Nicole Garreau

Poétesse sans talent et dictateuse sans vergogne

  • ferait volontiers sienne la remarque ouïe à l’instant dans « La Chute de Lapinville », un feuilleton baladodiffusé d’Arte mettant notamment en scène une podcasteuse tyrannique : « À la radio tout s’entend ; même si tu es mal peigné·e ça s’entend ». Tellement vrai ! On gagne tellement en perception et en précision quand on n’est pas parasité·e par des images ! Ah vous pouvez vous aligner, hein, avec vos espèces de Minitel en couleurs ! Rien n’arrivera jamais à la cheville d’un roman ou d’un bon vieux transistor !

    Haro sur vos technologies bling-bling, vos vidéogrammes et vos connexions 4G, 5G ou on-ne-sait-plus-combien-de-G ! Mettez Arte Radio sur la bande FM et tant que vous y êtes rendez-nous aussi les Grandes Ondes !

    #MamieNicoleEstUneVieilleRéac, surtout le matin au réveil.

  • a marché aujourd’hui pendant au moins deux cent cinquante mètres — elle qui, d’habitude, agit comme dans la chanson de Brel et ne va plus guère que du lit à la fenêtre, du lit au fauteuil et du lit au lit — ce qui fait qu’elle est aussi crevée que si elle avait couru trois marathons.

    N’empêche que si tout le monde adoptait un comportement aussi responsable que le sien leurs saletés de Jeux Olympiques petits-bourgeois ne coûteraient pas un seul centime, ni en infrastructures ni en organisation.

  • n’en parle plus, des rat·e·s qui cohabitent avec elle dans la thébaïde : après quelques mois de vie commune c’est devenu un non-événement, chacun·e semble avoir à peu près trouvé ses marques, moyennant quelques précautions de part et d’autre la coexistence ne se passe pas si mal, même la vieille chienne amorphe et la scutigère véloce sont maintenant indifférentes à la présence des rongeurs.

    Mais il y a un truc, quand même, qui reste incompréhensible : ces animaux particulièrement chapardeurs ne trouvant sans doute rien de bien intéressant ou appétissant à voler (les bouquins qui pourtant traînent un peu partout n’ont pas l’air d’être à leur goût, désormais la Garreau débranche et range les fils électriques inutilisés, le garde-manger est presque inviolable et souvent vide), leur cible préférée est apparemment devenue... la brosse des sanitaires ! Non mais allô, quoi ! Si la vieille dame oublie de mettre l’objet en sécurité en la suspendant « hors sol » à la tuyauterie, elle le retrouve quelques minutes plus tard à l’autre bout de la cahute, derrière un meuble ou au milieu de la cour. Comment une bestiole dont l’intelligence n’est plus à prouver peut-elle faire ainsi une fixette sur un simple balai de cabinet d’aisance ?

    Remarquez qu’avoir des goûts de ch***te, ça renforce encore la ressemblance entre Rattus Rattus et Sapiens Sapiens.

    #PardonPourTantDeTrivialité.

  • commence à comprendre (un peu) le rap et plus largement le hip-hop. Dix à douze minutes avant de mourir. Misère de misère de misère : en écoutant la programmation d’un site de « musique approximative » la voilà même qui fait des mouvements saccadés avec les bras et remue son popotin telle une gamine prépubère.

    Jusqu’au bout elle ne se sera épargné aucune humiliation.

  • le sait bien que les souvenirs sont des reconstructions — et donc des inventions : c’est valable pour ceux qui nous assaillent lorsque l’on est en état de veille, ça l’est au moins autant pour ceux qui nous sautent à la gorge durant notre sommeil.

    Ça n’empêche pas que le petit matin la trouve presque systématiquement hébétée, le souffle court, le cœur tel une mitraillette. C’est le contenu de son rêve, c’est la mémoire ou ce qu’elle imagine être la mémoire des jours anciens qui la laisse dans cet état ; la résurgence d’âges d’or qui, objectivement, n’avaient jamais existé — ou du moins n’avaient absolument pas été vécus comme tels à l’époque où les faits s’étaient sensément déroulés.

    Que croire, qui croire et comment croire lorsque l’on a pris conscience que l’on ne pouvait par définition plus faire confiance à son cerveau ?

    (Ce n’est pas une vraie question, hein. Que personne ne se sente obligé·e d’y répondre.)

