Mondes Sociaux

Magazine de sciences humaines et sociales en openaccess

  • Comment expliquer les inégalités face à l’enseignement scolaire ? Ou en est la reproduction sociale ? Comment prendre en compte les injustices entre les élèves ? #école #enseignement #chances #inégalités

    https://sms.hypotheses.org/8358

    Changements sociaux et question scolaire

    Les travaux pionniers conduits par Emile Durkheim sur l’éducation et le rôle socialisateur et intégrateur de l’école ont ouvert des pistes stimulantes. Elles permettent de comprendre les rapports complexes entre transformations sociales et mutations des systèmes d’enseignement. Pourtant, la sociologie semble avoir abandonné cette ligne, offrant souvent un point de vue restrictif sur l’école et ne l’inscrivant que partiellement dans son contexte socio-historique et politique.

    Ancrer l’école dans le cadre des évolutions que connaît la France contemporaine, tel est l’un des objectifs visés par notre dernier ouvrage. Ce faisant, et tout en mobilisant des données issues de recherches de terrain, ce sont également les modèles théoriques dominants, en l’occurrence les thèses de la reproduction, qui sont revisités. Nous n’abandonnons ni le projet d’une école plus juste, ni le fait que la sociologie doit aussi œuvrer à circonscrire les défis que le système éducatif doit relever (...)

  • Retour sur les arrestations, les conditions de vie et de travail des camps, mais aussi sur la place du Goulag dans l’économie soviétique : #histoire #politique #économie #travail #goulag

    https://sms.hypotheses.org/25252

    Goulag, mode d’emploi

    « L’archipel du Goulag » d’Alexandre Soljenitsyne et les « Récits de la Kolyma » de Chalamov ont contribué à faire connaître l’un des systèmes répressifs les plus meurtriers du XXe siècle. De 1920 à 1950, le Goulag, ou Direction Centrale des Camps, compta 20 millions de prisonniers, 6 millions de déportés, 4 millions de morts. Quand Joseph Staline proclamait que « la vie était devenue meilleure », un système concentrationnaire d’environ 400 camps voyait le jour sur le territoire soviétique. Hors norme, à la fois gigantesque et sans égal, il y emprisonna un soviétique sur six.

    Ces prisonniers – les zeks – étaient contraints de travailler jusqu’à l’épuisement dans le froid et le dénuement le plus total. Ils étaient condamnés à l’isolement, la peur et la faim au ventre. Au nom d’une volonté de développement économique, l’humiliation était permanente et leur existence en a longtemps été occultée à l’Est, et niée à l’Ouest.

    À travers différents exemples, Nicolas Werth rappelle les grands chantiers que furent le Canal Mer Blanche-Mer Baltique, la Voie morte. Il évoque les camps des îles Solovki, la Kolyma, Vorkouta et esquisse rapidement les portraits des bourreaux du Goulag que furent Dzerjinski, Iagoda, Iejov, Béria. Il rend hommage aux grands témoins persécutés tels que Soljenitsyne, Chalamov, Guinzbourg, Margolin, Rossi, Buber-Neumann et il n’oublie pas cependant toutes les victimes anonymes (...)

  • Les mesures visant à lutter contre la pandémie génèrent à la fois des contraintes et des opportunités pour les liens sociaux à distance : #covid19 #distance #liens #santé

    https://sms.hypotheses.org/25219

    Covid-19 et proximités : sous la distance physique, les liens sociaux

    Les proximités jouent un rôle central dans la crise du Covid-19. En effet, elles favorisent la propagation de la pandémie, réduisent les interactions humaines et sociales ou permettent d’échanger et de garder le contact à distance. Comment se rattachent-elles à leur ancêtre, la proxémique, ou à d’autres conceptions de la distance et de l’empathie développées par les sciences humaines et sociales ?

    Sidérante, la pandémie du Covid-19 nous a enfermés dans nos appartements, nos pavillons ou nos résidences secondaires, sans compter les premiers de corvée qui ont assuré tous les risques. La sortie qui s’en est suivie est celle de tous les dangers, sanitaires mais également économiques et sociaux.

    De masques en gestes barrières, de mesures de sécurité en restriction des réunions de groupe, elle impose la distance (ou distanciation) physique et l’éloignement de l’autre. Pourtant, derrière cette constatation simple se dissimulent des contraintes et des opportunités en termes de liens sociaux, et pour tout dire, de diverses proximités. Car si ces mesures favorisent la propagation de la pandémie ou réduisent les interactions humaines et sociales, elles permettent aussi d’échanger et de garder le contact à distance (...)

  • Ou rendre la parole aux jeunes filles jugées « déviantes » et enfermées pour être « préservées » #histoire #genre #film

    https://sms.hypotheses.org/25249

    Les ‘mauvaises filles’, les invisibles de l’histoire

    Les « mauvaises filles » sont les invisibles de l’histoire. Pourtant, elles incarnent bel et bien des figures de la révolte, contre les normes sociales et les normes de genre. Traditionnellement perçues comme des victimes au XIXe siècle, « filles perdues » recluses dans les Bon-Pasteur pour y être préservées, les adolescentes, sous le regard de la justice des mineurs au XXe siècle se muent en « rebelles ». Elles sont rétives à l’ordre sexuel, révoltées contre les règles du patriarcat, « incorrigibles » au sein des institutions de rééducation, insoumises à l’égard de la discipline sociale.

    Cette websérie documentaire s’attache à rendre la parole aux jeunes filles jugées déviantes en associant plusieurs formes de restitution : des portraits théâtralisés permettent d’incarner de manière sensible ces vies de « mauvaises filles », à mi-chemin entre le réel et la fiction. Des décryptages universitaires rendent compte du contexte historique et des ressorts sociaux et genrés de leur stigmatisation (...)

  • Une cartographie dynamique et interactive pour rendre compte de la multidimensionnalité des convois de déportés juifs : #histoire #déportés #cartographie

    https://sms.hypotheses.org/25271

    _ Cartographier la déportation des Juifs_

    Comment donner à voir la dimension exceptionnelle de la Shoah sur des cartes ? Celles relatives à la déportation des Juifs demeurent rares et sont généralement statiques : elles ne permettent pas de rendre compte de la finesse et de la complexité des phénomènes étudiés. À l’occasion de l’inauguration de l’espace mémoriel du camp des Milles sur le territoire communal d’Aix-en-Provence en septembre 2012, Serge Klarsfeld nous avait demandé la réalisation d’une carte numérique interactive de la déportation des enfants juifs de Paris. La carte avait ensuite été élargie à l’ensemble des communes de France.

    Suite à ces travaux portant uniquement sur les enfants, Serge Klarsfeld m’a demandé d’analyser aussi la déportation des adultes et il m’a remis une version électronique du Mémorial de la déportation des Juifs de France pour mener à bien ces recherches. Le Mémorial rassemble les déportés mais aussi les Juifs morts dans les camps français, ainsi que ceux qui ont été fusillés ou exécutés sommairement. Le fichier électronique répertorie 78 663 personnes dont plus de 11400 enfants. L’étude de ces données a donné lieu à la parution d’un ouvrage Convois, la déportation des Juifs de France aux édition du Détour, et, à terme, les cartes seront accessibles en ligne (...)

