CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • Sionisme : « pas en notre nom »
    Propos recueillis par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Les-fantomes-du-Shtetl

    Pierre Stambul, militant libertaire et antisioniste, vient de publier Israël/Palestine, Du refus d’être complice à l’engagement [1] . Il raconte ici ses racines juives et athées et, en opposition au colonialisme israélien, évoque un judaïsme multiethnique et sans frontières, ainsi que le souvenir du Yiddishland de ses ancêtres, vecteur d’une culture, d’un état d’esprit et de courants d’idées prônant une émancipation universelle.

    #cqfd

  • Rock the casbah par Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/Rock-the-casbah

    Du rock arabe ? Certes, depuis Raïna Raï et Carte de séjour, le sujet n’est pas inexistant. Certains ont continué dans cette veine : Rachid Taha, Zebda ou Gnawa Diffusion. Plus proche de nous, Temerik electric, groupe des quartiers nord de Marseille, revendique le terme d’« Ar’bian rock ». En dehors de ça, y en a pas bezef non plus. Et avant les années 80 ? Walou ? Les interpénétrations entre la musique arabe et le rock’n’roll ont assurément pâti de la défiance réciproque du monde musulman et de l’impérialisme yankee. De même, on peut penser qu’avec la richesse des rythmes orientaux et la force des mélodies de la poésie chantée, les pays arabes n’avaient pas réellement besoin de produits d’importation au tempo binaire. Enfin, le rock avait jadis une réputation sulfureuse, annonciatrice de révolte de la jeunesse et de libération des mœurs, et pouvait s’avérer transgressif pour la société traditionnelle musulmane et les régimes autoritaires en place.

    Pourtant, il existe bien quelques exemples de ce mezzé improbable : on peut évoquer le guitariste Omar Khorshid, sorte de Link Wray égyptien ; Les Abranis, groupe psyché kabyle au début des années 1970 ; ou encore,à la même période le groupe français Les Variations, dont la plupart des membres ont été bercés par la musique arabo-judéo-andalouse, interprètent plusieurs morceaux composés, dont « Kasbah Talda », par le violoniste tunisien Maurice Meimoun, qui avait aussi accompagné de grands noms de la musique arabe comme Hedi Jouini ou Farid El Atrache.

    https://www.youtube.com/watch?v=v874aFhJ1RI&feature=player_embedded

  • La Brique dans la vitrine
    http://www.cqfd-journal.org/La-Brique-dans-la-vitrine

    Pour avoir une idée de la ligne éditoriale du journal, il suffit de jeter un œil dans l’ours : « Structure légale : Association Les Amis de La Brique, à statuts horizontaux et à but non lucratif. Directeur tournant (sur lui-même) de publication : [le nom est différent à chaque publication]. Chef véritable : Yapadchef. Mécènes : quiconque adhère à l’association, diffuse, achète ou vole le journal. » Cela va faire cinq ans que La Brique, bimestriel spécialisé dans les « infos et enquêtes de Lille et d’ailleurs », existe. Cinq ans que ce canard sans pub ni subvention glisse son poil à gratter sous les fesses des élus locaux et des deux mastodontes de la presse lilloise : « La Brique est le seul journal qui puisse dire que La Voix du Nord et Nord Éclair ne sont que des torchons publicitaires, et le démontrer. Le seul qui enquête sur des pollutions au plomb en plein quartier populaire à Lille Sud. Le seul qui écrive sur des bavures policières ; le racisme ordinaire ; les expulsions de pauvres de leur quartier ; l’écologie citoyenne à la mords-moi-le-nœud ; la lesbophobie institutionnelle ; l’absurdité des politiques migratoires ; l’histoire ouvrière et la culture populaire face à la machine de guerre Lille 3 000 ; d’autres manières de concevoir l’habitat, l’éducation… »

    http://labrique.net

    #presse #journalisme #Lille #France

  • Chronique judiciaire par Olivier Katre
    http://cqfd-journal.org/Au-TGI-de-Lyon-le-handicap-mental

    Abdelatif a 41 ans, il est dans le box des accusés de la salle d’audience des comparutions immédiates du tribunal de Lyon, le 10 décembre 2012.