  • la voit bien, la tête de ses contemporain·e·s qui déambulent dans la grand-rue : les ceusses ont tellement l’air d’être au bout de leur life qu’elle se demandent s’iels ne sont pas tou·te·s abonné·e·s à son flux Facebook.

    Mais non, c’est malgré tout assez peu probable : ici nous sommes suicidaires parce que nous sommes trop lucides tandis qu’à l’inverse dans la « vraie » vie les gens sont plutôt désespérés par manque de clairvoyance.

    N’empêche, il n’y a jamais eu autant d’individus sinistres au kilomètre carré.

  • ne sait pas comment iels parviennent à jouer la surprise et l’offuscation à chaque fois. « Quooooooi ? La guerre ? Mais... ça alors ! Si on s’attendait à ça ! Comment se fait-ce ? Oh la la non, c’est trop affreux ! »

    Non mais sans rire ? Les mêmes causes produisent les mêmes effets, le scénario est identique depuis trois cent mille ans ! Vous passez votre temps à la préparer et à l’exalter, la guerre ! Même en temps dit de paix toutes vos soi-disant sacro-saintes « valeurs », toutes les relations humaines tendent vers ça ! La religion, le commerce, l’industrie, la propriété, la masculinité, le sport, la performance, la mise en concurrence de tou·te·s contre tou·te·s, ce n’est pas la guerre, peut-être ? Ce n’est pas la mise en condition, l’entraînement, le Sésame pour aller ensuite se ficher des missiles sur la tronche ? Et pourtant ce sont bien ces modèles de Société que vous vantez à longueurs de journées !

    On n’en a rien à carrer que ce soit Bidule qui tape sur Machin qui tape sur Trucmuche qui tape sur Tartempion qui à son tour tape sur Bidule — chacun·e se trouvant de bonnes raisons de le faire puisque c’est toujours de la faute de l’autre.

    « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », disait Jaurès.

    Quant à Sapiens Sapiens, franchement, c’est bien l’animal qu’aucun des autres ne regrettera.

  • voit tout de même un (et un seul) avantage au retour de la saison sèche, c’est que l’on peut de nouveau aller farfouiller dans la boîte à livres du village sans risquer de n’y trouver que des bouquins détrempés et gondolés par la pluie — c’est le « Conseil municipal des jeunes » (sic) qui est censé s’occuper du bon état et de l’étanchéité du dispositif, mais tout le monde s’accordera à dire que les jeunes sont par définition des incapables et des pignoufs.

    Bref, moisson du jour, « Un Soir au club » d’un certain Christian Gailly — auteur absolument inconnu au bataillon mais comme la quatrième de couverture promettait du jazz et de l’amoralité il était difficile de ne pas se laisser tenter. Las ! dès l’incipit l’enthousiasme dégringole : non mais qu’est-ce que c’est que cette prose ? Pitié, pas ça ! Ça pourrait s’annoncer intéressant, mais ne flanquez pas des phrases de trois mots en mettant des points partout ! C’est tellement lourd, tellement « années Quatre-vingts » ! On dirait du Duras sous alcool ou du Navarre sous amphètes !

    La Littérature c’est avant tout de la musique, cher écrivain, du rythme, de la pulsation, du beat ! Ça ne sert à rien d’avoir quelque chose à raconter, si on en a tant mieux mais c’est accessoire ! Il faut que ça swingue ! Ce sont notamment Kerouac et sa joyeuse bande de toxicos qui avaient particulièrement bien pigé ça. Or comment voulez-vous qu’un texte swingue si l’on butte sur un point à tout bout de champ ? On n’a même pas le temps de prendre son élan qu’il faut déjà s’arrêter !

    Tenez : la vieille Garreau, que la modestie n’étouffe décidément pas, s’est amusée à la réécrire à sa façon, votre première page, et elle la reproduit ci-dessous. Mêmes mots, mêmes propos, quasiment juste en jouant sur la ponctuation — et donc sur le flow. Bien sûr même une dictateuse de sa trempe ne saurait être juge et partie, mais sans avoir cassé trois pattes à un canard vous ne trouvez pas que ça décoiffe déjà un tout petit peu plus ? Hein, soyez franc, monsieur l’écrivain ? Sans être révolutionnaire ça ne chaloupe pas un chouïa davantage ?

    En tout cas si jamais c’est un métier c’est celui-ci qu’elle voudra faire lorsqu’elle sera grande : pas écrivaine mais simple dealeuse de cadratins et de points-virgules.