  • Sur et sous les rencontres en ligne. Analyse des multiples usages sociaux des sites de rencontre en ligne #numérique #Internet #rencontres #sexe

    https://sms.hypotheses.org/25214

    Match, Meetic, Okcupid, GrindR, Tinder, Happn, Bumble… Vous connaissez au moins l’un de ces sites ou application mobile. Objets d’un stigmate social au moment de leur création, les sites de rencontres se sont depuis démocratisés. Le succès est tel que ce marché a vu émerger de nombreux sites spécialisés, dont certains ont été déclinés en applis mobiles. Les rencontres en ligne sont ainsi devenues des rencontres à part. Elles bousculent les pratiques et les représentations, notamment par la privatisation de la rencontre : « spécifiquement et très explicitement consacrés à l’appariement de partenaires, les nouveaux services (…) font de la rencontre une pratique distincte, c’est-à-dire spatialement et temporellement circonscrite et dotée d’une finalité explicite ».

    Dans un récent travail de recherche, Marie Bergström a mené une enquête se plaçant à la fois du côté des concepteurs des sites (recensement des sites, analyse quantitative et qualitative des plateformes de rencontres, étude de la communication et de la publicité des entreprises) et des utilisateurs (analyse des annonces et des comportements de contacts, entretiens biographiques avec des inscrit(e)s). Elle a notamment constaté que les transformations démographiques sont à l’origine de nouvelles normes qui déterminent les usages des sites de rencontres. Retour sur les usages sociaux d’une pratique inédite (...)

  • Les parcours des universitaires en question. Comprendre les parcours à partir des expériences personnelles de chercheur.e.s #université #shs #carrières

    https://sms.hypotheses.org/23555

    Comment pensons-nous notre carrière ? Quels sens donnons-nous à notre métier ? Voici quelques questions à l’origine d’un ouvrage sur les carrières de chercheur.e.s. Elles ont suscité l’envie de lancer une réflexion collective sur les parcours académiques en partant des expériences personnelles et, ce faisant, de creuser l’exercice du métier d’ethnographe en anthropologie et sociologie, d’où une dernière question : quelle place réservons-nous à la démarche ethnographique dans notre pratique de recherche ?

    Pour y répondre, quatorze collègues aux profils variés ont été sollicités. Hommes et femmes, chercheur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s de générations différentes, ayant travaillé sur la France ou dans d’autres pays de monde ont accepté de se plier à l’exercice de la commande, autrement dit de rédiger une sorte d’ego-histoire professionnelle. Chacun.e était libre dans la formulation de son écrit et il suffit de lire les chapitres livrés pour s’en persuader.

    La particularité de ces récits personnels en fait toute l’originalité et toute la densité, mais elle fait également toute la difficulté de la présentation de cet ouvrage. Comment rendre compte des parcours sans trahir leur auteur. Ce constat nous a encouragé à présenter ici les points communs de ces textes et les questionnements qu’ils suggèrent, plutôt que leurs singularités (...)

  • La sexualité des garçons et des filles dans les années 1968... à travers les paroles des garçons. Partenariat avec le Centre d’Histoire Sociale #histoire #genre #sexualité

    https://sms.hypotheses.org/11494

    En s’appuyant sur les archives du COPES (Centre d’observation public de l’éducation surveillée), le chercheur Régis Révenin met en évidence une grande liberté sexuelle dont bénéficiaient les garçons, bien avant 1968, liberté dont ne disposaient pas les filles.

    L’histoire est marquée par un grand fossé entre deux éducations, deux socialisations, celle des femmes et des hommes que soulignait déjà Simone de Beauvoir.

    L’historien remet en cause la réelle importance de Mai 68 du point de vue de la libération sexuelle. Il s’appuie sur les archives du COPES pour montrer que cette liberté existait déjà pour les garçons, y compris en matière de pratiques homosexuelles. Lorsqu’elles avaient lieu, ces dernières ne renvoyaient pas forcément à une identité d’homme « gay », n’impliquaient pas automatiquement que le garçon se considère comme un « homosexuel ». L’assignation à une norme hétérosexuel/homosexuel n’était à l’époque déjà pas incontournable (les travaux de Régis Révenin semblent en cela s’inscrire dans une vision très foucaldienne, cf. Histoire de la Sexualité de Michel Foucault).

  • Le commentaire journalistique est révélateur des liens entre le sport (joueurs, publics..) et les médias. Il est présent dans les imaginaires et les mémoires #sport #médias #Journalisme

    https://sms.hypotheses.org/20657

    Aborder les rapports complexes entre le sport et les médias par le commentaire sportif peut sembler une perspective surprenante. Pourtant, le commentaire est un élément emblématique des liens entre ces deux univers.

    En effet, il est la manifestation première de la médiatisation du sport, celle de la retransmission. Il est présent dans les imaginaires car il n’est pas de film traitant du sport sans la présence d’un speaker, sans une séquence de radio/télédiffusion dans laquelle on entend le commentaire. Mais il l’est aussi dans les mémoires : on se souvient davantage des moments épiques ou désastreux des commentaires que des choix heureux ou malheureux de réalisation.

    Tout un chacun pense en connaître les arcanes, ayant vécu ses grandes heures en tant qu’auditeur ou téléspectateur français, se souvenant de ses « stars » (Roger Couderc pour le rugby, Thierry Roland pour le football…), ayant assisté ou entendu parler de ses dérapages, et éprouvé, en partie grâce à lui, les fameuses émotions sportives. Et pourtant… (...)

  • Philippe Ariès : (re)découvrez une œuvre majeure (traduite en 30 langues) sur l’homme devant la mort, la vie privée, le sentiment affectif dans la famille, l’enfance… #histoire #mort #famille #enfance

    https://sms.hypotheses.org/19899

    Traduit dans une trentaine de langues, Philippe Ariès (1914-1984) est l’auteur d’une œuvre majeure autour de thèmes aussi essentiels que le rapport à la vie dans l’histoire des populations françaises, le sentiment affectif dans la famille d’Ancien régime, l’homme devant la mort, la vie privée, l’ego-histoire et l’historiographie. L’originalité de son œuvre puise dans la singularité d’un parcours politique et intellectuel de l’Action française à l’École des hautes études en sciences sociales où il s’impose comme une figure de la « Nouvelle Histoire ».

    De façon paradoxale, c’est sa culture traditionaliste qui lui permet de cheminer vers une histoire des mentalités et vers une modernité qui surprend Michel Foucault, lorsque celui-ci écrit dans le Nouvel Observateur, le 17 février 1984, au moment de sa mort : « Une certaine manière de voir et d’aimer sa tradition avait fait découvrir à ce traditionaliste une autre histoire ». Un autre paradoxe de Philippe Ariès est d’avoir rédigé l’essentiel de son œuvre en dehors de l’Université, en « historien du dimanche », pour reprendre le titre de son livre-entretien avec Michel Winock (...)

