écho à l’aus­té­ri­té révo­lu­tion­naire ; Kohli, le jeune sol­dat adi­va­si qui pour­rait incar­ner l’avenir du mou­ve­ment ; Vikas, le par­ve­nu dont Alpa Shah se méfie ; Somwari, enfin, l’a­mie qui invite à confron­ter les naxa­lites à leurs éga­re­ments. En somme, c’est là une res­source ines­ti­mable pour ana­ly­ser d’autres mou­ve­ments révo­lu­tion­naires, pour prendre connais­sance de celui-ci en par­ti­cu­lier et, comme le rap­pelle en pré­face l’au­trice, pour ser­vir de point d’ac­croche afin de défendre les droits humains dans l’Inde xéno­phobe et isla­mo­phobe de Narendra Modi. [E.M.]

    Éditions de la der­nière lettre, 2022

    ☰ L’Homme rapaillé, de Gaston Miron

    « Je suis un homme simple avec des mots qui peinent ». Rien d’aus­si juste que cette phrase du poète pour décrire sa pra­tique ou l’i­nex­tri­cable sac de sens qu’est la poé­sie. La phrase est du Québécois Gaston Miron. L’histoire tumul­tueuse de son unique recueil, L’Homme rapaillé, cor­ro­bore ce constat tant il a été repris, aug­men­té, modi­fié depuis sa publi­ca­tion ini­tiale en 1970. L’Homme rapaillé est un champ où labour, semailles et récolte alternent en un même espace : « avec les maigres mots fri­leux de mes héri­tages / avec la pau­vre­té natale de ma pen­sée rocheuse / j’a­vance en poé­sie comme un che­val de trait ». Et der­rière la bête, tirée de toute ses forces, c’est la lit­té­ra­ture qué­bé­coise qui se presse. Car Miron n’a ces­sé, sa vie durant, d’œuvrer pour que l’« humi­lia­tion eth­nique » de sa langue et de son peuple soit ren­ver­sée par un art pro­pre­ment qué­bé­cois et par une indé­pen­dance de la pro­vince. Ainsi trouve-t-on dans ce recueil des textes hété­ro­clites : de courts poèmes sur un temps qui « fait un monde heu­reux fou­lé de vols courbes » et de longues marches amou­reuses où « rêves bour­rasques » et « taloches de vent » font « aimer fou de racines à feuilles », mais aus­si des réflexions sur une langue mineure, mise en échec par le fran­çais d’un autre conti­nent et par l’an­glais inter­na­tio­nal. Pour reprendre un texte fameux de Sartre écrit au sor­tir de la Seconde Guerre mon­diale, on pour­rait dire qu’a­vec ce recueil Miron a sou­hai­té, à son tour et depuis le contexte de son temps, décrire la situa­tion de l’é­cri­vain qué­bé­cois au moment où les aspi­ra­tions à l’in­dé­pen­dance se sont faites plus fortes. « Ma pauvre poé­sie en images de pauvres », ren­seigne l’au­teur. À la lec­ture de ce recueil cin­quante ans après sa paru­tion on ne sau­rait être d’ac­cord tant L’Homme rapaillé recèle d’é­carts et de déca­lages à même de renou­ve­ler la langue. [R.B.]

    Maspero, 1981

    ☰ Le Monopole de la ver­tu, de Catherine Liu

    Dans une pers­pec­tive qui se veut réso­lu­ment socia­liste, Catherine Liu livre dans cet essai une ana­lyse de la manière dont, aux États-Unis et depuis les années 1970, la classe « mana­gé­riale » amé­ri­caine qui se trouve aus­si au pre­mier rang d’un cer­tain pro­gres­sisme poli­tique et cultu­rel n’a ces­sé de mener une lutte inavouée contre les classes popu­laires. Cette classe cultu­rel­le­ment domi­nante et on ne peut mieux incar­née par les intel­lec­tuels et uni­ver­si­taires de gauche a ceci d’inédit, à par­tir du der­nier tiers du siècle pas­sé, qu’elle tire un plein béné­fice du sys­tème capi­ta­liste. Au constat selon lequel « les inté­rêts de la classe mana­gé­riale sont désor­mais davan­tage liés aux grandes entre­prises aux­quelles elle se rat­tache qu’aux com­bats de la majo­ri­té des Américains » s’ajoute la mono­po­li­sa­tion, par cette même classe, de toutes les valeurs posi­tives pro­mues par la moder­ni­té libé­rale. Ainsi cherche-t-elle à faire tenir ensemble l’exemplarité morale, l’exigence d’authenticité, l’impératif de trans­gres­sion des normes (à l’origine théo­rique), la supé­rio­ri­té cultu­relle et la quête des plai­sirs liée à la « libé­ra­tion sexuelle ». Derrière le mythe de la « démo­cra­tie » amé­ri­caine, inau­gu­ré par Tocqueville dans ses essais sur l’Amérique, où les citoyens sont décrits comme « égaux » par-delà les dif­fé­rences éco­no­miques et sym­bo­liques, force est d’observer que la socié­té amé­ri­caine est plus que jamais divi­sée en classes. Or, si la classe mana­gé­riale n’a presque rien de sem­blable à l’ancienne aris­to­cra­tie héré­di­taire, Catherine Liu montre que c’est bel et bien elle qui, dans les faits, et par­fois même plus que la droite réac­tion­naire, consti­tue un frein objec­tif à tout pro­grès social pour les classes popu­laires. D’où il res­sort que la confron­ta­tion Biden-Trump n’est qu’une sorte d’alternative du diable qui masque cette obser­va­tion si élé­men­taire, quoique sou­vent occul­tée par tout un pan du monde « pro­gres­siste » amé­ri­cain, et dont Liu veut nous rap­pe­ler la gra­vi­té : « le com­bat cru­cial de notre époque, c’est la lutte des classes au pro­fit d’une réelle redis­tri­bu­tion des res­sources ». [A.C.]

    Allia, 2022

    ☰ Souvenirs sur Nestor Makhno, de Ida Mett

    Paysan ukrai­nien deve­nu dans les années 1910 et 1920 l’une des figures de proue de l’anarchisme insur­rec­tion­nel et plus tard du « pla­te­for­misme », Nestor Makhno s’inscrit sans conteste dans l’histoire révo­lu­tion­naire mon­diale. Sa mémoire, cepen­dant, souf­frit long­temps de manœuvres de dis­cré­dit, qu’il fut ques­tion d’assimiler la Makhnovchtchina au ban­di­tisme ou de taxer ses par­ti­sans d’antisémitisme. C’est pour bonne part le docu­men­taire poé­tique réa­li­sé par Hélène Châtelain en 1995 qui per­mit de recom­po­ser un por­trait fidèle à ce que nous ont légué les sources his­to­riques. De même, les brefs sou­ve­nirs ici rédi­gés par Ida Mett, cama­rade et inter­prète de Makhno au cours des années qu’il pas­sa en France, furent écrits « dans l’intérêt de la véri­té his­to­rique ». Dans ces pages datées de 1948, on ne trou­ve­ra ni récit épique, ni recom­po­si­tion psy­cho­lo­gique, ni bio­gra­phie exhaus­tive. Comme sou­ve­nirs, ces lignes ne donnent que ce dont leur nar­ra­trice a l’assurance : des choses vues et enten­dues, des opi­nions, des frag­ments. En 1908, très jeune, Makhno est empri­son­né pour ter­ro­risme à la pri­son des Boutyrki, à Moscou, qui était alors « une sorte d’université révo­lu­tion­naire » per­met­tant échanges et confron­ta­tions d’i­dées. Lorsque la révo­lu­tion de février 1917 éclate, Makhno a 25 ans, sort de pri­son et gagne, pros­crit, la France où il vivra le res­tant de sa vie. Le livre ne s’attarde guère sur le détail de ses acti­vi­tés, mais rap­porte plu­tôt com­bien cet homme, qui « était et res­tait un pay­san ukrai­nien », pos­sé­dait à la tri­bune une « force de trans­fi­gu­ra­tion » com­pa­rable au « cou­rage phy­sique » dont il avait fait montre au com­bat. Cependant, dans la vie d’exil et de misère qu’il connut en France, Makhno ne fai­sait guère allé­geance à un anar­chisme stric­te­ment théo­ri­sé (tel celui de Kropotkine). « Il avait plu­tôt une espèce de fidé­li­té aux sou­ve­nirs de sa jeu­nesse, quand l’anarchisme signi­fiait une croyance que tout peut être chan­gé sur la terre et que les pauvres ont droit aux rayons de soleil ». [Y.R.]

    Allia, 2022 (1948)

    ☰ L’Incendie, de Tarjei Vesaas

    Jon sort de la mai­son et s’engage dans une suc­ces­sion d’espaces où le temps ne coule plus de lui-même. Coule-t-il seule­ment encore ? Lacs, rivières, prai­ries. Forêt, nuit, eau. Des routes, des camions, des mai­sons qui s’écroulent ou sur­gissent de l’obscurité. Jon avance sans savoir ce qui l’attend, et sans plus savoir ce qu’il est. Mais il y a dans cha­cune de ses per­cep­tions, dans chaque ren­contre inat­ten­due et inquié­tante, dans chaque parole pro­non­cée, tue ou enten­due, une forme d’implacable néces­si­té. Est-ce celle de la nature dont Jon suit les varia­tions lumi­neuses, les appels olfac­tifs, les salu­ta­tions tac­tiles ? Est-ce celle d’une folie dans laquelle il s’engage len­te­ment — ou qui le pré­cède déjà de loin ? Est-ce celle de tous les autres qui se trouvent sur son che­min ou viennent le cher­cher pour le rendre témoin de scènes dont il por­te­ra ensuite les traces et les échos comme autant de poids les­tant son cœur ? Ce roman de Tarjei Vesaas avance comme un long poème cré­pus­cu­laire. Les ombres, la brume, l’éclat d’un phare ou le scin­tille­ment de ron­delles de bois fraî­che­ment sciées entourent le per­son­nage, le cernent et l’aiguillent. Alors Jon avance, à bout de force ou furieu­se­ment, à pied ou en rêve. Œuvre de la matu­ri­té du grand auteur nor­vé­gien, écrit en 1961, L’Incendie appro­fon­dit une veine sym­bo­liste où l’on ne dis­tingue par­fois plus les voix venant du dedans de celles venant du dehors. À mesure que Jon croise les habi­tants dérou­tants de cette ville faite de mai­sons esseu­lées et de lacs aux rives vaseuses, sa propre voix résonne jusqu’à se confondre avec d’autres. Qu’ils soient inté­rieurs ou envi­ron­nants, les échanges de paroles, dans ce texte, dépassent la ques­tion du dia­logue ou de la dis­cus­sion : avec tout le mys­tère dont est char­gée la langue du poète nor­vé­gien, dire est pla­cé au même plan que mar­cher, ramer, s’asseoir. Nécessité et empê­che­ment sont joints de force. « Le grand but : qu’est-ce que j’ai fait de mon cœur ? De mon cer­veau et de l’obscurité ? C’est cela qu’on va voir main­te­nant. » [L.M.]

    L’Œil d’or & La Barque, 2022

    ☰ Terre et liber­té — La quête d’au­to­no­mie contre le fan­tasme de la déli­vrance, d’Aurélien Berlan

    Tierra y Libertad. Ces mots ont d’a­bord été ceux du révo­lu­tion­naire mexi­cain Ricardo Flores Magón au siècle der­nier avant d’être repris par de nom­breux peuples reven­di­quant une réforme agraire éga­li­taire dans leur pays, sur plu­sieurs conti­nents. Tierra y Libertad. Terre et liber­té. Philosophe et maraî­cher, Aurélien Berlan manie ces deux termes avec une même intel­li­gence et s’est atta­ché à la généa­lo­gie du second, pour le remo­bi­li­ser à l’aune de l’ac­tuelle crise socio-éco­lo­gique. La liber­té telle qu’on l’en­tend n’au­rait rien de sou­te­nable et s’op­po­se­rait, même, à une condi­tion humaine fon­da­men­ta­le­ment ter­restre. Selon lui, « le monde contem­po­rain s’est consti­tué à la faveur du désir d’être déli­vré de la vie poli­tique et maté­rielle, c’est-à-dire déchar­gé des tâches qui vont avec », tâches qui sont « dès lors prises en charge, donc prises en main ». À rebours d’une liber­té se résu­mant à la seule déli­vrance, Berlan valo­rise pour sa part une concep­tion tout autre, celle qui « passe par la prise en charge du quo­ti­dien » — soit une liber­té qui ren­voie au doux mot d’auto­no­mie. Être auto­nome, c’est embras­ser d’un même élan auto­suf­fi­sance maté­rielle et auto­dé­ter­mi­na­tion poli­tique. C’est, pour reprendre la pen­sée éco­fé­mi­niste à laquelle se réfère lar­ge­ment l’au­teur — celle, notam­ment, de la socio­logue alle­mande Maria Mies —, pen­ser la « liber­té dans la néces­si­té ». L’oxymore n’est qu’ap­pa­rent. Il s’a­git de sub­sti­tuer une concep­tion rela­tion­nelle et col­lec­tive à l’ac­tuelle appré­hen­sion abso­lue et indi­vi­duelle de la liber­té. Le phi­lo­sophe conclut : « Son acte fon­da­teur n’est pas une décla­ra­tion d’in­dé­pen­dance, mais une recon­nais­sance d’in­ter­dé­pen­dance. » [E.M.]❞

    • Est-ce que qqun a des infos sur l’auteur du dernier ouvrage mentionné (Aurélien Berlan), il est cité comme « apparaissant sur les affiches de campagnes de Marine LePen » (dans le podcast « Floraisons », site dont des intervenants sur l’oiseau bleu semble pointer les accointances avec des idées d’extrême droite ou plutôt réactionnaires, cf. lien ci-dessous), ce qui me semble contradictoire avec la présence ds les ’cartouches’ de la géniale revue BALLAST...
      Merci

      https://www.youtube.com/watch?v=CBkH-H0g5bU

    • Je pense que tu fais référence à ce passage, dans l’introduction du podcast :

      Alors qu’il fait son apparition sur les affiches de campagne de Marine Le Pen, qu’il est scandé plusieurs fois en manifs à l’occasion de l’opposition contre le pass sanitaire, mais qu’on le retrouve aussi dans la bouche des milliardaires de la Silicon Valley n’ayant l’espace comme seul horizon, il s’agira avec cet entretien de disséquer et de se réapproprier le terme de liberté.

      A priori, Aurélien Berlan n’a jamais fait campagne pour Marine Le Pen...

  • Tiens, je tombe sur une rencontre Lordon-Besancenot de 2017. Détail rigolo, le débat est animé par Laélia Véron.

    BALLAST • Quel internationalisme ? Rencontre Lordon-Besancenot
    https://www.revue-ballast.fr/internationalisme-rencontre-lordon-besancenot

    Une ren­contre Lordon-Bensancenot sur l’in­ter­na­tio­na­lisme : rien qu’à voir l’é­ti­quette, déjà tout le monde salive. Les deux com­pères sont d’ex­cel­lents ora­teurs, d’au­then­tiques pen­seurs, ils che­minent ensemble dans le ter­ri­toire d’une gauche radi­cale exi­geante avec juste assez d’é­cart entre eux pour que leur débat soit à la fois néces­saire et pos­sible. Pour Besancenot, l’in­ter­na­tio­na­lisme est la condi­tion de toute poli­tique, et la réfé­rence à la nation ouvre tou­jours le risque d’un repli sus­cep­tible de nous pri­ver des contacts avec ce qu’on appe­lait jadis le « pro­lé­ta­riat », caté­go­rie vaste où l’on pou­vait se retrou­ver par-delà les fron­tières. Pour Lordon, l’in­ter-natio­na­lisme ne se conçoit qu’a­vec un tiret qui recon­naît qu’il faut bien, pour qu’elles inter­agissent, qu’il y ait des nations, c’est-à-dire des péri­mètres d’exer­cice réel de la sou­ve­rai­ne­té. On voit dès lors où se joue la dis­cus­sion : sur la ques­tion de ce péri­mètre, celui de ce « nous » à par­tir duquel peut se bâtir un pro­jet social émancipateur.

    https://www.youtube.com/watch?v=thUEmJy6pc0

  • À Ceuta et Melilla, ces travailleuses qu’on prend et qu’on jette | Pepa Suárez
    https://www.revue-ballast.fr/a-ceuta-et-melilla-ces-travailleuses-quon-prend-et-quon-jette

    Il y a deux ans et demi, les frontières entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, sur le continent africain, fermaient leurs barrières. Alors que la situation sanitaire des deux pays laissait entendre une réouverture au cours de l’année 2021, une crise diplomatique en bloqua le processus : l’Espagne a accueilli dans l’un de ses hôpitaux Brahim Ghali — le chef du Front Polisario, réclamant l’indépendance du Sahara occidental — et, en guise de représailles, le Maroc a laissé passer plusieurs milliers de personnes souhaitant quitter le pays. La crise résolue, la réouverture de la frontière paraissait, fin mai 2022, une formalité doublée d’un soulagement pour les familles qui avaient été séparées si longtemps. Quelques jours plus tard, pourtant, le constat est clair : pas de (...)

  • Mères | Fatima Ouassak
    https://www.revue-ballast.fr/meres

    « La maternité n’est généralement pas pensée par le féminisme : on se retrouve sans outils », avançait Fatima Ouassak lorsque nous l’avions rencontrée durant l’été 2019. Et d’expliciter le sens de l’organisation syndicale qu’elle a cofondée, le Front de Mères : « Les femmes [y] prennent le micro et le pouvoir. Les mères y sont sujets politiques, et révolutionnaires ! » L’auto-organisation, donc — à l’échelle du quartier, de l’école, de sa ville (Bagnolet). Depuis un an, son syndicat s’investit dans un lieu dédié à l’écologie populaire, Verdragon, initié aux côtés d’Alternatiba Paris. Nous publions en ligne le texte que Fatima Ouassak a écrit pour l’ouvrage collectif Feu ! Abécédaire des féminismes présents, coordonné par la philosophe Elsa Dorlin aux éditions Libertalia. « Mères », de son titre : ou « un (...)

  • « Installer un million de paysans dans les campagnes, seule façon de limiter le recours aux pesticides »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/01/nous-avons-pour-objectif-d-installer-dans-les-campagnes-francaises-un-millio

    Je m’appelle Nicolas Mirouze, je suis vigneron dans les Corbières (Occitanie), mais aussi ancien élève d’AgroParisTech et sociétaire de la coopérative d’intérêt collectif L’Atelier paysan, qui agit pour un changement de modèle agricole et alimentaire. Je me suis établi en 1999 sur un domaine viticole en agriculture conventionnelle et j’ai décidé, dès la deuxième année, de changer de mode de culture, en délaissant les engrais chimiques et en limitant l’emploi de pesticides. Il m’a fallu vingt longues et difficiles années pour m’extraire complètement du modèle de l’agriculture industrielle intensive tout en rendant ma ferme pérenne. J’ai aujourd’hui 50 ans, j’en avais 27 le jour ou j’ai décidé de « bifurquer »

    #agriculture #agroécologie #paywall

    • la suite :

      En France, une partie non négligeable de la population n’a pas les moyens de l’alimentation qu’elle voudrait choisir. Parfois, elle ne peut même pas acheter l’alimentation la moins chère disponible en grande surface : c’est ainsi que, selon l’inspection générale des affaires sociales, 5,5 millions de personnes en grande précarité alimentaire dans la France de 2018, antérieure à la crise due au Covid-19, se procuraient leurs repas quotidiens grâce à l’aide alimentaire.

      Cynisme

      Cette aide, devenue systémique en France, est distribuée par plus de 200 000 bénévoles, qui subissent quotidiennement toute la violence de cette pauvreté. Elle est abondamment pourvue par les surplus inconsidérés de l’agriculture industrielle intensive (car il faut toujours produire plus) et participe directement à la compression des coûts des produits agricoles et donc à la diminution du revenu des agriculteurs. Elle est également abondamment pourvue par les invendus de la grande distribution, qui se voit ainsi dotée d’une efficiente filière de recyclage. Comble du cynisme : cette nourriture « recyclée » est une source de défiscalisation pour des entreprises dont la contribution est assimilée à un don. Peut-on continuer à traiter d’une façon aussi indigente les plus pauvres d’entre nous, les bénévoles qui les soutiennent, les paysans qui voudraient les nourrir ?

      L’autre face de cette triste réalité est que, sur la période 2010-2019, 77 % des revenus des agriculteurs proviennent des aides nationales et européennes. Sur la même période, 25 % des agriculteurs ont un revenu annuel moyen inférieur à 8 400 euros. Sur l’année 2018, 14 % des exploitations françaises ont un résultat courant négatif, selon les chiffres publiés en 2020 par le ministère de l’agriculture. Ce tableau stupéfiant est celui d’un système qui ne fonctionne pas du tout, qui – sans même parler de dégâts écologiques, de rendements énergétiques négatifs ou de perte de qualité nutritive – ne remplit aucun de ses objectifs initiaux : rémunérer les agriculteurs pour qu’ils fournissent une alimentation suffisante, satisfaisante et à la portée de tous.

      Parmi toutes les technologies paysannes que nous défendons à L’Atelier paysan, la machine tient une position singulière. Nous accompagnons des agriculteurs à concevoir des outils qui sont assemblés lors de formations. Les participants se réapproprient un savoir-faire qui a, bien souvent, disparu de nos campagnes : celui du travail du métal. Ces formations sont une première étape vers une autonomie technique paysanne. La mécanisation industrielle telle qu’elle s’est déployée en France, soutenue par des politiques publiques depuis soixante-dix ans, a créé de terribles dépendances techniques et financières, qui expliquent la prolétarisation avancée d’une grande partie des agriculteurs de notre pays. Elle a aussi contribué à la destruction des communautés paysannes en engageant les agriculteurs dans une course à la terre : il faut « bouffer l’autre avant d’être bouffé ».

      Fuite en avant

      Ce sont bien des choix politiques qui ont condamné les agriculteurs vers une fuite en avant insensée. Mais comment s’extraire aujourd’hui de ce modèle ? Avec, selon l’Insee, 400 000 exploitants et 650 000 travailleurs et travailleuses de la terre au total, en 2019, l’usage massif de pesticides est absolument inévitable : il n’y a plus suffisamment de ressources dans nos campagnes pour réaliser le travail que suppose une agriculture sans recours à une chimisation massive.

      L’avenir est déjà là, avec l’agriculture « 4.0 », qui représente la « nouvelle frontière » du lobby agro-industriel : les drones, les robots et le numérique. L’histoire se répète : cette mise en application du progrès ne servira que des intérêts sans rapports directs avec celui de l’alimentation de la population. Elle se fera au détriment des agriculteurs, dont les dépendances aux équipementiers et aux banques vont s’aggraver. Ce qui nous est promis, c’est une agriculture pratiquée dans une campagne complètement déshumanisée, définitivement vidée de ses paysans.

      Depuis plus de dix ans, nous accueillons, dans nos maisons de L’Atelier paysan, les « bifurqueurs » de tous horizons, le mouvement est donc durablement installé. Nous avons encore beaucoup de travail pour faire en sorte que les colères et les larmes deviennent une puissance de transformation sociale plutôt qu’une fuite. Notre projet politique est consigné dans un manifeste : Reprendre la terre aux machines (Seuil, 2021). Ce projet refuse de dissocier la question de l’autonomie paysanne et celle de l’autonomie alimentaire. Nous avons pour objectif d’installer dans les campagnes françaises un million de paysans et ce sera la seule façon de limiter significativement le recours aux pesticides. L’agroécologie paysanne ne sera alors plus pratiquée par quelques marginaux cantonnés dans des sortes de « réserves », mais deviendra le modèle agricole dominant à l’échelle d’une nation comme la nôtre. Un bouleversement aussi important ne sera pas concédé par les élites politiques et économiques sans le surgissement d’un mouvement social. Il n’aura jamais lieu sans un rapport de force assumé, il sera conquis par la lutte ou il n’adviendra pas.

    • L’Atelier paysan, coopérative d’autoconstruction

      Plaidoyer : souveraineté technologique des paysans

      https://latelierpaysan.org/Plaidoyer-souverainete-technologique-des-paysans

      Dans un contexte de recherche d’efficacité de la dépense publique, le Pôle InPACT demande à l’Etat – via une note explicative ci-jointe – de questionner l’enveloppe de 10 Milliards d’euros qu’il semble attribuer sans réticence aux secteurs du numérique, des biotechnologies et de la robotique.

    • Entretien accordé à Ballast : Atelier paysan : aller vers une socialisation de l’alimentation. (17 mai 2022)

      https://www.revue-ballast.fr/atelier-paysan-aller-vers-une-socialisation-de-lalimentation

      La remise des diplômes n’est pas passée inaperçue : il y a quelques jours de ça, de jeunes ingénieurs agronomes ont appelé à déserter les postes pour lesquels ils ont été formés. « Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre. Nous ne voyons pas les sciences et techniques comme neutres et apolitiques. » Et les trouble-fêtes d’inviter leurs pairs au sursaut : « Vous pouvez bifurquer maintenant. » Dans un ouvrage paru l’an passé, Reprendre la terre aux machines, la coopérative l’Atelier Paysan affirmait quant à elle : l’autonomie paysanne est le projet politique collectif qui émancipera celles et ceux qui travaillent la terre, tout en assurant une alimentation de qualité à l’ensemble de la population. Pour y parvenir, le collectif parie sur la socialisation de l’alimentation. Nous nous sommes entretenus avec lui. Cinquième et dernier volet de notre semaine « Agriculture paysanne ».

  • Les animaux avec nous, nous avec les animaux | Kaoutar Harchi
    https://www.revue-ballast.fr/les-animaux-avec-nous-nous-avec-les-animaux

    Nous devrions tous et toutes nous deman­der où, dans notre vie, sont les ani­maux. Ou alors : où dans la vie des ani­maux, nous sommes. S’il m’est pos­sible de jouer, ici, de ces inter­ver­sions, c’est qu’entre les ani­maux et nous une rela­tion existe. L’objet de ce texte est de faire état de cette rela­tion, d’en énon­cer les com­plexi­tés, les arti­cu­la­tions, et de mettre en évi­dence la néces­si­té (…) de ne perdre per­sonne. Source : Ballast

  • Deuxième tour.
    Pour Ballast, l’écrivaine Sandra Lucbert dénonce les Grandes Consciences qui se sont exprimées dans deux tribunes (une dans Libé, l’autre dans Le Monde). En 25 paragraphes, elle envoie un avertissement sans frais à LeMondeDeLaCulture et ses artistes bien en cour accroché·es à leurs prérogatives : dans cet univers-là, il y a aussi un Tiers État de la culture qui ferait bien d’arrêter de se penser exceptionnel en se laissant acheter avec de la verroterie imaginaire et qui serait bien avisé de sortir de l’isolement ; participer à la lutte des classes

    BALLAST • Second tour, MondeDeLaCulture et lutte des classes
    https://www.revue-ballast.fr/second-tour-mondedelaculture-et-lutte-des-classes

    Second tour et bis repetita : l’éborgneur libéral face à la néofasciste « républicaine ». Inutile de revenir sur le bilan politique du président sortant : la colère le dispute au dégoût. Inutile de rappeler à quoi ressemblerait le régime de la candidate du RN : la chose est documentée en plus d’un endroit du monde. L’écrivaine Sandra Lucbert — autrice, notamment, de Personne ne sort les fusils — s’adresse ici au « MondeDeLaCulture » : autrement dit, à ceux et celles qui, de tribunes en interventions médiatiques, s’érigent actuellement en « grandes consciences » sans s’être émus, jamais, de l’écrasement sauvage des gilets jaunes, des tentes lacérées des migrants, de l’adoption de lois répressives ou des assauts contre les conquis sociaux.

  • « Ce qui compte, pour le MondeDeLaCulture, c’est la pose. Hors de quoi tout l’indiffère. Le fascisme lui est essentiellement une occasion : de faire la preuve de son élévation », par Sandra Lucbert
    https://www.revue-ballast.fr/second-tour-mondedelaculture-et-lutte-des-classes

    Second tour et bis repetita : l’éborgneur libéral face à la néofasciste « républicaine ». Inutile de revenir sur le bilan politique du président sortant : la colère le dispute au dégoût. Inutile de rappeler à quoi ressemblerait le régime de la candidate du RN : la chose est documentée en plus d’un endroit du monde. L’écrivaine Sandra Lucbert — autrice, notamment, de Personne ne sort les fusils — s’adresse ici au « MondeDeLaCulture » : autrement dit, à ceux et celles qui, de tribunes en interventions médiatiques, s’érigent actuellement en « grandes consciences » sans s’être émus, jamais, de l’écrasement sauvage des gilets jaunes, des tentes lacérées des migrants, de l’adoption de lois répressives ou des assauts contre les conquis sociaux.

    1. Il y a des gens de bonne volonté qui ont décidé de se faire violence — voter Macron, c’est une violence.

    2. Un choix à soutenir — avec endurance ; un choix qui veut de la résolution. Esquiver l’homme lui-même, détourner la tête quand il lui prend de se dénuder le poitrail, ne pas s’attarder quand, les yeux roulants, affolé de présences invisibles, il jacte : « Je suis lucide ! Il n’y a pas de front républicain ! »

    3. Cette difficulté seule a de quoi éreinter ; mais en face c’est Le Pen, alors on s’astreint. S’il faut cantonner le forcené hors la vue pour pouvoir le choisir (quelle épreuve !), on s’y efforcera. Cette discipline requiert, on y est tout entier : plus de réserve pour des surcroîts exaspérants. Cependant il en vient. Le MondeDeLaCulture, auquel on ne pensait plus, lui, ne s’oubliait pas : voici deux tribunes. L’une dans Libération, l’autre dans Le Monde — voici les Grandes Consciences.

    4. Dans Libération, démarrage en côte : « le monde réalisé d’Emmanuel Macron […] nous savons pouvoir y vivre dans le respect des valeurs fondamentales qui sont les nôtres : la liberté, la tolérance, l’hospitalité, la diversité ». Faute d’avoir vécu le même quinquennat que nous, le MondeDeLaCulture en a manifestement adopté le principe directeur : la reconstruction délirante de la réalité. « La liberté » = la loi Sécurité globale, « la tolérance » = les manifestations à mains coupées et yeux crevés, « l’hospitalité » = les tentes lacérées, « la diversité » = la loi Séparatisme.

    5. La suite confirme l’hypothèse du délire d’inversion. Avec Macron, le MondeDeLaCulture sait pouvoir compter sur un « monde vivant, imparfait, ouvert, qui porte en lui la différence comme principe actif ».

    6. Le renversement halluciné, mais aussi : la grandiosité — une solennité mal emmanchée ; une emphase discordante. La tribune du Monde : une succession d’outrances qui dévaluent tout ce qu’elles prétendent exalter. Le MondeDeLaCulture, haussé sur les pointes, contorsionné en gravité, ose : « Sans illusions, sans hésitation et sans trembler, nous voterons Emmanuel Macron ». L’isoloir, ce maquis.

    7. Entre délire et grandiosité, on ne sait plus bien, à force, comment prendre de tels décalages. « Sans trembler ». Faut-il rire ? S’emporter ? D’abord on reste suspendu — ce que fait un trop grand écart avec les coordonnées du réel collectif.

    8. À lire la tribune de Libération, malgré tout, on bascule assez vite — et plutôt carrément : de l’hilarité à la fureur. La phraséologie à prétentions croit magnifier : elle ridiculise ; et ici, performance : va jusqu’à déréaliser le fascisme. Le Pen : « Un monde clos, mortifère, subjugué par le fantasme identitaire et le régime du même. » « Le régime du même » : dans quel espace mental déserté peut-on trouver adéquat de qualifier ainsi la réalité fasciste ? Sans aller trop loin, le MondeDeLaCulture aurait pu copier-coller au moins une ligne du programme du RN. Qui lui aurait permis de dire au moins une chose concrète. Le retrait de leurs droits civiques aux étrangers, par exemple — dans la vraie vie, ça ne fait pas le même effet que « le régime du même ». Mais non : le MondeDeLaCulture n’est qu’à son grand guignol. Ce qui compte, pour lui, c’est la pose — le simili (dit Bourdieu). Hors de quoi, tout l’indiffère. Le fascisme lui est essentiellement une occasion : de faire la preuve de son élévation.

    9. Dans Le Monde : signataires différents, boursouflure identique. Cinq énoncés scandés par une anaphore en « Rien » doivent édifier les lecteurs, les porter aux vrais enjeux. « Rien ne relie Marine Le Pen à la France de Villon, de Beaumarchais, de Voltaire, de Hugo ou de Camus. » Et puis : « Rien […] n’indique qu’elle a conscience de l’urgence climatique et environnementale ». Et encore : « Rien, dans ses habitudes et ses choix de vie, ne la rapproche des plus modestes autrement que par le cynisme de paroles politiciennes ». Des noms d’auteurs jetés au hasard de poncifs (LaGrandeurDeLaLittérature) ; une préoccupation marquée pour les parterres de leurs résidences secondaires ; un mot navré pour les pauvres, ces rustres qui ne comprennent jamais qu’ils sont manipulés. Soyons pourtant contents, les maquisards d’isoloir étaient bien partis pour : « Rien ne nous protégera plus, avec Le Pen, des assauts de la vulgarité » (le fond de leur pensée).

    10. La Bruyère voudrait dire quelque chose au MondeDeLaCulture : « Une chose vous manque […], à vous et à vos semblables les diseurs de phébus ; vous ne vous en défiez point, et je vais vous jeter dans l’étonnement : une chose vous manque, c’est l’esprit. Ce n’est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l’opinion d’en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien. »

    11. Manquer de la plus minimale intelligence de la situation, s’en croire pourtant supérieurement pourvus, s’autoriser de son néant pour catéchiser : c’est là le délire d’un groupe particulier. Tout jeu social s’apparente à un délire. Les mœurs des différents groupes empruntent des chemins d’évidence qui semblent aux autres parfaitement saugrenus. Ce qu’explique LUI à MOI dans Le Neveu de Rameau : dans l’ordre social, il y a des idiotismes, des manières de faire qui fléchissent la grammaire collective selon telle ou telle direction.


