https://www.revue-ballast.fr

  • Contre un virus : la grève ? – Mathieu Bonzom
    https://www.contretemps.eu/virus-greve-blanquer-macron-covid

    Mercredi 12 janvier, Monsieur le Ministre de la Garderie nationale Jean-Michel Blanquer déclare : « On ne fait pas la grève contre un virus ». Jeudi 13 janvier, une journée de grève historique a lieu dans l’ensemble de son secteur.

    C’est tout de même rude pour lui. Après tout, c’est loin d’être la chose la plus stupide qu’il ait jamais dite. D’ailleurs se prélasser à Ibiza en se disant que la pandémie attendra n’est même pas la chose la plus dégueulasse qu’il ait jamais faite. C’est cruel la politique !

    En attendant, voilà : une bonne grosse grève comme celle-là, c’est sûr qu’il ne l’a pas volée.

    Enfin ! Une grève contre des conditions de travail insupportables en pleine épidémie qui ravage la planète. Une grève qui dit bien haut ce que tout le monde pense tout bas : marre de subir cette situation de merde et de toujours devoir se débrouiller avec les moyens du bord !

    Et si, après deux ans de pandémie, l’heure de la grève contre un virus était enfin venue ?

    #école #covid-19 #grève

  • Laélia Véron sur twitter concernant l’#écriture_inclusive :

    (ça date de 2017, je mets ici pour archivage)

    Point sur l’#EcritureInclusive : que chaque personne puisse se faire son avis mais en connaissance de cause, pas se basant sur des intoxs.
    D’abord la question de la féminisation ou l’écriture inclusive n’est pas un délire contemporain contre un "bon vieux français" éternel
    Plutôt que de parler de féminisation on devrait parler de #dé-masculinisation, contre une #masculinisation de la langue (XVIIe-XIXe siècle)
    Non, "autrice" n’est pas une invention, c’était un mot usité jusqu’à que certains décident que la littérature est une affaire d’hommes
    Notre système actuel (le masculin qui l’emporte sur le féminin, le mythe d’un masculin neutre et universel) a mis du temps à s’imposer
    Il y a eu plusieurs étapes de masculinisation du français, étapes fondées sur des raisons non pas linguistiques mais politiques et sexistes
    A l’époque, ces décisions ont été très contestées, Sévigné trouvait que c’était n’importe quoi et se refusait d’écrire ainsi
    La fameuse règle "le masculin l’emporte sur le féminin" (absurde et profondément sexiste) n’a pas toujours existé
    Elle a pendant longtemps été en concurrence avec la règle de la proximité, qui veut qu’on accorde avec l’élément le plus proche
    Qu’est-ce qui vous paraît le plus logique, "Jean et 50 000 filles sont partis" ou "Jean et 50 000 filles sont parties" ?
    Racine employait souvent la règle de la proximité. Est-ce à dire c’était un féministe hystérique déconstructiviste de notre beau français ?
    Racine et l’#EcritureInclusive règle de proximité : « Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle » (Athalie) (et pas "nouveaux")
    D’autres exs : « Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête » (Iphigénie) « Mon repos, mon bonheur semblait être affermi » (Phèdre)
    Encore un exemple : « Surtout j’ai cru devoir aux larmes aux prières / consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières » (Athalie)
    La règle de la proximité existe dans d’autres langues romanes, comme le portugais ou l’espagnol. Cela n’a pas créé de "péril mortel".
    L’évolution historique peut être régressive : il y avait bien plus de mots féminisés, par exemple pour les métiers, à la Renaissance
    Réponse à une autre intox:l’#EcritureInclusive ne veut pas dire une multitude de . ou de tirets illisibles, qui s’appliquent à tous les mots
    L’écriture inclusive désigne des choix divers, qu’on peut adapter différemment suivant les situations, les publics, etc.
    On peut juste faire attention à employer des mots ou des tournures épicènes ou qui ne marquent pas le genre :"élèves" "personnes", etc.
    On peut facilement à l’oral veiller à dire "à toutes et à tous" (plutôt que "à tous"), c’est juste une habitude à prendre
    On peut revendiquer de féminiser certains noms de métiers : professeure, autrice (ou auteure), députée, écrivaine, etc...
    Pour les personnes qui trouvent ça "moche" : souvent c’est une simple question d’habitude. "Directrice" ne choque plus personne...
    "étudiante" ne vous scandalise plus. Alors que quand certaines l’ont revendiqué, le mot a fait scandale !
    Enfin, on peut employer des tirets/points : par exemple "les étudiant.e.s" à l’écrit, "les étudiants et les étudiantes" à l’oral
    Il y a beaucoup d’intoxs à ce sujet (par exemple le faux texte du Corbeau et du Renard, réécrit -personne ne prétend réécrire les textes-..)
    Cette proposition ne s’appliquerait pas à tous les mots ! On ne revient pas sur "la chaise" ou "le bureau", aux mots inanimés, abstraits...
    Elle s’appliquerait aux mots qui désignent des référents humains, par exemple "les étudiant.e.s" pour un groupe d’étudiantes et étudiantsSi vous lisez certains articles qui appliquent cette proposition, vous verrez qu’elle s’applique à peu de cas et ne défigure pas le texte
    Pour les personnes qui pensent que c’est moche, illisible, c’est votre droit mais sachez qu’on a pensé ça à chaque évolution de la langue...
    Par exemple, en phonétique, la prononciation "esthétique"du mot "roi" c’était [rwé], c’était la populace qui disait [rwa] (comme on le fait)
    Sincèrement, ça vous donne envie de redire [rwé] ?
    Molière : "Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie ; Il faut bien le payer de la même monnaie". Joie = [jwé]
    N’oublions pas que les évolutions linguistiques sont lentes. Ce qui semble impensable ne le sera sans doute pas pour les générations futures
    Les masculinistes ont mis des siècles à imposer "le masculin l’emporte sur le féminin", normal que l’#EcritureInclusive prenne du temps !
    Contre-intoxs : il ne s’agit pas de réécrire les textes passés + il ne s’agit pas de sanctionner, par ex à l’école, les règles actuelles
    Quand il y a une réforme ou une évolution, généralement il y a une (longue) période de tolérance où on accepte des variations.
    Une objection intéressante : cette proposition viserait à sexualiser les personnes, à faire une différenciation nette hommes/femmes
    et serait donc en contradiction avec des initiatives non genrées. C’est vrai, je pense qu’il serait intéressant d’envisager un "vrai" neutre
    Mais pas un faux neutre masculin, qui n’est qu’une arnaque pour dire que l’homme représente l’universel. La société évolue, la langue aussi.
    Autre objection : il y a +important, on s’en fout de ces histoires-là. Ce n’est pas parce qu’il y a plus important que ce n’est pas important
    J’ai peine à croire qu’on répète à des petites filles "le masculin l’emporte sur le féminin"et qu’elles limitent ça à une règle de grammaire
    Rien ne nous empêche de réfléchir à ces propositions d’écriture inclusive, tout en nous intéressant à autre chose,en menant d’autres combats
    Autre objection : c’est un délire de bourge qui n’intéresse pas les classes populaires et va juste leur compliquer la vie.
    D’abord, spontanément les enfants vont plutôt appliquer la règle de proximité et dire "la juge" (et accorder au féminin) que masculiniser
    Normal c’est plus logique :)
    Les personnes qui s’élèvent contre l’écriture inclusive au nom des classes populaires ne veulent pas simplifier l’orthographe
    Pourtant l’orthographe en français a été construite pour des raisons élitistes, pour qu’elle ne soit pas accessible à toutes et à tous.
    On a choisi les variantes les plus éloignées de l’écriture « des ignorants et des simples femmes », qui avaient très peu accès à l’éducation
    Parmi les différentes variantes orthographiques, l’Académie a toujours choisi la +difficile parce que +élitiste (pas la +logique)
    Donc, il faudrait faire preuve de cohérence. On veut bien la complexité quand on veut être snob, pas quand il s’agit des femmes...
    Ce qui compte pour que les classes populaires maîtrisent la langue, c’est un accès à l’éducation et à la culture égal pour toutes et tous.
    Ce n’est pas une histoire de féminisation ou non de la langue.
    Enfin, quand on voit la violence des réactions que le simple ajout d’un "e" peut susciter, on se dit que, si, c’est important d’y réfléchir.
    Une source rapide et quasi exhaustive, cet article du Monde (en 2012) par A. Chemin : https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/14/genre-le-desaccord_1629145_3246.html
    L’entretien de M. Candea pour @RevueBallast : https://www.revue-ballast.fr/maria-candea-langage-politique ; à peu près tout E. Viennot : https://www.editions-ixe.fr/content/non-masculin-ne-lemporte-pas-feminin
    + le très bon livre de M. Candea, Y. Chevalier, S. Duverger, A.-M. Houdebine sous la direction de E. Viennot : https://www.editions-ixe.fr/catalogue/lacademie-contre-la-langue-francaise

    https://twitter.com/Laelia_Ve/status/924630632545832960

  • BALLAST • Aminata Traoré : « Le capitalisme détruit les sociétés, les économies locales et les écosystèmes »
    https://www.revue-ballast.fr/aminata-traore-le-capitalisme-detruit-les-societes-les-economies-local

    Je n’ai jamais été envoyée comme « consul­tante » ou « experte » dans un pays euro­péen ; en revanche, ce sont les femmes occi­den­tales (euro­péennes, amé­ri­caines, géné­ra­le­ment blanches) qui viennent en « expa­triées », qui nous disent, sec­teur par sec­teur, ce qui est bon pour nous. Derrière ces énon­cés, il y a un agen­da : la trans­for­ma­tion de nos socié­tés en fai­sant des femmes le levier par excel­lence. Hier comme aujourd’hui, vous aurez bien peu de chances d’obtenir des finan­ce­ments si votre énon­cé ne cadre pas avec une cer­taine concep­tion du rôle et de la place de la femme, cen­sés évo­luer selon la tra­jec­toire dic­tée par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Les ques­tions sou­le­vées, celles de l’accès des femmes à l’éducation, à l’emploi, au pro­ces­sus de prise de déci­sions, sont réelles. Mais quand je regarde l’état de mon pays et celui du conti­nent noir, je me dis qu’il est de la plus grande impor­tance de repen­ser l’émancipation des femmes, de l’inscrire dans le cadre d’un com­bat plus glo­bal : celui de la seconde libé­ra­tion de l’Afrique — qui, comme vous le savez, est en voie de recolonisation.