    Il est sourd et n’entend pas ce que lui dit le tribunal. Il fait répéter plusieurs fois les paroles du juge. Finalement, il passe sa tête entre les barreaux vitrés qui le séparent des magistrats pour tendre l’oreille, ce qui le contraint à se plier en deux, la tête coincée entre les barreaux du box des accusés. Mais le juge ne s’en émeut pas et poursuit la lecture des procès-verbaux des policiers.

    « J’ai pas pris mes médicaments depuis 4 jours… tout à l’heure je suis tombé », se plaint Abdelatif dès que le juge l’interroge. Il pleure : « Ça fait quatre jours que je suis encastré [sic], je ne suis pas bien, je ne sais pas pourquoi je suis devant ce tribunal, je n’en peux plus. » Le président propose alors qu’on reporte la séance en attendant que les médicaments aient fait leur effet, mais le prévenu refuse et son avocat intervient : « Mon client a été hospitalisé récemment à l’hôpital psychiatrique du Vinatier. Je vais demander un délai pour qu’une expertise psychiatrique soit effectuée. »

  • Esclavage patrimonial
    par Sebastien Navarro
    http://cqfd-journal.org/Esclavage-patrimonial

    Le 31 décembre 2012, un rassemblement était prévu à Perpignan (Pyrénées-Orientales) pour soutenir Badia placée sous le coup d’une OQTF. Puis tout fut annulé. Épuisée, elle venait d’être hospitalisée.

    Quelques jours auparavant, elles étaient cinq clandestines à sortir au grand jour pour raconter leur histoire : Badia, Nadia, Kenza, Jamila et Fatima. Cinq femmes sans-papiers ayant en commun, outre leur origine marocaine, de s’être échappées d’un enfer conjugal. Fatima : « Je suis rentrée en France le 30 avril 2011. Je n’avais jamais eu l’idée de vivre ici. J’étais la seule fille de mes parents, j’étais inscrite à la fac de droit. Mon mari était français et m’avait promis que je pourrais poursuivre mes études en France, qu’on allait faire notre maison mais on est restés dans sa famille. On est huit à la maison, je suis la dernière à manger. Il m’a interdit la fac, de regarder la télé ou de parler à mes parents au Maroc. C’est mon beau-père qui est méchant : si je casse quelque chose dans la cuisine, il le dit à son fils et il me tape et m’insulte. » Á bout de forces, Fatima a appelé un cousin à l’aide qui a fait intervenir une association : « Ils ont constaté les bleus sur mon corps. Mais les gendarmes du village ont dit que j’étais une menteuse. Qu’est-ce qu’on peut faire ? On ne sait rien de la loi française. » Fatima s’est enfuie.

  • « Le bruit de votre monde qui s’écroule »
    propos recueillis par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Le-bruit-de-votre-monde-qui-s

    À l’aube du 21 décembre 2012, alors que les médias du monde entier s’amusaient à se faire peur avec la prophétie maya de « la fin du monde », plus de 40 000 indiens zapatistes envahissaient silencieusement cinq chefs-lieux du Chiapas. Deux témoins nous racontent.

    CQFD : Vous étiez à San Cristóbal de Las Casas, le 21 décembre, le jour où plus de 20 000 zapatistes, le visage dissimulé par des passe-montagnes et des bandanas, ont défilé dans la ville. Cela a-t-il été une véritable surprise ?

    El Chaparro : Une alerte avait été publiée sur « Enlace zapatista », le site internet de l’EZLN, au sujet d’un prochain communiqué. Mais très peu de gens savaient que les zapatistes allaient réoccuper de façon symbolique les cinq villes qu’ils avaient prises les armes à la main le 1er janvier 1994, lors de leur première apparition publique. En mai 2011, il y avait déjà eu une grande manifestation mais d’une moindre ampleur. Elle était destinée à soutenir le « Mouvement pour la paix avec justice et dignité ». Cette fois-ci, ce sont plus de 40 000 zapatistes – des femmes, des hommes, des enfants et des personnes âgées, qui ont manifesté dans cinq villes différentes.