    12. Les diseurs de « Riens » livrent ici leur idiotisme. Celui d’une classe : la bourgeoisie. Celui d’un de ses sous-secteurs : la bourgeoisie culturelle. J’appelle respectivement ces idiotismes : PFLB, PourFaireLeBourgeois ; et PFLB(c) : PourFaireLeBourgeois(culturel). Soient : les règlements comportementaux qui garantissent des gratifications dans ces mondes-là.

    13. Dans ces tribunes, pas un mot qui concerne les réalités matérielles des gens : pas plus celles du capitalisme autoritaire que celles du fascisme. C’est que la classe bourgeoise, elle, est délivrée des inquiétudes de subsistance — elle se consacre aux Grandes Questions. Son racisme social fait le reste : jamais le PFLB(c) ne s’occupe de politique — il faudrait se soucier d’autre chose que de lui, il veut faire la leçon à tout ce qui n’est pas lui. Et quand par extraordinaire un sujet politique le saisit, c’est un malentendu : il n’y voyait qu’un marche-pied. Ainsi le dernier tiers de la tribune du Monde est consacré à « l’honneur » de la France-des-Droits-de‑l’Homme-et-des-Lumières. Trêve de « Rien » ; nouvelle anaphore : « Nous ne pouvons imaginer ». Et que ne peut imaginer le PFLB(c), quand il cherche à se figurer Le Pen au pouvoir ? « Nous ne pouvons imaginer le sentiment du peuple ukrainien envahi, bombardé et massacré, lorsqu’il découvrira que nous avons élu une complice du chef du Kremlin à la tête de notre pays. »

    14. PourFaireLeBourgeois(culturel), on vibre à l’international. L’éloignement facilite l’indignation : le Sublime s’atteint mieux à parler pour les autres. Chez soi c’est délicat : on a des intérêts, on veut les conserver — nullement savoir ce qu’il en coûte. On ne souhaite pas se figurer la misère qui monte ; on vit dans 120 m2. Les gilets jaunes ? — je cite ici un intervenant qui s’exprimait sur France Culture : « le samedi j’allumais ma télé en mode pop-corn pour regarder des heurts sur les Champs-Élysées. » Les voilà, les Belles Âmes.

    15. Une amie m’a raconté récemment qu’un directeur de théâtre l’avait longuement entretenue de son sentiment vif d’être « au-dessus » des autres. Et des lourdes responsabilités qu’il pensait par là lui incomber — fardeau de la Vigie démocratique. Cette innocence ravie que donne l’infatuation. Le PFLB(c) n’a qu’une passion : partager les prérogatives des puissants. À sa manière ornementale : gardien des Valeurs, il les rappelle au cadran moral. Il participe en imagination à la sphère du pouvoir ; c’est-à-dire qu’il la singe. Il fait siens tous ses énoncés et surtout : adopte sa manière de poser les problèmes. En pleine campagne présidentielle, on n’a parlé que de l’Ukraine ; par conséquent pour repousser Marine Le Pen, le PFLB(c) parlera surtout de l’Ukraine — et de Villon, qu’il ne connaît pas davantage.

    16. Au vrai, le MondeDeLaCulture fait le guet, mais pas celui qu’il dit. Il scrute les signes que lui adresse — ou non — le Pouvoir. Il voudrait l’assurance de sa place. Aussi le MondeDeLaCulture se défie-t-il de Le Pen : « Rien ne nous rassure sur l’idéologie qui l’anime encore derrière le discours policé ». Le MondeDeLaCulture, auquel les médias tiennent lieu de pensée, a entendu dire que Le Pen n’était plus si hostile aux Grandes Postures — cependant il aimerait savoir si c’est pour de bon : si elle lui garantirait, elle aussi, sa fonction décorative. Et il lui semble que : peut-être pas. La voilà, la menace fasciste, pour le MondeDeLaCulture.

    17. Une des manières de soutenir le vote pour le Horla néolibéral, c’est d’y voir un moment dans le temps long d’une stratégie. C’est au champ culturel — dont je suis — que je m’adresse ici. Bien sûr, il y a les élections législatives, mais plus fondamentalement, il y a : participer à modifier les rapports de pouvoir là où l’on est, sur le terrain de la persévérance matérielle. Que le MondeDeLaCulture soit si obstiné à n’en parler jamais devrait suffisamment nous indiquer que c’est là exactement ce qu’il faut investir. Ces tribunes obscènes pourraient avoir un mérite. Faire sentir l’urgence de s’organiser contre ce qui donne pouvoir à ces gens.

    18. Qui sont les signataires ? Des barons engraissés : CDI de chefferie ou cachets astronomiques du cinéma et du show business. Une fraction du champ, donc ; mais qui en dit la vérité d’ensemble. Les barons la portent simultanément à son comble et à son grotesque. Ce faisant : ils nous permettent de l’apercevoir — ils sont notre symptôme. Le champ culturel est livré au capitalisme parce que le champ culturel en général s’estime « au-dessus ». Le champ culturel se croit exceptionnel — on comprend qu’il n’ait aucune intelligence des forces sociales qui le déterminent. Et qu’il soit la chose du néolibéralisme. À tant vouloir eux aussi FaireLesBourgeois(culturels), les agents ordinaires du champ ont perdu jusqu’au ressort d’apercevoir leur propre situation matérielle, même quand elle est désastreuse. Car, barons engraissés mis à part, on est plutôt pauvre dans le secteur culturel. Pauvres mais « exceptionnels »… Le tiers état de la Culture, ça s’achète avec de la verroterie imaginaire.

    19. Préférer voir du Créateur et du Génie là où il y a du travail, des statuts, des rapports d’exploitation, c’est se condamner à finir en PFLB(c), à ventriloquer les dominants — c’est œuvrer soi-même à faciliter sa précarisation au bénéfice des captateurs. L’exceptionnalité est une croyance superlativement individualiste. Par elle, le champ culturel s’ajuste spontanément aux directions néolibérales : les régurgite et les subit — même quand il croit les combattre.

    20. Les singularités exceptionnelles et l’isoloir, ça va très bien ensemble. Réduire la vie politique au vote et dénier les conditions matérielles de la culture le reste du temps : longue vie au capitalisme financiarisé. Si donc les non-barons du champ culturel cherchaient une idée pour voir au-delà du second tour, ce pourrait être celle-ci : entreprendre de s’occuper eux-mêmes de leurs affaires politiques. À commencer par leurs affaires matérielles ; ce combat qui oppose les producteurs et les captateurs — comme partout ailleurs.

    21. Car nous avons nos captateurs : ils ne profitent pas seulement de notre activité, ils s’expriment aussi en notre nom. En notre nom, ils célèbrent Macron, qui se propose de transformer le RSA en travail gratuit. Dans la logique actuelle de la production artistique, 48 % des artistes graphiques et plastiques gagnent moins de 5 000 euros par an. Il y a peu de places de profs : comme revenu d’appoint, il ne reste que le RSA. Du reste, on voit mal pourquoi Macron tolérerait encore longtemps le statut d’intermittent. L’intermittence, c’est comme la Sécu : ça démange les néolibéraux, puisque ça libère les travailleurs du chantage à l’emploi.

    22. Il y a tribune et tribune. Il y a MondeDeLaCulture et monde de la culture. Pour se débarrasser du premier, regarder comment ça marche vraiment dans le second, et s’organiser en conséquence. Comment ça marche vraiment : comme tout espace de travail. Ce qu’ont fait, ce que font, par exemple, Art en grève et le collectif La Buse — encore tout récemment dans un autre genre de tribune —, c’est de rappeler d’abord qu’ils et elles sont des travailleurs et des travailleuses comme les autres. L’antidote au MondeDeLaCulture, c’est de sortir de l’isolement ; de participer à la lutte des classes.

    23. Art en grève, c’était en 2019, pendant le mouvement contre la réforme des retraites. Des artistes qui ont congédié les singularités exceptionnelles pour rejoindre le plan général des luttes. La Buse a continué depuis : à examiner les conditions de travail des artistes-auteurs pour ce qu’elles sont, et non pour ce qu’on voudrait qu’elles fussent. Et à partir de là, proposer des moyens de repenser le statut, et la notion de travail elle-même.

    24. Dans sa tribune de 2022, La Buse explore les voies d’une refonte institutionnelle inspirée du salaire attaché à la personne de Friot. On est loin des postures de Grandes Consciences ; on n’a jamais été si près du vrai combat. Combattre demande de savoir en vue de quoi. Si nous repartons pour cinq ans de Macron à partir du 24 avril, c’est par là : déterminer les conditions de possibilité d’un art qui ne soit plus aux ordres.

    25. Lendemain du 24 : pas seulement la fin du vote de cauchemar — commencement de la fin du MondeDeLaCulture.

    • « Sans illusions sur un deuxième quinquennat Macron, Michel Zecler, Doria Chouviat, Assa Traoré, Jérôme Rodrigues, Antoine Boudinet et Amal Bentounsi n’iront pas tous voter pour lui. Mais ils s’opposent résolument à Marine Le Pen. »

      Au terme d’un quinquennat marqué par de vifs débats sur le maintien de l’ordre, en particulier pendant le mouvement des « gilets jaunes », le contrôle défaillant des abus policiers et le racisme qui s’exprime parfois au sein de l’institution, ces enjeux sont totalement absents de la campagne électorale. Comme une prolongation du déni qui a régné pendant cinq ans, la candidate et le candidat du second tour n’ont jamais abordé la question de la déontologie des forces de l’ordre, préférant se disputer leurs faveurs.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/220422/la-veille-de-l-election-le-cas-de-conscience-des-victimes-de-violences-pol

      Michel Zecler : « J’ai un gros lot d’amertume, des séquelles qui ne m’abandonneront jamais et beaucoup de regrets. Je pense malgré tout que si Le Pen passe, elle aura les coudées franches pour bouleverser des équilibres déjà très précaires, C’est pourquoi je ferai barrage au RN »

      Jérôme Rodrigues : « On pourrait penser qu’en tant que mutilé, j’aurais assez de haine pour voter Le Pen, mais ce n’est pas le cas. Je n’irai pas voter non plus pour celui qui m’a crevé un œil. Je vais me déplacer à l’isoloir pour déposer un vote blanc »

      Assa Traoré : « Jamais de mon existence je ne voterai pour Marine Le Pen, mais est-ce que ce sera pire avec elle ? Je voudrais qu’on pose la question à toutes les personnes qui ont perdu un être cher pendant l’ère Macron. »

      Antoine Boudinet : « Je n’arriverai pas à appeler à voter pour Macron. Personnellement, je m’abstiendrai. Mais j’ai beaucoup plus peur de Marine Le Pen que de Macron. Si quelqu’un vote pour Marine Le Pen, il n’a plus le droit de m’appeler “camarade”. »

      https://twitter.com/davidperrotin/status/1517567462103040002?cxt=HHwWhIC-1Z_kvY8qAAAA

  • BALLAST • Un syndicat chez Amazon : comment la gauche doit s’ancrer dans le monde du travail
    https://www.revue-ballast.fr/un-syndicat-chez-amazon-comment-la-gauche-doit-sancrer-dans-le-monde-d

    Fin mars der­nier, les tra­vailleurs et les tra­vailleuses d’un entre­pôt Amazon se pro­non­çaient, à New York, pour ou contre leur rat­ta­che­ment à une orga­ni­sa­tion syn­di­cale. Le ver­dict, favo­rable, a été ren­du public le 1er avril : une pre­mière au sein de l’en­tre­prise de com­merce en ligne, qui n’a pas man­qué de faire part de sa « décep­tion ». Ladite orga­ni­sa­tion — l’ALU — avait vu le jour un an plus tôt, en pleine pan­dé­mie. Le suc­cès de cette cam­pagne syn­di­cale montre de quelle façon la gauche anti­ca­pi­ta­liste pour­rait par­ve­nir à construire un pou­voir populaire de masse : en s’an­crant bien davan­tage sur les lieux de tra­vail. C’est ce qu’avancent les trois auteurs de cet article que nous tra­dui­sons, Costas Lapavitsas, Madhav Ramachandran et Yannis Bougiatiotis. « Le tra­vail sala­rié reste le fon­de­ment de la socié­té capi­ta­liste. La régé­né­ra­tion de la gauche doit être basée sur le ren­for­ce­ment de liens qui se sont effi­lo­chés avec la classe ouvrière. » Une réflexion à mener, pour­suivent-ils, aux États-Unis comme ailleurs.

    #salariat #précariat #travail #syndicalisme #classe_ouvrière

  • #BALLAST • Discussion avec #Paul_Guillibert : vers un « #communisme_du_vivant » ?
    https://www.revue-ballast.fr/discussion-avec-paul-guillibert-vers-un-communisme-du-vivant

    Vous appe­lez à un « com­mu­nisme du vivant ». Est-ce vrai­ment dif­fé­rent de l’#écosocialisme ?

    Il faut com­men­cer par noter les conti­nui­tés. On pour­rait dire, de manière très géné­rale, que les éco­so­cia­lismes dési­gnent les cou­rants de pen­sée qui font du capi­ta­lisme la cause prin­ci­pale de la catas­trophe envi­ron­ne­men­tale et des pro­jets socia­listes sa solu­tion hégé­mo­nique. Comme son nom l’indique, il s’agit de l’inscription dans la tra­di­tion des poli­tiques d’émancipation sociale du XIXe siècle. À cet égard, le terme d’écosocialisme recoupe des tra­di­tions, des cou­rants et des pra­tiques très diverses qui vont de l’écologie sociale de Murray Bookchin à l’écosocialisme mar­xiste de Michael Löwy ou Daniel Tanuro. Mon tra­vail s’inscrit évi­dem­ment dans cette der­nière tra­di­tion. Mais le « com­mu­nisme du vivant » est une spé­ci­fi­ca­tion de l’écosocialisme. Je crois que la tra­di­tion mar­xiste gagne­rait à reven­di­quer plus expli­ci­te­ment l’horizon du com­mu­nisme. Ceci dit, il existe trois inflexions impor­tantes. La pre­mière tient à l’importance qu’on accorde aux muta­tions cos­mo­lo­giques ou aux réflexions onto­lo­giques sur la nature. En par­lant de com­mu­nisme du vivant, je prends comme point de départ l’idée que nos manières de per­ce­voir le monde sont en train de se modi­fier peu à peu. Les caté­go­ries qui nous per­mettent d’identifier les êtres poli­tiques et leur place dans l’espace des dis­cours subissent de pro­fondes trans­for­ma­tions sous l’effet du chan­ge­ment cli­ma­tique, des luttes éco­lo­gistes et des hybri­da­tions post­co­lo­niales. Le com­mu­nisme du vivant élar­git donc la pers­pec­tive de l’écosocialisme en s’interrogeant sur nos modes d’identification de la nature et donc sur la com­po­si­tion éco­lo­gique des sub­jec­ti­vi­tés politiques.

    La deuxième diver­gence tient à l’idée qu’on retrouve chez John Bellamy Foster ou Paul Burkett, par exemple, selon laquelle la crise éco­lo­gique est une consé­quence de plus à mettre au compte du capi­ta­lisme — sans que cela change grand-chose à notre com­pré­hen­sion du capi­ta­lisme lui-même. Le capi­ta­lisme est tou­jours défi­ni comme un sys­tème éco­no­mique fon­dé sur la vente de mar­chan­dises, pour le pro­fit, par des tra­vailleurs humains sala­riés, c’est-à-dire dépos­sé­dés de leurs condi­tions de repro­duc­tion. À son compte, il fau­drait donc ajou­ter une consé­quence néga­tive de plus : la des­truc­tion de la nature, la per­tur­ba­tion des milieux et des éco­sys­tèmes. Il me semble qu’il faut plu­tôt, sui­vant des auteurs comme Andreas Malm ou Jason W. Moore, redé­fi­nir le capi­ta­lisme à par­tir de son rap­port aux natures qu’il trans­forme, à son régime éco­lo­gique. Ceci per­met d’avoir une théo­rie renou­ve­lée de l’historicité du capitalisme.

    • La « nature » n’est donc jamais qu’une codification culturelle du réel parmi d’autres, mais elle peut permettre sous certaines conditions de désigner adéquatement un type de réalités et d’autoriser des traductions conformes dans d’autres codifications culturelles. Les conditions d’apparition de la nature sont toujours culturellement situées. Parler de l’histoire sociale de la nature revient à défendre la coappartenance des pratiques humaines et de leur condition matérielle objective. Les forêts ravagées de l’Oregon où poussent des champignons Matsutsake en sont un bon exemple. Comme l’a montré l’anthropologue Anna Tsing dans Le Champignon de la fin du monde, c’est dans des forêts exploitées puis abandonnées que ces champignons qui ont une très forte valeur ajoutée sur le marché mondial se développent. Pour qu’ils poussent, il faut donc à la fois une histoire autonome (les effets de la mychorization) et une histoire hétéronome ou sociale de la nature (l’exploitation puis l’abandon des écosystèmes). Anna Tsing propose de nommer cette nature qui surgit de manière autonome dans les ruines du capitalisme, après les dégradations humaines des écosystèmes, la « troisième nature ». Ce concept permet d’identifier le résultat historique des symbioses opérées par des agents non-humains dans des contextes de transformation anthropique avancée. Dans des écosystèmes qu’on aurait pu croire définitivement appauvris par l’extractivisme ressurgissent d’anciennes et de nouvelles espèces. Il existe donc différents modes d’êtres de la nature selon les rapports qu’elle entretient à l’histoire du capital : nature sauvage et libre, nature exploitée et transformée par le capital, nature réensauvagée par la puissance d’engendrement des espèces qui la composent.

      #nature #naturalisme #Histoire #multinaturalisme #sciences_sociales #sympoïèse

    • Depuis plusieurs décennies, les travaux du linguiste étasunien Noam Chomsky alimentent les luttes, les analyses et les débats du mouvement anticapitaliste international. Celui qui figura sur la « master list » des opposants à Nixon et milite pour l’abolition des armes nucléaires s’intéresse depuis de nombreuses années à l’Ukraine, en guerre depuis 2014. Un cran irréversible a été franchi la semaine dernière : l’invasion poutinienne du territoire ukrainien. Chomsky vient d’exposer ses vues au média californien Truthout. Pour contribuer à la réflexion socialiste en cours, nous traduisons leur échange. Le penseur anarchiste y dénonce vivement l’entreprise militaire menée par le régime nationaliste russe ; salue la résistance ukrainienne et le pacifisme des citoyens russes arrêtés en masse ; entend, malgré les passions inhérentes à tout drame collectif, revenir sur l’histoire longue (des ambitions impérialistes atlantistes dans la région) et les possibilités de sortie de crise (forcément diplomatiques et tragiquement réduites).

    • Manifeste : socialistes et communistes russes contre la guerre
      https://www.revue-ballast.fr/manifeste-socialistes-et-communistes-russes-contre-la-guerre

      Ce jour, la coalition Socialistes contre la guerre, composée de militants socialistes et communistes russes, publie un « manifeste » dans les colonnes du média Rabkor (Рабкор). Fondé en 2008 par le sociologue marxiste Boris Yulievich Kagarlitsky — qui a participé à la création du Front de gauche russe (Левый фронт) et fut incarcéré, en septembre 2021, pour un appel à participer à une manifestation —, le magazine s’avance à la fois comme socialiste, anticapitaliste, démocratique et adversaire du « libéralisme occidental ». Afin de ravitailler — en plusieurs temps — la discussion en cours au sein du camp de l’émancipation francophone, nous traduisons leur manifeste. Ils se dressent contre l’opération militaire diligentée par le gouvernement de Vladimir Poutine, dans le cadre d’une guerre longue de huit ans déjà : en plus d’être criminelle, l’invasion de l’Ukraine paralysera toute critique des « intrigues des faucons des États-Unis et de l’OTAN ».

      Le gouvernement russe a trahi ses promesses de paix et de stabilité, entraînant le pays dans la guerre et la catastrophe économique.

      Comme toutes les guerres de l’Histoire, celle-ci nous divise tous en deux pôles : pour et contre. La propagande du Kremlin tente de nous convaincre que la nation est unie derrière le gouvernement — et que ce sont les pitoyables renégats, les libéraux pro-occidentaux et les mercenaires ennemis qui, seuls, demandent la paix. C’est un mensonge insoutenable. Cette fois, les anciens du Kremlin se trouvent en minorité. La plupart des Russes ne veulent pas d’une guerre fratricide, même parmi ceux qui ont encore confiance dans le gouvernement russe. Ils ferment les yeux du mieux qu’ils peuvent pour ne pas voir comment le monde dessiné par les propagandistes russes se désintègre devant eux. Beaucoup espèrent encore qu’il ne s’agit pas d’une guerre, encore moins d’une guerre agressive, mais d’une « opération spéciale » destinée à « libérer » le peuple ukrainien. Les images terribles de bombardements et de pilonnages brutaux des villes auront tôt fait de détruire ces mythes. Et, alors, même les électeurs les plus fidèles de Vladimir Poutine diront : nous n’avons pas donné notre consentement à cette guerre injuste !

      Aujourd’hui déjà, des dizaines de millions de personnes dans tout le pays ont exprimé leur horreur et leur dégoût face aux actions de l’administration Poutine. Il s’agit de personnes de diverses obédiences. La plupart, contrairement à ce que prétendent les propagandistes, ne sont pas des libéraux. Parmi eux, on trouve un grand nombre de personnes de gauche, socialistes ou communistes. Et, bien sûr, ces personnes — la majorité de notre peuple — sont d’authentiques patriotes.

      On nous dit que les opposants à cette guerre sont des hypocrites — qu’ils ne sont pas contre la guerre mais pour l’Occident. C’est un mensonge. Nous n’avons jamais été des partisans des États-Unis et de leurs politiques impérialistes. Lorsque les troupes ukrainiennes ont bombardé Donetsk et Louhansk [villes situées sur le territoire ukrainien et constituées, par les mouvements séparatistes, en capitales des « Républiques populaires » éponymes depuis 2014, ndlr], nous ne nous sommes pas tus. Nous ne nous tairons pas non plus maintenant, lorsque Kharkiv, Kiev et Odessa sont bombardés sur ordre de Poutine et de sa camarilla. Il y a tellement de raisons de lutter contre la guerre. Pour nous, défenseurs de la justice sociale, de l’égalité et de la liberté, plusieurs sont particulièrement importantes.

      – Il s’agit d’une invasion injuste. Il n’existe aucune menace pour l’État russe qui justifierait l’envoi de nos soldats pour tuer et mourir. Ils ne « libèrent » personne. Ils n’aident aucun mouvement populaire. Ils ne sont rien d’autre qu’une armée régulière qui démolit de paisibles villes ukrainiennes sur ordre d’une poignée de milliardaires qui rêvent de garder à jamais leur emprise sur la Russie.

      – Cette guerre produit des désastres incalculables pour nos peuples. Les Ukrainiens et les Russes la paient de leur sang. Longtemps après que la poussière sera retombée, la pauvreté, l’inflation et le chômage toucheront tout le monde. Ce ne sont pas les oligarques et les bureaucrates qui paieront la facture mais les pauvres enseignants, travailleurs, retraités et chômeurs. Beaucoup d’entre nous n’auront pas les moyens de nourrir leurs enfants.

      – Cette guerre va transformer l’Ukraine en décombres et la Russie en prison. Les médias d’opposition ont déjà été fermés. Des personnes sont mises derrière les barreaux pour avoir partagé des tracts, tenu des piquets inoffensifs et, même, diffusé des messages sur les réseaux sociaux. Bientôt, les Russes n’auront plus qu’un seul choix : la prison ou l’enrôlement. La guerre produit des dictatures comme les générations vivantes n’en ont jamais vu.

      – Cette guerre multiplie tous les risques et menaces pour notre pays. Même les Ukrainiens qui, il y a une semaine, sympathisaient avec la Russie s’enrôlent à présent dans la milice pour combattre nos troupes. Par son agression, Poutine sape les critiques des crimes des nationalistes ukrainiens et de toutes les intrigues des faucons des États-Unis et de l’OTAN. Poutine leur a donné les justifications pour installer de nouveaux missiles et des bases militaires le long de nos frontières.

      – Enfin, lutter pour la paix est le devoir patriotique de chaque Russe. Non seulement parce que nous sommes les gardiens de la mémoire de la pire guerre de l’Histoire [allusion à 1939–1945, ndlr], mais aussi parce que la guerre en cours menace l’intégrité et l’existence même de la Russie.

      Poutine cherche à lier son propre destin au destin de notre pays. S’il y parvient, son inévitable défaite sera celle de la nation tout entière. Nous pourrions alors être confrontés au sort de l’Allemagne d’après-guerre : occupation, division territoriale, culte de la culpabilité collective.

      Il n’y a qu’un seul moyen d’éviter ces catastrophes : nous-mêmes, les hommes et les femmes de Russie, devons arrêter cette guerre. Ce pays nous appartient à nous et non à une poignée de vieillards désemparés, avec leurs palaces et leurs yachts. Il est temps de le reprendre. Nos ennemis ne sont pas à Kiev et Odessa, mais à Moscou. Il est temps de les mettre dehors. La guerre, ce n’est pas la Russie. La guerre, c’est Poutine et son gouvernement. C’est pourquoi nous, socialistes et communistes russes, sommes contre cette guerre criminelle. Nous voulons l’arrêter afin de sauver la Russie.

      Non à l’intervention !

      Non à la dictature !

      Non à la pauvreté !

      [edit] Le jour de la parution du présent manifeste (vendredi 4 mars 2022), le pouvoir russe a adopté une loi visant à réprimer les auteurs de « fausses informations » sur l’armée — la peine peut aller jusqu’à quinze ans de prison. Ce texte n’est donc plus disponible en russe. La mention anglaise « Censored » l’a remplacé.

      Publié le 04 mars 2022 dans International, Tribune par Ballast

  • La Quadrature du Net : « En France, la surveillance de la population est extrêmement développée »
    https://www.revue-ballast.fr/la-quadrature-du-net-en-france-la-surveillance-de-la-population-est-ex

    Hier, le Conseil d’État français refusait, en référé, de suspendre le pass vaccinal adopté par l’Assemblée nationale le 16 janvier dernier, succédant au pass sanitaire — et ce malgré l’opposition de tous les défenseurs des droits et des libertés individuelles et collectives. Dès le mois d’août 2021, l’association La Quadrature du Net alertait ainsi contre « les dangers » posés par sa mise en place. Précisant : « Cet emballement dramatique des pouvoirs de l’État s’inscrit dans un mouvement d’ensemble déjà à l’œuvre depuis plusieurs années ». C’est de ce mouvement dont nous avons souhaité discuter. Fondée en 2008, La Quadrature du Net est devenue un acteur incontournable de la lutte contre la censure et la surveillance — et plus généralement de la défense des libertés fondamentales dans un monde où le numérique s’étend à tous les domaines d’activité. En pointe lors de la création d’Hadopi1, elle effectue un important travail de vulgarisation d’enjeux souvent techniques et obscurs. Caméras, smart city, technopolice, lois renseignement, neutralité du Net et pass : tour d’horizon d’un pistage de chaque instant.

    #surveillance

  • Des Africains témoignent de leurs difficultés à passer les frontières pour sortir d’Ukraine

    Depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine, des centaines de milliers de personnes résidant en Ukraine ont tenté de quitter le pays ces derniers jours et les témoignages d’Africains se multiplient concernant les difficultés de passer la frontière polonaise.

    « Il y a eu des informations regrettables (selon lesquelles) la police ukrainienne et le personnel de sécurité refusent de laisser les Nigérians monter dans les bus et les trains » pour la Pologne, a déclaré le porte-parole de la présidence nigériane Garba Shehu. « Il est primordial que chacun soit traité avec dignité et sans faveur », a-t-il insisté.

    M. Shehu a déclaré que selon d’autres informations, des fonctionnaires polonais ont refusé l’entrée en Pologne à des citoyens nigérians en provenance d’Ukraine. Depuis le début de l’offensive russe, la situation est compliquée à la frontière terrestre à cause de l’afflux de personnes fuyant les combats.

    Pour beaucoup d’Africains, le passage vers la Pologne a été bloqué du côté ukrainien et certains ont pu franchir la frontière en descendant un peu plus au sud, par la #Slovaquie. C’est le cas de Patrice, menuisier camerounais qui a quitté Kharkiv.

    "C’est très difficile. Très difficile au niveau de la frontière de la #Pologne. On refusait beaucoup les Noirs, on ne les acceptait pas du tout et on faisait juste passer des Blancs. Nous sommes ensuite arrivé au niveau de la frontière en Slovaquie, c’était parfait."

    De son côté, l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, Joanna Tarnawska, a rejeté les accusations de racisme. « Tout le monde reçoit un traitement égal. Je peux vous assurer que, selon les informations dont je dispose, certains ressortissants nigérians ont déjà franchi la frontière avec la Pologne », a-t-elle réagi auprès des médias locaux.

    Selon elle, les documents d’identité invalides sont acceptés pour franchir la frontière et les restrictions liées au Covid-19 ont été levées. Les Nigérians disposent d’un délai de 15 jours pour ensuite quitter le pays, a-t-elle ajouté.

    Comme des centaines de milliers de personnes, de nombreux Africains - pour la plupart étudiants - tentent de fuir l’Ukraine pour rejoindre les pays voisins, notamment la Pologne. C’est notamment le cas de Mike, qui vit à Kharkiv.

    "Ça bombarde de partout, les transports en commun ne fonctionnent plus, les métros ont été transformé en abri anti-bombes."

    https://www.rfi.fr/fr/europe/20220228-guerre-ukraine-africains-temoignent-difficult%C3%A9s-passer-fronti%C3%A

    #racisme #réfugiés #guerre #Ukraine #Africains #étudiants #frontières #fermeture_des_frontières #catégorisation #tri #réfugiés_ukrainiens

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    Les formes de #racisme qui montrent leur visage en lien avec la #guerre en #Ukraine... en 2 fils de discussion sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/951232

    • Les étudiants tunisiens s’organisent pour quitter l’Ukraine en guerre

      Environ 800 étudiants tunisiens sont encore bloqués en Ukraine. Les premières évacuations ont eu lieu vendredi 25 février dans la soirée, mais beaucoup restent encore à évacuer vers les pays voisins.

      Les étudiants tunisiens sont encore présents un peu partout en Ukraine. Une partie est à Odessa, au sud du pays. C’est le cas de Myriam. Ce samedi matin, elle a pu prendre un bus en direction la Roumanie.

      « Nous sommes environs 25 dans le bus, raconte Myriam. Il y a des Algériens et des Marocains aussi. On a même des animaux avec nous, deux chiens et un chat. On ne pouvait pas les abandonner. Il a fallu se battre pour qu’ils nous laissent monter. Ils voulaient nous envoyer en Moldavie. On avait peur de rester bloqués là-bas, il n’y a pas d’avions. Ça fait quatre jours que nous ne dormons pas. Nous étions une vingtaine à être cachés dans un sous-sol. Nous avions très peu d’informations. »

      Myriam et les autres Tunisiens d’Odessa ont pu organiser leur évacuation avec l’aide d’Amine Smiti. Il travaille pour une agence privée qui se charge d’aider les étudiants tunisiens à s’installer à l’étranger. Mais depuis le début de la guerre en Ukraine, il est membre de la cellule de crise mise en place par le ministère des Affaires étrangères tunisien.

      Amine Smiti explique comment il organise le départ des étudiants et les difficultés auxquelles il fait face : « En coordination avec les services de sécurité en Ukraine, j’ai pu avoir deux chemins sûrs pour évacuer à travers la Moldavie et la Roumanie. C’est difficile de trouver des bus, car les militaires les ont réquisitionnés pour rassembler les civils qui se sont engagés. Avec mon frère, et par nos propres moyens, on a réussi à trouver des bus, des taxis et des voitures privées. Les ambassadeurs et le ministère des Affaires étrangères se chargent d’assurer aux Tunisiens de ne pas passer plus de quatre ou cinq heures aux frontières. Personnes n’y est resté bloqué. Sans leur intervention aucun tunisien n’aurait pu quitter l’Ukraine. »
      Situation compliquée pour les Tunisiens de Dnipro

      Vendredi, trente Tunisiens ont pu rejoindre la Moldavie. Aujourd’hui, Amine Smiti dit pouvoir en faire évacuer encore une centaine. Les étudiants d’Odessa devraient tous être évacués d’ici à la fin du week-end. Mais la situation est plus compliquée pour les 227 Tunisiens bloqués à Dnipro. La ville étant située à plus de 900 km des frontières voisines, il est difficile d’assurer un chemin sécurisé pour leur évacuation.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220226-les-%C3%A9tudiants-tunisiens-s-organisent-pour-quitter-l-ukraine-en-gue

    • Exode à la frontière Ukraine-Pologne : « Ils nous refoulent juste parce qu’on est Noirs ! »

      De nombreux Africains fuyant la guerre en Ukraine ont affirmé sur les réseaux sociaux avoir été recalés à la frontière polonaise en raison de leur couleur de peau. À la gare de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, France 24 a rencontré plusieurs #étudiants africains ayant été refoulés sans raison au poste-frontière de Medyka. Des discriminations démenties par Kiev et Varsovie.

      Des civils sont-ils empêchés de fuir la guerre en Ukraine en raison de leur #couleur_de_peau ? Des Africains affirment en tout cas avoir été refoulés à la frontière avec la Pologne tandis que d’autres personnes, blanches, étaient autorisées à passer. Des discriminations qui pourraient venir ternir le grand élan de solidarité affiché par les pays de l’Union européenne, tandis que des centaines de milliers de réfugiés continuent à affluer vers les frontières polonaise, hongroise, slovaque et roumaine de l’Ukraine.