  • Les handicaps invisibles à la Une du magazine Faire Face de juillet-août - Faire Face - Toute l’actualité du handicap
    https://www.faire-face.fr/2020/06/25/les-handicaps-invisibles-a-la-une-du-magazine-faire-face-de-juillet-aout

    80 % des handicaps ne se voient pas. Ni fauteuil roulant, ni canne blanche, ni quoi que ce soit laissant supposer l’existence d’une déficience. …

  • Qui sont les journalistes ? Un questionnement pour mieux comprendre le journalisme et sa crise actuelle #journalisme #medias #école #origines

    https://sms.hypotheses.org/24146

    La précarité du métier de journaliste est un fait social dorénavant bien étudié et documenté. La crise économique et les transformations assez brutales que connaît le secteur depuis presque vingt ans – et qui sont à l’origine de cette précarité – sont aussi des phénomènes connus. En revanche, les travaux se penchant sur les caractéristiques sociales des journalistes sont plus rares et surtout moins visibles. Leur intérêt n’est pourtant pas secondaire et théorique : il permet de répondre à une série de questions et de paradoxes que laissent en suspens les réflexions habituelles sur le journalisme et sa crise.

    Ainsi, alors que les mises en garde sont nombreuses pour qui veut s’engager dans cette voie professionnelle incertaine et précaire, comment expliquer que les vocations et les formations professionnelles se sont multipliées ? Quels sont les déterminants sociaux de la sélection des journalistes et leurs effets sur leurs trajectoires et leur pratique professionnelles ? (...)

  • Pierre Vidal-Naquet : un historien engagé ! Le regard distancié de François Dosse sur les multiples facettes de la vie de cet intellectuel reconnu militant contrer la torture #histoire #historiographie #université

    https://sms.hypotheses.org/25126

    Pierre Vidal-Naquet, est né en 1930 et mort en 2006. En mai 1944, à l’âge de quatorze ans, il voit disparaître à jamais ses parents, déportés par la Gestapo vers Auschwitz. Dans son ouvrage « Pierre Vidal-Naquet, une vie » François Dosse considère cet épisode comme l’évènement fondateur de sa vie. Il revient sur les multiples facettes de la vie de cet homme d’exception, historien qui a renouvelé le regard sur la Grèce antique tout autant que référence morale de toute une génération.

    Entré en histoire pendant la guerre d’Algérie, son premier engagement d’historien le voit en 1957 dénoncer la torture et les disparitions forcées à travers le cas de Maurice Audin. Il n’a cessé ensuite d’être vigilant, transformant le traumatisme de la mort de ses parents en pulsion d’engagement. Animé d’un souci constant de défense de la justice et de la vérité contre les mensonges d’État, il fut sans doute le dernier grand intellectuel « dreyfusard » du XXe siècle.

    Mais il fut tout autant un grand savant, s’affirmant comme l’un des piliers de l’école d’anthropologie historique, avec Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne notamment (...)

  • Au XIXe siècle, les odeurs corporelles sont fortement liées à la morale et à l’hygiène. Elles jouent un rôle important dans l’éducation des jeunes filles #genre #filles #odeurs #parfum

    https://sms.hypotheses.org/25137

    Au XIXème siècle, les odeurs sont entourées de beaucoup de mystères… Invisibles et immatérielles, longtemps comparées à des ondes ou à des molécules, elles restent fortement liées à des considérations morales, et sont souvent associées à la vertu ou au contraire, à la séduction et à la sexualité.

    Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, en particulier sous le Second Empire, la société française réaffirme fortement les valeurs familiales. En conséquence, l’éducation religieuse des jeunes filles connaît un nouvel essor : elle « s’attache moins à instruire qu’à former de bonnes ménagères et de pieuses mères de famille » qui doivent apparaître soignées. S’appuyant sur les nombreux manuels d’éducation qui apparaissent alors, ainsi que sur des textes d’auteur·e·s de l’époque, la chercheuse Érika Wicky montre à quel point la maîtrise des odeurs, incarnée par l’hygiène et la parfumerie, est associée à des enjeux sociaux majeurs.

    L’autrice étudie également la valeur métaphorique associée à l’olfaction. Celle-ci devient le moyen de rendre sensible aux jeunes filles des notions abstraites telles que la vertu, la pudeur ou l’innocence. Le discours médical prenant de plus en plus de place dans la société française de l’époque, cet article montre les contradictions entre les préconisations d’hygiène des médecins et des institutions religieuses. Selon l’autrice, « l’olfaction se trouve ainsi placée non seulement à l’articulation du matériel et du spirituel, du corps et de l’âme, mais aussi au carrefour de conceptions du corps divergentes » (...)

  • Désormais, le numérique est largement promu par l’Éducation nationale. Qu’est-ce que cela change dans les pratiques enseignantes ? #numérique #Internet #Ecole #enseignants #usages

    https://sms.hypotheses.org/25146

    « Mobiliser fortement les potentialités du numérique » tel est l’objectif que le Ministère de l’Éducation nationale (MEN) français présente dans son plan : le numérique au service de l’école de la confiance (2019). L’intégration des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation (TICE) engage l’ensemble du système éducatif dans des transformations pédagogiques et organisationnelles profondes, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur.

    Les enseignant.es sont ainsi invité.es à adapter leurs pratiques professionnelles à ces injonctions institutionnelles. L’Environnement Numérique de Travail (ENT), implanté en collège depuis maintenant plus de quinze ans, apparaît pour les instances décisionnelles comme un soutien à ces transformations. Il désigne un ensemble intégré de services numériques mis à disposition de tous.tes les acteur.rices de la communauté éducative d’un ou plusieurs établissements scolaires.

    Accessible par Internet, il est destiné aux enseignant.es, aux élèves, aux parents et aux personnels de direction. Parmi les modules de l’ENT proposés, nous distinguons principalement les services de gestion (cahier de textes), les services de mises à disposition des ressources (classe virtuelle), les services d’administration (gestion des usagers) et les services de communication et de collaboration (messagerie, forum) (...)

  • Façonner l’avenir numérique de l’Europe (Conseil de l’Europe 9 juin 2020)
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1311

    Le Conseil de l’Europe vient de publier son rapport « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », détaillant la prochaine étape de notre incarcération dans le filet cybernétique. On y lit par exemple, au point n°36 : " (Le Conseil) SOULIGNE que, dans le cadre du déploiement de nouvelles technologies telles que la 5G/6G, il convient de préserver les capacités des autorités répressives, des services de sécurité et de l’appareil judiciaire à exercer leurs fonctions légitimes efficacement ; TIENT COMPTE des lignes directrices internationales concernant les effets des champs électromagnétiques sur la santé ; RELÈVE qu’il importe de lutter contre la diffusion de mésinformations concernant les réseaux 5G, surtout eu égard aux allégations fallacieuses selon lesquelles ces réseaux constitueraient une menace pour la (...)

    #Service_compris
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/conseil-ue_faconner-avenir-numerique-eupope_conclusions_9juin20

  • Que peut faire l’historien de l’enregistrement et de la mise en archives des voix du passé ? Quels usages scientifiques et sociaux ? #histoire #historiographie #archives #oral #usages

    https://sms.hypotheses.org/25105

    Que les vivants puissent un jour écouter les morts. Ne serait-ce pas ce désir secret qui fonde en dernier ressort l’enregistrement et la mise en archives des voix du passé ? Vingt ans après L’historien, l’archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, qui a inspiré en France nombre de campagnes de collecte d’archives orales dans les administrations, les entreprises et les collectivités locales, il est temps de faire le bilan de la réintégration de la source orale dans la boîte à outils de l’historien et de poursuivre la réflexion sur les usages scientifiques et sociaux des témoignages oraux.

