Mondes Sociaux

Magazine de sciences humaines et sociales en openaccess

  • Crise sanitaire et reproduction sociale : Les plateformes en embuscade, Niels van Doorn, Eva Mos & Jelke Bosma – Agitations
    https://agitationautonome.com/2020/04/17/crise-sanitaire-et-reproduction-sociale-les-plateformes-en-embusc

    Les temps sont durs dès maintenant pour la plupart des gens, et ils vont probablement s’empirer à l’avenir. Même lorsque la pandémie mondiale causée par le COVID-19 sera maîtrisée, les conséquences de cette crise sanitaire risquent d’avoir un impact dévastateur sur nos économies nationales et locales, et ce pour des années. Toutes et tous ne seront cependant pas touché·es de la même manière et dans les mêmes proportions. Comme nous avons déjà pu le constater, le coronavirus met brutalement en lumière des inégalités de longue date en termes de revenus et de répartition des richesses. Certains disposeront des ressources (temps, espace, capital, influence, etc.) leur permettant de faire face à cette crise, voire d’en tirer profit, tandis que beaucoup d’autres, qui ne bénéficient pas de ces ressources, se battront pour leur survie et conserver leurs moyens de subsistance. À bien des égards, le Covid-19 renforce et amplifie ces inégalités et les mènera en définitive à un point de rupture. Un point que les gouvernements – même conservateurs – ont tenté d’éviter en instaurant des mesures de sauvetage économique.

    Il est important de noter, comme le montrent nos recherches, que la plateformisation actuelle du marché du #travail et des moyens de subsistance répond à une logique similaire (bien que moins drastique) de renforcement et d’amplification. Bien que le terme « disruption » soit galvaudé et qu’il décrive peut-être mal les effets économiques et sociaux exercés par des #plateformes comme Uber, Airbnb ou Deliveroo à l’échelle mondiale et locale, nous pensons néanmoins que l’on peut sans risque affirmer que nombre de ces effets sont conséquents. Les plateformes réorganisent la façon dont les gens travaillent et gagnent leur vie, mais aussi la façon dont les citoyens et leurs gouvernements gèrent et prennent en charge les autres – et elles le font d’une manière que nous n’avons pas encore comprise. Apparues dans le sillage de la récession de 2008, elles contribuent à accentuer la répartition inégale des opportunités et des risques (selon la classe, le genre, la race et la nationalité), alors même qu’elles prétendent renforcer l’autonomie des travailleur·ses.

    Pourtant, ces dernières semaines, il est devenu évident que le Business as usual ne tient plus pour ces entreprises (qui n’existent évidemment pas en vase clos), car elles sont non seulement confrontées à de nouveaux défis, mais doivent aussi saisir les opportunités qui naissent de la crise actuelle. Entre-temps, nous voyons apparaître toutes sortes de nouvelles initiatives locales reposant sur ce système de plateformes, animées par des réseaux de citoyens et d’organisations publiques et privées visant à aider les membres les plus vulnérables de leurs communautés. Dans ce billet de blog en trois parties, nous nous appuyons sur les derniers résultats de nos projets de recherche respectifs ainsi que sur différents témoignages d’actualité afin de donner un aperçu de la manière dont le COVID-19 affecte l’organisation du travail et la reproduction sociale des plateformes dans les pays du Nord. La première partie, cet article, traite de la Gig economy et des plateformes à la demande (voir également ces articles essentiels de la Fondation FairWork et du projet de recherche Platform Mobilities – ce dernier en allemand) ; la deuxième partie abordera les conséquences pour Airbnb et les autres plateformes de location à court terme ; enfin, la troisième partie traitera des initiatives de base qui mobilisent les modèles et les technologies des plateformes dans le secteur social pour lutter contre la crise du coronavirus. Les deux parties suivantes seront donc publiées ultérieurement sur le site Platform Labor.

  • Une immersion dans le quotidien urbain des graffeurs pour comprendre la complexité et l’originalité de leur démarche, puis découvrir une communauté structurée et dense. En coopération avec le CNRS Images #art #culture #street_art #ville

    http://sms.hypotheses.org/9764

    Dans les villes et les campagnes, il n’est pas rare de voir les façades nues, les usines et les hangars abandonnés. Mais il arrive aussi que les bords d’autoroutes et de voies de chemins de fer, les transformateurs électriques et les postes d’aiguillages s’ornent de noms tracés en lettres géantes, déformées, boursouflées, entremêlées.

    Ce sont les nouveaux maîtres du graffiti qui ont laissé leurs « blases » en tous lieux de leur principauté, comme les seigneurs mettaient autrefois leurs blasons aux quatre coins de la leur. Ces typographes sont peut-être les lointains continuateurs des peintres de la préhistoire : leurs ancêtres projetaient leur peinture avec la bouche sur les parois des grottes, eux se servent d’aérosol pour couvrir celles de la ville. Mais ils sont aussi des artistes ultra-contemporains : tout le message de leurs œuvres tient en quelques lettres, celles de leur signature. Le tag est donc finalement un art très éthéré (...)

  • Les croyances religieuses au défi du Covid-19
    https://orientxxi.info/magazine/les-croyances-religieuses-au-defi-du-covid-19,3791

    En Orient, en Occident ou en Asie, dans des églises, des mosquées, des synagogues et d’autres lieux de rassemblement communautaire, des fidèles se rapprochent, se réunissent, communient et se congratulent, favorisant ainsi la diffusion du virus. Comment a-t-on pu oublier que la peste s’est répandue dans la Russie du XVIIIe siècle parce que les croyants faisaient la queue pour embrasser les icônes, réceptacles et agents de transmission de cette bactérie ? À leur décharge, les peuples d’alors ignoraient comment une épidémie se transmet. Comment expliquer les comportements d’aujourd’hui alors que tout prouve que le danger de propagation vient de la promiscuité humaine ?

    Christian Jouret pour @orientxxi
    #Covid-19 #monothéisme #virus #contamination

  • Avoir la double casquette de chercheur.e et réalisateur.ice, faire une recherche en filmant : quels questionnements ? Un article de Jean-Pascal Fontorbes #film #recherche #documentaires

    https://sms.hypotheses.org/1923

    Dans le film-recherche, les objets et les sujets filmés s’inscrivent avant tout dans un questionnement scientifique, mobilisant notamment la sociologie. En référence aux travaux de Paul Ricoeur sur la notion d’identité, cette démarche m’a conduit en tant que chercheur et réalisateur, à revisiter mes réalisations filmiques dans le cadre académique d’une Habilitation à diriger les recherches.

    Et à les revisiter en m’interrogeant sur l’identité personnelle, l’identité collective du « nous », l’identité de l’autre, des autres, mais aussi les identités professionnelle, territoriale et culturelle. C’est en effet dans la relation sociale entre filmé et filmeur que s’installent le questionnement et le dispositif socio-filmique (...)

  • Interrogeons-nous sur la place des services publics. Qu’est-ce qui fait problème ? Leur rôle ? Les fonctionnaires ? #services_publics #fonctionnaires #état

    https://sms.hypotheses.org/11366

    “La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts” : de sketchs en tweets, et blogs journalistiques, le succès de cette petite phrase attribuée à Clémenceau témoigne de la persistance d’une vision de la fonction publique réduite à un coût pour le contribuable. De là, probablement, la surenchère de certaines promesses électorales, et le soutien que les politiques de réduction du nombre des fonctionnaires semblent obtenir dans « l’opinion publique ».

    Début mars 2018, comme plusieurs autres avant lui, un sondage réalisé pour Libération faisait ainsi apparaître que 45 % des personnes interrogées considéraient que « de manière générale il y a trop de fonctionnaires » en France, tandis que 54 % seraient favorables à la réforme de leur statut via « rémunération au mérite, recours aux contractuels et plan de départs volontaires » (...)

  • Tribune de la faim. « Privés de jobs, cloîtrés, les étudiants les plus démunis sont tenaillés par la faim et l’angoisse »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/15/universite-prives-de-jobs-cloitres-les-etudiants-les-plus-demunis-sont-tenai

    Ils et elles sont des milliers actuellement confinés dans des conditions dramatiques, dénoncent dans une tribune au « Monde » plus d’un millier d’universitaires.

    Tribune. La faim. Vous avez bien lu. C’est elle qui menace les étudiants restés confinés dans les logements de leur centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ou dans leurs studios de location. Depuis un mois déjà, restaurants universitaires, épiceries solidaires et autres relais d’alimentation habituels ont fermé leurs portes. Les campus déserts prennent l’allure de no man’s land.