      Le blocage de la frontière polonaise pour les Africains n’est pas total car certains groupes ont pu passer, ce qui suggère plutôt un filtrage arbitraire des gardes-frontières locaux.

      Mais lors d’un reportage dimanche 27 février à la gare de Lviv, grande ville de l’ouest de l’Ukraine située à environ 80 kilomètres de la frontière polonaise, France 24 a rencontré plusieurs étudiants africains qui affirment avoir été empêchés de pénétrer en Pologne par les gardes-frontières ukrainiens.

      « On nous a bloqués à la frontière, on nous a dit que les Noirs ne rentrent pas. Pourtant, on voyait les Blancs rentrer... », se remémore ainsi Moustapha Bagui Sylla, un Guinéen qui étudiait la médecine en Ukraine. Le jeune homme a fui sa résidence universitaire de Kharkiv dès les premiers bombardements pour se lancer dans une folle course vers l’ouest.

      Comme des dizaines de milliers de civils ukrainiens, il a enduré des heures de marche à pied et d’attente dans le froid sur la route de Medyka en Pologne. Mais son périple s’est heurté à l’intransigeance des gardes-frontières ukrainiens, qui lui ont intimé l’ordre de rebrousser chemin.

      Un étudiant nigérian en train de faire la queue pour acheter des billets de train a décrit une scène similaire au même endroit. Son groupe, qui comprenait des femmes, est resté bloqué devant les grilles du poste-frontière tandis que les gardes ukrainiens faisaient passer des Blancs.

      « Ils ne laissent pas passer les Africains. Les Noirs qui n’ont pas de passeports européens ne passent pas... Ils nous refoulent juste parce qu’on est noirs ! », s’exclame Michael. « On est tous humains, on est nés comme ça, ils ne devraient pas nous discriminer sur la couleur de notre peau. »

      Selon Moustapha Bagui Sylla, les gardes ukrainiens ont justifié leur refoulement par des instructions de leurs homologues polonais, qui leur auraient dit « qu’il n’y avait plus de place pour les migrants » en Pologne.

      Varsovie a fermement démenti toute discrimination. « Je ne sais pas ce qui se passe du côté ukrainien, mais nous admettons tout le monde quelle que soit la nationalité. Cela fait deux jours que je démens de fausses allégations comme ça », a affirmé à France 24 Anna Michalska, porte-parole des gardes-frontières polonais. Un deuxième communiqué polonais a confirmé qu’aucun visa n’était requis, que les cartes d’identité ou passeports, même périmés, étaient acceptés.

      Un responsable des gardes-frontières ukrainiens a également démenti ces informations en insistant qu’il n’y avait aucune nationalité favorisée plus qu’une autre pour passer la frontière. La principale restriction de sortie du territoire vise actuellement les hommes de nationalité ukrainienne âgés de 18 à 60 ans, qui sont mobilisés pour défendre le pays face à l’invasion russe.

      « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, ces personnes ont peut-être été refoulées parce qu’elles essayaient de griller la priorité dans la file d’attente », a ajouté Andriy Demchenko, porte-parole des gardes-frontières ukrainiens.

      La situation humanitaire du côté ukrainien du poste-frontière de Medyka est extrêmement précaire pour tous les déplacés, comme l’a illustré un de nos récents reportages. Selon un document interne de la Commission européenne cité par Le Figaro, il faut désormais entre vingt et soixante-dix heures pour franchir les postes-frontières de la Pologne.

      Pour les principaux concernés, ces refoulements arbitraires ressemblent à une double peine. Être renvoyé au statut de migrant économique est une véritable douche froide pour ces jeunes Africains venus faire des études avancées, avec des papiers en règle et de brillantes perspectives d’emploi. Dimanche, la plupart des Africains coincés à la gare de Lviv cherchaient désormais à fuir par la Roumanie, la Hongrie, ou la Slovaquie.

      https://www.france24.com/fr/europe/20220228-exode-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re-ukraine-pologne-ils-nous-refoulent
      #refoulement #Blancs #Noirs #filtrage

    • Nigerian Students Fleeing Ukraine Stranded at Poland Border

      Nigerian students in Ukraine are being subjected to a tormenting reality following the Russian invasion of Ukraine on Thursday.

      In a series of tweets, the students have detailed their painful experiences, ranging from trekking long distances to escape the situation at hand, to experiencing racism in the face of danger.

      Many Nigerians walked between 14 and 25 kilometres to seek refuge in Poland. But despite trekking for hours, Poland refused them entry.

      Kachi_Nate, a Twitter user, said his friend in Ukraine could not enter Poland because she’s black.

      “She just told me they’re not letting any Black into Poland without a visa. These are students who are legally in Ukraine. They didn’t even check their documents; just turned them back,” he said.

      “We spoke on a call. She said they turned all blacks without a visa back. As long as you don’t have a visa to Poland, you can’t enter. Also, they didn’t check any other document to confirm their status as international students. She’s walking 3-4 hours back to Lviv.”

      On Thursday, Ukraine’s interior ministry said men between the ages of 18 and 60 are banned from leaving the country. Nigerians are protesting this order by heading to Poland.

      Reacting, a Nigerian said, “Nigerians living in Ukraine shouldn’t be mandated to fight or partake in a war they do not understand. There’s a reason they left in the first place. Why are they being turned back from entering Poland?”

      Some angry parents blamed the inability of Nigerian students to enter Poland on the federal government.

      “Parents are claiming the Nigerian Embassy in Poland should have informed the government there so they could approve the arrival of Nigerians. They’re taking Ukrainians in and, I think, Indians too, because the Indian Embassy in Poland said so,” a Twitter user said.

      Others say they are still subjected to racism. Nzekiev, a Twitter user, said when the train to Poland got to where he was, he and two other Africans entered first. But a few minutes later, the police came in and dragged them down from their cabin, as only Ukrainians were allowed.




      “I don’t blame them, though. I blame African leaders,” he said. “In the train stations here in Kyiv, children first, women second, white men third, and the remaining space is occupied by Africans. This means that we have waited many hours for trains here and couldn’t enter because of this. Majority of Africans are still waiting to get to Lviv.”

      On Thursday, the Russian military launched an offensive against Ukraine with land support from Belarus.

      This came minutes after Russian President Vladimir Putin declared war on Ukraine, claiming Russia was invited by the Donbas People’s Republic.

      Following this development, the House of Representatives of the Federal Republic of Nigeria promised to help Nigerian students in Ukraine.

      In a tweet on Thursday, they offered “to shoulder the immediate evacuation of Nigerian students from Ukraine”.

      The House of Representatives said the committee on the Nigerian Ministry of Foreign Affairs would jet out to Ukraine on Friday.

      However, over 24 hours after the federal government said they would help, students are still stuck in the web of the Russian-Ukraine war.

      It is estimated that over 4,000 Nigerian students are in Ukraine, making them the second most populated group of international students in the country.

      https://fij.ng/article/nigerian-students-fleeing-ukraine-stranded-at-poland-border

    • Ukraine : 436 Marocains ont réussi à fuir le pays via les postes frontières

      Un total de 436 Marocains ont réussi à fuir l’Ukraine via les postes frontaliers vers lesquels l’ambassade du Maroc à Kiev avait précédemment annoncé qu’ils devaient se rendre.

      Selon les données exclusives obtenues par Hespress Fr, 251 Marocains ont réussi à fuir l’Ukraine vers la Roumanie, dont 97 sont arrivés hier, samedi, et 154 ce dimanche 27 février.

      Par ailleurs, 130 Marocains ont traversé via la Pologne, dont 60 sont arrivés ce dimanche et 70 samedi, tandis que 46 Marocains ont quitté le pays vers la Slovaquie, dont 29 sont arrivés ce dimanche et 17 samedi. De même, 9 Marocains ont pu quitter l’Ukraine vers la Hongrie, dont 9 sont arrivés ce dimanche et un seul arrivé samedi.

      Il convient de rappeler que des milliers de Marocains sont toujours sur les routes essayant d’atteindre les pays voisins de l’Ukraine, et se mettre à l’abri des bombardements intensifs. Le nombre d’étudiants marocains en Ukraine est estimé, à lui seul, à près de 9.000.

      https://fr.hespress.com/250799-ukraine-436-marocains-ont-reussi-a-fuir-le-pays-via-les-postes-f

    • Guerre en Ukraine : la détresse d’étudiants africains livrés à eux-mêmes

      En Ukraine, des étudiants africains vivent la guerre au rythme des Ukrainiens. Ils sont nombreux à être sans nouvelle de leurs ambassades. Isolés, sans plan d’évacuation ni numéro d’urgence à contacter, ils vivent très mal la situation et appellent leurs gouvernements à organiser leur rapatriement. Témoignages dans les villes de Kharkiv et de Loutsk.

      « Nous ne recevons aucune information, aucune directive. Tout ce que j’ai comme réconfort, c’est mon papa et ma maman qui m’appellent. »

      À 23 ans, Lilian se sent bien seul dans son appartement de la grande ville industrielle de Kharkiv. La ville n’est pas tombée aux mains des troupes russes, mais des combats intenses se poursuivent dans la zone, selon le Pentagone. Comme de nombreux étudiants africains, Lilian n’a reçu aucun signe de la part des autorités camerounaises depuis le début de l’invasion russe.

      « Je me sens isolé parce que je n’ai aucune nouvelle de mon ambassade. J’ai même envie de dire de nos ambassades, car je ne suis pas le seul Africain dans ce cas. Pourtant, je sais que l’ambassade kenyane a par exemple pris des nouvelles de ses ressortissants, leur disant que s’ils se rendent à la frontière avec la Pologne, à Lviv, ils seront pris en charge là-bas. Nous, nous n’avons rien. »

      Depuis deux jours, le quotidien de l’étudiant camerounais en master de management s’est transformé en cauchemar. Dans la nuit de mercredi à jeudi, à 4 heures du matin, le tremblement des vitres de son immeuble et les bombardements le tirent de son sommeil.

      « Avant ça, tout était calme. On ne savait pas que l’on pouvait se réveiller comme ça, du jour au lendemain, avec la boule au ventre », explique Lilian, la voix monocorde.

      Pour tromper l’angoisse de l’isolement, le jeune homme a proposé à l’un de ses amis camerounais de quitter sa chambre étudiante pour venir vivre avec lui.

      « Il est venu avec moi car c’est mieux qu’être seul », explique-t-il.

      Depuis deux jours, les deux amis ont dû s’adapter au danger imminent. Faute de pouvoir fermer l’oeil la nuit, ils profitent des moments d’accalmie, dans la journée, pour pouvoir se reposer un peu. À la moindre sirène, les jeunes hommes « courent » dans le sous-sol du bâtiment. C’est là qu’ils ont décidé de passer toutes leurs nuits.

      « Les gares et les banques sont fermées, les métros sont à l’arrêt, les bus aussi. Les bombardements se déroulent à une extrémité de la ville. Cela fait deux jours que des gens dorment dans les métros », décrit Lilian.

      À 23 ans, l’étudiant camerounais est réaliste. « Mes parents ont peur pour moi, j’ai peur aussi. On ne sait pas de quoi sera fait le lendemain. Après m’être fait réveiller par des bombardements, je m’attends à peu près à tout », argue-t-il.

      Ce qu’attend le ressortissant camerounais, c’est un plan d’évacuation de la part de son pays.

      « Je ne demande pas de l’aide gratuite. Je peux me payer un billet d’avion pour me rendre au Cameroun. Mais sans communication ni plan d’ évacuation, je suis livré à moi-même ici. »

      Amadou, un étudiant sénégalais de 32 ans, a lui reçu un mail de la part de son ambassade située en Pologne.

      « Au début, je me sentais isolé. Mais jeudi soir, dans la nuit, nous avons reçu un mail venant de l’ambassade du Sénégal en Pologne. Elle a demandé à ceux souhaitant rentrer au Sénégal, de franchir la frontière polonaise. C’est la seule alternative actuellement ».

      Sur un groupe de conversation WhatsApp, des étudiants africains de toutes les nationalités s’échangent conseils et expériences par centaines de messages. Tous souhaitent sortir du pays mais dans la plupart des villes ukrainiennes, louer une voiture ou trouver un taxi est devenu un véritable « parcours du combattant ».

      L’étudiant en master de tourisme le confirme lui-même. Il cherche aussi à quitter Loutsk. La ville n’est pas très loin de la frontière polonaise, mais il attend un ami pour entreprendre son périple. Ce dernier habitait à Kiev et a eu du mal à trouver un transport. Les prix ont explosé.

      « Trouver un transport, c’est le plus grand souci actuellement. Les prix qui ne dépassaient pas les 25 dollars atteignent maintenant les 1.000 dollars pour voyager de Kiev à Varsovie », explique l’étudiant sénégalais.

      Son ami est finalement parvenu à quitter la capitale pour Lviv, mais ce dernier ne trouve pas le moyen de se rendre à Loutsk. Il n’a plus donné de nouvelles à Amadou depuis un jour. Son portable est éteint.

      « Loutsk est un peu plus sûre que les autres villes. Il n’y a pas d’affrontements ici donc les gens viennent. Comme à Lviv, Rivne… »

      Malgré un calme apparent, les sirènes retentissent plusieurs fois par jour dans la ville.

      « C’est difficile de dormir. Les sirènes n’arrêtent pas de retentir. Quand je les entends, je me précipite, je cours pour trouver un abri. C’est la psychose. Les supermarchés, les banques, les pharmacies sont prises d’assaut. Il y a des pénuries pour tout », explique Amadou.

      Natif de Bakel, à l’est du Sénégal près de la frontière avec la Mauritanie et le Mali, Amadou n’a qu’une idée en tête, partir.

      « Tout ce que je désire, c’est rentrer chez moi. Ou au moins franchir la frontière polonaise et me rendre dans l’espace Schengen pour être un peu plus protégé », dit-il.

      "Il y a de la peur, de l’angoisse, de la fatigue. Parfois, l’information n’est pas claire, on ne comprend pas ce que l’on doit faire, la langue ukrainienne n’est pas facile à comprendre pour tout le monde. Il faut vraiment vivre en Ukraine pour comprendre ce qu’il se passe ici. Je n’ai pas vraiment les mots", confesse Amadou.

      Il lance aussi un appel aux autorités sénégalaises. Il a peut-être été contacté par son ambassade en Pologne, mais il n’est pas rassuré par le passage de la frontière polonaise. L’inconnu l’effraie. D’autant que des rumeurs circulent sur les réseaux sociaux et dans les différents groupes de conversations observés.

      « Le problème en Pologne, c’est que beaucoup de monde cherche déjà à traverser la frontière. Nous ne savons donc pas quand nous serons autorisés à la franchir une fois sur place, et quel sort nous sera réservé. Je n’ai pas été là-bas mais j’ai entendu qu’ils nous traitent différemment et qu’ils séparent les Ukrainiens des étrangers. Ça nous fait peur, on ne sait pas quel sort nous attend en Pologne. Je veux que les autorités nous récupèrent une fois la frontière passée, qu’ils organisent notre rapatriement ou qu’ils nous trouvent un abri là-bas », déclare Amadou.

      Sa peur est partagée par de nombreux expatriés africains résidant en Ukraine. Tous lancent un appel à leurs gouvernements pour organiser leur rapatriement.

      https://information.tv5monde.com/info/guerre-en-ukraine-la-detresse-d-etudiants-africains-livres-eux

    • Guerre en Ukraine : des milliers d’étudiants arabes coincés sur place cherchent désespérément à fuir

      Plus de 10 000 étudiants arabes se sont retrouvés pris au piège du conflit en Ukraine. Leur rapatriement est un casse-tête pour leurs gouvernements et une difficile traversée pour les concernés livrés à eux-mêmes

      Trois jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, le nombre de réfugiés ou déplacés grandit rapidement. Les ressortissants étrangers sont aussi menacés par l’avancée de l’envahisseur. C’est le cas de plus de 10 000 étudiants arabes, pris au piège sur place. Les Marocains forment le principal contingent d’étudiants en Ukraine, prisée pour les études de médecine et d’ingénierie. Au moins 8 000 étudiants y résident habituellement.
      Des « scènes traumatisantes »

      Parmi ces étudiants, Rania Oukarfi, 23 ans. Elle a pris la route vers la Moldavie, peu après le début de l’invasion. Jointe par téléphone, elle raconte avoir vu des « scènes traumatisantes ». Selon elle, « l’ambassade n’aide pas, on essaie d’appeler, aucune réponse ».

      Nassima Aqtid, 20 ans, étudiante en pharmacie, est bloquée à Kharkiv où les combats font rage. « J’ai pensé quitter la ville mais c’est impossible, la frontière la plus proche est celle de la Russie », explique-t-elle. « J’ai quitté le Liban à cause de l’effondrement » économique, raconte sur place Samir, 25 ans. Pour lui, la situation est plus critique. Pour gagner la Pologne, il doit traverser toute l’Ukraine.

      Livrés à eux-mêmes

      Des jeunes Syriens et Irakiens sont dans la même situation. Ali Mohammad, un étudiant en ingénierie de 25 ans, appelle constamment son ambassade sans succès depuis Chernivtsi (à l’ouest), proche de la frontière roumaine. « On est partis d’Irak pour changer de mode de vie, la guerre, les galères. On est venus en Ukraine, et c’est la même chose », déclare-t-il par téléphone. Selon un responsable gouvernemental, l’Irak compte 5 500 ressortissants en Ukraine dont 450 étudiants.

      Faute de directives de leurs pays, les ressortissants égyptiens ne savent que faire, comme le confie Saad Abou Saada, 25 ans, étudiant en pharmacie à Kharkiv. « L’ambassade n’a encore rien fait. Je ne sais pas où aller. » Il loge dans sa résidence universitaire qui hébergeait d’autres étrangers « partis sans (lui) ». La moitié des ressortissants du pays sont des étudiants en majorité inscrits à Kharkiv.

      Les États s’organisent

      Depuis le début de la guerre, l’Irak, la Tunisie, l’Égypte et la Libye tentent de préparer la sortie de leurs ressortissants vers des pays limitrophes. Le Maroc les a invités à se rendre à des points d’accès frontaliers avec la Roumanie, la Hongrie, et la Slovaquie. La Tunisie, qui ne dispose pas d’ambassade en Ukraine, va envoyer en Pologne et en Roumanie des avions pour rapatrier ses ressortissants qui souhaitent partir parmi les 1 700 vivant en Ukraine. Tunis a pris contact avec l’ONU et la Croix-Rouge internationale pour l’aider à les évacuer par voie terrestre, ce qui reste très risqué.

      La Libye a prévu des points de ralliement en Ukraine et des évacuations vers la Slovaquie pour une diaspora estimée à près de 3 000 personnes. L’Algérie, liée à la Russie par des accords militaires, s’est distinguée en n’appelant pas à ses ressortissants à quitter le pays. Mais elle les a exhortés à « une extrême prudence ».

      https://www.sudouest.fr/international/guerre-en-ukraine-des-milliers-d-etudiants-arabes-coinces-sur-place-cherche

    • Guerre en Ukraine : le difficile exode des étudiants africains

      Après de multiples accusations de comportements racistes aux frontières, l’Union africaine s’est élevée contre tout « traitement différent inacceptable ».

      Jusqu’au déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, Theresia Kabimyama était étudiante en ingénierie à Odessa, ville portuaire située au bord de la mer Noire. Mais du jour au lendemain, la guerre a poussé cette jeune Congolaise à fuir le pays où elle avait élu domicile. Un voyage éprouvant en bus – faute de pouvoir trouver une place à bord d’un train – l’a menée jusqu’à Lviv, la grande ville de l’ouest, à 800 kilomètres de là, puis à la frontière avec la Pologne, où elle a finalement pu entrer dimanche 27 février.« C’était un cauchemar, franchement, les policiers n’ont pas du tout été sympas avec les étrangers, surtout les Noirs ; ça nous insultait de tous les noms, ça braquait les armes sur nous, ça nous bousculait », rapporte-t-elle au téléphone.Alors que de nombreux Africains, pour la plupart étudiants, tentent comme des centaines de milliers d’Ukrainiens de rejoindre vaille que vaille les pays voisins, les accusations de comportements racistes aux frontières se sont multipliées ces derniers jours. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux sous le hashtag #AfricansinUkraine montrent des scènes de fortes tensions et des Africains empêchés de monter à bord de trains quittant le pays.

      Hervé Offou, un étudiant ivoirien en médecine à Dnipro, une ville de l’est de l’Ukraine, vient d’en faire l’amère expérience. A Lviv où il venait d’arriver, alors qu’il voulait prendre le train avec d’autres étrangers, un policier s’est énervé : « Enlevez les singes d’ici », s’est écrié l’agent, selon le récit de l’étudiant qui assure avoir failli en venir aux mains. Il a finalement décidé de marcher près de 40 km, lundi matin, pour rejoindre la frontière avec la Pologne, en compagnie de plusieurs compatriotes.« Choquant et raciste »« Là aussi les étrangers sont mis à l’écart. Personne ne s’approche de nous, c’est difficile », relate Davy, un ami ivoirien d’Hervé. Kader Niekiema, un étudiant burkinabé de 28 ans à l’université de Lviv, a vécu la même situation, cette fois à la frontière avec la Hongrie. « Il y avait deux files, une pour les Européens, l’autre pour les Africains, c’était la panique, les gardes-frontières ukrainiens nous ont insultés et repoussés, ça a failli dégénérer », raconte le jeune homme par téléphone.Face à la multiplication de ce type de témoignages, l’Union africaine (UA) a publié lundi un communiqué en forme de mise en garde. Appliquer un « traitement différent inacceptable » aux Africains serait « choquant et raciste » et « violerait le droit international », ont souligné le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’institution, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat.« Il est primordial que chacun soit traité avec dignité et sans favoritisme », avait déjà réclamé la veille Garba Shehu, un porte-parole de la présidence nigériane, rapportant qu’« un groupe d’étudiants nigérians qui se sont vus refuser à de multiples reprises l’entrée en Pologne ont fini par comprendre qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de traverser de nouveau l’Ukraine pour essayer de sortir du pays via la Hongrie ». Avec quelque 4 000 ressortissants en Ukraine, les Nigérians constituent l’un des plus importants contingents d’étudiants africains dans le pays. Selon les dernières statistiques disponibles de l’Unesco, près de 13 000 étudiants originaires d’Afrique – y compris du Maghreb – étaient recensés en Ukraine en 2019.En Afrique du Sud également, les autorités ont haussé le ton. Le ministère des affaires étrangères affirme avoir reçu des témoignages et des vidéos montrant des Sud-Africains et plus généralement des Africains placés dans des files séparées des Ukrainiens et des Européens aux postes-frontières. « Ils ont été poussés, bousculés et parfois mis en joue pendant que les soldats ukrainiens leur disaient que la priorité était donnée aux femmes et aux enfants ukrainiens et européens », explique le porte-parole du ministère, Clayson Monyela.« Chaos » suscité par l’éclatement de la guerrePrésent sur place, l’ambassadeur sud-africain en Ukraine, Andre Groenewald, a contacté le ministère ukrainien des affaires étrangères pour s’insurger. « Si c’est ainsi que doivent être traités les Africains, nous nous en souviendrons après le conflit », dénonce M. Monyela qui ajoute que « la situation s’est légèrement améliorée »depuis les protestations sud-africaines.

      Ces accusations de racisme ont été rejetées notamment par l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, Joanna Tarnawska. « Tout le monde reçoit un traitement égal », a-t-elle déclaré à des médias locaux, affirmant que les documents d’identité invalides sont acceptés pour franchir la frontière et que les restrictions liées au Covid-19 ont été levées.Des dispositions confirmées par l’ambassadeur du Sénégal pour la Pologne, l’Ukraine et la République tchèque, Papa Diop. Celui-ci rapporte que le ministère polonais des affaires étrangères a convié, le 15 février, un groupe d’ambassadeurs africains, en prévision du déclenchement des hostilités. « Lors de cette réunion de crise, les autorités polonaises nous ont informés qu’en cas de conflit, elles n’exigeraient pas de visa européen et de passe sanitaire aux ressortissants non européens », détaille-t-il.

      A l’en croire, les frictions des derniers jours sont le résultat d’une « mésentente entre les gardes-frontières polonais et ukrainiens » et du « chaos » suscité par l’éclatement de la guerre. « C’est dur pour tout le monde dans ce contexte. Notre groupe d’ambassadeurs africains a d’ailleurs écrit au ministère polonais des affaires étrangères pour demander si des instructions discriminatoires avaient été données. On nous a répondu que non et on nous a confirmé les dispositions prises lors de la réunion du 15 février », insiste-t-il.« Les femmes et les enfants d’abord »Du côté polonais, Le Monde a effectivement pu constater que des dizaines d’étudiants africains avaient réussi à traverser la frontière, malgré des complications pour ceux ne disposant pas d’un permis de résidence en Ukraine. Certains réfugiés ukrainiens se plaignent d’ailleurs que « les hommes étrangers comme les étudiants africains » veuillent à tout prix passer « alors que ce doit être les femmes et les enfants d’abord ».
      Alors que l’Ukraine a sonné la mobilisation générale, réquisitionnant tous les hommes de 18 à 60 ans, les Ukrainiens qui fuient vers les pays limitrophes sont essentiellement des femmes et des mineurs. « Mais les autorités ukrainiennes bloquent aussi les femmes africaines », déplore l’Ivoirien Gildas Bahi, chargé d’organiser le regroupement des étudiants de son pays en vue de leur évacuation.Cependant, tous les témoignages ne racontent pas la même histoire. Merouane, étudiant algérien en ingénierie informatique à Dnipro, s’est engagé avec trois autres Algériens et une Ukrainienne dans un périple de 900 kilomètres dès les premières heures de l’invasion russe. « Je n’ai observé aucune discrimination liée au passeport et c’est rare aux frontières », rapporte-t-il. Après vingt-quatre heures de route et plusieurs heures d’attente à la frontière, le groupe a été accueilli par une structure polonaise qui leur a offert « une chambre, de la nourriture et même un sac de vêtements de rechange pour ceux qui n’avaient rien pris », raconte-t-il, soulagé.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/01/guerre-en-ukraine-le-difficile-exode-des-etudiants-africains_6115635_3212.ht

    • Nigeria condemns treatment of Africans trying to flee Ukraine

      Government says citizens are being denied entry into Poland amid growing reports of discrimination

      The Nigerian government has condemned the treatment of thousands of its students and citizens fleeing the war in Ukraine, amid growing concerns that African students are facing discrimination by security officials and being denied entry into Poland.

      A deluge of reports and footage posted on social media in the past week has shown acts of discrimination and violence against African, Asian and Caribbean citizens – many of them studying in Ukraine – while fleeing Ukrainian cities and at some of the country’s border posts.

      They are among hundreds of thousands of people trying to escape the country as civilian casualties and destruction mount.

      More than half a million people have fled Ukraine since the Russian invasion began last week, according to the UN’s refugee agency, UNHCR.

      The Nigerian president, Muhammadu Buhari, said on Monday: “All who flee a conflict situation have the same right to safe passage under UN convention and the colour of their passport or their skin should make no difference,” citing reports that Ukrainian police had obstructed Nigerians.

      “From video evidence, first-hand reports, and from those in contact with ... Nigerian consular officials, there have been unfortunate reports of Ukrainian police and security personnel refusing to allow Nigerians to board buses and trains heading towards Ukraine-Poland border,” he said.

      “One group of Nigerian students having been repeatedly refused entry into Poland have concluded they have no choice but to travel again across Ukraine and attempt to exit the country via the border with Hungary.”

      Nigeria’s special adviser to the president on diaspora affairs, Abike Dabiri-Erewa, said: “Africans are being denied entry through the Ukrainian borders. The minister of foreign affairs, Geoffrey Onyeama, has taken this up with the Ukrainian ambassador. Our people who want to leave must be allowed to.”

      Amid chaotic and emotional scenes at Ukraine’s borders with Poland, as well as Romania and Belarus, where a number of African governments have advised citizens to head to, the treatment of African and Asian people has caused outrage.

      Many African students have condemned the difficulties they have faced trying to escape the conflict.

      Samuel George, a 22-year-old Nigerian software engineering student, drove from Kyiv, along with four of his friends, fellow students from Nigeria and South Africa, to the Polish border. Queues of cars full of people trying to leave spanned 31 miles (50km) to the border. Yet when some men who were in the queue noticed they were Africans, he said, they stopped their vehicle.

      “They immediately saw that the Ukrainians could pass but when they realised we weren’t Ukrainians they stopped it. They told us we couldn’t move forward and wouldn’t let us join the queue,” George said.

      When they tried to defy them, he said the men attacked and vandalised their windscreen. “They demanded $500 – we begged and negotiated to pay $100. We had to leave the car and trek. We were walking for almost five hours to the border with Poland. One of us was sick. The temperature was freezing, it was so tough.”

      At the border, Ukrainian officials “showed racist acts”, attempting to force them to the back of the queue, George said. “So many of us are still stuck there facing challenges. Some of them went to the borders but they were sent back and are still trying to leave.”

      Emily*, a 24-year-old medical student from Kenya, said she spent hours waiting for Ukrainian border guards to let her enter Poland because they were prioritising Ukrainian nationals.

      “We had to wait five hours but we were lucky: we met some people there who had spent days waiting in the foreign national queue,” she said.

      After eventually entering Poland, she boarded a free bus, organised by an NGO, to a hotel near Warsaw that was offering free board to Ukrainian refugees. However, the hotel refused to take her and her Kenyan friends in after examining their documents.

      “The staff said, ‘Sorry, we can’t admit you because this was meant only for Ukrainians,’” she said. The hotel also refused to give Emily a room after she offered to pay for one.

      Instead, Emily’s family in Kenya got in touch with a Polish acquaintance, who was able to find accommodation for Emily and other students with friends in Warsaw.

      In footage posted on social media, men identified by students as Ukrainians were seen abusing and assaulting them near borders, preventing them from leaving.

      In response to calls for information and advice for students worried about leaving Ukraine, several support groups have been set up on WhatsApp, Telegram and Facebook by people advocating for more assistance and by students who have been trying to leave.

      Government officials from Ukraine and Poland have said all refugees are welcome, adding that border officials were working through hundreds of thousands of cases.

      Yet even after passing into Poland, many have reported continuing challenges. Both George and Emily were given entry into Poland for just 15 days.

      In the weeks leading up to the war it was clear that increased support was needed but the government did not act, George said, condemning what he described as a lack of quick and concise assistance from Nigerian authorities.

      Days after Ukraine closed its airspace to civilian flights, Nigerian lawmakers and ministers attempted to organise evacuation flights before changing plans.

      One student said they tried to contact the consulate but failed to reach an official.

      “I don’t see how in a situation like this, where the citizens are in a country where there is war, that a country won’t do everything to rescue their citizens, but that is where we are,” they said.

      “The whole situation is tragic, the war is so tragic. So many men were staying behind to fight with the army. I was seeing so many greeting their wives and families farewell. It felt like the world was coming to an end.”

      https://www.theguardian.com/world/2022/feb/28/nigeria-condemns-treatment-africans-trying-to-flee-ukraine-government-p

    • La acogida a desplazados ucranios contrasta con denuncias de discriminación a otros migrantes

      Las cifras récord de acogida de desplazados de los países fronterizos con Ucrania coinciden con las denuncias de ciudadanos de África, Medio Oriente y Asia sobre discriminación a la hora de abandonar el país. La Unión Africana lo califica de «racista», mientras que periodistas internacionales han sido señalados en redes por hacer distinciones entre los refugiados de Ucrania y los de otras guerras anteriores.

      Este martes 1 de marzo, el máximo responsable para los refugiados de las Naciones Unidas, Filippo Grandi, reportaba la salida de 677.000 personas desde Ucrania hacia los países vecinos.

      Mientras que Karolina Lindholm Billing, la responsable de Acnur para Ucrania, cifró en un millón el número de desplazados internos. De la frontera del Donbass, epicentro de la guerra, se estiman 116.000 desplazados ucranianos al lado ruso.

      Son cifras récord, producidas en menos de una semana de conflicto. Lo que supone un reto humanitario mayúsculo, tanto para los países fronterizos, como para las potencias europeas a las que muchos ucranianos quieren llegar.

      Los primeros gestos de los países colindantes con Ucrania han respondido a los llamados históricos de las agencias internacionales para refugiados. Además de suspender sus cuarentenas anticovid, los países fronterizos (Polonia, Hungría, Rumanía, Moldavia y Eslovaquia) han abierto sus puertas para todos aquellos que acrediten su procedencia de Ucrania.

      E incluso más: Polonia ha elaborado programas de alojamiento para los recién llegados en viviendas particulares, mientras que Eslovaquia ofrece transporte gratuito y la posibilidad de trabajar en el país. Este martes también se supo que la Unión Europea está debatiendo garantizar a los refugiados ucranianos el estatuto de protección temporal, permitiéndoles vivir y trabajar hasta 3 años en algunos de los 27 Estados miembros.

      Acciones aplaudidas por el propio Filippo Grandi en un comunicado en el portal de ACNUR: «Polacos, húngaros, moldavos, rumanos, eslovacos y ciudadanos comunes de otros países europeos han llevado a cabo actos extraordinarios de humanidad y bondad. Este es el instinto humanitario que tanto se necesita en tiempos de crisis».

      Sin embargo, paralelamente al recibimiento, también crecen las denuncias de que la acogida y el refugio está contando con privilegios. Entre los primeros denunciantes, la investigadora sobre migración y asilo en Grecia, Lena Karamanidou, que había avisado después del inicio del conflicto.

      “No hay forma de evitar las preguntas sobre el racismo profundamente arraigado en las políticas migratorias europeas cuando vemos cuán diferentes son las reacciones de los gobiernos nacionales y las élites de la UE ante las personas que intentan llegar a Europa”.