    Thomas : La veille, ils s’étaient rassemblés dans les caracoles, sortes de centres politico-culturels du mouvement, où siègent notamment les assemblées de « bon gouvernement » zapatistes. Certains ont dû faire jusqu’à dix heures de route pour rejoindre ces lieux de regroupements. C’est sûr que ça a dû demander de sacrés efforts ! Pour le transport, la nourriture, et puis au niveau des communautés et des familles, pour remplacer ceux qui étaient partis manifester…

    El Chaparro : À San Cristóbal, ils sont arrivés à l’entrée de la ville à l’aube avec leurs redillas – ces énormes pick-up dans lesquels on voyage debout. Ils se sont alors rassemblés, puis ont marché en direction du centre. Afin de faciliter leur organisation, chacun portait un numéro se rapportant aux caracoles et aux municipios dont ils font partie. Ils marchaient en silence dans les rues, sans rien dire, sous une pluie permanente. Leur formation semblait très militaire. Dans chaque ville, ils ont fait le tour de la place centrale. Un pick-up avait amené une estrade sur laquelle chaque personne est passée en levant le poing. Aucun commandant zapatiste ne s’est manifesté. Personne n’a pris la parole. Ce n’est que le soir qu’a circulé ce communiqué du Comité clandestin révolutionnaire indigène qui disait : « Vous avez entendu ? C’est le bruit de votre monde qui s’écroule. C’est celui du nôtre qui resurgit. Le jour où le jour fut, c’était la nuit. Et ce sera la nuit le jour où ce fera le jour. Démocratie ! Liberté ! Justice ! »

    Thomas : En 2003, 20 000 zapatistes s’étaient déjà rassemblés toute une nuit à San Cristóbal, torche à la main, pour annoncer la création des caracoles. En mai 2011, ils étaient près de 25 000. Mais ce 21 décembre, il s’agit du plus gros rassemblement public organisé jusqu’à présent par l’EZLN.

  • SAMEDI 9 MARS

    C’est officiel, Article11 papier n’est pas mort. La preuve ? Le numéro 11 part à l’impression mardi prochain (4 mars). Et pour fêter ça, on organise une soirée de soutien (ou de biture, comme on veut). Objectif : renflouer des caisses un tantinet moribondes, fêter la nouvelle formule et oublier l’enfer du bouclage. Ca se passe le samedi 9 mars à la Parole Errante (en partenariat avec l’étourdissant Café-librairie Michèle Firk). Il y aura des concerts, des poissons volants, des tables de presse et des trémoussements en rafale.

    Au programme : Ancrages (rap & balafres), Joujou (bruits & crustacés), Monsieur Marcaille (Violoncelle & étincelles) et Besoin Dead (Noise & squelettes en transe). A partir de 1h du mat, le Staling.crew s’empare des platines et ne les lâche plus : ça va swinguer dans ta face. Rater ça ? N’y pense même pas.

    Entrée prix libre, de 20h à 6h du mat’. Adresse précise : La Parole Errante, 9 rue François Debergue, Montreuil, métro croix de Chavaux. Hop hop.

    http://www.article11.info

  • Heyoka ne se rend pas
    par Nicolas Norrito
    http://cqfd-journal.org/Heyoka-ne-se-rend-pas

    L’album a été produit par cinq labels. Où en est la scène punk combative aujourd’hui en termes de structures (lieux, fanzines, labels) ?

    L’industrie culturelle est une vaste machine à faire du fric au service de l’idéologie dominante. Fidèles à la philosophie « Do It Yourself », nous gérons nos productions de manière totalement autonome. Les cinq labels, Maloka, LaDistroy, ZoneOnze, General Strike et Deviance fonctionnent sur des bases simples : pas de salariat, pas de contrat, prix de vente minimal, notre album à 8 euros par exemple, distribution indépendante, totale liberté de création et de production. Pour ce qui est de la scène punk combative aujourd’hui, il faut être réaliste, la situation est loin d’être simple. Nos musiques sont un vecteur très important de diffusion d’idées. Mais le peu de salles autogérées et de structures culturelles et sociales autonomes nous confine à très peu de visibilité. Nous avons un retard conséquent en termes d’organisation sur des pays comme l’Allemagne, par exemple.