    La naissance de l’histoire orale au début des années 1970 doit être replacée dans une perspective longue – un siècle – d’innovation technologique, d’élargissement des sources documentaires et d’expansion historiographique autour de la parole enregistrée. On peut, bien sûr, évoquer la suspicion dont les « affirmations orales » ont fait l’objet lors de la fondation de l’histoire dite méthodique dans les années 1890 (non fixabilité, non vérifiabilité, inexactitude, subjectivité etc.), les occasions manquées de l’entre-deux-guerres, les avancées et les frilosités de la discipline jusque dans les années 1960 (...)

  • Covid-19 : le « Lancetgate » révèle des failles de l’édition scientifique
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/06/15/covid-19-le-lancetgate-revele-des-failles-de-l-edition-scientifique_6042946_

    Comment une petite société américaine est parvenue à accéder à un des plus grands journaux médicaux, et à travers lui, à infléchir la politique sanitaire d’un pays comme la France.

    Quelle sera la place de Sapan Desai au panthéon de l’inconduite scientifique ? Devra-t-on le classer au rayon des fraudeurs patentés, ou plutôt à celui des arrivistes aux données frelatées ? Ce médecin et entrepreneur américain, fondateur d’une obscure société, Surgisphere, est en tout cas parvenu, en quelques semaines, à cosigner des études sur le Covid-19 dans deux des plus prestigieuses revues médicales – le New England Journal of Medecine (NEJM) puis The Lancet – fondées sur des données de santé qu’il dit avoir collectées auprès d’hôpitaux du monde entier. Et ainsi à infléchir la politique sanitaire d’un pays comme la France – qui a abrogé l’usage de l’hydroxychloroquine contre le nouveau coronavirus –, et à faire suspendre des essais cliniques internationaux sur cette molécule, au plus fort d’une pandémie mondiale. Avant de choir de ce piédestal, ses données mises en cause, sa réputation en pièces et ses articles rétractés.

    Cette ascension et cette chute-éclairs mettent à nu certains des ressorts intimes de la recherche et interrogent sur la faillibilité du contrôle qualité dans la diffusion de la production scientifique, à la fois bien public et secteur économique hyperconcurrentiel. D’autant que s’ajoute à cette fable du « Lancetgate » un ingrédient, l’hydroxychloroquine, qui hystérise tout ce qu’elle touche.

    Sapan Desai, l’insaisissable
    Qui donc est Sapan Desai ? Insaisissable, le personnage nettoie aujourd’hui sa légende sur les réseaux sociaux et les sites Internet – celui de sa société Surgisphere est désormais suspendu –, comme pour cacher ses frasques et brouiller les pistes. Il n’a pas répondu à nos sollicitations. Agé de 41 ans, il est diplômé de médecine de […]

    #paywall

    • [...] Agé de 41 ans, il est diplômé de médecine de l’université de l’Illinois en 2006. L’année suivante, alors qu’il se spécialise en chirurgie vasculaire à l’université Duke, il crée Surgisphere, une société destinée à diffuser des manuels médicaux. En 2010, il fonde le Journal of Surgical Radiology, dont la parution cesse en 2013, alors même qu’il revendique 50 000 abonnés et près d’un million de pages vues par mois – « ce qui l’aurait placé dans l’élite de l’édition universitaire », ironise la revue Science. Le médecin, qui a passé un MBA en gestion de la santé à Salt Lake City, se serait alors réorienté vers la gestion de données hospitalières.

      Voici comment il se présente à travers la plate-forme Crunchbase : « Il est le visionnaire derrière QuartzClinical, une plate-forme d’analyse des données de santé basée sur le cloud qui aide les hôpitaux à repenser leur mode de fonctionnement. (…) Le docteur Desai aime former d’autres professionnels par l’intermédiaire de ClinicalReview, la filiale d’enseignement médical de Surgisphere et l’un des plus grands portails d’enseignement médical en ligne du monde. »

      La réalité cernée par les limiers de la presse anglo-saxonne et des réseaux sociaux est moins reluisante. The Scientist a ainsi relevé que certaines des distinctions dont se prévaut le chirurgien sont moins prestigieuses qu’il n’y paraît, que des médecins cités comme ayant plébiscité en ligne ses revues ont demandé que ces recensions soient effacées, car ils ne les avaient jamais écrites. Desai fait l’objet dans l’Illinois de plusieurs plaintes concernant sa pratique médicale – poursuites qu’il juge « infondées », indique The Scientist . Il a tenté une levée de fonds qui a tourné court pour la mise au point d’un système de stimulation cérébrale. Remontant plus encore dans le temps, la biologiste Elisabeth Bik, qui s’est spécialisée dans la détection de la fraude scientifique, a relevé des duplications d’images suspectes dans sa thèse de médecine.

      Sa société Surgisphere suscite bien des questions. Basée au domicile de Desai, elle revendiquait il y a peu une dizaine de salariés – l’un décédé, certains au CV peu en rapport avec l’activité de la société. Des « détectives » en ligne se sont particulièrement intéressés à la directrice des ventes, s’interrogeant sur son éventuel passé de modèle à Las Vegas ou d’actrice de films X… La société d’édition scientifique Elsevier a décidé de réexaminer l’ensemble des articles impliquant Surgisphere.

      L’intermédiaire et la caution intellectuelle

      A ce stade, il convient de présenter un autre protagoniste, Amit Patel, coauteur des articles désormais rétractés du NEJM et du Lancet . « Par mariage », dit-il, il fait partie des relations familiales de Sapan Desai. Chirurgien cardiaque, il était jusqu’à il y a peu rattaché à l’université de l’Utah, liens aujourd’hui rompus, indique celle-ci. La revue Science a noté que sur les 100 publications scientifiques listées sous son profil dans cette université, les deux tiers renvoient à des travaux signés par des homonymes. Il a fondé et collabore avec des sociétés commercialisant des traitements à base de cellules souches présumés lutter contre des problèmes cardiaques, le vieillissement ou les défaillances sexuelles. Les études cliniques vantant ces traitements semblent s’être arrêtées à des stades très préliminaires, constate aussi Science.

      Avant d’adopter le mutisme face aux questions de la presse, Amit Patel a indiqué sur Twitter avoir servi d’intermédiaire entre Desai et le troisième personnage central du « Lancetgate », Mandeep Mehra. Médecin formé en Inde, ce spécialiste respecté des transplantations cardiaques s’est hissé jusqu’à un des sommets de la médecine américaine, la Harvard Medical School. Son CV sans tache a sans doute retenu l’attention des éditeurs du NEJM et du Lancet quand il leur a soumis, avec Patel, Desai, et d’autres coauteurs, des manuscrits où la puissance des données fournies par Surgisphere était mise au service d’une cause urgente, la lutte contre le Covid-19. Il est le seul du trio à avoir fait montre de contrition : « Dans mon espoir de contribuer à cette recherche à une époque où les besoins sont grands, je n’ai pas fait assez pour m’assurer que la source de données était appropriée pour cet usage, fait-il savoir dans un communiqué. Pour cela, et pour toutes les perturbations – directes et indirectes – je suis vraiment désolé. »

      L’échantillon de Surgisphere impressionne

      Reprenons la chronologie de ces publications. La collaboration du trio s’est d’abord manifestée à travers une étude publiée en preprint, c’est-à-dire pas encore endossée par une revue scientifique. Mise en ligne en avril (et aujourd’hui retirée du site qui l’hébergeait), elle suggérait qu’un antiparasitaire, l’ivermectine, pourrait être efficace contre le SARS-CoV-2, en se fondant sur les dossiers médicaux de 68 000 patients de 169 hôpitaux dans le monde – un registre fourni par Surgisphere. Cette étude observationnelle avait conduit plusieurs pays, notamment en Amérique du Sud, à adopter ce traitement. Certains s’étaient cependant interrogés sur la méthodologie – l’épidémiologiste Dominique Costagliola (Sorbonne Université, Inserm) a qualifié l’article de « nul ».