    #féminisme #Afrique #colonialisme

  • BALLAST • #Sahara_occidental : la dernière colonie du continent africain [portfolio]
    https://www.revue-ballast.fr/sahara-occidental-la-derniere-colonie-du-continent-africain-portfolio
    #conflit #photo

    Sahara occidental : la dernière colonie du #continent_africain [portfolio]

    16 novembre 2021

    Photoreportage inédit pour le site de #Ballast
    Au milieu des années 1970, le #Front_Polisario pro­cla­mait l’in­dé­pen­dance de la République arabe sah­raouie démo­cra­tique et, par­tant, l’au­to­dé­ter­mi­na­tion du peuple sah­raoui. Le #Maroc, qui occupe la majo­ri­té du #Sahara occi­den­tal depuis le départ de l’État espa­gnol, n’a eu de cesse de com­battre la jeune répu­blique. En 1991, un ces­sez-le-feu était conclu entre les deux par­ties. Après trente ans de gel d’un conflit qui a fini par som­brer dans les limbes diplo­ma­tiques et média­tiques, les com­bats ont repris fin 2020. Le Front Polisario dénonce aujourd’­hui « le mutisme de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale et de ses ins­tances à leur tête, l’#ONU, face aux exac­tions répé­tées de l’oc­cu­pant maro­cain ». #Rosa_Moussaoui, #grand_repor­ter à L’#Humanité, en revient : un #pho­to­re­por­tage par­mi les com­bat­tants et la #popu­la­tion civile.

  • Frédéric Lordon : « Quant à moi, je ne pense donc pas faire partie des personnes à convaincre en priorité de l’anti-dualisme — mais je dois compter avec les effets d’une visibilité distordue où mes interventions politiques font systématiquement oublier mes travaux philosophiques. »
    https://www.revue-ballast.fr/frederic-lordon-la-multitude-mobilisee-en-masse-est-lunique-solution

    (…) Donc oui, le spi­no­zisme aide à pen­ser phi­lo­so­phi­que­ment l’écologie. Et oui, l’attrition de nos sen­si­bi­li­tés me pré­oc­cupe autant qu’un latou­rien qui piste les loutres. Maintenant la ques­tion poli­tique, c’est : qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ? Le déli­cieux Pierre Charbonnier cite Philippe Descola pour rap­pe­ler qu’on ne peut pas « être révo­lu­tion­naire poli­ti­que­ment et conser­va­teur onto­lo­gi­que­ment ». Il va pour­tant fal­loir y arri­ver car, dans l’urgence extrême de l’écocide, mettre la révo­lu­tion poli­tique sous condi­tion de la révo­lu­tion onto­lo­gique est la cer­ti­tude de finir grillés, noyés, suf­fo­qués, pan­dé­miés et tout ce que vous vou­lez. La révo­lu­tion onto­lo­gique (désas­treuse) qui a fait émer­ger la méta­phy­sique du sujet et du libre-arbitre, puis l’a conver­tie en un ima­gi­naire com­mun, a pris des siècles. Celle qui l’annulera pour (re)faire les droits de l’égalité onto­lo­gique et de l’interdépendance géné­rale en pren­dra à peu près autant. Or nous n’avons pas des siècles. Donc on va lais­ser les uni­ver­si­taires (je m’y inclus) pré­pa­rer la révo­lu­tion onto­lo­gique, mais on ne va pas non plus se la racon­ter en tech­ni­co­lor sur les pou­voirs de la phi­lo­so­phie pre­mière, et on va plu­tôt tâcher de trou­ver et rapi­dos de quoi lais­ser une chance à l’humanité de conti­nuer à habi­ter cette pla­nète. Or cette chance pas­se­ra par la posi­tion d’un cer­tain nombre d’actes, à com­men­cer par des actes de nomi­na­tion, et en fait de dési­gna­tion.

    cc @pguilli

    • Au reste, je n’aurais nul besoin de me prévaloir de Spinoza pour justifier d’être sensible au sensible — on peut parfaitement l’être sans lui. Il se trouve que je le suis et qu’en plus je suis spinoziste. Simplement je n’éprouve pas le besoin de raconter mes petites aventures sensibles.

      cette manière égotique de disqualifier la question, le ton sarcastique (appris dans L’idéologie allemande) qui mime l’autodérision, c’est une diversion. dépolitiser l’enjeu, c’est le côté droitier de Lordon

      « Le ravage de la Terre et le résultat d’une économie politique qui a su capitaliser sur l’atrophie de la socialité envers les non-humains et les altérités en général. » Nous ne sommes pas seuls - Politiques des soulèvements terrestres, Léna Balaud, Antoine Chopot, p.82

    • Toujours aussi juste ! Lordon.

      Tout ce que je viens de dire atteste que je prends acte — mais de quoi ? en quels termes ? C’est ça toute la question. Oui, je prends acte qu’une révolution a eu lieu. Non je ne prends pas acte que le mot adéquat pour la nommer soit « Anthropocène ». « Anthropocène » nous dit que la cause de l’écocide c’est « l’homme » — pardon : « l’Homme ». Ah bon ? On se croirait revenu avant les Thèses sur Feuerbach : « l’Homme » — cette chose qui n’existe nulle part sinon dans la tête des philosophes idéalistes. Non, ce qui a foutu en l’air le climat et détruit la planète, ça n’est pas « l’Homme », ce sont les hommes capitalistes. Andreas Malm a fait litière de cet absurde « Anthropocène » dont le nom même n’est qu’un évitement : un de ces stratagèmes gélatineux typiques de l’idéalisme moraliste, qui fait toujours tout pour ignorer les forces matérielles et les forces sociales, les hégémonies et les conflits, les rapports sociaux et les rapports de force, et qui finalement nous laisse quoi comme possibilité ? Réformer l’Homme ? On sait déjà comment ça se finit : par le tri des déchets et l’apologie des « petits gestes » qui « permettront de tout changer ». Or voilà : les petits gestes pour tout changer sont précisément des béquilles pour tout reconduire, donc pour ne rien changer. Ou alors on va créer le parlement de la Loire, du bois de Saint-Cucufa ou du Gave de Pau ? Le capital tremble sur ses bases. Je pourrais dire que tout ce texte un peu énervé du blog du Diplo auquel vous faites référence a été sous la gouverne d’une image unique : l’hilarité des hommes du Medef. Je pense qu’ils ne doivent pas en croire leurs yeux ni leurs oreilles. Une « gauche radicale » pareille, c’est totalement inespéré, même dans leurs rêves les plus fous. En ces matières je pense qu’on peut se fier à des critères très rustiques mais très sûrs : quand quelque chose contrarie le capital, il ne rit pas du tout, il fait donner ses médias (j’entends : ses médias, convenablement agencés par lui, donnent d’eux-mêmes), et la requalification des contrariants en fous dangereux (désormais on dit « radicalisés », une expression très commode qui sert à plein de choses) ne se fait pas attendre.

      Reprenons : je prends acte qu’une révolution a eu lieu. Elle n’est pas celle de l’« Anthropocène », mais celle du Capitalocène, c’est-à-dire l’œuvre du capitalisme et des capitalistes. Je prends acte surtout de ce qu’une autre révolution doit impérativement suivre, celle-ci si nous ne voulons pas terminer calcinés — en réalité nous terminerons plutôt à nous entretuer pour les dernières flaques d’eau. Quand j’y repense, je trouve la phrase de Latour hallucinante : arrêtez de poursuivre la révolution, elle a déjà eu lieu ! Oui, seulement ça a été la révolution des capitalistes, ce qui me semblerait un puissant mobile non pas pour lâcher l’idée de révolution mais pour la poursuivre derechef, d’autant plus vigoureusement, et dans la direction exactement opposée.

  • À propos de l’opération « Mondes nouveaux » (de la culture et des arts), Par Valérie Duponchelle (Le Figaro, 09/11/2021)
    https://www.lefigaro.fr/arts-expositions/avec-les-mondes-nouveaux-macron-relance-la-commande-publique-aux-artistes-2

    NOUS Y ÉTIONS - Le président de la République a reçu lundi soir les artistes et le monde de l’art pour annoncer ce vaste programme chiffré à 30 millions d’euros qui doit soutenir 264 projets.

    Devant l’Élysée, quelque 200 nouveaux venus, ou presque, font patiemment la queue pour montrer patte blanche, soit invitation et passe sanitaire. Ils sont très majoritairement jeunes, rieurs, avec toute une panoplie de coupes asymétriques et de coiffures déstructurées qui respirent les beaux-arts et la créativité débridée. En ce lundi 8 novembre, à 18h30, ils attendent de pénétrer dans le sanctuaire de la République dont ils sont soudain les héros.

    Sous peu, le président de la République les recevra en personne et lancera devant ce public, beaucoup plus jeune que d’habitude, le programme « Mondes Nouveaux », nouveau titre pour parler de la fort concrète commande publique (l’enveloppe globale est de 30 millions d’euros !). Sur les 3200 candidats prétendant à cette manne de l’État, quelque 264 projets ont été choisis, ce qui, compte tenu des 85 collectifs, représente déjà près de 430 personnes.

    Dans les 600 m2 de la Salle des fêtes de l’Élysée, construite par l’architecte Eugène Debressenne et inaugurée par le président Sadi Carnot pour l’Exposition Universelle de 1889, ils ne semblent pas si nombreux, manifestement plus surpris et intrigués qu’intimidés sous l’extraordinaire plafond Napoléon III. Les saluts se font par légers coups de poing, comme les « bros » des films Downtown Los Angeles. Un arc de chaises à dos précieux a été disposé face à l’estrade présidentielle, derrière des cordons gris et or.

    Elles sont réservées aux éminences du jour. (…)

    Aucun des artistes, toutes disciplines confondues, ne sait quel argent il aura. L’enveloppe globale du budget laisse entendre une moyenne de 100 000 euros par projet, ce qu’un habitué des projets fous, Stefano Stoll, 47 ans, le fondateur du festival Vevey Images, trouve « copieux et propice à la créativité ». Mais aucuns chiffres pour l’instant ne dépassent le premier seuil des bourses de recherches (de 3000€ à 10 000€, pendant trois mois au maximum). D’argent, il ne sera d’ailleurs ce soir guère question. Mais bien plus de principes vitaux, d’art, de son sens, de sa nécessité et de son avenir.