    Quand elle sera grande ? Ah mince, elle a encore oublié qu’il ne lui restait que dix à douze minutes d’espérance de vie.

  • est évidemment d’accord avec vous, monsieur Dostoïevski : « Sapiens Sapiens agit contre la raison pour protéger son libre-arbitre » — il existe cependant un moyen de le dire plus efficacement en un seul mot : orgueil.

    C’est le seul et unique péché capital puisque les six autres n’en sont que l’expression.

    Signé : la femme de la thébaïde, qui n’a décidément plus grand-chose à envier à votre homme du sous-sol.

  • apprend amusée que le chef-lieu et unique bled de l’île Umnak, en Alaska, ne compte que dix-huit habitant·e·s et se nomme... Nicolski. Nicolski ! Pour un patelin désertique et glacial du bout du bout du bout du monde ! C’est comme s’il y avait dans ce radical, « Nicol- », quelque chose qui prédestine à la solitude et l’isolement.

    En tout cas ça semble confirmer que ce sont bien les lieux, les objets et les gens qui finissent toujours par ressembler au nom qu’elles portent.

  • écoute de la musique de jeunes, maintenant ? Ha ha, non, enfin si mais non, pas tout à fait, elle est seulement tombée sur ce morceau par pure sérendipité et certes elle reconnaît que ce n’est pas Mozart mais la mélodie est entêtante et les paroles ressemblent presque à un manifeste auquel on ne peut qu’avoir envie d’adhérer. Ce qui l’étonne c’est que sauf erreur de sa part ce « La Mort avec toi » de Gargäntua n’ait pas fait l’objet d’une bronca à sa sortie — il lui semble en effet que par le passé la petite-bourgeoisie décadente a déjà poussé des cris d’orfraie contre des chansons pourtant infiniment moins virulentes et explicites que celle-ci.

    Bon, « au cas-z-où » la censure internautique finisse par se réveiller un jour la vieille Garreau s’est enregistré le titre sur la cassette de son walkwoman. C’est rigolo, les ceusses qui la croisent avec un casque sur les oreilles doivent penser qu’à son âge on n’écoute que du Charles Trenet et du Berthe Sylva. Les pauvres, s’iels savaient ce qu’on trouve dans les tympans et surtout dans le ciboulot des vieillardes indignes, tout le quatrième âge serait fiché S.

    [Pour les autres subclaquant·e·s que ça intéresserait, le lien est dans le premier commentaire parce que les liens insérés directement dans les dazibaos c’est moche et ça fait cassos.]

  • y pensait en regardant l’image d’un torrent dévalant une montagne : c’est tout de même curieux que l’eau choisisse de venir d’en haut, tout simplement parce que les probabilités ne sont pas favorables à ça : comme il y a fatalement moins de surface terrestre en altitude qu’en plaine l’eau qui se trouve en bas aurait statistiquement tout intérêt à y rester. Or là non, là il faut qu’elle s’enquiquine à monter rejoindre un endroit où il y a moins de place pour immédiatement en redescendre, c’est zinzin et presque aussi stupide que ce que feraient des Sapiens Sapiens.

    Ça pose subséquemment une autre question : l’eau qui est en bas, dans les nappes frénétiques (1) et tout ça, à la limite on veut bien admettre qu’elle vient d’en haut, des sommets, des cieux ou d’autres bidules de ce genre ; mais rien ne se perd rien ne se crée donc l’eau qui se trouve en haut, elle, par évaporation elle vient bien d’en bas, non ? Alors où est la cohérence, pourquoi l’eau se démène-t-elle comme ça ?

    Paraphrasons Pascal (Blaise, pas Sevran) et arguons que « Tout le malheur de la flotte vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une mare à ne rien faire ».

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    (1) On évite de signaler une faute qui évidemment n’existe pas et on rit de bon cœur.

  • se réveille en allumant la TSF. Sur Inter un présentateur se pavane parce qu’il pense avoir inventé un excellent calembour avec « mots » et « maux ». Sur France Cul’ on se prépare doucement à la prise d’antenne de l’inénarrable Finkielkraut. La mal nommée Nostalgie diffuse du Sardou.

    Misère de misère de misère. Faut pas s’étonner des chutes d’audience de la radio, hein. Comme le dit l’adage populaire, on n’a décidément pas la masse charnue de la partie postérieure du bassin sortie des arbrisseaux épineux de la famille des rosacées.