      Ce n’était qu’un début. Le 1er mai, le New England Journal of Medicine publie une nouvelle étude associant le trio à d’autres chercheurs, montrant que la prise d’antihypertenseurs ne modifiait pas la mortalité chez les patients atteints de Covid-19. Cet article était accompagné de deux études allant dans le même sens publiées simultanément dans le NEJM. Fondé là aussi sur un registre de données de Surgisphere puisées auprès de 169 hôpitaux dans 11 pays, ce travail passe alors peu ou prou sous les radars.

      Le 22 mai, en revanche, quand The Lancet publie une étude signée de ces trois coauteurs et d’un chercheur suisse, l’attention des médias et des réseaux sociaux est immédiate. Mandeep Mehra et ses collègues constatent en effet que parmi des patients hospitalisés pour Covid-19, la mortalité et les arythmies cardiaques sont sensiblement augmentées chez ceux prenant de la chloroquine ou l’hydroxychloroquine, associée ou non à des antibiotiques comme l’azithromycine. Publiée après plusieurs études relevant l’inefficacité de la molécule vantée aux Etats-Unis par le président Trump sur la foi d’observations mises en avant par l’infectiologue Didier Raoult, ce nouveau résultat est repris par de nombreux journaux. Même s’il ne s’agit pas d’un essai contrôlé randomisé, qui apporte de meilleures garanties que cette étude de registre rétrospective, la taille de l’échantillon impressionne : 96 000 patients, 671 hôpitaux, toujours tirés des bases de données de Surgisphere.

      Les incohérences rapidement pointées

      Mais dès le lendemain, des voix se font entendre pour pointer des incohérences méthodologiques. En France, l’ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy, qui siège au conseil d’administration de l’IHU dirigé par Didier Raoult, met en doute le sérieux de l’étude. Une confusion de sa part fait penser qu’il l’a peut-être lue trop hâtivement. Didier Raoult ne tarde pas à qualifier l’étude de « foireuse ». Mais on s’interroge sur son parti pris : quelques jours plus tôt, n’a-t-il pas qualifié de « très bonne » une étude favorable à l’hydroxychloroquine conduite à l’hôpital de Garches, dont le preprint sera ensuite retiré à la demande de coauteurs ?

      Le cercle des critiques ne se réduit pas aux soutiens inconditionnels de l’hydroxychloroquine. Une lettre ouverte lancée par l’épidémiologiste James Watson, rattaché à Oxford, rassemble bientôt près de 200 signataires, qui soulèvent une dizaine de questions méthodologiques, mais aussi éthiques. Ils ne se contenteront pas d’un erratum du Lancet , qui admet une erreur de codage ayant fait passer des morts asiatiques pour australiens et publie un nouveau tableau de chiffres – rectification qui valide les interrogations de Philippe Douste-Blazy.

      Mais les critiques vont en fait bien au-delà, et l’impensable commence alors à être envisagé : se pourrait-il que le jeu de données fourni par Surgisphere ne soit qu’un mirage sorti du cloud ? Les experts mandatés par Mandeep Mehra pour auditer les données ne pourront jamais les voir. Surgisphere fait valoir la force des accords de confidentialité le liant aux hôpitaux qui interdiraient de donner accès à des tiers. Face à cette impossibilité matérielle de valider les données, Mehra, Patel et Frank Ruschitzka (hôpital universitaire de Zurich) demandent le retrait de l’article du Lancet – sans Sapan Desai. La revue britannique annonce la rétractation le 4 juin. Deux heures plus tard, le NEJM fait de même.

      Les turpitudes d’un modèle honni

      Que s’est-il passé ? Comment une petite société inconnue quelques semaines plus tôt a-t-elle pu publier des données invérifiables dans deux grandes revues médicales réputées impitoyables dans la sélection des manuscrits ?

      Le NEJM renvoie une part de la responsabilité aux reviewers, ces scientifiques, relecteurs bénévoles, qui épluchent les articles à la demande des revues et sont essentiels au contrôle qualité de l’édition scientifique. Mais aussi aux auteurs eux-mêmes : « Dans l’article, ils ont indiqué que tous se portaient garants de l’exactitude et de l’exhaustivité des données. » Le NEJM rappelle qu’il publie 200 articles de recherche par an, qu’il n’a rétracté que 18 articles au cours des vingt dernières années. Ce dernier cas est qualifié d’« aberrant ». « Cependant (…), nous sommes en train de revoir nos procédures, y compris la manière dont nous évaluons les recherches analysant de grands ensembles de données provenant de dossiers médicaux électroniques », nous a indiqué le journal médical.

      Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, expliquait dans un Tweet juste avant l’affaire que, même face à l’urgence du Covid, les procédures d’évaluation des manuscrits restaient aussi rigoureuses qu’auparavant. Au moment de boucler notre article, il ne souhaitait pas s’exprimer avant d’avoir démêlé comment avait pu se produire cette « fraude monumentale », comme il l’a qualifiée selon New York Times. Suprême ironie, Sapan Desai, qui avait écrit en 2013 un article dénonçant la fraude dans le secteur médical, avait volé au secours de l’intégrité des procédures du Lancet, le 20 mai, sur Twitter, deux jours avant la publication de son article…

      Dans le milieu de l’édition scientifique, ceux qui tentent de faire émerger ces dernières années des modèles ouverts prônant le libre accès aux publications scientifiques et un partage des données voient dans le « Lancetgate » un concentré des turpitudes d’un modèle commercial honni – Elsevier, propriétaire du Lancet et de 2 500 revues, dégageait en 2018 un bénéfice de 1 milliard d’euros, avec une marge de 35 %… Ces « machines à cash » sont accusées de faire passer le profit devant la qualité scientifique.

      « Le système ne fonctionne pas »

      Face à l’afflux d’études engendrées par la crise du Covid-19, certains grands acteurs, comme Nature, ont pris les devants en autorisant, voire encourageant, la prépublication des articles qui leur sont soumis : ce sont autant de relecteurs qui peuvent relever à l’avance les faiblesses d’un manuscrit et éviter des « sorties de route » dommageables.

      « Le système de prépublication a certes du bon, mais je suis terriblement gênée que ces résultats soient d’abord diffusés dans les médias, sur les réseaux sociaux, avant toute évaluation scientifique, commente la biologiste Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel 1988), qui préside l’un des comités Covid mis en place par le gouvernement. Cela me préoccupe. » Pour elle, des accidents comme celui arrivé au Lancet, « ce n’est pas si étonnant que cela en période de crise, dans des situations d’urgence comme celle-ci ».