    À 19h 25, le président de la République fait son entrée solennelle, suivi de Bernard Blistène, président de ce comité artistique déterminant pour toutes ces carrières en herbes (« 50 des 264 projets vont très vite entrer en chantier », dira-t-il). Emmanuel Macron s’assoit au premier rang, à peine d’ailleurs, comme un danseur prêt à bondir. (…)

    Tendu comme un agrégatif, Bernard Blistène a rappelé le défi d’une mission que lui a confiée le président Macron en mars dernier : « Les derniers mois passés ont permis d’étudier quelque 3200 dossiers que nous avons reçus : c’est dire la ferveur et l’attente de toutes celles et tous ceux qui ont voulu répondre à l’Appel à manifestation d’intérêt – l’AMI : les acronymes sont parfois bienvenus ! – que le Ministère de la Culture a lancé dès le mois de juin dernier. Et ce sont donc 264 propositions que nous avons sélectionnées pour leur singularité, leur originalité, leur ambition. 264 propositions de créateurs et créatrices venus de tous horizons géographiques et artistiques car il ne pouvait être question de cantonner notre approche à un seul espace, une seule discipline, tant la création vivante se constitue en une formidable heuristique. »

    (…) Le troisième discours est philosophe, cite Derrida, évite de comparer les candidats perdus au Salon des Refusés, et après une vraie dissertation toute en paradoxes se conclut sur une chute légèrement emphatique : « Criez, créez ou crevez. » Dans la salle, l’atmosphère est proche du paroxysme des sentiments, la réalité est une chose très lointaine qui n’atteint plus personne. Lorsque le président de la République prend enfin la parole, à 19h 46, il est l’heure d’y revenir doucement, mais sûrement. Son propos est plus rationnel, ses considérations plus teintées de réserve. Il s’agit d’expliquer le pourquoi du comment, cette enveloppe de 30 millions d’euros attribuée à la commande publique, même si c’est une « réinvention collective d’un vieil usage français ».

    « Durant tout le début de l’épidémie, au moment même où cette idée avait jailli, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais on parlait beaucoup du ’’monde d’après’’. On disait : ’’on va réinventer le monde d’après.’’ Il se peut qu’on soit dans le monde d’après et il ressemble quand même furieusement au monde d’avant, avec des contraintes supplémentaires, les mêmes choses qu’on n’avait pas tellement envie de revoir dans le monde d’avant, mais qui sont toujours là, têtues. Le monde d’après, je crois, n’existe pas totalement, souligne-t-il avec le pragmatisme du politique.

    « Je ne sais pas si les mondes nouveaux existent non plus totalement (...). Mais au fond, je ne sais pas s’il est possible d’avoir des mondes nouveaux, mais il est en tout cas souhaitable d’avoir des femmes et des hommes suffisamment fous pour le rêver. Ce qui rend le monde actuel insupportable, c’est de ne plus avoir à espérer un monde nouveau ou de penser que le souhaitable est le monde ancien, ou plutôt une idée fantasmée du monde ancien, ou plutôt le rêve d’un monde ancien qui n’a jamais été, mais apparaît comme plus étriqué et rassurant que le monde dans lequel on vit. Donc il y a quelque chose de formidablement intempestif dans votre aventure. Je pense qu’elle n’est pas possible, mais terriblement nécessaire, parce que je pense qu’on a besoin d’artistes qui aident à penser chaque jour qu’un monde nouveau est réalisable. Et il adviendra. » Face aux jeunes artistes qui le filment sur leurs téléphones, le président a livré un discours de campagne assurément.

    Où va la littérature ? Elle va vers Macron, par @artemis1 ici présente
    https://diacritik.com/2021/11/15/ou-va-la-litterature-elle-va-vers-macron

    (…) Au passage, aucune adresse ou intérêt particulier en direction une population spécifique et vulnérable (les Roms, les paysans, les pêcheurs, les immigrés, les migrants, les femmes aux foyers, les femmes battues, les enfants…) : ça ne sera pas franchement non plus de l’enquête de terrain à visée sociale et documentaire à la façon de Walker Evans et Dorothea Lange, ou James Agee, non, cela tournera autour du patrimoine national et/ou naturel français. Ils étaient 20 photographes en 1935, sous Roosevelt, à avoir été missionnés par le Département de l’agriculture des États-Unis pour documenter la crise mais n’est pas Roosevelt qui veut… Cet appel d’offre à visée patrimoniale, cela s’appelle de la récupération de l’air du temps en mode transformation académico-républicaine : on reprend les slogans, on les émousse et on en fait du petit lait. Voilà comment on récupère avec aisance l’écologie, le vivant, les paysages, la nature, la mer, les forêts, le ciel, les fleuves, le littoral, les animaux, les poissons, voilà comment on siphonne la nature, voilà comment on transforme les non-humains en porte-paroles républicains et même élyséens. Il paraît que c’est toujours comme ça, qu’il y a toujours une part de siphonage technique dans l’intérêt et le rapport construit à la nature, oui, mais pour servir qui ?

    Lire aussi Sandra Lucbert qui repartage cet entretien avec Ballast « j’ai essayé d’y déplier les mécanismes qui produisent pareil enrôlement des champs littéraires et artistiques » https://www.revue-ballast.fr/sandra-lucbert-lart-peut-participer-a-la-guerre-de-position

  • Écrire après les violences policières
    https://www.revue-ballast.fr/ecrire-apres-les-violences-policieres

    Villemomble, quar­tier des Marnaudes, en Seine-Saint-Denis. Le 25 juin 2013, Makan Kebe est vio­len­té par la police. Son grand frère, qui accourt pour lui por­ter secours, est frap­pé et vic­time d’un tir de Flash-Ball en plein visage : il per­dra par­tiel­le­ment l’au­di­tion. Leur mère, qui arrive peu après, per­dra quant à elle un œil. Ce déferlement de vio­lence va meur­trir une famille et gros­sir les rangs des per­sonnes vic­times de vio­lences poli­cières. Dans un ouvrage paru aux édi­tions Premiers Matins de Novembre, « Arrête-toi ! », Makan Kebe retrace, aux côtés de la jour­na­liste Amanda Jacquel, le fil de ces évè­ne­ments — de la lutte judi­ciaire aux effets intimes sur leurs vies. Il nous raconte.

    /.../

    Très vite après ce jour de juin 2013, on a organisé un rassemblement au pied des immeubles. Samir Elyes, du MIB [Mouvement de l’immigration et des banlieues], est venu nous voir et le Collectif Œil était présent. Samir nous a fait comprendre les différentes manières d’agir de la police, et très vite on a réalisé qu’on s’engageait malgré nous dans un combat qui n’avait pas commencé avec notre histoire personnelle et qui, malheureusement, ne se terminerait pas avec elle. On se pose alors la question de notre place dans tout ça, de notre possible contribution à l’évolution de cette situation. J’ai vraiment pris conscience de la forme d’engagement précis que j’allais prendre, moi, personnellement, après le procès en 2018. J’ai commencé à prendre la parole dans des manifestations, dans des groupes de débats et à réfléchir à l’ossature du livre. Puis, en 2020, lors du deuxième procès au tribunal de Paris, j’ai rencontré Amanda, avec qui l’idée d’une collaboration est venue très naturellement. Je lui ai parlé de mon projet et elle a accroché, on a discuté et j’ai tout de suite senti que c’était la personne avec qui je voulais faire ce livre. On l’a totalement coécrit, c’est un travail à deux. Il était évident pour nous qu’il devait être accessible à tous, sans jargon, sans statistiques ou données chiffrées. Que ce soit un véritable récit de vie qui puisse aider les familles qui rencontrent ce type de problème.

    #violences_policieres #violence_d'Etat #témoignage

  • ACCEPTATION DU QR CODE ET MOBILISATIONS

    Faire sécession ?! Des idées mais surtout du vécu.

    Les français, dans leur très grande majorité, ont choisi d’obéir au passe sanitaire qui néanmoins, et chacun semble le savoir, au moins confusément, n’a de sanitaire que le nom.
    D’aucuns, d’autre part, voudraient disjoindre le sanitaire du politique, soit, exception, considérer ce passe dont la vocation est pourtant principalement de contrôler et de séparer le bon grain de l’ivraie, comme un mal nécessaire, à visée purement médicale, exigé par les circonstances que l’on sait. Comment cela se pourrait-il faire ? Tout ne tient-il pas à la politique [1].

    Et quelle singulière désunion dans la bouche de ceux-là même qui prétendent, d’abord et avant tout, se préoccuper de questions politiques, lutter, en théorie surtout, contre les idées nauséabondes qui circulent, qui sont légion, et qui habituellement voient du politique partout, mais sauf ici. Comment peut-on revendiquer de dissocier, en considération du moment présent, le sanitaire du politique, alors qu’aujourd’hui en France, dans la plus grande opacité, c’est un conseil de défense sanitaire qui décide de ce qui est « bon » pour notre santé ? Au mépris de ce qu’en dit une frange non négligeable de la communauté médicale, par ailleurs pro-vaccin, n’ayant pas « l’honneur » de faire partie dudit conseil de défense [2].

    Aucun bienfondé du passe en matière de santé publique, voire même des effets inverses de celui soi-disant recherché : lutter contre la pandémie, du fait de l’abandon, en de nombreux lieux passe-compatibles, des gestes barrières. Incohérences manifestes, de surcroît : les transports de proximité, pour ne donner qu’un exemple parmi bien d’autres, ne sont pas soumis au passe, mais certes il faut bien que l’exploitation de la classe laborieuse se poursuive, seul moyen de faire tourner la sacro sainte économie.

    Ainsi, s’il faut bien tout de même s’inquiéter de l’emprise du numérique sur nos vies, de la surveillance numérique de nos existences – mais faire quoi, concrètement, en l’occurrence, pour contrecarrer cela ? –, il ne faudrait cependant pas se mêler à la populace des samedis, au motif que nous en aurions nécessairement les mains sales ainsi que la nausée.
    Fleurissent dès lors des jugements à l’emporte-pièce, sous la plume d’éminents intellectuels, bardés de diplômes (agrégés, normaliens, etc), osant comparer les mobilisations anti-passe à la manif pour tous [3], rien que cela ! Intellectuels, dont certains n’ont jamais mis les pieds dans lesdites manifestations du samedi, se permettant donc de les juger à l’aune de ouï-dire : ce qu’en disent leurs proches, voire ce que les médias en véhiculent, médias que par ailleurs ils fustigent, n’étant pas à une contradiction près, médias dont on sait comment ils ont pu monter en épingle de très fâcheux événements épars, ne s’étant pas du tout pérennisés (une croix gammée ici, une agression là contre des soignants ou des structures de soin qu’il faut bien évidemment et sans nuance condamner), comme s’ils formaient le contenu permanent des mobilisations.