  • adore le surréalisme des titres de journaux : « Les Français·es sont invité·e·s à s’abstenir de se rendre en Iran, en Israël, au Liban et en Palestine ». Ha ha ! Rassurez-vous, il n’y a pas de risque, à part les bourges les autres n’ont même déjà plus assez de pognon pour aller ne serait-ce qu’à la boulangerie.

  • sent que vous avez envie de vous instruire en vous amusant, elle se trompe ? Allez, l’information rigolote du jour : sur l’île Juan de Nova (zéro habitant·e, 4,8 km², quelques centaines de mètres de longueur), paumée quelque part entre le Mozambique et Madagascar, Sapiens Sapiens avait jadis construit une... ligne de chemin de fer — n’oubliez pas que sur cette planète nous sommes dans un asile psychiatrique à ciel ouvert.

    Bon, la franchise nous oblige à signaler que depuis ladite ligne a malheureusement dû être fermée. Certainement à cause des fraudes, puisque l’on avait oublié d’ériger une gare pour que les crabes et les mouettes puissent y acheter leur billet.

    On ne peut pas penser à tout.

  • en a laissé derrière elle, hein, des fantômes dans les tiroirs et des cadavres dans les placards — mais sans doute est-il impossible de parvenir à son âge avancé sans se retourner sur une existence aux allures de champ de ruines.

    C’est le soir, surtout, dans la semi-obscurité et le secret de la thébaïde, que tous ces macchabées reviennent un par un ou tous ensemble danser autour d’elle de folles sarabandes. Toutes ces morts dont elle est non seulement comptable mais également plus ou moins responsable — parce qu’elle-même n’était pas faite pour la vie, messieurs-dames, oh non, elle-même n’a jamais su comment faire, elle a passé tout ce temps, toutes ces décennies complètement désemparée, elle n’a jamais su aimer comme il le fallait. C’est ce crime perpétuellement perpétré qu’elle s’est tellement échinée à oublier, c’est ça que ses disparu·e·s viennent maintenant quotidiennement lui rappeler, rompant ce qui aurait dû être le silence de ses dernières nuits.

    Tic tac tic tac. Les mains décharnées se tendent vers elle, ses membres s’ankylosent, la pompe tachycarde, elle va bientôt entrer à son tour dans la ronde des trépassé·e·s, elle pourra abandonner sa mue de dictateuse cruelle et sanguinaire pour implorer leur pardon et se jeter à leurs pieds. Elle n’avait pas compris, elle le jure ; elle voulait, elle croyait bien faire mais plus c’était simple moins elle comprenait, elle demeurait inaccessible aux relations humaines. Son désarroi a tué à petit feu les gens qu’elle aimait n’importe comment et l’heure des retrouvailles a maintenant presque sonné — elle a désormais peur de ne pas savoir être meilleure fille, petite-fille, sœur, amie ou amante dans l’Au-delà.

    C’est à vingt ans qu’il faut mourir, après c’est trop tard, après on passe son temps à se chercher des justifications que l’on ne trouve évidemment pas.

    Allez, cesse de te lamenter et porte la croix de tes incapacités, Nicole Garreau ; plus que quelques centimètres avant le sommet du Golgotha.

  • se targue en toute immodestie de maîtriser à peu près correctement la langue française, aussi lorsqu’elle retranscrit le titre d’une œuvre sait-elle précisément où il convient de placer les majuscules — évidemment aux noms propres, évidemment au premier mot quelle que soit sa fonction, mais aussi au premier substantif et aux éventuels substantifs suivants dans le cas où ceux-ci font partie d’une énumération dans laquelle ils sont de valeur égale au premier : « Le Corbeau et le Renard » (ils sont sur le même rang) mais « Le Renard et les raisins » (ils n’y sont pas).

    En ce qui concerne la retranscription des titres dans les autres langues, en revanche, elle tâtonne. Elle suppose que celles à dominante latine (espagnol, italien, portugais, roumain...) suivent peu ou prou les mêmes règles que le français, quand c’est un titre en allemand elle fait comme si c’était une phrase normale (majuscule au premier mot et à tous les substantifs), quand c’est un titre en anglais elle a cru comprendre qu’il fallait mettre des majuscules partout sauf aux déterminants et aux conjonctions (mais elle trouve ça moche), quand c’est un titre dans une autre langue que ces sept-là elle y va un peu au petit bonheur la chance.