      Pour certains observateurs, le mal est bien plus profond. « Ce genre de choses arrive souvent et nous devons arrêter de traiter chacune de ces histoires comme surprenante, estime le médecin et journaliste Ivan Oransky, fondateur du site Retraction Watch, spécialisé dans l’étude des dysfontionnements de l’édition scientifique. Le système ne fonctionne pas. » Et d’énumérer l’absence de transparence sur les reviewers et leurs revues, sur les données, la faiblesse des contrôles statistiques… « Il est clair que sur les 1 500 articles rétractés chaque année – dont les deux tiers pour mauvaise conduite –, il y a de nombreux problèmes liés aux données. »

      Selon Ivan Oransky, la crise engendrée par le SARS-CoV-2 n’a été qu’un révélateur : « Il n’y a pas tant d’experts du Covid que ça dans le monde. Comment peut-on imaginer qu’ils aient pu relire les 47 000 articles déjà publiés sur le sujet ? On demande donc à des chercheurs qui ne sont pas spécialisés. Mais ça arrive aussi en temps normal. » Pour lui, le système marque aussi trop de révérence envers les mandarins de la science. « Nous croyons trop, nous ne vérifions pas assez, c’est ce que cet épisode doit nous enseigner. » Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie à l’université Versailles-Saint-Quentin, confirme : « En ce moment, les éditeurs demandent d’évaluer des articles en quarante-huit heures et harcèlent les relecteurs avec plein de messages. Une fois notre avis rendu, on n’a aucune nouvelle, notamment des auteurs à qui l’on demande des précisions », regrette-t-il.

      Bernd Pulverer, éditeur en chef de The EMBO Journal , estime qu’un travail de vérification plus scrupuleux des reviewers du Lancet aurait pu leur mettre la puce à l’oreille, mais que les auteurs restent les premiers garants de la qualité de leurs données. « Pour les données cliniques, l’accès peut être compliqué pour des raisons de protection des patients. Elles ne sont souvent disponibles que sous une forme agrégée, anonymisée, rappelle-t-il. Cependant dans l’article du Lancet, il n’y a aucun accès aux données sources, seulement des tableaux avec des résumés. » Pour lui, la transparence « est au cœur de l’autorégulation scientifique ». Mais au-delà, « les journaux scientifiques doivent ouvrir la boîte noire du processus éditorial à l’examen du public ! »

      Les pouvoirs publics trop rapides ?

      Une dimension frappante du « Lancetgate », c’est aussi la rapidité avec laquelle les pouvoirs publics ont réagi à la publication du Lancet. Dès le lendemain, le ministère de la santé français saisissait le Haut Conseil de santé publique pour avis. Le HCSP a honoré la commande, rendant en un peu plus de vingt-quatre heures un rapport de 28 pages qui allait conduire à l’arrêt de l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19, décrétée le 27 mai. « The Lancet est une revue avec une bonne image, les auteurs stipulaient que leurs données étaient vérifiées, le papier avait été validé par les relecteurs et ses résultats étaient plausibles », justifie le virologue Bruno Lina, membre du groupe de travail consulté. « L’avis du HCSP s’est fondé sur le principe primum non nocere, d’abord ne pas nuire, avec en en arrière-plan l’idée de ne pas reproduire l’affaire du Mediator », résume-t-il. Ce groupe de travail aurait-il discerné les faiblesses de l’étude s’il avait eu plus de temps ? Le président du HCSP, Franck Chauvin, ne souhaite pas commenter, rappelant que « la publication du Lancet n’était qu’une des études prises en compte ».

      Interrogé le 9 juin au Sénat sur la rétractation de l’étude, le ministre de la santé a qualifié l’épisode de « regrettable », et de « douteuse » la qualité méthodologique de l’article. « Cela ne veut pas dire que le traitement en question ait fait montre de son efficacité dans des essais cliniques », a rappelé Olivier Véran, constatant que « le temps scientifique n’est pas le temps politique ».

      Le contrôle a posteriori qui caractérise la démarche scientifique, par la reproduction (ou non) indépendante des résultats et l’accumulation des preuves, montre ici ses limites en temps de crise, quand des décisions doivent être prises dans l’urgence, sous la pression des circonstances et des médias…

      Grand flou autour des données

      Reste le cœur du mystère Surgisphere. Ses données existent-elles vraiment, ou ont-elles été inventées ? Lu Chen, bio-informaticien aux National Institutes of Health américains, a été un des premiers à tirer la sonnette d’alarme à propos de la qualité de l’étude du Lancet. « Mais je crois toujours que la base de données entière existe, dit-il. J’ai enquêté sur le code source de l’outil de notation de la gravité du Covid [proposé en ligne par Surgisphere]. (…) Je ne crois pas que quiconque soit prêt à “inventer” ce modèle à partir de zéro ou en utilisant des données synthétiques. Mais il existe une zone grise entre l’existence et la qualité. »

      D’où ces données proviendraient-elles ? Plusieurs hôpitaux cités comme partenaires par Surgisphere ont nié lui avoir confié les dossiers médicaux numériques de leurs patients. Pour Nozha Boujemaa, spécialiste de l’intelligence artificielle appliquée à la médecine (Median Technologies) et contributrice du cahier « Science & médecine », il est tout à fait possible que Surgisphere ne soit qu’un intermédiaire, « une vitrine marketing », traitant des données aspirées par d’autres « en contrebande » dans les registres électroniques des hôpitaux. « Ce type de société existe. Elles proposent des logiciels gratuits, parfois directement intégrés aux systèmes d’imagerie. » Une façon commode de s’affranchir du parcours d’obstacle réglementaire pour accéder à des données sensibles – « c’est le même principe qu’avec la gratuité des services proposés par les géants du numérique », rappelle-t-elle. Mais la qualité de l’analyse clinique s’en ressent, illustrant l’adage garbage in, garbage out (quand on entre des ordures dans le système, il en sort des ordures).

      Mahmoud Zureik partage le même soupçon : « Je ne pense pas que ces données aient été inventées. Un fraudeur aurait pu faire mieux que ce qui a été publié » estime le chercheur. Il dit avoir déjà décliné des propositions de sociétés de service « qui aspirent ainsi des données au profit des industries pharmaceutiques. La direction de l’hôpital peut très bien ignorer cette pratique. Cela expliquerait la qualité médiocre des données et leur absence de représentativité ».

      Pour Nozha Boujemaa, les recherches cliniques académiques vont devoir se soumettre aux mêmes exigences de traçabilité et d’intégrité des données que celles imposées aux entreprises pharmaceutiques par les « gendarmes du médicament » que sont la FDA américaine ou l’EMA européenne : « L’intérêt du “Lancetgate” est de révéler ces failles, il va falloir en tenir compte. »

      « Imaginer qu’on va pouvoir contrôler toutes les données sources est utopique », estime pour sa part le cardiologue et pharmacologue Christian Funck-Brentano (La Pitié-Salpêtrière), qui rappelle en outre pourquoi le système a pu se laisser abuser : « Le fondement de la pratique scientifique, c’est la confiance. » Dans un commentaire publié par The Lancet le même jour que l’article du trio, il avait pointé des observations « intrigantes », sans suspecter la qualité des données. Il est pour lui « très frustrant que ceux qui se sont posé des questions aient d’abord été les religieux de l’hydroxychloroquine » . Le blogueur allemand Leonid Schneider, décapant investigateur des turpitudes du monde de la recherche, s’interroge à ce propos : si Sapan Desai ne s’était pas mis sur le chemin de cette molécule au centre de toutes les polémiques, aurait-il été si vite rattrapé par la patrouille ? Bonne question.