    Procédons par l’absurde et supposons que la situation soit telle que certains nous la décrivent, que les crypto-fascistes pullulent dans ces manifestations du samedi, que faut-il alors en conclure : que ces intellectuels ont choisi, en connaissance de cause, de leur laisser la rue et qu’ils nous recommandent de faire de même ? Singulière façon de « lutter » contre ce fascisme dont on nous dit par ailleurs qu’il vient [4]. Si les fascistes forment bien le plus gros de ces mobilisations, quid alors des participants aux mouvements orchestrés par Philippot à Paris ? Des queues sans fin pour aller, à grands frais, écouter Zemmour et le pseudo philosophe Onfray ? Et si les mots ont un sens, quel vocable faut-il alors utiliser pour qualifier cette gent là ? Sans parler du fait que les authentiques crypto-fascistes sont au pouvoir ou/et à ses portes !

    Le QR code, d’après certains, ne serait que la continuation, par d’autres moyens, d’une société de contrôle ou de surveillance dont l’invasion dans nos vies ne date certes pas d’hier. Du quantitatif en somme mais point de saut qualitatif. Mais comment peut-on ne pas voir la différence abyssale entre le fait de tendre son QR code pour fréquenter une salle de cinéma par exemple et le fait d’utiliser son smart phone, sa CB, de fréquenter, même assidûment, les réseaux sociaux, ou bien encore le fait d’être, à longueur de journée, sans notre consentement, filmés par les caméras de vidéo-surveillance, présentes quasi partout, lors de nos déplacements ? Devoir justifier de son pedigree sanitaire, voire de son identité, pour boire un café, s’inscrire dans une salle de sport, prendre le train (où un bracelet peut vous être apposé au poignet pour témoigner de votre QR code vérifié), tout cela ne serait qu’une mesure idoine et, veulent croire certains, passagère, qu’un ajout somme toute presque insignifiant dans le panel de la cyber surveillance qui fait florès ? En l’occurrence, est-ce la technologie qui est en cause ou le modus operandi de sa mise en œuvre qui consiste à nous utiliser pour consentir à notre propre et smart contrôle, qui conduit à nous y habituer, perversion dont on peut être sûr qu’elle ne disparaîtra pas avec la suspension (quand d’ailleurs ?) du QR code sanitaire ?

    Une fois n’est pas coutume, et à l’heure où les chrétiens sombrent du fait des monstruosités pédocriminelles récemment révélées, ancestrales, mais dont certains ne prennent, enfin, conscience que maintenant : « pardonnons-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », ceux qui ravalent, comme ils le font, la passe sanitaire au statut d’épiphénomène. Lorsque cette frange de la population, prétendument éclairée, criera au loup, il sera sans doute malheureusement trop tard.

    S’agirait-il alors de revenir à l’âge de pierre ? Certes non. D’incarner une pureté anumérique ? Non plus. De même qu’il y a un milieu entre être anti-vaccins (tout vaccins confondus) et juste peut-être sainement méfiant à l’encontre des vaccins anti-covid [5], ce que récusent beaucoup, confondant à dessein les anti-passe avec des anti-vaccins, même s’il est vrai que la frontière est parfois poreuse entre les deux ; de même il y a un milieu entre utiliser les technologies de l’information, sans lesquelles nous serions condamnés à nous installer sur une île déserte, et tendre, docilement, son QR code à l’entrée de lieux qu’hier nous fréquentions en « liberté ».

    Au lieu d’écrire et de lutter contre les pires menaces : Zemmour, notre Trump ou Bolsonaro national, Macron, notre petit Pétain, peut-être, de nouveau, aux portes du pouvoir pour un nouveau quinquennat, d’aucuns s’époumonent à disputer du pedigree des manifestants anti-passe, rêvant secrètement de changer le peuple ou de le destituer en bloc. Celui qui ne veut pas avoir les mains sales, se retrouvera bientôt sans mains, ce qui lui fera une belle jambe et le coupera, irrémédiablement, de toute possibilité de lutter, dans la réalité. N’est-on pas en droit de dénoncer une certaine cécité de la part de ces avant-gardes éclairées, dans leur rêve de pureté idéologique ?

    Cette histoire de QR code sanitaire m’a personnellement et enfin réveillée de mon sommeil dogmatique en termes de surveillance de masse, se pourrait-il faire que cette modeste contribution au débat puisse en réveiller d’autres quant à la cyber surveillance ubiquitaire et à la technopolice comme moteur de la sécurité globale qui nous pendent au nez ?

    J’ai décidé, dans la mesure de mes moyens, de faire sécession avec ce monde qui me débecte profondément et je vous prie de croire que ce séparatisme là est à la fois amusant, reposant et instructif. Sur la photo ci-dessous et comme à mon habitude depuis le 21 juillet 2021, je prends mon café, travaille et lit, sur ma chaise pliante, dans mon quartier, en toute tranquillité, achalandée d’un parapluie lorsque le temps n’est pas clément. La rue elle est à qui ? À moi, à nous ! Mes pauses café occasionnent, tous les jours, de belles rencontres, des discussions avec le chaland, de la convivialité. Je bouffe, certes, et me rend donc au supermarché où, pour le moment, nulle passe sanitaire n’est exigé. Pour le reste, je teste la décroissance, culturelle en l’occurrence, ce qui ne m’empêche pas d’organiser, à domicile, un ciné club par-ci, un repas par-là, sans parler des mobilisations des samedis qui suppléent allégrement au sport que je ne peux pratiquer en salle, mobilisations anti-passe dont, en conclusion, je ne vois pas ce qui nous interdirait d’y participer.

    « Le grand problème des êtres humains civilisés n’a jamais été la désobéissance, mais l’obéissance » Howard Zinn. Le progrès et la révolte, autrement dit, ne valent-ils pas qu’on se prive d’un café en terrasse ou d’un ciné ? Qu’on rejoigne ceux qui manifestent le samedi dans les rues, quand bien même tous ne seraient pas fréquentables ni parfaits ? Et si d’aventure nous étions légion à le faire, le pouvoir et sa violence ne seraient-ils pas contraints, au moins, de mollir ? Qu’il faille a priori se soumettre aux lois de la société dont on est membre, cela va en quelque sorte de soi, mais si ces lois sont mauvaises, faut-il, encore une fois, garder le silence et s’incliner sous le carcan ?

    « Pour gagner dans la lutte et conquérir leur émancipation, les masses travailleuses doivent être guidées, conduites par une « élite », par une « minorité éclairée », par des hommes « conscients » et supérieurs au niveau de cette masse. […] qu’une telle idée soit ancrée dans l’esprit de ceux qui se prétendent émancipateurs et révolutionnaires, c’est un des phénomènes les plus étranges […] Ainsi, je conçois le fascisme d’une façon vaste. Pour moi, tout courant d’idée qui admet la dictature – franche ou estompée, « droite » ou « gauche » – est au fond, objectivement et essentiellement fasciste. Pour moi, le fascisme est surtout l’idée de mener les masses par une « minorité », par un parti politique, par un dictateur. » 
Voline, Le fascisme rouge (1934).

    Le moment insurrectionnel n’aura cure de toutes mes réflexions, ni de celles de ceux qui refusent d’être dans la rue les samedis, il n’aura besoin ni de réflexion, ni de QR code au moment de l’effervescence de son explosion. Du lyrisme il y en aura alors, dans nos vies, dans nos chairs et pas seulement sur le papier, dans nos écrits ou sur nos bouches, dans nos paroles.

    Gageons que l’hiver 2021 sera chaud, comme le fût celui de 2018 avec les Gilets Jaunes dont la comparaison avec ce qui sommeille actuellement est nulle et non avenue : l’Histoire, en effet, ne repasse pas les plats.

    Une prof de philo dans le 93
    https://lundi.am/A-propos-de-l-acceptation-de-l-usage-du-QR-code-et-des-mobilisations-en-cours

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    [1] Rousseau, les Confessions
    [2] https://www.revue-ballast.fr/sante-vaccin-et-pass-discussion-avec-le-medecin-urgentiste-christophe- : Santé, vaccin et pass : discussion avec le médecin urgentiste Christophe Prudhomme
    [3] https://diacritik.com/tag/valerie-gerard : selon Valérie Gérard, les manifs anti-passe pourraient n’être qu’une variante d’extrême droite de la Manif pour tous.
    [4] Ugo Palheta : La possibilité du fascisme (2018) et tout récemment : Face à la menace fasciste (septembre 2021) ; la menace se précisant davantage au vu des titres...
    [5] vaccins anti-covid dont les effets secondaires conséquents sont, d’une part, peu relayés par les médias et, d’autre part, difficiles d’accès, voir à ce sujet la base données de l’OMS : VigiAccess et les méandres de l’accès à ces données.

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  • L’écoféminisme : qu’est-ce donc ?
    « Dans les milieux militants et académiques français, l’heure semble à la découverte progressive de l’écoféminisme. En manifestation, on ne compte plus les pancartes tout à la fois féministes et écologistes. Né aux États-Unis contre l’industrie nucléaire dans les années 1970 et 80 — et désormais porté en Amérique latine, en Inde ou en Indonésie —, ce mouvement politique et philosophique hétéroclite (culturel, spiritualiste, matérialiste, socialiste, queer ou encore végétarien) corrèle la mise à sac des écosystèmes par le capitalisme et l’oppression séculaire des femmes par le patriarcat. Deux reproches lui sont régulièrement adressés : l’essentialisme et le mysticisme. Reproches plus que légitimes pour toute perspective socialiste matérialiste digne de ce nom. Seulement voilà, l’affaire est plus compliquée : c’est ce que l’animatrice de la chaîne YouTube Game of Hearth, spécialisée en écologie politique et en féminisme, entend défendre ici, déplorant de concert les récupérations réactionnaires et commerciales de ce mouvement. Une invitation à la discussion. »
    https://www.revue-ballast.fr/lecofeminisme-quest-ce-donc#identifier_11_70620

    liens vers les vidéos de Game of Hearth sur l’écoféminisme :
    – spiritualité 1 (https://youtu.be/2wIrvzQNPMI

    ) & 2 (https://youtu.be/F3w8ASEWXa8
    )
    – la question de l’essentialisme https://youtu.be/2TZF6lYK5ho

    – introduction à l’écoféminisme https://youtu.be/bbob6LLaBx8

    • un long article du Monde sur l’écoféminisme :
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/22/l-ecofeminisme-contre-les-dominations-croisees-des-femmes-et-de-la-nature_60

      L’écoféminisme, contre les « dominations croisées » des femmes et de la nature
      Claire Legros

      Bousculant l’écologie et le féminisme, l’analyse des causes communes de la domination masculine et du saccage de la planète a donné naissance à un mouvement pluriel et divisé.