      But there is no way to avoid questions around the deeply embedded racism of European migration policies, when we see how different the reactions of national governments and EU elites are to the people trying to reach Europe. This can’t just be brushed under the carpet.
      — Lena K. (@lk2015r) February 25, 2022

      La Unión Africana califica de «racista» el trato diferencial a africanos

      En los últimos días, periodistas han estado denunciado las dificultades de escapar de Ucrania para ciudadanos africanos, de Medio Oriente y asiáticos.

      Otros reporteros argumentaron que se tratan de las dos colas habituales administrativas: la de ciudadanos ucranianos y la de extranjeros. Sin embargo, las denuncias hacen énfasis que la de los locales avanza a una mayor velocidad que la de los foráneos.

      Ucrania tiene 470.000 ciudadanos extranjeros, que la Organización Internacional para las Migraciones (OIM) está tratando de atender. A diferencia de los ucranianos, muchos no europeos necesitan visas para ingresar a los países vecinos.

      En Internet, se ha viralizado el hashtag #AfricansinUkraine, donde estudiantes racializados mostraban la imposibilidad de abordar trenes para salir del país. Así lo recogieron los corresponsales de France 24 en la ciudad fronteriza de Leópolis.

      “Nos pararon en la frontera y nos dijeron que los negros no estaban permitidos. Pero pudimos ver gente blanca pasando”, dijo Moustapha Bagui Sylla, un estudiante de Guinea. Añadió que había huido de su residencia universitaria en Járkov, la segunda ciudad más grande de Ucrania, tan pronto como comenzó el bombardeo.

      “No dejan entrar a los africanos. Los negros sin pasaporte europeo no pueden cruzar la frontera (...). ¡Nos están haciendo retroceder solo porque somos negros!”. dijo otro estudiante nigeriano, quien solo dio su primer nombre, Michael. “Todos somos humanos”, agregó. “No deberían discriminarnos por el color de nuestra piel”, afirmó.

      Estas denuncias han provocado el enfado de la Unión Africana. El lunes, en un comunicado, el actual presidente, Macky Sall, y el presidente de la Comisión de la Unión Africana, Moussa Faki Mahamat, se hicieron eco y realizaron un llamado internacional.

      «Los informes de que los africanos reciben un trato diferente inaceptable serían escandalosamente racistas y violarían el derecho internacional. En este sentido, los presidentes instan a todos los países a respetar el derecho internacional y mostrar la misma empatía y apoyo a todas las personas que huyen de la guerra, independientemente de su identidad racial».

      Sobre esta discriminación también habló para la agencia estadounidense Associated Press, Jeff Crisp, exjefe de política, desarrollo y evaluación de ACNUR: “Los países que habían sido realmente negativos en el tema de los refugiados y que han hecho que sea muy difícil para la UE desarrollar una política de refugiados coherente durante la última década, de repente presentan una respuesta mucho más positiva”, cuestión que achaca a las similitudes culturales y raciales: "no es completamente antinatural que las personas se sientan más cómodas con personas que vienen de cerca, que hablan un idioma (similar) o tienen una cultura (similar)”.

      Los Gobiernos «ultra» europeos han cambiado el tono

      Países de Europa del Este y Centroeuropa han sido de los más duros a la hora de hablar y legislar sobre migración en los últimos años. De hecho, el primer ministro búlgaro, Kiril Petkov, hizo referencia al cambio de criterio de los últimos días: «estos no son los refugiados a los que estamos acostumbrados, estas personas son europeas (...) son inteligentes, educadas».

      Associated Press también recogía el cambio de tono del ultraderechista primer ministro húngaro, Viktor Orban, quien pasó en diciembre de decir «no vamos a dejar entrar a nadie», a asegurar esta semana que «dejaremos entrar a todos», en referencia a los ucranianos.

      Otro ejemplo clarificador fue el de 2021, cuando miles de migrantes se acercaron a la frontera entre Belarús y Polonia, con el objetivo de acceder a países de la Unión Europea, y en plena crisis entre el organismo y el Gobierno de Alexander Lukashenko. Polonia cerró completamente sus fronteras y como consecuencia, 15 personas murieron por el frío.

      Sin embargo, el lunes, el embajador de Polonia en la ONU, Krzysztof Szczerski, dijo que no estaban discriminando a nadie en esa crisis y que 125 nacionalidades habían sido admitidas en el país.

      Algunos periodistas distinguen entre refugiados ucranianos y de otras partes

      Pero además de las acciones, también se están señalando como racistas discursos de algunos medios de comunicación internacionales, en los que se han encontrado distinciones entre guerras de primera y de segunda, según el color de piel o la cercanía cultural.

      [Thread] The most racist Ukraine coverage on TV News.

      1. The BBC - “It’s very emotional for me because I see European people with blue eyes and blonde hair being killed” - Ukraine’s Deputy Chief Prosecutor, David Sakvarelidze pic.twitter.com/m0LB0m00Wg
      — Alan MacLeod (@AlanRMacLeod) February 27, 2022

      El corresponsal del medio CBS News, Charlie D’Agata, dijo que «esto no es Irak o Afganistán, esto es en una ciudad relativamente civilizada y europea».

      En el medio catarí Al-Jazeera, otro periodista afirmó que no son refugiados tratando de escapar de Medio Oriente o el Norte de África «son como cualquier familia europea que vive a tu lado».

      También en Francia, en el medio privado BFM TV, un tertuliano dijo que lo que está sucediendo es como si estuviéramos «en Irak o Afganistán», mientras que una reportera de la cadena británica ITV dijo que «esto no es una nación del tercer mundo, esto es Europa».

      https://www.france24.com/es/europa/20220301-refugiados-ucrania-guerra-racismo-europa?ref=wa

    • Ucraina, africani invisibili in tempo guerra

      A Kiev è stato impedito agli studenti africani di prendere i treni diretti alla frontiera con la Polonia. E quelli che vi sono giunti sono stati respinti dalle guardie polacche. L’Unione africana ha protestato contro questo «trattamento differenziato». Ma anche l’Europa, che accoglie gli ucraini, non usa lo stesso criterio con chi fugge dalle guerre africane

      Mentre tutta l’Europa, Italia compresa, si mobilita per soccorrere e accogliere quanti dall’Ucraina fuggono per salvarsi dai bombardamenti russi, nel silenzio quasi generale dell’opinione pubblica e dei governi occidentali, sta consumandosi la tragedia nella tragedia dei respingimenti di migliaia di africani, giovani studenti soprattutto, residenti in Ucraina. Costoro cercano di fuggire di fronte all’assedio russo, ma si ritrovano intrappolati in quanto respinti, in particolare alla frontiera polacca.

      Secondo diverse testimonianze, a Kiev le forze di sicurezza ucraine avrebbero impedito a degli studenti africani di salire sui treni e sui bus diretti alla frontiera polacca: ciò per dare priorità agli ucraini. E altri africani, giunti alla stessa frontiera, sarebbero stati respinti dalle guardie di confine per le stesse ragioni.

      Le immagini, a migliaia, veicolate dai social, di cittadini africani bloccati alla frontiera tra Ucraina e Polonia e che subiscono trattamenti differenziati se non abusi (il personale di frontiera che dice: «Non ci occupiamo degli africani»), non potevano non suscitare l’indignazione e la condanna dell’intero continente africano.

      A gran voce, l’Unione africana (Ua) è scesa in campo per denunciare il razzismo antiafricano, a suo parere evidente nelle operazioni di rimpatrio dei propri concittadini, in maggioranza studenti. Alcuni di loro hanno dichiarato: «Siamo stati cacciati indietro, siamo stati colpiti dai poliziotti armati di bastone quando abbiamo tentato di fare pressione e spingere in avanti».

      L’Ua si è detta «particolarmente preoccupata» da quanto sta accadendo. Il presidente senegalese Macky Sall, presidente in esercizio dell’Ua, e il presidente della Commissione, Moussa Faki Mahamat, ricordano che «ogni persona ha il diritto di attraversare le frontiere internazionali durante un conflitto (…) qualunque sia la sua nazionalità o la sua identità razziale». Applicare un «trattamento differente» per gli africani sarebbe «inaccettabile, scioccante e razzista» e «violerebbe il diritto internazionale».

      Denuncia

      L’evacuazione dei cittadini africani si rivela più complessa di quanto non possa apparire, anche perché soltanto una decina di paesi hanno una rappresentanza diplomatica, ambasciata o consolato, in Ucraina.

      Nel cercare, comunque, di portare soccorso ai propri cittadini, le reazioni dei paesi africani sono state a dir poco “vivaci”. Un solo esempio, la Nigeria. Da subito ha esortato le autorità di frontiera con l’Ucraina e dei paesi vicini a trattare «con dignità» i suoi concittadini.

      «Informazioni spiacevoli» indicano che «la polizia ucraina e il personale di sicurezza rifiutano di permettere ai nigeriani di salire sui bus e i treni verso la Polonia», ha dichiarato il portavoce della presidenza nigeriana, Garba Shehu. «Un video molto diffuso sui social mostra una madre nigeriana con il suo bimbo in treno fisicamente forzata a cedere il proprio posto», ha proseguito, aggiungendo che secondo altre informazioni, funzionari polacchi hanno rifiutato l’entrata in Polonia a dei nigeriani provenienti dall’Ucraina.

      Ha ricordato infine che «tutti coloro che fuggono da un conflitto hanno lo stesso diritto a passare in tutta sicurezza in virtù della Convenzione dell’Onu, e il colore del loro passaporto o della loro pelle non dovrebbe fare alcuna differenza». Una denuncia per maltrattamenti e abusi è venuta anche dall’ambasciatore sudafricano e altri che si sono recati personalmente alla frontiera per aiutare gruppi di propri concittadini a entrare in Polonia o a rimpatriare.

      Queste accuse di “razzismo” sono naturalmente respinte dalle autorità polacche così come dalle guardie di frontiera che assicurano di garantire a tutti il passaggio. Le difficoltà sarebbero legate all’enorme afflusso di profughi che crea lunghe file di attesa il cui controllo, anche sanitario, legato alla pandemia di coronavirus, richiede tempi lunghi, anche giorni.

      L’ambasciatrice polacca ad Abuja (Nigeria) ha dichiarato da parte sua che «tutti ricevono lo stesso trattamento», confermando che dei cittadini nigeriani avevano già raggiunto la Polonia. Che a loro volta però hanno riaffermato che «i funzionari alla frontiera davano la priorità alle donne e ai bambini ucraini».

      Secondo cifre ufficiali ucraine, più di 76mila sarebbero gli studenti stranieri presenti in Ucraina, di cui il 20% africani. Le università ucraine, in particolare le facoltà di medicina e ingegneria, sono particolarmente ricercate dagli studenti originari del mondo arabo. I marocchini con gli egiziani formano il gruppo arabo più numeroso.

      Migliaia sono anche i giovani subsahariani partiti per l’Ucraina, attirati dalla qualità degli studi e dalle tasse scolastiche relativamente basse. Importanti i gruppi di studenti e studentesse di paesi come la Nigeria, il Ghana, il Kenya, il Sudafrica, l’Etiopia o la Somalia.

      Amnesty International, quella belga in particolare, è scesa in campo per richiamare i paesi europei al loro dovere di «accogliere chiunque, indipendentemente da ogni criterio, razziale o altro. Ogni paese deve accogliere tutti i rifugiati e garantire una accoglienza degna».

      Razzismo «endemico» in Europa?

      Anche i militanti antirazzisti in Europa si sono fatti sentire per denunciare che in Europa, in tempo di crisi, il razzismo endemico risolleva la testa. Lo si era già visto con il trattamento riservato ai rifugiati siriani alle porte della Polonia, alcuni anni fa. Non andrebbe mai dimenticato che in Europa ci sono comunque cittadini provenienti dal mondo intero, eredità di un passato coloniale. Non mancano in Europa gli afrodiscendenti che in questi giorni si stanno chiedendo: «Se mai un giorno dovessimo fuggire, i bianchi avrebbero un trattamento speciale?».

      Siamo tutti felici della rapidità con cui i paesi europei si sono impegnati ad accogliere gli ucraini in fuga. I paesi occidentali mostrano solidarietà con i rifugiati ucraini perché la nostra cultura sarebbe tanto simile alla loro. Il che però non toglie lo stupore di quanti, africani in primis, hanno dovuto ricorrere addirittura allo sciopero della fame per ottenere i documenti dopo essere fuggiti da situazioni di guerra.

      Doveroso riconoscere che in parallelo alle testimonianze sulle difficoltà a lasciare l’Ucraina, si sta organizzando sui social una forma di solidarietà con decine di persone che propongono il proprio aiuto concreto per il passaggio della frontiera o per offrire un alloggio.

      https://www.nigrizia.it/notizia/ucraina-africani-invisibili-in-tempo-guerra

    • Les résidents étrangers non européens, grands oubliés de l’exode hors d’Ukraine

      Les 280 000 personnes entrées en Pologne depuis la guerre en Ukraine le 24 février sont majoritairement ukrainiennes. Les autres, qu’elles viennent d’Afrique ou d’Asie, se plaignent de ne pas être logées exactement à la même enseigne.

      Pouja, George, Vikram et six de leurs amis attendent sur le bord de la route à Medyka, en Pologne. Ce groupe de ressortissants indiens dans la vingtaine ont franchi la frontière polonaise depuis l’Ukraine au matin par le passage frontalier le plus emprunté pour quitter l’Ukraine.

      Mais, à la nuit tombante, ces neuf amis n’avaient toujours pas réussi à quitter le rond-point où ils grelottaient à une dizaine de kilomètres de la ville de Przemyśl. « Cela fait plus de six heures qu’on attend ici. Il n’y a jamais de places dans les bus. Ils laissent d’abord passer les femmes et les enfants ukrainiens et les rares bus se remplissent mais sans nous », se lamente Pouja, qui est pourtant une femme mais qui ne veut pas se séparer de ses compagnons d’aventure, tous de jeunes hommes.

      Une couverture sur les épaules, Gurwinder tente de justifier : « C’est un problème de management : les Polonais font ce qu’ils peuvent, mais ils n’ont que deux ou trois bus. Or, il y a vraiment beaucoup de gens qui fuient l’Ukraine : c’est sûr qu’ils devraient augmenter la cadence. »

      Gurwinder a bien vu un bus supplémentaire affrété par l’ambassade d’Inde à Medyka, mais renseignement pris, « il ne concerne que les gens qui utilisent le centre d’accueil réservé aux ressortissants indiens. Tout ça pour remplir les statistiques de l’ambassade… », déplore cet homme de 27 ans.

      Il souhaite se rendre à Varsovie par ses propres moyens, où un temple sikh lui offrira l’hospitalité à lui et ses amis, le temps que la situation se calme en Ukraine, espère-t-il. « D’abord, comme tout le monde, nous avons dû faire 40 kilomètres à pied de l’ouest de Lviv à Medyka. Ensuite, les Ukrainiens nous ont fait patienter des heures dehors avant de passer à l’immigration. À chaque fois, ils disaient : d’abord les femmes et les enfants. Pendant ce temps, il n’y avait ni ambulance, ni nourriture, ni eau… En deux ans et demi en Ukraine, je n’avais jamais été aussi mal traité », témoigne Gurwinder, déçu.

      « J’ai vu des Nigérians se faire battre par les militaires ukrainiens car ils avaient escaladé un mur. Quant à moi, je me suis fait traiter de Poutine. Est-ce parce que je ne suis pas resté défendre l’Ukraine ? », s’interroge Gurwinder, qui était chauffeur pour Bolt – application de taxi – en Ukraine, à Kiev, et qui a dû laisser sa voiture à Lviv (ouest de l’Ukraine) sur le bord de la route alors qu’un embouteillage monstre obstruait celle-ci, qui menait au passage frontalier de Medyka – Shehyni.

      Lundi 28 février, ils étaient des dizaines d’étudiant·es ou de jeunes travailleurs et travailleuses issues de divers pays d’Afrique, du sous-continent indien, du Moyen-Orient ou encore d’Afrique du Nord à attendre désespérément par des températures négatives un bus qui n’était toujours pas venu la nuit tombée.

      À vrai dire, à Medyka, on ne trouvait plus beaucoup d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens, alors encore majoritaires il y a deux jours à franchir la frontière à pied à la même heure. De quoi alimenter des soupçons de discrimination voire de racisme, relayés par les réseaux sociaux.

      « Ce que l’on a entendu de la part de ressortissants palestiniens, c’est que les autorités ukrainiennes ne les ont pas bien traités à la frontière. Alors que côté polonais, les procédures ont lieu rapidement et sans encombre, témoigne un Palestinien venu en voiture chercher plusieurs de ses compatriotes. Il existe une ligne de soutien pour les Palestiniens coincés en Ukraine sur la base de laquelle une liste de personnes s’apprêtant à franchir la frontière a été établie. »

      Toutes les personnes étrangères non européennes fuyant l’Ukraine n’ont pas pu bénéficier de services consulaires de la sorte, ne pouvant pas non plus compter sur l’aide de la famille ou d’ami·es, dont les Ukrainiennes et les Ukrainiens sont nombreux à bénéficier en Pologne ou ailleurs en Europe. C’est le cas de Christabel Elenya, une Nigériane de 19 ans, qui n’avait jamais mis les pieds en Pologne auparavant et ne sait pas s’il y aura une place dans un avion pour la rapatrier, si tel était son choix.

      Arrivée fin janvier à Kiev pour y suivre des cours d’aéronautique en anglais, elle a dû quitter la ville deux mois plus tard, au début de la guerre, pour se réfugier à Lviv. Puis en Pologne. Elle confirme que l’attente était plus longue au passage frontalier côté ukrainien pour les personnes étrangères non européennes. « J’ai fini par me prétendre enceinte car je n’en pouvais plus d’attendre », sourit la jeune fille assise sur son lit de fortune installé dans la salle de sport d’une école de Przemyśl.
      Pas de billets gratuits

      « Ce n’était facile pour personne au poste frontière. Les tensions ont monté, j’ai vu des hommes étrangers qui étaient à deux doigts de se battre. Cela dit, je comprends que les Ukrainiens soient débordés… », avance l’étudiante, qui assure avoir trouvé toute l’aide dont elle pouvait rêver en Pologne, y compris un logement chez un particulier, qu’elle a refusé de peur de déranger. « Je n’aurais jamais cru que des gens pouvaient être aussi gentils », finit-elle par conclure à l’adresse des Polonais.

      De son côté, Ivonna, une Ukrainienne de 42 ans passée par le poste-frontière de Medyka, et elle aussi hébergée sous un panier de basket dans l’école de Przemyśl, s’est dite choquée par le « comportement de certains étrangers, qui étaient agressifs et se comportaient de manière inadéquate ».

      En gare de Przemyśl, un contrôleur polonais interrogé sur la mesure mise en place par les chemins de fer polonais pour garantir des tickets gratuits afin de se déplacer dans le pays précise qu’ils sont réservés aux détenteurs et détentrices de passeports ukrainiens : « La logique est la suivante : la guerre est en Ukraine, pas dans leur pays. Ils doivent donc payer s’ils veulent un ticket », explique-t-il.

      En réalité, il est rare que ces tickets soient vérifiés à bord, et les bénévoles déployé·es en gare annoncent souvent des trains gratuits pour tout le monde. Il n’empêche, personne ne semble encore savoir ce qu’il en sera des ressortissant·es non européen·nes sur le sol polonais, une fois les quinze jours de séjour tolérés expirés. Les Ukrainiennes et les Ukrainiens ont droit pour le moment à 90 jours de séjour, et l’UE réfléchit à leur octroyer un statut de protection spéciale valable jusqu’à trois ans.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/010322/les-residents-etrangers-non-europeens-grands-oublies-de-l-exode-hors-d-ukr

    • « On nous disait “Pas les Noirs” » : le tri racial dans la fuite de l’Ukraine

      Ivoiriens, Indiens, Camerounais, Marocains... De nombreux ressortissants étrangers qui résidaient en Ukraine tentent également de rejoindre la Pologne, loin des combats. Une traversée périlleuse, rythmée par des comportements racistes de certains soldats ukrainiens.

      Lundi 28 février, sous de légers flocons de neige, Stephan cherche un bus pour se rendre dans la ville la plus proche. Il traîne ses valises d’un pas chancelant, suivi de près par ses quatre amis camerounais. Ensemble, ils viennent tout juste de traverser la frontière polonaise depuis l’Ukraine, près de Medyka, après deux jours d’un interminable voyage depuis Kiev. « C’est l’expérience la plus horrible que j’ai vécue dans ma vie », soupire-t-il.

      De ce périple pourtant, Stephan ne retient ni la peur des bombardements, ni la vie qu’il a laissée derrière lui. Il retient uniquement les coups de crosses de Kalachnikov, les insultes et les menaces lancées par les soldats ukrainiens et les garde-frontières tout au long de sa fuite. Des violences racistes que rapportent également de nombreux ressortissants et étudiants africains, pakistanais, indiens ou encore népalais, qui seraient constamment relégués de façon inhumaine derrière les exilés ukrainiens pour quitter le pays au plus vite.

      « Tu es obligé de payer pour que ça s’arrête »

      Depuis le début de l’invasion russe, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux. On y voit des soldats ukrainiens repousser à l’arrière des files les personnes de couleur, pourtant résidentes légales en Ukraine, pour faire passer en priorité les personnes blanches. Les témoignages affluent également : ceux d’Africains débarqués d’un bus en route pour la frontière, d’armes braquées sur un groupe d’Indiens ou encore d’insultes racistes répétées.

      « Ils faisaient passer les femmes et les enfants d’abord, ce qui est normal », raconte Stephan, qui travaillait en tant qu’ingénieur des ponts et chaussées en Ukraine. Parti de Kiev à 6h du matin le samedi, l’homme espérait attraper un premier train avec ses amis, avant de vite déchanter sur les quais de la gare. « Sur le côté, il y avait plein de femmes africaines avec leurs enfants que personne ne faisait passer devant, contrairement aux Ukrainiennes. D’un coup, les policiers nous ont repoussés. Il y en a un qui m’a frappé avec un fusil », ajoute le Camerounais en montrant le bas de son dos. Il ne le savait pas encore, mais ce type de scène ne sera qu’une infime partie du traitement que lui réserveront certains soldats ukrainiens jusqu’à son arrivée en Pologne.

      Bloqués par des kilomètres de bouchons d’exilés fuyant la guerre depuis l’invasion de la Russie le 24 février, le groupe de Camerounais est contraint de marcher sur plus de 12 kilomètres, comme tout le monde. Rapidement, un premier check point. « Là, la situation s’est empirée pour les étrangers. On a dû former un corridor, bloqué par les armes des soldats, comme du bétail. “Je vais tirer”, ils disaient, en mettant des coups de crosses ! », explique Stephan. Juste à côté d’eux, les femmes et les enfants ukrainiens défilaient sans difficulté. « On a passé presque deux jours au premier check point, debout, sans manger, sans eau, sans douche et dans le froid. »

      Poussé à bout, le groupe de Camerounais a finalement compris comment s’en tirer : en payant les soldats les plus agressifs. « Ils ne te demandent pas de l’argent frontalement, mais ils te mettent dans des conditions telles que tu es obligé de payer pour que ça s’arrête. » Le groupe déboursera finalement 1.000 hryvnia (environ 30 euros) une première fois, puis 100 dollars au deuxième check point. « À un moment, je me suis demandé si j’étais un être humain », se questionne d’une voix basse le Camerounais.
      « Ils donnaient de la nourriture aux Ukrainiens, pas à nous »

      Il n’y a pas besoin de chercher bien loin pour trouver des témoignages similaires. À quelques mètres de Stephan, un groupe de cinq Népalais raconte leur voyage en enfer. « C’est simple, il y a d’un côté la file des Ukrainiens, de l’autre celle des étrangers. D’un côté on les laisse tranquilles, de l’autre on les traite comme des animaux », s’exclame Padma, une jeune Népalaise qui étudiait la médecine en Ukraine. Comme elle, des dizaines de milliers d’étudiants étrangers résidaient dans le pays d’Europe de l’Est, venant principalement du Maroc, d’Égypte, d’Inde ou encore de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Beaucoup d’entre eux font désormais partie des 280.000 exilés qui ont déjà rejoint la Pologne depuis le début du conflit.

      La Népalaise n’arrive pas à se calmer. Ses amies ont loupé quatre fois le train, « parce qu’ils ne mettaient que les Ukrainiens dedans », affirme-t-elle, tout en rassemblant ses affaires près de tentes blanches installées à Medyka, l’un des postes de frontière les plus empruntés par les réfugiés. Au total, ils attendront 24 heures pour enfin grimper dans un wagon.

      « On était comme des singes », ajoute la jeune femme, en expliquant s’être retrouvée bloquée à quelques kilomètres de la Pologne, après son voyage en train. « Il donnait de la nourriture aux Ukrainiens, pas à nous. » Un de ses amis l’interrompt en criant : « On leur a même proposé de l’argent ! Mais ils disaient qu’il n’y avait plus rien. » Après 36 heures sans manger, le groupe a finalement été accueilli par la police polonaise, avec de l’eau et à manger. « Eux ils nous ont bien traités », ajoute Padma. « Rien que leur façon de nous parler n’avait rien à voir », renchérit Milan, un autre Népalais. Mais même côté polonais pourtant, certains commencent à dénoncer un accueil bien plus froid à leur égard, comparé à celui réservé à leurs homologues ukrainiens.

      Le tri des réfugiés en fonction de leur origine commence à faire du bruit sur les réseaux sociaux, où les hashtag #AfricansInUkraine ou encore #IndiansInUkraine ont fait leur apparition à côté des vidéos montrant ces discriminations. Une sorte de cri d’alarme en ligne visant à alerter sur le sort des milliers de ressortissants de pays d’Afrique et autres qui sont encore bloqués aux frontières ukrainiennes, empêchés de quitter le pays. Pourtant, filmer ce type de vidéo ne serait pas sans danger.

      « Si tu sors ton téléphone pour filmer, ils [les soldats ukrainiens] deviennent comme des fous, ils te menacent pour que tu ne montres pas ce qui se passe. On voulait filmer, montrer quand on nous disait : “pas les Noirs” », explique Blaise*, un étudiant ivoirien qui a laissé derrière lui six ans de vie en Ukraine. L’homme peine à marcher. « Regardez notre démarche ! On vient de passer des jours debout, en ligne, sans pouvoir s’allonger. Tandis que les Ukrainiens étaient mieux traités », glisse quelques mètres plus loin Rohit, un ressortissant indien qui se réchauffe près d’un feu improvisé.

      Double peine

      Sous une bâche installée par des Polonais venus prêter main-forte à tous les exilés, Yren, une Congolaise, temporise. « Pour les femmes étrangères, c’était déjà un peu mieux que pour les hommes. » De l’autre côté de la frontière, des milliers d’Ukrainiens sont également bloqués dans le froid pendant des heures, et les douaniers veillent toujours à empêcher les hommes de 18 à 60 ans de sortir du pays. Tout le monde ici a vu des familles ukrainiennes obligées de se séparer, ou même rebrousser chemin, avec femmes et enfants, pour ne pas se diviser.

      La jeune femme emmitouflée dans une couverture boit une gorgée de soupe chaude, et ajoute : « On nous laissait un peu plus tranquilles les femmes, et moi on ne m’a pas frappée. Mais il y avait quand même des animaux domestiques qui passaient devant nous. »

      Pour les personnes racisées, fuir l’Ukraine de la sorte est comme une double peine. « À Kiev, j’étais terrifié. La situation était horrible, avec les tirs, les couvre-feux... Tous les comptes des étrangers ont été bloqués, ma carte ne marchait plus. Tout s’est écroulé », explique Joseph* originaire d’Afrique subsaharienne. Un traumatisme qui n’arrivera finalement pas seul. « Sur la route, la police m’a tapé avec une crosse de fusil pour essayer de garder la ligne. Ils ont terrorisé les gens, tout le monde tombe malade de l’autre côté. Honnêtement, j’ai cru que je n’y arriverais jamais. »

      Les discriminations envers ces exilés posent aussi question pour l’avenir. Quel accueil les pays européens réserveront-ils aux réfugiés non ukrainiens –et même ukrainiens– qui ont fui ce conflit meurtrier ? Une question d’autant plus importante au vu du nombre de déplacés potentiels, qui pourrait atteindre les 7 millions, selon l’ONU. Avec cet exode massif et les crises humanitaires qu’elles induisent, il y a un risque que la distinction entre les exilés se poursuive en Europe, prolongeant l’expérience traumatisante des réfugiés.

      De son côté, Stephan et ses amis camerounais ne savent pas encore de quoi seront faits les jours qui se profilent. « Pour l’instant, on doit trouver un bus pour partir loin de la frontière », explique-t-il en regardant devant et derrière lui, en espérant apercevoir l’un des véhicules en partance pour Przemyśl. « Je veux juste m’allonger, et me reposer. Je n’en peux plus. » Se reposer avant de reprendre la route, dans un voyage qui est encore loin d’être terminé.

      *Les prénoms ont été changés.

      http://www.slate.fr/story/224214/reportage-guerre-ukraine-russie-profilage-racial-noirs-frontiere-racisme-solda

    • Guerre en Ukraine : à la frontière polonaise, « les gardes ukrainiens nous ont tapé avec des bâtons », racontent des étudiants étrangers

      De nombreux étudiants africains ou asiatiques qui vivaient en Ukraine tentent de passer en Pologne depuis le début de l’offensive russe. Certains se plaignent d’un traitement raciste de la part des garde-frontières ukrainiens.

      Couverture sur le dos, Gurwinder peine encore à réaliser qu’il est enfin arrivé en Pologne. « J’ai essayé de passer à plusieurs reprises », raconte cet étudiant indien, chauffeur de VTC à Kiev (Ukraine). Il a marché 30 kilomètres pour rejoindre la frontière, où il a dû attendre trois jours au poste-frontière ukrainien pour traverser. « À chaque fois, les gardes ukrainiens m’ont dit : ’Non, ce sont d’abord les femmes et les enfants qui passeront. Vous, les Indiens, vous ne passerez pas’, raconte Gurwinder. Nous avons essayé pendant trois jours, sans dormir, sans manger car si vous dormez, vous perdez votre place. »

      Comme lui, plus de 500 000 personnes ont rejoint la Pologne depuis le lancement de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février. L’exode est notamment très difficile pour les 78 000 étudiants étrangers qui vivaient comme lui en Ukraine, dont beaucoup sont originaires d’Afrique et d’Asie. Plusieurs d’entre eux ont en effet dénoncé des discriminations du côté ukrainien de la frontière.
      Frappés et laissés dans le froid

      Si les étrangers interrogés n’ont pas tous eu de problèmes à traverser la frontière en raison de leur nationalité, plusieurs récits ont émergé de la part d’étudiants bloqués du côté ukrainien de la frontière. L’Union africaine a même dénoncé un traitement « inacceptable » et « raciste » pour les Africains. Certaines ambassades, comme celle de Côte-d’Ivoire, d’Afrique du Sud ou du Nigéria, ont envoyé des représentants sur place.

      « Quand on est arrivés, ils ont fait passer avant nous les Ukrainiens avec des documents de résidence. Quand on a essayé de se plaindre, les gardes ukrainiens nous ont tapé avec des bâtons. J’ai été frappé plusieurs fois », témoigne pour sa part Clinton, un Ougandais de 24 ans. Il est arrivé dès le 24 février au poste frontière mais n’a pu rejoindre la Pologne que le 3 mars. « Ils nous ont laissé dormir dehors. On a dû faire un feu et ils l’ont éteint », raconte-t-il, encore sous le choc, dans la gare de Przemysl. Il estime que ce traitement infligé aux étrangers est raciste.

      « Parce que vous êtes noir, même si vous essayez de communiquer en utilisant un traducteur en ligne, ils vous regardent et s’en vont. Ce sont les dépositaires de l’autorité, est-ce qu’ils ne sont pas supposés nous aider ? C’était très dur. Je suis vraiment très content d’être arrivé en Pologne car, honnêtement, je ne pensais pas y arriver. C’était très inquiétant. »
      Clinton, étudiant Ougandais de 24 ans

      à franceinfo

      De son côté, l’Ukraine a démenti toute différence de traitement, assurant que le premier arrivé était le premier servi. Le service des garde-frontières ukrainiens a nié « toute difficulté », assurant que « personne n’a été empêché de quitter l’Ukraine ». De son côté, Varsovie a rappelé que toute personne fuyant l’Ukraine est accueillie quelle que soit sa nationalité, passeport valide ou non...

      https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-a-la-frontiere-polonaise-les-gardes-ukrainiens-nous-o
      #Pologne

    • People of colour fleeing Ukraine attacked by Polish nationalists

      Non-white refugees face violence and racist abuse in Przemyśl, as police warn of fake reports of ‘migrants committing crimes’

      Police in Poland have warned that fake reports of violent crimes being committed by people fleeing Ukraine are circulating on social media after Polish nationalists attacked and abused groups of African, south Asian and Middle Eastern people who had crossed the border last night.

      Attackers dressed in black sought out groups of non-white refugees, mainly students who had just arrived in Poland at Przemyśl train station from cities in Ukraine after the Russian invasion. According to the police, three Indians were beaten up by a group of five men, leaving one of them hospitalised.

      “Around 7pm, these men started to shout and yell against groups of African and Middle Eastern refugees who were outside the train station,” two Polish journalists from the press agency OKO, who first reported the incident, told the Guardian. “They yelled at them: ‘Go back to the train station! Go back to your country.’”

      Police intervened and riot officers were deployed after groups of men arrived chanting “Przemyśl always Polish”.

      “I was with my friends, buying something to eat outside,” said Sara, 22, from Egypt, a student in Ukraine. “These men came and started to harass a group of men from Nigeria. They wouldn’t let an African boy go inside a place to eat some food. Then they came towards us and yelled: ‘Go back to your country.’”

      Following the incident, police in Poland warned that groups linked to the far right are already spreading false information about alleged crimes committed by people from Africa and the Middle East fleeing war in Ukraine.