  • Rafistoler, la belle affaire, mais libérer... par François Maliet
    http://cqfd-journal.org/Rafistoler-la-belle-affaire-mais

    Les Baumettes sont un cloaque, c’est connu depuis perpét’. Mais l’Organisation internationale des prisons doit multiplier les procédures judiciaires afin que l’administration pénitentiaire sorte enfin sa boîte à outils. À défaut de libérer les prisonniers pour cause d’insalubrité…

    Rien que ça ! Il aura fallu trois passages devant les tribunaux – un premier référé devant le tribunal administratif suivi d’un appel devant le Conseil d’État, puis un second référé dit « mesures utiles » – pour que l’administration pénitentiaire des Baumettes daigne rafistoler fissa sa taule décrépite.

    #cqfd

  • Trente années de crimes policiers par Jacques Colin
    http://cqfd-journal.org/Trente-annees-de-crimes-policiers

    Jamais la police n’a autant tué que ces dernières années. Entre 1977 et 1987, on comptait 6 morts par an. Ce chiffre est passé à 8 (1987-1997) puis à 10 (1997-2001), jusqu’à atteindre désormais une moyenne de 12 morts par an ! Au cours des trois dernières décennies, quelque 300 jeunes sont tombés sous les balles des unités de choc de la police nationale. Trois livres récents décortiquent cette violence industrielle. Le premier, La Domination policière (éditions La Fabrique) signé du sociologue Mathieu Rigouste, énonce que la violence n’est pas accidentelle, qu’elle est rationnellement produite par l’État pour maintenir les pauvres à leur place, et qu’elle est rentable puisque le modèle français de « maintien de l’ordre » s’exporte. Le deuxième, Rengainez, on arrive ! (Libertalia), rédigé par Mogniss H. Abdallah, fondateur de l’agence IM’media, est une chronique passionnée de trente années de résistances aux violences racistes et sécuritaires ; ce récit rappelle que toute lutte a une mémoire qui doit être transmise pour construire les mobilisations futures. Enfin, Je n’aime pas la police de mon pays (Libertalia) de Maurice Rajsfus retrace l’histoire du bulletin mensuel Que fait la police ? et démontre que l’alternance politique ne change rien à la violence exponentielle des flics. Au fait, qu’est devenu le slogan des années 1990 : « Dissolution immédiate des Brigades anti-criminalité ! » ? Après plus d’une décennie ultra-sécuritaire, il serait bon de le remettre au goût du jour.

  • T’as pas 100 balles ?
    http://www.liberation.fr/economie/2013/02/24/le-crowdfunding-avant-l-heure-selon-liberation-t-as-pas-100-balles_883808

    En 1974, Libération cherche de l’argent pour payer ses dettes et continuer à paraitre. Il manque 30 millions — on parle en anciens francs. 10F, 50F, 100F, le journal fait appel aux dons de ses lecteurs.

    T’as pas 100 balles ?

    Vous avez déjà donné 18,6 millions à Libération depuis le 1er octobre. il en manque 30. Vous pouvez nous sauver.
    Quelques milliers d’anciens francs chacun, c’est un film qu’on ne verra pas, un restaurant de sacrifié, quelques bouteilles, un tiercé... A tout moment nous pouvons être mis en faillite et pourtant notre budget est équilibré. L’argent ne sombre donc pas dans un gouffre et tout est possible.

    C’est par là pour voir l’appel à soutien de #cqfd :
    http://seenthis.net/messages/112299

  • Shelley : la poésie contre l’économie par Mc Murty
    http://cqfd-journal.org/Shelley-la-poesie-contre-l

    Deux bouquins, parus il y a peu, revisitent parallèlement les premiers temps de la civilisation industrielle. L’un présente le point de vue d’un poète qui vomissait la tyrannique avidité des riches ; l’autre relate les malheurs et les exploits d’ouvriers qui secouèrent le joug du salariat naissant. On y glanera au passage quelques enseignements sur le monde actuel mais aussi sur les voies qui, de Notre-Dame-des-Landes à Saint-Pognon-sur-Achéron, peuvent mener à l’avènement de la liberté : la révolte sans concession et le sabotage généralisé.