    Bon, évidemment vous aurez beau jeu d’arguer qu’elle pourrait facilement se renseigner en demandant par exemple à son Lectorat qui comme chacun·e le sait est composé exclusivement d’esthètes et d’érudit·e·s — seulement voilà, sa fonction et sa réputation de dictateuse censément omnisciente lui interdisent de publiquement confesser quelque lacune que ce soit.

    Ce métier de despote est un sacerdoce.

  • l’aime tout de même bien, cette information (déjà ancienne mais vérifiée) : Trump a fait enterrer son ex-femme sous son terrain de golf pour l’unique raison qu’aux Tas-Unis les cimetières sont exemptés d’impôts.

    La classe ! Question pragmatisme, même l’excellent Kim Jong-un est battu.

  • avait gardé un assez bon souvenir de la lecture de « L’Élégance du hérisson » de Barbery — elle croit se rappeler qu’elle avait trouvé ça plutôt intello et futé, ce qui n’est pas incompatible contrairement à ce que l’on essaie ne nous faire gober. Las ! elle s’était décidée hier soir à en regarder l’adaptation cinématographique et a abandonné à la moitié du film : la réalisatrice a transformé le récit en une espèce d’histoire « feel good », or nous savons qu’il n’y a rien de plus insupportable que les bobos qui diffusent des fake news en nous serinant que les gens sont touchants et que la vie est belle. Collabos !

    En conséquence de quoi et comme il était trop tard pour tenter un second long-métrage elle s’est rabattue sur... « La Voix humaine », mais version Almodóvar. C’est drôle parce qu’elle n’a jamais été très fan de Cocteau (ni le personnage ni son œuvre) mais dans le texte de ce monologue téléphonique ça va, il y a quelque chose — c’est sûrement dû au fait que l’on garde en mémoire l’époustouflante interprétation qu’en fit jadis Magnani devant la caméra de Rossellini. Savez-vous qu’à l’époque et bien qu’elle ne comprenne pas un mot d’italien (1) votre serviteuse avait vu le film en version originale non sous-titrée ? Truc de dingue : Magnani est une actrice tellement fascinante que l’on n’a pas besoin de comprendre ce qu’elle dit pour être scotchée par ce qu’elle dit, elle pourrait lire l’annuaire en javanais qu’on en resterait quand même émerveillée.

    Bon, là force est de constater qu’Almodóvar n’est pas Rossellini et que Swinton, même si elle aussi a une vraie trogne, n’est pas Magnani — « La Voz humana » version 2020 n’éclipse donc pas « Una Voce umana » version 1948 (c’est amusant, d’ailleurs, non, ce passage de l’article indéfini à un article défini ? Est-ce que ça dit quelque chose sur le changement d’époque ou sur la différence culturelle entre l’Espagne et l’Italie ? Mystère et boule de gomme), et dans ce contexte le téléphone portatif à oreillette s’avère un chouïa moins convaincant que son ancêtre en bakélite. Il n’en demeure pas moins que cette récente adaptation reste prenante, on y croit, la mise en scène façon « Dogville » (où l’on montre que le décor est un décor) introduit une nouvelle distance et c’est une bonne idée.

    Voilà, cher Lectorat, vous savez tout. Entre deux sanglots et trois crises d’angoisse ça se passe comme ça, une soirée culturelle en province.

    « La Voix humaine », évidemment sur Arte.

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    (1) Hormis « Umarell », « Zdaura » et « E pericoloso sporgersi ».

  • refuse de se lancer dans des comparaisons hasardeuses et a fortiori d’établir des hiérarchies — il ne saurait y avoir de discriminations au sein du Lectorat, qui où qu’il soit trépigne en attendant l’avènement de la Dictatature du Punkàchiennariat —, mais elle est bien obligée de constater que lorsqu’elle publie initialement son dazibao sur Facebook (ou on ne l’aime que pour son corps) il ne faut pas un quart de seconde avant que des millions d’abonné·e·s en délire se bousculent pour lui arracher un bout de sa couche-confiance, tandis que lorsqu’elle publie la « copie de sauvegarde » du même dazibao (à la virgule près) sur SeenThis, certes elle ne récolte au mieux qu’un ou deux commentaires en trois semaines mais on lui répond en citant Mao Zedong, Rosa Luxemburg ou Bakounine et on lui balance des extraits de films de l’Internationale Situationniste.

    Vraiment deux salles deux ambiances.