    Les étudiants qui le pouvaient ont rejoint leur famille. Mais pas les étrangers, pas ceux qui vivent loin de leurs proches ou « en rupture de ban », pas les précaires enfin. Tous ceux-là sont restés isolés, parfois sans connexion Internet, voire sans ordinateur – à plusieurs kilomètres du premier supermarché, s’il peut encore leur être utile. Privés de leurs jobs étudiants, ils n’ont d’autre choix que de rester cloîtrés, tenaillés par la faim. La faim et l’angoisse. Celle qui naît du sentiment d’avoir été oublié de tous.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? Les Crous se félicitent d’avoir adopté des « dispositifs d’urgence » : distributions de bons d’achat dématérialisés, prises de contact par téléphone, mises à disposition de paniers repas… En réalité, tributaires de leurs méthodes de recensement et d’évaluation sociale, de tels dispositifs ont moins apaisé la faim que la mauvaise conscience.

    La mobilisation de la société civile

    Leurs rouages se sont empêtrés dans des monceaux de formulaires et de pièces justificatives, interdisant à nombre d’étudiants d’accéder aux soutiens auxquels ils ont droit. Aux lourdeurs administratives et au manque de moyens, humains et financiers, s’est ajoutée l’absence d’information claire et accessible : serveurs saturés, standards téléphoniques occupés, aucun affichage papier sur les campus, assistantes sociales en sous-effectif…

    Pis, loin de prendre la mesure de l’urgence, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) aggrave les conditions de vie des plus vulnérables en exonérant de loyer seulement les étudiants qui ont pu regagner leur foyer familial. Tous ceux qui n’ont pu faire autrement que de rester sont mis en demeure de payer. Or, ce sont précisément les plus démunis, ceux que le confinement plonge dans la déréliction.

    Face à cette incurie, la société civile s’est mobilisée. Sur le campus bordelais, par exemple, un collectif composé d’étudiants, de doctorants et de maîtres de conférences s’est constitué pour venir en aide aux étudiants. Grâce aux dons recueillis en ligne, le collectif « Solidarité continuité alimentaire Bordeaux » a livré près de 800 colis alimentaires, sur environ 950 demandes enregistrées. Son action courageuse, menée dans le respect des mesures sanitaires, a été couverte par la presse.

    Besoin d’une aide d’urgence organisée par le gouvernement

    Des actions comparables prennent forme ailleurs. Comble de malchance, la cagnotte en ligne ouverte par le collectif a été bloquée, le gestionnaire du site arguant de mesures de sécurité. Ce blocage a contraint les bénévoles à œuvrer sur leurs deniers personnels, puis à suspendre leurs activités, le 10 avril. Depuis, les demandes continuent d’affluer, sans aucune réponse possible. Certains étudiants ont maintenant passé plusieurs jours sans manger…

    Ce qui est fait pour les sans-domicile-fixe et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ne l’est toujours pas pour ces invisibles. Question aux universités : pourquoi n’ont-elles pas débloqué d’urgence leurs fonds de solidarité étudiants ? Même si certaines universités ont déjà mis en place des actions d’aide sociale, elles ne sauraient, vu l’ampleur des besoins, se substituer à une aide d’urgence organisée par le gouvernement.

    Quand les pouvoirs publics responsables ne répondent plus et que les bonnes volontés sont dans l’impasse, comment éviter l’escalade ? Isolés, sous-alimentés, incapables de payer leur loyer, a fortiori de continuer d’étudier, certains ont perdu tout espoir. Comment les empêcher de craquer ? Des cas de suicide ou de décès sur les campus ont été déjà été signalés dans la presse. Ces tragédies augurent-elles de la catastrophe à venir ? Que faire pour empêcher le pire d’arriver ?

    Porter assistance aux étudiants

    Les solutions ne peuvent venir que des responsables au plus haut niveau : ceux qui ont entre leurs mains le pouvoir de décider. Autrement dit, le Cnous et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, dont il dépend. C’est à eux qu’il revient d’agir vite, c’est eux que nous interpellons !

    Nous proposons les mesures suivantes : l’annulation immédiate de tous les loyers Crous ; la simplification et l’accélération de toutes les procédures d’aide alimentaire, financière, et informatique, associée à une communication sur le terrain ; la mise en œuvre d’une assistance psychosociale adaptée ; enfin, et il s’agit du simple bon sens, la subordination de la « continuité pédagogique » à la certitude de pouvoir manger à sa faim.

    Car exiger d’étudiants qu’ils continuent d’apprendre et d’être évalués le ventre vide n’est pas seulement absurde, mais cruel et inhumain. C’est ajouter à la peur du lendemain l’angoisse d’échouer. Face à cette pression intolérable, c’est la vie de milliers d’étudiants qui est aujourd’hui menacée. Comme notre président s’y est engagé dans son allocution du 13 avril, il revient au gouvernement de leur porter assistance. Maintenant.

    Premiers signataires : Etienne Balibar, professeur émérite de philosophie politique, université Paris-10-Nanterre ; Ludivine Bantigny, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, université de Rouen ; Marc Crépon, directeur de recherches en philosophie, CNRS/ENS/PSL ; Pierre Antoine Fabre, directeur d’études, EHESS ; Bernard Friot, professeur émérite de sociologie, université Paris-10-Nanterre ; Mathilde Larrère, maîtresse de conférences en histoire politique du XIXe siècle, université Gustave-Eiffel ; Frédéric Le Roux, professeur des universités, mathématiques, Sorbonne université ; Jean-Claude Monod, directeur de recherches au CNRS) ; Willy Pelletier, sociologue, université de Picardie, coordinateur général de la fondation Copernic ; Guislaine Refrégier, maîtresse de conférences en biologie, université Paris-Saclay ; Marina Seretti, maîtresse de conférences en philosophie, université Bordeaux-Montaigne ; Nathalie Sigot, professeure d’économie, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Barbara Stiegler, professeure de philosophie politique, université Bordeaux-Montaigne ; Constance Valentin, CR CNRS Physique, université de Bordeaux ; Michelle Zancarini-Fournel, professeure émérite d’histoire, université Claude-Bernard-Lyon-1.
    La liste complète des signataires est accessible en cliquant sur ce lien
    https://sites.google.com/view/signataires-tribune-de-la-faim/accueil

    « Les prochaines semaines risquent d’être très compliquées » : confinés et sans job, la vie sur le fil des étudiants précaires, Alice Raybaud, 01 avril 2020
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/04/01/les-prochaines-semaines-risquent-d-etre-tres-compliquees-confines-et-sans-jo

    Alors que près de la moitié des jeunes financent leurs études grâce à des petits boulots, nombreux sont ceux qui se retrouvent en difficultés financières depuis le début du confinement. Des aides se déploient.

    Trois kg de féculents, des conserves et des produits d’hygiène. Tel est le contenu des paniers qui sont distribués, depuis le 18 mars, à des centaines d’étudiants bordelais confinés dans leurs cités universitaires. Gantés, masqués et toujours un par un, ce sont des doctorants, post-doctorants et maîtres de conférences des universités de la métropole qui se chargent bénévolement de la livraison : une urgence face à la situation de « détresse » de certains jeunes, alertent-ils par le biais de leur collectif, Solidarité : continuité alimentaire Bordeaux.

    Suspension des loyers

    « Avec la fermeture des restaurants universitaires, on s’est rendu compte que certains étudiants n’avaient pas mangé depuis quarante-huit heures, raconte un des membres du collectif. Plus que la continuité pédagogique, l’enjeu est surtout, aujourd’hui, celui de la continuité alimentaire. » Le collectif, qui a lancé une cagnotte en ligne, recense à ce jour plus de 650 demandes sur le campus et a effectué 460 livraisons de paniers, principalement dans les logements Crous.
    « Plus que la continuité pédagogique, l’enjeu est surtout, aujourd’hui, celui de la continuité alimentaire », un membre du collectif bordelais
    Au niveau national, 40 % des étudiants qui résident dans des logements du Crous sont restés sur place, indique le Centre national des œuvres universitaires. Ce public déjà fragile ne bénéficiera pas de la suspension des loyers, annoncée pour tous ceux qui ont quitté les lieux pour rejoindre leur famille, et qui ne paieront donc plus leur logement à partir du 1er avril et jusqu’à leur retour.

    « Pour la majorité des étudiants qui nous contactent, la perte d’un job ou d’un stage est venue se rajouter à une vulnérabilité antérieure, ce qui rend leurs dépenses courantes très compliquées », observe-t-on du côté du collectif bordelais, qui demande la suppression des loyers Crous pour tous. Les étudiants aux emplois souvent précaires sont en effet parmi les premiers à pâtir du confinement. Ces pertes de revenus viennent fragiliser des budgets déjà sur le fil, dans un contexte où près d’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études, et où un sur cinq vit déjà sous le seuil de pauvreté (IGAS, 2015).