  • Les dépossédés par Nicolas Arraitz
    http://cqfd-journal.org/Les-depossedes

    Carmen et Paco ont eu moins de vingt-quatre heures pour tenter de mettre leur vie à l’abri. Vingt-quatre heures après réception de l’avis d’expulsion, un huissier a frappé à leur porte, accompagné d’un serrurier, de deux gardes civils et d’un greffier. Leur mobilier a fini sur le trottoir, et les autorités locales ayant refusé de mettre un garde-meuble à disposition, tout fut perdu. « Sept mois auparavant, à cause de la crise, j’avais été licencié du bar où je travaillais comme serveur depuis quinze ans, explique Paco, un quadragénaire à l’air décidé. Depuis, je fais des gâches à droite à gauche, maçonnerie, plomberie, mais sans fiches de paye, impossible de signer un bail. En plus, les proprios te demandent deux garants et deux mois d’avance. Voilà pourquoi nous avons décidé de nous joindre à cette occupation. » Après l’expulsion, Carmen et son fils se sont réfugiés chez sa belle-mère, sa fille chez une amie et lui chez son frère. Une assistante sociale les a inscrits sur une liste d’attente pour obtenir une HLM, mais il leur faudra patienter au moins cinq ans. « On ne demande pas la charité, mais le droit à un logement digne », clarifie Carmen, petit bout de femme aux traits tirés.

  • Quartiers nord en résistance par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Quartiers-nord-en-resistance

    Quand les opérations de concertation menées par les pouvoirs publics ne débouchent sur rien d’autre que des relogements forcés, certains habitants de ces cités, partiellement dégradées mais totalement vivantes, au nord de la ville de Marseille, se rebiffent. Leurs exigences ? Vivre dignement là où ils ont construit leurs existences. Ni plus ni moins.

    « Dans le cadre de la rénovation du quartier de la Savine, la communauté urbaine, où je suis élue, prévoyait la préservation des collines. Or, j’ai pu constater sur le plan local d’urbanisme qu’une partie de la zone jouxtant le haut du quartier rénové pourrait être destinée à devenir une carrière », explique, calmement et au milieu du brouhaha, Joëlle Boulay, adjointe à l’urbanisme à la mairie des 15e et 16e arrondissements de Marseille. Le silence se fait d’un coup dans cette salle du groupe scolaire de la Savine. La petite cinquantaine de personnes ayant fait le déplacement ce 15 novembre était conviée à un de ces « ateliers de concertation » organisés par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), prétendant faire le lien entre, d’une part, les décideurs rassemblant des bailleurs sociaux, un représentant du préfet et le chef de projet urbain, et, d’autre part, des habitants et commerçants de la cité. Car, ce quartier, accroché aux pentes occidentales du massif de l’Étoile, est inscrit dans le vaste programme de l’ANRU, qui, sur la ville de Marseille, a pour objectif de réhabiliter, rénover, ou reconstruire, selon les cas, quatorze cités composées principalement de logements sociaux.

    L’ensemble de bâtiments de la Savine, construit telle une forteresse en 1973 et accessible par une seule route, comptait initialement trente cinq immeubles. En 1993, six d’entre eux sont détruits. Cinq nouvelles démolitions sont réalisées en 2003 au moment même où le plan global Rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo, alors ministre du Travail, de la Cohésion sociale et du Logement, est annoncé. En 2009, la découverte d’amiante dans les cloisons des appartements contraint à l’arrêt des travaux entrepris. Dès lors, il n’est plus question de réhabilitation des habitats existants, mais d’une démolition de la cité suivie d’une reconstruction selon de nouveaux plans destinés à « désenclaver le quartier et à y favoriser la mixité sociale », selon les dires des décideurs.