  • se souvient que de son temps à elle les gens faisaient déjà des photos moches ; bon, nous avions tendance à le leur pardonner puisqu’à l’époque le procédé était tout nouveau, qu’il n’y avait qu’une poignée de gugusses à pratiquer ça, qu’il fallait galérer avec des plaques de verre, des chimies de psychopathes et ne trouver que des sujets capables de ne pas bouger d’un millimètre pendant huit heures — ça calmait un peu les ardeurs.

    Quelques décennies plus tard un immonde capitaliste américain (Eastman) qui aurait trouvé dommage de ne pas faire de pognon avec ça a lancé un appareil un peu plus pratique, moins encombrant, utilisant une pelloche, moins onéreux, plus rapide et à l’instar de la Ford T® destiné à un plus grand public. Évidemment doté·e·s de ce truc les ceusses prenaient des photos moches quand même et iels en prenaient déjà même vachement plus, mais nous le leur pardonnions parce que bon, nous n’étions que de la gueusaille et iels étaient des bourgeois·es.

    Encore quelques décennies plus tard des comiques ont inventé la photographie numérique et Photoshop®. Là, comme après achat du matériel prendre des images ne coûtait presque plus rien, qu’on pouvait se photographier les fesses sans avoir à se déguiser pour oser aller récupérer ses clichés dans un labo et que sans sortir de chez soi on pouvait s’enlever les poils disgracieux pixel par pixel, ça a donné aux gens la possibilité de prendre d’invraisemblables quantités de photos moches et trafiquées qu’ils pouvaient ensuite éventuellement diffuser sur MySpace® — mais nous le leur pardonnions parce qu’il faut bien admettre que nous faisions tou·te·s à peu près les mêmes.

    Là, maintenant, en Germinal 232, nous n’avons même plus besoin de prendre des photos : il suffit de dire exactement ce que l’on veut voir et la machine les fait à notre place. Or qu’obtenons-nous lorsque ladite machine exauce nos désirs ? Gagné, un déferlement sans limites d’images sorties tout droit de cerveaux malades donc toutes plus moches, prétentieuses et stupides les unes que les autres.

    Moralité : offrir la technologie aux Sapiens Sapiens, c’est comme donner de la confiture aux cochons.

  • ne la trouve pas mauvaise, la nouvelle idée de son confère despote tchétchène qui consiste à interdire toutes les musiques dont le tempo n’est pas compris entre 80 et 116 bpm : ça prohibe les adagios et les allégros de Mozart, mais ça autorise La Danse des Canards.

    Faut savoir faire des choix dans la vie, et de la mégalomanie à la mélomanie il n’y a généralement pas très loin.

    De toute façon s’il n’y avait pas une fois de temps en temps des lois rigolotes comme ça, dans ce monde il ne se passerait jamais rien.

  • n’en peut plus, là, la gueusaille ! Faut toujours que vous interprétiez tout de travers ! On ne veut pas vous retirer le droit de grève, pensez, on y tient comme à la prunelle ou la fantasio de nos yeux ! L’actuel projet de Loi des sénateurices, c’est juste pour vous le supprimer pendant les moments où les bourges partent en vacances, les moments où les bourges vont au ski, les moments où les bourges vont à la plage, les moments où les bourges vont voir des bourges taper dans une baballe, les moments où les bourges ont besoin de leur avion ou de leur automobile pour aller planquer leur pognon en Suisse, les moments où les bourges se débarrassent de leurs mioches dans les écoles, les moments où...

    Enfin bref, le trente février entre minuit et minuit une vous pouvez faire la grève comme vous voulez, mais pas plus de deux personnes à la fois, pas dans la rue, sans hurler trop fort et sans faire griller des merguez sur votre balcon parce qu’à cette heure-ci il y a des bourgeois·es qui dorment.

    Le problème, avec les pauvres, c’est qu’iels ne comprennent jamais rien à la pensée complexe.

    #MamieNicoleEnfonceDesPortesOuvertes.

  • avait mis son petit fichu sur sa tête afin de protéger ses bigoudis de la pluie, et voilà qu’en dépit du déambulateur elle se surprit à marcher dans la rue en essayant d’adopter la dégaine de Machine, la dreadeuse à pucheca qui est l’héroïne de la série Arte dont il vous fut fait l’éloge dans le préantépénultième dazibao.

    Aucune personnalité et trois ans d’âge mental dans un corps de centenaire ; le voilà, le vrai chemin de croix de votre seenthiseuse préférée.