    « Difficile de se concentrer sur les cours »

    Depuis septembre, Marion, 20 ans, étudiante en science du langage à la Sorbonne-Nouvelle, encadrait les enfants de sa ville de Grigny (Essonne) sur les temps périscolaires. « Mais comme je suis en “contrat volant”, c’est-à-dire qu’on m’appelle seulement selon les besoins, je ne toucherai rien jusqu’à la réouverture des écoles », déplore la jeune femme, qui vit dans un appartement avec son père, au chômage, son frère et sa sœur. Ses revenus permettaient de payer les factures et la nourriture de la famille. « Les prochaines semaines risquent d’être très compliquées », s’inquiète Marion, qui cherche sans relâche un autre job dans un magasin alimentaire. Alors qu’elle s’occupe des devoirs de sa fratrie confinée et qu’elle a dû composer quelques jours avec une coupure d’électricité, « se concentrer sur les cours à distance est difficile », confie-t-elle.

    Pour Claire (le prénom a été modifié), 21 ans, en master métiers de l’enseignement à Colmar, c’est « le flou ». « A la bibliothèque où je travaille, on nous a promis de faire le maximum pour que notre rémunération soit maintenue, mais rien n’est encore sûr. L’aide aux devoirs, qui me permettait de payer ma nourriture, c’est devenu impossible, confie-t-elle. Il faudra diminuer les frais de courses. » Juliette (le prénom a été modifié), étudiante en lettres modernes de 20 ans, faisait de la garde d’enfant, sans contrat. Un « bon plan », habituellement. « Mais dans cette situation, cela veut dire : pas de compensation, et je n’ai pas d’économies de côté, souffle-t-elle. Heureusement, je suis confinée chez ma famille en Bretagne, avec moins de dépenses. Je regarde pour bosser dans une agence d’intérim, en usine, mais mes parents ne sont pas rassurés à l’idée de me laisser sortir… »

    Aides sociales d’urgence

    Pour répondre à ces situations de #précarité, les Crous s’organisent pour délivrer davantage d’aides ponctuelles. Dix millions d’euros supplémentaires ont été débloqués, mardi 31 mars, par le ministère de l’enseignement supérieur. « Des directives nationales nous permettent de monter nos dotations jusqu’à 560 euros, à destination des étudiants nationaux comme internationaux, et cumulables avec les bourses », explique Claire Maumont, responsable du service social au Crous de Poitiers, qui observe qu’un tiers des dernières demandes émanent d’#étudiants touchés par une perte d’#emploi et jusque-là inconnus de leurs services. Pour elle, « l’enjeu, dans cette période difficile, est de garder le lien avec nos étudiants : nos services réalisent du porte-à-porte dans les cités universitaires, avec médecin et infirmière, pour nous assurer de la #santé et de l’alimentation de nos résidents. »

    Encouragées par des directives ministérielles, certaines universités mettent également en place des #aides_sociales_d’urgence, à partir des fonds de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). A l’université de Bordeaux, les étudiants en difficulté peuvent par exemple bénéficier d’une aide mensuelle de 200 euros. « On peut décider d’accorder une aide plus importante au cas par cas, et de délivrer des #bons_alimentaires sous forme de carte prépayée en cas d’urgence », précise Anne-Marie Tournepiche, vice-présidente Vie de campus de l’université, qui s’attend à une « augmentation importante des demandes d’aides financières dans les prochains jours ». En outre, les étudiants #autoentrepreneurs pourront bénéficier de l’aide exceptionnelle de 1 500 euros annoncée le mardi 17 mars par le ministère de l’économie.

    Bons alimentaires, aides ponctuelles des universités… Ces mesures ne seront pas suffisantes sur le long terme pour l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). « Ces aides sont aléatoires selon les établissements, et parfois compliquées à obtenir, explique Mélanie Luce, présidente du syndicat étudiant. Quant aux aides du Crous, débloquer dix millions d’euros apportera un nouveau souffle mais ne permettra pas de répondre à toutes les situations si le confinement se poursuit. D’autant qu’il y aura des répercussions sur la longueur, notamment sur les jobs d’été, qui sont essentiels pour de nombreux étudiants. » L’UNEF, qui demande la mobilisation de fonds étatiques plus « massifs » s’inquiète aussi de la situation des #étudiants_étrangers, « pour la plupart non éligibles aux #bourses et ne pouvant accéder à toutes les aides d’urgences, qui comptaient sur un job pour vivre et sont désormais dans une situation catastrophique », rappelle Mélanie Luce.

    « Les plus précaires au front »

    C’est le cas de Noélia, étudiante péruvienne de 20 ans, en licence d’espagnol à la Sorbonne-Nouvelle. Grâce à un #job de baby-sitter, en contrat étudiant sur une #plate-forme en ligne, elle arrivait jusque-là « plus ou moins » à gérer ses mois. Mais depuis que Noélia ne peut plus entrer en contact avec l’enfant qu’elle gardait, la plate-forme ne lui a facturé aucune heure.

    « Je ne sais pas si j’aurai le droit au #chômage_partiel. J’ai demandé mais n’ai toujours pas reçu de réponse. Je n’ai plus d’économies car j’ai tout dépensé avec une maladie pour laquelle je suis allée à l’hôpital le mois dernier. Heureusement, je suis hébergée par des amis, mais comment est-ce que je vais faire pour continuer à les aider à payer le #loyer et la nourriture ? Et comment être sûre que je pourrai avoir mes papiers français, pour lesquels on m’a demandé de justifier d’un revenu de 650 euros mensuels ? »

    Pour certains étudiants, notamment ceux qui travaillent dans des grandes surfaces, l’arrêt de leur job n’était pas une option. Lucas, 22 ans, a accepté d’augmenter ses heures dans le magasin bio où il travaille. « Cela me permettra de me renflouer », concède-t-il. Solène, 21 ans, a, elle, essayé de faire valoir son #droit_de_retrait dans son magasin de Dourdan (Essonne). « On me l’a refusé, prétextant la mise en place de protections sanitaires. Sinon, c’était l’abandon de poste et je ne peux pas me le permettre, avec le prêt étudiant de 20 000 euros que je viens de contracter. » Solène se rend donc chaque jour au magasin, avec la peur de rapporter le virus chez elle et de contaminer ses proches. Désabusée, elle déplore : « Ce sont les plus précaires, les petits employés, qu’on envoie au front. »

    #confinement #Crous #dette #prêt_étudiant #premiers_de_corvée #premières_de_corvée

  • En cette journée mondiale de l’art ,rendons hommage à Raymonde Moulin (1924-2019), la première sociologue de l’art (production artistique, marchés de l’art...) #art #chercheuse #culture #sociologie

    https://sms.hypotheses.org/20409

    Raymonde Moulin (1924-2019) fut une pionnière en sociologie, inventant en France la sociologie de la production artistique et des marchés. Elle fut aussi au premier rang de l’émergence de femmes sociologues au plus haut niveau de la discipline, dans la seconde moitié du 20ème siècle. Elle présida d’ailleurs la Société Française de Sociologie au milieu des années 1980, et dirigea la Revue Française de Sociologie, de 1993 à 1998. Pendant son mandat à la tête de la Société Française de Sociologie, elle organisa à Marseille en 1985 un fameux colloque fondateur de sociologie de l’art, auquel prirent part des figures majeures de la sociologie internationale tels que Howard Becker, Eliot Freidson, ou Richard Peterson. Elle a effectué toute sa carrière au CNRS, de 1957 jusqu’à sa retraite en 1992, ainsi qu’à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales (1985-1992).

    Mais Raymonde Moulin fut également une entrepreneuse de recherche qui sut anticiper les comportements des institutions pour promouvoir les sciences sociales. Elle fut très consultée par le ministère de la Culture, après l’avoir été par le ministère de l’Équipement (...)

  • #Amazon condamné à ne plus livrer que les #produits_alimentaires, médicaux et d’hygiène

    Le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté ce mardi la fermeture totale des entrepôts français du géant américain, mais le contraint à ne plus livrer que des produits alimentaires, médicaux ou d’hygiène. Amazon a décidé de faire appel.

    Camouflet pour le géant Amazon en France. Le #tribunal_judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), dont dépend son siège français de Clichy-la-Garenne, vient ce mardi de lui ordonner, dans les 24 heures, de « restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de #produits_d'hygiène et de #produits_médicaux, sous astreinte, d’un million d’euros par jour de retard et par infraction constatée ».