  • Un dangereux fumeur de cannabis pris dans les mailles de la justice
    Par Olivier Katre
    http://cqfd-journal.org/Un-dangereux-fumeur-de-cannabis

    Il est 23 h 50, en cette fin novembre, rue Léo Lagrange à Vénissieux dans la banlieue lyonnaise, alors que Khaled et Yacine bavardent avec deux autres personnes assises dans une voiture. Des policiers de passage décident de les contrôler. Yacine s’éloigne. Interprétant ce geste comme une fuite, ils le rattrapent, le fouillent et s’emparent de sa sacoche : elle contient 158 grammes de shit. Dans leurs procès verbaux, les pandores affirment qu’à leur approche, Yacine, encore mineur, s’est fait remettre cette sacoche par Khaled dans les poches duquel ils trouvent la somme de trente euros. La perquisition effectuée au domicile de ce dernier va aboutir à la saisie de quelques grains de cannabis et d’un morceau de papier sur lequel sont listées des chiffres, document aussitôt regardé comme étant des comptes de vente de stupéfiants.

  • Festival Novela : Cheval de Troie du techno-pouvoir
    par Joël Auster
    http://cqfd-journal.org/Festival-Novela-Cheval-de-Troie-du

    Les nouvelles technologies sont là pour nous faciliter la vie, c’est bien connu ! Et tous ceux qui évoquent le cauchemar orwellien ne sont que de sinistres grincheux. Pourtant, il semble toujours nécessaire aux thuriféraires des nanos et des puces partout de vendre leur camelote, à Grenoble comme à Toulouse, emballée dans de jolis paquets-cadeaux pour les grands enfants que nous sommes restés.

    « Prêt pour une balade réelle et virtuelle dans le passé et le futur du quartier du Mirail ? » En octobre, la mairie de Toulouse proposait aux résidents de ce quartier populaire une « randonnée numérique » sympa avec smartphones prêtés généreusement, le temps d’une journée (pas plus !), pour « visionner en 3D réalité augmentée la Maison de l’image » qui verra le jour dans leur quartier en 2014… Ce petit événement faisait partie de la 4e édition de Novela, « le festival des savoirs partagés ». Novela est un nouveau prototype d’événement municipal ludico-artistique chargé de relayer une propagande scientifique et managériale trop obscure pour toucher le populo. La métropole de Toulouse imite celle de Grenoble, passée maître dans le culte de la technologie culturelle. Par rapport à celle des Alpes, la capitale de Haute-Garonne possède quelques arguments à faire valoir : recherche aéronautique, spatiale et militaire (usines d’Airbus-EADS, une division de l’Onera (Office nationale d’études et de recherches aérospatiales), le centre national de recherche aéronautique), grandes écoles d’ingénieurs comme l’Institut nationale des sciences appliquées (INSA) et l’ISAE (Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace) et multiples labos universitaires. Depuis 2007, Toulouse concurrence même Grenoble dans le domaine des nanotechnologies.

  • Ultragauche : le marronnier par Sébastien Navarro
    http://cqfd-journal.org/Ultragauche-le-marronnier

    Après les casseurs dans les manifs, les médias ne ratent pas l’occasion d’agiter le chiffon rouge de l’ultragauche lors de contestations sociales radicales, pour couper la lutte de tout soutien populaire. Et justifier la répression.

    Lundi 3 décembre, le thème du « Téléphone sonne » sur France Inter était : « L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : Nécessité économique ou désastre écologique ? » Sur le plateau, deux invités se font face : Christophe Clergeau (PS) et Pascal Durand (EELV). 19 h 48, Pierre Weill, taulier de l’émission, lit le message d’un auditeur à l’attention de Pascal Durand : « Admettez-vous qu’il y a parmi les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des gens qui sont des sortes d’anarcho-autonomes, viscéralement anticapitalistes ? Pour eux, un aéroport, c’est un symbole d’argent, un symbole de la société de consommation. Tout dialogue avec ce genre de militants violents est impossible. » Durand botte en touche, parle de la grande manifestation non-violente du 17 novembre, entre 30 000 et 40 000 pékins, des centaines de tracteurs… Hargneux, Weill le coupe et revient à la charge : « Mais y a-t-il aussi des anarcho-autonomes ? » Agacé, Durand change de braquet et aborde le sujet des violences policières avant d’avouer qu’il n’est même pas sûr « que des gens de cette nature soient arrivés sur le site ». C’est alors au tour de Clergeau de dégainer et d’intimer aux élus, sous-entendus ceux de EELV, de « se désolidariser de cette violence et [de ne pas] faire l’autruche comme s’il n’y avait pas ces personnes-là. »

  • Occupation maraîchère contre éco-bétonneurs
    par Géo Cédille, Mickael Correia
    http://cqfd-journal.org/Occupation-maraichere-contre-eco

    À Dijon, depuis bientôt trois ans, de joyeux zigues binent la terre sur une friche maraîchère et luttent pour défendre cet espace voué à la rénovation urbaine.