      Przemyśl police said on Twitter: “In the media, there is false information that serious crimes have occurred in Przemyśl and the border: burglaries, assaults and rape. It’s not true. The police did not record an increased number of crimes in connection with the situation at the border. #StopFakeNews.”

      According to the news website Notes From Poland, one Facebook group, named Przemyśl Always Polish (Przemyśl Zawsze Polski), has been spreading false claims that “economic migrants from the Middle East” were committing crimes, “including a knife attack on a young woman and numerous thefts from shops”.

      The attacks on people fleeing the war come amid efforts by some African governments to evacuate their citizens who have passed into countries bordering Ukraine after reports of racist abuse and discrimination.

      On Wednesday, Nigeria’s foreign ministry said it planned to start airlifting more than 1,000 Nigerians stranded in countries neighbouring Ukraine.

      Many of the foreign nationals fleeing the Russian attacks are students. About 16,000 African students were studying in the country before the invasion, Ukraine’s ambassador to South Africa said this week.

      Reports and footage on social media in the past week have shown acts of discrimination and violence against African, south Asian and Caribbean citizens while fleeing Ukrainian cities and at some of the country’s border posts.

      In an interview with the Guardian, a 24-year-old medical student from Kenya, who did not want to be named, said she spent hours waiting for Ukrainian border guards to let her enter Poland because they were prioritising Ukrainian nationals.

      After eventually crossing the border, she boarded a free bus, organised by an NGO, to a hotel near Warsaw that was offering free board to Ukrainian refugees. But the hotel refused to take her and her Kenyan friends in, even after she offered to pay for a room.

      However, other foreign nationals interviewed by the Guardian said that they had been treated well by the Polish authorities, with many of the reports of racial abuse occurring on the Ukrainian side of the border.

      The Nigerian president, Muhammadu Buhari, said on Monday: “All who flee a conflict situation have the same right to safe passage under the UN convention and the colour of their passport or their skin should make no difference,” citing reports that Ukrainian police had obstructed Nigerians.

      “From video evidence, first-hand reports, and from those in contact with … Nigerian consular officials, there have been unfortunate reports of Ukrainian police and security personnel refusing to allow Nigerians to board buses and trains heading towards Ukraine-Poland border,” he said.

      On Tuesday, Ukraine’s foreign minister, Dmytro Kuleba, acknowledging the allegations, said: “Ukraine’s government spares no effort to solve the problem.”

      “Africans seeking evacuation are our friends and need to have equal opportunities to return to their home countries safely,” he said in a statement on Twitter.

      Ghana, South Africa and Ivory Coast are also among a growing number of African countries seeking to evacuate their citizens in response to reports of discrimination and violence that have sparked widespread outrage.

      In Nigeria, Gabriel Aduda, permanent secretary for the ministry of foreign affairs, said three jets chartered from local carriers would leave the country on Wednesday, with the capacity to bring back nearly 1,300 people from Poland, Romania and Hungary.

      Rights groups have welcomed the efforts by Poland to help, but some drew comparisons with the treatment of other refugees from Syria, Afghanistan and Kurdish Iraqis in the country, where the populist rightwing government has often played on anti-refugee sentiment.

      Last year, after the Belarusian president, Alexander Lukashenko, organised the movement of refugees with the promise of a safe passage to Europe, thousands of people from the Middle East were caught by Polish border guards in the forests near the border and illegally and violently pushed back to Belarus.

      https://www.theguardian.com/global-development/2022/mar/02/people-of-colour-fleeing-ukraine-attacked-by-polish-nationalists

    • Europe welcomes Ukrainian refugees — others, less so

      They file into neighboring countries by the hundreds of thousands — refugees from Ukraine clutching children in one arm, belongings in the other. And they’re being heartily welcomed, by leaders of countries like Poland, Hungary, Bulgaria, Moldova and Romania.

      But while the hospitality has been applauded, it has also highlighted stark differences in treatment given to migrants and refugees from the Middle East and Africa, particularly Syrians who came in 2015. Some of the language from these leaders has been disturbing to them, and hurtful.

      “These are not the refugees we are used to… these people are Europeans,” Bulgarian Prime Minister Kiril Petkov told journalists earlier this week, of the Ukrainians. “These people are intelligent, they are educated people.... This is not the refugee wave we have been used to, people we were not sure about their identity, people with unclear pasts, who could have been even terrorists…”

      “In other words,” he added, “there is not a single European country now which is afraid of the current wave of refugees.”
      Syrian journalist Okba Mohammad says that statement “mixes racism and Islamophobia.”

      Mohammad fled his hometown of Daraa in 2018. He now lives in Spain, and with other Syrian refugees founded the first bilingual magazine in Arabic and Spanish. He described a sense of déjà vu as he followed events in Ukraine. He also had sheltered underground to protect himself from Russian bombs. He also struggled to board an overcrowded bus to flee his town. He also was separated from his family at the border.

      “A refugee is a refugee, whether European, African or Asian,” Mohammad said.

      The change in tone of some of Europe’s most extreme anti-migration leaders has been striking — from “We aren’t going to let anyone in” to “We’re letting everyone in.”

      Those comments were made only three months apart by Hungarian Prime Minister Viktor Orban. In the first, in December, he was addressing migrants and refugees from the Middle East and Africa. In the second, this week, he was addressing people from Ukraine.

      Some journalists, too, are being criticized for descriptions of Ukrainian refugees. “These are prosperous, middle-class people,” an Al Jazeera English television presenter said. “These are not obviously refugees trying to get away from areas in the Middle East... in North Africa. They look like any European family that you would live next door to.”

      The channel issued an apology saying the comments were insensitive and irresponsible.

      CBS news apologized after one of its correspondents said the conflict in Kyiv wasn’t “like Iraq or Afghanistan that has seen conflict raging for decades. This is a relatively civilized, relatively European” city.

      As more and more people scrambled to flee Ukraine, several reports emerged of non-white residents, including Nigerians, Indians and Lebanese, getting stuck at borders. Unlike Ukrainians, many non-Europeans need visas to get into neighboring countries. Embassies around the world were scrambling to assist their citizens in getting through.

      Videos shared on social media under the hashtag #AfricansinUkraine allegedly showed African students being kept from boarding trains out of Ukraine, to make space for Ukrainians.

      The African Union in Nairobi said Monday that everyone has the right to cross international borders to flee conflict. The continental body said “reports that Africans are singled out for unacceptable dissimilar treatment would be shockingly racist and in breach of international law.”

      It urged all countries to “show the same empathy and support to all people fleeing war notwithstanding their racial identity.”

      Polish U.N. Ambassador Krzysztof Szczerski said at the General Assembly on Monday that assertions of race- or religion-based discrimination at Poland’s border are “a complete lie and a terrible insult to us.”

      “The nationals of all countries who suffered from Russian aggression or whose life is at risk can seek shelter in my country,” he said.

      Szczerski said people of some 125 nationalities had been admitted to Poland on Monday morning from Ukraine, including Ukrainian, Uzbek, Nigerian, Indian, Moroccan, Pakistani, Afghan, Belarussian, Algerian and more. Overall, he said, 300,000 people have arrived during the crisis.

      When over a million people crossed into Europe in 2015, support for refugees fleeing wars in Syria, Iraq and Afghanistan was relatively high at first. There were also moments of hostility — such as when a Hungarian camerawoman was filmed kicking and possibly tripping migrants along the country’s border with Serbia.

      Still, back then, Germany’s chancellor, Angela Merkel, famously said “Wir schaffen das” (“We can do it”), and the Swedish prime minister urged citizens to “open your hearts” to refugees.

      Volunteers gathered on Greek beaches to rescue exhausted families crossing on boats from Turkey. In Germany, they were greeted with applause at train and bus stations.

      But the warm welcome soon ended after EU nations disagreed over how to share responsibility, with the main pushback coming from Central and Eastern European countries like Hungary and Poland. One by one, governments across Europe toughened migration and asylum policies, earning the nickname “Fortress Europe.”

      Just last week, the U.N. High Commissioner for Refugees denounced the increasing “violence and serious human rights violations” across European borders, specifically pointing the finger at Greece.

      Last year hundreds of people, mainly from Iraq and Syria but also from Africa, were left stranded in a no man’s land between Poland and Belarus as the EU accused Belarusian President Alexander Lukashenko of luring thousands of foreigners to its borders in retaliation for sanctions. At the time, Poland blocked access to aid groups and journalists. More than 15 people died in the cold.

      Meanwhile, in the Mediterranean, the European Union has been criticized for paying Libya to intercept migrants trying to reach its shores, helping to return them to abusive and often deadly detention centers.

      “There is no way to avoid questions around the deeply embedded racism of European migration policies when we see how different the reactions of national governments and EU elites are to the people trying to reach Europe,” Lena Karamanidou, an independent migration and asylum researcher in Greece, wrote on Twitter.

      Jeff Crisp, a former head of policy, development and evaluation at UNHCR, agreed that race and religion influenced treatment of refugees.

      “Countries that had been really negative on the refugee issue and have made it very difficult for the EU to develop coherent refugee policy over the last decade, suddenly come forward with a much more positive response,” Crisp noted.

      Much of Orban’s opposition to migration is based on his belief that to “preserve cultural homogeneity and ethnic homogeneity,” Hungary should not accept refugees from different cultures and different religions.

      Members of Poland’s conservative nationalist ruling party have echoed Orban’s thinking, saying they want to protect Poland’s identity as a Christian nation and guarantee its security.

      These arguments have not been applied to their Ukrainian neighbors, with whom they share historical and cultural ties. Parts of Ukraine today were once also parts of Poland and Hungary. Over 1 million Ukrainians live and work in Poland and hundreds of thousands more are scattered across Europe. Some 150,000 ethnic Hungarians also live in Western Ukraine, many of whom have Hungarian passports.

      “It is not completely unnatural for people to feel more comfortable with people who come from nearby, who speak the (similar) language or have a (similar) culture,” Crisp said.

      In Poland, Ruchir Kataria, an Indian volunteer, told The AP on Sunday that his compatriots got stuck on the Ukrainian side of the border crossing into Medyka, Poland. In Ukraine, they were initially told to go to Romania, hundreds of kilometers away, he said, after they had already made long journeys on foot to the border, not eating for three days. Finally, on Monday they got through.

      https://apnews.com/article/russia-ukraine-war-refugees-diversity-230b0cc790820b9bf8883f918fc8e313

    • I’m currently in a train back from Warsaw which is full of refugees heading to Berlin.

      At #Frankfurt-am-Oder, German border police disembarked many BIPOCs.

      I can’t say if all were taken out of the train but only people of colour & their partners & children got off.

      Just talked to 2 Indian students from Punjab fleeing Kyiv, they were still in the train, getting off at Berlin central station. They said they had no issue crossing the Hrebenne-Hava Ruska border checkpoint but that they knew of people for whom it was hell at other checkpoints.

      https://twitter.com/EmmanuelleChaze/status/1499727609432879105
      #Allemagne #profilage #profilage_racial #profilage_ethnique

    • Statement on the war in Ukraine and the treatment of Africans trying to flee the country

      Like countless people all over the world, the members of the Africa Multiple Cluster of Excellence based at the University of Bayreuth (Germany) and African Cluster Centres at the University of Lagos (Nigeria), Joseph Ki-Zerbo University (Ouagadougou, Burkina Faso), Moi University (Eldoret, Kenya) and Rhodes University (Makhanda, South Africa), are greatly shocked about the Russian war on Ukraine and the Russian government’s disregard for the rights of everyone in the Ukraine to live in peace and security. We declare our concern for all those affected by the virulent and reprehensible attacks by Russian forces on Ukrainian territory.

      At the same time, we are deeply troubled by the flagrant racism towards Africans—predominantly students—anxious to flee danger to their lives during this turbulent period, which has been widely observed and reported in the news and social media from train stations in Ukrainian towns as well as from the Ukrainian-Polish border. The blatant racial profiling exercised through officials’ refusals to allow Black people cross the border, forcing them to remain in areas of conflict, is abhorrent and not to be condoned.

      We also note with dismay how several white-positioned government officials and media representatives have expressed their shock at the necessity of Ukrainian citizens to flee as refugees while simultaneously articulating racist comparisons to previous waves of Iraqi, Syrian, Afghani, and African refugees to Europe in the past years. The current display of racism vis-à-vis Africans trying to flee Ukraine sadly reconfirms the pattern of dehumanization of refugees of color that has become all too familiar in many refugee crises in Europe of the recent past.

      Just as we stand in solidarity with all Ukrainians and Russians who never wanted this war, we declare our solidarity and concern for all Black people and people of color who became embroiled in this conflict. We join the African Union in urging “all countries to respect international law and show the same empathy and support to all people fleeing war notwithstanding their racial identity” (official AU statement issued on February 28, 2022). We further demand of the European Union as well of the respective national governments to call out the racist practices and to play their part in putting an end to the suffering caused, through creating the conditions necessary to preserve the dignity of Africans fleeing the country and to protect all human lives during this time of war.

      Eldoret (Kenya), Lagos (Nigeria), Makhanda (South Africa), Ougadougou (Burkina Faso), and Bayreuth (Germany), March 4, 2022

      The Directors of the African Cluster Centres
      The Members of the Management Board, Africa Multiple Cluster of Excellence

      Prof. Dr. Yacouba Banhoro, Joseph Ki-Zerbo University, Ouagadougou

      Prof. Dr. Andrea Behrends, Vice Dean of Early Career & Equal Opportunity, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Olumuyiwa Falaiye, University of Lagos

      Prof. Dr. Ute Fendler, Vice Dean of Internationalisation & Public Engagement, University of Bayreuth

      Dr. Franz Kogelmann, Managing Director, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Enocent Msindo, Rhodes University, Makhanda

      Prof. Dr. Sabelo Ndlovu-Gatsheni, Vice Dean of Research, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Cyrus Samimi, Vice Dean of Digital Solutions, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Rüdiger Seesemann, Dean, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Peter Simatei, Moi University, Eldoret

      Dr. Christine Vogt-William, Director of the Gender & Diversity Office

      https://www.africamultiple.uni-bayreuth.de/en/news/2022/2022-03-04_Statement-on-the-war/index.html

    • More African students decry racism at Ukrainian borders

      As at least half a million refugees flee Ukraine, more reports of mistreatment by Ukrainian border guards surface.

      Barlaney Mufaro Gurure, a space engineering student from Zimbabwe, had finally reached the front of a nine-hour queue at Ukraine’s western border crossing of Krakovets after an exhausting four-day trip.

      It was her turn to cross. But the border guard pushed her and four other African students she was travelling with aside, giving priority to Ukrainians. It took hours, and relentless demands, before they were also allowed to go through border control.

      “We felt treated like animals,” the 19-year-old said in a phone interview from a Warsaw hotel. Gurure, a freshman at the National Aviation University, fled Kyiv hours after Russian President Vladimir Putin ordered troops into Ukraine on February 24.

      “When we left [Kyiv] we were just trying to survive,” she said. “We never thought that they would have treated us like that […] I thought we were all equal, that we were trying to stand together,” Gurure added.

      Her story is not isolated as scores of Africans have reported episodes of abuse and discrimination while trying to cross into Ukraine’s neighbours.

      Since the war started, more than 870,000 refugees have fled from Ukraine to neighbouring countries, the United Nations said. Half of those are currently in Poland. Queues along the border are now tens of kilometres long with some African students describing to Al Jazeera how they have been waiting for days to cross amid freezing temperatures and with no food, blankets or shelters.

      For others, issues started before reaching border crossings. Claire Moor, another Black student, was pushed down as she tried to board a train at Lviv’s train station. The guard insisted that only women could take the train. The officer looked away, Moor said, as she pointed out that she was, indeed, a woman. “I was shocked because I did not know the extent of the racism,” she added.

      Jan Moss, a volunteer with the Polish aid organisation, Grupa Zagranica, who has been providing assistance at the Polish-Ukrainian border, said while refugees have been welcomed at many crossings out of Ukraine without any form of discrimination, the reception near Medyka has been more problematic as refugees were being organised based on “racial profiling”.

      Ukrainians and Polish nationals are allowed to pass through the much quicker vehicles’ lane, while foreigners have to go through the pedestrian one, a three-stage process that can last from 14 to 50 hours, Moss said.

      Al Jazeera contacted Ukraine’s Border Guard Service via email over the allegations of segregation at the borders but had not received a response before the publication of this report.

      In the last 20 years, Ukraine has emerged as a choice destination for African students, especially in medicine-related fields as it is cheaper compared with universities in the United States and elsewhere in Europe.

      Videos and tweets under the hashtag #AfricansinUkraine have flooded social media, triggering numerous crowdfunding initiatives on Telegram and Instagram to support students at the borders and put pressure on respective governments.

      The African Union reacted to the outcry on Monday: “Reports that Africans are singled out for unacceptable dissimilar treatment would be shockingly racist and in breach of international law,” it said in a statement. A spokesperson from South Africa’s foreign ministry said on Sunday that a group of its nationals and other Africans were being “treated badly” at the Polish-Ukrainian border.

      The Nigerian government also expressed concerns over reports of discriminatory behaviour, including a video widely shared on social media showing a Nigerian woman with her young baby being forcibly made to give up her seat to another person. It also said that a group of Nigerians had been refused entry into Poland – an allegation dismissed by Poland’s ambassador to Nigeria.

      But some foreigners said they received a warm welcome in neighbouring countries, such as Moldova and Romania, including a relatively smooth transit.

      https://www.aljazeera.com/news/2022/3/2/more-racism-at-ukrainian-borders

    • Guerre en Ukraine : « Il faut transporter tous les réfugiés gratuitement » dans les trains français, réclame la CGT-Cheminots

      Suite à l’annonce du patron de la #SNCF sur le transport gratuit des réfugiés ukrainiens dans les trains français, syndicats et associations demandent, la généralisation de la gratuité pour tous les réfugiés.

      Les réfugiés ukrainiens pourront « circuler gratuitement en TGV et en Intercités » en France. L’annonce du PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, sur Twitter lundi 28 février, a provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Certains internautes dénoncent notamment une hypocrisie et une discrimination à l’égard des autres réfugiés. Mardi 1er mars, la #CGT-Cheminots, premier syndicat de la compagnie ferroviaire, a écrit une lettre ouverte à sa direction pour demander la généralisation de la gratuité à tous les réfugiés en France.

      « Comment des agents de la SNCF pourraient-ils sanctionner certains réfugiés et pas d’autres ? » demande le syndicat. « Comme se développe cette petite ambiance ’il y a des bons et des mauvais réfugiés’, on ne voudrait pas être soumis à ce style de calcul là », martèle Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT-Cheminots. « Il y a des réfugiés et il faut tous les transporter gratuitement. Pas de problème, c’est le rôle d’un service public. »
      Changer l’accueil des réfugiés en France

      Les associations qui s’occupent de réfugiés syriens, irakiens ou encore kurdes depuis des années, dénoncent aussi le traitement qui leur est fait à bord des trains. « Dans une logique d’entrave d’État envers ces personnes, les dispositifs policiers de surveillance ont été augmentés à la fois dans les gares,donc à la gare du Nord, à Grande-Synthe et Calais et aussi dans les trains », affirme Nikolaï Posner, le responsable communication d’Utopia 56. « Et souvent les personnes se font arrêter et sortir à la gare suivante. »

      Avec l’arrivée de réfugiés ukrainiens, l’association espère un réel changement sur l’accueil des réfugiés en France. « Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où ça touche à un pays d’Europe et on approche les questions d’une autre manière. » commente Nicolaï Posner. « On souhaite qu’on le fasse pour tous et arrêter ces politiques de discrimination. » Contactée par franceinfo, la SNCF se refuse à tout commentaire.

      https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-il-faut-transporter-tous-les-refugies-gratuitement-da

    • Ukraine : Trente trois ONG dénoncent le #racisme_anti-noir

      Trente trois ONG ont dénoncé vendredi 4 Mars 2022 le racisme anti noir constaté en Ukraine à l’occasion de la guerre russo -ukrainienne, dans un communiqué collectif parvenu au site madaniya. Exprimant leur “grave préoccupation face aux actes de traitement dégradants et inhumains que les ressortissants africains vivant ou résidant en Ukraine subissent suite à la guerre déclenchée depuis le 24 février 2022”, le collectif invite les autorités ukrainiennes à “mettre un terme au racisme manifesté à l’égard des africains résidant ou séjournant” dans ce pays. Intitulé “Stop au racisme dans la guerre”, le communiqué relève “que plusieurs citoyens d’origine africaine sont confrontés à la persécution, à la xénophobie, au racisme, à la discrimination raciale de la part des autorités ukrainiennes. “Selon les informations parvenues à nos organisations ainsi que des témoignages recueillis auprès de victimes, la police ukrainienne empêcherait l’évacuation des ressortissants d’origine africaine. À cela s’ajoutent les actes xénophobes orchestrés par les autorités polonaises qui procèdent de manière sélective à l’autorisation d’entrée des personnes fuyant la guerre sur des critères liés à leur couleur de peau. C’est ainsi que plusieurs citoyens africains sont retenus à la frontière Ukraine-polonaise, poursuit le communiqué. “À cet effet, nos organisations rappellent l’Article 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Nous tenons également à souligner l’Article 14.1 de la DUDH « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays, ajoute le document. Le collectif lance un appel “au Président en exercice de l’Union Africaine M. Macky Sall (Sénégal) ainsi que le Président de la Commission de l’Union Africaine M. Moussa Mahamat Faki (Tchad) les invitant à veiller au respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. “Devant les risques d’aggravation de cette guerre et ses conséquences dévastatrices pour les populations civiles et plus largement en Afrique”, le collectif dénonce ces pratiques hideuses, xénophobes et discriminatoires relevant d’un autre âge et condamne fermement ces atteintes contraires aux droits humains et aux principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire”. Devant cette montée fulgurante de la haine raciale dans le monde il est urgent que tous les pays respectent et mettent en application la Convention des nations contre le racisme ainsi que le programme et plan d’action de la Conférence Mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie qui y est associée. (Durban en Afrique du Sud, du 31 août au 8 septembre 2001). Le collectif invite en outre impérativement à l’Union Africaine, l’Union Européenne et aux Nations Unies de se saisir immédiatement de cette situation afin de garantir et assurer une protection adéquate à ces personnes en détresse, conclut le document. NDLR La guerre en Ukraine a révélé le tréfonds de la pensée d’une fraction de l’élite occidentale, particulièrement en France, La « Patrie des Droits de l’Homme ». Jean Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale française, a ainsi vanté l’immigration de qualité qui résulterait de l’afflux d’Ukrainiens en France par comparaison avec les Afghans, les Irakiens ou les Syriens. M. Bourlanges, pourtant député Modem, une formation qui se revendique de la « Démocratie Chrétienne » a assuré que les Ukrainiens constitueraient en France une « immigration de grande qualité, dont on pourra tirer profit », faisant valoir qu’elle était composée « d’intellectuels ». Ce qui reviendrait à déduire de ces propos qu’il existe de par le monde des réfugiés moins utiles… Parce que culturellement trop différents ? Pas chrétiens ou pas Européens ? qui conduit les commentateurs à distinguer « accueil de réfugiés » en parlant des Ukrainiens, mais « crise des migrants », quand il s’agit du sort des « basanés » …Irakiens, des Syriens ou des Afghans ! Beaucoup de commentateurs et éditorialistes de renom se sont paresseusement laissés aller à ces raccourcis conscient ou inconscient depuis le déclenchement du conflit le 24 Février 2022

      https://libnanews.com/ukraine-trente-trois-ong-denoncent-le-racisme-anti-noir
      #racisme_anti-Noirs

    • Niet iedere vluchteling uit Oekraïne krijgt dezelfde behandeling

      Oekraïners met de juiste papieren worden snel ingeschreven in het bevolkingsregister en kunnen ook snel aan het werk. Ook vluchtelingen uit Oekraïne die oorspronkelijk uit een ander land komen, maar wel een Oekraïense verblijfsvergunning hebben, kunnen hier bescherming krijgen. Maar niet iedere vluchteling uit Oekraïne krijgt dezelfde behandeling.

      Als de papieren niet kloppen en er vragen zijn over de identiteit en over het verblijfsrecht in Oekraïne, dan moeten ze asiel vragen of het land verlaten.

      De meeste vluchtelingen die uit Oekraïne komen (op dit moment ruim 12.000) zijn vrouwen en kinderen. Oekraïense mannen moeten in het land blijven. Niet-Oekraïense mannen mogen het land wel verlaten, hoewel dat niet eenvoudig is. Bij pogingen om weg te gaan uit Oekraïne krijgen ze te maken met discriminatie. Een onbekend aantal van deze vluchtelingen heeft Nederland weten te bereiken.
      Afrikaanse mannen

      In de gemeentelijke opvanglocaties verblijven dus ook mensen die niet geboren zijn in Oekraïne. Zij woonden daar bijvoorbeeld omdat ze er asiel hadden gekregen of er studeerden. Om hoeveel mensen dat gaat, kunnen de ministeries van binnenlandse zaken en justitie nog niet zeggen. Volgens het COA gaat het in de locaties die zij beheren om kleine aantallen. Ook Vluchtelingenwerk, actief in de gemeentelijke opvanglocaties, ziet dat het om weinig mensen gaat.

      Hun aanwezigheid leidt soms tot verbazing bij de gemeentelijke opvangplekken. Inwoners van Harskamp waren vrijdag verrast toen er tijdens een voetbaltoernooi dat voor de Oekraïense vluchtelingen was georganiseerd Afrikaanse mannen het veld op kwamen lopen. Ook bij het inzamelen van spullen is er niet aan mannen gedacht. Er is voldoende kleding voor vrouwen en kinderen, maar er is ook ondergoed voor mannen nodig.
      Drie groepen

      Het ministerie van justitie heeft Oekraïense vluchtelingen in drie groepen ingedeeld: Oekraïners met alle benodigde documenten, Oekraïners met beperkte of geen documenten en mensen die uit Oekraïne zijn gevlucht omdat ze daar verblijven, maar uit een ander land komen.

      Een vreemdeling uit Oekraïne moet zich melden bij een gemeente om ingeschreven te kunnen worden in de Basis Registratie Personen (BRP). Voor een Oekraïner met alle bewijsdocumenten kan dat in principe snel.

      Oekraïners die niet alle vereiste documenten hebben, moeten meer moeite doen. Voor hen zal er nader onderzoek komen. Pas na de vaststelling van hun identiteit, binnen één dag, worden ook zij ingeschreven in de BRP. Zij mogen van het ministerie van justitie gewoon in de gemeentelijke opvanglocaties blijven als hun identiteit geloofwaardig is.
      Land verlaten

      Als de identiteit en nationaliteit niet kan worden vastgesteld, heeft de vreemdeling de mogelijkheid om een asielaanvraag in te dienen. Hij of zij komt niet in aanmerking voor de richtlijn tijdelijke bescherming voor Oekraïners. De asielprocedure moet dan in een asielzoekerscentrum worden afgewacht. Als de vreemdeling terug wil naar zijn land van herkomst dan kan de Dienst Terugkeer en Vertrek of de Internationale Organisatie voor Migratie (IOM) daarbij helpen, maar daar heeft in dit geval nog niemand zich gemeld.

      https://nos.nl/collectie/13892/artikel/2422218-niet-iedere-vluchteling-uit-oekraine-krijgt-dezelfde-behandeling

    • Accueil sélectif aux frontières européennes : du racisme des politiques migratoires

      Communiqué sur la situation en Ukraine

      « Les ministres (de l’Intérieur) de l’Union européenne (UE) se sont accordés aujourd’hui unanimement sur la mise en place d’un mécanisme de protection temporaire pour répondre à l’afflux de personnes déplacées en provenance d’Ukraine » [1]. C’est dans ces termes que la France, qui préside actuellement le Conseil de l’UE, s’est félicitée par la voix de son ministre de l’Intérieur de l’accord historique de la mise en œuvre, pour la toute première fois, de la directive européenne sur la protection temporaire de 2001, lors de la réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 3 mars. « Cette décision reflète le plein engagement de l’Union européenne à afficher sa solidarité à l’égard de l’Ukraine et à assumer son devoir à l’égard des populations victimes de cette guerre injustifiable », a-t-il ajouté.

      Ce mécanisme de protection, demandé à plusieurs reprises par la société civile pour d’autres groupes de personnes exilées – les Syrien⋅ne⋅s en 2011 ou les Afghan⋅e⋅s à l’été 2021 – n’avait jamais été jusque-là appliqué [2]. Par ailleurs, depuis le début de l’invasion militaire russe de l’Ukraine, les pays limitrophes – tels que la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie – qui ont, au cours des dernières années, pratiqué une politique de rejet et d’hostilité à l’égard des personnes en exil tentant de traverser leurs frontières, se sont rapidement organisés pour accueillir les Ukrainien⋅ne⋅s fuyant la guerre. Ailleurs en Europe, des États qui, il y a peu, criminalisaient la solidarité manifestée par une partie de la population avec les exilé⋅e⋅s l’encouragent au contraire à l’égard des déplacé⋅e⋅s ukrainien⋅ne⋅s.

      L’Europe aurait-elle décidé d’en finir avec la guerre aux migrant⋅e⋅s qu’elle mène depuis plus de 30 ans ? Rien n’est moins sûr. Bien que ces initiatives récentes ne puissent être que saluées – la population ukrainienne en fuite doit absolument être accueillie – elles sont révélatrices de l’hypocrisie de la politique européenne et des politiques nationales qui pratiquent une hospitalité à deux vitesses en continuant à opérer un tri entre les « bons » réfugié⋅e⋅s et les « mauvais » migrant⋅e⋅s afin de tenir à l’écart et nier les droits des populations du Sud global.

      En effet, alors que le gouvernement polonais soutient que « les réfugiés fuyant l’Ukraine en guerre entrent en Pologne quelle que soit leur nationalité » [3], nombreux sont les témoignages des personnes originaires d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient résidant en Ukraine qui font état des pratiques discriminatoires et racistes qu’elles ont eu à subir de la part des garde-frontières ukrainiens et polonais. Des centaines d’entre elles ont été bloquées dans les gares ferroviaires ou aux frontières, y compris des femmes avec leurs bébés, lors du passage à la frontière. Des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des personnes attendant, dans un froid intense, d’être autorisées à quitter le territoire ukrainien, tandis que d’autres ont dû rebrousser chemin ou s’organiser pour franchir collectivement les barrages [4].

      Au mépris de ces témoignages concordants, le porte-parole des garde-frontières ukrainiens a déclaré : « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, ces personnes ont peut-être été refoulées parce qu’elles essayaient de griller la priorité dans la file d’attente » [5]. Le ministre de l’Intérieur français est allé jusqu’à affirmer que « les Polonais eux-mêmes ont dit que tout le monde était accueilli en Pologne et dans le reste de l’Union européenne », rapportant que « l’ambassadeur de la Pologne a[vait] évoqué le fait que c’était notamment une utilisation russe pour déprécier le travail » fait par les autorités de ce pays [6].

      Tant les pratiques de tri aux frontières de l’UE que le mécanisme de protection temporaire mis en place à l’heure de l’exode de la population vivant en Ukraine sont discriminatoires, puisqu’ils engendrent un choix à opérer parmi les personnes à protéger [7]. Ces pratiques visant à limiter l’arrivée des citoyen⋅ne⋅s du Sud global s’inscrivent dans la continuité de la politique raciste de l’UE et de ses États membres au cours des dernières décennies.

      En effet, il y a à peine quelques mois les autorités polonaises érigeaient ainsi des barbelés et des murs à la frontière biélorusse comme seule réponse à l’arrivée des femmes, des hommes et des enfants en provenance des pays tels le Yémen, l’Afghanistan, la Syrie, l’Irak, ou la République démocratique du Congo (RDC) parmi d’autres, au prétexte qu’il s’agissait de « migrant·e·s » instrumentalisé⋅e⋅s par le chef d’État biélorusse.

      Un peu plus tôt, après la prise de pouvoir par les Talibans à Kaboul, les pays européens aujourd’hui « accueillants » s’organisaient pour fermer leurs frontières aux milliers de personnes cherchant à fuir l’Afghanistan, alléguant comme l’a fait la France, que « l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle [et que] « nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants » [8].

      Ce que cachent mal les discours et pratiques à géométrie variable que nous observons aujourd’hui porte un nom : le racisme, c’est-à-dire la croyance en une hiérarchie des êtres humains et la production d’un rapport de domination pour tenter de rendre opérante cette hiérarchisation. L’idéologie raciste se masque le plus souvent derrière des atours présentables, dans des arguties telles que : « La place de ces gens-là est chez eux, à aider leur pays à sortir de la misère », « ils doivent être accueillis dans les pays limitrophes au Sud, dont la culture dominante est proche de la leur… », ou encore « dans la migration, ils se mettent en danger et se font la proie des passeurs ». Mais elle apparaît pour ce qu’elle est en période de crise, quand refont surface les discours alarmistes qui, chez les responsables politiques et dans certains médias, attisent la peur de l’invasion.

      Pour commenter la décision de l’UE de déclencher le mécanisme de protection temporaire, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, parle d’un « changement de paradigme », et on entend volontiers dire dans les médias que les Européens auraient retrouvé « le sens de l’accueil » [9]. C’est oublier que, comme on le voit aujourd’hui, la légitimité des souffrances se mesure à l’aune des origines et de la couleur de la peau.

      Des exilé⋅e⋅s se mobilisent depuis des mois pour défendre leur droit à la protection et à quitter un pays où leur vie est en danger et n’ont toujours pas vu cet accueil se matérialiser. A l’image de celles et ceux sur la route des Balkans [10], ou bloqué⋅e⋅s dans le sud de la Tunisie [11], ou encore en Libye qui ne sont pas dupes : « Ils affirment que les Ukrainiens sont différents, qu’ils sont des programmeurs informatiques et qu’ils ont une histoire bien connue, contrairement aux Africains dont le passé est marqué par la pauvreté. Les Ukrainiens sont désormais accueillis dans des pays qui ont fermé leurs portes aux réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique » [12]. Si nous exprimons toute notre solidarité avec les exilé⋅e⋅s ukrainien⋅e⋅s, nous joignons nos voix à celles de toutes les personnes qui sont bloquées et maintenues sciemment à distance des frontières européennes.