    La décision s’applique dans l’attente de « l’évaluation des #risques_professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses #entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L 4121-1 du #Code_du_travail » et pendant « une durée maximum d’un mois » qui pourra, si besoin, être allongée par un nouveau #jugement.

    Le tribunal de Nanterre avait été saisi en référé, mercredi 8 avril, par l’union syndicale Solidaires (Sud) qui réclamait à titre principal la fermeture des six entrepôts français du géant du #e-commerce sous astreinte d’un million d’euros par jour. A défaut, Solidaires demandait qu’#Amazon_Logistique_France soit au moins contraint de réduire son activité aux 10 % de marchandises « essentielles » et par conséquent de diminuer d’autant le nombre de salariés présents sur les sites français. C’est à cette deuxième option que le tribunal vient de faire droit dans son délibéré, après une audience qui a duré environ deux heures vendredi.

    « Impossible de respecter les #distances_sociales »

    « C’est une décision très intéressante pour les salariés d’Amazon car elle dit que les obligations de prévention de la santé des #salariés passent avant la réussite financière de l’entreprise », s’est félicité Me Judith Krivine, du cabinet Dellien Associés. Et l’avocate du syndicat de relever que c’est déjà la troisième décision de justice qui va dans le même après celles concernant une association d’aide à domicile de Lille vendredi 3 avril et #La_Poste jeudi 9 avril.

    « Nous ne disons pas qu’Amazon n’a rien fait, mais c’est un empilement de mesures, précipitées et disparates, dénonce Laurent Degousée, co-délégué Sud Commerce. Sauf à être habillé en cosmonaute, il est impossible, avec les effectifs actuels d’Amazon, de respecter les distances sociales dans un entrepôt. Le juge, sans ironie, vient d’ordonner à Amazon de faire ce qu’il prétend faire depuis plusieurs semaines : se limiter aux #marchandises_essentielles. »

    La représentante Sud-Solidaires du site de #Lauwin-Planque (Nord), l’un des plus grands centres du groupe en France, ne cache pas sa satisfaction : « Cela fait trois semaines que l’on lutte tous les jours face au géant, estime Tatiana Campagne. Pour nous, c’est une grande #victoire. L’entreprise doit mettre des choses en place en négociant avec nous et non plus en se prenant pour des rois comme depuis le début de la crise. »

    Jean-François Bérot, élu Sud-Solidaires à Saran (Loiret), veut aussi y voir un augure favorable pour l’étape judiciaire suivante : faire reconnaître devant les prud’hommes de Nanterre onze dossiers de #droit_de_retrait de salariés contestés par la direction.

    Malaise grandissant chez les salariés

    « C’est une #bombe_sanitaire et sociale qui est en train d’exploser et qui concerne plus de 10 000 #travailleurs directs mais aussi une armée d’#intérimaires et de #livreurs », pointait le syndicat dans son communiqué du 8 avril. Le syndicat reproche à Amazon de ne pas protéger ses salariés correctement contre le Covid-19 et de poursuivre son activité « comme si de rien n’était, en dépit de la mobilisation du personnel, des mises en demeure des syndicats, de l’inspection et de la médecine du travail, mais aussi des critiques des ministres de l’Economie et du Travail ».

    La semaine dernière, cinq entrepôts du géant américain, sur les six qu’il compte en France, avaient été épinglés par le ministère du Travail pour la mauvaise protection de leurs salariés. Trois des six mises en demeure ont depuis été levées. Et depuis plusieurs semaines, le malaise ne cesse de croître dans les entrepôts Amazon. Arrêts maladie, droits de retrait, arrêt pour garde d’enfants, jours de grève… l’#absentéisme atteint des taux records. « Entre 40 et 60 % », selon les sites et les syndicats.

    Officiellement, un seul employé est actuellement hospitalisé en réanimation à cause du Covid-19, mais les syndicats soupçonnent des dizaines de #malades non comptabilisés.

    Amazon fait appel

    « Nous sommes en désaccord avec la décision rendue aujourd’hui (NDLR : ce mardi) par le tribunal judiciaire de Nanterre et nous évaluons actuellement ses implications pour nos sites logistiques français », fait savoir Amazon, qui a décidé de faire appel. Celui-ci ne suspend cependant pas la décision qui devra donc être exécutée.

    L’e-commerçant affirme que « rien n’est plus important que la sécurité des collaborateurs. Ainsi, en France, ces quatre dernières semaines, nous avons distribué sur nos sites plus de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27 000 litres de #gel_hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de #masques. Nous avons aussi mis en place des contrôles de température et des mesures de distanciation sociale et également triplé nos équipes d’entretien en France pour renforcer le #nettoyage de 200 zones supplémentaires sur chaque site. »

    http://www.leparisien.fr/economie/amazon-condamne-a-ne-plus-livrer-que-les-produits-alimentaires-medicaux-e
    #justice #livraison #coronavirus #confinement #covid-19 #distanciation_sociale #protection #travail #distanciation_sociale

  • Phénomène de société, le surf en dit beaucoup sur ses pratiquants et ses territoires. Focus sur ce sport et ses adeptes #sport #territoires #surf #sportifs #sportives

    https://sms.hypotheses.org/24559

    Surfing has become a real social phenomenon. While some of its prominent media figures ensure increasing buy-in from wider and wider audiences by radically changing the practice, millions of anonymous participants enjoy gliding in summer or braving the cold in winter days just to search for a few seconds of thrills. But, beyond this media coverage, surfing and surfers say a great deal about contemporary societies and the way people live in them.

    In mid-XXth century, surfing began to structure and established its status through the organization of international competitions. It was then recognized as a modern sport and started being used as an element of the socio-spatial structuration and marketing communication of sea resorts. The sports movement helped developing it. Public stakeholders turned it into a political and territorial resource (...)

  • Sortie de #confinement, ou la somme de tous les dangers
    http://www.laviedesidees.fr/Sortie-de-confinement-ou-la-somme-de-tous-les-dangers.html

    Expliquant les raisons du confinement par l’insuffisance de la seule distanciation sociale, Ph. Sansonetti pose les conditions nécessaires pour un futur déconfinement – qui ne mettra pas fin aux mesures de distanciation.

    #Société #médecine #épidémie #Sciences
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20200414_sortiedeconfinement.pdf

  • Quand, pourquoi et comment la papauté s’est-elle mise à fonctionner comme une institution gouvernementale ? #religion #pape #histoire

    https://sms.hypotheses.org/24601

    How did the papacy function as an institution of government? How and why did its structures differ from those of more typical ‘hereditary’ European monarchies? What impact did papal politics have on the development of Counter-Reformation Catholicism? Much of Miles Pattenden’s work, a British and Australian joint national who specializes in Italian, and more broadly European History, in the sixteenth and seventeenth centuries, has indeed concerned the papacy and the peculiar nature of the pope’s power and authority in the early modern period.

    The work he developed at Madrid Institute for Advanced Study (Universidad Autónoma de Madrid and Casa de Velázquez) was dedicated to the production of a book manuscript entitled The Universal Church in the First Global Age, 1400-1870, which intends to explains how the Catholic Church became one of the largest organizations in human history, with the widest geographical reach in the early modern period. Pattenden’s starting point has been to observe that during the period from 1400 to 1870, the Church established its presence on all six of the world’s populated continents and its members transformed Catholicism from a local variant of medieval Christianity to a sophisticated multi-ethnic confession which proved an effective vehicle for colonial enterprises and state-building (...)

  • A la faveur de la crise sanitaire, le plastique à usage unique fait son retour en force
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/12/a-la-faveur-de-la-crise-sanitaire-le-plastique-a-usage-unique-fait-son-retou

    Les industriels profitent de l’épidémie de Covid-19 pour vanter les prétendues qualités « hygiéniques » du plastique à usage unique et contester les lois visant à réduire son usage en Europe et aux Etats-Unis.

    Masques en polypropylène, flasques de gel hydroalcoolique, livraisons Internet, Caddie débordant d’aliments emballés… Hier montré du doigt par les partisans du zéro déchet, les défenseurs de l’océan et les régulateurs européens, le plastique à usage unique s’arrache aujourd’hui. La propagation des polymères, produits à 99 % à partir de pétrole, de gaz ou de charbon, accompagne, désormais, celle du coronavirus.
    Un retour en force que l’industrie compte bien transformer en un retour en grâce. C’est, en tout cas, ce qu’espère le puissant lobby des transformateurs européens de plastique, EuPC, qui représente à Bruxelles les intérêts de plus de 50 000 entreprises de la plasturgie. Dans un courrier adressé à la Commission – lettre passée inaperçue –, il lui demande « de reporter d’au moins un an la mise en œuvre au niveau national de la directive SUP [sur les plastiques à usage unique] et de lever toutes les interdictions » déjà en vigueur concernant ce type de produits.