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      « LancetGate » : chronologie d’un double accident éditorial

      Avril 2020 Une étude en preprint suggère que l’ivermectine, un médicament antiparasitaire, peut être utile dans la lutte contre le Covid-19. L’article est notamment cosigné par Amit Patel (Université de l’Utah), Mandeep Mehra (Harvard School of Medicine) et Sapan Desai, fondateur de la société Surgisphere, qui a fourni les données médicales.

      1er mai Le New England Journal of Medicine (NEJM) publie une étude cosignée par ces trois mêmes auteurs montrant que les personnes sous antihypertenseurs ne sont pas à risque accru de décéder du Covid-19.

      22 mai The Lancet publie une étude où l’on retrouve les trois mêmes coauteurs faisant état d’une mortalité et d’arythmies cardiaques accrues chez les patients hospitalisés pour Covid-19 et traités par chloroquine ou hydroxychloroquine, associées ou non à des antibiotiques comme l’azithromycine.

      23 mai 13h29 Le directeur général de la santé Jérôme Salomon saisit le Haut Conseil de santé publique (HCSP) pour avis sur l’usage de l’hydroxychloroquine dans le cadre du Covid-19. Sur BFM-TV, l’ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy émet des doutes sur la qualité de l’étude du Lancet. Le lendemain, le HCSP rend un avis négatif.

      25 mai L’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce la suspension provisoire de l’inclusion de patients sous hydroxychloroquine dans son essai clinique Solidarity, destiné à tester plusieurs traitements contre le Covid-19. Dans une vidéo diffusée par son institut marseillais, Didier Raoult qualifie l’étude du Lancet de « foireuse ».

      26 mai Mise en circulation d’une lettre ouverte adressée au Lancet et aux coauteurs de l’étude recensant de nombreuses questions méthodologiques.

      27 mai Le décret qui permettait l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid-19 est abrogé par un nouveau décret. Les essais cliniques français impliquant l’hydroxychloroquine sont suspendus.

      28 mai The Lancet apporte un correctif à l’article de Mehra et al., mais indique que ses conclusions restent inchangées. Sapan Desai annonce un audit indépendant sur ses données.

      2 juin The Lancet met en garde ses lecteurs (« expression of concern ») sur le fait que « d’importantes questions scientifiques ont été soulevées concernant les données rapportées dans l’article de Mandeep Mehra et ses coauteurs ».

      4 juin The Lancet et le NEJM annoncent la rétractation des articles impliquant les données de Surgisphere. L’OMS indique reprendre l’inclusion de patients sous hydroxychloroquine dans son essai Solidarity : l’examen des données n’a pas mis en évidence sa toxicité.

      #Surgisphere #discordance_des_temps #recherche #édition_scientifique #données #santé_publique

    • Le blogueur allemand Leonid Schneider, décapant investigateur des turpitudes du monde de la recherche, s’interroge à ce propos : si Sapan Desai ne s’était pas mis sur le chemin de cette molécule au centre de toutes les polémiques, aurait-il été si vite rattrapé par la patrouille ? Bonne question.

      #CQ #HCQ

    • L’absence de toute liste des hôpitaux participant à l’alimentation de la base de données de Surgisphere tant dans les annexes de l’article que sur le site de la société mettait déjà une grosse puce à l’oreille.

      Ça montre aussi l’absence de curiosité des 3 co-auteurs sur l’origine des données. Sapai : j’apporte les données, vous faites le reste.

      Ça montre surtout le caractère stratégique d’un projet de mutualisation des compte-rendus hospitaliers qui pourrait fournir cette mythique base de données pour études rétrospectives. De façon moins branquignolesque que Surgisphere et avec un financement public. OMS ?

      Mais peut-être est-ce une utopie. Tant l’idée de tout déverser dans un même entrepôt peut être séduisante, tant la réalisation pratique doit nécessiter un investissement colossal pour rendre tout ça compatible et comparable.

      Pour terminer, notons que tous ces systèmes informatisés issus des DSI sont d’abord conçus comme des systèmes de gestion à finalité comptable : ils sont les supports de la tarification à l’acte. Il s’agit donc d’utiliser les données collectées pour des fins de recherche clinique complètement extérieures au système de gestion.

      Éternel problème de l’utilisation des #données_administratives

  • Que disent les sciences humaines et sociales de la place de l’irrationnel dans les sociétés contemporaines ? #irrationnel #sciences #fakenews #complotisme #altersciences

    https://sms.hypotheses.org/25099

    L’irrationnel peut être défini succinctement comme un mode de pensée qui se situe en dehors du domaine de la raison ou qui s’y oppose. Ce mode de pensée connaît depuis plusieurs années un essor important. En effet, il ne se passe pas un jour sans découvrir une remise en cause d’un vaccin, sans lire un article, voir un documentaire ou entendre une émission de radio dénonçant les supposés ravages de la rationalité scientifique.

    Certains essayistes en font même leur fonds de commerce vantant les mérites des médecines douces et de la méditation transcendantale, prétendant avoir découvert les causes de l’autisme, ou trouvant des raisons d’être dans la mise au jour de complots secrets internationaux. Dès lors, il était tentant de convoquer les sciences humaines et sociales pour étudier ces phénomènes dans les registres politiques, religieux, scientifiques et culturels et pour mettre au jour leurs mécanismes (...)

  • La Commission Culture du Sénat rend son rapport sur le système de recherche face à la pandémie

    Le sénateur Pierre Ouzoulias nous fait l’honneur de nous transmettre le résumé du rapport de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.
    Le groupe de travail de la commission de la culture du Sénat a rendu son rapport sur le système de recherche face à la pandémie.
    Il dit son admiration et sa reconnaissance pour la mobilisation exceptionnelle de toute la communauté scientifique.
    Néanmoins, il regrette le manque de #stratégie_nationale de recherche sur la Covid-19 et l’absence de structure de #pilotage_unique. Il demande la mise en place d’une stratégie nationale pilotée par une structure unique.
    Il regrette que l’absence d’organisation et de coordination entre les institutions a eu pour conséquence la diffusion de messages au mieux désordonnés, au pire contradictoires.
    Il note une dispersion des #financements sur un grand nombre de projets, alors qu’il aurait été plus pertinent de consacrer des montants plus élevés sur des projets bien ciblés.

    Il estime que la pandémie a mis en lumière les #carences_structurelles du #système_de_recherche français et plus particulièrement le décrochage de la #recherche_biomédicale.

    Ainsi, il regrette que les travaux de recherche sur les coronavirus ont considérablement été réduits il y a une quinzaine d’années en France, faute de financements et de programmation stratégique.

    Il estime que l’érosion continue des #dotations_de_base depuis plusieurs années oblige les opérateurs de recherche à se tourner de plus en plus vers les #financements_sur_projets.
    Or, ce mode de #financement est peu compatible avec la prise de risques et ne permet pas de mener des #projets_exploratoires.

    « Aussi, [il] estime indispensable de mettre un terme à la diminution constante des dotations de base des laboratoires de recherche et de rééquilibrer leur structure de financement entre ces dotations et les financements sur projets ».