      C’est un cri de ralliement qui séduit et inquiète, une pensée qui fédère et divise à la croisée des combats. Longtemps ignorés en France, les travaux sur les liens entre genre et écologie, médiatisés à l’occasion des candidatures à la primaire écologiste de Sandrine Rousseau et Delphine Batho, autoproclamées « écoféministes », suscitent autant d’enthousiasme que de rejet. On aurait tort d’y voir une simple péripétie de campagne. L’épisode est, au contraire, le signe de mutations profondes à l’œuvre en France dans le champ de l’écologie politique comme dans celui de la pensée féministe.

      « La sensibilité écoféministe est devenue l’une des caractéristiques centrales de ce qu’on appelle “le féminisme de la troisième vague”, alors qu’elle constituait un courant très marginal et périphérique dans la génération précédente », constate l’historienne Christine Bard, autrice de Féminismes. 150 ans d’idées reçues (Le Cavalier bleu, 2020). On assiste à « un renouvellement au sein du mouvement écologiste chez une nouvelle génération de militants qui porte des formes différentes de féminisme », analyse, de son côté, la politiste Vanessa Jérome, autrice de Militer chez les Verts (Presses de Sciences Po, 304 pages, 22 euros).

      Foisonnement de textes de référence

      De ce renouvellement attestent, ces dernières années, les succès en librairie de Sorcières. La puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet (La Découverte, 2018), et de Reclaim, l’anthologie de textes écoféministes coordonnée par la philosophe Emilie Hache (rééditée en 2019, Cambourakis), de même que le foisonnement de parutions, depuis quelques mois, de textes de référence : les ouvrages de la militante Françoise d’Eaubonne, de la poétesse Susan Griffin, de l’historienne et philosophe Carolyn Merchant, de la « sorcière », activiste antinucléaire et militante féministe Starhawk, ou encore ceux de la philosophe australienne Val Plumwood (1939-2008).

      Mais de quel écoféminisme parle-t-on ? Cette effervescence éditoriale met en lumière un patchwork d’actions et d’idées qui a évolué selon les époques et les territoires géographiques. Dans la marmite écoféministe bouillonne un étonnant mélange, « un joyeux bordel », ose la philosophe Jeanne Burgart Goutal dans son livre-enquête Etre écoféministe (L’Echappée, 320 pages, 20 euros), qui a reçu, en mai, le Prix de l’écologie politique. « Il serait plus juste de parler “des” écoféminismes, comme il y a “des” écologies et “des” féminismes », constate Vanessa Jérome, pour qui « il existe, au sein du mouvement, cent mille lignes de fracture et autant de lignes de convergence ».

      « L’écoféminisme s’est nourri d’apports multiples, issus de trajectoires militantes et de généalogies intellectuelles variées. Ses sensibilités et rapports au genre différents l’ont métamorphosé, depuis le différentialisme des origines jusqu’au matérialisme que l’on connaît aujourd’hui, lié à l’imprégnation des luttes LGBTQI+ [personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et autres] », précise Christine Bard.

      Nouvelles lectures anthropologiques

      Cette épaisseur historique, sous-tendue par un riche travail théorique, va bien au-delà des slogans et des caricatures auxquels on veut parfois l’identifier. « Ce sont des théories qui pour être intelligentes doivent être complexes », prévient Jeanne Burgart Goutal. « Elles ont eu le mérite d’introduire les questions de genre dans la pensée écologique, où elles étaient jusqu’alors peu présentes. Il serait dommage de ramener les questions de fond qu’elles posent à certaines simplifications contemporaines forcées, voire ridicules », assure le philosophe Dominique Bourg.

      En explorant « les dominations croisées » des femmes et de la nature, selon les mots de la philosophe Catherine Larrère, ces idées méritent mieux que des petites phrases. Elles détricotent l’histoire de la pensée moderne et proposent de nouvelles lectures anthropologiques, bousculant, au passage, des concepts que l’on croyait acquis : la distinction entre culture émancipatrice et nature supposée brouillonne, entre progrès linéaire et rythme cyclique, ou encore la primauté des sciences modernes sur les savoir-faire traditionnels.

      Mais cette pluralité est aussi leur talon d’Achille, source de possibles dérives et récupérations. Retracer l’histoire de cette pensée protéiforme et des cousinages qui l’ont inspirée permet donc de mieux cerner ses contours et ses apports, mais aussi de mettre en lumière ses écueils et ses contradictions. Ces théories sont-elles réactionnaires ou bien, au contraire, visionnaires, à l’heure des crises environnementales ? Comment expliquer qu’elles enthousiasment autant qu’elles dérangent ? Que révèle ce regain d’intérêt de l’état de notre société, de ses fractures générationnelles, des peurs qui l’habitent, mais aussi de sa capacité à réagir aux catastrophes qui s’annoncent ?

      Droits des femmes et des animaux

      S’il est vrai que le néologisme « écoféminisme » apparaît dans les années 1970, certaines idées préexistent dans l’Europe de la révolution industrielle. Dès la fin du XIXe siècle, des militantes féministes établissent un lien entre la cause des femmes et celle des animaux, et mettent en lumière « la notion d’un continuum de violence organisé par le système patriarcal », note l’historienne Christine Bard. Ces pionnières s’engagent à la fois pour les droits des femmes et contre la vivisection ou en faveur du végétarisme, préfigurant ce qui deviendra l’écoféminisme animal ou végan.

      En Grande-Bretagne, c’est une suffragette, Frances Power Cobbe (1822-1904), qui fonde la Société britannique contre la vivisection. « Pour Cobbe, les deux questions étaient liées par le fait que les femmes et les animaux étaient appropriables et essentialisés, les unes étant réduites à leur genre, les autres à leur espèce, à une époque où les femmes mariées n’avaient pas le droit de propriété et ne pouvaient gérer leur procréation », explique la chercheuse Emilie Dardenne, autrice d’Introduction aux études animales (PUF, 2020). En France, la journaliste et poétesse féministe Marie Huot (1846-1930), connue notamment pour avoir agressé, en 1883, un scientifique au Collège de France, alors qu’il s’apprêtait à réaliser une expérience sur un singe, affirme que les hommes assouvissent un même désir de pouvoir en violentant les femmes comme les animaux.

      Pour Françoise d’Eaubonne, « la même matrice idéologique a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature », note l’historienne Caroline Goldblum

      Un siècle plus tard, lorsque la militante et écrivaine française Françoise d’Eaubonne (1920-2005), électron libre du féminisme, publie, en 1974, Le Féminisme ou la mort (réédité en 2020, Le Passager clandestin), elle étend les points de convergence de cette oppression commune à l’ensemble du vivant. « En postulant que la même matrice idéologique a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature, [elle] dénonce non seulement l’organisation sexiste de la société, mais surtout lui impute la responsabilité de la destruction de l’environnement », note l’historienne Caroline Goldblum, autrice de Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme (Le Passager clandestin, 2019).

      Le monde a déjà basculé, même si beaucoup l’ignorent encore. En 1962, le Printemps silencieux de la biologiste américaine Rachel Carson a montré de façon implacable l’effet des pesticides sur la disparition des oiseaux et la santé humaine. Dix ans plus tard, le rapport Meadows met en évidence les relations entre systèmes de production industrielle et épuisement des ressources naturelles. Mais c’est contre d’autres excès que l’écoféminisme va véritablement prendre son essor.

      L’occupation de la base de Greenham Common

      En 1980, 2 000 femmes marchent vers le Pentagone, à Washington, en chantant et dansant autour de quatre poupées géantes : blanche pour le deuil, rouge pour la colère, dorée pour l’empowerment, noire pour le défi. « Nous avons peur pour nos vies, pour la vie de cette planète, notre terre, et pour la vie de nos enfants, qui sont notre avenir humain. (…) Nous sommes entre les mains d’hommes que le pouvoir et la richesse ont séparés non seulement de la réalité quotidienne mais aussi de l’imagination », déclarent-elles face au symbole de la puissance militaire américaine. Un an plus tard commence, en Grande-Bretagne, l’occupation de la base militaire de Greenham Common contre l’installation de missiles nucléaires, qui va durer près de vingt ans. Les manifestantes britanniques enlacent la base dans une chaîne humaine, certaines d’entre elles réussissant à y pénétrer pour danser sur le toit des silos où sont stockés les missiles.

      Impossible de comprendre l’écoféminisme « si l’on ne prend pas en compte le contexte politique des années 1980 duquel il émerge », écrit la philosophe Emilie Hache dans l’introduction de Reclaim. Et, en premier lieu, l’angoisse de fin du monde qu’a pu susciter la course folle à l’armement nucléaire. Les mobilisations féministes, pacifistes et antinucléaires vont se multiplier jusqu’à la fin de la guerre froide aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Elles esquissent déjà ce qui sera l’un des positionnements majeurs du mouvement : pluriel et inclusif, il rassemble des femmes « au nom de toutes sortes d’engagements politiques, philosophiques et spirituels », constate Christine Bard, et fait « passer la diversité des pratiques, source de vitalité et de créativité politiques, avant l’éventuelle unité d’une doctrine », estime Catherine Larrère.

      Des pratiques joyeuses et innovantes

      Car l’écoféminisme se vit dans l’action. Pour l’éditrice Isabelle Cambourakis, responsable de la collection « Sorcières » (Cambourakis), « les idées sont indissociables de pratiques, joyeuses, innovantes, en non-mixité choisie, inséparables d’une certaine utopie. Ces femmes ont créé des camps pour inventer immédiatement le monde dont elles rêvaient, et vivre débarrassées du patriarcat, du militarisme, du racisme ». Leur engagement est à la fois une philosophie contre le capitalisme et une « praxis », une mise en action de la théorie.

      Ces mobilisations festives incarnent elles-mêmes un projet politique. Il ne s’agit pas de prendre le pouvoir mais d’affaiblir les structures du pouvoir en se reliant les unes aux autres, afin de renforcer ce que l’activiste altermondialiste Starhawk appelle le « pouvoir du dedans », et qu’elle distingue du « pouvoir sur », domination qui passe par un rapport de force. « Cette distinction est importante pour empêcher la banalisation du terme en politique », constate Catherine Larrère, pour qui « il existe une contradiction entre l’idée de briguer un titre de présidente de la République et l’action écoféministe ».