    « Les sacs plastique sauvent des vies »

    Car le plastique jetable a mauvaise presse à Bruxelles. En 2015 déjà, une directive européenne imposait aux Etats membres de réduire leur consommation de sacs plastique légers à 90 par personne et par an d’ici à 2019 (contre 200 en moyenne auparavant) et à 40 d’ici à 2025. La France avait devancé l’appel en interdisant dès 2016 les sacs de caisse. En 2018, l’ONU estimait que 5 000 milliards de ces sacs à bretelles étaient consommés dans le monde chaque année. Soit presque 10 millions par minute. La plupart finissent incinérés, mais surtout en décharge ou dans l’environnement. Avec une durée moyenne d’utilisation de vingt minutes, ils mettent jusqu’à quatre cents ans à se dégrader dans la nature.

    En juin 2019, l’Union européenne est passée à la vitesse supérieure, prohibant d’ici à juillet 2021 certains des produits à usage unique les plus fréquemment retrouvés sur les plages comme les pailles, les couverts et assiettes jetables, les touillettes à café, les tiges à ballons ou encore les cotons-tiges. Aucune interdiction ne vise, en revanche, le matériel médical. En France, la mesure d’interdiction est effective depuis le 1er janvier pour les cotons-tiges, les gobelets et les assiettes.

    Critiquée pour les déchets qu’engendrent ses produits, l’industrie fait également face à des attaques de plus en plus virulentes contre les emballages – 40 % de la consommation européenne de plastique –, dont certaines substances toxiques peuvent migrer dans les aliments et contaminer l’organisme.
    Mais surtout, l’épidémie du Covid-19 offre un nouvel argument aux industriels du secteur, pour lesquels « les sacs plastique sauvent des vies ». Cet aphorisme et d’autres du même acabit sont apparus dès la mi-février aux Etats-Unis, où la législation antiplastique est moins contraignante qu’en Europe. L’argument est le suivant : les sacs en plastique seraient un gage ultime d’hygiène, à l’inverse des sacs réutilisables en tissu, accusés d’être des nids à virus.

    Distillée par les lobbies américains, la rumeur se propage. Et ce, alors même qu’au moins trois études sérieuses s’accordent pour dire que le plastique est, avec l’acier, la surface sur laquelle le coronavirus est le plus stable. Il pourrait y rester infectieux jusqu’à trois, voire neuf jours. En dépit de ces données scientifiques, le message du plastique magique et protecteur fait son chemin. Au point que les Etats de New York et du Maine, qui avaient récemment interdit les sacs plastique, font marche arrière et décident de suspendre l’application de cette mesure qui devait entrer en vigueur ces jours-ci.
    Bien que les autorités new-yorkaises spécifient que cette décision n’est que temporaire et continuent « à encourager les New-Yorkais à utiliser des sacs réutilisables », le ver est dans le fruit. Si, à ce jour, huit Etats ont banni les sacs plastique de leurs commerces, c’est que 42 les autorisent encore. Parmi eux, certains comme la Floride ont même fait passer des lois empêchant les élus locaux d’adopter de telles interdictions sur leur territoire.

    Avec la propagation du coronavirus, l’ennemi, désormais, c’est le sac en tissu réutilisable. Le 21 mars, le gouverneur du New Hampshire, Chris Sununu, n’hésite pas à les bannir provisoirement, jugeant qu’ils constituent « un risque potentiel [de contamination] pour les emballeurs, les commerçants et les clients ». Idem en Californie, pourtant pionnière en la matière. A San Francisco, par exemple, on n’a plus le droit « d’apporter en magasin [ses] propres sacs, tasses ou autres contenants réutilisables ». Des décisions qui font écho à celles prises par plusieurs enseignes comme Starbucks qui n’accepte plus les tasses apportées par ses clients, de peur de contaminer ses salariés. Des adversaires du plastique jetable comme l’Américaine Judith Enck, fondatrice de l’association Beyond Plastics, s’interroge, faussement naïve, dans une interview à Bloomberg : « Starbucks arrêtera-t-il bientôt d’accepter les espèces ? »
    Greenpeace USA n’a pas tardé à stigmatiser l’approche « opportuniste », « irresponsable » et « dangereuse » des plasturgistes. « Pendant des années, l’industrie du plastique a financé et encouragé la recherche pour tenter de discréditer le mouvement croissant visant à mettre fin à la pollution par les plastiques à usage unique. Et lorsque le Covid-19 a commencé à se répandre, ils ont vu une chance de frapper et d’activer leur réseau de soutien pro-plastique », explique l’ONG, regrettant que les profits passent avant « la sécurité des personnes ».
    Virus et bactéries

    Dans un rapport très fouillé publié le 26 mars, elle décrypte comment s’est progressivement formée cette redoutable « chambre d’écho ». Elle remonte à la publication mi-février d’une première étude attestant que le virus puisse survivre jusqu’à neuf jours sur du plastique. L’info est dérangeante et pourrait inquiéter les consommateurs : il est urgent de faire diversion. C’est alors que se propagent un peu partout des articles d’opinion, financés par l’industrie des énergies fossiles et relayés par leurs lobbies traditionnels. Tous mettent en cause la dangerosité des sacs en tissu. Ils s’appuient sur plusieurs études, dont ils omettent de dire qu’ils en ont financé la plupart.

    L’industrie accuse les sacs en tissu de pouvoir infecter tout un magasin et contaminer les employés qui les rempliraient en caisse. Ce qu’ils passent sous silence, c’est que les sacs en plastique peuvent tout autant propager le virus que ceux en tissu ; que le client peut remplir son sac lui-même sans que le caissier n’ait à le toucher ; et que les sacs en tissu ont l’avantage d’être lavables. L’une des études citées par les lobbies conclut d’ailleurs elle-même qu’un lavage à la main ou à la machine suffit à éliminer 99,9 % des bactéries.

    En dépit d’un réel fondement scientifique, la rumeur continue à enfler et la Plastics Industry Association, premier lobby du secteur, se targue de fabriquer des produits qui « peuvent littéralement faire la différence entre la vie et la mort ». Le 18 mars, son président écrit au secrétaire américain à la santé, Alex Azar, et le somme de choisir son camp. « Etude après étude, il a été démontré que les sacs réutilisables pouvaient transporter virus et bactéries », martèle Tony Radoszewski, affirmant que « les plastiques à usage unique constituent bien souvent le choix le plus sûr. » Pour le salut des Américains, il appelle le ministre à « faire une déclaration publique sur les avantages en matière de santé et de sécurité des plastiques à usage unique », à « s’élever contre leur interdiction » et à calmer « l’empressement des écologistes et des élus à interdire ces produits, car ils mettent en danger les consommateurs et les travailleurs ».

    Si les lobbyistes américains ont été les plus prompts à se mobiliser, l’industrie européenne n’a pas tardé à emboîter le pas. Premier pays fortement touché par le Covid-19, l’Italie est la première à aborder le sujet. Le 24 mars, dans une allocution télévisée, le président du Conseil, Giuseppe Conte, encourage les Italiens à faire leurs courses sans crainte puisque les aliments sont protégés par des barquettes « en polystyrène » et des « films plastique ».
    Il n’en faut pas plus à l’association des plasturgistes italiens, basée à Milan, pour écrire à M. Conte et réclamer l’abrogation de la taxe « vexatoire et injuste » sur le plastique, de 45 centimes d’euro par kilo, qui doit entrer en vigueur en juillet. « Il suffit de dire que les deux types d’emballages sommairement mentionnés par le président sont fabriqués avec des polymères dont le coût est d’environ 900 euros la tonne et qu’ils seront soumis à une taxe de 450 euros la tonne ! », argue l’entrepreneur. L’audace pourrait bien payer puisque le ministre italien de l’environnement admet, désormais, que le gouvernement pourrait faire un geste.