    Ce sont près de 28 hectares de friches, dont six de terres cultivables, qui doivent être réhabilités en un éco-quartier baptisé « Le Jardin des maraîchers », en référence au passé agricole du coin. Ce projet urbanistique, prévu pour 2015, a été conçu par Nicolas Michelin, architecte qui se targue de s’inspirer du « génie du lieu », qu’il définit comme « l’impression, l’air, l’atmosphère… [car] nous devons nous imprégner de ce qui existe, de l’histoire, des hommes, avant de construire ».

    « Le génie du lieu, c’est plutôt nous qui le portons, en refaisant vivre cet ancien quartier maraîcher ! », s’exclame une jardinière du coin. Ce « nous » rassemble voisins des HLM alentours, squatteurs ou jardiniers de tous horizons qui se sont réappropriés ce lieu baptisé Les Lentillères.

  • Question d’hier et de demain : Homo sacer et les Tziganes
    De Roswitha Scholz
    http://www.forumcivique.org/fr/articles/questions-dhier-et-de-demain-homo-sacer-et-les-tziganes
    Suite de : “ Les Roms et "nous" ” : http://seenthis.net/messages/107327

    C’est à travers les réactions aux krachs massifs du capitalisme en crise que l’on discerne les caractéristiques structurelles communes au vif antitziganisme qui sévit dans différents pays occidentaux. A la menace de déchéance que connaissent les classes moyennes, est venue s’ajouter entretemps une inflation galopante qui fait s’envoler les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. En outre, et tout cela est lié, on voit se diffuser les idéologies racistes aussi bien dans les couches « supérieures » qu’« inférieures ». Ce qui se passe actuellement en Italie l’illustre parfaitement.
    Pour désigner cette barbarisation des classes moyennes en déclin, le spécialiste italien de la culture Claudio Magris a proposé le terme de « lumpenbourgeoisie », et ce avant même la flambée d’attaques contre les Roms. Les recommandations de l’UE visant à mettre un terme à cette « politique tzigane » resteront probablement lettre morte, puisqu’en dernière instance ce sont les Etats membres qui sont compétents ; or, presque tous doivent affronter le « crépuscule des classes moyennes », et l’on sait qu’une alliance entre « masses et élite » (Hannah Arendt) n’est absolument pas exclue. Sur la question de savoir jusqu’où la gauche serait prête à aller en matière de critique du syndrome anti-Roms, il vaut mieux également renoncer à toute illusion. Qu’on songe simplement aux tirades d’Oskar Lafontaine à propos des travailleurs étrangers : à tout moment elles peuvent se charger d’antitziganisme. Toute la presse nous répète à l’envi que l’actuelle idéologie anti-Roms en Italie se rencontre tout spécialement dans les quartiers fortement « ancrés à gauche ». Cela a beaucoup à voir avec le traditionnel centrage de la gauche sur le brave et honnête salarié, avec ses préjugés contre un soi-disant lumpenprolétariat considéré comme la lie de la société, et donc a fortiori contre des « Tziganes » que l’idéologie raciste place encore plus bas que les lumpenprolétaires « autochtones ». Cette tradition demeure bien vivante dans le contexte actuel de fragilisation des classes moyennes, et sûrement pas uniquement en Allemagne et en Italie.

    #romophobie

  • Frappe préventive par Casse-Noisette
    http://cqfd-journal.org/Frappe-preventive

    Ces nanas ont du cran, les 343 qui ont signé le manifeste « Je déclare avoir été violée ». Le Nouvel Observateur – qui, soit dit en passant, adore diffuser sur son site des photos de femmes les seins à l’air… – l’a publié le 21 novembre dernier et en profite pour faire sa pub. Mais ça n’a pas non plus fait beaucoup de buzz, comme on dit à Paris. Faut dire que c’est un peu de mauvais goût, un peu choquant, ce genre de déclaration. Le but était de montrer à quel point le viol est courant, et de faire « changer la honte de camp ».