      A côté de ces mouvements engagés dans l’action politique se développe un écoféminisme plus académique. Aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon, des universitaires introduisent la question du genre dans les études environnementales, particulièrement en éthique. Dès 1980, la philosophe et historienne des sciences Carolyn Merchant retrace l’histoire des oppressions croisées et en démonte les mécanismes conceptuels dans La Mort de la nature (Wildproject, 454 pages, 25 euros). Si l’analogie entre femme et nature est ancienne, la terre étant « vue de façon universelle comme une mère nourricière, sensible, vivante et réactive aux actions humaines », écrit-elle, la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles va marquer un tournant. A partir de cette période, la nature est envisagée comme un objet inerte, propre à l’observation, mais aussi à la domination, dans une approche mécaniste réfléchie par Descartes. Cette nouvelle conception de la nature, dont l’homme devient « comme maître et possesseur », selon les mots du philosophe, va aussi s’appliquer aux femmes, affirme Merchant, l’analogie ancestrale se muant en rapport d’oppression commune. Elle devient même l’un des ressorts qui vont conduire au développement du capitalisme et à sa logique d’extraction et de pillage.

      Procès des sorcières

      Les théories écoféministes ne sont pas seules à remettre en cause la neutralité de la science moderne. Elles s’inscrivent dans un courant de pensée plus large qui vise à dépasser le dualisme entre la nature (tout ce qui ne serait pas humain) et la culture (propre à l’humain). Mais elles s’en distinguent par une analyse fine de la double dévalorisation des femmes et de la nature qui se renforcent l’une et l’autre.

      Les procès des sorcières – qui conduiront des dizaines de milliers de femmes au bûcher à partir du XVIe siècle – constituent, selon elles, l’une des manifestations de la violence avec laquelle la science moderne s’est imposée, au détriment de savoirs traditionnels jugés irrationnels. L’universitaire Silvia Federici, autrice d’Une guerre mondiale contre les femmes. Des chasses aux sorcières au féminicide (La Fabrique, 176 pages, 15 euros), établit ainsi un parallèle entre la privatisation, à partir du XVIe siècle, des communs fonciers par le biais des enclosures et la relégation des femmes au travail domestique non payé, alors que leur sexualité et leur procréation sont, à la même époque, placées sous contrôle.

      Faut-il voir dans ces idées une « essentialisation » de la femme, promue plus « naturelle » que l’homme ? La critique, insistante, est formulée dès les débuts du mouvement. On reproche à la pensée écoféministe de conforter l’idée selon laquelle les femmes seraient par essence proches de la nature. Pour Janet Biehl, militante de l’écologie sociale théorisée par Murray Bookchin (1921-2006), l’écoféminisme est « une réédition de (…) stéréotypes oppressifs » qui, « tout remis à neuf et “verdis” » qu’ils sont, n’ont « pas leur place dans la lutte féministe ».

      La journaliste et essayiste Caroline Fourest qualifiait récemment d’« essentialiste, identitaire, victimaire » la candidature de Sandrine Rousseau

      En France, c’est la philosophe Elisabeth Badinter qui, à l’occasion de la sortie de son ouvrage Le Conflit. La femme et la mère, livre, en 2010, dans Le Monde, une charge sévère contre le « féminisme naturaliste, différentialiste, victimaire » qui « s’est peu à peu imposé à la société occidentale » et s’oppose, selon elle, à « un féminisme de conquête, celui qui défend l’égalité », qu’elle affirme mis « en sommeil ». Plus récemment, la journaliste et essayiste Caroline Fourest qualifiait d’« essentialiste, identitaire, victimaire » la candidature de Sandrine Rousseau, porteuse, selon elle, d’« une vision très, très binaire des identités et des rapports de force ». Au pays de Simone de Beauvoir, où la féminité est définie comme une construction sociale, les idées écoféministes « sont perçues comme essentialistes par un féminisme universaliste qui laisse peu de place à d’autres manières d’appréhender le genre et le rapport avec la nature », souligne Christine Bard.

      De fait, si la majorité des théoriciennes écoféministes défendent clairement un lien historique entre les femmes et la nature, certaines voix sont plus ambiguës et opposent, comme la théologienne Mary Daly (1928-2010), la féminité, proche de la « Nature » et de la « Vie » (avec des majuscules), à une civilisation patriarcale mortifère. De même, les références spirituelles au culte de la « Déesse », censé remplacer les monothéismes patriarcaux, suscitent méfiance et incompréhension au pays des Lumières et de la laïcité à la française.

      L’héritage des transcendantalistes américains

      Selon Jeanne Burgart Goutal, « cette vision reste pourtant minoritaire et assez caricaturale, celles qui se revendiquent de tels courants ne sont pas représentatives du mouvement. Il suffit de lire les textes pour constater que l’écoféminisme n’est pas essentialiste et que le concept de nature qui y est mobilisé n’est pas réactionnaire ». Pour la professeure de philosophie, l’une des origines de cette incompréhension réside d’ailleurs dans la filiation intellectuelle de l’écoféminisme, qui s’appuie sur une perception de la nature héritée des philosophes transcendantalistes américains du XIXe siècle Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et Henry David Thoreau (1817-1862). « Ces critiques des excès de la civilisation industrielle considèrent la nature comme une source de liberté contre une civilisation aliénante, dans un projet politique progressiste », quand le féminisme universaliste se fonde sur l’idée kantienne d’une nature dont « il faudrait s’arracher pour devenir un humain pleinement libre », explique-t-elle.

      De son côté, Catherine Larrère estime que « ceux qui dénoncent chez les écoféministes la naturalisation de la femme confondent un rapport et une identité : ce n’est pas parce que les hommes ont le même rapport de domination à l’égard des femmes et de la nature que les femmes “sont” la nature ». L’idée n’est donc pas de dire que les femmes seules seraient naturelles, mais de rappeler que l’humanité tout entière fait partie de la nature. Plus qu’un différentialisme, il s’agit donc d’un autre universalisme, estime la philosophe. « L’écoféminisme rejette l’idée que les femmes doivent ressembler aux hommes pour obtenir l’égalité. Pour elles, cela n’en vaut pas la peine au vu du résultat pour la planète ! Elles vont chercher ailleurs, d’autres manières qui excluent, non pas les hommes mais le patriarcat. Et appeler les hommes à les rejoindre. »

      Travail invisible

      Dans cette recherche, les théoriciennes écoféministes vont croiser un autre concept, lui aussi né aux Etats-Unis dans les années 1980. L’éthique du soin (« care », en anglais) s’attache à montrer que la spécificité des femmes dans le domaine du soin et de l’attention aux autres est réelle, mais que, loin d’être une propension naturelle, elle est le fruit d’une assignation historique. Ce travail invisible et nécessaire à la survie de la société mérite d’être mieux considéré et partagé.

      A partir des années 1990, des universitaires écoféministes anglo-saxonnes, dont les philosophes Karen Warren et Val Plumwood, lisent et se réfèrent aux travaux sur le « care ». « Il existe une proximité des mouvements écoféministes avec ce qu’on appelle le “care environnemental”, qui théorise le fait de prendre soin à la fois de la nature et des personnes », estime la philosophe Sandra Laugier, qui a dirigé l’ouvrage collectif Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement (Payot, 2012).

      Parce qu’elles sont historiquement assignées à prendre soin du foyer, les femmes sont aussi plus souvent responsables de la protection des ressources qui assurent sa subsistance. « Non seulement elles protègent l’environnement mais le reproduisent pour les autres », note Sandra Laugier. En reconnaissant ces compétences, il ne s’agit pas pour les écoféministes de renvoyer les femmes à la cuisine et au jardin, mais d’« alerter sur l’importance de ce rôle, et sur les savoir-faire qu’elles détiennent dans ce domaine. Il y a un aspect subversif dans leur démarche », constate Catherine Larrère.

      « Ecologie de l’ordinaire »

      Dans cette logique, deux approches se distinguent. A un environnementalisme qui vise à protéger la nature sauvage, l’écoféminisme oppose « une écologie qui défend un environnement quotidien à travers le travail ordinaire des femmes », précise la philosophe Sandra Laugier. Cette « écologie de l’ordinaire » ou « féminisme de subsistance » trouve un écho dans les mouvements locaux de femmes qui, en Inde, en Amérique latine ou en Afrique, luttent contre un développement économique qui les prive des ressources nécessaires à leur famille. Sans toujours s’identifier à l’écoféminisme, ces communautés de femmes « ont relancé la pensée environnementale en montrant de façon radicale comment, dans des pays qui souffrent de l’héritage d’une domination coloniale (…), les conséquences environnementales du développement atteignent plus lourdement les femmes », écrivent en 2020, dans la revue Multitudes, la géographe Nathalie Blanc, Sandra Laugier, la psychologue Pascale Molinier et la sociologue Anne Querrien.

      En 1973, les femmes du mouvement Chipko, médiatisé par l’écoféministe indienne Vandana Shiva dans Staying Alive (North Atlantic Books, non traduit, 2016), s’enlacent aux troncs des arbres pour lutter contre la déforestation. Un peu plus tard au Kenya, la biologiste Wangari Maathai, futur Prix Nobel de la paix, crée le Mouvement de la ceinture verte, qui propose aux femmes de planter des arbres autour des villages pour stopper l’érosion du sol liée à la déforestation et à la plantation massive de café destiné à l’exportation. Plus récemment, en Amérique latine, des militantes souvent issues de communautés autochtones jouent un rôle de premier plan dans les luttes contre les violences sexuelles et contre les pollutions liées à l’extractivisme ou à l’agro-industrie qui hypothèquent la santé de leurs enfants.

      Pour Sandra Laugier, « c’est sans doute à travers ces luttes que se dessine aujourd’hui une nouvelle étape, à la fois pratique et théorique, d’un écoféminisme qui bouscule un peu plus la conception jusque-là dominante d’un féminisme occidental universaliste et favorisé ». En juin, des militantes du Honduras, du Guatemala et d’Afrique du Sud en ont témoigné lors d’un colloque organisé à Paris par l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et l’université de Chicago sur le thème « Femmes, écologie et engagements politiques du Sud au Nord ». Ces combats sont aussi retracés dans le documentaire Ni les femmes ni la Terre !, dont le titre reprend un extrait du slogan « Ni les femmes ni la Terre ne sont des territoires à conquérir ! », scandé par des opposantes au projet de construction d’une autoroute à travers la forêt amazonienne en Bolivie.