      Aujourd’hui l’UE fait pour les exilé⋅e⋅s Ukrainien⋅ne⋅s ce qu’elle a longtemps prétendu impossible : permettre la mobilité des personnes en quête de refuge et la reconnaissance de leurs droits plutôt que de chercher à les bloquer à tout prix. Cette brèche ouverte avec la mobilisation exceptionnelle dont font preuve aujourd’hui les Etats membres démontre que, contrairement à ce qu’elle a toujours dit, l’UE a la capacité d’accueillir un très grand nombre d’exilé⋅e⋅s. Le réseau Migreurop réclame que cet élan de solidarité et d’accueil soit étendu à toutes les personnes quelles que soient l’origine, la nationalité, la couleur de la peau, la classe, etc.

      Seule la liberté de circuler de toutes et tous pourrait enfin mettre un terme à l’apartheid global imposé à travers les frontières.

      http://migreurop.org/article3095.html?lang_article=fr

    • Témoignage : fuir Kiev sans la #nationalité ukrainienne

      Le politologue palestinien Yousef Munayyer s’étonnait il y a peu, dans les pages de The Nation, des « doubles standards » qui saturent le discours occidental « mainstream » depuis l’invasion de l’Ukraine. Ce qui jusqu’à la veille était impensable — ou, pire, tenu pour condamnable — se voit célébré par l’intégralité du personnel médiatique, politique et culturel. C’est que certains humains sont perçus et pensés « comme moins humains que d’autres ». Les vingt-sept États membres de l’Union européenne ont rapidement activé une procédure de régularisation visant à protéger les personnes fuyant la guerre : créée en 2001, cette protection temporaire n’avait jamais été mise en application. Mais une partie de la population résidant en Ukraine en est actuellement exclue : en clair, ceux et celles qui n’ont pas la nationalité ukrainienne. Rien, pourtant, ne saurait justifier la distinction de civils échappant ensemble au même conflit armé : ni les papiers, ni — lorsque la chose est formulée sans détour — la couleur de peau ou la confession. Nous avons recueilli le témoignage d’Alaya, jeune femme originaire d’Afrique subsaharienne qui vient de fuir Kiev.

      Le jour se lève sur Kiev en ce matin du 28 février 2022, lorsque John1 apprend que sa jeune sœur Alaya et trois de ses amis essaient de fuir la ville. À lui qui vit en France, elle affirmait encore la veille au téléphone que tout allait bien, que les craintes qu’il avait étaient sans doute dues à ce qu’il avait vu à la télévision, qui grossit les choses au point d’effrayer tout le monde.

      24 heures plus tard, il apprend qu’elle a pris la route.

      Douze ans auparavant — c’était en 2010 —, il avait perdu toute trace d’elle, comme du reste de sa famille, lorsque leur village avait été attaqué. Tous deux, alors enfants d’une dizaine d’années, avaient dû se débrouiller pour survivre. Mais voici, en ce mois de février 2022, qu’il retrouve sa trace grâce aux réseaux sociaux. À Kiev. Quelques semaines avant le début de la guerre.

      Sa peur à lui — peut-être à elle aussi : que va-t-il leur arriver sur le chemin ? Parviendra-t-elle à quitter la ville, le pays, saine et sauve ? Mais qui sait ce qui vous traverse l’esprit quand il faut fuir, avec cette montée d’adrénaline qui rend opérationnelle, qui sait quel sac prendre, quoi mettre dedans, comment s’habiller ? Ça fait bientôt dix ans que Alaya vit en Ukraine. Elle attendait le renouvellement de son visa étudiant, qu’elle obtenait sans faute depuis toutes ces années car il lui était impossible de retourner dans son pays d’origine. Elle vit à Kiev, la guerre éclate, elle est sans titre de séjour et elle est noire ; les choses pourraient être plus simples.

      Son frère apprend vite qu’elle n’est pas partie seule — soulagement. Mais les échanges écrits sont très succincts : ils ne communiquent que peu d’éléments. Entre la couverture réseau qu’elle dit aléatoire, la batterie du téléphone qu’il faut préserver le plus longtemps possible, l’état d’esprit dans lequel il imagine qu’elle se trouve, il sait qu’il doit se contenter de quelques mots. Il n’obtient qu’au compte-goutte, comme un puzzle infernal dont les toutes petites pièces filent entre les doigts, quelques informations. Celles qui circulent sur les réseaux sociaux sont pour le moins inquiétantes ; le traitement réservé aux personnes noires qui tentent de fuir l’Ukraine fait le tour de la toile. Presque au même moment, les étudiants marocains présents en Ukraine signalent avoir subi ce type de violence raciste : ils dénoncent un traitement qui les relègue au second plan, loin derrière les ressortissants ukrainiens qui cherchent à fuir la guerre.

      La mise en place d’un énorme réseau solidaire est aussitôt annoncée un peu partout en Europe. En Belgique, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, annonce que les réfugiés ukrainiens bénéficieront automatiquement d’un titre de séjour de six mois, renouvelable une fois et pour une durée allant jusqu’à deux ans, avec autorisation de travailler. Ils ne se verront pas basculés dans le dispositif de gestion de l’asile général, « car trop saturé ». Le chef du gouvernement régional flamand, Jan Jambon, leader du parti d’extrême droite N‑VA (bien connu pour ses positions sur la question migratoire), affirme qu’il faut les accueillir et qu’une aide financière sera versée aux localités pour chaque Ukrainien secouru. Suivant l’exemple de l’entreprise ferroviaire publique allemande Deutsche Bahn, les réseaux de transport européens se mobilisent à leur tour pour faciliter les déplacements des réfugiés ukrainiens — mais seulement « sur présentation d’un passeport ou d’une carte d’identité ukrainienne ». C’est en effet ce qu’affichent sur leur site certaines compagnies2. Secourir les réfugiés d’Ukraine, oui, mais pas n’importe lesquels. L’évidence qu’en Ukraine ne vivent pas seulement des Ukrainiens semble devoir être rappelée aux gouvernements — à moins, plus sûrement, qu’ils feignent de l’ignorer. Pas le temps de se demander ce que ça représente pour toutes les autres personnes contraintes à l’exil, continuellement traquées et rejetées, ni ce que peuvent ressentir toutes les populations aux territoires bombardés, colonisés, à l’instar des Palestiniens. Alaya doit réussir à quitter le pays saine et sauve.

      Le soir du 28 février, il est environ 20 heures lorsqu’ils sont arrêtés à l’un des multiples checkpoints installés dans la capitale et ses alentours. On leur interdit de poursuivre leur chemin, puis on les somme de faire demi-tour. « On ne comprenait pas pourquoi, on ne savait pas où aller. Rentrer à la maison n’était pas envisageable. D’ailleurs, aucun lieu n’était sûr. On a cherché un hôtel, mais tout était plein partout, avec de longues files d’attente. » Ils décident de dormir dans leur voiture, stationnée dans une rue résidentielle. Une Ukrainienne d’un certain âge, habitant la maison devant laquelle ils sont garés, vient toquer à leur fenêtre. Elle les invite chez elle, leur offre à manger, des lits où passer la nuit. Ils lui en sont profondément reconnaissants. Ils reprennent la route le lendemain à l’aube. Peu de temps après, ils ont un accident et la voiture est à l’arrêt. Deux policiers interviennent, leur viennent en aide. « On a eu de la chance, ils nous ont emmenés dans un abri et nous ont aidés à prendre un bus. » Pourtant, rien n’était moins sûr : Alaya est bien placée pour le savoir. Quand son frère les alertait sur les risques d’agressions racistes sur le chemin, aucun d’eux ne se montrait surpris. « C’est tous les jours qu’on vit avec ça. » Les regards insistants sur sa peau dans la rue, les remarques désobligeantes, c’est son lot quotidien. Elle raconte que pendant ses études en pharmacie, les étudiants ukrainiens et étrangers étaient toujours placés dans des salles séparées. « On suivait le même enseignement, dans la même université, mais on nous mettait toujours dans des salles à part, jamais avec les autres étudiants ukrainiens. »

      Les quatre amis montent dans un bus à destination de Lviv pour se rapprocher des frontières polonaises, slovaques et hongroises, à l’ouest du pays. Des queues interminables sont signalées à la frontière de tous les pays limitrophes : impossible alors pour John de savoir quelle route ils vont pouvoir emprunter. Il contacte différentes personnes en lien avec des groupes de citoyens qui s’organisent dans certains de ces pays pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens. Il apprend ainsi que dans une ville frontalière de Pologne, les citoyens se sont mobilisés pour aider les gens à monter dans des bus vers des destinations sûres, qu’il y a beaucoup de monde pour donner un coup de main. Mais ce contact prévient : « Ils disent qu’ils vérifient bien les identités de chacun, parce que, ils ajoutent, "Il ne faudrait pas laisser passer des Russes". » On ne saura pas si cette remarque est représentative de ce qu’il se passe réellement, mais sa simple évocation est glaçante. Passer les garde-frontières, ukrainiens d’abord, puis polonais, espérer ne pas être retenu et être traité dignement, tout ça ne suffira donc pas : il faudra aussi subir les filtrages opérés par les populations. Quel danger représente un ressortissant russe cherchant lui aussi à fuir ?

      De Lviv, ils prennent un train.

      « On était assez choqués car malgré tout ce qui se passait, la guerre, il fallait acheter les billets sinon on ne pouvait pas monter à bord. » Ils parviennent à gagner la frontière avec la Hongrie. « Il y avait une queue interminable. Ça n’avançait pas du tout. Au bout de plusieurs heures on est parvenus à se faufiler vers l’avant, au moins pour comprendre ce qu’il se passait. » Ils voient alors une jeune femme d’origine indienne, en larmes. Elle crie qu’elle attend depuis deux jours, que les garde-frontières ukrainiens ne la laissent pas passer. Elle n’est pas seule : tout un groupe de personnes non-blanches est derrière elle. Alaya raconte : « Ils faisaient passer les personnes blanches et bloquaient toutes les personnes de couleur. Ils ont clairement dit qu’il y avait des gens plus importants que nous. Mais on s’est défendus, on a tous crié. Ils ont fini par nous laisser passer. » Le tampon de sortie d’Ukraine figure dorénavant sur leurs passeports : il date du 2 mars 2022.

      Ayant trouvé refuge dans une petite ville de l’autre côté de la frontière, le groupe d’amis s’accorde un jour entier pour réfléchir. Que faire ? Accroché à son téléphone, plusieurs centaines de kilomètres plus loin, John s’inquiète et trouve qu’ils s’attardent trop. Il comprendra plus tard leur dilemme. Si deux personnes du groupe possédaient encore un titre de séjour en cours de validité en Ukraine, les deux autres n’en avaient pas. C’est ensemble qu’ils se sentent plus forts, et surtout mieux protégés — la situation administrative des uns pouvant aider les autres. Ils ne savent pas où se mettre à l’abri, si ce n’est l’offre que John leur a fait d’aller se réfugier chez lui. Mais le plus jeune de la bande, tout juste âgé de 16 ans, a de la famille en Italie. Il voudrait retrouver ses proches. Impensable pour le groupe de le laisser voyager seul en ces circonstances. Si bien qu’ils en viennent à imaginer l’accompagner tous ensemble, avant de se mettre ensuite à l’abri chez John, en France, le temps de comprendre ce qui leur arrive et de réfléchir aux choix possibles pour chacun d’entre eux. Attendre que le conflit se calme et rentrer en Ukraine ? Cette option ne semble même pas avoir été envisagée. Quant à la protection temporaire activée le 4 mars 2022 par le Conseil de l’Union européenne — qui offre une protection immédiate et collective, avec une série d’avantages dont beaucoup de personnes exilées rêveraient3 — il est fort à parier qu’elle servira essentiellement aux ressortissants ukrainiens4. Demander l’asile dans un pays de l’Union européenne ? Quelles chances réelles d’obtenir le statut de réfugié ? Ça dépendra de l’histoire de chacun, pour qui tentera cette procédure.

      Après des heures qui lui paraissent interminables, John a enfin des nouvelles : ils ont décidé de continuer encore un peu le chemin tous ensemble, au moins jusqu’au pays suivant. Ils décideront à la prochaine étape s’il est nécessaire de se séparer en deux groupes, avec chacun un porteur de titre de séjour valable, pour protéger celui qui n’en a pas. Un groupe vers la France, l’autre vers l’Italie. Ensemble, ils parviennent à traverser la frontière vers l’Autriche sans encombre. Là, comme précédemment, ce sont les mêmes files d’attente interminables, le stress aigu, l’épuisement, l’impossibilité d’obtenir les fameux tickets de train « Helpukraine5 ». Mais il faut bien avancer ; et, tant bien que mal, ils y parviennent. Arrivés à Vienne, une personne leur vient en aide. Ils soufflent quelques heures, mangent, essaient de dormir un peu. La première bonne nouvelle tombe enfin : la tante du plus jeune s’est rendue jusqu’en Autriche pour venir le chercher. Il va pouvoir retrouver sa famille en Italie. Son combat administratif est loin d’être terminé, mais pour l’instant, le voilà à l’abri. Et, pour les autres, c’est une frontière de moins à franchir. Voilà qu’ils obtiennent enfin le fameux ticket de train « Helpukraine », qu’ils imaginent leur permettre de voyager et traverser les frontières plus facilement. Ils espèrent en tous les cas avancer plus sereinement dorénavant.

      Ils embarquent dans un train. Prochaine étape, l’Allemagne. À peine la frontière est-elle passée que la douane monte à bord. Toutes les personnes en possession de ce ticket doivent descendre du train, petit groupe par petit groupe. Vient leur tour. Alaya dit aux policiers qu’ils ne s’arrêtent pas en Allemagne, qu’ils vont rejoindre son frère en France. « Enregistrement obligatoire pour toutes les personnes qui viennent d’Ukraine. Prise d’empreintes aussi », lui rétorque-t-on. Il est minuit passé de quelques minutes. La foule de personnes, incluant des familles avec des enfants en bas âge, est transportée par bus jusqu’à une station de police. « On pensait que ça allait être rapide, ils nous disaient que c’était juste une formalité. Mais on arrive dans cet endroit, il y a plein de policiers, énormément de personnes qui attendent. Les gens semblent épuisés. On ne nous dit rien. On nous fait juste passer des grilles et on nous amène à l’arrière du bâtiment, dans la cour. L’espace est fermé par des barrières, on ne peut pas partir. » Ils attendront des heures que chacun soit entendu par la police, que leurs empreintes soient prises. Fuir une guerre en cours n’y change rien : c’est l’enregistrement bureaucratique qui prime, qui retient au milieu de la nuit des centaines de personnes dans le froid et les empêche de rejoindre les lieux d’abri qu’elles avaient pu choisir, pour certaines chez des proches.

      Il est 7 heures du matin quand Alaya et ses amis signalent à John qu’ils y sont toujours. « On est glacés. Ils s’en fichent, on a beau fuir une guerre, même dans ces circonstances, voilà comment on nous traite. » Une bonne partie des personnes ont déjà été libérées. Elle raconte que parmi celles qui sont encore retenues, un homme entre en crise. Ça fait dix heures qu’il est là. Il hurle qu’il veut être libéré. Le groupe d’amis essaie de garder son sang-froid, de ne pas faire de bruit, patiente et espère. Le risque est pourtant réel d’être embarqué vers un centre de rétention. Sur les photos qu’elle fait parvenir à son frère, il ne peut que remarquer qu’il ne reste que des personnes de couleur. Les familles « blanches » que l’on voyait présentes quelques heures plus tôt n’y sont plus. L’angoisse le gagne. Il retient sa respiration. Alaya lui racontera ensuite qu’ils avaient d’abord fait passer les femmes avec enfants.

      Il est près de 8 heures lorsqu’ils sont relâchés à leur tour, avec en main un papier d’enregistrement et une obligation de se présenter au service d’immigration le plus proche, sous quatre jours. Pour qui demandera l’asile, Dublin a frappé6 : ce n’est pas au pays de destination choisi mais au premier où les empreintes ont été enregistrées qu’incombe le traitement de la demande de protection. Mais, pour l’heure, ça importe peu aux membres du groupe : ils poursuivent leur chemin.

      Alaya et John se sont retrouvés.

      Après douze ans sans aucunes nouvelles l’un de l’autre, ne sachant même pas s’il restait un espoir de retrouver d’autres survivants de l’attaque de leur village, les voilà réunis. L’intensité de l’émotion qu’ils ressentent et qui se dégage d’eux est immense — mais une nouvelle lutte commence. Alaya vient de se présenter à la préfecture pour solliciter la protection temporaire activée pour les personnes fuyant l’Ukraine. Fin de non-recevoir. « Elle n’est pas ukrainienne, qu’elle aille demander l’asile », lui a‑t-on dit.

      https://www.revue-ballast.fr/temoignage-fuir-kiev-sans-la-nationalite-ukrainienne

    • La #solidarité à géométrie variable n’en est pas vraiment une

      Une solidarité réglée sur la ségrégation entre ‘#bons’ et ‘#mauvais’ réfugiés ne se discrédite-t-elle pas par elle-même ? Une scission discriminante de l’humanité en ceux dignes d’être sauvés et accueillis et ceux et celles exclus du domaine de l’hospitalité, ne témoigne-t-elle d’une contamination des sociétés européennes par des motifs racistes ?
      Depuis quelques semaines, nous découvrons que l’accueil tant redouté des réfugiés est bien possible en Europe. Accueillir, accueillir dans de conditions qui respectent la dignité des personnes, accueillir en ouvrant grand les portes à ceux et celles qui viennent serait alors faisable, même si les arrivants dépassent les quatre millions. Jusqu’à il y a un mois, une telle perspective était perçue comme annonciatrice de catastrophe majeure voire comme une menace existentielle pour l’Europe : on nous assenait de tous les côtés qu’un accueil digne de ce nom constituerait un appel d’air exposant nos sociétés européennes à un risque d’implosion. Tout geste d’accueil était suspect et pourrait être puni comme un délit voire un crime. Les solidaires étaient stigmatisés comme les idiots utiles au service de trafiquants, les sauveteurs comme faisant partie de bandes de passeurs, voire comme des espions coupables d’intelligence avec l’ennemi.

      Avec la guerre en Ukraine, changement complet de cap, les réfugiés- à vrai dire certains d’entre eux- sont reconnus comme tels, leurs droits sont respectés, leurs souffrances et leurs traumatismes pris en compte. Même en Grèce, le retournement complet de pratiques et de discours fut impressionnant. En deux semaines, ce pays dont le gouvernement déclarait qu’il ne pouvait plus recevoir un seul réfugié de plus, a su accueillir 15.000 Ukrainiens en leur accordant des documents temporaires, ainsi qu’un numéro de Sécurité Sociale, un numéro fiscal et le droit de travailler.

      Or nous savons que cette réception digne ne concerne point tous les réfugiés, mais quelques-uns, choisis en fonction des affinités ethniques et religieuses, peu importe si celles-ci sont réelles ou imaginaires. Elle ne concerne même pas tous les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine mais uniquement les ressortissants ukrainiens. En fait, non seulement la protection temporaire accordée par les pays européens aux Ukrainiens est refusée à la grande majorité d’étrangers résidant en Ukraine, mais plusieurs d’entre eux sont placés en détention pour entrée irrégulière au territoire polonais. Ce n’est qu’en fonction de leurs nationalités et de leur couleur de peau que les réfugiés d’Ukraine seront accueillis ou rejetés. Quant aux Kurdes, Irakiens, Syriens et Afghans qui se présentent non pas à la frontière polonaise avec l’Ukraine, mais à celle avec la Biélorussie, ils sont traqué et violemment refoulés, après avoir été tabassés et dépouillés de leurs biens ; certains d’entre eux peuvent même être laissés pieds nus par températures négatives à errer sur un sol glacial – au moins 20 personnes sont morts ainsi d’hypothermie à la frontière avec la Biélorussie. Quant à ceux et celles qui oseraient offrir l’hospitalité à ces hommes, femmes et enfants affamés et frigorifiés, ils risquent huit ans d’ans de prison ferme. Les mêmes scènes d’une guerre qui ne dit pas son nom, celle contre les migrants, se passent à la frontière gréco-turque d’Evros où il y a une quinzaine de jours un petit garçon syrien de 4 ans est mort noyé sous les yeux impassibles d’un commando grec, victime d’un refoulement trop violent. L’incident, loin d’être un cas isolé, fait partie d’une nouvelle stratégie adoptée pars les garde-frontières de la région d’Evros qui consiste à refouler ceux qui arrivent en les abandonnant sur des îlots du fleuve Evros sans vivres ni eaux avec l’injonction de retourner en Turquie. En janvier dernier, cette tactique avait déjà coûté la vie à un syrien souffrant d’une grave insuffisance rénale.

      C’est cette face hideuse du visage de l’Europe que celle-ci tourne vers tout un chacun dont l’image s’écarte de la figure-type du ‘bon’ réfugié –chrétien, blanc aux yeux bleus. D’un côté, on accueille à bras ouvert les « nôtres », ceux qui ne menaceraient pas le vénéré mode de vie européen, et de l’autre on violente, on torture, on refoule avec des véritables opérations militaires qui exposent délibérément ceux qui se présentent à nos portes à des risques mortels.

      Cependant il ne suffit pas de dénoncer cette solidarité à géométrie variable, il faudrait essayer d’aller au-delà du registre d’une condamnation morale. En effet, si la solidarité dépend de la tête du client, est-ce vraiment de la solidarité ? Ou bien plutôt une défense atavique de nôtres contre les autres, une réaction identitaire qui présuppose une bipartition de l’humanité entre ceux à notre image, et les autres, ces aliens qui, à nos yeux étriqués, portent les stigmates d’une altérité qui les exclurait du domaine d’exercice de l’hospitalité ? Ainsi, ce qui est présenté comme un retour du sens de l’accueil en Europe, pourrait s’avérer le symptôme d’un racisme meurtrier qui ne dit pas son nom.

      Cette année, nous avons ‘célébré’ les cinq ans d’accords de coopération entre UE et la Libye : selon Amnesty International , plus de 82 000 réfugié·e·s et migrant·e·s ont été renvoyés à l’enfer libyen depuis que les accords ont été conclus. La plupart « se sont retrouvés dans des centres de détention sordides, où sévit la torture, tandis que beaucoup d’autres ont été victimes de disparitions forcées ». Cette politique européenne qui ne se contente pas de refouler en renvoyant aux centres de tortures et aux marchés aux esclaves libyens mais criminalise systématiquement le secours en mer, a bien porté ses fruits : elle a transformé la mer Méditerranée en une fosse commune qui a englouti pas moins de 23.500 personnes morts ou disparus de 2014 jusqu’à aujourd’hui. En Grèce, un écart significatif entre le chiffre officiel des personnes secourues en mer et celui de nouveaux arrivants enregistrés dans les îles révèle au moins 25.000 cas de refoulement en mer Egée pendant la seule année 2021. Ces refoulements sont non seulement systématiques mais de plus en plus violents ; les commandos qui s’en chargent, recourent à des méthodes d’une brutalité paroxystique qui mettent délibérément en danger la vie ceux qui en sont les victimes. Cette escalade des violences contre les arrivants comporte des actes criminels comme ceux des garde-côtes qui en septembre dernier n’ont pas hésité à jeter en pleine mer trois hommes qui ne savaient pas nager et dont deux sont morts noyés, ou ceux de garde-frontières d’Evros qui avaient dépouillés des exilés de leur vêtement en les laissant pieds nus par températures négatives –19 personnes en sont morts ainsi début février. Ces crimes ne constituent point des bavures ou des dérapages isolés, mais font partie intégrante d’une politique concertée de dissuasion réglée sur le principe « rendons les la vie infernale ». En les exposant délibérément à des dangers mortels, les garde-frontières qui assurent la protection de l’Europe, s’attendent à ce que les candidats à l’exil finirons par comprendre non seulement qu’ils sont indésirables sur le sol européen mais que leurs propre vies n’y comptent pour rien.

      La situation dramatique des réfugiés ukrainiens pourrait-elle sensibiliser les sociétés européennes au drame de tous les réfugiés indépendamment de leur origine ? Si nous tenons compte ce qui continue à se passer à nos frontières loin de projecteurs médiatiques, nous aurons du mal à y croire. Force est de constater que l’accueil des Ukrainiens va de pair avec notre indifférence, en tout cas avec notre inaction blasée, face à ces crimes commis contre les ‘mauvais’ réfugiés aux confins de l’Europe et/ ou à ses frontières externalisés.

      La question est ‘sommes-nous disposés de vivre au sein d’une société régie par la croyance « en une hiérarchie des êtres humains et par la production d’un rapport de domination pour tenter de rendre opérante cette hiérarchisation » (communiqué de Migreurop du 22 mars 2022) ? Car, la solidarité à deux vitesses revient à une bipartition de l’humanité entre ceux dont la vie serait digne d’être sauvés, et les autres, ceux dont les vies en seraient indignes. Ce qui fait inévitablement penser à la doctrine abjecte de Lebensunwertes Leben, de vies indignes d’être vécues, notion clé de la politique eugéniste et raciale nazie. Certes nous n’en sommes là, mais en sommes-nous vraiment loin ? D’un côté, vous avez des vies dignes d’être sauvées, secourues, accueillies, et de l’autre, les vies de ceux qui, n’appartenant pas à la ‘grande famille européenne’, seraient non seulement indignes d’être sauvés mais qui pourraient dans l’indifférence générale être conduits à la noyade ou à la mort par hypothermie. La pente est plus que glissante.

      Que cela soit clair : tous ceux et celles qui fuient la guerre en Ukraine doivent être accueillis dans les meilleures conditions possibles non seulement à court mais aussi à moyen voire long terme. Ce qui reste insoutenable, est cette politique de deux poids et deux mesures, qui présuppose une bipartition pernicieuse de l’humanité. Qu’une partie d’êtres humains soit traitée comme si elle n’appartenait plus à l’humanité, comme si elle pourrait en être retranchée et exclue, cela ne saurait ne pas affecter nous autres européens des stigmates d’inhumanité.

      La guerre en Ukraine serait-elle d’autant plus la ‘nôtre’ qu’elle est une guerre européenne ? Tout compréhensible que puisse être ce point de vue, on pourrait y objecter que la guerre en Syrie ne nous concernait pas moins, et que la résistance de Kurdes à l’avancée fulgurante de Daech n’a pas été moins décisive pour l’avenir de l’Europe que l’issue de la guerre actuelle en Ukraine. Si, comme le dit Michel Agier, penser l’Europe devrait être une méthode pour penser notre commune humanité, nous ne saurions nous affirmer en tant qu’européens qu’en pensant et agissant en tant que citoyens du monde. Contre les politiques du tri sélectif, de l’exclusion et de criminalisations des arrivants, il nous faudra construire un monde Un, un monde commun où il y aura une place pour toutes et tous.

      Paris, 31 mars 2022

      https://blogs.mediapart.fr/vicky-skoumbi/blog/010422/la-solidarite-geometrie-variable-n-en-est-pas-vraiment-une

    • Entre les réfugiés d’Ukraine et ceux d’ailleurs : une « #différence_de_traitement insupportable »

      Les annonces gouvernementales se succèdent pour organiser l’arrivée des personnes fuyant l’Ukraine. Après des années de refus politique d’accueillir les exilés d’Afrique ou du Moyen-Orient, les associations dénoncent une discrimination.

      « Elle arrive… » Un chuchotement circule dans l’assistance. Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur, s’avance pour saluer une rangée de responsables d’associations. Nous sommes le 23 mars. Tous s’activent ici, dans ce hall du parc des expositions Porte de Versailles à Paris, pour accueillir les personnes réfugiées d’Ukraine. « Vous avez toujours en majorité des femmes et des enfants ? » s’enquiert la ministre. Depuis l’ouverture du centre, mi-mars, 1900 Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants (les hommes ukrainiens de moins de 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays) ont été hébergés sur place pour une ou deux nuits. Ils y ont trouvé un dispositif inédit, rassemblant en un même lieu préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration, assurance-maladie… Du jamais-vu en France.

      Une dizaine de box ouverts sur une salle bruyante s’alignent. Des familles ukrainiennes y exposent, dans une intimité toute relative, leur situation aux agents de l’État. Première étape à l’entrée : le contrôle des documents d’identité par la préfecture de Paris. Si tout est en règle, c’est-à-dire si les personnes sont en capacité de prouver qu’elles fuient l’Ukraine, elles se voient délivrer dans la foulée une autorisation provisoire de séjour. Celle-ci est d’une durée de six mois, renouvelable trois ans.

      Du jamais-vu en France
      Depuis l’ouverture du centre de Porte de Versailles (Paris), mi-mars, 1900 Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants, ont trouvé un dispositif inédit, rassemblant en un même lieu préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration, assurance-maladie… Du jamais-vu en France.

      « Nous délivrons près de 300 autorisations provisoires de séjour par jour », explique un représentant de la préfecture. Ces autorisation sont l’application concrète, en France, de la directive européenne sur la protection temporaire créée en 2001 et activée le 3 mars 2022 pour la première fois. Elles donnent, entre autres, le droit de travailler et d’obtenir une couverture maladie immédiatement, là où les demandeurs d’asile sont depuis 2019 soumis à une attente de trois mois pour bénéficier de la Sécurité sociale.
      « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit »

      « Il y a un deux poids deux mesures. N’ayons pas peur des mots : c’est du racisme. »

      Aucun autre exilé sur le territoire français n’a droit au dispositif de protection temporaire. Pas même les Afghans ayant fui la prise de Kaboul par les talibans, l’été dernier. « L’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants », déclarait en août 2021 à leur propos Emmanuel Macron. Six ans plus tôt, au regard de la crise syrienne, une cinquantaine d’organisations demandaient déjà au président Hollande et à l’Europe d’œuvrer en faveur de la protection temporaire. En vain.

      « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit. Il y a un deux poids deux mesures. N’ayons pas peur des mots : c’est du racisme. La différence de traitement est insupportable », dénonce Yann Manzi, cofondateur de l’association Utopia56. Il y voit une incarnation du double discours « humanité et fermeté », martelé par le gouvernement Macron depuis son arrivée au pouvoir. « Pour toutes les populations maghrébines, ou d’Afrique subsaharienne, on a la fermeté ; tandis que pour les Ukrainiens, on a l’humanité ».

      4 millions de réfugiés
      Les associations craignent de trouver bientôt des familles ukrainiennes sans solution, comme les autres. Actuellement, 26 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France. Une partie est en transit, mais il est difficile de prévoir le nombre d’arrivées futures : plus de 4 millions de personnes ont quitté l’Ukraine, au 30 mars.

      L’exemple des transports est parlant. L’État a noué un partenariat inédit avec la SNCF pour permettre aux familles ukrainiennes de se déplacer gratuitement vers les régions où on leur propose un hébergement, ou vers les pays qu’elles souhaitent rejoindre. Au sein du hall Porte de Versailles, « on travaille sur une solution de guichet SNCF », explique Nordine Djebarat, directeur régional Île-de-France à Coallia, une association spécialisée dans l’hébergement et l’accompagnement social.
      100 000 places d’hébergement… et des gens toujours à la rue

      « Les pouvoirs publics sont capables de se mobiliser pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens. On voit que quand la volonté politique est là, on y arrive »

      Pour les autres nationalités, les gares et les trains restent ce qu’ils ont toujours été. À savoir, des lieux de traque et de contrôle. En plein cœur de la vallée de la Roya, un escadron de gendarmerie mobile contrôle en permanence la zone autour de la commune de Sospel et sa gare TER. « Ici, le train ne s’arrête que quelques minutes, mais cela suffit aux militaires pour contrôler l’ensemble des voitures, où il n’est pas rare de se retrouver en présence d’individus entrés irrégulièrement en France », écrit par exemple le média de la gendarmerie nationale Gend.Info. Dans un communiqué du 14 mars, la CGT Cheminots explique que la direction de la SNCF leur « demande de vérifier la provenance des réfugiés dans le train (...) et “d’agir avec bienveillance” s’ils sont Ukrainiens ». De quoi soulever « un malaise profond chez une partie des cheminots, conscients d’une différence de traitement entre les réfugiés ».

      Depuis 2015, l’accès au logement pour les personnes exilées est l’une des principales batailles que mènent les associations. Il y a eu les occupations place de la République ou devant la mairie de Paris, les réquisitions de bâtiment vacants, les demandes répétées de prise en charge systématique des personnes à la rue après les évacuations de campements... Le numéro d’urgence 115 saturé, les structures d’hébergement pleines : les associations se sont habituées à recevoir ces réponses de la part des services de l’État.

      Des dizaines de réfugiés Afghans dorment dans le campement du Cheval noir, à Pantin (Seine-Saint-Denis). Avec la fin de la trêve hivernale, « il y a plein de territoires où des remises à la rue se préparent », craint Yann Manzi d’Utopia56. Avec la possibilité de la reformation de campements de milliers de personnes en périphérie de Paris.