    L’Italien Renato Zelcher, qui préside l’EuPC, l’association européenne des plasturgistes, suit la situation de près. Mercredi 8 avril, moins d’un mois après le début de la crise sanitaire, l’EuPC sort du bois et reproche publiquement à la Commission d’avoir borné sa directive au seul aspect « déchets » des plastiques jetables et « de ne pas avoir pris en compte les conséquences hygiéniques de leur interdiction ou de leur réduction », alors que le plastique serait « le matériau de choix pour garantir l’hygiène, la sécurité et la protection contre la contamination ».
    « Le dénigrement des plastiques, suivi par de nombreux politiciens, se retourne maintenant contre nous », fustige Renato Zelcher. « Le coronavirus nous a montré que tous les matériaux ne se valaient pas. (…) Aujourd’hui et demain, prophétise le fabricant vénète de film plastique, nous vivons et nous vivrons dans un monde complètement différent où l’hygiène et la santé des consommateurs seront la priorité numéro un pour chacun d’entre tous. Il est donc temps de réfléchir à des stratégies d’ajustement pour l’Europe et le monde, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des plastiques. »

    Impossible à imaginer il y a encore quelques semaines, la question finit par se poser : le plastique sortira-t-il gagnant de la pandémie ? Difficile de prédire quel impact aura cette crise sur les efforts de réduction des plastiques à usage unique. La position des ONG pourrait bien être fragilisée. Redoutant que leur communication soit mal perçue, elles privilégient, pour la plupart d’entre elles, la discrétion.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les contenants en plastique au quotidien sont un « enjeu majeur de santé publique »
    Un membre d’une ONG européenne reconnaît que, dans ces conditions exceptionnelles, si certains consommateurs se sentent rassurés par les produits en plastique à usage unique, mieux vaut ne pas les perturber, « on verra après le vaccin. Dans certains cas, nous devons accepter des solutions de transition. Car si l’on reste vissé sur nos positions, on risque de perdre notre crédibilité et le contact avec le public ».

  • Le selfie est à l’honneur dans le confinement. Est-il une évolution de l’autoportrait, un vecteur de relations sociales ou un révélateur de nouveaux enjeux de société ? #selfie #numérique #autoportrait #Société

    https://sms.hypotheses.org/10552

    En quelques années, les réseaux socio-numériques (Facebook, Instagram, Twitter, Linkedin…) ont bouleversé les manières de se (re)présenter, tout particulièrement à travers la photo de profil des utilisateurs. Liée à l’apparition du selfie capturé à bout de bras avec un smartphone, le genre de l’autoportrait photographique semble être en mutation.

    Fondé en 2004, Facebook est aujourd’hui le leader des réseaux socio-numériques de contenus. L’ampleur et la généralisation de cette plateforme est perceptible en quelques chiffres avec près de 2 milliards d’utilisateurs dans le monde, parmi lesquels 20 millions de français se connectent quotidiennement. Le nombre de contenus publiés (commentaires, articles, images, vidéos, etc.) donne le tournis, les photographies représentent à elles-seules des millions d’images diffusées chaque jour. En 2013, l’Oxford Dictionaries introduit le mot selfie dans son dictionnaire et le définit comme tel : « une photographie prise par soi-même, généralement avec un smartphone ou une webcam, et publiée sur un site de médias sociaux ». Ce mot issu de l’argot « self-ie » désignant un autoportrait se nomme pertinemment « autophotographie » ou « egoportrait » au Québec (...)

  • Assistance aux pauvres, secours mutuel, paternalisme patronal, assurances sociales… La France a connu bien des systèmes de retraite au cours de son histoire #retraites #santé #société #travail #histoire

    https://sms.hypotheses.org/24591

    Faire l’histoire des retraites en France, c’est les aborder au sens large, quel que soit le régime. Régimes par capitalisation ou par répartition, secours mutuel, régimes « spéciaux », retraites des fonctionnaires, assistance aux plus pauvres, revenus de la propriété, retraites « ouvrières et paysannes », régime général, régimes complémentaires des cadres… toutes ces catégories constituent une seule et même histoire. Dans celle-ci, historiens et sociologues font ressortir les différentes étapes de la construction des retraites, les contextes, les luttes et les problématiques soulevées par cette édification.

    Cette histoire, dans le premier volet de ce film, débute sous la monarchie absolue, au tournant du 17ème et 18ème siècle, avec la naissance de quelques régimes pionniers. Puis l’histoire traverse la Révolution française, où apparaissent déjà des questions qui se posent encore aujourd’hui : quels statuts et protection pour les plus pauvres ? Les retraites sont-elles un « privilège » ou la continuité normale d’un salaire qui ne permet pas de vivre au-delà des années travaillées ? (...)

  • Comment les Africains regardent-ils les films ? Au cinéma, à la télé, sur DVD, en streaming ? Quels rapports à ces médias ont les populations africaines ? #Afrique #cinéma #médias #communication #publics

    https://sms.hypotheses.org/24576

    « Regarder un film » est une expression simple recouvrant pourtant des pratiques très diverses en Afrique. Une immense foule jeune se presse à Tunis pour assister à la première projection publique au Maghreb de Much Loved – un film controversé dont les protagonistes sont des prostituées – d’abord financé puis interdit au Maroc avant même qu’un visa d’exploitation ne soit sollicité. Une femme à Ouagadougou (Burkina Faso) rejoint deux ados vautrés devant une série diffusée sur A+, chaine du bouquet de Canal+. Échappant au brouhaha familial, au contrôle social et à la censure étatique, une jeune femme en Tunisie télécharge Wonder Woman, film interdit par la justice, saisie par un parti politique, à cause de la position pro-israélienne de l’actrice Gal Gadot, cet accès démultiplié aux productions audiovisuelles, la diversité des regards portés interroge.

    D’où le désir de se détourner de l’écran pour s’intéresser aux publics. La distribution commerciale des films en salles devenue très minoritaire, la diffusion à la télévision cohabite en effet avec le streaming ou le téléchargement légal et illégal. Regarder un film seul.e ou à plusieurs relève de plus en plus souvent de la sphère privée, voire même intime, loin des regards sur un ordinateur portable (...)

  • Le notariat a connu de profondes transformations qui ont des effets sur le métier et ses représentations
    #droit #société #pratiques_sociales #immobilier

    https://sms.hypotheses.org/24563

    Les notaires sont nimbés de mystère. Les représentations artistiques et médiatiques confortent le caractère fantasmatique de ces officiers ministériels qui, délégataires d’une parcelle de puissance publique et placés au cœur des « secrets » de famille, constituent pourtant une profession peu connue, voire perçue comme surannée. Ces professionnels libéraux, entre privé et public, peuvent aussi être appréhendés comme un cas exemplaire de profession réglementée sur un marché du travail fermé et où domine une conception patrimoniale du métier. Les notaires ont pourtant connu de nombreuses et profondes transformations en quelques décennies.

    Le notariat a procédé, dès les années 1960, à son examen de conscience. Il a par ailleurs fait face à la restructuration des professions juridiques déclenchée par la relance du processus d’intégration européenne. Ces évènements, dans un contexte florissant d’activité, contribuent à une augmentation du nombre de professionnels et à une transformation des modèles de référence identitaire, une partie des notaires affirmant clairement leur adhésion aux valeurs entrepreneuriales dès les années 1970 et 1980 (...)

  • Longtemps, les femmes à la tête d’entreprises sont restées en marge de l’histoire des femmes et de l’histoire du travail. Et pourtant… #femmes #travail #histoire

    https://sms.hypotheses.org/20387

    Des femmes à la tête d’entreprises au XVIIIe siècle ? L’histoire est méconnue et pendant – trop – longtemps, les entrepreneures sont restées en marge des recherches en histoire des femmes ou en histoire du travail. Pourtant, elles n’étaient pas si marginales qu’on ne l’a d’abord cru.

    Henri Hauser déclarait déjà en 1897 : « C’est une opinion assez généralement répandue que l’emploi des femmes dans l’industrie est une invention des temps modernes. On se figure volontiers que les siècles passés ont laissé exclusivement la femme à son rôle d’épouse et de mère ; c’est, dit-on, le régime capitaliste, c’est la liberté du travail et la machine, qui ont créé ces types nouveaux : l’ouvrière, la patronne, la jeune apprentie. Mais l’histoire constate qu’elle n’est en accord ni avec les faits, ni avec les textes. »

    Il a pourtant fallu attendre les années 1970 et l’avènement progressif d’une « histoire des femmes », dans la droite lignes des women studies américaines, pour que les historiens s’intéressent à la réalité du travail féminin (...)