    Pourtant, je me dis que si c’est important de pouvoir parler du viol – être reçue correctement au commissariat, être considérée comme une victime et non comme une hystérique revancharde, que le chemin en justice ne soit plus l’enfer pour les femmes agressées –, il reste un domaine à explorer : la prévention. Plutôt que d’aider seulement les femmes APRÈS le viol, aidons-nous AVANT, en nous donnant des armes : l’auto-défense.

    • Effectivement, pour faire partie des 343, le manque de relai d’un tel mouvement collectif m’a un peu laissée... Mais bon, je m’en fou, ce n’est pas dans cette seule démonstration que réside la solution.
      Pas plus que de dire à chaque fois « autodéfense » si elle n’est que physique. Désolée, mais d’une part, je suis handicapée, mes rotules déconnent sévère et donc le corps à corps non volontaire, quelle que soit la forme, viol ou violence, très peu pour moi.
      Mais en plus, et surtout, je ne vois pas pourquoi je devrais utiliser une arme que je réprouve : la violence.
      Une fois de plus on demande aux victime d’assumer, d’anticiper, seules, les dérapages de celles et ceux qui abusent. Alors que la prévention doit se faire dès les balbutiements de ce qui fera la société. Non l’auto-défense, si elle n’est que physique, ne sert pas à grand chose. Comme le dit l’article, mais qu’on ne ressent hélas pas dans le titre, la meilleure auto-défense, c’est de rendre les femmes autonomes et sûres d’elles. Mentalement.

  • Appel gourmand à l’insurrection des existences par Noël Godin
    http://cqfd-journal.org/Appel-gourmand-a-l-insurrection

    Une petite balade digestive dans les livres récents traitant de la réimagination séditieuse du monde. Dans Aux origines du socialisme moderne (L’Atelier, 2010), l’érudit Michel Cordillot, à qui l’on doit La Sociale en Amérique (L’Atelier, 2002), nous apprend que la Première Internationale fut diantrement moins engelso-marxiste qu’on ne le croit. Très « disparate dans ses composants », elle regorgeait de proudhoniens, de fouriéristes, de libertaires, de blanquistes et d’insurgés peu étiquetables, tels les futurs fers de lance de la Commune à la trajectoire complexe, Eugène Varlin et l’ouvrier bronzier Zéphirin Camélinat.

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  • Pas de droits, pas de chocolat par Sébastien Navarro
    http://cqfd-journal.org/Pas-de-droits-pas-de-chocolat

    Einstein affirmait qu’il est plus facile de briser un atome qu’un préjugé. Malgré la difficulté, quelques chercheurs se sont attaqués à celui selon lequel, dans ce pays, les « assistés » se gavent d’aides sociales. Résultat : quasiment un pauvre sur deux ne réclame rien à l’État !

    « La politique de lutte contre la fraude [sociale] est portée par un feu roulant de propos stigmatisants. Sans chercher à polémiquer sur leur forme, il faut néanmoins comprendre que ces discours ont pour effet de culpabiliser les ayants droit, entraînant ainsi des non-recours et donc des non-dépenses. » Voilà le constat que l’on trouve dès les premières pages du bouquin L’Envers de la fraude sociale, paru ces jours-ci.

    Aux commandes de l’ouvrage : un certain Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), fondé en 2003 par le politologue Philippe Warin et la sociologue Catherine Chauvaud. Après un quinquennat sarkozyste délirant de surenchère sur ces assistés siphonnant le jus clairet de nos finances publiques, après les « RSA-canapés » du Figaro et le « cancer de la société » de Wauquiez, les analyses de l’Odenore tombent à pic pour dévoiler les dommages collatéraux de cette guerre contre les pauvres. Dans la mire des chercheurs, la notion de « non-recours », définie la situation d’une personne éligible à certains droits sociaux, mais qui, pour certaines raisons, n’en bénéficie pas.

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