      Alors, le 23 mars, quand le Premier ministre Jean Castex annonce l’ouverture prochaine de 100 000 places d’hébergement pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine [1], les associations qui viennent en aide aux exilés à la rue ont évidemment salué le geste… tout en soulevant quelques contradictions. « Nous avons distribué plus de 800 repas hier soir dans les rues de Paris, les conditions de vie des personnes exilées sont très dures, témoigne Philippe Caro de l’association Solidarité Migrants Wilson. On s’aperçoit que les pouvoirs publics sont capables de se mobiliser pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens, alors que depuis des années ils nous disent que ce n’est pas possible pour les autres. On voit que quand la volonté politique est là, on y arrive », s’agace-t-il.
      Parfois dès 9 h du matin, ils disent aux familles “revenez demain”

      À Calais, l’auberge de jeunesse, comptant 130 places, a été mobilisée pour héberger des Ukrainiens. Les exilés d’autres nationalités continuent de survivre dans des campements informels ("jungles”), au rythme des expulsions tous les deux jours par les forces de l’ordre. « Ils nous disent : “C’est terrible ce qu’il se passe en Ukraine”. Puis, quand on leur explique cet accueil, ils s’étonnent : “ah oui ? Pourquoi ils ne sont pas dans la jungle comme nous ?” », rapporte Marguerite Combes, coordinatrice d’Utopia56 sur place. « On est contents pour les Ukrainiens, mais si on peut le faire pour eux, pourquoi pas pour tout le monde ? C’est assez rageant, cela fait 30 ans que c’est l’impasse… », soupire Alexandra Limousin, responsable de l’Auberge des migrants, association historique du Calaisis.

      Malgré cette mobilisation inédite de l’État, des défaillances commencent à être mises en lumière. Dans un échange de courriers, des bénévoles traducteurs alertent la Croix rouge sur un manque d’assistance médicale, de nourriture et d’eau lors du premier accueil, gare de l’Est à Paris. La rapidité de l’ouverture des droits est aussi « très variable » en fonction des endroits, explique Gérard Sadik, responsable asile de la Cimade. Même au hub Porte de Versailles, « c’est premier arrivé, premier servi. Parfois dès 9 h du matin, ils disent aux familles “revenez demain” », précise-t-il.

      Enfin, les associations craignent de trouver bientôt des familles ukrainiennes sans solution, comme les autres. Actuellement, 26 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France. Une partie est en transit, mais il est difficile de prévoir le nombre d’arrivées dans les prochaines semaines (plus de 4 millions de personnes ont quitté l’Ukraine, au 30 mars). Dans un gymnase réquisitionné à Rennes, « la semaine dernière, six personnes d’Ukraine sont arrivées, et c’est nous qui leur avons payé l’hôtel, car le gymnase était plein… », raconte Yann Manzi.
      Des hébergement évacués, des gens mis à la rue

      « On insiste beaucoup sur la générosité des gens, mais soyons extrêmement vigilant sur l’hébergement citoyen, qui doit inclure de l’accompagnement social dans la durée »

      Dans la dernière instruction envoyée aux préfets sur le schéma d’hébergement et de logement des réfugiés d’Ukraine, que Basta ! s’est procurée, les ministères insistent sur le fait de ne pas mettre en concurrence les publics. « Il est essentiel de ne pas dégrader ou saturer les dispositifs de droit commun », y écrivent-ils. Mais sur le terrain, des formes de priorisation s’opèrent. À Rennes, 144 personnes, dont une quarantaine d’enfants, occupaient depuis mi-janvier un gymnase réquisitionné par les associations qui les suivent depuis un an. Le 30 mars, les forces de l’ordre ont évacué les lieux. « Il reste une famille de dix personnes sans solution, ainsi qu’une petite vingtaine d’hommes seuls », indique Ludovine Colas, coordinatrice d’Utopia 56 à Rennes.

      Des guichets uniques au centre d’accueil de Porte de Versailles permettent aux familles réfugiées ukrainiennes d’accomplir toutes leurs démarches. « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit », dénonce Yann Manzi, cofondateur de l’association Utopia56.

      Dans le même temps, « on sait qu’il y a des dispositifs qui ont été ouverts à Rennes pour les Ukrainiens, des places libres », souligne Yann Manzi. Ces derniers peuvent accéder à un hébergement juste après s’être présentés en préfecture. Pour les autres exilés, « il faut passer par le guichet unique de Coallia pour avoir ensuite un rendez-vous en préfecture, puis la préfecture renvoie vers Coallia, qui orientera vers un hébergement », décrit Ludivine Colas. De quoi allonger les délais sur plusieurs mois… « La majorité des occupants du gymnase étaient ainsi des primo-arrivants, pris dans ces fameux délais de rendez-vous », explique-t-elle.

      La clôture de la trêve hivernale, fin mars, risque de multiplier ces situations selon les associations. « Il y a plein de territoires où des remises à la rue se préparent. Là où il y aura des soutiens ou une médiatisation, on peut espérer les faire reculer. Mais dans les territoires moins visibles, tout va se faire dans une grande discrétion » craint Yann Manzi d’Utopia56. Face à la priorisation donnée à l’hébergement de familles ukrainiennes, Agathe Nadimi de l’association les Midis du MIE, qui vient en aide aux mineurs isolés, craint la reformation de campements de milliers de personnes en périphérie de Paris.

      La priorisation se ressent aussi dans la mobilisation citoyenne. Porte de Versailles, l’Armée du Salut coordonne les distributions alimentaires. Le centre peut accueillir jusqu’à 400 personnes par jour. « On a les capacités d’y répondre, grâce à tous les dons reçus, notamment beaucoup d’entreprises. Enfin… à destination des Ukrainiens. Parce que pour les autres publics, les Syriens, les Afghans, on a plus de mal. Des fois, on a envie de dire : il y a tous les autres, aussi », soupire Emmanuel Ollivier, directeur de la fondation de l’Armée du Salut. Marlène Schiappa soulignait lors de sa visite : « Tous les jours, on a des gens qui veulent aider, faire des dons, laisser un appartement à disposition… C’est pour cela qu’on a créé une plateforme de parrainage ».

      Pour l’heure, peu d’informations ont été données sur les 100 000 places d’hébergement annoncées par Jean Castex, si ce n’est qu’une grande partie d’entre elles sont organisées par des entreprises privées ou des citoyens. Cela pose question à de nombreuses associations. « On insiste beaucoup sur la générosité des gens, mais soyons extrêmement vigilant sur l’hébergement citoyen, qui doit inclure de l’accompagnement social dans la durée », soutient Bruno Morel, le directeur général d’Emmaüs Solidarité. Gérard Sadik, de la Cimade, rappelle aussi une évidence : « L’État a un devoir d’hébergement, avec une obligation des moyens renforcés : c’est-à-dire, une obligation d’aller vers le logement de toutes les personnes. Il ne peut pas se reposer sur les initiatives privées… »

      Tous les acteurs associatifs saluent la réaction rapide et massive de l’État pour accueillir les déplacés ukrainiens, ils souhaiteraient désormais que cette crise soit l’électrochoc permettant d’instaurer un accueil digne et durable à tous les exilés. « On a jamais vu des conditions d’accueil aussi favorables. Cela doit être considéré comme une opportunité pour les généraliser à toute personne qui a fui la guerre ou une situation humanitaire insupportable », défend Bruno Morel, d’Emmaüs Solidarité.

      https://basta.media/Refugies-ukrainiens-porte-de-Versailles-difference-de-traitement-Afghans-Sy

    • Ukraine and Double Standards on Refugees

      Critics are right to point out that some Western nations are treating Ukrainian refugees better than those fleeing similar horrific situations elsewhere. But the right way to address the problem is to increase openness to other refugees, not exclude Ukrainians.

      Russia’s brutal invasion of Ukraine has created a massive refugee crisis, with over 5 million Ukrainians fleeing the country. Many Western countries have admirably accepted Ukrainian refugees in response. But critics argue that this relative openness by the US and Europe involves a pernicious double standard under which white European refugees from Ukraine are welcomed, but non-white ones from Syria, Africa and elsewhere, are mostly shut out, even though many are fleeing comparably grave dangers from war and oppression. Pope Francis, among others, has said that the differential treatment of refugees is driven by “racism.”

      The critics have a legitimate point. But the right way to address the problem is not to close our doors to Ukrainians, but to be more open to other migrants and refugees fleeing horrific conditions.

      Non-white refugees from Africa and the Middle East really do often face violence and oppression comparable to that which threatens Ukrainian refugees, and many Western nations have been less willing to let them enter. In the case of the US, the difference is less glaring than in Europe, because the Biden administration has so far taken only modest steps to open US doors to Ukrainians. Some of those steps, such as granting Ukrainians already in the US “Temporary Protected Status” have parallels in similar policies adopted towards some predominantly non-white groups of refugees, such as Venezuelans (regardless of their actual skin color, Venezuelans and other Hispanics are usually not considered “white” in the US). The contrast is greater in Canada and various European nations that have been relatively more open to Ukrainians than the United States has been so far.

      Although racial and ethnic bias surely plays a role, it probably isn’t the only factor at work. It is also significant that the US and its European allies have an important strategic stake in the Russia-Ukraine War that is either smaller or entirely absent in the cases of Syria and various African conflicts. Openness to Ukrainians is not only a moral gesture, but also a way of opposing Vladimir Putin’s brutal war of aggression, which threatens Western security interests.

      It’s also worth noting that the US and its European allies have done little or nothing to open their doors to Russian refugees fleeing Putin’s intensifying repression, despite the strong moral and strategic case for doing so. Most Russian refugees are white, just like most Ukrainian ones. Western nations’ unwillingness (so far, at least) to take them is likely driven by shortsighted unwillingness to distinguish them from the very regime they are fleeing.

      That said, racial and ethnic bias clearly is a factor. Some European officials openly admit it. For example, Bulgarian Prime Minister Kiril Petkov said in February that his country is welcoming Ukrainians in part because “[t]hese are not the refugees we are used to.… These people are Europeans…These people are intelligent.”

      But, as I explained in one of my earliest pieces making the case for admitting Russian and Ukrainian refugees, the right way to combat such disparities is “leveling up” the treatment of non-white refugees, not barring Ukrainians.

      There are some cases where it is perfectly legitimate to end discrimination by “leveling down” the treatment of the previously favored group. For example, if the government gives subsidies to white-owned businesses that aren’t available to others, there is nothing wrong with just abolishing the subsidy program entirely.

      But barring refugees fleeing war or repression is a grave wrong even if it is done in a “race-neutral” manner. It still unjustly consigns people to oppression or even death merely because they happen to be born to the wrong parents or in the wrong place. That itself is an injustice similar to racial discrimination. In the same way, if police brutality is directed against African-Americans more often than whites, the problem could not be justly “solved” by having the police abuse whites more often. Rather, the only defensible approach in that situation is to curb brutality directed at blacks.

      In my view, there should be a strong presumption against barring any peaceful migrants, especially those fleeing war, authoritarian regimes, or other severe oppression. But I recognize this ideal is unlikely to be fully achieved anytime soon, if ever. In the meantime, we should seek whatever incremental improvements are feasible, which may include measures focused on specific refugee crises, even as others remain (relatively) neglected.

      And while I have long argued it is essential to make the general moral case for migration rights, there is nothing wrong with also noting considerations that may only apply to a specific situation. For example, there are specific strategic advantages to opening our doors to Russians fleeing Putin, because doing so strengthens the West’s position against one of the world’s most dangerous illiberal authoritarian regimes.

      In my view, Russians fleeing Putin’s regime (like others fleeing repression) should be accepted even in the absence of those strategic advantages. But these points still add to the case for openness, and they may be more decisive for observers who are less generally pro-migration rights than I am.

      The issue of racial and ethnic double standards on migration rights often comes up when I speak about admitting Ukrainians and Russians during the present war. Reporters and interviewers routinely ask about it. I always emphasize that my support for migration rights is not and never has been bounded by race or ethnicity.

      For members of the media and anyone else who may be interested, here is a convenient, though not exhaustive, list of my writings advocating migration rights for predominantly non-white groups (as “white” is usually defined in US political discourse). Unless otherwise noted, these are all posts at the Volokh Conspiracy blog:

      1. “The Moral and Strategic Case for Admitting Syrian Refugees,” Nov. 23, 2015.

      2. “Obama’s Cruel Policy Reversal on Cuban Refugees,” Jan. 14, 2017. While many Cuban migrants are light-skinned, they are not usually considered white in the US.

      3. “Supreme Court Ruling on Travel Ban Ignores Religious Discrimination,” USA Today, June 26, 2018. This piece and the next one are just a small sampling of my extensive writings opposing Donald Trump’s anti-Muslim travel bans.

      4. “Trump’s Expanded Travel Ban Compounds the Wrongs of Previous Versions,” Feb. 2, 2020.

      5. “Let Hongkongers Immigrate to the West - And other Victims of Chinese Government Oppression, too,” May 29, 2020. This is just one of several pieces I have written on Asian refugees.

      6."Immigration Restrictions and Racial Discrimination Share Similar Roots," The Hill, Nov. 24, 2020.

      7. “The Case for Accepting Afghan Refugees,” Aug. 20, 2021.

      8. Free to Move: Foot Voting, Migration, and Political Freedom, (Oxford University Press, rev. ed. 2021). In Chapters 5 and 6 of this book, I include an extensive critique of justifications for racial, ethnic, and cultural discrimination in migration policy. In the case of the US and many other Western nations, such restrictions most often target non-whites.

      9. “The Case Against Covid-19 Pandemic Migration Restrictions,” Cato Institute, Feb. 1, 2022. In the US, these restrictions have most heavily impacted non-white migrants from Latin America. That’s especially true of the Title 42 “public health” expulsions, against which I also authored an amicus brief when their legality was challenged in court.

      This list could easily be expanded. But it’s enough to give a representative sampling of my work on this issue.

      Committed conspiracy theorists (though not Volokh Conspirators!) might still say I only wrote the above because I anticipated there would someday be a refugee crisis involving whites. My previous writings about non-white refugees would store up credibility that I could then make use of. But that just goes to show there’s no satisfying hard-core conspiracy theorists!

      https://reason.com/volokh/2022/04/24/ukraine-and-double-standards-on-refugees

    • Migranti : verso un contributo per i profughi ospitati dai privati

      Lo ha dichiarato il presidente del Fvg #Massimiliano_Fedriga: «Stiamo lavorando a una misura che sarà valida per tre mesi, per venire incontro alle famiglie che ospitano. Importante distinguere tra rotta balcanica e profughi Ucraini»

      Voici le passage sur la distinction à faire entre les réfugiés « de la route des Balkans » et ceux d’Urkaine :

      «Oggi il numero di profughi dall’Ucraina è gestibile a livello nazionale - ha spiegato Fedriga - ma ci preoccupa la sommatoria con l’immigrazione proveniente dalla rotta balcanica e dal Mediterraneo. Oltretutto bisogna avere consapevolezza che i due percorsi devono essere ben distinti, soprattutto per quanto riguarda i minori stranieri non accompagnati. Dall’Ucraina arrivano minori dai 6 ai 14 anni circa, dalla rotta balcanica e dal Mediterraneo arrivano sedicenti 17enni che in realtà sono maggiorenni. Non possiamo pensare di mischiare i due percorsi, dobbiamo tutelare al massimo le persone che scappano dalla guerra».

      https://www.triesteprima.it/politica/migranti-fedriga-contributo-ospiti.html
      #Italie #Fedriga

      –---

      To a certain degree, double standards are already emerging regarding the treatment of refugees travelling Balkan and Mediterranean routes, and those arriving from Ukraine. While every person crossing the border is mandated to quarantine for 6 days, people fleeing Ukraine can do so in specialized centers (there are 4 of them in #Trieste at the moment). All other nationalities (predominantly people from Pakistan and Afghanistan) are sent to #Campo_Sacro, which presents considerably worse living conditions. Since there are 40 to 50 people present there, it can be concluded that the Italian police still chases and leads them back when they decide to resume their journeys. Of particular concern is the case of two Pakistani people who fled Ukraine, where they had obtained their residency permits, but were conducted to Campo Sacro regardless.

      (p.11)

      source : https://www.borderviolence.eu/balkan-regional-report-march-2022

    • En #Pologne, les exilés non ukrainiens se sentent abandonnés

      Irakiens, Syriens ou Yéménites, ils ont traversé la frontière entre le Bélarus et la Pologne fin 2021, en y frôlant parfois la mort. Placés en rétention, relâchés, certains se retrouvent aujourd’hui livrés à eux-mêmes, à l’heure où des millions de réfugiés ukrainiens sont accueillis en Pologne.

      Kouba a aperçu la veille une silhouette marchant le long de la route, un sac sur le dos, et en a déduit que c’était lui. « Une amie m’a demandé d’aller le récupérer. Comme il ne parle quasiment pas anglais, je lui ai quand même montré son numéro pour vérifier que c’était la bonne personne », chuchote-t-il, l’air amusé, assis sur la pelouse près de la gare de Varsovie vendredi 6 mai. Près de lui, Waleed, cheveux coiffés en arrière et barbe fournie, ne dit pas un mot. Mais il acquiesce lorsqu’il parvient à déchiffrer ce que dit son accompagnateur.

      « Il a été refoulé deux fois à la frontière en octobre dernier, puis il a passé six mois à Stary Raduszec », poursuit Kouba en remuant la tête de gauche à droite pour marquer son agacement. Il fait référence au centre de rétention qui a vu le jour dans la province de Krosno, à l’ouest de la Pologne. « C’est au milieu de nulle part, au milieu des champs. Il n’y a même pas d’adresse. » Waleed ignore pourquoi il a pu en sortir du jour au lendemain. « C’est comme une prison, explique-t-il en arabe, dans le train qui l’emmène droit vers Łódź, à une centaine de kilomètres de la capitale. On n’avait pas le droit d’utiliser nos smartphones, ni d’avoir de la visite. »

      Un ami à lui a tout de même pu prendre une vidéo tournée à l’intérieur du centre fin 2021. « We are not animals ! » (« Nous ne sommes pas des animaux ! »), crie un homme parmi un groupe d’exilés derrière un grillage, en s’adressant aux gardes. Au cours des derniers mois, plusieurs personnes se sont lancées dans une grève de la faim pour protester contre leur rétention, injustifiée – la plupart d’entre elles ont demandé l’asile (ou émis le souhait de le faire) par l’intermédiaire de bénévoles ou d’avocats rencontrés avant qu’ils ne soient interpellés par les gardes-frontières puis enfermés, comme nous le relations ici ou là.

      Originaire du Kurdistan irakien, Waleed confie, dans le train, ses rêves d’Europe : « Mon frère, avec qui j’ai traversé, est aujourd’hui en Allemagne. Et j’ai un autre frère en Belgique. » Il aimerait les rejoindre mais ignore comment faire. Il craint aussi les contrôles de police dans les gares allemandes. Son frère, lui aussi placé en centre de rétention, n’a pu en sortir que parce qu’il souffrait d’une forme grave de diabète. C’est avec lui que Waleed a d’abord tenté de gagner la Bulgarie, depuis la Turquie, à dix reprises. « À chaque fois, on nous a refoulés. La police était très dure avec nous. Une fois, ils nous ont retiré nos téléphones et vêtements, les ont brûlés sous nos yeux et nous ont dit “go” en nous montrant la forêt. »

      En arrivant en gare de Łódź, en début de soirée, le jeune homme retrouve Sebastian, l’un des maillons de cette chaîne de solidarité qui refuse d’abandonner les personnes exilées de toutes nationalités, à l’heure où la Pologne accueille près de trois millions de réfugié·es venant d’Ukraine. Tous deux ne se connaissent pas mais Waleed le suit volontiers lorsqu’il se dirige vers sa voiture puis fait démarrer le moteur. Du heavy metal sort, sans crier gare, de la radio, et plusieurs exemplaires du journal anarchiste traînent sur le siège arrière. La voiture rejoint un petit village, surnommé « Palestine », où Sebastian va héberger, pour la toute première fois, un exilé chez lui.

      « Je vais te montrer ta chambre », lance-t-il à Waleed en grimpant les marches de la maison. Sur le tee-shirt de l’activiste anarchiste, un nounours barre au feutre rouge une croix gammée nazie. Une fois dans le salon, Sebastian tente de mettre la musique sur la télévision pour noyer le silence qui s’installe, faute de langue commune. « Je suis assez nul pour briser la glace », affirme-t-il en enchaînant les cigarettes dans le jardin.

      Magda, la femme de Sebastian, arbore un sourire gêné. « Elle est bien embêtée car elle est très bavarde, d’habitude », plaisante-t-il. Pour lui souhaiter la bienvenue, le couple a organisé une fête, en présence d’Ewa, le premier contact de Waleed, qui est restée en lien avec lui durant son enfermement. C’est aussi elle qui a demandé à Kouba de le récupérer à sa sortie du centre de rétention.

      Installée à table, elle convoque ses souvenirs. « J’ai passé trois ou quatre mois à la frontière bélarusse. Des fois, on restait 46 heures sans dormir, au point d’avoir des hallucinations. On a aidé beaucoup de personnes, bien qu’on ne se souvienne pas de tous les visages et prénoms. » Aujourd’hui, poursuit-elle, les exilé·es continuent de tenter le passage de cette frontière, devenue une nouvelle route migratoire en Europe. « Il y a encore du monde qui traverse, au moins cinquante personnes par semaine. Vendredi dernier, on a trouvé une famille qui avait passé sept jours dans la forêt », rapporte Kouba.

      "Quand je vois les gardes-frontières polonais avec des enfants ukrainiens dans les bras aujourd’hui, ça me rend fou."

      Sebastian, activiste anarchiste

      Et Ewa d’ajouter : « Le centre de Bruzgi, au Bélarus, comptait sept cents personnes. Il a été fermé et les plus vulnérables ont été relâchés pour dire que la Pologne les refoulait. C’est un sale “jeu” entre les deux pays. Certaines personnes sont restées coincées à la frontière durant des mois. » « Quand je vois les gardes-frontières polonais avec des enfants ukrainiens dans les bras aujourd’hui, ça me rend fou », peste Sebastian en se tenant la tête entre les mains. Il a, lui aussi, ratissé la forêt située dans la zone en état d’urgence pour sauver des vies.

      Deux jours plus tard, dans la cour du centre social et culturel ADA à Varsovie, Kouba se souvient de ce qui a marqué un tournant pour lui : au moins trois décès avaient été signalés à la frontière entre la Pologne et le Bélarus en octobre dernier. « La même semaine, les autorités locales ont annoncé lors d’une conférence de presse avoir trouvé des images de zoophilie et de pédophilie sur le téléphone des exilés. Cette propagande a été insupportable pour moi. » Kouba multiplie, durant trois mois, les allers-retours à la frontière et garde contact avec certains exilés placés en centre de rétention, par un réseau d’entraide.

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce professeur d’université a choisi de s’impliquer auprès des exilés non ukrainiens, considérant qu’il y avait « suffisamment d’aide » pour eux à travers le pays. Et parce que, selon plusieurs sources, les ONG autrefois présentes à la frontière bélarusse sont depuis impliquées à la frontière ukrainienne.

      « Ces différences de traitement me dépassent. On s’est aussi organisés, avec des volontaires, pour créer à l’intérieur de la gare de Varsovie un point d’accueil pour les réfugiés non ukrainiens fuyant la guerre. » Un groupe basé à la frontière avec l’Ukraine est chargé de les recenser et de signaler leur départ en train. À leur arrivée dans la capitale, les équipes les orientent pour la suite de leur parcours ou leur cherchent un hébergement.

      Proposer une aide à tous les exilés, sans distinction

      Dimanche 8 mai, Chris retrouve Sulaïman et Mohsen dans un café de la capitale situé près du théâtre. Les deux jeunes hommes, originaires du Yémen, laissent entrevoir deux personnalités radicalement opposées : l’un, coupe afro assumée, est extraverti et enchaîne les blagues avec un serveur peu réceptif ; l’autre est réservé, le regard presque méfiant.

      Ils viennent, eux aussi, d’être relâchés du centre de rétention de Wędrzyn, un village situé près de la frontière allemande. « Le centre a été créé dans une zone militaire, où il y avait des entraînements tous les jours. On entendait les tirs, les explosions, comme si on était au milieu d’une guerre », relate Sulaïman, qui évoque un « camp de concentration »
      On se battait pour du pain. Des gens sont devenus fous et se sont mis à parler tout seuls.
      Mohsen, un exilé yéménite

      Là-bas, Mohsen, à la carrure déjà frêle, perd quatre kilos. « On se battait pour du pain. Des gens sont devenus fous et se sont mis à parler tout seuls. » Durant deux mois, le trentenaire ne peut donner aucune nouvelle à sa famille restée au Yémen. « Quand j’ai enfin récupéré un vieux téléphone, j’ai dit à ma mère que j’étais dans un hôtel 5 étoiles, car je ne voulais pas l’inquiéter. »

      Aujourd’hui, ses proches, qui ont découvert la vérité, ne parviennent toujours pas à y croire. Après avoir travaillé en Arabie saoudite pour fuir la crise que connaît son pays en 2013, Mohsen se confronte à de nouvelles difficultés. Son pays d’accueil restreint le droit au travail pour les étrangers et augmente, chaque année, le tarif des permis de résidence.Il lance une demande de visa étudiant en Espagne à plusieurs reprises, sans succès. « En 2021, j’ai pu obtenir un visa étudiant au Bélarus. Tout à coup, on a entendu dire que la frontière avec la Pologne était ouverte. Pour moi, c’était la seule chance de gagner l’Europe », explique-t-il, faisant référence aux droits humains et à une vie meilleure.

      « Bla bla bla… », lâche aujourd’hui Mohsen d’un ton amer. Il prend contact avec Sulaïman, originaire du même village que lui au Yémen, qui a de son côté tenté de rejoindre l’Europe via la Turquie. « J’ai été refoulé à chaque fois par la Grèce. Quand tu cherches un endroit sûr, tu trouves. On connaît le sens du mot “guerre” et on pensait qu’en passant par le Bélarus, on pourrait demander l’asile en Europe.
      Un soldat a fini par me frapper à la poitrine. Ils ont cassé le port permettant la charge de nos téléphones et nous ont dit de repartir.
      Sulaïman, un exilé yéménite

      Les deux comparses font appel à un passeur bélarusse qui les achemine à la frontière le 16 août, au début de la crise, contre 200 dollars. « C’était le 15 août », rectifie Mohsen, pour qui chaque détail a son importance. Ils n’imaginaient pas combien ce serait « difficile ». Ils sont refoulés une première fois par les gardes-frontières polonais, qui braquent leurs armes sur eux.

      « Ils nous ont demandé ce qu’on voulait et on a répondu “l’asile”. » Côté bélarusse, les soldats leur ordonnent de retourner en Pologne. « Une nuit, ils nous ont laissés plusieurs heures sous la pluie, sous des températures négatives, en nous observant. Un soldat a fini par me frapper à la poitrine. Ils ont cassé le port permettant la charge de nos téléphones et nous ont dit de repartir. »

      Le « ping-pong » dure sept jours. Affamé, déshydraté et souvent malade pour avoir bu l’eau des marécages, le groupe – des Afghans et Kurdes les ont rejoints dans leur mésaventure – désespère et ne pense qu’à survivre. Ils finissent par croiser une ONG dans la forêt, qui promet de les aider. Alexandra, une bénévole, les accompagne au poste des gardes-frontières, pensant bien faire.

      « Ils l’ont virée du poste en la poussant violemment. On s’est dit que s’ils faisaient ça à une ONG, qu’est-ce qu’ils feraient avec nous ? », poursuit Mohsen en jouant nerveusement avec le couteau posé sur la table à manger de la cuisine, dans le petit appartement qu’ils occupent au centre-ville de Varsovie. Leur téléphone confisqué, ils sont de nouveau refoulés, au milieu de la nuit. C’est finalement une équipe de télévision, qui tourne côté Bélarus, qui les sort de cet « enfer ».

      Près de deux mille exilés seraient toujours placés en centre de rétention depuis la crise à la frontière bélarusse. « Quelle différence entre les Ukrainiens et nous ? Est-ce une question de couleur ? », interroge Mohsen, faisant référence à la guerre et à la famine que connaît son pays. « On se sent désolés pour la guerre en Ukraine, mais on trouve dingue que les réfugiés aient juste à se présenter à la frontière polonaise pour être protégés après ce qu’on a vécu. »

      Et Sulaïman d’ajouter : « Il ne devrait pas y avoir de différence entre les gens. Et s’ils ne veulent vraiment pas de nous, pourquoi nous enfermer ? » Près de deux mille personnes seraient toujours placées en centre de rétention depuis la crise à la frontière bélarusse. Mohsen et Sulaïman ont passé huit mois et vingt jours en centre de rétention, sans même en connaître la raison. « Comme si on était des criminels », résument-ils. Ils sont suivis par le collectif d’aide aux migrants Grupa Granica, et un avocat tente aujourd’hui de les aider dans leurs démarches administratives.

      Chris, qui se dit sans « étiquette » et dont les parents sont eux aussi réfugiés, estimait qu’il n’en avait « pas assez fait » durant la crise à la frontière bélarusse. « Les Polonais se sont réveillés avec l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens et font tout pour les soutenir. C’est super. J’ai estimé de mon côté que Mohsen et Sulaïman en avaient plus besoin, puisque personne ne les aide », susurre celui qui leur prête cet appartement, où ils vivent depuis leur sortie du centre de rétention. Mohsen, le regard plongé dans le vide, se dit « brisé ».

      Pensent-ils rester en Pologne ? « Ça fait huit mois qu’on est là et les ONG ont rempli les documents pour la demande d’asile, mais on n’a rien eu, pas même un entretien », rétorque Sulaïman.Recontacté, Moussa*, qui nous racontait en décembre dernier avoir dû enterrer ses frères dans la forêt à la frontière, vit toujours en Podlachie, au nord-est de la Pologne, mais a dû quitter le centre d’accueil où il était hébergé pour faire de la place aux Ukrainien·nes.

      « Des personnes de bonne volonté se sont regroupées pour me trouver un logement en ville car ce n’était plus vivable pour moi là-bas. Mais je n’ai toujours pas de procédure d’asile ici en Pologne », confie-t-il, admettant être « perdu ».

      « Je suis incapable de réfléchir à ce que je veux faire pour le moment », complète Mohsen. Chris assure que si la zone en état d’urgence est toujours interdite d’accès, c’est pour que le monde « ne puisse pas voir ce qui s’y passe ». « Il doit aussi y avoir des corps là-dedans. C’est un crime contre l’État de droit et contre l’humanité, pour lequel les responsables devront payer », dénonce-t-il en avouant avoir « honte » de son pays. En cherchant le regard de ses deux interlocuteurs, il conclut : « Vous devriez essayer d’oublier tout cela. Nous, on se chargera de ne rien oublier. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/160522/en-pologne-les-exiles-non-ukrainiens-se-sentent-abandonnes

    • Réfugiés d’Ukraine : tapis rouge pour les uns, barbelés pour les autres

      Février 2022 : face à l’afflux d’exilé·es en provenance d’Ukraine aux frontières européennes, la présidente de la Commission européenne déclare que l’Union est « pleinement préparée » à accueillir ces réfugiés qui sont « les bienvenus [1] ». En France, la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur précise qu’il n’est prévu ni répartition entre les États membres de l’UE (« ce sont des personnes libres, elles vont là où elles veulent [2] ») ni quotas (« dès lors que des besoins seront exprimés, la France y répondra ») : sera octroyé un statut provisoire de protection immédiate, sans besoin de demander l’asile, avec un accompagnement social pour tout le monde ; les personnes seront logées, pourront travailler et leurs enfants iront à l’école. Et pour « ceux […] partis sans passeport, il y aura évidemment de la souplesse, ce sont après tout des gens qui fuient la guerre, on ne va pas les bloquer avec des formalités administratives. L’humanité c’est de ne pas ajouter des formalités aux formalités ».

      L’incrédulité face à cette inhabituelle hospitalité cède au malaise. Comment en serait-il autrement, quand on apprend, par la voix du directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration que « la France se prépare » et dispose d’un « parc d’hébergement de demandeurs d’asile qui peut être agrandi [3] », tandis que sont laissé·es à la rue, depuis des années, des milliers d’exilé·es que la police pourchasse, rafle et déplace sans cesse ?

      Pour la plupart d’entre eux, il eût suffi, comme on vient de le faire, d’activer la directive UE relative à la « protection temporaire », instituée dès 2001 mais qui n’a jamais, depuis lors, été mise en œuvre. Afghan·es, Érythréen·nes, Irakien·nes, Soudanais·es, Syrien·nes notamment, auraient ainsi pu, au fil du temps et des crises, bénéficier des conditions de protection et d’accueil offertes aujourd’hui aux Ukrainien·nes. Qu’il n’en ait rien été ne peut qu’interroger : la protection temporaire, pourtant de portée universelle dans toutes les situations d’« afflux massif », serait-elle en pratique réservée aux personnes exilées plutôt blanches et de culture chrétienne ?

      Comment expliquer, sinon, qu’au mois d’août 2021, tout en condamnant la prise de pouvoir par les talibans à Kaboul, le président Macron ait pu déclarer : « L’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants [4] » ? Comment comprendre que cette même Europe, soudain prête « à recevoir cinq millions de personnes » selon le chef de la diplomatie de l’UE, ait approuvé l’édification par la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie de murailles à leurs frontières pour parer à une « invasion » d’exilé·es venu·es d’Asie ou d’Afrique, favorisée par la Biélorussie à l’automne 2021 ?

      La discrimination raciale a d’ailleurs contaminé, dès ses premiers jours, l’exode ukrainien lui-même. Un tri des exilé·es s’est opéré à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, sur la base de la nationalité ou de la couleur de peau, au point que la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU s’est dite « alarmée par les informations crédibles et vérifiées faisant état de discrimination, de violence et de xénophobie à l’encontre de ressortissants de pays tiers qui tentent de fuir le conflit en Ukraine [5] ». Ces pratiques ne peuvent être traitées comme de simples bavures ; elles traduisent la conception qu’a l’UE de l’accueil : tapis rouge pour les un·es, barbelés pour les autres.

      Le tri ne s’arrête pas aux frontières : la proposition de la Commission européenne aux États membres d’activer la directive « protection temporaire » prévoyait d’inclure « les personnes qui ont fait de l’Ukraine leur lieu de vie [6] ». Une catégorie que n’a pas retenue le Conseil européen : en plus des Ukrainien·nes, seules seront éligibles les personnes bénéficiant d’une protection en Ukraine. En France, une instruction précise que, pour y prétendre, les autres devront justifier d’une résidence régulière sous couvert d’un titre de séjour permanent en Ukraine (quid des personnes en demande d’asile ?) et de « l’impossibilité de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables ».