      La notion de « vivant »

      Cette évolution peut-elle expliquer le regain d’intérêt dont bénéficie la pensée écoféministe en France depuis quelques années ? L’urgence de la crise climatique et l’émergence du mouvement mondial #metoo contre les violences sexuelles ont changé la donne. Chez une nouvelle génération d’écologistes, la notion de « vivant », riche d’interdépendances entre espèces et avec la terre, s’est substituée à l’idéalisation d’une nature réduite à un simple décor. « Le slogan de Notre-Dame-des-Landes “Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend” peut être considéré comme un mot d’ordre écoféministe », constate Catherine Larrère.

      Chez les jeunes féministes, le rapport au corps et à la science a évolué. Il ne s’agit plus tant de maîtriser la nature pour s’émanciper que d’écouter celle-ci. « On le voit avec la pilule, hier synonyme de progrès, et qui fait moins rêver aujourd’hui, car elle est vécue comme une prise de contrôle du corps par l’industrie pharmaceutique, constate Christine Bard. Un certain nombre de jeunes femmes ont envie de prendre le problème autrement, dans un souci de réappropriation de leur corps. »

      Les écologistes aussi ont changé. « Le parti Vert a été secoué par l’affaire Baupin [le député écologiste de Paris, accusé, en 2016, de harcèlement et agressions sexuelles par plusieurs femmes de son parti, Europe Ecologie-Les Verts], note Vanessa Jérome. Depuis cinq ans, on constate une forme de retour, non pas à ce que d’Eaubonne aurait pu porter mais à un féminisme plus ouvert aux questions de genre, qui fait des ponts avec les minorités, de sexe ou d’origines. Les féministes intersectionnelles sont plus visibles, elles ont renoué avec les représentants des droits LGBTQI+. »

      L’écoféminisme « pose des questions capitales, notamment celle de la distribution du travail dans un monde qui disposera de moins d’énergie », selon le philosophe Dominique Bourg

      Dans un contexte pandémique de prise de conscience de la vulnérabilité de la vie humaine sur la planète, l’écoféminisme propose de nouveaux récits. Il « pose des questions capitales à l’aune des bouleversements qui se profilent, notamment celle de la distribution du travail dans un monde qui disposera de moins d’énergie », estime le philosophe Dominique Bourg. Il renouvelle aussi les modalités d’actions dont s’inspire aujourd’hui le collectif Les Bombes atomiques lorsqu’il manifeste contre le projet de centre de stockage de déchets nucléaires à Bure (Meuse), ou les communautés autonomes de femmes décrites par la sociologue Geneviève Pruvost dans son ouvrage Quotidien politique. Féminisme, écologie, subsistance (La Découverte, 400 pages, 22 euros). En articulant des phénomènes et des luttes jusqu’alors pensés séparément, il tisse des liens entre les combats dans une démarche inclusive. « Il y a comme un effet de surprise, note Isabelle Cambourakis. On découvre la richesse d’un gisement théorique qui peut aider à penser le monde qui vient. »

      Mais sa diversité revendiquée porte aussi en elle ses limites. Au sein même du mouvement, le récent engouement pour cette pensée plurielle inquiète celles qui y voient un risque de dilution des idées. Dans un article au sous-titre explicite (« L’écoféminisme aux abois. Marchandisation, manipulation et récupération d’un mouvement radical », La Revue du crieur, 2021/1), la doctorante en sciences sociales Anne Berrard s’alarme des « discours et pratiques » qui « réutilisent des symboles et références propres à l’écoféminisme tout en visant un objectif politique radicalement différent ». Dans son viseur, le vaste marché des recettes, coachings et autres « festivals “écolos” soutenus par des start-up », qui proposent d’« aider à retrouver son moi intérieur », ou à « renouer avec son féminin sacré » au nom d’une pensée écoféministe caricaturée.

      Positions réactionnaires

      Une autre critique cible sa récupération par des milieux catholiques conservateurs hostiles à la contraception et à l’avortement. « Il existe, en effet, des zones d’ombre, confirme Christine Bard. Des discours sacralisent la “nature” du corps féminin pour mieux défendre des positions réactionnaires, dépossédant les femmes du droit à maîtriser efficacement leur fécondité. »

      Comment démêler le vrai du faux ? Faut-il distinguer le bon grain écoféministe de l’ivraie, alors que ce courant d’idées se définit justement par son ouverture et fait de sa pluralité un garde-fou à l’apparition de nouvelles dominations ? Face à cette contradiction, Anne Berrard refuse de « détenir [ou] de défendre une “vérité” de l’écoféminisme », mais propose d’assumer l’« héritage politique radical » des pionnières. Une façon de réaffirmer que le mouvement reste « avant tout une politique de résistance ».

  • « L’art peut participer à la guerre de position », Sandra Lucbert, BALLAST
    https://www.revue-ballast.fr/sandra-lucbert-lart-peut-participer-a-la-guerre-de-position

    Son troi­sième livre, Personne ne sort les fusils, a racon­té de l’in­té­rieur le pro­cès de France Télécom-Orange, qui s’est tenu durant l’an­née 2019. On se sou­vient : suite à la pri­va­ti­sa­tion de la socié­té de télé­com­mu­ni­ca­tions et à son ouver­ture à la concur­rence, les sala­riés, mal­trai­tés, har­ce­lés et ter­ro­ri­sés par les nou­velles formes de mana­ge­ment, se sont mas­si­ve­ment sui­ci­dés — trente-cinq cas au cours des seules années 2008 et 2009. Le PDG, Didier Lombard, avait alors par­lé d’« une mode ». Avec son nou­vel ouvrage, Le Ministère des contes publics, l’écri­vaine Sandra Lucbert ajoute une pierre à son entre­prise de ren­ver­se­ment lit­té­raire du capi­ta­lisme : elle vise, cette fois, la sacra­li­sa­tion de la dette publique et l’im­pact du lan­gage sur la per­cep­tion du monde de la finance. Littérature et poli­tique : une dis­cus­sion affilée.

    À la ques­tion que George Orwell se pose quant aux rai­sons qui le poussent à écrire, il répond qu’il aspire à « faire de l’écriture poli­tique un art à part entière ». Vous ratifiez ?

    Absolument. Avec cepen­dant une pré­ci­sion : je ne consi­dère pas du tout que la lit­té­ra­ture ait essen­tiel­le­ment à être poli­tique. Comme tout art, elle jouit d’une pleine auto­no­mie dans le choix de ses objets ou de ses pro­pos, et tous sont éga­le­ment éli­gibles. Ce que je crois en revanche, c’est qu’il y a des périodes par­ti­cu­lières où per­sis­ter à tour­ner le dos aux objets poli­tiques quand on est auteur ou artiste est un pro­blème. En cer­taines conjonc­tures, la hau­teur des enjeux, des urgences et même des périls nous requiert. Je ne veux pas dire qu’il est inad­mis­sible, pour une auteure ou une artiste, même dans ces conjonc­tures, de conti­nuer à tra­vailler sur des ques­tions ou des objets non poli­tiques, mais si tous les sec­teurs de l’art demeurent dans ce type de ques­tion­ne­ment et dans ce type seule­ment, alors ils col­la­borent objec­ti­ve­ment à ne rien ten­ter du tout pour enrayer les des­truc­tions en cours. Or je pense que nous vivons pré­ci­sé­ment une de ces époques où nous sommes requis. L’art ne peut plus se com­plaire dans la seule pré­oc­cu­pa­tion de l’innovation for­melle : il faut le _tran­si­ti­ver_1, en l’occurrence poli­ti­que­ment. Le sen­ti­ment d’urgence poli­tique m’est venu hors de la lit­té­ra­ture, mais c’est par elle et par ses exi­gences for­melles que j’arrive à faire quelque chose de ce sen­ti­ment d’urgence.

    « Hors de la lit­té­ra­ture », c’est-à-dire où ?

    La herse néo­li­bé­rale, je l’ai sen­tie au tra­vail (dans l’éducation natio­nale et l’hôpital public) comme beau­coup de gens — et, par la lit­té­ra­ture, je cherche les moyens de (me) figu­rer ce qui nous tient, sans quoi je risque la dis­lo­ca­tion. J’ajoute main­te­nant que « faire de l’écriture poli­tique un art à part entière » com­mence par congé­dier l’opposition inepte entre art « à thèse » et art tout court. Si on peut dire d’un roman à sujet poli­tique : roman à thèse, c’est sim­ple­ment que le tra­vail for­mel est insuf­fi­sant à méta­bo­li­ser la matière ana­ly­tique qu’il entend tra­vailler. C’est que ce roman échoue à en faire de la lit­té­ra­ture : pro­duit un suc­cé­da­né d’essai, ou de tract, dégui­sé en roman. L’art poli­tique véri­ta­ble­ment art pose donc une double exi­gence : ana­ly­tique et for­melle. Exigence ana­ly­tique d’abord, car, par défi­ni­tion, l’art requis, l’art poli­ti­que­ment tran­si­ti­vé, se donne pour but de dire quelque chose des objets du social-his­to­rique poli­tique. Pour dire quelque chose d’un objet, il faut l’avoir pen­sé — contrai­re­ment à ce que sou­tiennent les hérauts de l’art du sen­sible-inef­fable, de l’art qui ne réflé­chit pas. Et quand il s’agit des objets du social-his­to­rique capi­ta­liste, la barre ana­ly­tique est pla­cée très haut — il est certes moins fati­guant de s’abandonner à ses pentes asso­cia­tives. Mais ça n’est pas tout : un art poli­tique doit « par­ler » des objets, mais il doit en par­ler à sa manière : avec l’intransigeance de ses exi­gences propres. Travailler les objets poli­ti­co-éco­no­miques, oui, mais dans la gram­maire de l’art. C’est ici qu’il faut sou­li­gner les mérites de l’autonomie du champ — lorsqu’elle ne se dégrade pas en une forme de céci­té poli­tique. Car c’est l’indépendance rela­tive des logiques de l’art qui est garante de l’exigence for­melle dont je parle.

    [...] S’éloignant de sa détestation originelle du règne bourgeois, le champ de l’art a glissé dans l’ignorance de ce qui l’environne et le détermine. C’est là un des effets du refermement autoréférentiel du champ : moins d’incitation à regarder au dehors. Pourtant il y a pire : car, malgré tout, oui, les artistes, bien forcés par les crises, ont fini par se saisir des objets du social-historique. Mais d’une manière où, cette fois, éclate l’ignorance de ce que le dehors fait au-dedans, des effets qu’entraîne pour le champ le fait d’être plongé dans un monde capitaliste qui détermine largement les conditions de la reproduction matérielle et symbolique dans le champ. De sorte que l’anticonformisme dont vous parlez, celui d’un champ qui confond désormais autonomie et méconnaissance du dehors, se retrouve de fait indexé sur la direction hégémonique. (...)