  • Smartphones, applis… les défis du pistage massif pour lutter contre la pandémie
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/05/smartphones-applis-les-defis-du-pistage-massif-pour-lutter-contre-la-pandemi

    Chercheurs et politiques envisagent l’utilisation d’applications sur mobiles pour suivre les malades du Covid-19 et les personnes qu’ils ont pu infecter. Des pays ont franchi le pas. Le risque existe, en l’absence de garanties, d’aboutir à une surveillance de masse. Après les masques et les tests, les téléphones mobiles pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ? Le 26 mars, une vingtaine de chercheurs du monde entier ont mis en ligne un « manifeste » insistant sur l’utilité des données (...)

    #algorithme #Bluetooth #smartphone #GPS #anonymat #géolocalisation #consentement #métadonnées #BigData #santé (...)

    ##santé ##surveillance

    • Smartphones, applis… les défis du pistage massif pour lutter contre la pandémie
      David Larousserie et Martin Untersinger, Le Monde, le 05 avril 2020
      https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/05/smartphones-applis-les-defis-du-pistage-massif-pour-lutter-contre-la-pandemi

      Après les masques et les tests, les téléphones mobiles pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ? Le 26 mars, une vingtaine de chercheurs du monde entier ont mis en ligne un « manifeste » insistant sur l’utilité des données téléphoniques en temps d’épidémie pour « alerter », « lutter », « contrôler » ou « modéliser ».

      Chaque abonné mobile, en sollicitant des antennes relais, donne en effet à son opérateur un aperçu de ses déplacements. Les « simples » listings d’appels, après anonymisation, peuvent ainsi permettre de savoir comment se déplacent des populations, où se trouvent les zones à forte densité, donc à risque, de vérifier si des mesures de restriction de mobilité sont bien appliquées… Ces techniques ont déjà fait leurs preuves dans des situations de crise, notamment contre Ebola. Et le 3 avril, l’ONG Flowminder a publié un rapport préliminaire d’analyse des mobilités au Ghana, grâce à un accord avec Vodafone, permettant d’estimer le respect des restrictions imposées dans deux régions.

      Les données des opérateurs peuvent aussi améliorer les modèles épidémiologiques. Ceux-ci considèrent classiquement que les populations sont homogènes, avec des individus ayant les mêmes chances de se contaminer les uns et les autres. La réalité est évidemment différente : les contacts sont plus nombreux à l’école que dans une entreprise, les adolescents sont plus « tactiles »… Les téléphones peuvent quantifier ces interactions dans différents lieux, voire diverses tranches d’âge. Ils peuvent aussi donner des indications sur leurs évolutions entre période normale et confinée. Un sujet sur lequel va travailler une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en collaboration avec Orange.

      Mais les téléphones peuvent parler plus précisément. Chercheurs et responsables politiques envisagent sérieusement l’utilisation des mobiles pour révolutionner le contact tracing, ou « suivi de contacts ». C’est-à-dire le pistage, grâce à des applications installées sur les smartphones, des malades et des personnes qu’ils sont susceptibles d’avoir infectées.

      Censé garantir la protection des données personnelles

      La Chine, Singapour et la Corée du Sud ont déjà franchi le pas. Et de nombreux autres pays s’apprêtent à les imiter, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne. En Europe, le dispositif qui semble tenir la corde n’est pas exactement le même qu’en Chine. Plutôt que de savoir où s’est rendu un malade, l’idée est d’identifier qui cette personne a côtoyé. Et cela, sans nécessairement accéder à ses déplacements, mais en détectant les téléphones à proximité, grâce notamment à la technologie sans fil Bluetooth.

      Le 1er avril, PEPP-PT, un consortium de chercheurs européens, a annoncé être sur le point de lancer une infrastructure informatique permettant aux autorités sanitaires de construire une telle application de suivi des patients. Tout le code informatique sera ouvert, et le modèle est censé garantir la protection des données personnelles. Il doit permettre, espèrent-ils, de faire fonctionner ensemble des applications de différents pays, afin de s’adapter aux déplacements des populations. Les premières applications fondées sur ce protocole, dont les derniers tests sont en cours, pourraient arriver à la « mi-avril ». Plusieurs gouvernements suivraient de près leurs travaux.


      Une capture d’écran de l’application du MIT, déjà disponible.

      Aux Etats-Unis, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) développent une application similaire. Celle-ci fonctionnerait en deux phases. D’abord, il sera possible pour chaque utilisateur d’enregistrer, avec le GPS et le Bluetooth, ses déplacements et de les partager, ou non, avec une autorité de santé. Cette dernière pourrait, en agrégeant les informations reçues, diffuser les zones à risque auprès des utilisateurs. Les chercheurs assurent travailler sur des mécanismes cryptographiques rendant impossible pour l’autorité d’accéder aux données individuelles. Dans un second temps, les utilisateurs pourraient être avertis s’ils ont été en contact rapproché avec une personne malade. Cette équipe se targue, elle aussi, de collaborer avec de « nombreux gouvernements de par le monde » et d’avoir approché l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

      « Choix entre le confinement et le suivi de contact par téléphone »

      La confiance dans cette méthode de suivi des contacts s’appuie notamment sur une étude parue dans Science, le 31 mars, et réalisée par l’université d’Oxford. Les auteurs du rapport ont travaillé sur deux types d’actions censées calmer le moteur de l’épidémie (autrement appelé taux de reproduction, soit le nombre de personnes qu’une personne infectée peut contaminer) : l’efficacité à isoler les cas et la mise en quarantaine des personnes ayant été en contact avec un malade.

      « La transmission, dans le cas du Covid-19, étant rapide et intervenant avant que des symptômes n’apparaissent, cela implique que l’épidémie ne peut être contenue par le seul isolement des malades symptomatiques », préviennent les chercheurs. D’où l’idée d’isoler aussi les contacts d’une personne contaminée.

      Cette parade est ancienne et souvent utilisée en début d’épidémie pour la juguler et pour déterminer les paramètres-clés de la maladie. Mais la technique a ses limites, car elle demande de remplir des questionnaires et des enquêtes de terrain pour retracer les parcours et les interactions sociales.

      Les chercheurs britanniques d’Oxford estiment qu’il faudrait le faire avec au moins 50 % d’efficacité, voire 80 %, pour faire décliner rapidement l’épidémie. Or cela est impossible avec les méthodes de suivi de contacts habituelles. Seule une application sur smartphone remplirait les critères de quantité et de rapidité. « Le choix réside entre le confinement et ce suivi de contact par téléphone », résume Christophe Fraser, le responsable de l’équipe.

      Nombreuses limites

      Certains chercheurs estiment aussi que ces applications pourraient être utiles lors du déconfinement des populations pour éviter une flambée épidémique. « Plutôt que de mettre en quarantaine des populations entières, nous pourrions le faire seulement avec ceux pour qui c’est nécessaire. La seule façon de faire tout ça, c’est de manière numérique », a affirmé, lors de la présentation du projet PEPP-PT, Marcel Salathé, directeur du département d’épidémiologie numérique de l’Ecole fédérale polytechnique de Lausanne.

      Si ces applications présentent sur le papier un grand intérêt épidémiologique, personne n’a jamais tenté d’en développer une pour un pays entier en seulement quelques jours. Jusqu’ici, seules des initiatives localisées, aux résultats certes prometteurs, ont été expérimentées. « Mes collègues et moi pensons qu’une solution électronique de suivi de contacts à grande échelle peut fonctionner si des efforts considérables sont entrepris pour adapter son fonctionnement aux processus sanitaires existants, et si elle est adaptée à ses utilisateurs », explique le docteur Lisa O. Danquah, de l’école de santé publique de l’Imperial College, à Londres.

      Les limites à ce type d’applications sont nombreuses. D’abord, on ne sait pas tout sur le SARS-CoV-2 : pendant combien de temps un patient est-il asymptomatique et contagieux ? Sur les surfaces, à partir de quelle « quantité » de virus le risque de contamination apparaît-il ? Jusqu’à quelle distance et pendant combien de temps considère-t-on qu’il y a eu un contact à risque ?

      « Ce n’est pas une baguette magique »

      Du paramétrage du système dépendront le nombre de fausses alertes et le degré d’engorgement des lieux de dépistage. « Ces applications sont utiles, mais ce n’est pas une baguette magique. Cela peut faire partie d’un éventail de mesures. Il semble bien que les masques aient aussi un effet, par exemple, sur la propagation », rappelle Alain Barrat, physicien au Centre de physique théorique de Marseille, qui a travaillé avec des capteurs de courte portée dans des écoles et des hôpitaux pour recenser les interactions précises.

      Il n’est pas non plus acquis que le Bluetooth soit capable d’évaluer finement la distance entre les individus. Les développeurs de l’application de Singapour expliquent que, pour un usage optimal, l’application doit être ouverte en permanence.