      Difficile de ne pas voir, derrière ces pratiques et ces annonces, l’idéologie raciste qui imprègne la politique migratoire menée en Europe et en France, hier portée par l’extrême-droite, aujourd’hui propagée par de nombreux responsables politiques et professionnels des médias. En témoigne, par exemple, les propos d’un sénateur-maire conservateur de la ville de Mikulov en République tchèque, pays qui, soudain, secourt dans l’enthousiasme près de 200 000 Ukrainien·nes alors qu’il avait catégoriquement refusé la prise en charge du moindre réfugié en 2015. C’est qu’alors, explique-t-il, « les gens qui arrivaient en Europe avaient une religion différente et une culture qui n’était pas compatible avec la nôtre [7] ». Une analyse que partagent manifestement les États membres de l’UE sans s’autoriser à le reconnaître…

      Notes

      [1] France Info, « Guerre en Ukraine : comment l’accueil des réfugiés se prépare en Europe », 24 février 2022.

      [2] Marlène Schiappa, interviewée par France Info, 8 mars 2022. Idem pour les citations suivantes.

      [3] France Info, « Réfugiés ukrainiens : “Les capacités d’accueil seront trouvées”, assure le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration », 28 février 2022.

      [4] Emmanuel Macron, au cours d’une allocution télévisée le 16 août 2021.

      [5] ONU info, « Guerre en Ukraine : des dizaines de millions de personnes en “danger de mort”, prévient Michelle Bachelet », 3 mars 2022.

      [6] Commission UE, « Ukraine : la Commission propose une protection temporaire pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine, et des lignes directrices concernant les vérifications aux frontières », 3 mars 2022.

      [7] Le Monde, « Submergée par les réfugiés ukrainiens, la République tchèque ne veut pas entendre parler de “quotas” européens », 21 mars 2022.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6793

    • #Moldavie : racisme à l’accueil pour les #Roms d’Ukraine qui fuient la guerre

      Tous les réfugiés d’Ukraine ne sont pas accueillis de la même façon. En Moldavie, les membres de la communauté rom doivent faire face au racisme et à la ségrégation. Le rapport accablant de Human Rights Watch.

      Les autorités moldaves hébergent les réfugiés roms d’Ukraine séparément des autres personnes fuyant la guerre, ce qui constitue un « traitement inégal et discriminatoire », alerte l’organisation Human Rights Watch (HRW), qui a enquêté sur la situation en Moldavie. Le gouvernement aurait même permis et, dans certains cas, demandé aux équipes de bénévoles de refuser les réfugiés roms dans les centres d’accueil étatiques.

      « Les autorités moldaves offrent un soutien très important aux personnes fuyant l’Ukraine, mais cela n’excuse pas la ségrégation des réfugiés roms », dénonce Anastasija Kruope, chercheuse à l’ONG de défense des droits humains. « Peu importe les problèmes économiques et sociaux auxquels la Moldavie fait face, le gouvernement a la responsabilité d’assurer que les réfugiés ne sont pas discriminés sur des bases ethniques. »

      Depuis l’invasion russe le 24 février, 471 000 personnes ont fui l’Ukraine vers la Moldavie, et 87 000 sont restées dans ce pays de 2,6 millions d’habitants, qui est aussi l’un des plus pauvres d’Europe. Depuis la mi-mars, la quasi-totalité des réfugiés roms pris en charge par les autorités moldaves ont été placés dans un bâtiment jusque-là abandonné de la Faculté des Relations internationales (FRISPA) et dans le Manej Sports Arena. Mais des militants de défense des droits des Roms soulignent que les conditions d’accueil au Manej et au centre de Frispa sont « inadéquates » et « pauvres », en tout cas inférieures à celles des autres centres d’accueil.

      Certains administrateurs de ces centres refuseraient les réfugiés roms. Selon des bénévoles qui ont travaillé dans l’accueil des réfugiés, un fonctionnaire gouvernemental a dit aux bénévoles qu’ils devaient confirmer l’ethnie des réfugiés avant de les placer dans des centres pour éviter les problèmes, tout en admettant qu’il s’agissait d’une forme de profilage racial. De fait, les Roms sont catégorisés avant tout comme Roms et non Ukrainiens, quand bien même ils possèdent le passeport ukrainien.

      Des membres du staff du centre MoldExpo, le plus grand centre d’accueil du pays, à Chișinău, rapportent également que les autorités de la ville auraient une politique « non écrite » de refuser presque tous les Roms dans ce centre. Le 2 avril, l’HWR été témoin d’un tel refus opposé à des réfugiés roms arrivant d’Ukraine sous prétexte qu’il n’y avait plus de place dans le centre d’accueil, alors que ce n’était pas le cas.

      Les Roms font toujours face à un profond racisme et des discriminations constantes à la fois en Ukraine, en Moldavie et en Roumanie. On estime à 400 000 le nombre de Roms qui vivaient en Ukraine avant l’invasion russe, le plus souvent dans des conditions de pauvreté élevée, avec peu ou pas d’accès à l’emploi, à l’éducation et au système de santé. Ils sont également souvent victimes de discours de haine et parfois d’attaques violentes dont la justice locale ne se saisit pas sérieusement.

      Certaines réactions des Moldaves accueillant des réfugiés ukrainiens et d’Ukrainiens fuyant la guerre dans leur pays montrent l’étendu du racisme et des préjugés auxquels les Roms font face. « Pas de Roms », indiquent certaines familles pourtant prêtes à héberger des réfugiés ukrainiens à titre privé. « Quand on appelle des centres d’accueil et qu’on leur demande d’héberger un groupe de réfugiés, on nous dit ’Pas de soucis, amenez-les, mais assurez-vous qu’ils ne sont pas roms’, ou ’assurez-vous qu’ils sont ukrainiens’ ou ’blancs’ », rapporte un bénévole qui aide les réfugiés à trouver des lieux d’hébergement. « Un jour, on nous a demandé s’ils étaient des ’purs ukrainiens’. »

      Selon des activistes de défense des droits des Roms, certains réfugiés roms sont retournés en Ukraine, car ils ne trouvaient pas d’hébergement dans les centres d’accueil ou dans des familles en Moldavie. Ils rapportent aussi que des réfugiés ukrainiens non roms ont refusé de rester dans des centres d’accueil avec des réfugiés roms et que des Ukrainiens non roms ont refusé de monter à bord de bus à destination de villes d’Europe avec des réfugiés roms.

      « Les autorités moldaves doivent mettre fin à cette politique officielle ou non officielle de ségrégation des Roms et prendre toutes les mesures nécessaires pour contrer les attitudes discriminatoires contre eux », appelle HRW.

      https://www.courrierdesbalkans.fr/Moldavie-racisme-a-l-accueil-pour-les-Roms-d-Ukraine-qui-fuient-l

    • « Ce que l’Etat a fait pour les Ukrainiens, il peut le faire pour les autres exilés »

      Une #manifestation est organisée par différentes ONG ce samedi à Paris pour dénoncer les conditions d’accueil différenciées entre les réfugiés ukrainiens et ceux venant d’autres pays.

      Deux poids, deux mesures. D’un côté, il y a les réfugiés ukrainiens, arrivés par dizaines de milliers sur le sol français – 100 000 selon les derniers décomptes – depuis le début de l’invasion russe de leur pays et dignement accueillis dans des centres d’hébergement ouverts spécialement pour eux. De l’autre côté, des exilés venant d’autres pays, qui n’ont guère accès à ces foyers.

      C’est contre cette « #politique_migratoire_différentialiste » que des ONG, comme Utopia 56, Médecins du monde, Pantin Solidaire, Paris d’Exil ou Solidarité migrants Wilson, appellent à manifester, ce samedi, à 14 h 30, depuis le centre d’accueil de la Porte de Versailles, à Paris, jusqu’à la préfecture d’Ile-de-France, chargée d’orchestrer les opérations dites de mises à l’abri. Pour que les centaines de migrants sans-abri en Ile-de-France puissent accéder aux centres d’hébergement dédiés aux Ukrainiens, et qui sont désormais « à moitié vides », selon Pierre Mathurin, coordinateur au sein d’Utopia 56. Il explique à Libération les raisons de la mobilisation.

      Pourquoi avez-vous décidé de descendre dans la rue ce samedi après-midi ?

      Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, on se réjouit toutes et tous de l’accueil des réfugiés ukrainiens en France. Mais on demande que cette organisation soit mise en place pour tous les réfugiés sans-abri, et non pas seulement ceux qui viennent d’Ukraine. C’est le message que nous voulons porter ce samedi dans la rue. On veut que l’accès au logement, à la santé, au travail, aux transports publics, à la demande d’asile immédiat et à l’information, qui ont tous été facilités pour les exilés ukrainiens, soient aussi ouverts aux autres réfugiés, quelle que soit leur nationalité. Et ce, d’autant plus qu’aujourd’hui, de moins en moins d’exilés ukrainiens arrivent en France. Les centres d’accueil exclusivement dédiés aux réfugiés ukrainiens se vident.

      Par exemple, dans le #centre_de_premier_accueil de la #Porte_de_Versailles, entre 300 et 500 places sont laissées vacantes chaque nuit. D’autres foyers ferment même leurs portes. Comme les gymnases de Bercy et de la gare de l’Est. C’est pourquoi il est impératif qu’on parle maintenant du problème. On a vraiment très peur que, dans les prochaines semaines, d’autres centres d’hébergement ferment et que, parallèlement, l’Etat fasse comme si ce #dispositif_exceptionnel d’accueil n’avait jamais existé. Pourtant, si, 100 000 places d’accueil ont été ouvertes en l’espace de quelques jours pour les réfugiés ukrainiens. C’est énorme. Ce que l’Etat a fait pour les Ukrainiens, il peut le faire pour les exilés d’autres nationalités. C’est ce qu’on lui demande depuis des années.

      Qu’est-ce que vous répond le gouvernement ?

      Il refuse catégoriquement d’accueillir des réfugiés d’autres nationalités dans ces centres d’hébergement. Nous, les associations venant en aide aux migrants, faisons des tribunes, des lettres ouvertes… mais nous n’avons aucun retour du gouvernement. Depuis des années, l’Etat nous rétorque qu’il n’a pas suffisamment de moyens pour trouver ne serait-ce que quelques centaines de places d’hébergement, et ce sur une temporalité beaucoup plus large. Mais au vu de la réponse du gouvernement face à l’exil migratoire des Ukrainiens, l’ouverture de 100 000 places en quelques jours donc, cela nous prouve que l’État peut le faire. Tout est question de volonté politique.

      A quoi tient, selon vous, cette différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et ceux d’autres nationalités ?

      On a beaucoup de mal à savoir si c’est une question de racisme culturel, de localisation, de proximité des Ukrainiens du territoire français. Mais on a bien du mal à ne pas poser la question du racisme. Elle est même prédominante. C’est parce que les réfugiés ukrainiens ont la peau blanche qu’ils sont mieux accueillis.

      La comparaison la plus frappante peut être faite avec les réfugiés afghans. Seulement quelques mois avant, en septembre 2021, lors de la prise de Kaboul par les talibans et l’exil des Afghans, le gouvernement français parlait de « gestion des flux migratoires » et de « contrôle des frontières ». Seulement quelques centaines de migrants afghans avaient alors bénéficié d’un corridor humanitaire pour être pris en charge en France. Depuis, ce n’est guère mieux. Les réfugiés afghans arrivant sur le sol français sont dans la rue pendant des mois, attendant d’être pris en charge. La politique différentialiste de l’Etat, son refus d’accueillir des réfugiés d’autres nationalités dans les centres d’hébergement dédiés aux Ukrainiens en disent long…

      Concrètement, en quoi consiste cette #différence_de_traitement entre un réfugié afghan et un exilé ukrainien ?

      Quand un exilé ukrainien débarque en France, il va être « récupéré » à la gare par des associations opératrices de l’Etat, puis emmené en bus vers le centre de premier accueil de la Porte de Versailles, dans le XVe arrondissement de Paris. Sur place, en une heure, il va pouvoir, s’il le souhaite, entamer sa démarche de demande d’asile et obtenir un rendez-vous avec France terre d’asile et la préfecture pour trouver un hébergement adéquat. S’il souhaite rester en France, il va avoir accès directement à Pôle emploi. Au centre de la Porte de Versailles, il aura aussi accès à une crèche à disposition pour les enfants et à des distributions alimentaires en continu. Une prise en charge globale donc. A aucun moment, les réfugiés ukrainiens ne dorment dans la rue ou ne sont pas accompagnés dans leurs démarches. C’est ce dispositif-là qui doit être octroyé à tous les réfugiés.

      Car les exilés d’autres nationalités, quand ils arrivent en France, n’ont aucune structure vers qui se tourner. Ils ne bénéficient pas de la gratuité des transports, dorment souvent dans la rue, n’ont pas accès aux informations, doivent appeler des numéros surchargés pour entamer leur demande d’asile… Au mieux, ils croisent, au petit bonheur la chance, des associations qui peuvent les aider et leur donner un kit de survie ou une soupe. Bref, ils subissent une accumulation d’entraves.

      https://www.liberation.fr/societe/ce-que-letat-a-fait-pour-les-ukrainiens-il-peut-le-faire-pour-les-autres-
      #France #deux_poids_deux_mesures

    • À #Paris, les actions se multiplient pour obtenir un hébergement aux exilés

      Dimanche 17 juillet, des membres de #La_Chapelle_debout et des habitants de l’Ambassade des immigrés ont occupé le centre d’accueil pour les réfugiés ukrainiens, quasi vide, pour dénoncer les inégalités de traitement entre les exilés. Mardi, ils avaient rendez-vous à la préfecture.
      Ils ont déjà occupé les locaux vides d’une société d’assurance situés #rue_Saulnier, dans le IXe arrondissement de Paris, en avril dernier. Cette fois, le collectif La Chapelle debout, qui vient en aide aux exilé·es de la capitale depuis 2015, a choisi d’investir le centre d’accueil dédié aux réfugié·es ukrainien·nes #Porte_de_Versailles, dans le XVe arrondissement, dimanche 17 avril.

      Les bénévoles étaient accompagnés des habitant·es de l’#Ambassade_des_immigrés (du nom de ce nouveau lieu de mobilisation né après l’#occupation du bâtiment de la rue Saulnier) et d’exilés à la rue, lorsqu’ils sont entrés dans le centre d’accueil, où la fréquentation a fortement baissé au cours des dernières semaines selon plusieurs sources.

      « Notre action avait un double objectif, explique Yacine*, membre de La Chapelle debout. D’abord, dénoncer les #différences_de_traitement entre les exilés et le racisme qui en découle, sachant que le centre dédié aux Ukrainiens est presque vide et que pendant ce temps, d’autres exilés vivent dehors depuis des mois, voire des années ; et obtenir d’autre part des solutions d’hébergement pour les personnes confrontées à la rue. »

      La semaine précédente, déjà, plusieurs collectifs et associations d’aide aux migrant·es comme Utopia 56, Solidarité migrants Wilson ou Médecins du monde manifestaient depuis le centre d’accueil des Ukrainien·nes jusqu’à la préfecture de région, avec le même credo : « Hébergement pour tous·tes, quelle que soit leur nationalité ».

      Ce mardi 19 juillet, une délégation composée de deux exilés, un Éthiopien et un Soudanais, ainsi que de trois membres de La Chapelle debout, a été reçue par Cécile Guilhem, sous-préfète et cheffe de cabinet du préfet de la région Île-de-France, ainsi que par deux responsables de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl).

      Dimanche, le directeur adjoint du cabinet du préfet s’était lui-même rendu sur place, au centre pour réfugié·es ukrainien·nes, pour tenter de dénouer la situation. « Des exilés ont pu échanger avec lui et lui signifier qu’ils ne remettaient pas en doute le droit des Ukrainiens à un hébergement, mais qu’ils attendaient simplement d’avoir les mêmes droits, poursuit Yacine. Eux sont accueillis en France par la rue et le harcèlement des policiers, qui donnent des coups de pied dans leurs tentes tôt le matin ou les déchirent. »

      Le sous-préfet dit « avoir bien pris en compte » leur situation

      Les participant·es à l’action – des réfugié·es, des demandeurs et demandeuses d’asile, des dubliné·es (à qui la France demande de retourner dans le premier pays européen par lequel ils et elles sont arrivé·es pour l’examen de leur demande d’asile) ou des sans-papiers – ont accepté de quitter les lieux après discussion avec le directeur adjoint de cabinet du préfet de région, aux alentours de 22 heures dimanche, alors que les forces de l’ordre étaient postées à l’entrée du centre.

      400 personnes étaient présentes, dont des femmes, parfois enceintes, et des enfants, de nationalité soudanaise, somalienne, érythréenne, tchadienne, malienne ou afghane, et une cinquantaine de Français venus en soutien.

      Dans une vidéo, le sous-préfet, Christophe Aumonier, s’adresse à eux et dit « avoir bien pris en compte » leur situation. « Il n’y a pas de solution miracle. Ce sur quoi je peux m’engager, c’est qu’on essaiera de traiter chacun des cas. Mais il faut parfois être patient car nous avons des difficultés pour mettre tout le monde à l’abri. Mais nous nous y sommes engagés », assure-t-il.

      Selon nos informations, la délégation qui s’est présentée au rendez-vous en préfecture ce jour prévoyait d’insister sur un point : obtenir des solutions « durables » pour les personnes ayant participé à l’action, y compris les habitant·es de l’Ambassade des immigrés, qui occupent depuis quatre mois le bâtiment situé rue Saulnier.

      « Le rendez-vous a donné lieu à des échanges tendus mais respectueux, même si deux logiques s’opposent, la démocratie sociale contre une logique gestionnaire, comptable et technocratique, expliquent des membres de La Chapelle debout présents à celui-ci. Ils nous ont proposé de travailler sur une liste qu’on doit leur envoyer et qu’ils se sont engagés à étudier attentivement. On doit se revoir pour en discuter. » La délégation, qui dit ne pas avoir obtenu de garanties, se dit prête à organiser d’autres actions ailleurs si besoin.

      Contactée, la préfecture de la région Île-de-France n’a pas répondu à nos questions à l’heure où nous publions cet article.

      Cela concerne plus de 300 personnes, précise Yacine, pour qui l’action est une « réussite ». « On a occupé la salle de vie et les dortoirs, qui étaient majoritairement inoccupés. Il y avait quelques Ukrainiens, qui ont été évacués par des membres de l’association Coallia, qui gère le centre. »

      À leur arrivée au centre, les exilé·es ont découvert comment tout était mis en œuvre pour permettre aux Ukrainien·nes de faire leurs démarches sur place, dans des délais restreints – comme l’a documenté Mediapart, l’organisation de leur accueil s’est faite au détriment des autres et de manière décousue –, à l’heure où les arrivées de réfugié·es ukrainien·nes se font de moins en moins nombreuses depuis le mois de mars.

      Services de la préfecture, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de l’assurance-maladie et de Pôle emploi… « On a vu qu’il y avait également un service permettant aux Ukrainiens qui ne veulent pas rester en France de remplir une demande pour aller dans un autre pays européen. Pour les autres exilés, c’est incompréhensible, en particulier les dublinés, à qui on ne laisse pas le choix du pays où il peuvent demander l’asile. Les gens sont vraiment affectés par ces différences de traitement. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/190722/paris-les-actions-se-multiplient-pour-obtenir-un-hebergement-aux-exiles

      #résistance #France

    • How the EU Failed Ukraine’s International Students

      Tracing the fate of a cohort of non-white students who fled Russia’s invasion to be confronted with Europe’s hostile environment

      The EU’s decision to offer unprecedented rights and freedoms to refugees fleeing Russia’s invasion of Ukraine less than a month after the war began was widely celebrated. What was not said at the time was that the policy was drawn up to intentionally exclude a considerable number of non-European refugees fleeing the war.

      This double standard was not an accident. The first draft of the legislation implementing the Temporary Protection Directive (TPD), a measure designed to provide protection for at least one year, contained a clause stating that all foreigners residing in Ukraine on a long-term basis – regardless of their country of origin – would be granted the same rights as Ukrainians. When the text came out of the EU council meeting this clause was gone.

      This decision has had very direct consequences on the lives of many of the nearly half a million third-country nationals who were living in Ukraine before the war. The data we collected reveals that only 54,443 of these people were offered temporary protection in the EU. While some 5 million Ukrainians got refuge and rights, many non-Ukrainians were given time limits on how long they could stay, while others were refused any form of protection, rendering them undocumented.

      The tens of thousands of African and South Asian students enrolled in Ukrainian universities on student visas fell outside the scope of the TPD. We spoke to more than 30 students who spent months applying to European universities, only to be told they do not meet visa conditions and language requirements. Some, already traumatised during the invasion, found themselves homeless, while others are facing imminent deportation. While native Ukrainians were met with open arms, many of their non-white classmates met with discrimination and xenophobia.
      METHODS

      In tandem with diaspora groups, activists and lawyers, we spent the past eight months following students who fled Ukraine. Through phone calls, voice-notes and text messages, people shared updates of their attempts to settle in EU countries as they struggled to navigate visa bureaucracies and access accommodation. Students shared email exchanges with European universities and rejection letters from the same institutions that accepted several of their Ukrainian peers.

      We obtained internal documents written by German diplomats on 4 March ahead of the implementation of the TPD revealing that Poland, Austria and Slovakia were among the countries that objected to including third-country nationals in the directive.

      Our partner publications reached out to their individual governments and university authorities to find out what protection measures had been implemented for third-country nationals. This revealed that a myriad of often contradictory rules were being applied. A non-bureaucratic solution was found for Ukrainians, while pragmatic reception and recognition for non-Ukrainians was denied.

      We analysed and collected available data from the European Commission, the International Organisation for Migration (IOM) and national governments, revealing that – despite 325,000 third-country nationals fleeing Ukraine to neighbouring countries since the onset of the war, only 54,443 of them were offered temporary protection in Europe. Of those, we found that nearly a quarter were granted TPD in Portugal, the only country to give the same rights to non-Ukrainians, including international students who were in Ukraine on short-term (one year) visas.
      STORYLINES

      According to NIDO, the Nigerians in diaspora organisation, many international students who fled Ukraine have found themselves homeless, while others are facing imminent removal. Many have been stripped of the rights they previously had in Europe and can no longer access higher education. “We receive dozens of calls from desperate students every day asking for help with accommodation and food, as well as from depressed parents who spent all their money on their children’s tuition in Ukraine. It is so bad that some have told us they were considering suicide”, says Chibuzor Onwugbonu, a volunteer at NIDO.

      In Germany, rights granted to third-country nationals fleeing the conflict vary between federal states. While some cities granted six-month non renewable visas to international students who could prove they were enrolled in Ukrainian universities, others failed to put in place adequate permits. In one instance, a student moved between six different cities and spent months struggling to find accommodation before she ended up sleeping for weeks in Berlin Central train station.

      In the Netherlands, immigration authorities announced that from 19 July onwards they would stop processing applications from non-Ukrainians with safe countries to return to and that those who had obtained the status would not be allowed to apply for renewal. The Dutch government has described the act of these individuals applying to stay in the country after fleeing Ukraine as an “abuse” of the system.

      In France, only 200 international students have been accepted into university. The requirements for entry include demands for a bank account with at least €3,750 and proof that accommodation has been secured (or €7,500 for those who are yet to find housing). These are the regular requirements for international students in France, but they have been waived for Ukrainian students fleeing the war. At least 10 non-Ukrainian students received “obligations to leave the French territory”, a letter threatening them with deportation.

      Dutch MEP Thijs Reuten told us that omitting international students from the protection directive was not an oversight, but a decision aimed at excluding non-Europeans, suggesting an element of racism: “It seems almost certain to me that the countries of origin of the international students played a role”. Cornelia Ernst, German MEP, said the restriction was “solely a political decision”, which was “strongly criticised at the time”, adding: “In practice, this led to first- and second-class protection seekers fleeing Ukraine – an unacceptable discrimination.”

      We also reported on the difficulties facing third-country nationals attempting to join their families in the UK. Deborah, a 19-year old Nigerian medical student who was studying in Kharkiv, has spent months trying to join her parents and siblings in the North of England. Despite fleeing war, and her family being settled in the UK, the British government’s scheme for people fleeing the Russian invasion does not accept applicants who are not Ukrainian or related to a Ukrainian national. UK government data shows that even those who are related to Ukrainians – indicating that they should be eligible – have a far higher refusal rate under the scheme than Ukrainian nationals, at 14 per cent compared with 0.4 per cent.

      https://www.lighthousereports.nl/investigation/how-the-eu-failed-ukraines-international-students

    • Collins, réfugié d’Ukraine en #Allemagne : « Je suis passé d’un étudiant à un gars qui cherche un endroit où dormir »

      Fuyant la guerre en Ukraine, l’étudiant nigérian Collins Okoro a dû faire preuve d’abnégation en arrivant en Allemagne au début du conflit. Entre les méandres administratifs et la recherche désespérée d’un logement, il raconte les hauts et les bas de ses premiers mois dans le pays.

      "C’est remarquable à quel point le vide et le silence peuvent exprimer tant de choses. Après tout ce silence et cette spirale de vide sans fin, je choisis de parler. Car je pense qu’il y a de la lumière au bout du tunnel.

      Avant d’arriver ici, j’aurais prétendu avec assurance que lorsque vous venez d’Ukraine, vous avez le temps de vous installer, de prendre du recul et de trouver votre place. Aujourd’hui, je ne dirais plus la même chose. Je n’avais manifestement pas compris ce que pouvait être la vie en Allemagne.
      Pas d’arrivée triomphale

      Après mon arrivée à Berlin, avec très peu d’argent et juste quelques vêtements, j’ai tenté de vivre au jour le jour, en gardant toute ma tête, sans dépenser d’argent, en essayant de vivre dans le présent. J’avais de l’espoir, ce qui était très important pour moi.

      Lorsque j’ai débarqué à la gare centrale de Berlin, j’ai vu des affiches avec le drapeau ukrainien. Comme je ne savais pas lire l’allemand, je n’ai pas compris qu’il s’agissait d’indications pour pouvoir obtenir de l’aide.

      J’ai suivi un groupe d’Ukrainiens, un peu comme un espion, jusqu’à ce qu’ils me conduisent vers d’autres personnes. C’était le vrai début de mon séjour en Allemagne. J’ai rencontré une femme étonnante, assise devant une bannière représentant des BIPOC (BIPOC est un acronyme anglophone et vient de People of Color, qui fait notamment référence aux noirs). Par rapport aux autres stands, celui-ci n’avait pas été installé par les autorités, mais par des habitants, qui faisaient de leur mieux pour apporter leur aide.

      Je n’ai jamais été du genre à engager la conversation lorsque je rencontre quelqu’un pour la première fois. Mais cette-fois, j’y suis parvenu, et je serai toujours reconnaissant d’avoir eu cette conversation. La dame que j’ai rencontrée, Lily Ackerman, est une Américaine d’une quarantaine d’années. C’est une personne que je n’oublierai jamais. Après notre conversation, j’ai décidé de l’aider au stand. L’aide pour les noirs était plutôt limitée.

      Au cours de mon voyage pour quitter l’Ukraine, j’ai réalisé que nous n’avions jamais fait partie du récit de l’Union européenne. Nous n’étions que des notes de bas de page, que seuls certains lecteurs se souciaient de consulter. Ce constat de la ségrégation m’a motivé à agir.
      Des formations hors de portée

      C’est drôle comme votre statut peut changer en quelques jours. Un peu comme un arbre puissant que l’on transforme en une simple chaise de jardin pour enfants. Je suis passé du statut de mannequin, acteur et étudiant en droit avec des perspectives d’avenir à celui d’un simple gars qui cherche un endroit où pouvoir se reposer. 

      Je n’avais pas de travail, pas d’école, pas de maison, pas d’amis, pas de famille, pas de perspective. On ne peut pas être plus seul que ça.

      Sans logement stable à Berlin, je suis passé d’un hôte bienveillant à un autre, toutes les deux ou trois semaines. J’ai cherché des écoles mais elles exigeaient un compte bloqué de 10 000 euros et un niveau d’allemand B2 pour pouvoir s’inscrire. 

      Il m’était impossible de réunir cette somme. De plus, je n’avais jamais été en Allemagne et n’avais aucune connaissance de la langue allemande. Alors j’ai essayé de trouver une issue en me tournant vers d’autres pays.

      Je me souviens avoir postulé pour une école de théâtre aux États-Unis. J’ai réussi mon entretien, mais les frais de scolarité dépassaient largement mes capacités financières. J’ai tenté en vain de trouver un emploi pour gagner un peu d’argent, de quoi me débrouiller. 

      Finalement, à force de faire des recherches et de glaner des conseils, je suis tombé sur une organisation qui s’est intéressée à mon cas. Il s’agit de BIPOC Ukraine and Friends.

      Lily m’a informée de leur première réunion dans un café. J’ai obtenu plein d’informations sur la façon de naviguer dans le système allemand et de s’en sortir.
      Obstacles bureaucratiques

      Comprendre le fonctionnement d’un gouvernement est une chose. Comprendre comment les fonctionnaires travaillent en est une autre. J’ai appris à mes dépens. Parfois, c’est juste de la bureaucratie. D’autres fois, ce sont des comportements individuels.

      A Berlin, j’ai voulu m’enregistrer dans un centre en tant que réfugié d’Ukraine. 

      À mon arrivée, tout s’est bien passé, jusqu’à ce que j’entre dans le bureau d’une personne qui m’a dit que mes documents étaient soi-disant « incomplets ». Il m’a « conseillé » de demander l’asile ou de retourner en Ukraine, pour obtenir mes documents. Ce n’est que lorsque je suis revenu un autre jour avec des lettres d’un avocat que j’ai été autorisé à m’inscrire.

      J’ai appris que je devais me battre pour passer les étapes. Je me suis engagé en participant à des manifestations et des rassemblements, des lettres ouvertes et des points d’information. J’ai pris la parole lors de réunions, devant des auditoires et j’ai essayé d’éclairer les gens sur la façon dont les minorités ont été traitées.

      Après tout ce temps, ma situation reste floue. Mon deuxième et, je l’espère, dernier rendez-vous avec les services d’immigration approche. J’ai l’impression que nous devons toujours encore faire nos preuves pour obtenir des améliorations dans nos vies. Dans l’ensemble, je considère cependant toute cette phase de ma vie comme une nouvelle expérience. Je ne connais personne qui souhaite s’enfouir vers un endroit inconnu, sans rien emporter, sans rien prévoir. Et c’est ce que j’ai fait.

      J’ai beaucoup appris et j’ai beaucoup gagné. Je me suis fait des amis et j’ai appris ce que sont la joie, l’amour et la paix. J’ai un petit boulot maintenant et un endroit où me poser. J’en suis reconnaissant. Il m’a fallu vivre une guerre pour comprendre et apprécier ce qu’est la paix. Il m’a fallu beaucoup de tristesse et de colère pour comprendre et apprécier ce qu’est la joie. Enfin, il m’a fallu ressentir beaucoup de haine et de peur pour comprendre et apprécier ce qu’est l’amour. Comme je l’ai dit au début, je peux voir la lumière au bout du tunnel".
      https://www.youtube.com/watch?v=DF6dmSgrXyw&embeds_euri=https%3A%2F%2Fwww.infomigrants.net%2F&featu


      J’ai beaucoup appris et j’ai beaucoup gagné. Je me suis fait des amis et j’ai appris ce que sont la joie, l’amour et la paix. J’ai un petit boulot maintenant et un endroit où me poser. J’en suis reconnaissant. Il m’a fallu vivre une guerre pour comprendre et apprécier ce qu’est la paix. Il m’a fallu beaucoup de tristesse et de colère pour comprendre et apprécier ce qu’est la joie. Enfin, il m’a fallu ressentir beaucoup de haine et de peur pour comprendre et apprécier ce qu’est l’amour. Comme je l’ai dit au début, je peux voir la lumière au bout du tunnel".

      https://www.infomigrants.net/fr/post/46084/collins-refugie-dukraine-en-allemagne--je-suis-passe-dun-etudiant-a-un

  • BALLAST • Le monde des laborieux
    https://www.revue-ballast.fr/le-monde-des-laborieux

    Par la voix d’une gro­tesque énarque et ancienne cadre supé­rieure, le minis­tère de l’Industrie a loué, il y a peu, « la magie de l’a­te­lier où l’on ne dis­tingue pas le cadre de l’ou­vrier ». Le sang d’Éric Louis n’a fait qu’un tour. C’est que cet ancien cor­diste de la Somme, « ouvrier, fils d’ou­vrier, petit-fils d’ou­vriers », sait de quoi il en retourne vrai­ment. « Ça fait un an que je bosse en conti­nu. Un an d’usine. Neuf mois de tôle­rie dans la fer­raille hui­leuse de radia­teurs élec­triques. Trois mois dans l’alu des écha­fau­dages. » Fort de son expé­rience, il répond dans nos colonnes à la ministre déléguée.

    #travail #intérimaire #prolétariat #précariat #accidents_du_travail

    Éric Louis a exercé le métier de cordiste et dans ce cadre, a exercé des missions dangereuses au fond de silos industriels.

    Il relate sa vie d’ouvrier intérimaire dans un entretien accordé à SST Mag, trimestriel d’information consacré aux secours et à la sécurité en milieu professionnel :
    https://www.sstmag.fr/2021/11/16/livre-a-la-loupe-mes-trente-peu-glorieuses

    Il a publié un billet de blog concernant la mise en danger d’une équipe d’intérimaires dont deux membres ont perdu la vie dans un silo de sucre.
    https://blogs.mediapart.fr/eric-louis-69/blog/150921/silo-n-4-la-sentinelle-assassine