    Il considère que l’épidémie de Covid-19 confirme la nécessité d’une #réforme globale de la recherche, qui tirerait les leçons de cette crise. Pour cela, il estime nécessaire :

    - d’amorcer une trajectoire financière ambitieuse qui permette d’atteindre l’objectif de 1 % du PIB consacré à la #recherche_publique ;
    - de rééquilibrer la structure de financement des #laboratoires_de_recherche entre dotations de base et financements sur projets ;
    – de revaloriser très nettement la #rémunération et le #statut des chercheurs.

    À très court terme, il rappelle la nécessité d’un indispensable soutien aux doctorants et post-doctorants pénalisés par la crise.

    Enfin, il déplore les excès médiatiques qui vont à l’encontre de la démarche et de l’#intégrité_scientifiques, lesquelles exigent de la méthode, de la rigueur, de l’esprit critique et de la discrétion professionnelle.

    https://academia.hypotheses.org/24538

    Le lien vers la synthèse du rapport :
    http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_culturelles/documents/GT_Recherche.pdf

    #rapport #recherche #pandémie #covid-19 #coronavirus #ESR

  • Retour sur Jean Rouch, le célèbre cinéaste-ethnologue. Quel est son héritage ? En partenariat avec CNRS Images #ethnologie #film #cinéma

    https://sms.hypotheses.org/23060

    Chercheur en ethnologie au CNRS et au Musée de l’Homme, Jean Rouch (1917-2004) a toujours été attiré par l’Afrique… et le cinéma. Il a, au cours de sa longue carrière d’ethnologue et de cinéaste, multiplié et encouragé les études de terrain dans plusieurs pays de ce continent. Il y a aussi réalisé en Afrique des dizaines de films, formant au passage plusieurs chercheurs et/ou cinéastes sur le terrain, puis à l’Université ParisX-Nanterre où il a créé en 1981 le premier Diplôme d’études approfondies (DEA, aujourd’hui M2 Recherche).

    Il a été un des pionniers et promoteurs du cinéma ethnographique (il a notamment participé, avec Marcel Griaule, Claude Lévi-Strauss et Denis Langlois à la création du Comité du film ethnographique), puis – avec le sociologue Edgar Morin – du cinéma-vérité dont il tourna en 1961 Chronique d’un été, considéré comme le film-manifeste du mouvement (...)

  • Depuis les années 1950, « les quartiers » ont souvent concentré inégalités, déclassement et précarité. Certains les fuient, d’autres les stigmatisent #ville #quartiers #urbanisme #inégalités

    https://sms.hypotheses.org/20940

    A la manière d’un écosystème naturel, la ville peut s’analyser comme mettant en scène des éléments naturels et artificiels dans un jeu complexe de relations. Cet écosystème semi-artificiel est fréquemment soumis à des changements, comme par exemple la construction de nouveaux espaces de vie ou la mobilité de sa population.

    La planification urbaine des années 1950 pensait résoudre un certain nombre de problèmes en construisant des grands ensembles. Mais elle n’avait pas suffisamment anticipé les problèmes qui allaient arriver vingt ans plus tard, ou tout du moins elle ne s’était pas donné réellement les moyens politiques d’y faire face.

    Il nous faut regarder d’abord le contexte social qui a permis l’émergence des grands ensembles, puis les types de populations qui les ont intégrés avant que ces grands ensembles ne soient remis en cause et les banlieues stigmatisées, et enfin le lien entre grands ensembles et problèmes des banlieues. L’ exemple concret des grands ensembles de la ville d’Avignon nous a servi de modèle (...)

  • Une révolution numérique serait en cours et l’École devrait en être partie prenante... Peut-être, mais avec quels objectifs, et comment ? #numérique #école #éducation

    https://sms.hypotheses.org/20136

    “S’il y a bien un domaine qui a besoin d’être hacké, c’est l’éducation”. C’est ainsi que Stéphanie Pfeiffer, créatrice de HackEdu (un hackathon dédié à l’éducation), introduisait l’annonce de cet évènement hébergé par l’une des principales entreprises françaises de formation en ligne, 360 Learning. Elle poursuivait : “Hacker c’est donc se rebeller, détourner les codes, être à la limite de la légalité… pour faire avancer la société (..) Parce qu’une action vaut mieux qu’une critique, j’ai créé HackEdu, avec une conviction : l’éducation ne peut-être disruptée que par ceux qui la font”.

    Le recours à ce vocabulaire de la « disruption » (anglicisme, de « rupture ») directement issu de la Silicon Valley aurait été impensable dans le contexte éducatif français avant les années 2010. On le voit aujourd’hui fleurir, dans un réseau français des EdTech de plus en plus visible et soutenu par un ministre lui étant particulièrement favorable. On se souvient que l’un des premiers gestes symboliques de Jean-Michel Blanquer, dès novembre 2017, avait été de soutenir un fonds d’investissement dédié à ces « EdTech ». Il déclarait alors : "Nous devons encourager l’industrie des EdTech et son développement dans le monde en dépassant les clivages public/privé" (...)

  • Paul Lazarsfeld est un chercheur nord-américain dont les travaux (médias, élections, consommation...) sont à la fois reconnus et contestés #médias #chercheur #médias #sociologie

    https://sms.hypotheses.org/19820

    Paul Felix Lazarsfeld a été en son temps un sociologue à la fois reconnu et contesté à l’échelle mondiale. Il faut dire que son parcours et sa production intellectuelle sont décalés par rapport aux trajectoires universitaires « classiques ». En tout état de cause, il est encore aujourd’hui une référence difficilement contournable pour ceux qui s’intéressent à l’étude des médias et plus particulièrement à leur influence, voire à la sociologie électorale. Enfin, il a joué un rôle important dans le développement des techniques d’enquête visant à collecter des informations ainsi que des sondages d’opinion.

    Il nait à Vienne le 15 février 1903 dans une famille juive intellectuelle très impliquée dans le Parti social-démocrate autrichien, alors largement dominé par le marxisme. Ce contexte militant marque profondément le jeune Lazarsfeld tant au niveau de ses études universitaires et de ses premiers pas dans la vie professionnelle, qu’à celui de ses engagements politiques. Cependant, un premier séjour aux États-Unis (1932), puis une immigration définitive dans ce pays changent radicalement la donne (...)

  • La fin du 19e siècle voit se constituer une revendication collective, organisée et inédite en faveur de l’accès des femmes aux titres universitaires et à des professions « réservées » aux hommes…
    #femmes #histoire #diplômes

    https://sms.hypotheses.org/20567

    Dans l’histoire européenne de l’accès des femmes aux professions, le passage du 19e au 20e siècle occupe une place particulière. Certes, il y a eu, à toutes les époques, quelques femmes exerçant des activités traditionnellement réservées aux élites masculines. De même, les femmes des classes populaires ont toujours travaillé en ville comme à la campagne.

    Mais la fin du 19e siècle voit se constituer une revendication collective, organisée et inédite en faveur de l’accès des filles aux titres universitaires ainsi qu’aux professions traditionnellement exercées par les hommes de la bourgeoisie. Dans les débats politiques et la production culturelle de l’époque, un nouveau personnage apparaît : la « diplômée ». Elle se confond alors avec la figure, redoutée par les uns, espérée par les autres, de « l’Ève future », de la « femme nouvelle », de la « féministe » ou de « l’émancipée », qui bouleverse la division ordinaire des rôles de genre dans la famille bourgeoise (...)