      Par définition, ces applications ne fonctionneront que si elles sont installées par un nombre significatif d’individus. Le corollaire, comme le fait remarquer Michael Parker, professeur de bioéthique à l’université d’Oxford et coauteur de l’article de Science, est que les utilisateurs aient confiance dans le système.

      Le concept de données anonymes est trompeur

      Pour cela, il recommande la transparence du code informatique et son évaluation indépendante, la mise en place d’un conseil de surveillance avec participation de citoyens, le partage des connaissances avec d’autres pays… « Le fait que les gens restent libres de choisir et de ne pas installer l’application est aussi un garde-fou », ajoute-t-il. Un sondage réalisé les 26 et 27 mars par son équipe montre que 80 % des Français interrogés seraient prêts à installer une telle application. Une enquête qui a ses limites, les sondés s’étant prononcés uniquement sur l’application imaginée par les chercheurs, a priori peu gourmande en données personnelles.

      Ce type de dispositif de suivi, à l’échelle d’une population entière, pose justement la question des informations personnelles et de leur utilisation par les Etats. Même si le dispositif ne repose pas sur la géolocalisation et que ces données restent sur le téléphone, d’autres informations pourraient, en effet, être collectées. Et la question de la sécurité du code de l’application – une faille permettrait à des pirates de s’emparer des données – est entièrement ouverte.

      Quelle que soit la solution technique, ces dispositifs vont brasser des données très sensibles. Or, les scientifiques ont largement prouvé que le concept de données anonymes est trompeur. Certes, plusieurs experts estiment que ces applications ne sont pas condamnées à installer une surveillance de masse. Mais encore faut-il qu’elles fassent l’objet d’un développement informatique minutieux et vérifié, et qu’elles utilisent des algorithmes éprouvés. Le tout avec la mise en place de robustes garde-fous techniques et légaux. « Il est possible de développer une application entièrement fonctionnelle qui protège la vie privée. Il n’y a pas à faire un choix entre le “contact tracing” et la vie privée. Il peut y avoir un très bon équilibre entre les deux », assure Yves-Alexandre De Montjoye, expert reconnu, qui dirige le Computational Privacy Group à l’Imperial College de Londres. A condition de s’en donner les moyens.

  • Que serait la société sans école jadis préconisée de façon provocatrice par Ivan Illich ? L’école doit-elle détenir le monopole de l’éducation ? #Illich #école #société #éducation

    https://sms.hypotheses.org/10840

    Selon Alan Thomas et Harriet Pattison à qui l’on doit l’ouvrage À l’école de la vie, « tous les enfants apprennent à la maison. Dès la naissance, ils explorent le monde, faisant peu à peu de multiples découvertes sur leur environnement matériel, social et culturel ». Ces deux chercheurs en sciences de l’éducation ne s’intéressent pas seulement à l’école. Ils étudient aussi l’éducation en famille ainsi que les apprentissages qui se déroulent dans le cadre familial, et plus généralement dans le cadre de la vie quotidienne.

    Mais que serait une société sans école ? C’est à cette question provocatrice qu’Ivan Illich tente de répondre dans son célèbre ouvrage paru en 1971 sous le titre Deschooling society. La traduction française – Une société sans école – est d’ailleurs ambiguë car ce qu’Illich propose, ce n’est pas une société sans école, mais une société déscolarisée. Dans le mot anglais « schooling », il y a l’idée d’un processus : l’auteur nous invite à nous déconditionner, nous, petits êtres scolaires. Car nos systèmes de raisonnement sont trop influencés par l’école. Et si cette dernière est bien un lieu où l’on apprend, l’institutionnalisation de l’éducation à travers elle nous fait croire qu’il n’y a qu’à l’école que l’on apprend. Or comme Alan Thomas et Harriet Pattison le mettent en évidence dans leur ouvrage, on apprend partout et tout le temps (...)

  • Faites le care, pas la guerre | Nicolas Haeringer
    http://mouvements.info/covid19-faites-le-care-pas-la-guerre

    Partons donc de là : l’horizon de toute politique de soin, c’est l’égalité – une égalité réelle, qui ne se construit pas autour de référents abstraits. Une égalité qui passe par le refus d’isoler les causes et les luttes les unes des autres, afin de mieux pouvoir les hiérarchiser. Le Covid19 en fait la démonstration par l’absurde : considérer que le réchauffement climatique est une cause plus importante que la défense de l’hôpital public, que la critique du système carcéral ou que l’abolition des entraves à la liberté de circulation et d’installation, revient à accepter de sacrifier de nombreuses vies humaines. Source : (...)

  • Retour sur la vie et les recherches de Françoise Héritier (1933-2017), célèbre anthropologue féministe et engagée dans la Cité !
    #anthropologie #genre #féminisme #politique

    https://sms.hypotheses.org/12142

    Un seul clic sur le nom de Françoise Héritier sur Internet fait apparaître quantité d’articles de presse, d’entretiens, d’émissions radiophoniques ou télévisuelles. Nombre d’entre eux rendent hommage, après son décès survenu le jour de ses 84 ans, à l’anthropologue féministe, à la femme engagée. Mais aussi à l’écrivaine qui, au soir de sa vie, s’est livrée de manière sensible et intime sur les petits plaisirs de la vie (bibliographie, 2012, 2013 et 2017).

    Elle a souvent raconté sa jeunesse, sa vocation d’ethnologue, son rapport au terrain. De même, elle s’est efforcée de présenter le plus simplement possible le cœur de ses découvertes en anthropologie. En outre elle s’est exprimée sur des sujets d’actualité tels que le sida, la prostitution, les procréations médicalement assistées, le mariage de même sexe, etc. Elle revendiquait en effet la position « d’anthropologue engagée dans la cité », dont les connaissances sur les sociétés devaient être mises à contribution pour réfléchir sur les changements sociaux (...)

  • En cette période : difficile de faire un poisson d’avril… Interrogeons-nous plutôt sur l’humour et ses ressorts avec l’exemple du Gorafi !
    #humour #Gorafi #blagues #Rire #fake #information

    http://sms.hypotheses.org/10108

    Saviez-vous que l’humour est étudié par les sciences humaines et sociales ? Et bien oui, ce qui fait rire et les raisons pour lesquelles on rit, les mécanismes du rire, cela est aussi un l’objet d’étude pour les chercheurs. Bien sûr, un des lieux de prédilection de l’humour contemporain, c’est Internet et quoi de mieux comme « cobaye » que le Gorafi pour travailler sur l’humour ? C’est précisément ce qu’a fait Laurence Leveneur, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’IUT de Rodez, Université de Toulouse 1 – Capitole.

    Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, le Gorafi, anagramme de Le Figaro, grand quotidien français, est un site qui « se veut impartial et irréprochable » et qui entend « traiter l’information selon des sources contradictoires »… avant de préciser que « tous les articles relatés ici sont faux (jusqu’à preuve du contraire) et rédigés dans un but humoristique (...)

  • Amazon workers walk out over lack of protective gear amid coronavirus | Technology | The Guardian
    https://www.theguardian.com/technology/2020/mar/30/amazon-workers-strike-coronavirus

    More than 100 workers went on strike at a New York City facility after reports of multiple employees testing positive for Covid-19 Amazon workers walked out of a New York City facility on Monday, going on strike and demanding increased protective gear and hazard pay as they work through the coronavirus pandemic. “Since the building won’t close by itself, we’re going to have to force their hand,” Chris Smalls, lead organizer of the Staten Island strike, told CNBC. He added that workers “will (...)

    #WholeFoods #Amazon #conditions #santé #travail

    ##santé
    https://i.guim.co.uk/img/media/ad85662b6f4b46c3b1390c30d293ea047443b910/0_116_3500_2101/master/3500.jpg

  • En France, près d’un enfant sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Or pauvreté, précarité et exclusion s’imbriquent souvent...
    #enfance #pauvreté #précarité #éducation

    http://sms.hypotheses.org/2229

    a période de l’enfance est parfois jalonnée de barrières à dépasser, de défis à relever, d’épreuves à surmonter qui sont autant d’obstacles au devenir. On estime qu’en France un enfant sur cinq (soit 2.666.000) vivent en dessous du seuil de pauvreté (956 euros par mois). Ainsi, les différentes mesures étatiques pour lutter contre l’exclusion et la pauvreté n’ont pas fait reculer le nombre d’enfants en situation de pauvreté.

    Alors que les Droits de l’enfant sont sans cesse rappelés, les indices de pauvreté objective et subjective les remettent toujours en cause dans la mesure où tous les domaines d’existence (famille, santé, logement, éducation…) sont forcément interdépendants (...)