    Un exemple-type, même : la manière dont la question pourtant éminemment politique du « Monde vivant » est traitée. Faire parler la nature pour la rendre sensible, c’est normalement une démarche dictée par la menace qui pèse sur elle. Mais d’où vient cette menace, sinon du capitalisme en ses structures, ses institutions et ses mécanismes ? Or les propositions artistiques sur le Monde vivant s’appliquent à faire surgir du vivant invisible mais jamais l’invisible des structures capitalistes — qui détruisent l’invisible du vivant. Une cécité effarante frappe nombre d’artistes-auteures quand ils ou elles s’aventurent dans un hors-champ qu’ils réduisent à la nature exclusivement — lors même que c’est le hors-champ social historique, capitaliste, qui massacre ce hors-champ naturel. Les bons sentiments ne suffisent pas, et il n’est pas exclu que cela demande un certain effort de sauver les vies invisibles. S’émerveiller de la vie des poulpes avec Vinciane Despret ou de l’ancêtre replié dans l’éponge avec laquelle Baptiste Morizot prend sa douche8 est sans doute un heureux réveil de nos sensibilités, mais c’est un peu léger contre le démantèlement pur et simple de l’ONF ou les creusements de nouveaux pipelines de Total. En l’absence d’une problématisation formelle minimale de ce que fait effectivement le capitalisme fossile, on finit par rendre à Total et ses amis un grand service : on fait circuler de bien belles émotions concernant les morses — pendant que les causes de leur extermination, jamais dégagées, continuent d’opérer.

    #littérature #politique #bourgeoisie_culturelle

  • Santé, vaccin et pass : discussion avec le médecin urgentiste Christophe Prudhomme
    https://www.revue-ballast.fr/sante-vaccin-et-pass-discussion-avec-le-medecin-urgentiste-christophe-

    Annotations :

    On vient d’ap­prendre que 5 700 lits ont été fer­més dans les hôpi­taux fran­çais en 2020. Avant le Ségur, les infir­mières fran­çaises avaient une rému­né­ra­tion qui cor­res­pon­dait, en pari­té de pou­voir d’a­chat, au 22e rang du clas­se­ment des pays de l’OCDE. Depuis le Ségur, elles sont pas­sés au 18e rang ; autre­ment dit, les infir­mières mexi­caines sont mieux payées, en termes de pou­voir d’a­chat. on prend la four­chette basse, nous avons, en France, entre 150 et 180 000 infir­mières diplô­mées qui n’exercent plus leur métier ! Soit elles ont arrê­té de tra­vailler, soit elles ont com­plè­te­ment chan­gé de (...)

    #Santé #-France #libéralisme #.entretien

  • Liban : face au désastre [portfolio] | Laurent Perpigna Iban
    https://www.revue-ballast.fr/le-liban-desastre

    Qu’ils paraissent loin, les espoirs suscités par la Thawra, le soulèvement libanais de la fin 2019. Des centaines de milliers de personnes ont pris les rues du pays afin de réclamer le départ de l’ensemble de la classe politique. « Ils s’accrochent à leur pouvoir, mais nous aussi nous nous accrochons. Comment ne pas être optimistes ? », nous confiait alors un manifestant. Mais en vain : deux ans plus tard, l’oligarchie est toujours à son poste et le Liban se trouve dans une situation d’effondrement accéléré. Les habitants manquent de tout — ici et là, c’est même la famine. Photoreportage. Source : Ballast

  • L’abécédaire de James Baldwin
    https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-baldwin

    Distinction : « Humainement, personnellement, la couleur n’existe pas. Politiquement elle existe. Mais c’est là une distinction si subtile que l’Ouest n’a pas encore été capable de la faire. » (La Prochaine fois, le feu [1963], Gallimard, 2018)

    Holocauste : « Les Blancs furent et sont encore stupéfaits par l’holocauste dont l’Allemagne fut le théâtre. Ils ne savaient pas qu’ils étaient capables de choses pareilles. Mais je doute fort que les Noirs en aient été stupéfaits ; au moins au même degré. Quant à moi, le sort des Juifs et l’indifférence du monde à leur égard m’avaient rempli de frayeur. Je ne pouvais m’empêcher, pendant ces pénibles années, de penser que cette indifférence des hommes, au sujet de laquelle j’avais déjà tant appris, était ce à quoi je pouvais m’attendre le jour où les États-Unis décideraient d’assassiner leurs nègres systématiquement au lieu de petit à petit et à l’aveuglette. » (La Prochaine fois, le feu [1963], Gallimard, 2018)

  • En finir avec l’horreur de la prison : la justice restauratrice et transformatrice
    https://ricochets.cc/En-finir-avec-l-horreur-de-la-prison-la-justice-restauratrice-et-transform

    Une autre façon de faire justice : la justice restauratrice et transformatrice Pourquoi parler de justice ? J’avais déjà abordé la justice restauratrice précédemment (un article que j’ai mis hors ligne à présent) en tant que voie alternative à la justice traditionnelle, qui permettrait notamment de réduire les délais d’attente, satisfaire davantage les victimes, diminuer le taux de récidive, le tout en étant beaucoup plus raccord avec ce qu’on sait des besoins psychologiques humains. Dans le cadre de (...) #Les_Articles

    / #Procès,_justice,_répression_policière_ou_judiciaire

    https://www.hacking-social.com/2020/11/22/une-autre-facon-de-faire-justice-la-justice-restauratrice-et-transfo
    https://www.hacking-social.com/2020/11/30/jr2-differents-processus-de-justice-restauratrice
    https://www.revue-ballast.fr/dans-le-viseur-de-letat-discussion-entre-vanessa-codaccioni-et-eleonor

  • Amandine Gay : « Incarner les frontières » [2/2]
    https://www.revue-ballast.fr/amandine-gay-incarner-les-frontieres-2-2

    Amandine Gay a cofondé le Mois des adopté·es en 2018, dans le but d’ouvrir un espace d’échange et d’accueil pour les personnes adoptées et leurs parents. L’occasion de « remettre au cœur du débat public le sujet de la filiation et de la transmission », d’œuvrer collectivement à de nouvelles modalités de faire famille. Cette initiative a conduit la réalisatrice à la création de son deuxième documentaire, Une histoire à soi, et d’un livre, plus personnel, à paraître en septembre 2021, Une poupée en chocolat. Dans cette seconde partie, elle interroge la prise en charge des questions familiales au sein des mouvements de contestation sociale et réfléchit à la place que pourraient occuper les penseurs des Caraïbes pour travailler à l’émancipation. Source : (...)

  • Amandine Gay : « Nous, né·es sous le secret » [1/2]
    https://www.revue-ballast.fr/amandine-gay-nous-ne%C2%B7es-sous-le-secret-1-2

    « Dans mes papiers de personne née sous X, il est écrit : "Mère marocaine-père français…" » Ainsi s’achevait notre entretien avec la réalisatrice Amandine Gay, à l’occasion de la sortie de son premier film, Ouvrir la voix. Nous reprenons le fil de l’échange où nous l’avions laissé : les identités de frontières par le prisme des personnes adoptées à l’international, imbriquées dans ce qu’elle envisage comme un continuum colonial. Une histoire à soi est en salle : il nous immerge, cette fois, dans les archives de cinq Français adoptés au Rwanda, au Brésil, en Australie, au Sri Lanka et en Corée du Sud. Adultes, ils et elles racontent l’enfance, les tremblements adolescents et leur regard d’adultes : aucun ne peut se satisfaire d’un discours qui ferait d’eux des chanceux, rescapés de lâches abandons. Pour se (...)

  • Élisabeth Dmitrieff : féministe, socialiste, communarde, BALLAST
    https://www.revue-ballast.fr/elisabeth-dmitrieff-feministe-socialiste-communarde

    Qu’est-ce qui a bien pu mener une jeune femme venue de Russie à prendre la tête de la plus impor­tante orga­ni­sa­tion fémi­nine durant la Commune de Paris ? Cette femme, c’est Élisabeth Dmitrieff. Inspirée par les popu­listes russes et proche de Marx, elle s’est inves­tie dans les clubs et dans les comi­tés, en mani­fes­ta­tion et sur les bar­ri­cades, pour l’au­to­no­mie des ouvrières et leur recon­nais­sance comme sujets révo­lu­tion­naires. L’his­to­rienne éta­su­nienne Carolyn J. Eichner, autrice d’un ouvrage de réfé­rence sur les femmes et la Commune récem­ment paru sous le titre Franchir les bar­ri­cades, en a fait un por­trait, que nous tra­dui­sons. De la Russie impé­riale à la Sibérie en pas­sant par Genève, Londres et Paris, elle nous place dans les pas d’une révo­lu­tion­naire internationaliste.

    Élisabeth Dmitrieff arrive à Paris le dixième jour de la Commune. La socia­liste et fémi­niste russe, tout juste vingt ans, contacte immé­dia­te­ment les membres du Conseil. Elle ren­contre ensuite les femmes à la tête des asso­cia­tions de tra­vailleuses. Dmitrieff, envoyée de Londres comme émis­saire de Marx et du Comité cen­tral de l’Association inter­na­tio­nale des tra­vailleurs (AIT), tire alors les leçons d’une situa­tion révo­lu­tion­naire : plu­tôt que d’en faire sim­ple­ment le compte ren­du pour Londres, elle décide de mettre à pro­fit son assise théo­rique et son expé­rience dans l’or­ga­ni­sa­tion de tels mou­ve­ments pour pas­ser à l’ac­tion. Deux semaines plus tard, le 11 avril, elle affiche et publie un « Appel aux citoyennes de Paris ». Celui-ci enjoint les femmes de se battre et annonce : « Paris est blo­qué, Paris est bom­bar­dé… Citoyennes […] aux armes ! La Nation est en dan­ger ! »

    #femmes #féminisme #la_Commune #socialistes_révolutionnaires #histoire

  • Les accidents du travail ne sont pas des faits divers
    https://www.revue-ballast.fr/les-accidents-du-travail-ne-sont-pas-des-faits-divers

    On dénom­brait récem­ment, en France, plus de 800 000 acci­dents du tra­vail dans l’an­née, entraî­nant la mort de plus de 700 tra­vailleurs et tra­vailleuses. Ce fait social mas­sif conti­nue pour­tant d’être trai­té sous l’angle du fait divers et local. Entretien avec Matthieu Lépine, pro­fes­seur d’his­toire et auteur du blog Une Histoire popu­laire, qui tient le compte Twitter « Accidents du tra­vail : silence des ouvriers meurent ». Source : Ballast